Les forces françaises auront-elles bientôt la capacité d’aveugler les satellites adverses avec des lasers?
« Les lasers peuvent également être une arme de guerre spatiale opérée depuis les bateaux : ils peuvent ainsi aveugler des satellites d’observation pour assurer la dissimulation de forces navales en situation de conflit », avait-il en effet développé lors d’une audition parlementaire.
Une telle capacité pourrait effectivement avoir un intérêt pour une opération aéronavale ou amphibie, ce qui éviterait, par exemple, de calculer l’heure des raids ou d’un débarquement en fonction des fauchées des satellites, ce qui complique évidemment la tâche.
Visiblement, la Direction générale de l’armement [DGA] y travaille, comme l’a indiqué Emmanuel Chiva, son patron, à l’occasion d’une audition au Sénat [le compte-rendu vient d’être rendu public].
« Nous avons […] prévu ce que nous pouvons appeler de grands démonstrateurs signaux, consistant en des capacités au sol d’illumination laser de satellites adverses. », a en effet confié le Délégué général pour l’armement [DGA]. « Je pense que nous n’en sommes pas très loin », a-t-il précisé.
Cela étant, la DGA ne part pas d’une feuille blanche en la matière, notamment grâce aux travaux de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] qui, dans les années 1990, mena des « essais grandeur nature de neutralisation de satellites en fin contractuelle de vie opérationnelle », ce qui lui permit de recueillir des données, en particulier sur les niveaux d’énergie nécessaires.
« Nous travaillons sur une technologie dite d’optique adaptative. L’effet recherché n’est pas de détruire l’objet, mais de l’empêcher d’effectuer sa mission. En concentrant l’énergie sur la cible, on pourrait endommager les panneaux solaires d’un satellite ennemi, ou pénétrer par ses fenêtres optiques et l’éblouir », avait par ailleurs expliqué un responsable de l’ONERA dans les pages de l’hebdomadaire Challenges, en 2019.
Par ailleurs, et compte-tenu du risque d’interception des communications par satellite, la DGA conduit également le projet Keraunos, dont l’objectif est d’expérimenter une liaison de communication optique, à base de laser haut débit, entre un nano-satellite en orbite basse et une station sol sur Terre.
« Les liaisons laser sont, par définition, difficiles à intercepter et parce qu’avec ce type de technologie, la station au sol pourra être mobile et embarquée dans un véhicule. Cela nous donne des capacités considérables, résilientes à un certain nombre d’actions que pourraient tenter nos compétiteurs », a expliqué M. Chiva, en évoquant ce projet sans le nommer.
Reste à voir l’effort qui sera consenti en faveur des capacités spatiales dans le cadre de la prochaine Loi de programmation militaire. Celle qui est encore en cours avait prévu un investissement de 4 milliards d’euros, afin de renouveler une partie des capacités des forces françaises.
« L’enjeu de la prochaine LPM sera de confirmer cet effort dans la durée et de garantir une cohérence dans les différents programmes, puisque beaucoup ont un lien avec le domaine du spatial », a seulement dit M. Chiva… Mais au moment de son audition par les sénateurs, tous les grands arbitrages n’avaient pas encore été rendus.