Atouts et vulnérabilités de la future loi de programmation militaire 2019-2025 (1/2)
Libre Propos de Michel Cabirol – La Tribune, posté le samedi 10/02/2018
Site de rediffusion : www.asafrance.fr
Les quatre atouts de la future loi de programmation militaire (1/2)
La future loi de programmation militaire relance indéniablement l’effort de défense de la France (près de 300 milliards d’euros) après une LPM de survie sous le quinquennat de François Hollande. Les crédits budgétaires en nette hausse vont permettre aux armées de faire souffler les hommes et les matériels. Sur la période 2019-2025, ils vont disposer de près de 300 milliards d’euros.
L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue. C’est le cas pour les militaires avec la future loi prochaine de programmation militaire (LPM), qui courra sur sept ans (2019-2025). Présentée jeudi matin en conseil des ministres, la LPM relance indéniablement l’effort de défense de la France (près de 300 milliards d’euros) après une LPM de survie sous le quinquennat de François Hollande. Comme il est indéniable que la préparation de cette LPM a été bien plus confortable que la précédente façonnée dans un contexte de réduction drastique de crédits… même si elle a été achevée en un temps record. Soit seulement quatre mois après la publication de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Pourquoi ? Parce que l’édredon (l’ensemble des besoins des armées sur toute la durée de la LPM) a été beaucoup plus facile cette fois à rentrer dans la valise (cadre budgétaire défini) nettement plus volumineuse que la précédente. Même si la LPM 2014-2019 a quand même réussi l’exploit, en dépit d’impasses sur des capacités opérationnelles, à conserver le modèle d’armée à la française. L’équipe actuelle hérite d’une armée à bout de souffle aussi bien les hommes que les matériels. A elle de les faire souffler grâce aux marges de manœuvre financière permises par la future LPM et de remettre un peu plus de cohérence dans le modèle des armées.
1/ Un effort financier significatif
La prochaine LPM prévoit sur une période de sept ans des besoins à hauteur de 295 milliards d’euros, couverts de manière ferme jusqu’en 2023 (198 milliards d’euros de crédits budgétaires)… à condition que les budgets soient exécutés à l’euro près chaque année. Le cadre financier des LPM n’a jamais été respecté jusqu’ici. En tout cas, la future LPM va porter l’effort de défense de la France à 1,91% du PIB en 2023, contre 1,78% en 2017.
« Les ressources pour les armées 2024 et 2025 seront précisées lors d’une actualisation prévue en 2021 », qui prendra en compte « la situation macroéconomique à cette date, dans l’objectif de porter l’effort national de défense à 2% du PIB en 2025 », a expliqué jeudi le ministère des Armées.
Pour réaliser cette montée en puissance, le budget des armées augmentera de 1,7 milliard d’euros par an entre 2019 et 2022, puis de 3 milliards en 2023. Sur la période 2019-2023, le montant du budget du ministère s’élèvera en moyenne à 39,6 milliards d’euros par an (hors pensions). Ce qui représente un effort de 7,4 milliards d’euros de plus par an en moyenne par rapport à la période 2014-2018 (32,2 milliards d’euros par an en moyenne). Au total, les ressources des armées augmentent de près d’un quart (+ 23%) sur la période 2019-2023 par rapport à 2014-2018. Ces crédits budgétaires supplémentaires permettront notamment la création de 3 000 postes civils et militaires (+ 3.000 postes créés en 2024 et 2025).
2/ Une accélération de la modernisation des équipements
Une accélération de la modernisation des parcs et des flottes étaient une demande récurrente des armées. Les crédits budgétaires supplémentaires vont le permettre. En tout cas, pour certains programmes comme Scorpion. Ainsi, à l’horizon 2025, la moitié des véhicules du segment médian aura été livrée dans le cadre du programme Scorpion : 936 véhicules blindés multi-rôles lourds Griffon, 150 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, 122 chars de combat Leclerc rénovés et 489 véhicules blindés multi-rôles légers VBMR-L. Ce sera le cas également des livraisons de fusils d’assaut HK 416 F qui seront accélérées (93 000 exemplaires livrés d’ici à 2025, contre 60 000 précédemment) ainsi que les missiles MMP ou Missiles moyenne portée (1 950 missiles livrés en 2025, contre 1 550 prévus auparavant).
Les cibles de certains programmes ont été par ailleurs augmentées comme l’avait révélé La Tribune. Pour l’armée de Terre, la cible des Griffon et des Jaguar augmentera dans le cadre de l’ambition opérationnelle 2030 respectivement de 150 véhicules (1 872 exemplaires) et de 52 exemplaires (300). C’est le cas également de Frotlog, le programme de pétrolier-ravitailleur pour la Marine réalisé en coopération avec l’Italie, dont la cible a été rehaussé à quatre (contre trois précédemment). Les deux premiers seront livrés en 2025. La cible de patrouilleurs a aussi été augmentée (19 bâtiments). Enfin, la rénovation des avions de patrouille maritime ATL2 sera pour sa part étendue à 18 appareils (contre 15) tous livrés avant 2025 pour faire face à la résurgence de la menace sous-marine.
L’armée de l’Air verra quant à elle les livraisons des avions ravitailleurs MRTT accélérées par rapport à la programmation précédente, pour permettre le renouvellement de la flotte antique des KC-135 (ravitaillement en vol et de transport stratégique) avec 12 appareils livrés d’ici à 2025 (pour une cible augmentée à 15). Enfin, la capacité de renseignement aéroporté sera renforcée avec la livraison d’un deuxième avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), pour une cible de 8 avions à l’horizon 2030 (contre deux).
3/ Un effort sur l’entretien programmé du matériel
La future LPM consacre un effort financier significatif à l’entretien programmé du matériel (EPM) qui doit permettre un relèvement important des taux de disponibilité des équipements des forces armées (22 milliards d’euros sur 2019-23, soit 4,4 milliards d’euros par an en moyenne, pour une programmation prévisionnelle de 35 milliards d’euros sur la période de la LPM 2019-2025). Cela représente un effort financier de plus de 1 milliard d’euros en moyenne annuelle par rapport à la LPM précédente. Cet effort doit contribuer au redressement du taux de disponibilité des matériels les plus critiques.
C’est d’ailleurs l’un des paris de cette prochaine LPM. Le ministère préfère élever le taux de disponibilité des équipements que d’en acquérir de nouveaux. C’est frappé au coin du bon sens… à condition que la réforme de l’organisation du maintien en condition opérationnel (MCO) porte rapidement ses fruits. Sinon les armées, engagées dans les opérations extérieures, devront faire face à une surchauffe de leurs moyens à l’image de l’armée de l’Air. Ce pari est l’une des clés de la réussite de cette LPM.
4/ Une LPM pour améliorer la vie des militaires
Florence Parly y tient. La ministre des Armées a voulu « une LPM à hauteur d’homme, pour redonner du souffle » aux armées. Ainsi, le ministère dépensera 12,7 milliards d’euros (contre 11,2 milliards sur la période 2014-2018) pour la solde des soldats par an et en moyenne sur la période 2019-2023 (63,7 milliards d’euros). En outre, 530 millions d’euros seront débloqués au profit des familles des militaires (Plan Famille) sur la période 2019-2025, dont 300 millions déjà planifiés sur 2018-2022. Enfin 3,8 milliards d’euros seront consacrés par an en moyenne aux dépenses de fonctionnement et d’activité entre 2019 et 2023 (19 milliards).
La LPM « à hauteur d’homme » prévoit également l’amélioration des conditions d’exercice du métier des armes. Cela se traduira par un effort accru au profit des équipements individuels du combattant, notamment pour sa protection. Par exemple, la LPM 2019-2025 prévoit les moyens nécessaires pour répondre aux besoins du militaire en matière de gilets pare-balles ou de treillis ignifugés F3. Ainsi, ces nouveaux treillis F3 seront distribués dès 2018 et 100 % du personnel militaire déployé en opération extérieure en seront équipés d’ici 2020. Concernant les gilets pare-balles de nouvelle génération, ils équiperont tous les militaires de la force opérationnelle terrestre d’ici à 2024 et les réservistes opérationnels dès 2019.