Censure du gouvernement : quelles conséquences sur les armées ?
Le vote d’une motion de censure et la destitution du gouvernement serait un coup dur pour l’Armée française privée de hausse de budget alerte le général Vincent Desportes. Avec des « conséquences graves », en pleine guerre en Ukraine et avec le retour de la menace djihadistes après la prise de la ville d’Alep en Syrie.
Pour le militaire, ceux qui voteront la censure sont « irresponsables »: « Je suis plus qu’inquiet. La France était péniblement en train de reconstituer ses armées depuis 2017. C’est un coup très dur porté aux armées. Concernant la défense, voter la censure aujourd’hui est irresponsable et ceux qui le feront en porteront les responsabilités et les conséquences seront graves« , alerte le général.
« Notre armée sera affaiblie«
Vincent Desportes estime aussi qu’une censure pourrait avoir des conséquences pour la France, l’industrie de défense française et aussi pour l’Ukraine en guerre avec la Russie depuis février 2022. Une censure entraînerait des problèmes au niveau des équipements, des munitions, des blindés: « Il y aura un trou et un retard. La crédibilité de la France au sein de l’Europe est menacée », juge-t-il.
« Notre armée de 2025 sera affaiblie par rapport à 2024 », prévient le général.
Se reconstituer ou continuer d’aider l’Ukraine
Le lancement du porte-avions successeur du Charles de Gaulle pourrait être retardé, les avions de chasse pourraient ne pas être livrés et le parc de blindés, « dont on a cruellement besoin comme on le voit en Ukraine », ne sera pas renouvelé. Les commandes qui devaient être passée avec ce budget ne le seront pas et la France devra revoir à la baisse ou annuler les grands exercices prévus avec l’Otan en 2025.
Et la France qui a promis 3 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine devra arbitrer entre dépouiller ses armées ou continuer son effort, en raison d’un budget constant bloqué par l’absence de gouvernement et de budget: « Avec cet argent nous devions reconstituer notre stock de munition et racheter des canons Caesar que nous avons donné à l’Ukraine, et bien nous ne pourrons pas ».
Une nouvelle menace en Syrie
Des conséquences industrielles pourraient également entraîner une hausse du chômage. « L’industrie de défense française c’est plus de 200.000 emplois dans 4000 entreprises réparties sur le territoire qui étaient en train d’embaucher parce qu’il y avait un effort de défense. Cet effort va s’arrêter net et une partie de ces emplois est directement menacé », craint l’ancien directeur de l’École de guerre.
Armée phare de l’Europe et moteur en matière de défense selon le général, la France « face à la menace, choisi de bloquer son effort de défense », déplore-t-il, alors qu’une nouvelle menace grandit dans le Nord de la Syrie depuis la prise d’Alep par des rebelles djihadistes: « Nous devrons déployer des soldats en masse dans les rues de France. Et c’est à ce moment-là que certains irresponsables veulent censurer, en prenant ce risque-là, le Premier ministre », conclut le général.
par Jean-Luc Basle – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°167 / décembre 2024
Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de « L’Euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The International Monetary System : Challenges and Perspectives » (1982)
Les États-Unis ont accédé à la requête des Ukrainiens, maintes fois formulée, de les autoriser à frapper des cibles en territoire russe avec les missiles longue-portée de fabrication américaine et européenne que sont les ATACMS, Himars,Storm Shadow et Scalp. L’accord obtenu, les Ukrainiens ont attaqué la Russie les 19 et 21 novembre. La Russie a répondu avec force et célérité en ciblant, le 21 novembre, le constructeur aérospatial ukrainien Yuzhmash sur les bords du Dniepr avec un nouveau missile hypersonique, l’Oreshnik. Surpris, les Occidentaux ont immédiatement accusé la Russie d’escalader la guerre. Leur surprise tient à ce que dans le passé Vladimir Poutine, craignant un emballement du conflit, n’avait pas réagi quand les Occidentaux avaient franchi ses lignes rouges, perçues à l’ouest comme de simples bluffs. Mais cette fois, la ligne n’était pas rouge, mais rouge vif et Poutine a réagi. Les évènements des 19 et 21 novembre donnent à réfléchir sur ce que le futur nous réserve, d’autant que dans son allocution du 21 novembre, Vladimir Poutine a informé les Occidentaux qu’il n’existait pas de défense aérienne en Occident capable d’arrêter l’Oreshnik et qu’il y aurait une réponse à toute frappe ukrainienne sur le territoire russe. La guerre est perdue sur le terrain. Washington le sait. La raison et la sagesse préconisent donc l’arrêt du conflit et l’amorce de négociations. Encore faut-il au préalable s’interroger sur les motivations américano-ukrainiennes.
Pourquoi cibler le territoire russe quand de l’avis des experts ces attaques ne changeront pas l’issue du conflit ? Personne n’a réponse à cette question, aussi les conjectures vont-elles bon train. Serait-ce pour le transformer en une guerre d’usure qui épuiserait économiquement la Russie, provoquant la colère des Russes et la démission de Poutine ? Pour sauver la face en espérant obtenir un meilleur règlement du conflit ? Pour provoquer une réaction de Vladimir Poutine qui le décrédibiliserait sur la scène internationale ? Pour frustrer le projet de paix de Donald Trump ? Quelles qu’en soient les raisons, une chose est sure : l’Oreshnik a changé la donne. La Russie a désormais une option entre l’inaction et la réponse nucléaire. Dans un signe de défiance, les Ukrainiens ont à nouveau frappé Koursk les 23 et 25 novembre. Peut-être les Russes n’auront-ils pas besoin de répondre à ces attaques si Washington a compris leur message ? Le temps des rodomontades est passé, celui des négociations est venu pour éviter un affrontement direct russo-américain dont on n’ose imaginer les conséquences.
Le 22 février 2022, jour du lancement de l’opération militaire spéciale, Vladimir Poutine a pris soin d’en donner les objectifs immédiats : démilitarisation, dénazification et neutralité de l’Ukraine. Les objectifs stratégiques qui sous-tendent cette opération sont au cœur du différend russo-américain. Ils sont énumérés dans le projet de traité d’architecture européenne de sécurité que Vladimir Poutine a remis à Washington et à Bruxelles le 17 décembre 2021, et se résument en deux points essentiels : retrait de l’OTAN des nations qui l’ont rejoint après 1991 (en conformité avec la promesse de James Baker à Mikhaïl Gorbatchev) et neutralité des nations limitrophes de la Russie.
Ce projet d’architecture s’appuie sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité qui stipule que la sécurité d’une nation ne peut se faire au détriment d’une autre – principe inscrit dans les déclarations d’Istamboul de 1999 et d’Astana de 2010, signées par les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, etc.[1] A ce principe, les États-Unis en opposent un autre, celui de la « porte ouverte »[2], qui donne à toute nation le droit de s’allier à toute autre nation sans égard à l’impact d’une telle alliance sur une ou plusieurs autres nations – principe inscrit dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ces positions antinomiques augurent mal d’une résolution du conflit, sauf renoncement improbable des États-Unis à leurs visées hégémoniques.
Ce règlement du conflit est d’autant plus improbable que Donald Trump entend le régler par la force. « Nous obtiendrons la paix par la force » a-t-il déclaré récemment. Qu’entend-il par ces mots ? Nul ne le sait, mais ils se situent dans le droit fil de la politique de l’escalade dominante (Escalation Dominance) qui repose pour partie sur une escalade de la violence et pour partie sur le bluff ou « stratégie de l’ambiguïté »,[3] ou encore « théorie de l’Homme fou » (Madman), chère à Richard Nixon, qui se résume par cette expression : « arrêtez-moi ou je fais un malheur (sous-entendu « je recours au nucléaire »). En l’espèce, cela signifie, si l’on prend la déclaration de Donald Trump au mot, que Vladimir Poutine doit se soumettre à la volonté américaine. Ouah ! Ce serait la première fois dans l’histoire des nations que le perdant impose sa volonté au vainqueur !
Le problème avec cette approche est qu’elle n’est plus valide. Vladimir Poutine y a trouvé réponse avec le missile Oreshnik, équipé d’une charge conventionnelle capable de faire d’énormes dégâts, comme démontré lors de l’attaque de Yuzhmash. A toute nouvelle attaque ukrainienne sur le sol russe, la Russie répondra par une attaque Oreshnik sur le sol ukrainien, voire sur celui de ses alliés que la Russie qualifie désormais de co-belligérants. C’est au tour des États-Unis d’être coincés dans un dilemme cornélien du tout ou rien – « tout » signifiant un engagement direct dans la guerre, et « rien » l’ignominie. La déclaration péremptoire de Donald Trump est donc vide de sens. Poutine est en position de force.
Si Trump maintient sa position, un accord est impossible à moins que Poutine accepte un accord bâclé pour mettre fin à une guerre qui lui coûte cher et qui menace son économie, en se satisfaisant de l’annexion du Donbass et de la neutralité de l’Ukraine. Ce serait une erreur. La neutralité de l’Ukraine serait une neutralité de façade. Les États-Unis ne renonceront pas à leur objectif de démembrer la Russie. Une guérilla larvée émergera en Ukraine – la CIA et son avorton la National Endowment for Democracy (NED) ont une grande expérience en la matière – guérilla qui forcera tôt ou tard Poutine à envahir l’Ukraine. C’est alors que la question du règlement définitif du conflit se posera. Une paix durable n’est donc possible qu’à deux conditions. Les États-Unis doivent :
a) accorder à la Russie ce qu’ils se sont octroyés en 1823 avec la doctrine de Monroe, une sphère d’influence ;
b) renoncer au mythe de l’hégémonie messianique. Peut-être Donald Trump y consentirait-t-il pour avoir la paix et mener à bien son programme de réformes, mais l’appareil de sécurité (ministères des Affaires étrangères et de la Défense, complexe militaro-industriel et agences de renseignement – CIA, NSA, etc.) n’est pas prêt à accorder à la Russie ni l’un ni l’autre.
A ce point du débat, il convient de revenir à la thèse de l’Américain William Gilpin préconisant à la fin du XIXe siècle la construction d’une voie ferrée reliant New York à Moscou pour faciliter les échanges commerciaux. Cette thèse, en opposition frontale avec celle de l’Anglais Halford Mackinder, a longtemps été ignorée, avant d’être reprie par Henry Wallace, vice-président des Etats-Unis de 1941 à 1945.[4] Cette adhésion à la vision de Gilpin lui valut très probablement d’être éliminé de la course à la Maison Blanche en 1944. S’il avait été élu, loin d’être des ennemis, Washington et Moscou auraient été des partenaires industriels et commerciaux dans un monde apaisé.
La paix est non seulement possible mais aussi bénéfique. Le Vietnam qui fut en guerre avec les États-Unis pendant vingt ans, est aujourd’hui son troisième fournisseur après la Chine et le Mexique.
[1] Créé en 1973, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a pour objet la paix et la sécurité des États.
[2] La doctrine de « la porte ouverte », due au secrétaire d’État John Hay, avait pour objet d’ouvrir la porte de la Chine aux États-Unis à la fin du XIXe siècle en traitant toutes les nations sur un pied d’égalité afin qu’aucune n’est le contrôle total du pays.
[3] Gilles Andréani, professeur affilié à Sciences Po, se fait l’avocat de cette méthode dans un récent article intitulé : « Ukraine, troupes au sol, ambigüité stratégique : il faut mettre fin à la désunion occidentale », Telos, 22 mai 2024.
[4] Halford Mackinder opposait l’empire naval britannique à un empire continental euroasiatique en devenir, appelé île-monde, qui serait contrôlé par la Russie.
L’implantation du groupe Wagner dans la région du Sahel a profondément modifié la dynamique sécuritaire et géopolitique de cette zone instable d’Afrique. Cette société militaire privée russe s’est rapidement imposée comme un acteur incontournable, suscitant à la fois espoirs et inquiétudes (1).
Un renforcement de l’influence russe dans la région saharienne
Le groupe Wagner a fait son entrée au Mali fin 2021, à l’invitation de la junte militaire au pouvoir. Cette arrivée a coïncidé avec le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane, créant un vide sécuritaire que la Russie s’est empressée de combler (2). Le groupe a ensuite étendu sa présence au Burkina Faso en 2023, où environ 100 mercenaires sont arrivés en janvier 2024. Des rumeurs persistent également sur une possible implantation au Niger après le coup d’État de juillet 2023 (3).
Le déploiement de Wagner au Mali, au coût de 10 millions de dollars par mois, met en lumière la priorité donnée à la sécurité au détriment d’autres secteurs essentiels (4). L’efficacité de Wagner est mise en doute avec une augmentation des pertes civiles et une intensification du conflit, notamment contre certaines communautés sahéliennes. En échange de ses services, Wagner aurait obtenu des concessions minières, notamment dans l’or, renforçant la dépendance du Mali à la Russie. Cette coopération, qui inclut une protection contre les djihadistes dans certaines régions, manque de transparence et freine potentiellement les réformes démocratiques. Enfin, elle a détérioré les relations avec les partenaires occidentaux, ce qui pourrait nuire à l’aide internationale et à l’économie du pays (5).
Violations des droits humains et déstabilisation
Depuis l’arrivée du groupe Wagner au Mali en décembre 2021, les violences envers les populations civiles ont considérablement augmenté. Le premier trimestre de 2022 a enregistré plus de victimes civiles que toute l’année 2021, avec 71 % des actions violentes impliquant directement des civils (6). Près de 300 civils auraient été tués lors d’opérations conjointes entre le groupe Wagner et les forces maliennes, avec des violations graves des droits humains incluant des massacres, des traitements inhumains, des enlèvements, des abus sexuels, des destructions de biens et des arrestations massives sans fondement légal (7). Les incidents majeurs incluent le massacre de Moura en mars 2022, où plusieurs centaines de civils ont été tués en seulement cinq jours, ainsi que des attaques sur des marchés civils, comme à Hombori. (8).
Selon les Nations unies (ONU), les forces maliennes et les paramilitaires de Wagner sont responsables de l’exécution sommaire de plus de 300 civils, dont 58 femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles, lors du massacre de Moura. La présence de Wagner fragilise la stabilité régionale en délégitimant les gouvernements locaux et en compliquant les efforts internationaux de stabilisation. Le groupe alimente également la désinformation anti-occidentale, notamment anti-française, ce qui risque d’aggraver l’instabilité à long terme. En soutenant des régimes autoritaires et en commettant des crimes de guerre, Wagner nourrit la méfiance envers les acteurs internationaux et entrave toute avancée vers une paix durable (9).
La situation au Sahel central se détériore, avec une violence djihadiste croissante et une crise humanitaire grave. En 2023, le Burkina Faso a enregistré plus de 8 000 morts liés aux violences, tandis qu’au Mali, l’implication du groupe Wagner aggrave la situation sécuritaire. Parallèlement, le Niger connaît une intensification des violences depuis le coup d’État de juillet. Cela génère plus de 2,8 millions de déplacés et 7 millions de personnes en besoin d’aide, avec des milliers d’écoles fermées et des régions sous blocus. En 2024, la violence devrait persister, alimentée par les juntes militaires et Wagner, aggravant les conflits et la crise des réfugiés (10).
De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et observateurs internationaux accusent le groupe d’exactions et de violations des droits humains. Des témoignages font état d’exécutions sommaires, de tortures et de pillages attribués aux mercenaires russes. La mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) a rapporté une augmentation par dix du nombre de violations des droits humains commises par les forces de sécurité entre fin 2021 et début 2022, coïncidant avec l’arrivée de Wagner (11).
Les raisons de l’engagement russe en Afrique de l’Ouest
La Russie a utilisé le groupe Wagner pour étendre son influence en Afrique, notamment au Sahel, où l’instabilité politique favorise ses opérations. Ce réseau de mercenaires, étroitement lié au Kremlin, joue un rôle clé dans la stratégie de Moscou pour renforcer ses relations avec plusieurs gouvernements africains en échange de services de sécurité et de soutien militaire. En retour, Wagner obtient des concessions minières, principalement dans les secteurs de l’or et des diamants, mais aussi dans l’exploitation d’autres ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, et le bois (12).
La Russie exploite l’instabilité politique et le mécontentement contre l’ancienne puissance coloniale, la France, pour renforcer ses liens avec des régimes locaux en difficulté, comme au Mali, Burkina Faso et en République centrafricaine (RCA). Souvent violentes, les opérations de Wagner alimentent des préoccupations internationales concernant les droits humains. La présence russe dans le Sahel soulève des risques pour la stabilité régionale, tout en renforçant le contrôle de Moscou sur les ressources vitales (13).
L’impact de l’Africa Corps sur la sécurité et les régimes du Sahel
L’impact du groupe Wagner sur la stabilité du Sahel est controversé. Bien que les régimes militaires louent son efficacité contre les menaces sécuritaires, un rapport de l’’United States Institute of Peace (USIP) souligne que ses interventions aggravent souvent les conflits. Ses méthodes brutales, telles que les violences envers les civils, alimentent le ressentiment local et intensifient l’insécurité. Dans certaines régions, Wagner inspire plus de crainte que les groupes djihadistes, exacerbant les tensions et exposant davantage de civils aux attaques armées. (14).
Après la mort de son meneur Evgueni Prigojine en août 2023, le groupe Wagner a été rebaptisé Africa Corps et placé sous le contrôle direct du ministère russe de la Défense, supervisé par Yunus-Bek Yevkurov. Ancien président de l’Ingouchie et général de l’armée, Yevkurov supervise désormais les opérations russes en Afrique, renforçant l’influence de Moscou dans la région. L’Africa Corps, composé principalement d’anciens membres de Wagner, est déployé dans cinq pays : le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la République centrafricaine et la Libye, où il établit son quartier général (15).
Ce groupe poursuit plusieurs objectifs : assurer des missions de sécurité, former les forces locales, soutenir politiquement les régimes en place, et exploiter les ressources naturelles, notamment la mine d’or d’Intahaka au Mali. En janvier 2024, l’Africa Corps a renforcé la protection du président burkinabé Ibrahim Traoré, en envoyant un premier contingent de 100 soldats, puis 200 supplémentaires. Cette restructuration s’inscrit dans la stratégie russe d’élargir son influence en Afrique, de sécuriser ses intérêts et de contrer l’Occident, tout en tentant de redorer l’image des opérations russes, souvent associées aux violations des droits humains commises par Wagner (16).
L’implantation de Wagner au Sahel a consolidé l’influence de la Russie, mais au prix d’une escalade des violences et de l’instabilité. En soutenant les régimes locaux contre les djihadistes, le groupe utilise des méthodes brutales qui alimentent les tensions et exacerbe la souffrance des civils. Si la présence russe renforce son pouvoir dans la région, elle complique les efforts internationaux pour restaurer la paix et la stabilité.
Références:
(1) Rampe, W, What Is Russia’s Wagner Group Doing in Africa ? Council On Foreign Relations ,14 mai 2023 https://www.cfr.org/in-brief/what-russias-wagner-g… consulté le 7 novembre 2024
(2) Tacchi, B. J. I. & J, Wagner in Africa: How the Russian mercenary group has rebranded, le 20 février 2024, https://www.bbc.com/news/world-africa-68322230 consulté le 7 novembre 2024
(3) Wilk, A, The Wagner forces under a new flag : Russia’s Africa Corps in Burkina Faso. OSW Centre for Eastern Studies, 31 janvier 2024, https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2024… consulté le 7 novembre 2024
(4) Radio-Canada, Que fait le groupe Wagner en Afrique ?, Radio-Canada.ca, 2 mai 2023 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1977921… consulté le 7 novembre 2024
(5) Jeune Afrique, Mali : comment Wagner compte faire main basse sur des mines d’or,7 septembre 2022 https://www.jeuneafrique.com/1374898/politique/rus… consulté le 13 novembre 2024
(6) ACLED, Wagner Group Operations in Africa: Civilian Targeting Trends in the Central African Republic and Mali, 30 aout 2022 https://acleddata.com/2022/08/30/wagner-group-oper… consulté le 13 novembre 2024
(7) Loc.cit.
(8) Bensimon, C., « Au Mali, l’armée et des combattants étrangers seraient responsables du massacre de 500 personnes à Moura selon l’ONU », Le Monde, 12 mai 2023, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/12/… consulté le 14 novembre 2024
(9) Loc.cit.
(10) ACLED Conflict Watchlist 2024 : Sahel, 2024, https://acleddata.com/conflict-watchlist-2024/sahel/, consulté le 14 novembre 2024
(11) OHCHR, Mali : UN experts call for independent investigation into possible international crimes, 13 janvier 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/01/ma… consulté le 14 novembre 2024
(12) Berge, J., Central African Republic Mine Displays Stakes for Wagner Group’s Future, Center for Strategic and International Studies, 21 septembre 2023, https://www.csis.org/analysis/central-african-repu… consulté le 15 novembre 2024
(13) Loc.cit.
(14) Litzow, J., Africa: Here’s How to Respond to Russia’s Brutal Wagner Group, United States Institute of Peace, 11 avril 2023, https://www.usip.org/publications/2023/04/africa-h… consulté le 15 novembre 2024
(15) Al-Rashid, A., The Wagner Lesson: Unveiling the Africa Corps’ Impact on Russia’s Influence in Africa, Future Center, 1er novembre 2023, https://www.futureuae.com/en-AE/Mainpage/Item/9355… consulté le 15 novembre 2024
Le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des Armées, et Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’Armement, ont participé conjointement à une table tonde et à un échange avec les élèves polytechniciens des promotions 2022 et 2023 sur la stratégie et les enjeux de la défense française. Laura Chaubard, Présidente et directrice générale de l’X, a souligné à cette occasion le renforcement des liens de l’X avec la communauté de défense et le ministère des Armées et des Anciens combattants, autorité de tutelle de l’École polytechnique.
Institutionnel
Le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’État-major des Armées et Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’Armement ont participé le 28 novembre 2024 à une table ronde et à un échange avec les promotions X2022 et X2023 sur les enjeux stratégiques et les priorités de la défense française.
« Votre présence parmi nous, tout à fait exceptionnelle, illustre à quel point sont indissociables la capacité opérationnelle de nos Armées et la performance technologique, scientifique et industrielle portée par la Direction Générale de l’Armement », a déclaré Laura Chaubard, Présidente et directrice générale de l’École polytechnique en introduction de la table ronde.
« L’École polytechnique, depuis sa création il y a 230 ans, a été à la croisée de ces enjeux scientifiques et stratégiques et aujourd’hui plus que jamais dans un moment où dans le domaine des sciences comme de la défense, le temps s’accélère », a dit Laura Chaubard.
« La France n’est pas en guerre mais la communauté de défense est entrée en économie de guerre », a-t-elle poursuivi en référence à une expression utilisée par le président de la République, Emmanuel Macron, en juin 2022 dans le cadre du salon de la Défense et de la Sécurité Eurosatory, et qui recouvrait la capacité de la France et de son industrie à être en mesure d’intervenir dans une opération militaire de haute intensité sur la durée.
« Les bouleversements actuels dans les rapports de puissance interviennent de façon concomitante avec bien sûr une accélération du changement climatique mais aussi avec un bouillonnement scientifique tout à fait extraordinaire qui va lui aussi porter une grande part de notre souveraineté future que ce soit dans le domaine de haute densité d’énergie, des technologies quantiques, spatiales et bien sûr de l’intelligence artificielle, le rythmes spectaculaire des avancées scientifiques ces dernières années laisse entrevoir des ruptures majeures que beaucoup de scientifiques eux-mêmes ne pensaient pas accessibles à l’horizon de leur existence « , a-t-elle souligné.
« Dans cette École, où l’excellence scientifique se conjugue à une formation humaine et militaire unique au monde nous aspirons à former des esprits et des corps capables d’embrasser ces transformations rapides et de relever les défis complexes qu’elles posent à la France et à l’Europe », a dit Laura Chaubard.
« Sous l’impulsion du ministre de la Défense et grâce à l’accompagnement de la DGA, l’École a considérablement renforcé ses liens avec la communauté de défense, et ce dans tous les pans de son activité », a-t-elle ajouté.
QUATRE MARQUEURS, DEUX PRIORITÉS
Interrogé sur le contexte actuel de sécurité internationale, le Chef d’État-major des Armées et le Délégué Général pour l’Armement ont partagé avec les élèves leurs analyses et leurs priorités pour la défense française.
Évoquant l’environnement stratégique qui contribue à façonner les priorités de son action, le chef d’Etat-major des Armées a fait état de quatre marqueurs.
« Le premier marqueur est une forme de désinhibition de la force que l’on peut constater tous les jours », a dit le général Burkhard.
« Des pays se sont armés et ils emploient la force avec une augmentation du niveau de violence auquel il ne faut pas s’habituer (…) et une recherche de létalité en faisant de plus en plus de victimes civiles, considérant que c’est une manière de manifester leur détermination ».
« Le deuxième marqueur c’est la récusation, la remise en cause du modèle occidental et la volonté de le remplacer pat un modèle alternatif, [le président de la Fédération de Russie, Vladimir, NDLR] Poutine est à la tête de ce mouvement avec pas mal de monde derrière lui-même si ce n’est pas un ensemble aussi homogène que la Russie voudrait le présenter. »
« Le troisième marqueur est la valeur stratégique de l’information » a souligné le Chef d’État-major des Armées.
« Nos adversaires, nos compétiteurs utilisent l’arme de l’information, agissent dans le champ des perceptions de manière extrêmement offensive et ils s’appuient pour cela sur des stratégies de long terme. Dans ce champ des perceptions, de la guerre du narratif, il n’a peut-être pas de victoire décisive mais il y a un ensemble d’effets de long terme qu’il faut prendre en compte », a dit le général Burkhard.
Il a mentionné un quatrième marqueur de l’environnement stratégique actuel : le changement climatique. « Nous ne pouvons pas faire de partenariats stratégiques [avec certains pays] si nous ne prenons pas en compte ce qui les menace, ce qui les concerne le plus », a-t-il dit.
Dans ce contexte, le chef d’État-major des Armées a défini deux grandes priorités : la richesse humaine et la cohésion nationale.
« La première priorité, c’est la ressource, la richesse humaine en termes d’hommes et de femmes », a dit le général Burkhard.
Alors que, « la différence entre le monde civil et le monde miliaire s’accentue, il faut que nous soyons capables de recruter parce que l’armée française est une armée d’emploi », a-t-il rappelé.
« Il y a encore des jeunes Français et des jeunes Françaises qui s’engagent alors que ce n’est pas forcément la voie de la facilité (…), je pense que nous sommes capables de magnifier le collectif plus fort que l’individuel et les missions que nous avons ont du sens dans une société où les gens sont en quête de sens », a-t-il poursuivi.
« C’est pour cela que nous sommes encore capables de recruter mais ce n’est jamais garanti et c’est pour cela que c’est une priorité ».
La cohésion nationale est la deuxième priorité énoncée par le Chef d’État-major des Armées. « La cohésion nationale est le centre de gravité d’une nation », a-t-il rappelé, ajoutant : « pour une nation qui n’aurait pas de cohésion, le risque de perdre la guerre sans la livrer est extrêmement fort. Si personne ne veut la guerre, est-ce que nos autorités politiques donneraient l’ordre d’engagement, je n’en suis pas sûr. »
« Les Armées ne sont pas responsables de la cohésion nationale, elles y contribuent mais elles n’en sont pas seules responsables », dans un environnement où « la surface de contact des Armées avec le pays est très faible », a-t-il souligné, rappelant que cette contribution des Armées à la cohésion nationale passe notamment par ses actions en direction de la jeunesse en lien avec l’Éducation nationale et par l’augmentation de la réserve pour laquelle Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a lancé un plan ambitieux visant à en doubler les effectifs pour parvenir à un ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active.
« La cohésion d’une nation c’est aussi ne pas oublier ceux de ses fils et de ses filles militaires qui ont été en opération et qui sont morts ou ont été blessés et cela n’est pas seulement la mission des Armées », a déclaré Thierry Burkhard, « même si les Armées n’ont évidemment pas le droit d’oublier les leurs. »
Dans le cadre de l’initiative nationale Duoday, le chef d’État-major des Armées était venu accompagné de trois militaires, des Armées de Terre, de l’Air et de la Marine, blessés en opération et qui ont été longuement applaudis.
TRIANGLE COÛTS-PERFORMANCES-DÉLAIS
Le Délégué général pour l’Armement a rappelé que la mission de sa direction était de « trouver des réponses capacitaires mais aussi technologiques aux défis opérationnels auxquels les Armées sont confrontées.
« Les opérations ne sont plus les mêmes. Il faut se battre en même temps sur terre, dans l’air et sur la mer mais on se bat aussi dans l’espace, on se bat sous les mers et l’on se bat dans les champs immatériels, on se bat dans le cyber, on se bat dans le champ informationnel et tout cela induit un certain nombre de révolutions technologiques pour développer les bons outils capacitaires », a souligné Emmanuel Chiva.
Le Délégué général pour l’Armement a poursuivi en explicitant le concept d’économie de guerre et sa portée.
« Ce concept d’économie de guerre, ne veut pas dire que nous sommes en guerre, cela veut dire que nous sommes en mesure de ne pas subir et de préparer la nation à un effort nous permettant par exemple de rentrer dans opération de haute intensité », a-t-il dit.
« Ce qui est assez novateur dans cette approche, c’est que cela faisait des années que nous n’étions pas confrontés à la problématique de la production. Ce qui était noble dans notre industrie d’armement, c’était de faire des systèmes très sophistiqués souvent à petite échelle, de prendre le temps de bien faire les choses mais pas de produire en masse, pas de produire vite, pas de produire [des armements] peut-être pas parfaits mais disponibles tout de suite », a-t-il poursuivi.
« L’un de nos grands défis aujourd’hui, c’est de préparer notre industrie [d’armement], la base industrielle et technologique de défense, c’est-à-dire les grands donneurs d’ordre et les 4500 PME qui sont derrière dont 1200 sociétés critiques, à rentrer dans un rythme auquel ils n’étaient absolument pas habitués et avec une approche qui, dans le triangle coûts-performances-délais, tirait vers la performance. Aujourd’hui le levier numéro un, ce sont les coûts d’abord, les délais ensuite », a expliqué Emmanuel Chiva.
« Cela veut dire repenser les chaînes de production, repenser les chaînes d’approvisionnement et aussi repenser une forme de souveraineté », a-t-il ajouté évoquant la nécessité de maintenir ou de relocaliser sur le territoire national certaines productions ou les approvisionnements de composants ou de matériaux critiques.
« Ce n’est parce qu’on le dit que c’est facile à faire », a relevé Emmanuel Chiva rappelant que la DGA doit parallèlement conduire toutes ses missions habituelles, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et bien sûr dans le maintien de la capacité de dissuasion de la France avec « le retour au premier rang de la rhétorique nucléaire».
Retour sur la décision du président américain sortant, Joe Biden, et de son homologue anglais, Keir Starmer, d’autoriser les forces armées ukrainiennes à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadows contre l’Oblast russe de Koursk. Une décision qui a déclenché une riposte « appropriée » de Moscou assimilée à une menace nucléaire et à une déclaration de guerre de la Russie aux pays de l’OTAN devenus de facto belligérants.
Les 20 et 21 novembre derniers, Joe Biden et Kern Stammer ont autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow capables d’atteindre 300 km pour frapper le territoire russe. La motivation officielle de cette décision aurait été de dissuader la Corée du Nord d’envoyer davantage de troupes et de faire dérailler la contre-attaque russe à Koursk, en train de porter ses fruits après un étrange retard. Et même la France, qui a déjà fourni des missiles à longue portée à l’Ukraine, a déclaré qu’autoriser Kiev à frapper des cibles militaires en Russie, voire même à envoyer une force européenne au sol, restait une option sur la table. De son côté, la président russe Vladimir Poutine a estimé qu’étant donné que les forces ukrainiennes ne peuvent pas utiliser les missiles occidentaux seules, elles ont forcément été appuyées par des spécialistes militaires des pays fournisseurs (Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc) pour insérer les données de renseignement nécessaires au ciblage.
Ceci a entraîné la décision de Vladimir Poutine de riposter de façon « appropriée » en testant un missile « Oreshnik » RS26 de portée intermédiaire (IRBM) et hypersonique. Conçu pour emporter 6 ogives nucléaires, ce missile, lancé avec de simples explosifs conventionnels, a été testé et utilisé comme un avertissement quant à la capacité de Moscou à viser avec des armes nucléaires ou pas – et sur une distance de 5500 km – n’importe quel point de l’Ukraine et n’importe quelle capitale occidentale. En juin dernier, lors d’une réunion avec des représentants d’agences de presse internationales, alors que ces missiles occidentaux étaient déjà utilisés en Ukraine et en Crimée annexée contre des objectifs russes, Poutine avait déjà émis l’hypothèse que Moscou pourrait réagir en fournissant à son tour des missiles “dans les régions du monde d’où seront lancées des attaques sensibles sur les sites des pays qui fournissent des armes à l’Ukraine“. Ces derniers jours, cette menace s’est accentuée et se dirige désormais directement vers des cibles occidentales, d’où le risque de « III guerre mondiale » agité par les médias et nombre de commentateurs. Maintes voix ont également exprimé leur étonnement concernant la décision de Biden de monter d’un cran le degré de belligérance alors que le peuple américain a voté pour un président élu ayant promis de faire la paix. Qu’en est-il vraiment ?
Premièrement, il faut garder à l’esprit que la guerre psychologique a toujours été partie intégrante de la guerre. De ce point de vue, deux mois avant que le supposé non-interventionniste Donald Trump entre en fonction (20 janvier), chaque camp, celui pro-Ukraine et la Russie, a intérêt à exercer des pressions maximales sur les dirigeants et les populations respectives, afin d’arriver à la table des négociations tant annoncées avec le meilleur rapport de force concret et psychologique. C’est ainsi qu’il faut comprendre les propos menaçants des proches de Poutine qui ont avoué que le but est de faire « tressailler de peur » l’Occident (Kadyrov, Medvedev). Poutine lui-même a déclaré : « nous nous considérons pleinement fondés à employer nos armes contre les infrastructures militaires des pays qui autorisent l’usage des leurs contre nos propres installations (…). Je recommande vivement aux élites dirigeantes des pays qui envisagent de déployer leurs contingents militaires contre la Russie d’y réfléchir à deux fois », dans son discours de 8 minutes. Maniant le chaud et le froid, Vladimir Poutine a également dit dans son discours-avertissement, spécialement aux Anglais et aux Etats-Unis, mais aussi implicitement à la France, que la Russie serait « toujours prête, aujourd’hui encore, à résoudre tous les différends de cette manière » par le dialogue, mais en précisant que Moscou pourra « affronter tous les développements possibles que pourraient occasionner les événements en cours. Et si certains en doutent encore, ils ont bien tort de le faire. La Russie répliquera toujours »… La peur est en fait une arme qui peut s’avérer efficace, car, comme on l’a vu avec la victoire de Donald Trump et de sa nouvelle équipe, notamment Vence, Kennedy et Musk, on sait que la promesse de paix – et donc la peur de la guerre – a motivé nombre d’Américains démocrates et républicains à voter Trump afin d’éviter la « troisième guerre mondiale », expression-épouvantail d’ailleurs utilisée le 20 novembre par Trump Junior sur les réseaux sociaux. Il convient donc de relativiser la gravité certes réelle de la situation.
D’un autre côté, il serait imprudent de réduire les avertissements de Poutine à un simple bluff, car l’histoire regorge d’exemples selon lesquels les menaces et surenchères créent des engrenages guerriers infernaux. Toutefois, les dirigeants des deux camps, et même le soi-disant fou Kim Jong Un Guide suprême de Corée du Nord, ne sont pas des jihadistes candidats au suicide. Ils aiment la vie, la chair, le luxe, ont des familles, des intérêts et donc un désir de survie, comme l’expliquait inlassablement mon ami et maître le géostratège Pierre Marie Gallois, inventeur de la dissuasion nucléaire française dite « du faible au fort ». Ils n’ont donc pas l’intention de déclencher le feu nucléaire final, du moins jamais contre une autre alliance ou puissance nucléaire plus forte ou aussi forte qu’eux. Il est certes aussi vrai que la nouvelle doctrine nucléaire qui a été approuvée par Vladimir Poutine le 26 septembre dernier prévoit une éventuelle «réponse nucléaire contre tout pays qui attaquerait la Russie même s’il ne possède pas d’armes atomiques mais qui serait soutenu par des puissances nucléaires », ce qui est exactement le cas de l’Ukraine, aidée par des pays de l’Otan – dont trois sont des puissances nucléaires et d’autres abritent des ogives nucléaires. Toutefois, malgré la gravité apparente de la situation, il faut raison garder et rappeler qu’aucun déplacement d’ogive nucléaire stratégique n’a été détecté pour le moment et que l’essai du missile hypersonique RS26 russe du 22 novembre a été effectué – comme un essai précédent en Sibérie d’ailleurs – après en avoir informé les Occidentaux afin qu’ils sachent qu’il ne s’agissait pas d’une attaque nucléaire tournée contre une capitale européenne ou ouest-américaine. De la même manière, en autorisant depuis des mois les Ukrainiens à frapper les forces russes avec des missiles de 250 à 300 km, les Occidentaux ont toujours annoncé par avance leur décision de façon directe ou progressive, comme cela s’est passé avec les Storm Shadow et ATACMS américains, dans le cadre d’une « communication » stratégique et médiatique qui a à chaque fois laissé le temps aux troupes russes de se préparer et de déplacer hommes, munitions ou autres engins de guerre.
Le message de guerre psychologique de Vladimir Poutine, qui sait déjà que l’administration Trump pourrait lui laisser les terres ukrainiennes actuellement conquises – Crimée incluse – est de faire comprendre que c’est une erreur de penser qu’il bluffe et que l’on peut « désanctuariser » impunément le sol d’un pays nucléaire, comme cela s’est produit depuis le 6 août dernier avec l’incursion ukrainienne vers Koursk, et comme on le voit avec l’autorisation de frapper le sol russe sur un rayon de 300 km. De ce point de vue, la révision de la doctrine nucléaire puis l’essai du 22 novembre dernier sont destinés à réintroduire une effectivité de la dissuasion qui aurait été apparemment érodée. D’une certaine manière, on peut dire que Russes et Américains procèdent depuis des jours, plus encore qu’avant, à un « dialogue stratégique in vivo et in concreto ». La Russie a donc logiquement averti les États-Unis (via le Centre national russe pour la réduction des risques nucléaires), plus d’une demi-heure avant le lancement du missile hypersonique, dans le cadre d’un système d’échange automatique visant à « maintenir une communication constante » avec un système du camp adverse, selon les propres termes du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Face aux capitales pro-ukrainiennes qui estiment que la sanctuarisation nucléaire du territoire russe peut être violée sans conséquences graves, alors que pendant toute la guerre froide l’OTAN n’a jamais tenté de pénétrer « l’étranger proche russe » ou foulé le sol des pays membres du Pacte de Varsovie, d’autres Etats – même pro-ukrainiens, comme l’Italie – prennent au sérieux les avertissements poutiniens : le ministre des Affaires étrangères transalpin, Antonio Tajani, a ainsi déclaré qu’il refusait que l’Ukraine utilise des armes italiennes sur le sol russe. De même, l’Allemagne, plus grand contributeur de l’UE à l’effort de guerre ukrainien, a confirmé par la bouche de son chancelier, Olaf Scholz, que les missiles de croisière Taurus ne seraient jamais fournis à Kiev. Mieux, Scholz a téléphoné à Poutine immédiatement après la chute de son gouvernement, en parlant de nécessité de dialogue, ceci au grand dam des pays les plus antirusses, la Pologne et les pays Baltes. Quant au trio Autriche-Slovaquie-Hongrie, ce dernier pays présidant l’UE jusqu’au 31 décembre et ayant présenté à Donald Trump un plan de paix en juin dernier, il ne veut absolument pas participer à l’escalade et souhaite continuer à bénéficier du gaz russe par oléoduc. Ce trio est d’accord sur ce point avec Angela Merkel qui a avoué dans ces mémoires, parues ces jours-ci, puis dans des interviews récentes, que l’économie allemande a besoin du gaz russe bon marché par gazoducs pour que son économie et son industrie demeurent compétitive. Le chancelier Scholz a ouvertement reconnu lui-même que la reprise des relations avec Moscou permettrait de sauver l’Allemagne d’une crise économique énergétique provoquée par les sanctions sur les hydrocarbures russes. Une vision partagée plus clairement encore non seulement par la droite allemande ultra de l’AFD mais aussi par la gauche souverainiste de Sarah Wangenknecht, les deux étant en pleine ascension électorale, surtout en Allemagne de l’Est, certes, mais de plus en plus dans d’autres Landers également.
Deuxièmement, il convient de relativiser la potentielle escalade inhérente aux autorisations occidentales de frapper le territoire russe et à la riposte russe par le test du missile hypersonique. L’autorisation faite aux Ukrainiens d’utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow contre le territoire russe ne changera pas plus la donne et les rapports de force que cela n’a été le cas lorsque ces armes ont été utilisées depuis des mois contre la Crimée et des forces russes dans le Donbass. Non seulement ces missiles ont souvent été abattus par la défense aérienne russe, mais ils ont été livrés en nombre très limités aux forces ukrainiennes. Par ailleurs, l’arrivée sur le front russe de militaires nord-coréens, qui a servi de prétexte à Washington pour justifier l’autorisation des ATACMS contre la Russie, a été exagérée par le camp pro-ukrainien, car si la présence de 10 000 soldats nord-coréens sans expérience du combat et armés de 70 canons et lance-roquettes est avérée, cela demeure infime par rapport aux 700 000 soldats russes au total équipés de 2 000 pièces d’artillerie sur la ligne de front. Et les reporters sur place le long du front ont plus vu de mercenaires colombiens que de Nord-Coréens. En réalité, pour ne pas avoir à trop dégarnir ses troupes en pleine progression dans l’Oblast de Doniesk, les forces russes tentent de récupérer les terres du sud occupées par les Ukrainiens dans l’oblast de Koursk avec le minimum de troupes du Donbass et le maximum de forces intérieures et de mercenaires. Enfin, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, ont souligné à quel point l’utilisation de l’ATACMS par les Ukrainiens était inutile puisque les aéroports russes et autres bases d’importance stratégique sont situés bien hors de leur portée.
Revenons maintenant sur le discours du maître du Kremlin, qui a insisté sur un point d’histoire que l’Occident, Washington et l’Otan ont du mal à admettre, à savoir que « ce n’est pas la Russie, mais les États-Unis qui ont détruit l’architecture internationale de sécurité et, en poursuivant leurs combats, s’accrochent désespérément à leur hégémonie, entraînant la planète entière dans un conflit global ». La référence aux casus belli de la proposition faite à l’Ukraine en 2008 d’adhérer à l’OTAN, des soutiens occidentaux aux révolutions ukrainiennes antirusses de 2004 et 2014 – sans oublier la question des missiles antimissiles américains installés en Pologne et en Roumanie, rentre certes dans le registre d’une propagande de guerre psychologique visant à renverser les rôles et accuser l’Occident du bellicisme dont Moscou est justiciable. Toutefois, le propos peut malgré tout convaincre d’autant plus efficacement certains occidentaux épris de paix qu’il contient une part de vérité susceptible d’enfoncer un coin dans l’unité occidentale et de susciter une certaine empathie dans les pays du Sud global. Enfin, concernant la volonté russe de produire à nouveau et en masse des missiles à portée intermédiaire (5500 km) pouvant frapper toutes les capitales occidentales, sauf l’Australie et la Nouvelle Zélande, Poutine a rappelé que leur développement s’est effectué « en réponse aux programmes lancés par les États-Unis, consistant à produire et déployer en Europe et dans la région Asie-Pacifique leurs propres missiles de courte portée et de portée intermédiaire. Nous estimons que les États-Unis ont commis une erreur en 2019 lorsqu’ils ont déchiré, sur un prétexte fallacieux, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Aujourd’hui, les États-Unis ne se contentent pas de produire de tels équipements : ils ont entrepris, dans le cadre de leurs exercices militaires, le transfert de ces systèmes avancés vers différentes régions du monde, notamment en Europe, sans compter qu’ils s’entraînent à leur utilisation lors de leurs manœuvres ». L’allusion au projet de George Bush jrentre 2004 et 2008 de prépositionner dans toute l’Europe de l’Est des missiles et anti-missiles américains pouvant annuler la capacité d’interception ou de riposte russe (option certes réduite ensuite par Barak Obama à la Roumanie avant que la Pologne fasse de même en 2024), est ici évidente et participe aussi d’une tentative de renverser l’accusation de bellicisme originel. Du point de vue de Bruxelles et Washington, il s’agit là d’un pur narratif poutinien qui, même si l’extension de l’OTAN vers l’est et l’ingérence pro-démocratique en Ukraine sont indéniables, ne justifie aucunement la guerre d’agression russe en Ukraine et l’annexion de territoires d’un pays voisin dont Moscou avait reconnu à maintes occasion l’indépendance et les frontières depuis 1991.
En guise de conclusion : la paix annoncée par Donald Trump est-elle compromise pour autant ?
Pas forcément ! Premièrement parce que l’intensification des menaces et utilisations d’armes toujours plus efficaces et dissuasives des deux côtés du front ne signifie pas forcément une entrée dans la III -ème guerre mondiale, même si le risque n’est pas nul, mais rentre dans le contexte des dernières avancées et démonstrations de capacités de nuisance de part et d’autre avant l’ouverture prochaine de négociations annoncées par l’Administration Trump. Ensuite, il faut rappeler que, paradoxalement, cette montée en puissance – apparemment très inquiétante et « co-belligène – arrive dans un contexte global de possibles négociations imminentes. Il faut « tout faire pour mettre fin à la guerre en 2025 par la diplomatie en partant d’’une Ukraine forte’, a ainsi déclaré le président Volodymyr Zelensky, alors qu’il avait fait criminaliser dans la loi ukrainienne pareille idée et qu’il excluait toute négociation territoriale dans son fameux « plan de victoire ». Il a même été jusqu’à saluer parmi les premiers la victoire de Donald Trump et sa vision de la « paix par la force » et voit dans la nouvelle administration la perspective de sortir de la guerre par le haut, afin que cela n’apparaisse pas comme une trahison de sa part comme une décision du protecteur américain. Ceci en échange, bien sûr, de garanties pour l’avenir de la part des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’UE. De son côté, Vladimir Poutine – lors de l’entretien téléphonique avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, le 15 novembre dernier, a réitéré qu’un éventuel accord pour la fin du conflit doit “se baser sur les nouvelles réalités territoriales”, ou plutôt sur ce que Moscou a réalisé jusqu’à présent. Ceci paraissait totalement inacceptable et inaudible il y a encore un ou deux mois, et a fortiori durant l’été, lorsque l’Ukraine réussissait une incroyable percée en terre russe vers Koursk, mais elle est hélas devenue totalement réaliste pour les nationalistes ukrainiens maintenant qu’elle est au cœur du plan de paix du président américain élu et que les rapports de force sont nettement en faveur de l’armée russe, avec une progression accélérée dans l’oblast de Doniesk, partout sur la ligne de front, puis même dans l’Oblast de Koursk, où les troupes ukrainiennes reculent et subissent de lourdes pertes d’ailleurs peu médiatisées. Après l’appel téléphonique avec Scholz, le Kremlin a rappelé que Poutine – dans un discours au ministère des Affaires étrangères – a posé le retrait des forces ukrainiennes des quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Lougansk, Zaporhizhia et Kherson) comme condition d’un cessez-le-feu. Or cette option é été clairement acceptée par Donald Trump, son vice-président J.D. Vence et la quasi-totalité de son équipe, néo-cons y compris, dont Marco Rubio. En fait, le plan de paix de Trump, qui s’est appuyé en partie sur celui présenté par Victor Orban en juillet dernier, prévoit des régions autonomes de chaque côté d’une zone démilitarisée, le renvoi dans au moins vingt ans de l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ; une neutralisation totale du pays, des garanties de ne jamais redevenir une puissance nucléaire et une base de l’empire rival US, et un abandon des territoires russophones en cours de conquête par la Russie et annexés à cet effet. Il est clair que pour voir le jour, ce plan théoriquement inacceptable par Kiev, passe par une remise en question totale du “plan de victoire” de Zelensky qui a parlé au contraire d’”une invitation” de l’Alliance comme base fondamentale de la paix » …. Le président ukrainien devrait donc non seulement se dédire, donc s’auto délégitimer, mais il devrait agir en contravention non seulement du droit ukrainien mais surtout de la Constitution ukrainienne, laquelle interdit tout abandon de souveraineté, inscrit dans le marbre l’adhésion du pays à l’OTAN au plus vite, et assimile à une forfaiture le simple fait de vouloir changer la constitution sous l’influence directe ou indirecte de forces étrangères.
Pour ce qui est du « dindon de la farce » qu’est l’Union européenne, première victime des sanctions, en pleine récession, obligée de payer son gaz 3 à 5 fois plus cher que les États-Unis, et sur qui va peser le fardeau financier de la reconstruction de l’Ukraine, le plan Trump prévoit qu’elle devra prendre la place des États-Unis sur le front de l’aide militaire, ce qui impliquera de multiplier par deux les contributions annuelles – à ce jour autour de 20 milliards, soutenues en grande partie par l’Allemagne – et à un moment où, par ailleurs, l’économie n’est pas au mieux… Face au réalisme cynique du plan Trump, que d’aucuns comparent déjà aux accords de Munich signés avec Hitler par l’Anglais Neville Chamberlain en 1938, notamment, pour éviter en vain une guerre et en se déshonorant, l’effondrement de Kiev n’est pas une option pour de nombreux États membres de l’OTAN et de l’UE. Cela représenterait en effet, selon Bruxelles et les grandes capitales européennes, surtout les Pays-Baltes, la Roumanie et la Pologne, une menace existentielle pour leur sécurité, avec à la clef un double risque d’encourager la Russie à recommencer sa politique expansionniste dans l’avenir une fois son armée reposée et renforcée, puis d’autres pays aux appétits impérialistes à faire de même. En outre, les services de renseignement occidentaux estiment que si le pays se retrouvait aux mains des Russes, 10 millions d’Ukrainiens pourraient fuir vers l’Europe, avec un exode aux proportions bibliques. Un vrai dilemme « paix maintenant » versus « si vis pacem para bellum ». Un vrai casse-tête pour l’avenir de l’UE et la crédibilité de l’Alliance atlantique, mais que les partisans de l’America First sont déterminés à résoudre avec le triomphe de la Realpolitik et des accords bilatéraux sur les logiques multilatérales et les alliances globales désormais fragiles et inquiètes du risque d’arrêt brutal de leurs logiques d’expansion permanente et existentielles, bien que belligènes…
Né le 23 décembre 1929 en Cochinchine, Huynh Bax Xuan et décédé le 1er décembre 2018, est sorti des Ecoles de Saumur et de Saint-Cyr-Coëtquidan en 1950.
Aide de camp du général de Lattre en 1951 en Indochine, Chef de poste à Nasan en 1952 puis commandant de sous-secteur en 1953. Il est capturé au combat en avril 1953. Interné dans un camp de prisonniers et de déserteurs de l’armée française, il est soumis à la surveillance et aux brimades de ces derniers. Il monte en novembre 1953 un audacieux plan de soulèvement du camp, qui échoue. Repris après son évasion, il est mis au pilori par le commandant du camp devant tous les prisonniers rassemblés.
Il avait été capturé le 10 avril 1953, à la tête du bataillon qu’il commandait dans le delta tonkinois, au nord de l’actuel Vietnam. Transféré de camp en camp de sûreté, il va connaître l’enfer : les pieds cadenassés dans un carcan ou entravés par de lourdes chaînes, le cachot noir de lm70 de long, dont il ne sort que 10 minutes par jour, la demi-ration de riz, le camp de prisonniers où la mortalité dépasse 80% en 10 ans, les pénibles séances de rééducation politique où il est traité de criminel de guerre et de traître. Il ne sera pas de ceux qui seront libéré à la fin de la guerre.
La rigueur s’atténue en 1975 à la chute de Saigon, au moment où près de 500.000 soldats sud-vietnamiens sont placés en camp de rééducation. Avec trois survivants, il est mis en résidence surveillée près d’Hanoï. Libéré en mai 1976, il retrouve sa mère à Ho-Chi-Minh-Ville et récupère ses papiers militaires. Mais le Consulat de France reste sourd à ses démarches. Lors de deux tentatives d’évasion par la mer, il échappe à la police et se réfugie à Bien Hoa, où il se marie. Il réussit en 1980 à joindre un ancien officier du maréchal de Lattre qui obtient son rapatriement.
A Paris en juillet 1984, ses ennuis ne sont pas terminés. Étant en prison en 1955, il n’a pas pu demander son maintien dans la nationalité française. Le Tribunal de Grande Instance de Rennes reconnaît sa nationalité en janvier 1986 après 2 ans d’action judiciaire. Le ministère de la Défense le promeut alors lieutenant-colonel. Commandeur de la Légion d’honneur, il avait reçu la médaille des évadés, en 2016, à Rennes, dans le cadre des cérémonies du 71e anniversaire du 8-Mai 1945.
Le soldat qui a souffert 20 ans pour la France est bien « un Français à part entière » La France l’avait oublié depuis 1953, dans les camps du Vietminh, le lieutenant-Colonel Huynh Ba Xuan est décédé samedi 1er décembre 2018, à Rennes, dans sa 89e année.
Un hommage particulier à été demandé par l’Amicale des anciens prisonniers internés, déportés, d’Indochine, et le Souvenir français. Il nous laisse un livre pour raconter son histoire extraordinaire « Oublié 23 ans dans les goulags viet-minh, 1953-1976 », éditions L’Harmattan.
A nous le souvenir, à lui l’immortalité !
Jean-Baptiste Tomachevsky
Mon grand-oncle paternel s’est engagé dans la Légion étrangère, parti combattre pendant la guerre d’Algérie. Il est mort pour la France en 1962. C’est lui qui m’a donné l’amour de la Patrie et l’envie de la servir. Appelé sous les drapeaux en février 95, j’ai servi dans 6 régiments et dans 5 armes différentes (le Train, le Génie travaux, l’artillerie sol-air, les Troupes de marine et l’infanterie). J’ai participé à 4 opérations extérieures et à une MCD (ex-Yougoslavie, Kosovo, Côte d’Ivoire, Guyane). Terminant ma carrière au grade de caporal-chef de 1ère classe, j’ai basculé dans la fonction publique hospitalière en 2013 en devenant Responsable des ressources humaines au centre hospitalier de Dieuze. J’ai décidé ensuite de servir la Patrie différemment en devenant Vice-président du Souvenir Français (Comité de Lorquin-57) où je suis amené à participer à une cinquantaine de cérémonies mémorielles par an. Je participe également à des actions mémorielles auprès de notre jeunesse. Je suis également porte-drapeau au sein de l’Union nationale des combattants (UNC) de Lorquin (57) et membre du conseil départemental de l’ONaCVG de la Moselle, collège 2 et 3. J’ai également créé sur un réseau social professionnel un compte qui regroupe près de 16 000 personnes dédié au Devoir de mémoire. Je transmets et partage les destinées de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France. J’ai rejoint THEATRUM BELLI en novembre 2024 pour animer la rubrique « Mémoires combattantes ».
Sénégal : la commémoration du massacre de Thiaroye, un dossier aux forts enjeux mémoriels et diplomatiques
80 ans après le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, le Sénégal commémore ce drame historique. Entre hommage et quête de vérité, des zones d’ombre demeurent.
Le moment est historique et solennel pour le Sénégal en ce 1er décembre. Pour la première fois, à l’occasion des quatre-vingts ans de cette tuerie, l’État sénégalais commémore le massacre de Thiaroye, survenu au camp militaire du lieutenant Amadou Lindor Fall de Thiaroye, en banlieue de Dakar, le 1er décembre 1944. Ce jour-là, les tirailleurs sénégalais (des soldats originaires des colonies françaises d’Afrique subsaharienne ayant combattu pour la France lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale) sont massacrés sur ordre d’officiers français. Le tort de ces anciens prisonniers de guerre détenus dans des camps allemands sur le sol français, en attente depuis le 21 novembre au camp de Thiaroye de pouvoir rentrer chez eux ? Avoir réclamé leur prime ainsi que leurs arriérés de solde. Selon la version officielle, cette « mutinerie » aurait causé 35 décès. Un chiffre largement remis en cause par des historiens qui l’estiment plutôt à des centaines de morts.
C’est devant les 103 tombes in memoriam du cimetière du camp, entouré de plusieurs dirigeants (notamment africains à l’instar du président mauritanien également président de l’Union africaine), que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye rend un hommage appuyé à ces tirailleurs. Une commémoration à laquelle assiste également le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, représentant de la France. Le 28 novembre, le président Emmanuel Macron, dans une lettre adressée au président sénégalais, avait reconnu un « massacre », un mot auparavant jamais officiellement prononcé, les autorités françaises préférant parler de « mutinerie », au mieux de « répression sanglante » pour évoquer ce crime colonial. Une avancée considérable sur ce dossier sensible, mais est-ce pour autant la fin d’une bataille mémorielle entre les deux pays et l’assurance de faire la lumière sur cette journée du 1er décembre 1944 ?
Mémoire entravée et confisquée
« C’est un grand pas », s’est félicité Bassirou Diomaye Faye, sans omettre de pointer « la chappe de plomb » imposée par la France pendant des décennies sur ce pan de l’Histoire. Pendant quatre-vingts ans, c’est cette version officielle d’une mutinerie qui sera défendue et relayée par l’État français, quitte à modifier les documents pour tenter de masquer les preuves du massacre et corroborer le récit national. « Un mensonge d’État sur une ignominie », dénonce l’historienne Armelle Mabon*, qui travaille depuis plus de vingt ans sur le sujet et réclame la fin de l’omerta. Au-delà du nombre de victimes sous-estimé, qui oscillerait entre 300 et 400, trente-quatre tirailleurs ont également été condamnés, accusés d’être les instigateurs de cette révolte, avant d’être amnistiés deux ans plus tard (deux d’entre eux sont décédés en prison) sans indemnités. Pour avoir remis en cause l’histoire officielle, le film Camp de Thiaroye (1988) du cinéaste Ousmane Sembene sera longtemps censuré et interdit de diffusion, en France comme au Sénégal. « C’est une reconnaissance bien tardive. La mémoire a été entravée pendant des années », réagit Mamadou Diouf à cette lettre. L’historien, professeur à l’université de Columbia (New York), est aussi le président du comité chargé de l’organisation de la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye.
Depuis 2004, la célébration d’un hommage aux tirailleurs massacrés était portée par des associations ou les familles des victimes, avec peu de retentissement dans la population et sans aucun soutien de l’État. « Il est très clair que les politiciens qui se sont succédé depuis l’indépendance ont subi une pression qui a fait qu’ils étaient plus ou moins indifférents à Thiaroye et qu’ils n’ont pas essayé de commémorer ou rendre hommage aux tirailleurs », exception faite d’Abdoulaye Wade qui a instauré la journée du tirailleur (le 23 août), explique l’historien. Le nouveau pouvoir amorce donc un virage et une rupture nette avec l’attitude conciliante des prédécesseurs qui cherchaient à éviter toute remise en cause pour ne pas froisser la France. Le président sénégalais et son Premier ministre, Ousmane Sonko, défendant un programme souverainiste, veulent inscrire cet épisode tragique dans l’histoire nationale. « Le pouvoir a choisi Thiaroye pour signaler la nature de son engagement au souverainisme, mais aussi comme un engagement pour partager une histoire à venir, celle de la solidarité et de l’unité africaine », développe M. Diouf.
Le massacre est en effet une tragédie partagée par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée). Dans cette vision panafricaniste, les prochaines commémorations du massacre de Thiaroye doivent ainsi être des co-organisations africaines. Les problématiques continuent cependant de faire obstacle à cette recherche de vérité. Il a fallu attendre dix ans après la remise de la copie des archives françaises au Sénégal en 2014 à la suite du discours de François Hollande, pour que ces dernières puissent être consultées par le comité de commémoration du massacre de Thiaroye… Mais surtout, l’obstruction délibérée de la France dans l’accès à ses archives persiste de nos jours.
Des zones d’ombre et histoire réappropriée
« Il y a eu la volonté délibérée de la France de dissimuler les archives. François Hollande n’a pas remis toutes celles disponibles », déplore Mamadou Diouf. Et parmi celles manquantes figurent les informations essentielles telles que le nombre de victimes, les lieux où elles ont été enterrées… autant de manques qui entretiennent des zones d’ombre. Car sans informations sur les lieux d’inhumation, impossible par exemple de lancer des travaux de fouille… « Ce que nous voulons, c’est la vérité et toute la vérité sur ce qu’il s’est passé ce matin-là. Le Sénégal demande tout simplement d’avoir accès à toute la documentation pour pouvoir engager une recherche et éclairer l’événement afin d’établir les faits », insiste-t-il. Du côté de l’administration française, on assure que tous les documents ont été transmis et que ceux manquants sont soit perdus soit brûlés.
En attendant, le comité a dressé une liste des archives identifiées comme étant en possession de la France et y a envoyé une délégation du 18 au 28 novembre pour faire un état des lieux. Passée par Morlaix, Aix-en-Provence ou encore Rennes, elle a déniché plusieurs actes de décès de tirailleurs sénégalais à l’hôpital de Dakar entre 1944 et 1945. Des découvertes qui font avancer le travail de recherche scientifique et de collecte des données entrepris par le comité de commémoration dont la deuxième mission consiste à établir les faits. Le comité doit remettre un livre blanc, qui recensera les conclusions de ses travaux ainsi que des recommandations, en avril 2025. Une sous-commission sera également chargée de collecter les demandes de révision et de réparation. « Les réparations ne sont pas seulement financières, mais aussi morales », souligne Mamadou Diouf.
Ces obstacles pour accéder aux archives relancent le débat sur le récit historique des événements et la bataille mémorielle qui en découle. « Ce travail nous permet de reprendre le contrôle de notre récit historique, de se le réapproprier pour produire le nôtre et ne plus avoir un récit exclusivement contrôlé par les vainqueurs. On aura un récit qui permettra d’éclairer de manière plurielle un événement », plaide-t-il. Un colloque scientifique est ainsi organisé du 2 au 3 décembre à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar avec comme thème « Enjeux historiographiques, fictions et imaginaires » pour poursuivre cette réflexion. Axe également central pour l’inscription dans le récit national, le volet transmission est en chantier. Le programme scolaire sénégalais ne fait pas mention du massacre de Thiaroye. « Il est capital que les populations puissent s’approprier cette histoire, il faut investir dans la jeunesse. Les jeunes sont engagés pour faire reconnaître cette histoire, cela donne de l’espoir », se félicite Dieynaba Sarr, professeur de français au lycée de Thiaroye, qui sur son temps libre mène des ateliers d’information sur cet événement avec des élèves de son établissement.
Vers une refonte des relations franco-africaines
Ces dernières années, la pression s’était accentuée sur la France pour demander des actes forts dans la reconnaissance du massacre à travers plusieurs mesures, dont en dernier lieu l’octroi en juin dernier de la mention « morts pour la France » à six tirailleurs sénégalais du camp de Thiaroye. Une avancée notable comme une brèche dans le mensonge d’État français qui avait relancé le débat, après la vive critique d’Ousmane Sonko à l’encontre de la France. Un grain de sable qui a continué d’enrayer un peu plus le mécanisme de la version officielle, toujours autant décriée. En France, une demande pour la création d’une commission d’enquête parlementaire a été proposée et devrait prochainement être déposée auprès de l’Assemblée nationale. Le but de cette commission, que les signataires désirent nommer « Ousmane Sembene », est d’obtenir la reconnaissance pleine et entière du massacre, l’accès à l’ensemble des archives pour le Sénégal et permettrait également la poursuite des personnes ayant fait obstruction aux faits. « Cela fait huit décennies que ce massacre pèse sur la mémoire sénégalaise, française et les relations entre les deux pays. Le temps est venu, il faut en finir avec ce silence beaucoup trop lourd », rapportait le député LFI Aurélien Taché, parmi les initiateurs de la proposition. La reconnaissance du massacre souligne plus encore les incohérences et manquements du dossier. « Si la France parle de massacre, c’est qu’elle n’a plus le choix. Elle se trouve dans une situation où elle est obligée d’engager la discussion. Il y a une évolution contrainte, mais il ne faut pas lire cela comme le Sénégal en train de faire pression sur la France ou contre la France », précise Mamadou Diouf. La reconnaissance par Emmanuel Macron fait espérer à Bassirou Diomaye Faye un engagement « franc, collaboratif et entier » de la France.
« Elle est obligée de coopérer avec les peuples africains et de les aider dans l’accès à la vérité. Il y a une revendication à la justice et à la souveraineté, les rapports ont changé. Pour le bien des échanges entre nos deux pays, elle doit revoir sa considération et son rapport », appuie Dieynaba Sarr. Derrière l’aspect mémoriel de ce dossier, ce sont en effet des enjeux diplomatiques qui sont en ligne de mire. Il s’agit des rapports Sénégal-Afrique, mais aussi des relations Afrique-France. La jeunesse africaine, désireuse d’un changement de paradigme, rejette la politique française et désire rompre avec la Françafrique. Et dans un contexte où la France entretient des relations très orageuses avec ses anciennes colonies, particulièrement dans les pays du Sahel, le massacre de Thiaroye pourrait s’ajouter aux griefs en cas d’immobilisme des autorités françaises. « Les enjeux aujourd’hui sont liés à la mondialisation et à ses conséquences en termes de relations économiques, politiques, culturelles, mais aussi des relations produites par toutes les questions qui sont liées à la migration, à l’intensification du racisme et de la xénophobie. Dans le recentrage de ces pays se joue toute la question de la souveraineté, politique et économique, avec des relations qui se distendent et sont en train d’être révisées pour se repositionner dans un monde en pleine transformation », analyse Mamadou Diouf.
Le Rafale porté au standard F5 sera-t-il l’alternative au Système de combat aérien du futur [SCAF], développé dans le cadre d’une coopération associant la France à l’Allemagne et à l’Espagne ? Cette queston avait été posée au moment où les industriels impliqués – notamment Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnole d’Airbus Defence & Space – se disputaient au sujet du partage des tâches et de la propriété industrielle. Finalement, un accord fut trouvé, ce qui permit de lancer la phase 1B du projet, celle-ci devant ouvrir la voie à un démonstrateur.
Pour rappel, le SCAF repose en partie sur un avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter], connecté à des drones au sein d’un système d’armes du futur, appelé NGWS Next Generation Weapon System], via un « cloud de combat ».
Lors de ses dernières auditions parlementaires, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a indiqué que, en décembre, un sommet avec l’Allemagne et l’Espagne allait permettre de faire le point sur les progrès de ce projet, de présenter un démonstrateur et de « documenter la deuxième phase ».
« Nous devrons traiter des questions politiques, telles que l’export, mais aussi des questions opérationnelles : à quoi ressemble l’avion ? Quel est son poids, sa capacité à correspondre aux besoins de la dissuasion nucléaire française, à apponter sur un porte-avions ? », a résumé M. Lecornu devant les sénateurs.
Seulement, toutes les divergences n’ont pas été aplanies. C’est en effet ce qu’a laissé entendre le colonel Jörg Rauber, responsable du SCAF au sein du ministère allemand de la Défense, lors de l’Air Force Tech Summit 2024, un évènement organisé à Berlin, le 28 novembre.
Évoquant le NGWS, et selon des propos rapportés par le site spécialisé Hartpunkt, le colonel Rauber a ainsi affirmé que les trois pays impliqués « ne se sont pas encore mis d’accord sur une architecture commune parce qu’ils ont des besoins différents ».
Rappelant que le « NGWS est actuellement un programme technologique et non un programme d’armement », le colonel Rauber a également indiqué que la portée que devra avoir le NGF est « actuellement au centre des préoccupations » de la partie allemande. Ce qui suppose de développer un avion de combat plus imposant, sauf à recourir à des réservoirs externes qui ne pourraient que dégrader sa furtivité.
Cela étant, dans l’avis budgétaire sur le programme 146 « Équipement des forces » qu’ils viennent de publier, les sénateurs Hugues Saury et Hélène Conway-Mouret ont estimé que le SCAF est « fragilisé » par le non-respect du principe du « meilleur athlète » ainsi par les restrictions que l’Allemagne pourrait imposer à l’exportation.
Ainsi, le principe consistant à donner la primeur aux industriels les plus compétents dans leur domaine [le « meilleur athlète »] n’a « pas systèmatiquement été privilégié pour attribuer les différents lots », ont déploré les rapporteurs.
En outre, ils ont également rappelé « l’importance de la composante aérienne dans la stratégie de dissuasion aérienne ne peut tolérer de compromis sur les performances technologiques compte tenu du caractère de plus en plus disputé des espaces aériens ». Ce qui renvoit aux propos du colonel Rauber au sujet des divergences de vues sur l’architecture du NGWS.
Quant au sujet de l’exportation, l’accord franco-allemand signé en octobre 2019 n’a pratiquement rien réglé… alors que cette question est l’une des lignes rouges posées par la France pour continuer le programme.
En effet, l’article 3 de cet accord stipule que l’Allemagne ne peut pas s’opposer à l’exportation des systèmes d’armes développés dans le cadre d’une coopération avec la France dès lors que ceux-ci contiennent moins de 20 % de composants allemands [hors maintenance et pièces détachées]. Sauf si, de façon exceptionnelle, Berlin estime qu’une vente pourrait porter atteinte à sa sécurité nationale et / ou à ses intérêts directs.
Or, soulignent Mme Conway-Mouret et M. Saury, les « industriels allemands étant associés pour un tiers au projet, il y a tout lieu de s’inquiéter sur la future capacité de la France à exporter librement ce système d’armes ».
En outre, ils ont fait part de leur préoccupation « de voir émerger un débat en Allemagne sur la création d’une instance multilatérale qui aurait le pouvoir de s’opposer à un contrat d’exportation négocié par les autorités françaises ». Et d’insister : « Une telle contrainte aurait inévitablement pour conséquence de réduire considérablement les perspectives d’exportation et donc de fragiliser l’équation économique et financière du programme ».
Aussi, les deux sénateurs ont demandé la tenue d’un débat sur l’avenir du SCAF [caractéristiques du système, modalités de production et d’exportation] au Parlement, après les prochaines élections fédérales allemandes.
Devant les députés, M. Lecornu avait assuré qu’il était « preneur d’un débat sous un format spécifique pour évoquer les piliers, entrer dans le détail du programme et, à huis clos, présenter le cahier des charges de l’armée de l’Air ». Cela « permettrait de comprendre les attentes et les pressions qui s’exercent sur la ‘trame chasse’ sur le très long terme », avait-il ajouté, après avoir précisé qu’il aborderait des « questions passionnantes relatives à l’export, à la dissuasion et à l’avenir de Dassault Aviation.
Enfin, Mme Conway-Mouret et M. Saury ont également appelé à « refuser tout mécanisme de contrôle multilatéral des exportations d’armements ayant fait l’objet d’un programme commun européen » car la « France doit demeurer souveraine en matière d’exportation d’armements ».
Le chasseur F-35I Adir d’Israël a un « talon d’Achille » que personne n’avait vu venir
Le F-35I Adir, fleuron de l’aviation militaire israélienne, fait face à un défi inattendu. Ce chasseur furtif de cinquième génération, conçu pour dominer les cieux, se trouve au cœur d’une controverse juridique internationale. Une situation qui pourrait compromettre son efficacité opérationnelle et soulève des questions sur l’utilisation des technologies de pointe dans les conflits modernes.
Par Paolo Garoscio – armees.com – Publié le 1 décembre 2024
L’organisation non gouvernementale palestinienne Al-Haq a récemment intenté une action en justice à Londres. Son objectif ? Mettre un terme aux exportations de composants britanniques destinés à la flotte de F-35 israélienne. Cette démarche juridique vise le Département britannique du Commerce et des Affaires, accusé de fournir des pièces essentielles pour ces avions de chasse de pointe.
Al-Haq affirme que ces exportations sont illégales, arguant que les F-35I auraient été utilisés pour frapper des zones civiles à Gaza. L’ONG souligne :
L’utilisation confirmée des F-35 dans les attaques sur Gaza
Le largage de bombes de 2000 livres sur des zones densément peuplées
La nécessité d’un contrôle accru sur l’utilisation de ces armes sophistiquées
Cette action en justice intervient dans un contexte déjà tendu. Le Royaume-Uni avait suspendu environ 30 licences d’exportation d’armes vers Israël en septembre, invoquant des préoccupations liées au droit humanitaire international. Néanmoins, les composants du F-35 avaient été exemptés de cette suspension, le gouvernement britannique arguant de « implications sérieuses pour la paix et la sécurité internationales » en cas d’arrêt de ces exportations.
Implications pour la flotte mondiale de F-35
L’affaire soulève des questions cruciales sur la chaîne d’approvisionnement mondiale du programme F-35. Si la plainte d’Al-Haq aboutissait, cela pourrait avoir des répercussions bien au-delà d’Israël. En effet, le F-35 est utilisé par plusieurs pays alliés, et son système de production repose sur une collaboration internationale complexe.
Voici un aperçu des enjeux :
Bien que la plainte soit peu susceptible d’arrêter les opérations israéliennes à court terme, elle met en lumière la scrutiny croissante sur l’utilisation du F-35 et pourrait compliquer l’approvisionnement futur de la flotte mondiale.
Le débat sur l’utilisation militaire et les droits humains
Cette affaire s’inscrit dans un débat plus large sur l’équilibre entre sécurité nationale et respect du droit international humanitaire. Les Forces de Défense Israéliennes (FDI) réfutent les accusations d’utilisation inappropriée du F-35I Adir. Elles mettent en avant la complexité du conflit à Gaza, notamment :
L’utilisation par le Hamas de boucliers humains et d’infrastructures civiles pour ses opérations militaires. La présence d’un vaste réseau de tunnels sous les zones urbaines, surnommé le « Métro de Gaza ». La nécessité d’utiliser des armements de précision pour minimiser les dommages collatéraux.
Toutefois, les groupes de défense des droits humains persistent dans leurs allégations. Ils pointent du doigt les lourdes pertes civiles et la destruction massive d’infrastructures à Gaza. Cette situation soulève des questions éthiques sur l’emploi d’armes hautement sophistiquées dans des zones densément peuplées.
Le cas du F-35I Adir illustre ainsi la difficulté de concilier avancées technologiques militaires et protection des populations civiles en temps de conflit. Il met également en lumière les défis juridiques et éthiques auxquels font face les nations développant et exportant des systèmes d’armement avancés.
Paolo Garoscio
Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
Docteur en sciences de gestion, ancien officier, enseignant en géopolitique à ESDES Business School, ESDES – UCLy (Lyon Catholic University)
Le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait être synonyme, à terme, d’un désengagement américain de la protection du Vieux Continent. Dans une telle hypothèse, la France et le Royaume-Uni pourraient-ils faire bénéficier leurs alliés de leur force de dissuasion nucléaire ?
De l’avis de nombreux observateurs, la victoire de Donald Trump annonce le retour de l’isolationnisme américain. Dès lors, le débat au long cours autour de l’autonomie stratégique européenne revient sur le devant de la scène. Si cette notion d’autonomie stratégique comporte une composante conventionnelle et industrielle évidente, une nouvelle question émerge dernièrement : en cas de désengagement de Washington, les Européens pourraient-ils eux-mêmes assurer la protection du continent au niveau nucléaire ?
Hormis la Russie, seuls deux pays européens disposent aujourd’hui de l’arme nucléaire : la France, avec 290 têtes nucléaires, et le Royaume-Uni, qui en compte 225. Au regard de la redéfinition de l’ordre mondial qu’une nouvelle présidence Trump pourrait entraîner, les capacités nucléaires de ces deux pays prennent une importance singulière.
En tout état de cause, l’extension des garanties nucléaires française et britannique pour la sécurité collective du Vieux Continent poserait des problèmes doctrinaux d’une grande complexité.
La position française : de la protection nationale à la solidarité européenne ?
Depuis que la France s’est dotée de l’arme nucléaire en 1966, sa doctrine de dissuasion repose sur une notion fondamentale, très gaullienne et jusqu’à récemment jamais remise en cause par les présidents français successifs : l’arme nucléaire ne doit servir qu’à la protection des « intérêts vitaux » de la nation.
Ces intérêts vitaux n’ont jamais été clairement définis, mais ils tiennent, a minima, aux éléments indispensables à la survie et à la souveraineté du pays. Cette définition très large maintient sciemment une forme d’incertitude, pour ne pas divulguer trop d’informations à de potentiels adversaires dans l’éventualité d’une attaque.
Cependant, les crises géopolitiques et les tensions croissantes entre la Russie et le camp occidental, marquées par la formulation de menaces nucléaires par Vladimir Poutine, ont conduit Paris à remettre en cause les éléments fondamentaux de cette doctrine.
En février 2020, lors d’un discours à l’École de guerre, Emmanuel Macron a déclaré que la France était prête à s’engager dans un « dialogue stratégique » avec ses partenaires européens en vue d’explorer la meilleure façon d’intégrer l’arsenal nucléaire français dans la sécurité européenne globale – sans se substituer à l’OTAN, mais pour compléter la défense du continent. Le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a souvent critiqué avec virulence l’Alliance atlantique, incite encore plus la France et l’Europe à persévérer dans cette réflexion. Rappelons à cet égard que la doctrine de l’OTAN indique que les dissuasions française et britannique « participent significativement » à la défense du continent – sans préciser comment. Le temps semble venu d’apporter plus de clarté à cette question fondamentale.
Royaume-Uni : le poids de l’influence américaine
Contrairement à celle de la France, strictement souveraine en matière nucléaire, la dissuasion du Royaume-Uni demeure fortement dépendante vis-à-vis de l’Alliance atlantique. Son système de dissuasion repose en partie sur les missiles Trident, achetés aux États-Unis bien que les têtes nucléaires soient britanniques. La souveraineté britannique dans ce domaine n’est donc pas totale ; dès lors, la marge de manœuvre de Londres en ce qui concerne une éventuelle extension de son parapluie nucléaire au reste de l’Europe est limitée.
Néanmoins, la coopération nucléaire bilatérale entre Londres et Paris, formalisée par les traités de Lancaster House signés en 2010, peut contribuer à une telle évolution.
Il demeure que le Royaume-Uni risque de ne pas pouvoir s’engager pleinement dans une dissuasion à l’échelle du Vieux Continent sans l’accord de son allié américain…
Dissuasion européenne : les défis d’une ambition encore en gestation
Le président français encourage ses homologues européens à participer à l’élaboration d’une « culture stratégique commune ». En matière de dissuasion nucléaire, cette approche se heurte toutefois aux réalités politiques et aux réticences de certains pays européens, qui considèrent qu’ils ne seront jamais aussi bien protégés que par le bouclier américain.
En outre, la dissuasion nucléaire française n’a jamais été conçue pour protéger l’ensemble de l’Europe et sa capacité reste limitée face aux arsenaux nucléaires plus vastes de la Russie. Avec ses quelque 300 têtes nucléaires (600 au milieu des années 1980) en cohérence avec son concept de « stricte suffisance », la France dispose certes d’un arsenal dissuasif crédible, mais cette capacité reste insuffisante pour couvrir toutes les éventualités d’un conflit de haute intensité impliquant plusieurs États européens.
De plus, l’idée de déléguer ou de partager cette dissuasion nucléaire est politiquement et diplomatiquement difficile. Certains pays européens, comme l’Allemagne et les États scandinaves, pourraient considérer la mise en place d’une dissuasion nucléaire commune (qui trancherait avec la situation actuelle car la dissuasion américaine est depuis des décennies un objet récurrent du dialogue sur les questions nucléaires entre les États-Unis et la Russie) comme une provocation à l’égard de la Russie allant à l’encontre des objectifs de désarmement nucléaire et de non-prolifération qu’ils défendent activement. Les pays scandinaves et l’Allemagne sont particulièrement sensibles à la relation avec la Russie, en raison de leur proximité géographique avec cette dernière et de leur histoire. Une initiative de dissuasion commune pourrait être perçue par Moscou comme un geste hostile, risquant d’intensifier les tensions.
Enfin, une difficulté majeure persiste du point de vue doctrinal. La dissuasion entre deux acteurs repose sur la notion de crédibilité. Cette dernière existe sous deux formes : technique (la capacité d’une frappe d’atteindre son objectif) et psychologique (l’adversaire, pour être dissuadé, doit être certain que l’autre est prêt à lui faire subir un bombardement nucléaire, quitte à être frappé encore plus durement en retour). À titre d’exemple, la France peut apparaître crédible aux yeux de Moscou si elle menace de détruire des infrastructures russes en cas d’attaque russe visant le territoire français ; mais le sera-t-elle autant si elle menace de s’en prendre à la Russie en cas d’attaque russe contre la Pologne,quitte à s’exposer à voir en retour Paris rasée par les bombes russes ? Ce n’est pas certain… La question est centrale et suppose l’existence d’intérêts vitaux communs européens qui restent à définir.
Une perspective peu crédible… pour l’instant
Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire franco-britannique ne peut pleinement se substituer à la garantie américaine. Le dépassement des stricts intérêts vitaux français constitue un jalon vers une sécurité collective renforcée, mais une telle ambition nécessite un engagement fort des autres États membres et un consensus sur la stratégie nucléaire en Europe.
En fin de compte, la dissuasion nucléaire élargie est une idée à explorer, mais elle ne pourra atteindre son plein potentiel qu’à la condition qu’une approche coordonnée, intégrée et acceptée par l’ensemble des puissances européennes puisse se faire jour. Or une telle perspective semble difficilement envisageable à ce stade.
La politique de l’administration Trump sera donc décisive pour qu’une évolution puisse avoir lieu. Dit simplement, son éventuelle politique isolationniste face à l’agressivité russe doit faire peur notamment à l’Allemagne et à l’Europe orientale. Si le président américain transforme l’OTAN en coquille vide et si Vladimir Poutine poursuit sa politique agressive après un hypothétique règlement du conflit l’opposant à l’Ukraine, alors la situation pourrait peut-être évoluer…