Renouveler les capacités de franchissement de brèches humides ou sèches de la Composante Terre belge, voila l’objet d’un programme lancé fin juillet et pour lequel l’industrie française aura une carte à jouer.
Approuvé mi-juillet par le gouvernement belge, le programme est depuis peu entré en phase d’appel à candidature (RFP). L’enjeu ? D’une part, l’acquisition de huit systèmes de pose de ponts tactiques (Mobile Assault Bridge – MAB) et de 17 ponts. Et d’autre part, le soutien des systèmes acquis pour une durée de 10 ans. De quoi renouveler une capacité relevant des bataillons de génie et dont l’importance pour la mobilité militaire revient sur le devant de la scène.
Ce MAB sera « un véhicule à roues équipé d’une cabine blindée permettant la pose et la reprise de ponts tactiques de manière autonome ». Exit donc la chenille privilégiée jusqu’alors avec les chars lanceurs de pont Iguane (Leguan) sur châssis Leopard 1, place à un outil visiblement monté sur un châssis 10×10 afin de conserver « une grande mobilité tactique et une capacité tout-terrain ».
Ce poseur de ponts présentera une protection de niveau 3a/b contre les mines, de niveau 3 contre les menaces balistiques et une protection minimale contre les engins explosifs improvisés. Un bouclier complété par l’ajout d’un tourelleau téléopéré sorti des stocks belges, de lance-pots fumigènes ainsi que d’un système de protection NRBC.
Quant aux travures, celles-ci auront une longueur minimale de 22 m. De classe MLC 80, ces ponts permettront le franchissement de l’ensemble des véhicules à roues et chenillés aujourd’hui en service. Ils disposeront par ailleurs d’un système « Health & Usage Monitoring System » (HUMS), ces capteurs permettant de déterminer la charge réelle et de prédire l’ « état de santé » donc la durée de vie du système.
Cet avant-goût de cahier des charges s’accompagnent de plusieurs exigences opérationnelles, à commencer par les dimensions. « La longueur du pont est un facteur tactique déterminant. Un pont plus long offre une plus grande flexibilité au commandant tactique dans le choix du site de franchissement », estime une Défense belge selon qui « un pont de 26 m permet également de dépasser la capacité de franchissement d’assaut russe ».
Second critère majeur, l’interopérabilité est souhaitée avec un maximum de pays membres de l’OTAN. Et si le projet semble s’inscrire en dehors du partenariat stratégique franco-belge « Capacité Motorisée » (CaMo), l’argument d’un nouveau rapprochement capacitaire avec l’armée de Terre pèsera dans la balance. La modularité du système, enfin, est recherchée dans une moindre mesure. Il est en effet « souhaitable que que le pont long puisse être transformé en deux ponts courts» pour mieux s’adapter à la brèche rencontrée et ainsi « économiser des moyens de franchissement lors de la manoeuvre tactique ».
L’investissement est évalué à plus de 85 M€, un effort représentant plus du tiers des 235 M€ inscrits dans le plan STAR pour renouveler les capacités du génie. Un document adopté en 2022 pour définir la transformation de la Défense à l’horizon 2030 et dont la mise à jour pourrait être conduite par le prochain gouvernement belge.
Ce type d’engin n’est maîtrisé que par une poignée d’industriels. Hormis KNDS Deutschland et son Iguane agnostique du porteur, le besoin belge n’est pas sans rappeler le système de pose rapide de travures (SPRAT) adopté côté français. Utilisé depuis 2011 par l’armée de Terre et modernisé il y a peu, le SPRAT de CNIM Systèmes Industriels permet de déployer deux ponts courts de 14 m ou un pont long de 26 m composé de deux travures en une dizaine de minutes. Des atouts à combiner avec l’éventualité d’une interopérabilité franco-belge renforcée.
Christian Lequesne, spécialiste des relations internationales, est professeur à Sciences Po. Il est notamment l’auteur d’une remarquable « Ethnographie du Quai d’Orsay » (CNRS Éditions, coll. « Biblis », 2020). Il dirige un nouvel ouvrage fondateur : « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021. Propos recueillis par Eléna Roney, étudiante en 3ème année de Licence à Paris 3 (Sorbonne-Nouvelle) en majeure études internationales, mineure anglais.
La diplomatie publique est-elle aujourd’hui plus efficace que la diplomatie dite traditionnelle ? Une nouvelle forme de guerre, celle de l’information, remplace-t-elle la guerre “traditionnelle” caractérisée par des combats armés ? Comment la France pourrait-elle améliorer l’efficacité de sa diplomatie publique ? Voici quelques-unes des questions posées par Eléna Roney à Christian Lequesne qui vient de diriger « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po.
Initialement publié sur Diploweb.com en 2021, nous remettons cet entretien à l’honneur dans le contexte des JOP de 2024. Beaucoup conviendront que ces JOP sont aussi un succès d’image.
Eléna Roney (E.R.) : Comment expliquez-vous que vous soyez le premier chercheur en France à consacrer un ouvrage à la diplomatie publique, alors que celle-ci occupe une place très importante dans le champ des relations internationales, et ce depuis plusieurs décennies ?
Christian Lequesne (C.L.) : En France le concept importé des États-Unis de public diplomacy a davantage tendance à se traduire par “diplomatie d’influence” que par diplomatie publique. En effet, en langue française, l’adjectif “public” se rapporte à ce qui a trait à l’État plutôt qu’à la société. De plus, une opinion à mon avis encore majoritaire en France est que la puissance d’un État se fonde plus sur le hard power, sur sa puissance militaire et la diplomatie coercitive que sur une influence culturelle et médiatique. Cela est en partie dû à l’histoire et au passé de puissance de la France, qui au fil des siècles a appuyé son influence sur des interventions militaires et un pouvoir coercitif.
Définition de la diplomatie publique : “A la différence du soft power, qui décrit un état de fait, la diplomatie publique (appelée diplomatie d’influence en France et au Québec) est la construction volontariste d’une médiation par une autorité politique. Le plus souvent un État, cette autorité peut aussi être une organisation internationale (l’Union européenne ou l’OTAN ont des diplomaties publiques) ou un gouvernement infra-étatique. […] Elle consiste pour une autorité politique (le plus souvent État, comme nous venons de le voir) à demander à ses agents de réduire l’écart, ou l’éloignement, avec une autre autorité politique (le plus souvent un autre État). La diplomatie publique a toutefois ceci de spécifique que l’acte de médiation ne vise pas seulement les représentants de l’autre entité politique, mais la société dans son ensemble. Le principal interlocuteur du diplomate public n’est pas le diplomate de l’autre État, mais l’ensemble des acteurs composant la société.” C. Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021. p.14-15
Ainsi, la diplomatie publique a-t-elle été un peu reléguée dans le champ des sciences sociales au rang des accessoires mineurs, car considérée à tort comme moins efficace et moins importante que le hard power.
E. R. : Pensez-vous que la diplomatie publique est aujourd’hui plus efficace que la diplomatie dite traditionnelle ?
C.L. : La diplomatie publique appartient complètement à la diplomatie traditionnelle en cherchant à influencer les opinions publiques étrangères. Depuis plusieurs années, elle est de plus en plus développée, car elle permet aux États d’élargir leur influence par rapport à de simples relations inter-gouvernementales, et elle touche le public de plus en plus facilement grâce à l’essor des réseaux sociaux.
Cependant, chaque État développe plus ou moins tel ou tel type de diplomatie en fonction de ses ressources et de ses objectifs. Ainsi, au sein de chaque État existe-t-il une réflexion autour de l’exercice de la puissance. Après analyse, selon ses capacités et ses caractéristiques, l’État choisit de porter ses efforts sur la puissance militaire ou le soft power, et parfois les deux. Ceci est valable aussi bien pour des démocraties que pour des régimes autoritaires.
Pour donner des exemples de spécialisation, la Suisse, pays neutre sur le plan militaire, donne l’avantage à la diplomatie publique. L’État suisse participe ainsi à l’aide au développement ou encore, pour choisir un exemple très concret, à la rénovation en Albanie d’une ancienne prison datant de la dictature d’Enver Hoxha pour en faire un lieu de mémoire sur les crimes du communisme. En participant à ce travail de mémoire, la Suisse donne d’elle l’image d’une nation démocratique responsable, aussi bien en Albanie que dans la communauté internationale. La Norvège privilégie également la diplomatie publique, ce qui a pu notamment se traduire par sa participation à la rénovation du fort millénaire de Lahore au Pakistan. Participer aux travaux de rénovation permet à Oslo de montrer qu’elle s’intéresse à la culture et qu’elle cherche à la préserver. La Russie quant à elle à une inclinaison naturelle pour le hard power, intervenant dans de nombreux conflits armés, mais elle se sert de plus en plus des réseaux sociaux afin de diffuser ses messages politiques dans les opinions publiques étrangères, comme cela a pu se voir lors de la campagne présidentielle américaine de 2016 ou française de 2017.
E.R. : Quelles sont les idées reçues qui circulent dans le débat public sur la diplomatie publique, et plus généralement sur la diplomatie ? Lesquelles vous irritent le plus ?
C.L. : L’idée reçue principale qui circule au sein de la société sur la diplomatie est une affaire de secrets et de connivences entre responsables politiques au plus haut niveau. Il est certain qu’il reste une part de secret indispensable dans la diplomatie. Cette part de secret par exemple se manifeste lors des échanges d’otages ou de la préparation des interventions militaires. Cependant, la diplomatie se limite de moins en moins à ce que Richelieu appelait le « cabinet noir ». La diplomatie se doit de concevoir de plus en plus des actions ouvertes aux sociétés. Les ambassadeurs parlent de plus en plus dans les universités, se rendent dans les foires commerciales, visitent les collectivités locales dans le but de donner une « bonne » image de leur pays. Parler aux publics autres que les gouvernements est devenu une part essentielle de la diplomatie contrairement à l’idée reçue qui a tendance encore à ne voir que l’ambassadeur enfermé dans sa salle de négociation.
E.R. : La télévision utilisée à des fins de diplomatie publique est-elle véritablement efficace pour changer l’opinion publique ? Les téléspectateurs des chaînes implantées à l’étranger ne sont-ils pas déjà d’accord avec la ligne idéologique de la chaîne qu’ils regardent ?
C.L. : Les effets de la diplomatie publique sur l’opinion publique font partie des choses les plus difficiles à mesurer. Simplement, s’il existe un tel déploiement de moyens financiers, matériels, et humains pour faire exister des chaînes de télévision à portée internationale, c’est que les États y trouvent un intérêt. Un sondage datant d’il y a quelques années a par exemple montré que l’électeur classique du Rassemblement national trouvait très justes les informations sur Russia Today, et que de nombreux téléspectateurs réguliers de la chaîne en France se sentaient une certaine proximité avec les idées de l’extrême droite. L’idéologie du gouvernement de Vladimir Poutine parvient ainsi à toucher une partie de l’opinion publique française et à influencer les résultats d’élections. Ce n’est un secret pour personne que Vladimir Poutine a affiché en 2017 son soutien à Marine Le Pen, et Russia Today a fait de cette dernière un portrait souvent complaisant dans ses émissions diffusées en France.
E.R. : Estimez-vous qu’aujourd’hui il y a un changement de paradigme dans les relations internationales, et qu’une nouvelle forme de guerre, celle de l’information, remplace la guerre “traditionnelle” caractérisée par des combats armés ?
C.L. : Tout d’abord, il faut distinguer les médias ayant une indépendance rédactionnelle des médias sans aucune indépendance, comme Russia Today ou Sputnik. Mais le véritable enjeu communicationnel aujourd’hui pour la diplomatie publique se joue autour des médias sociaux. Les régimes non démocratiques l’ont parfaitement compris. Ces derniers se servent des réseaux sociaux comme un outil de propagation de leur modèle, voire de conflit. C’est ce qu’il s’est passé en 2016 aux États-Unis où la Russie a propagé de nombreuses fake news sur Facebook et a instrumentalisé le réseau social afin d’influer sur les élections présidentielles américaines et de pousser les Américains à voter pour Donald Trump. Il s’est passé la même chose lors des élections présidentielles en France en 2017 où la Russie a lancé une large campagne en faveur de Marine Le Pen sur les réseaux sociaux, et a diffusé des contenus complotistes contre le candidat Emmanuel Macron.
Les réseaux sociaux représentent aujourd’hui un véritable enjeu, car il est difficile d’identifier qui est derrière la diffusion de messages, les traces pouvant même être brouillées afin de faire accuser ses ennemis politiques, comme la Russie l’a beaucoup fait avec l’Ukraine. En effet, la Russie a partagé de nombreux messages depuis une adresse IP située en Ukraine, afin de faire désigner cette dernière coupable.
Contre la multiplication des fake news, des politiques d’État sont nées. En effet, les États ont dû mettre en place une vérification régulière des informations publiées et échangées sur les réseaux sociaux. Désormais, dès qu’une fake news est identifiée, il est publié des contre-messages. Ces derniers doivent être publiés au plus vite, afin d’empêcher l’opinion publique de croire aux fausses informations diffusées et donc éviter un éventuel changement d’opinion.
E.R. : Dans quelle mesure la diplomatie publique des États reflète-t-elle les inégalités entre les pays, notamment au niveau de la représentation médiatique internationale, ainsi qu’une forme de néocolonialisme de la part des anciens pays colonisateurs sur les anciens pays colonisés ?
C.L. : Pour avoir une diplomatie publique efficace, un État doit en effet disposer de moyens financiers, humains et matériels. Une diplomatie publique efficace n’est pas possible sans ressource. A partir de ce constat, il est certain que les grandes puissances, ou les États possédant un certain niveau de développement ont plus de facilités à avoir une diplomatie publique. La diplomatie publique reflète donc des inégalités de richesse. Elle peut également prendre la forme d’un certain néo-colonialisme, lorsque les anciens pays colonisateurs tentent d’avoir une certaine influence sur les anciens pays colonisés. Ceci est d’autant plus facile lorsque, dans les anciens pays colonisés, la langue de l’ancien pays colonisateur est parlée par une grande partie de la population. En Afrique de l’Ouest par exemple, l’audience de France 24 est très élevée et la chaîne est très connue, alors qu’en France métropolitaine cette chaîne est très peu regardée. Les anciens pays colonisateurs cherchent à conserver une influence sur les anciens pays colonisés, ainsi qu’une relation privilégiée. Cela se fait à travers la télévision, mais aussi par l’implantation des lycées français ouverts aux enfants des élites locales, comme au Maroc, au Liban ou à Madagascar. Il existe parfois une concurrence autour de ces formes de néo-colonialisme. Il existe des chaînes de télévision émettant uniquement dans les langues locales qui, au travers du choix de cette langue, s’oppose au néo-colonialisme. C’est par exemple le cas au Sénégal de la chaîne 2STV dont les programmes sont majoritairement diffusés en wolof.
Dans quelle mesure existe-t-il une réciprocité d’influence entre les acteurs de la diplomatie publique et les acteurs visés par la diplomatie publique ? Par exemple, dans quelle mesure les ONG ont- elles une forte influence sur la diplomatie publique et vice-versa ?
L’influence de la diplomatie publique est à double sens. L’époque où l’État pouvait contrôler l’ensemble des flux d’informations est complètement dépassée. Même au sein des États autoritaires il existe des moyens de contourner les informations officielles, diffusées et transmises par le gouvernement. Les habitants peuvent s’informer en consultant des sites étrangers apportant les informations censurées par le régime en place. En Turquie, la population grâce à quelques manœuvres informatiques peut par exemple consulter Wikipedia, normalement indisponible dans le pays. Beaucoup de Turcs ont donc la possibilité de contourner le verrouillage internet de certains sites.
Certains acteurs, comme les ONG internationales, en faisant pression sur les États, peuvent également redéfinir leur diplomatie publique. Ceci est particulièrement flagrant aujourd’hui pour les ONG environnementalistes qui font pression sur les gouvernements, afin que ceux-ci changent leur politique et poussent d’autres gouvernements à faire de même.
E.R. : Selon vous, comment la France pourrait-elle améliorer l’efficacité de sa diplomatie publique ?
En France, la diplomatie publique est le fruit d’une longue tradition. Elle n’est pas apparue récemment. Le réseau d’influence du pays existe depuis plus d’un siècle au moins. Néanmoins, depuis les années 1990, des coupures sont intervenues dans les budgets alloués à la diplomatie. Ainsi la France ne se donne-t-elle plus les mêmes moyens de rayonner à l’étranger par la diplomatie publique. Les réseaux existent toujours à l’étranger, notamment les lycées, mais les ressources ne suffisent plus toujours pour les faire fonctionner. Il y a donc un problème de choix budgétaire. Les parlementaires qui votent le budget ont besoin d’une représentation plus juste de ce qu’est la diplomatie publique moderne, de son efficacité et de son apport à la puissance de la France. La représentation de ce qu’est la diplomatie en 2021-2022 a également besoin de changer dans la société. En effet, elle apparaît encore trop aux yeux du public comme un monde éloigné, vivant entre soi, et mangeant des petits fours. Il y a un véritable besoin de pédagogie, d’instruction et d’éducation sur ce qu’est véritablement la diplomatie, sur son rôle et sur ce qu’elle représente pour le pays. La diplomatie publique doit aussi être mieux coordonnée entre les États membres de l’Union européenne, pour mieux peser sur le reste des acteurs mondiaux. Entre les pays de l’UE, il existe une collaboration efficace dans le domaine culturel qui passe par les instituts culturels, comme l’Institut Français et le Goethe Institut. Il faut renforcer ces collaborations et faire en sorte qu’elles concernent d’autres pays que les seules France et Allemagne, afin de montrer en dehors de l’Europe qu’il existe une influence européenne alliant culture et démocratie.
Copyright Novembre 2021-Lequesne-Roney/Diploweb.com
Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com 21 novembre 2021
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. Christian Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » Presses de Sciences Po, 2021. Sur Amazon
4e de couverture
On nomme diplomatie publique ce levier de puissance de plus en plus fréquemment utilisé et dont les États-Unis ont été les pionniers au début du XXe siècle. Il ne se confond ni avec le soft power ni avec la propagande. Voici le premier ouvrage que les sciences sociales consacrent en France à ce champ des relations internationales.
Séduire l’opinion mondiale : démocraties ou dictatures, tous les États s’efforcent de soigner leur image en s’adressant directement et à voix haute aux citoyens. Les moyens sont multiples pour se rendre attractif aux yeux de l’opinion mondiale : récits portés par les médias et les réseaux sociaux, implantations d’instituts culturels et d’écoles, échanges universitaires, distributions de matériel médical et de vaccins, etc. On nomme diplomatie publique ce levier de puissance de plus en plus fréquemment utilisé et dont les États-Unis ont été les pionniers au début du XXe siècle. S’ajoutant aux canaux feutrés de la diplomatie classique, il ne se confond ni avec le soft power ni avec la propagande.
Dans le premier ouvrage que les sciences sociales consacrent en France à ce champ des relations internationales, une série d’analyses transversales et de focus sur des cas concrets, illustrés de cartes et de graphiques, donnent à voir ses usages et ses effets ainsi que les nouveaux modèles qu’il propose.
Avec Maxime Audinet, Sylvain Beck, Pierre Buhler, Rhys Crilley, Etienne Dignat, Alice Ekman, Béatrice Garapon, Caterina Garcia Segura, Auriane Guilbaud, Ilan Manor, Tristan Mattelart, Benjamin Oudet, Stéphane Paquin, Elena Sirorova, Virginie Troit, Earl Wang
L’annonce ce début août 2024 du lancement de la constellation Qianfan par la Chine marque un tournant majeur dans la guerre des étoiles moderne. Avec ce projet, Pékin entend non seulement concurrencer les initiatives occidentales comme Starlink de SpaceX, mais aussi renforcer ses capacités militaires et stratégiques dans l’espace.
Une constellation de satellites qui pourra avoir un usage militaire
Le déploiement de la constellation Qianfan, orchestré par l’entreprise publique Shanghai Spacecom Satellite Technology (SSST), illustre parfaitement la stratégie militaire de la Chine. Le 6 août 2024, les 18 premiers satellites ont été placés en orbite basse (LEO – Low Earth Orbit), amorçant ainsi une série de lancements qui devraient aboutir à la mise en orbite de plus de 15 000 satellites d’ici 2030.
Les satellites en orbite basse offrent des avantages bien connus pour les opérations militaires : leur proximité relative de la Terre permet une transmission de données plus rapide et une réduction des temps de latence, des facteurs déterminants pour les communications et les systèmes de défense.
La constellation Qianfan repose sur des technologies de pointe développées par SSST. Les satellites déployés sont équipés de systèmes de communication sécurisés et de dispositifs de surveillance sophistiqués, capables de détecter et d’analyser des signaux électroniques en provenance de diverses sources.
Surveillance et contrôle de l’espace
L’une des principales motivations derrière le développement de la constellation Qianfan est potentiellement la surveillance avancée. En déployant un nombre aussi important de satellites, la Chine pourra surveiller en temps réel les mouvements militaires et les activités stratégiques dans différentes régions du globe.
En effet, l’Armée populaire de libération (APL) a souligné à plusieurs reprises les risques posés par les constellations de satellites occidentales, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine durant laquelle la constellation Starlink d’Elon Musk a été déployée pour aider les troupes ukrainiennes. La possibilité de perturber ou de neutraliser ces satellites en cas de conflit est désormais une priorité pour Pékin, qui cherche à assurer une supériorité dans le domaine spatial.
Implications globales et risques de conflit
Le déploiement de Qianfan a des répercussions considérables pour l’équilibre des forces mondiales. En renforçant ses capacités de communication et de surveillance, la Chine se positionne comme un acteur incontournable de la guerre électronique et du renseignement spatial. En parallèle, la Chine a investi massivement dans des lanceurs réutilisables, similaires à ceux utilisés par SpaceX, afin de réduire les coûts et d’augmenter la fréquence des lancements.
Cependant, cette montée en puissance n’est pas sans risques. L’extension des capacités spatiales chinoises pourrait intensifier la militarisation de l’espace, poussant d’autres nations à développer des technologies similaires pour maintenir un équilibre stratégique. Les tensions géopolitiques pourraient s’aggraver, notamment avec les États-Unis et leurs alliés, qui voient dans ce déploiement une menace potentielle à leur propre suprématie spatiale.
Paolo Garoscio
Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
La Russie avance depuis l’échec de la grande contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 et parvient à engranger des gains territoriaux.
La Russie continue à grignoter du terrain sur la ligne de front face à une armée ukrainienne dont les effectifs sont moins nombreux et moins bien équipés. Le ministère russe de la Défense a ainsi revendiqué dimanche la prise du village de Novosselivka Persha, dans la région orientale de Donetsk, où se déroule l’essentiel des combats. « Les unités du groupement des troupes Centre ont libéré la localité de Novosselivka Persha […] au cours d’opérations actives », a indiqué le ministère. Ce village est proche de la ville d’Avdiïvka prise par les forces russes en février 2024.
La Russie avance depuis l’échec de la grande contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 et la conquête d’Avdiïvka, qui avait fait office de position fortifiée pour l’armée ukrainienne. Selon l’Institut américain pour les études de la guerre (ISW), les Russes ont notamment avancé « dans la direction de Toretsk ». « Des images géolocalisées publiées le 5 août montrent que les forces russes ont progressé jusqu’à la rue Kosmonavtiv dans le centre de Druzhba (à l’est de Toretsk).
D’autres images géolocalisées publiées le 4 août montrent que les forces russes ont progressé vers l’ouest en traversant la rue Shkilna vers et à travers la rue Tsentralna dans l’ouest de Pivnichne (également à l’est de Toretsk). Dans l’oblast de Kharkiv, l’objectif russe est de « repousser les forces ukrainiennes de la frontière internationale avec l’oblast de Belgorod et s’approcher à portée d’artillerie tubulaire de la ville de Kharkiv », la 2e du pays.
La Russie poursuit sa campagne aérienne de missiles et de drones qui ciblent « les infrastructures militaires et civiles ukrainiennes à l’arrière et sur la ligne de front. » Le chef d’état-major Valeri Guerassimov a inspecté les forces russes en Ukraine, a annoncé hier l’armée russe.
L’Otan peut toujours élaborer des plans de défense pouvant mobiliser jusqu’à 50 brigades et/ou inciter à porter les dépenses militaires à 2 ou 3 % du PIB [voire plus]… Cela ne servira à rien s’il n’est pas possible de faire circuler des troupes à travers l’Europe pour venir rapidement au secours d’un État membre qui aurait fait jouer la clause de défense collective prévue à l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord.
Ce problème de mobilité militaire a été identifié dès 2017 par l’Otan, dans un rapport « confidentiel » évoqué par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Le document avait ainsi pointé des infrastructures inadaptées ainsi qu’une bureaucratie pouvant parfois donner lieu à des situations burlesques, comme, par exemple une colonne de blindés bloquée à une frontière pendant des heures à cause de formalités douanières à accomplir…
Peu après, l’Union européenne [UE], via son Service européen pour l’action extérieure [SEAE], dévoila un plan censé améliorer la mobilité militaire entre ses pays membres. Il était question d’identifier les infrastructures susceptibles d’être utiles au transport militaire et de les mettre à niveau si nécessaire. Et il s’agissait également de « rationaliser » les règles « relatives aux douanes », en s’inspirant de l’espace Schengen. Puis, lors des négociations sur le Cadre pluriannuel financier [CPF] 2021-27, il était prévu d’y allouer 6,5 milliards d’euros pour financer 95 projets. Seulement, cette somme fut finement réduite à 1,5 milliard…
Aussi, sept ans après la publication du rapport de l’Otan, les progrès sont minces. On aurait pu penser qu’il aurait plus facile de réduire la bureaucratie et de simplifier les réglementations. Il n’en a rien été.
En novembre 2023, le chef du comité militaire de l’Otan, l’amiral Rob Bauer, l’avait déploré. « La guerre de la Russie contre l’Ukraine s’est révélée être une guerre d’usure. Et une guerre d’usure est une bataille de logistique. Or, nous avons trop de règles », avait-il dit.
La France est bien placée pour le savoir, au regard des difficultés qu’il lui a fallu surmonter pour déployer des chars Leclerc en Roumanie, le code de la route allemand limitant la charge par essieu des porte-chars à seulement 12 tonnes.
Commandant de la force et des opérations terrestres [CFOT], dont relève le « Commandement Terre Europe » [CTE], le général Bertrand Toujouse a rappelé cet épisode lors d’un entretien accordé à Politico. « Nous avons découvert l’ampleur des lourdeurs administratives. Il y a une guerre en Ukraine, mais les douaniers expliquent que vous n’avez pas le bon tonnage par essieu et que vos chars n’ont pas le droit de traverser l’Allemagne. C’est tout simplement incroyable », a-t-il confié.
Pendant la Guerre froide, la circulation des forces entre les membres de l’Otan n’était pas sujet. C’était une « tâche très simple » mais qui « est devenue progressivement extrêmement complexe », a expliqué le général Toujouse. « Il est est absolument essentiel de remettre la mobilité militaire dans les esprits européens, et pour cela il faut la pratiquer », a-t-il ajouté.
Cela étant, beaucoup de choses ont changé depuis l’implosion de l’Union soviétique. À commencer par la composition de l’Otan, qui a accueilli dans ses rangs les anciens membres du Pacte de Varsovie. Et cela pose des problèmes au niveau des infrastructures, celles-ci n’ayant pas été construites selon des normes occidentales [comme les ponts et les tunnels, dont la hauteur est insuffisante].
En outre, comme le souligne le Conseil allemand des affaires extérieures [DGAP – Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik e.V.], beaucoup d’infrastructures n’ont pas été entretenues et se trouvent désormais dans « un état pitoyable » au point de ne pas supporter « le transport rapide de charges lourdes ». En 2022, avance-t-il, le déficit d’investissement de l’Allemagne pour les projets d’infrastructure les plus urgents s’élevait à 165 milliards d’euros… Et 457 milliards d’euros seront nécessaires au cours des dix années à venir.
Dans les pages de Politico, le général Toujouse insiste sur l’importance du transport ferroviaire. « Le chemin de fer reste de loin le moyen le plus pratique » pour déplacer les chars. C’est là-dessus que nous devons nous concentrer », a-t-il dit.
Mais, une fois encore, la course à la rentabilité et la privatisation de compagnies de chemin de fer, comme la Deutsche Bahn, ont fait que de nombreuses lignes de chemin de fer ont été abandonnées. S’ajoute à cela l’absence de normes au niveau européen, les rails étant plus larges dans les pays baltes qu’en Allemagne, par exemple.
En outre, comme l’a montré le sabotage massif auquel a été confronté la SCNF le jour de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris, de telles infrastructures sont vulnérables et peuvent faire l’objet d’attaques ciblées. Enfin, le nombre de wagons plats disponibles pour transporter chars et blindés est insuffisant. Le DGAP estime qu’il a été divisé par dix, en Allemagne, depuis la fin de la Guerre froide.
D’autres obstacles à la mobilité militaire sont propres à certains pays. Dans le cas allemand, le DGAP explique qu’il faut obtenir des autorisations spécifiques pour traverser les frontières entre les Länder [États fédéraux]. « Le transport de matériel militaire lourd du nord au sud de l’Allemagne en 30 jours est perçu comme ‘rapide’. La réglementation serait suspendue si le Bundestag devait déclarer l’état d’urgence, mais cela se produirait probablement trop tard pour servir des objectifs de défense et de dissuasion », écrit-il.
Ces dernières semaines, l’actualité du char de combat, allant du char léger au char lourd, avec le retour du char moyen, a été particulièrement riche, avec le lancement du développement du M1E3 Abrams américain, les avancées réalisées concernant le programme MGCS européen, ou encore les détails donnés autour du Leopard 2AX de KNDS.
Celle-ci fait naturellement écho au rôle déterminant que joue le char de combat dans la guerre en Ukraine, avec parfois des constats sévères sur certaines certitudes qui avaient cours jusqu’ici en occident.
De fait, face aux déboires rencontrés en Ukraine par le M1A1 américains, les Challenger 2 britanniques, et dans, une moindre mesure, les Leopard 2 allemands, les nouveaux programmes occidentaux, comme le M1E3, le MGCS et même le T-14 russe, visent tous une masse au combat plus réduite, de l’ordre de 50 à 55 tonnes, plutôt que 65 à 70 tonnes.
La Chine n’était pas, jusqu’ici, en pointe, dans le domaine du char de combat. Ainsi, bien que jugé très capable et performant, le Type 99A, son char le plus performant et le plus moderne, n’a été produit qu’à 600 exemplaires. L’état-major chinois donnait, en effet, la priorité aux forces aériennes et navales, en matière de modernisation.
Entré en service en 2011 et parfaitement moderne, on aurait pu penser que ce char aurait représenté le pilier de la réponse chinoise dans ce domaine, pour plusieurs décennies, sous couvert d’améliorations continues. C’est pourtant un char très différent, et, en de nombreux points, sans équivalent en occident, qui a récemment été photographié aux couleurs de l’Armée Populaire de Libération.
Sommaire
Type 96, Type 99A et Type 15 : les chars de l’Armée Populaire de Libération ont beaucoup progressé ces dernières décennies
Si la composante terrestre de l’Armée Populaire de Libération demeure la plus volumineuse armée de la planète, avec un million de soldats d’active, son parc de chars de combat peut sembler, quant à lui, relativement modeste.
En effet, celui-ci se compose, aujourd’hui, de 4 500 chars de combat, parmi lesquels 600 Type 99A, la version la plus moderne, d’une masse au combat de 55 tonnes, armée d’un canon de 125 mm, et équipée, semble-t-il, d’un système de défense soft-kill. S’y ajoutent 600 Type 99, qui le précèdent, d’une masse de 51 tonnes, disposant d’un armement similaire, mais d’une électronique embarquée moins évoluée.
Le gros du parc chinois est constitué de 2500 chars moyens Type 96, un blindé conçu dans les années 90, d’une masse au combat allant de 40 à 45 tonnes, et d’une génération comparable à celle des T-72 soviétique, bien que très différent dans l’aspect. Armé d’un tube de 125 mm, ce char sert de base au VT4, le modèle d’exportation proposé par Pékin.
Depuis 2018, l’APL s’est également doté de 500 chars légers Type 15, un blindé de 33 à 36 tonnes au combat, armé d’un canon de 105 mm, spécialement conçu pour les missions de reconnaissance armée, mais aussi pour opérer sur les terrains difficiles impraticables par des chars plus lourds, comme sur les plateaux du Ladakh indien, ou dans les espaces subtropicaux, de la Mer de Chine du Sud.
Enfin, les armées chinoises disposent d’un millier de chars beaucoup plus anciens, comme les Type-88 et Type-79, faisant office de réserve, mais destinés à être progressivement remplacés.
Jusqu’à présent, donc, la flotte de chars chinois, n’était pas très différente, dans sa constitution, comme dans son évolution, des flottes russes ou occidentales, avec notamment une augmentation sensible de la masse, de la protection, de la létalité et donc, du prix, au fil des nouvelles versions.
Le cliché publié il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux chinois, montrant un char de combat d’une conception en profonde rupture avec ces paradigmes, pourrait cependant indiquer que l’Armée Populaire de Libération, aurait pris une trajectoire beaucoup plus radicale, concernant les paradigmes appliqués à la conception de son nouveau char de bataille.
Un nouveau char moyen apparu sur les réseaux sociaux chinois
Pour l’heure, en dehors de ce cliché et des informations relayées sur les réseaux sociaux chinois, les données le concernant sont très limitées. Il est vrai que depuis 2019, Pékin se montre particulièrement attentif quant aux informations sur ses capacités industrielles défense et leur production, ce qui tend à créer un épais voile d’opacité autour de ses programmes militaires.
Quoi qu’il en soit, selon ces informations, ce nouveau char aurait une masse au combat de l’ordre de 35 tonnes, comme le Type 15. Il serait, également, armé d’un canon de 105 mm, comme le char léger chinois. Pourtant, il ne s’agirait pas d’un nouveau char léger, mais d’un char moyen, destiné à opérer en première ligne dans les combats de haute intensité.
L’article préconisait, de manière synthétique, de s’appuyer sur une plus grande mobilité, les performances d’un système APS hard kill / soft kill, sur un armement principal plus léger complété par des missiles antichars et antiaériens, et sur un tourelleau téléopéré, pour obtenir, au final, les mêmes performances et survivabilité qu’un char lourd moderne, mais pour un prix beaucoup plus faible.
Ce sont précisément les paradigmes qui semblent avoir présidé à la conception de ce nouveau char moyen chinois, équipé d’un puissant APS pour assurer sa protection, d’une grande mobilité pour renforcer sa protection et sa létalité, et d’un armement complémentaire composé d’un canon de 105 mm pour engager les blindés moins protégés, de missiles antichars contre les chars lourds, et d’un RWS pour la protection rapprochée, notamment contre les drones.
Un profond changement de paradigmes sur la conception même de la fonction char de combat, adaptée au théâtre Indo-Pacifique
Contrairement aux chars M1E3, KF51 ou MGCS occidentaux, le nouveau char chinois ne s’appuie pas sur l’intégration linéaire des évolutions technologiques les plus récentes, notamment dans le domaine de l’automatisation et des nouveaux systèmes de détection, pour produire une version allégée, donc plus mobile, du Type 99A.
Il s’agit bien au contraire, d’une évolution profonde des paradigmes même du char de combat, avec une projection, à moyen termes, d’un usage relativement différent de ce que pourront faire les évolutions occidentales, ou même le T-14 Armata russe.
Il semble, par exemple, que l’équipage du blindé ait été ramené à seulement deux personnes, un pilote et un commandant, rassemblés dans une cellule de survie au cœur du blindé, la tourelle étant, quant à elle, entièrement robotisée. Ceci laisse supposer qu’une grande partie de la charge de travail sera déléguée à des systèmes automatisés, mais aussi que le blindé ne sera pas conçu pour opérer dans la durée dans une zone de combat de haute intensité, ce qui serait trop éprouvant pour l’équipage.
Au contraire, il semble conçu pour des missions frappes à longue portée, grâce à ses missiles, et des tactiques de type Shoot&Scout, plutôt que de subir le feu adverse. Cette doctrine d’emploi, basée sur la mobilité, parait, en effet, adaptée aux engagements auxquels l’APL peut être exposée, que ce soit dans la chaine himalayenne, face à l’Inde, ou dans un environnement subtropical, radicalement différent, en Mer de Chine du Sud, autour de Taïwan, ou le long de la seconde chaine d’iles qui le bloque l’accès au Pacifique Sud et à l’Ocean indien.
Démonstrateur, prototype ou char de pré-série ?
Reste que, pour l’heure, le faible nombre d’informations attestées au sujet de ce nouveau char, ne donne qu’une idée superficielle de sa fonction potentielle à venir, au sein de l’APL, notamment sa place exacte, dans le parc de chars chinois, entre le Type 15 et le Type 99A.
Surtout, il est impossible, aujourd’hui, de déterminer avec exactitude, si le modèle observé constitue un char de pré-série, destiné à prochainement rejoindre les unités d’active de l’APL, ou le prototype d’un programme toujours en développement.
Il peut même s’agir d’un démonstrateur technologique, comme il y en a de plus en plus en Chine, ce qui parfois induit des analyses précipitées quant à l’évolution des moyens de l’APL. Ce fut, notamment, le cas concernant l’observation d’un démonstrateur de corvette furtive ou des démonstrateurs de nombreux drones, voire de la plateforme expérimentale de porte-drones, qui n’a aucune capacité opérationnelle réelle.
Conclusion
Il faudra donc se montrer encore patient avant d’avoir une quelconque certitude concernant l’évolution du parc de chars chinois, et plus spécifiquement, pour ce qui concerne l’avenir de ce char moyen aux caractéristiques en rupture avec la trajectoire suivie par ailleurs, en occident comme en Russie.
Rien ne permet, en effet, d’assurer que ce modèle entrera bien en service au sein de l’APL, et encore moins qu’il viendra remplacer les chars lourds actuellement en service, même les modèles les plus anciens, proches en termes de masse.
Cela dit, il convient, aussi, de remarquer que la Chine a produit un nouveau modèle de char de combat sur chaque décennie depuis les années 70. Il est donc très probable qu’un nouveau modèle entrera en service sur la décennie en cours, d’autant que le Type 99A est entré en service au tout début des années 2010 (2011), comme le Type 99 qui le précédait, en 2001.
De fait, on peut effectivement s’attendre à ce qu’un nouveau char, baptisé Type 23 ou Type 24, c’est-à-dire conçu en 2023 ou 2024, apparaisse dans les années à venir au sein de l’APL. Dans ce contexte, il est, en effet, possible que ce char moyen aux paradigmes révolutionnaires, constitue les prémices de ce nouveau char à venir des armées chinoises. À suivre donc…
Article du 11 juin en version intégrale jusqu’au 12 aout 2024
En 2006, l’armée de Terre mit en place une « Politique d’emploi et de gestion des parcs » [PEGP] afin d’optimiser l’utilisation de ses véhicules tout en rationalisant leur Maintien en condition opérationnelle [MCO] afin de trouver des marges de manœuvre budgétaires. Ce modèle était organisé selon quatre « pôles », à savoir « Entraînement », « Alerte », « Service permanent » et « Gestion », ce dernier concernant l’ensemble des matériels nécessitant des réparations ou devant subir un entretien programmé.
Puis, dans le cadre du plan stratégique « Au contact » élaboré par le général Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre, il fut décidé de procéder autrement avec la « politique de gestion des parcs au contact » [PAC], l’idée étant d’augmenter la dotation des régiments afin de faciliter leur préparation opérationnelle.
Désormais, il existe deux « familles » de parcs : le Parc en exploitation opérationnelle [PEO] et le Parc en immobilisation technique [PIT]. Connaître de la taille du second par rapport au premier permettrait d’avoir une idée de la disponibilité technique [DT] des matériels de l’armée de Terre, et partant, de son activité.
Or, cette donnée n’est plus publique et ne figure même plus dans les documents budgétaires publiés par le ministère de l’Économie et des Finances, comme les rapports annuels de performances ou encore les projets annuels de performances. Aussi, il est désormais impossible de vérifier si les mesures prises pour améliorer le MCO ont produit des effets.
Ayant passé quatre années à la tête de la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres [SIMMT], chargée de l’entretien de l’ensemble des véhicules du ministère des Armées, le général Christian Jouslin de Noray vient de donner quelques indications, à l’heure où il doit passer le relais au général Richard Ohnet.
« La maintenance terrestre répond aujourd’hui avec brio aux attentes des armées, directions et services. Pourtant les vents contraires ne l’ont pas épargnée. Elle a notamment dû affronter la crise sanitaire, la dégradation des flux mondiaux d’approvisionnement, le retrait du Sahel et la guerre en Ukraine », a d’abord tenu à rappeler le général Jouslin de Noray, dans un message diffusé le 1er août.
Malgré ces difficultés, les « résultats obtenus sont éloquents », a-t-il continué. Au point que, selon lui, la « disponibilité technique permet à nos forces de s’entraîner et de s’engager en opérations, à bon niveau et à coût maîtrisé », avec notamment un « parc hors ligne » qui a été « divisé par deux ». Faut-il comprendre que les véhicules passent désormais moins de temps en réparation que par le passé ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce résultat. Ainsi, pour la seule armée de Terre, la mise en service progressive des véhicules issus du programme SCORPION [blindés multirôles Griffon et Serval, engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar] ainsi que le remplacement du véhicule léger tout-terrain P4 par l’ACMAT VT4 en font partie. La fin des opérations au Sahel, très éprouvantes pour les matériels, également.
Mais à ces éléments conjoncturels s’ajoutent des considérations structurelles. Ainsi, le général Jouslin de Noray a mis en avant la « transformation numérique » de la SIMMT, avec l’entrée en service et la « modularisation » du système d’information « SIMAT », décrit comme étant un « véritable système d’armes du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [MCO-T] ». Utilisé par les trois armées, il permet de connaître, en temps réel, l’état du parc, la disponibilité technique des matériels et de suivre l’évolution des réparations de ceux qui sont immobilisés.
« Nous disposons d’un des seuls systèmes d’information de l’État interfacé avec les systèmes d’information logistique de l’industrie privée. SIMAT finances a été développé de manière exemplaire, en moins d’un an. Des robots assistants administratifs nous appuient désormais et nous soulagent de nombreuses tâches chronophages », a souligné le général Jouslin de Noray.
« La numérisation des ateliers est aujourd’hui une réalité », s’est-il en outre félicité, en citant les apports de l’intelligence artificielle [avec, par exemple, le projet RORA – Reconnaissance d’Objet Rapide par intelligence] ainsi que ceux de la maintenance prédictive. « L’impression 3D [polymère et métallique], après avoir été résolument apprivoisée, tant dans ses aspects technologiques qu’organisationnels, passe actuellement à l’échelle », a-t-il relevé.
Par ailleurs, la SIMMT a également revu ses stratégies en matière de soutien, afin de « répondre au nouveau contrat opérationnel de nos armées», ce qui s’est traduit par la notification de « marchés novateurs et audacieux », censés engendrer « des gains de disponibilité et d’économies», a précisé son désormais ancien directeur central. Un effort a aussi été fait en matière de simplification des procédures et « l’ingénierie de la chaîne approvisionnement » a pris « un nouvel essor pour enclencher la constitution des stocks nécessaires», a-t-il conclu.
Les ingérences chinoises relèvent de la stratégie globale de Pékin : la sape des alliances auxquelles adhèrent les États occidentaux et son corollaire, la promotion du multilatéralisme version chinoise comme alternative « pacifique » à l’imperium américain.
L’Institut de recherche de l’École militaire (IRSEM) a publié en 2021 un exhaustif et volumineux rapport – 650 pages – sur les ingérences chinoises[1]. Le lecteur pressé pourra se reporter à la synthèse de la troisième partie où sont rappelées les deux techniques binaires des opérations d’influence de Pékin : la première, « Séduire et subjuguer » ; la seconde, « Infiltrer et contraindre ». Toutes deux sont destinées, après la sape de l’OTAN et celle des États-Unis, à discréditer les démocraties parlementaires, qualifiées de moins efficaces – en raison de leur instabilité politique – que les systèmes autoritaires. Elles ont également pour but d’empêcher tout narratif négatif du pouvoir chinois.
Le rapport de l’IRSEM décrit également les organismes chargés de la stratégie d’influence de Pékin : ceux-ci relèvent soit du Parti communiste (départements de la propagande, des liaisons internationales, du Front Uni et Bureau 616 – chargé de la lutte contre le mouvement Falungong), soit de l’État, au premier chef du ministère de la Sécurité d’État (Guoanbu), dont les agents et les commissariats clandestinement implantés à l’étranger surveillent la diaspora pendant que son centre de recherche, le China Institute of Contemporary International Relations (CICIR), sert d’interlocuteur respectable aux Think Tanks, publics ou privés, étrangers.
Pour mener à bien leur action, ces organismes doivent trouver des relais : l’IRSEM distingue partenaires ponctuels, alliés de circonstances et véritables complices[2]. La Révolution culturelle (1966-1976[3]) avait déjà révélé l’abondance de relais disponibles en Occident chez les intellectuels et les artistes subjugués par Mao. Quarante ans plus tard, nombre d’universités ont ainsi offert un terrain favorable à l’implantation du plus officiel et visible des instruments de la stratégie d’influence de Pékin : les instituts Confucius.
Le 3 novembre 2011 un article de Rozenn Morgat intitulé : « À Arras, la discrète emprise chinoise sur la vie universitaire[4] » paru dans Le Figaro expliquait que «L’Institut Confucius, bras armé du soft power de la Chine, pénètre efficacement l’université d’Artois, entraînant le département d’études chinoises sur la pente d’un alignement inquiétant avec Pékin.»
Comment en est-on arrivé là ? Le gouvernement français a ouvert en 2005 ses portes aux instituts Confucius, un an après l’accord de transfert d’un laboratoire de recherche biomédicale P4 à Wuhan. Le premier institut fut implanté à l’université de Poitiers. Condition nécessaire à cette installation : la sino-compatibilité de l’université d’accueil – en d’autres termes, aucune critique à l’égard du gouvernement chinois…
En 2005 toujours, un poste de professeur de langue et civilisation chinoises fut attribué à l’université de Lille et un candidat local, élu par la commission ad hoc ; mais, sous l’impulsion de son président, le conseil d’administration annula cette élection. Le ministère retira ensuite le poste de professeur à Lille et l’attribua à l’université d’Arras, où, en 2006, était élue une ressortissante chinoise aux ordres de Pékin : un institut Confucius y ouvrit en 2008.
Cette emprise chinoise n’aurait pu s’étendre sans le relais actif d’éléments de l’administration française. À la manœuvre, un sinologue directeur adjoint de la direction de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur, qui a convaincu son allié de circonstances, le président de l’université de Lille, de rejeter l’élection du candidat local dont le narratif, jugé négatif à l’encontre de Pékin, était incompatible avec l’installation d’un institut Confucius ; puis il a obtenu le transfert du poste à Arras. Sa rétribution ? L’habile manouvrier a été, en 2007, nommé professeur honoraire de l’université de Pékin et, en 2008, membre de l’Académie chinoise des sciences sociales.
Les pilotes de ces actions d’ingérence peuvent désormais compter sur les citoyens et entreprises chinois contraints par l’article 7[5] de la Loi sur le renseignement national –adoptée en 2017 et modifiée en 2018 – de coopérer avec les agences de renseignement et de sécurité de l’État. Tous les ressortissants chinois – diaspora incluse – sont donc des agents potentiels de cette stratégie d’influence et les relais occidentaux, qu’ils soient ponctuels ou de circonstance, ou a fortiori complices, leurs auxiliaires.
[5] Sénat, Notes Commission d’enquête TikTok (Protection des données aux US Extraterritorialité du droit chinois) Étude de législation comparée n° 322, juillet 2023, p. 22 (https://www.senat.fr/lc/lc322/lc322_mono.html)
Tensions au Proche-Orient : la France invite ses ressortissants à quitter le Liban « dès que possible »
Les menaces du Hezbollah et de l’Iran vis-à-vis d’Israël incitent de nombreux pays, dont la France, à demander à leurs ressortissants de quitter au plus vite le Liban.
La France invite ses ressortissants, particulièrement ceux de passage, se trouvant au Liban, à quitter « dès que possible » ce pays dans un « contexte sécuritaire très volatile », a exhorté, ce dimanche 4 août, le ministère des Affaires étrangères.
« Des vols commerciaux directs et avec escales vers la France sont encore disponibles », a précisé le Quai d’Orsay. « Face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient », Paris demandait déjà « instamment » à ses ressortissants de ne pas se rendre au Liban.
Des risques d’escalade militaire au Proche-Orient
Cette nouvelle recommandation s’inscrit dans le cadre de la décision prise samedi par les compagnies aériennes Air France et Transavia France de prolonger la suspension de leurs vols vers Beyrouth jusqu’au 6 août inclus au moins « en raison de la situation sécuritaire ».
Dans un contexte sécuritaire très volatile, nous invitons les ressortissants français à prendre leurs dispositions maintenant pour quitter le Liban dès que possible. Pour rappel, face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient, il est instamment demandé aux ressortissants français de ne pas se rendre au Liban.
La France recommande également à ses ressortissants résidant en Iran « de quitter temporairement le pays » s’ils le peuvent, estimant qu’il y a un risque de fermeture de l’espace aérien et des aéroports iraniens.
Emmanuel Macron appelle à éviter « à tout prix » une escalade
Cette consigne intervient dans un contexte de tensions extrêmement fortes avec Israël, après l’assassinat, attribué par l’Iran à Israël, du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, tué mercredi 31 juillet à Téhéran. L’Iran a promis de se venger.
Le président français Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II ont appelé ce dimanche 4 août à éviter « à tout prix » une escalade, selon le compte-rendu d’une conversation téléphonique publié par l’Élysée.
Le ministère libanais de la Santé a indiqué lui dans la nuit de dimanche à ce lundi 5 août qu’une « frappe ennemie israélienne » avait tué deux personnes à Houla, dans le sud du pays. Un peu plus tôt, l’armée israélienne avait annoncé avoir « identifié un terroriste du Hezbollah pénétrant dans une structure militaire » dans ce secteur, et avoir « frappé » celle-ci.
Les violences transfrontalières ont fait 547 morts, dont 115 civils, au Liban depuis l’attaque du Hamas en Israël en octobre, selon un décompte de l’AFP.
Le chef du Hezbollah menace d’une «bataille ouverte sur tous les fronts»
Israël n’a pas commenté l’attaque contre Ismaïl Haniyeh, mais a juré de détruire le Hamas après l’attaque sans précédent menée par ce mouvement le 7 octobre sur son sol, qui a déclenché la guerre dévastatrice à Gaza.
Le guide suprême d’Iran, Ali Khamenei, a de son côté menacé Israël d’un « châtiment sévère », et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, d’une « bataille ouverte sur tous les fronts », le Hamas et les rebelles yéménites Houthis jurant aussi de riposter.
En face, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant a affirmé dimanche que l’armée était « prête à réagir rapidement ou à attaquer ».
Les États-Unis, eux, ont musclé leur dispositif militaire sur place avec davantage de navires de guerre et avions de combat. « Simultanément, nous nous efforçons de désamorcer la situation diplomatiquement », a assuré Jon Finer, conseiller adjoint à la sécurité nationale.
Alors que le Liban risque d’être en première ligne d’une escalade, la Suède, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Jordanie, l’Arabie saoudite et donc la France ont ainsi appelé leurs ressortissants à quitter le pays.
L’offensive israélienne à Gaza a fait jusqu’à présent près de 40 000 morts
La guerre à Gaza a entraîné l’ouverture de fronts contre Israël par le Hezbollah et les Houthis qui forment avec le Hamas et des groupes armés irakiens ce que l’Iran appelle « l’axe de la résistance » face à Israël.
Samedi, le Hezbollah a affirmé avoir pour la première fois ciblé la ville de Beit Hillel dans le nord d’Israël avec des dizaines de roquettes et l’armée israélienne a riposté par des frappes dans le sud du Liban, des échanges quasi-quotidiens à la frontière israélo-libanaise depuis le 8 octobre.
Dans le même temps, l’armée israélienne poursuit son offensive contre le territoire palestinien de Gaza, ravagé et menacé de famine selon l’ONU.
Le Hamas, qui a pris en 2007 le pouvoir à Gaza, est considéré comme terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne.
Son attaque le 7 octobre dans le sud d’Israël a entraîné la mort de 1197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes. Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée.
L’offensive israélienne à Gaza a, elle, fait jusqu’à présent 39 583 morts, d’après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.
Lancé en 2021 par Paris et Rome, le Système Antiaérien Moyenne Portée Terrestre de nouvelle génération, ou SAMP/T NG, visait jusqu’à présent à des améliorations significatives du radar et du module d’engagement du Mamba, afin d’en étendre les performances de détection et de contrôle du système, notamment pour mettre en œuvre le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT.
Il semble, désormais, que la nouvelle génération du système, sera bien plus évoluée qu’initialement annoncée, car elle pourra simultanément poser et contrôler des bulles de protection antibalistique et antiaérienne à longue, moyenne, courte et à très courte portée.
Ce faisant, le SAMP/T NG deviendrait un système de défense multicouche sans équivalent en Europe, et plus largement, en occident, pour assurer une défense intégrée contre un très large éventail de menaces, allant du missile balistique à la roquette d’artillerie, en passant par le planeur hypersonique, le missile de croisière et l’avion de combat.
Sommaire
Le SAMP/T Mamba, un système antiaérien et antimissile qui a fait ses preuves en Ukraine
Conçu par la France et l’Italie, et entré en service en 2008, le SAMP/T Mamba a été le premier système antiaérien à moyenne portée européen. Il se compose d’un module d’Engagement, le cœur du système, accueillant 4 opérateurs, ainsi que d’un radar rotatif PESA Arabel conçu par Thales, et de 4 Modules de lancement, armés chacun de 8 missiles Aster 15 ou Aster 30.
Il permet de poser une bulle de protection de 200 km de rayon autour du radar Arabel contre des cibles de type aéronefs non furtifs évoluant au-dessus de l’horizon électromagnétique, d’une centaine de km contre un chasseur discret comme le Rafale à moyenne altitude, et de quelques dizaines de km contre un avion ou un missile furtif.
Il peut, en outre, être employé contre des menaces balistiques en phase terminale, avec une enveloppe de tir proche de celle du Patriot PAC-2, mais en disposant d’une plus grande manœuvrabilité. Le Patriot, en revanche, dispose d’un radar plus performant, mais qui ne couvrait que 120° jusqu’ici. Des modules de soutien complètent la batterie, comprenant un groupe électrogène, un atelier mécanique, un atelier électronique et deux modules de rechargement.
Nouveaux radars et nouveau système de commandement et de coordination
Comme écrit précédemment, le SAMP/T NG devait, initialement, permettre d’embarquer un nouveau radar de tir pour remplacer le Arabel du Mamba, par le Ground Master 300 de Thales pour la France, et le Kronos de Leonardo pour l’Italie.
Ces deux radars reposent sur une antenne électronique active AESA, effectuant une rotation complète par seconde, et améliorent simultanément la portée de détection (supérieure à 350 km), et la qualité de la détection contre des cibles plus petites comme les drones, plus discrètes comme les furtifs, ou plus rapides, comme les missiles balistiques ou les armes hypersoniques.
Le Module d’engagement, lui aussi, était modernisé, pour mettre en œuvre jusqu’à 6 Modules de lancement, soit 48 missiles Aster, et mieux traiter les signaux pour une prise de décision plus rapide et efficace. Ce faisant, le SAMP/T NG était paré pour accueillir le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT, conçu pour intercepter des missiles MRBM d’une portée atteignant 1500 km, comparable au Patriot PAC-3 MSE.
Mais le SAMP/T NG sera, en fait, bien d’avantage qu’une simple évolution du Mamba, optimisée pour ce nouveau missile. En effet, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, Eurosam a dévoilé une toute nouvelle caractéristique développée dans le cadre de cette version, la capacité à poser et contrôler une défense antiaérienne, antibalistique et antidrone multicouche, pour défense un périmètre de 150 km de rayon contre toutes les menaces actuelles.
Bulle antibalistique et anti-hypersonique : Aster Block 1NT et Aquila
Comme précédemment, l’axe principal de développement du SAMP/T NG concerne la défense antibalistique, avec l’arrivée du missile Aster 30 Block 1NT. Toutefois, selon les déclarations faites par le Délégué Général à l’Armement, Emmanuel Chiva, le système sera également capable de contrer les menaces hypersoniques existantes et à venir.
Dans ce contexte, l’Aster 30, couplé au radar Ground Master 300 de Thales, semble, en effet, capable d’intercepter ces menaces en phase terminale, sans pour autant être en mesure de les intercepter en transit, le missile plafonnant à 25 km d’altitude, contre 50 à 60 km d’altitude de croisière pour les armes hypersoniques.
De toute évidence, si le SAMP/T NG doit, comme l’annonce Emmanuel Chiva, offrir une réelle capacité d’interception antibalistique, il mettra en œuvre ce missile Aquila, présenté pour la première fois lors du Paris Air Show de 2023. Il sera, alors, en effet, le seul système capable d’associer, dans une unique système, et sur un même espace, une capacité de défense balistique et hypersonique, ainsi qu’une défense aérienne basses couches.
Bulle antiaérienne moyenne et longue portée : Aster 30 et Aster 15 EC
Si l’évolution phare du SAMP/T NG concerne l’interception des menaces balistiques et hypersoniques, le système restera très efficace en matière de défense aérienne contre les aéronefs, les drones de combat et les missiles de croisière, à moyenne et longue portée.
Pour cela, le système s’appuiera sur le très performant Aster 30, un missile de 4,9 m et 450 kg, capable d’intercepter des cibles jusqu’à 150 km et jusqu’à 25 km d’altitude, à une vitesse de Mach 4.5.
C’est notamment ce missile qui a été employé par la frégate française Alsace et un destroyer britannique, pour intercepter avec succès des missiles balistiques antinavires lancés par les Houthis en mer Rouge.
L’association des performances de l’Aster 30, et du nouveau radar GM 300/Kronos du SAMP-T NG, permettra, par ailleurs, d’en étendre la portée d’interception, et la précision, et en fera un système aérien particulièrement efficace contre de nombreuses cibles aérodynamiques.
L’Aster 30 évoluera aux côtés de l’Aster 15 EC. Celui-ci constitue une évolution de l’Aster 15, qui n’est autre qu’un Aster 30 dont le booster est plus compact, long de 4,2 m et d’une masse de 310 kg. L’Aster 15 EC, dédié à l’interception à courte et moyenne portée, et à moyenne ou basse altitude, verra cependant sa portée étendue à plus de 60 km (contre 40 km pour l’Aster 15), et son autodirecteur amélioré pour davantage de précision contre les cibles petites ou discrètes.
Ensemble, ces deux missiles assureront une bulle de défense de 5 à 150 km de portée, et de 500 à 25 000 km d’altitude, contre l’immense majorité des cibles aérodynamiques de plus de 500 kg existantes aujourd’hui.
Reste que, jusqu’à présent, la bulle SHORAD (SHOrt Air Defense), et V-SHORAD (Very SHOrt Air Defense), et l’interception des cibles de petites tailles, comme les drones FPV, les roquettes, voire les obus d’artillerie, ou C-RAM (Counter-Rocket Artillery Mortar), devait être déléguée à d’autres systèmes indépendants, alors même que, bien souvent, le nouveau radar du SAMP/T NG sera en capacité de les détecter, de les suivre et les engager.
C’est précisément là, qu’intervient la petite révolution annoncée par Eurosam à Eurosatory. En effet, le SAMP/T NG, et plus spécialement son Module d’Engagement, pourra contrôler, en plus des six modules de lancement Aster, six autres modules SHORAD, armés de missiles à courte portée, comme le MICA VL ou le CAMM-ER, conçus et fabriqués par MBDA, comme l’Aster.
Mieux encore, l’architecture scalaire ouverte du SAMP/T NG permettra d’ajouter au système d’autres radars de tirs, voire d’autres systèmes secondaires dédiés à l’interception C-RAM ou V-SHORAD, comme avec les missiles Mistral, ou des systèmes d’artillerie antiaérienne.
Bien que ce ne soit pas évoqué dans la communication d’Eurosam, cette architecture devrait permettre, à termes, de mettre en œuvre des procédures de détection et d’engagements multistatiques, améliorant significativement l’efficacité de la défense aérienne contre les avions furtifs, voire d’y ajouter des systèmes de radars passifs, là encore, pour traquer et détruire, les appareils discrets ou furtifs.
Un système prometteur et évolutif, qui doit entrer en service dans l’Armée de l’air et de l’Espace dès 2025.
On le voit, les annonces faites dans le cadre du salon Eurosatory, au sujet de l’évolution du SAMP/T NG, ouvrent de nombreuses opportunités. En effet, ainsi paré, le système disposera d’une enveloppe d’interception unique en occident, et qui nécessite, en Russie et en Chine, plusieurs systèmes interconnectés (S-500 + S-400 + S-350/Buk + Pantsir) pour obtenir la même efficacité de couverture.
Un tel système pourrait, par exemple, assurer une défense très efficace d’un espace entourant une ville, pour peu qu’il existe un emplacement approprié pour son radar, ou qu’il intègre des radars secondaires, comme évoqué plus haut.
Reste à voir comment, et surtout sous quels délais, ces annonces se transformeront en capacités opérationnelles effectives, et surtout, si les armées françaises et italiennes, s’en doteront effectivement.
En effet, il est fréquent que Paris face l’impasse sur certaines capacités pourtant essentielles d’un système d’arme, pour en réduire les couts. Malheureusement, les exemples, à ce sujet, ne manquent pas, et touchent tous les gouvernements, depuis plus de 40 ans.
Article du 28 juin en version originale jusqu’au 11 aout 2024.