Hôpital : Le pôle d’excellence du traitement des brûlés de l’hôpital militaire de Percy menacé !

Hôpital : Le pôle d’excellence du traitement des brûlés de l’hôpital militaire de Percy menacé !

Libre opinion du Médecin général Hervé CARSIN.

ASAF-  Posté le vendredi 12 janvier 2018

http://www.asafrance.fr/item/hopital-reflexions-concernant-l-evolution-du-centre-de-traitement-des-brules-de-l-hia-percy.html

 

Le centre de traitement des brûlés de L’HIA Percy a été ouvert en 1961 dans une ancienne structure aujourd’hui disparue. Un nouveau centre bâti à l’emplacement du terrain de football de l’ancien hôpital a été inauguré en 1981, 20 lits dédiés aux brûlés.
L’ancien centre n’était pas encore totalement désaffecté qu’il a fallu le réactiver en complément du nouveau centre pour faire face aux victimes de l’attentat d’Orly (17 brûlés polytraumatisés admis le 15 juillet 1983).

Le choix du site de Percy était alors lié à la proximité du centre de transfusion et à la présence du centre de recherche du SSA, le tout (avec la présence du service d’hématologie) permettant une prise en charge optimale des brûlés et des victimes d’accidents radiologiques ou chimiques.

C’est cette même logique qui a présidé à la construction du nouvel hôpital Percy inauguré en 1996 et orienté vers la traumatologie de guerre. La piste d’atterrissage des hélicoptères est plus récente, liée à la volonté du président de la république de disposer d’une aire de poser dans un hôpital, les évacuations se faisant sur Issy les Moulineaux, cause d’un retard parfois préjudiciable (cf évacuation de  Nevers d’un ancien premier ministre victime d’une plaie par balle de la tête).  

Le centre de traitement des brûlés inauguré en 1981 était un modèle d’architecture hospitalière copié par bien des centres français et étrangers. Il était bâti autour d’une serre tropicale dans laquelle était rejeté l’air chaud du centre dont l’énergie était en partie recyclée. Cette serre qui offrait des conditions d’hospitalisation exceptionnelle présentait le défaut originel de n’être pas nettoyable et n’a donc pas été entretenue.
En 2009, le choix a été fait de démolir la structure et de la rebâtir, solution qui semblait moins onéreuse qu’une réhabilitation. 

Le choix de la capacité du centre a tenu compte de l’activité du centre existant, de la nécessité de pouvoir disposer de lits immédiatement disponibles et de la décision de l’APHP de regrouper les 2 centres de St Antoine et Cochin sur le seul centre de St Louis avec une diminution du nombre de lits de réanimation de brûlés.

L’apport du CTB à la connaissance des brûlures est indéniable : il a été le premier centre français choisi par les américains pour utiliser les techniques de cultures de kératinocytes en 1981. Depuis plus de 40 patients brûlés sur des surfaces supérieures à 80% voire 90 % ont pu bénéficier de cette technique avec une survie de 90 %, le centre était considéré par le professeur Green de Harvard, père de la technique de culture comme l’un des meilleurs au monde dans l’application de sa technique.

En association avec le laboratoire de Yann Barrandon à l’ENS le développement de cultures de kératinocytes sur fibrine a été mis au point, c’est ce type de cultures qui a été utilisé avec succès pour un transfert génétique dans le traitement d’épidermolyse bulleuse par une équipe allemande en association avec une équipe italienne.  Les laboratoires de l’Oréal ont proposé un support de recherche et un mécénat qui a permis de financer en partie le laboratoire de culture situé au CTSA.

Certains observateurs se sont étonnés du battage médiatique fait récemment autour du faux exploit de l’équipe du centre de St Louis et le silence de cette même presse concernant l’inauguration du nouveau centre de Percy!

C’est à Percy, en1996, qu’a été utilisé pour la première fois en France une peau artificielle.

C’est à Percy en 2007 que, pour la première fois au monde, étaient utilisées les cellules souches mésenchymateuses dans le traitement des nécroses cutanées radiologiques, résultat d’une association du centre de traitement des brûlés, du service d’hématologie, du CEA et du CTSA. Le centre de traitement des brûlés est depuis de très nombreuses années reconnu par l’AIEA comme centre de référence pour la prise en charge de ce type de patients.

Le CTB Percy a toujours répondu présent lors des différents évènements qui ont engendré un nombre important  de brûlés : attentat d’Orly,  bombes dans les grands magasins, attentats dans le métro, incendies d’hôtel,  incendies de cars ou de bateaux, explosion de gazoduc en Belgique… Mais aussi pour la prise en charge de brûlures particulières : irradiés de Forbach, brûlures à l’Ypérite de Verdun.

Cette parfaite connaissance du brûlé sert au quotidien les victimes militaires dont on sait qu’elles représentent un pourcentage important des blessés lors d’un conflit conventionnel. L’armée doit pouvoir disposer en permanence d’un centre capable d’accueillir un nombre de victimes important, aucun centre civil ne la fera pour elle.

Les accidents où coexistent 5 à 10 victimes  gravement brûlées ne sont pas rares (explosion d’un canon dans le désert irakien,  chute de l’hélicoptère présidentiel en exercice, accident d’aéronefs en Espagne), il nous faut enfin attirer l’attention sur le fait que le CTB supporte la BSPP où le risque de brûlures est  majeur.

Il me paraît important d’insister sur la très grande fragilité de la filière « Brûlés » française. La mise en place des inter-régions s’est traduite par une diminution du nombre de lits de brûlés dans un but de meilleure efficacité. Il existe théoriquement un centre par inter-région. La vérité est que ces centres ont les plus grandes difficultés à exister obligeant les administrations à des organisations qui vont à l’encontre des décrets d’août 2007 sur l’organisation des centres de Brûlés. Ainsi le centre de Bordeaux est dans la plus grande difficulté pour constituer une équipe médicale après le départ de certains médecins en retraite, le centre de Tours vivote et a été fermé pendant plusieurs mois, le centre de Montpellier a été éclaté entre plusieurs autres services, la fusion des 2 centres lyonnais se passe très mal et aboutira à une diminution des capacités d’accueil, le centre de Lille n’a pas de réelle équipe de réanimation etc. etc.

 Il faut 10 ans pour mettre en place et fidéliser une équipe de spécialistes des brûlés, il ne faut que quelques semaines pour la détruire. Il s’agit d’une spécialité très intéressante pour peu que le service où l’on travaille présente un certain dynamisme et que l’on vous reconnaisse dans votre travail. Il n’y a pas de secteur privé  et il est difficile d’attirer les jeunes médecins sans une certitude de carrière.

 Le CTB Percy est une véritable école, choisie par les jeunes médecins c’est un honneur d’y travailler, le profil des gens qui y exercent est en compète  adéquation avec l’esprit militaire, c’est un terrain de formation comme on ne peut pas en trouver ailleurs.

Le nouveau centre est parfaitement fonctionnel,  sans luxe indispensable, adapté à la pathologie qui doit y être soigné, il est le produit de tout le savoir faire des différentes générations qui se sont succédées.

Il est donc particulièrement déprimant d’assister à une inauguration où l’état d’esprit qui préside (et que l’on évite soigneusement d’évoquer publiquement) consiste à découper ce service nouvellement ouvert pour y associer le service de réanimation ce qui, à terme, aboutira à une disparition des brûlés et à la démotivation de l’équipe en place.

Les motifs invoqués sont

  • économiques : c’est un faux argument car le service est remboursé  des soins effectués.  Les lits mis à disposition pour les évènements civils  ne sont jamais facturés ni la disponibilité des équipes ;
  • démographiques : le nombre de brûlés militaires est insuffisant pour le justifier : le nombre total de blessés en service ne justifie pas un hôpital et le maintien de la compétence justifie l’activité au profit du secteur civil.

 La fermeture partielle du Centre de Traitement des Brûlés serait un très mauvais signe pour tous les personnels qui y verrait brader une partie de l’activité service où l’on est encore leader. Sans doute un prélude à la disparition des hôpitaux militaires.

MGI (2S) Hervé CARSIN