Quelle est la puissance militaire des cinq plus grandes armées européennes et peuvent-elles rivaliser ensemble avec la Russie?

Quelle est la puissance militaire des cinq plus grandes armées européennes et peuvent-elles rivaliser ensemble avec la Russie?

© Fotomontage HLN, Belga, ELVIRA URQUIJO A., Adobe Stock

Alors que le grand plan de réarmement de l’Europe a obtenu son premier feu vert, l’idée d’une “coalition des volontaires fait également son chemin, parallèlement. Une solution défensive envisagée pour contenir la Russie et la contraindre à respecter un (toujours hypothétique) traité de paix avec l’Ukraine. Mais de quels moyens militaires disposeraient les cinq plus puissantes forces européennes et seraient-elles capables de rivaliser ensemble avec l’armée russe?

Massacres des alaouites en Syrie : l’illusion se dissipe

Massacres des alaouites en Syrie : l’illusion se dissipe

Photo: Moawia Atrash/dpa – urn:newsml:dpa.com:20090101:250309-911-012065 – //DPAPICTUREALLIANCE_DPA2780/Credit:Moawia Atrash/DPA/SIPA/2503091746

par Revue Conflits – publié le 11 mars 2025

https://www.revueconflits.com/massacres-des-alaouites-en-syrie-lillusion-se-dissipe/


Le 4 mars 2025, la Syrie bascule dans une nouvelle spirale de violences. À Lattaquié, Hayat Tahrir al-Sham (HTS) frappe durement les bastions alaouites, accusés de rébellion. Massacres, pillages et représailles sectaires se multiplient, tandis que le pays, livré à l’anarchie, menace de sombrer dans une guerre sans fin.

Le 4 mars 2025, la fragile illusion de stabilité en Syrie post-Assad a volé en éclats. À Lattaquié, ville côtière emblématique, un affrontement meurtrier a éclaté lorsque des membres de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe islamiste sunnite dominant désormais le gouvernement de transition syrien, ont été tués près de Daatour, un quartier majoritairement alaouite.

La riposte fut rapide et impitoyable : HTS a encerclé la zone et déclenché un déluge d’armes lourdes à l’aube. Des témoignages oculaires et des images bouleversantes montrent des pick-up islamistes, hérissés d’armes, parcourant les rues à vive allure, tirant sans distinction sur les habitations et insultant les habitants. Dès le lendemain, la violence s’est intensifiée : des hélicoptères ont largué des bombes sur Dalieh, un village alaouite à l’est de Banias, lieu de pèlerinage réputé pour ses mausolées et son importance spirituelle, sans lien notable avec l’appareil militaire de l’ancien régime Assad.

Il ne s’agissait pas d’un simple accrochage isolé. Le 6 mars, HTS et ses alliés ont lancé une offensive à grande échelle le long de la côte ouest syrienne, visant les communautés alaouites de Tartous, Banias et les villages montagneux autour de Qadmous. Le prétexte invoqué était l’émergence d’une prétendue « insurrection alaouite » dirigée par Ghiath al-Dali, ancien général sous les ordres de Maher al-Assad, qui a annoncé la formation d’un « Conseil militaire » pour résister au nouveau régime. Mais cette rébellion naissante, limitée à des embuscades menées par des vestiges des forces d’Assad, n’a ni l’ampleur ni les moyens de contrôler la région. Elle a plutôt servi de justification commode à HTS pour orchestrer une campagne de vengeance sectaire, faisant des centaines de victimes civiles – hommes, femmes et enfants confondus.

La brutalité est sidérante. Dans le quartier al-Qoussour de Banias, un véritable pogrom s’est déroulé, avec des familles entières massacrées et des maisons pillées. À Qadmous, des convois pouvant atteindre 200 véhicules se scindent en unités plus petites pour envahir les villages, exterminant les habitants et dépouillant leurs foyers. Même les familles chrétiennes de Tartous n’ont pas été épargnées ; un prêtre et les siens figurent parmi les victimes. Les alaouites, secte musulmane hétérodoxe qui formait l’épine dorsale du régime de Bachar al-Assad, sont les cibles principales, perçus par les factions sunnites radicales comme des apostats méritant l’anéantissement.

Un vide de pouvoir engendre l’anarchie

Trois mois après la chute d’Assad le 8 décembre 2024, la Syrie a sombré dans un abîme sans loi. Le gouvernement de transition, dirigé par Ahmad al-Sharaa – plus connu sous le nom d’Abou Mohammed al-Jolani, ancien cadre d’al-Qaïda – n’a pas réussi à instaurer l’ordre. HTS, qui se présente comme l’armée de facto de la Syrie, manque de formation, de cohésion et de légitimité. Ses rangs sont renforcés par des combattants étrangers venus d’Albanie, d’Égypte, d’Algérie et même de France, signe que le régime repose sur des réseaux jihadistes extérieurs plutôt que sur une force nationale unifiée. Pendant ce temps, le système judiciaire s’est effondré : il n’existe ni codes juridiques, ni tribunaux opérationnels, ni cadre pour garantir la responsabilité. L’anarchie est totale.

Ce chaos tranche avec l’ère Assad. Malgré sa brutalité – massacres, élections truquées, répression omniprésente – le régime maintenait une relative sécurité intérieure et assurait une représentation des diverses communautés syriennes, incluant alaouites, chrétiens, druzes et kurdes. Aujourd’hui, cet équilibre précaire a disparu. Des groupes radicaux, se drapant du manteau de libérateurs, imposent leurs normes violentes, ciblant ceux qu’ils considèrent comme des obstacles à leur vision d’un État islamique sunnite.

Les alaouites : isolés et incompris

Les alaouites, environ 1,7 million de personnes soit 9 % de la population syrienne, sont particulièrement vulnérables. Retranchés dans les montagnes côtières, ils résistent avec des armes stockées avant la chute d’Assad. Leurs croyances religieuses – vénération d’Ali, incorporation d’éléments de la Trinité, rejet de pratiques comme le ramadan – les distinguent tant des sunnites que des chiites. Ils consomment de l’alcool, accordent une grande liberté aux femmes et partagent des affinités théologiques avec le christianisme, notamment une croyance en la vie éternelle. Ces différences alimentent depuis longtemps l’hostilité des musulmans orthodoxes, qui les qualifient d’hérétiques.

Sous Assad, les alaouites jouissaient d’une influence disproportionnée, héritage des politiques coloniales françaises qui avaient promu cette minorité pour contrebalancer la majorité sunnite. Leur soutien à Assad était toutefois pragmatique, non idéologique. Son alliance avec l’Iran et le Hezbollah, conclue par nécessité, ne reflète pas leur position. L’Iran représente même une menace pour leur autonomie, une subtilité que HTS et ses soutiens ignorent, assimilant la communauté aux choix géopolitiques d’Assad.

Indifférence régionale et mondiale

La réaction internationale est, au mieux, timorée. Lorsqu’Assad est tombé en décembre dernier, les médias arabes, notamment des pays du Golfe, ont salué l’ascension de HTS comme une victoire sur la tyrannie, masquant l’agenda islamiste. La Russie, ancien parrain d’Assad, a réclamé une réunion à l’ONU, mais l’Europe est restée muette, voulant croire en l’évolution démocratique d’al-Sharaa. Seuls Israël et les États-Unis ont exprimé un soutien aux minorités syriennes, après avoir contribué à faire tomber Assad.

Appelé au secours, Tel-Aviv conditionne son aide à la garantie que les alaouites n’entretiennent aucun lien avec le Hezbollah ou l’Iran – des liens que la plupart n’ont pas.

Les druzes et les kurdes, autres minorités, observent avec méfiance mais impuissance. Les druzes soutiennent les alaouites mais manquent de moyens pour intervenir, tandis que les kurdes se concentrent sur la défense de leurs propres villages. Face à cette tragédie, la communauté internationale doit agir : envoyer des observateurs pour documenter les exactions et déployer une force d’interposition, comme au Liban, pour garantir la sécurité. Sans État de droit, la Syrie risque de devenir un terrain fertile pour une guerre sectaire sans fin.

Des pays européens s’interrogent sur leur possible recours à des munitions prohibées

Des pays européens s’interrogent sur leur possible recours à des munitions prohibées

Déminage en cours dans le village de Davydiv Brid, dans la region de Kherson, le 27 novembre 2024. (Photo by Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

C’est effectif depuis le 6 mars: en se retirant de la Convention sur les armes à sous-munitions, la Lituanie est devenue le premier État à quitter la convention conclue à Dublin le 30 mai 2008 et entrée en vigueur le 1er août 2010.

Pour rappel, le 18 juillet 2024, le Parlement lituanien avait voté pour confirmer la décision du gouvernement de se retirer de la Convention sur les fameuses armes à sous-munitions qui font des ravages tant parmi les combattants que parmi les populations civiles de pays en guerre. Le processus de retrait a commencé lorsque, le 6 septembre suivant, la Lituanie a officiellement notifié aux Nations unies son intention de se retirer. Conformément aux règles de la convention, tout retrait prend effet six mois après la notification, ce qui fixait la date effective au 6 mars 2025.

Cette décision lituanienne pourrait ouvrir la voie à une tendance dangereuse.

Comme le regrette Handicap International, « la décision de la Lituanie intervient à un moment où la stigmatisation de ces armes a été affaiblie : des armes interdites, comme les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel, ont été largement utilisées dans des conflits tels que l’Ukraine et la Syrie, causant de nombreuses victimes et souffrances parmi les civils. Elle fait également suite à la décision des États-Unis de livrer des armes à sous-munitions à l’Ukraine en 2023″.

D’autres pays d’Europe de l’est et du nord envisagent aussi de se retirer de certains traités limitant le recours à certains types d’armes.

La Finlande a signé la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel en juillet 2012. Helsinki a depuis détruit la totalité de son stock de mines antipersonnel, soit un million d’exemplaires. Mais la Finlande estime que la situation sécuritaire n’est plus la même aujourd’hui. C’est pourquoi les forces de défense finlandaises envisagent de réintroduire les mines antipersonnel dans leur arsenal. Le 23 novembre 2024, le chef d’état-major des armées, le général Janne Jaakkola, s’exprimant sur la télé MTV, avait estimé que son pays devrait réfléchir à l’emploi des mines antipersonnel. Une étude en ce sens a donc été lancée, tout comme une pétition pour le retrait de la Convention d’Ottawa qui a recueilli, entre le 6 et le 10 décembre, dernier 50000 signatures.

L’Estonie envisage aussi de se retirer de la Convention d’Ottawa et le pays Balte qui s’alarme des appétits russes se disait en novembre dernier prêt à suivre l’exemple finlandais.

La Lettonie, en revanche, reste opposée à un retrait de la Convention. Toutefois, le débat est lancé au sein de la classe politique.

Un démineur de l’ONG HALO Trust, près de Mykolaiv, en juin 2024. (Photo by Genya SAVILOV / AFP)

Plus vite et plus loin

Sur ces questions de retrait des conventions internationales, la Pologne pourrait devancer la Finlande et l’Estonie.

Dans un discours au Parlement, vendredi 7 mars, le chef du gouvernement polonais, le pro-européen Donald Tusk, a annoncé qu’il allait « recommander un avis favorable au retrait de la Pologne de la Convention d’Ottawa et éventuellement de la Convention de Dublin ».

« Je parle ici des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions », a-t-il précisé, avant d’ajouter: « Nous devons être conscients que la Pologne doit exploiter les possibilités les plus modernes, y compris en ce qui concerne les armes nucléaires et les armes modernes non conventionnelles ».

Tentation européenne

En février, le think tank britannique RUSI (Royal United Services Institute) a publié une étude intitulée « Tactical Developments During the Third Year of the Russo–Ukrainian War. «Il y est recommandé que les membres européens de l’OTAN « régénèrent leurs capacités à déployer des mines AT [antitanks] et AP [antipersonnel]. » L’étude avertit que si les armées européennes ne retrouvent pas cette capacité à stocker et à déployer des mines pour une future guerre terrestre, elles « risquent de ne pas avoir la létalité nécessaire pour combattre efficacement ».

David Galbreath va plus loin. Lui qui enseigne les questions militaires et technologiques à l’Université britannique de Bath, estime que « tout traité sur la réduction des armements qui pénaliserait les actions défensives doit être remis en question quand c’est la défense qui l’emporte sur toute autre considération ». Il estime aussi que, depuis la décision américaine, en 2024, de livrer des mines antipersonnel aux Ukrainiens, « le tabou sur le recours aux mines a été levé ».

Il y a donc fort à craindre que le gel des positions des armées russes et ukrainiennes sur l’actuel front, ainsi que la construction de murs et de réseaux défensifs de la Finlande à l’Ukraine, face à la Russie et à la Biélorussie, ne s’accompagnent d’un recours massif  aux mines AP (antipersonnel) et AT (antitanks) pour fortifier les frontières. Et pour dissuader le Kremlin de se lancer dans toute nouvelle manœuvre impérialiste.

Europe, Ukraine : obstination sans issue

Europe, Ukraine : obstination sans issue

 

par Eric Denécé – Éditorial N°67 / mars 2025

 

Alors que la nouvelle administration américaine et les dirigeants européens s’opposent quant à savoir s’il faut mettre rapidement fin à la guerre d’Ukraine ou poursuivre le soutien à Kiev, il convient de rappeler que les trois acteurs à l’origine de ce conflit qui déchire l’Europe depuis février 2022 sont :

Les États-Unis, par leur volonté d’affaiblir – voire de démembrer – la Russie et d’accaparer ses ressources humaines et matérielles dans la perspective d’une possible confrontation avec la Chine. Depuis la chute de l’URSS, Washington n’a cessé de renier ses engagements vis-à-vis de Moscou, en procédant à une expansion continue de l’OTAN – allant jusqu’à installer ses missiles aux frontières de la Russie (Pologne et Roumanie) –, en sortant des traités de limitation des armements qui avaient permis de réguler la Guerre froide, en armant Kiev et en rejetant avec force tous les propositions d’une nouvelle architecture de sécurité en Europe proposées par Moscou.

L’Ukraine, dont le régime, rappelons-le, est issu d’un coup d’État antidémocratique organisé et soutenu par l’Occident (2014) et qui a lancé, le 17 février 2022, une opération de vive force pour la reconquête du Donbass, dont les populations russophones s’étaient révoltées face à l’interdiction de leur langue par Kiev et réclamaient une autonomie accrue dans le cadre de l’Ukraine – et non l’indépendance. Ce à quoi le régime de Zelensky et ses milices néonazies ont répondu par le recours à la violence (15 000 morts entre 2014 et 2021). De plus Kiev réclamait son adhésion à l’OTAN en dépit des mises en garde sérieuses et légitimes de Moscou.

La Russie, enfin, qui face à cette situation a d’abord décidé de s’emparer de la Crimée en 2014 (notamment parce que Kiev avait proposé de louer la base de Sébastopol à l’US Navy; puis n’ayant d’autres moyens de faire respecter ses intérêt de sécurité, Moscou a déclenché son opération militaire spéciale (et non une invasion) pour conduire l’Ukraine à changer de politique, renverser le régime de Zelenski et afin de protéger les population russophones du Donbass, persécutées par Kiev.

Ainsi, en dépit du narratif conçu par les Spin Doctors américains et ukrainiens et matraqué par des médias occidentaux aux ordres, les torts sont donc très largement partagés. Et dans ce tableau, l’Europe n’y est pas pour grand-chose. Certes, la France et l’Allemagne sont coupables d’avoir violé les accords de Minsk, avec l’assentiment de Washington. Mais les États de l’Union européenne n’ont fait qu’exécuter la politique américaine en acceptant de soutenir le régime corrompu de Kiev et en se pliant aux directives de l’OTAN.

Pourtant, c’est elle aujourd’hui qui s’obstine à la poursuite de la guerre et à soutenir le régime criminel de Kiev. Criminel car Zelenski et sa clique ont décidé de poursuivre l’envoi au front et à la mort de leurs concitoyens, alors même que l’issue du conflit et d’ores et déjà jouée. Criminel car les membres de ce régime, dont les turpitudes sont bien connues quoi que tues par nos médias (détournement, blanchiment, trafics d’armes, interdiction des partis et médias d’opposition, rafles et arrestations, suspension des élections, mensonges…), profitent très directement du soutien financier de l’Occident pour s’enrichir personnellement. Trump et son équipe l’ont très bien perçu et souhaitent mettre à terme à ce conflit autant qu’à cette comédie pseudo-démocratique et pseudo-héroïque.

Mettre un terme à la guerre

Force est de constater qu’après trois ans de conflit, la situation est dramatique pour les belligérants et leurs soutiens : morts, blessés, émigration massive, destructions des infrastructures, rupture politique et économique Russie/Occident, sanctions, crise énergétique et économique…

Ceux qui ont payé le prix fort sont bien sûr les Ukrainiens des deux camps. Puis suivent les Européens, pour lesquels le coût de cette guerre a été prohibitif, bien qu’ils n’en soient pas à l’origine – mais ils en sont devenus co-responsables par leur soutien inconsidéré à Kiev –, provoquant l’affaiblissement de leur économie et la destruction de leur industrie.

La Russie a également perdu beaucoup d’hommes et ses relations avec ses voisins européens sont devenues antagonistes. Mais sa situation économique n’a pas été altérée par les sanctions, en dépit des faux espoirs de l’Occident, et elle fait preuve d’une résilience remarquable. Le Sud Global ne l’a pas abandonné en dépit des pressions, conscient de la politique inique des Américains et de leurs auxiliaires européens. Au contraire, un ras-le-bol du diktat occidental, caractérisé par son « deux poids, deux mesures », se manifeste de plus en plus explicitement dans le monde. Surtout, les force russes en train de l’emporter militairement sur le terrain et d’atteindre des objectifs que Moscou n’avait jamais envisagé avant cette crise, car la Russie n’a jamais revendiqué le Donbass.

Pour les États-Unis, enfin, c’est un bilan en demi-teinte. Certes, ils ont réussi à provoquer la rupture durable des relations UE/Russie, à reprendre en mains l’OTAN et à vassaliser l’Europe, à affaiblir son statut de concurrent économique et à s’enrichir en lui vendant massivement du GNL en remplacement du gaz russe et des armements. Mais en réalité, c’est un échec majeur pour la stratégie initiée par les néoconservateurs qui n’a pas atteint son but principal : l’affaiblissement de la Russie. Au contraire, celle-ci apparait aujourd’hui plus forte qu’au début du conflit et le multilatéralisme prôné par les BRICS semble en voie de remettre en cause l’unilatéralisme américain.

Tout cela est clairement perçu de ceux qui sont capables d’analyser objectivement ce conflit. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Trump et son équipe qui ont compris que la politique de leurs prédécesseurs ne menait nulle part. D’où leur volonté de mettre un terme rapidement à cette boucherie qui ne sert plus leurs intérêts.

Rappelons qu’une première issue à ce conflit a failli avoir lieu fin avril 2022, six semaines seulement après le déclenchement de l’opération militaire spéciale russe. Kiev et Moscou étaient parvenus à un accord grâce à l’intercession d’Israël et de la Turquie. Mais les néoconservateurs de l’administration Biden s’y sont alors opposés et ont dépêché Boris Johnson à Kiev porter l’ordre de poursuivre la guerre. Cette décision insensée, à laquelle Zelensky s’est rangé sans attendre, les rend sans conteste co-responsables des centaines de milliers de victimes des trois années suivantes.

Illusions européennes et mirages ukrainiens

Il est aujourd’hui urgent de mettre un terme à cet affrontement dont le sort est militairement joué.

Pourtant, l’Europe et ses dirigeants affichent leur détermination à poursuivre leur soutien à Kiev, continuant à affirmer que l’Ukraine n’est qu’une victime et qu’elle doit recouvrer une intégrité territoriale sans véritables fondements historiques, et invoquant la forte probabilité d’une prochaine invasion russe de l’Europe, argument infondé et mensonger construit par l’OTAN.

Tous ces dirigeants qui s’opposent avec bravade à la politique de la nouvelle administration Trump, arguant de l’imprescriptible indépendance de l’Europe, et qui clament aujourd’hui en chœur que le Vieux continent ne saurait être le vassal des États-Unis, omettent ou veulent faire oublier le fait qu’ils ont été les exécutants obséquieux de la stratégie des néoconservateurs de l’équipe Biden depuis 2021. Mais ils n’en sont pas à une contradiction près.

Pourquoi s’obstinent-ils ? Plusieurs hypothèses existent : soit par idéologie, étant acquis aux idées néoconservatrices d’outre-Atlantique ; soit parce qu’ils veulent profiter de cette crise pour faire de l’UE un État fédéral dirigé par Bruxelles, en plaçant les peuples devant le fait accompli ; soit encore par intérêt personnel ; ou simplement par bêtise, ainsi qu’Edgar Quinet en soupçonnait certains politiques dès 1865 :

« Nous rejetons trop souvent sur le compte de la trahison et de la perfidie ce qui appartient à la sottise. Les historiens ne font pas jouer à celle-ci le grand rôle qui lui appartient dans les choses humaines. Est-ce faute de l’entrevoir ? Est-ce sot orgueil qui consent à se reconnaître criminel plutôt que dupe ? On aime mieux la trahison et le crime, parce qu’ils font de l’homme un sujet plus tragique, et qu’ils le haussent au moins sur l’échafaud.

Pour moi, je lui ai vu moins de grandeur de mon temps. J’ai vu dans les grandes affaires tant de déraison, une obstination si invétérée à s’aveugler, une volonté si absolue de se perdre, un amour si passionné, si instinctif du faux, une horreur si enracinée de l’évidence, et, pour tout dire, une si grande, si miraculeuse sottise, que je suis, au contraire, disposé à croire qu’elle explique la plupart des cas litigieux, et que la perfidie, la trahison, le crime, ne font que l’exception[1] ».

L’obstination des dirigeants européens est d’autant plus funeste que les trois années écoulées ont montré que ce conflit était dévastateur pour l’économie européenne et que ses États membres étaient incapables d’assurer eux-mêmes leur sécurité comme de soutenir efficacement l’Ukraine en matière d’armements.

Ce conflit prendra fin prochainement, avec ou sans la participation de l’Europe. L’administration Trump a déjà entamé des discussions avec la Russie, signe qu’il s’agissait bien d’une guerre américano-russe par Ukrainiens, OTAN et Européens interposés. Le nouvel hôte de la Maison-Blanche a déjà annoncé que l’Ukraine ne rentrerait pas dans l’OTAN et, à la suite de sa rencontre houleuse avec Zelensky à la Maison Blanche, il envisage sérieusement de suspendre le soutien financier et militaire à Kiev. Les États-Unis ont fait volte-face, ce à quoi leur politique pragmatique de défense de leurs intérêts nous a habitués depuis longtemps. Seuls les naïfs ou ceux qui méconnaissent l’histoire sont surpris. Après avoir entrainé Ukrainiens et européens dans le conflit, ils les abandonnent et valident une forme de victoire russe.

Soyons lucides : l’Ukraine ne récupérera pas la Crimée ni le Donbass. Souhaitons qu’elle n’intègre pas l’Union européenne, ce qui reviendrait à déstabiliser et à criminaliser davantage nos économies, déjà considérablement affaiblies par ce conflit. Seule la paix, le reconstruction du pays et sa neutralité sont des solutions réalistes. C’est la fin de la partie pour Zelensky. Mais ce dernier et ses complices européens ne l’ont pas encore compris.


[1] Edgar Quinet, La Révolution (tome 2, 1865), Belin, Paris, réédition de 1987, Livre XXIV, pp. 1030 à 1033.

La France face à ses limites militaires : entretien avec le général Faugère

La France face à ses limites militaires : entretien avec le général Faugère


Les promesses de puissance militaire française se heurtent à une réalité bien plus modeste, selon le général Jean-Marie Faugère, interrogé par Ligne Droite.

ITW-général-Faugere (capture YouTube)
ITW-général-Faugere (capture YouTube)

 

La France face à ses limites militaires : entretien avec le général Faugère


Le général d’armée cinq étoiles Faugère dresse un constat sans concession de l’état actuel des forces armées françaises et de leur capacité à se projeter dans des conflits comme celui en Ukraine. Dans un entretien approfondi, il met en lumière le décalage entre les discours politiques et la réalité du terrain.

Une armée de temps de paix face à des discours guerriers

« Nous avons aujourd’hui une armée du temps de paix », affirme d’emblée le général Faugère. Bien que l’armée française soit l’une des mieux constituées en Europe et ait prouvé sa valeur en opérations extérieures depuis plus de 30 ans, elle n’est pas dimensionnée pour un conflit de haute intensité comme celui qui se déroule en Ukraine.
Avec seulement 77 000 hommes dans l’armée de terre, dont moins de la moitié sont des combattants directs, la France est loin de pouvoir rivaliser sur un front russo-ukrainien qui mobilise des centaines de milliers d’hommes sur plus de 1 300 km. Le général souligne également le manque criant de capacités de projection à longue distance, la France ne disposant pas des gros porteurs stratégiques nécessaires.

Les promesses présidentielles face à la réalité

Le général Faugère qualifie de « surréaliste » la promesse d’Emmanuel Macron de déployer 50 000 hommes le long de la frontière russo-ukrainienne. Il rappelle que selon le plan stratégique du chef d’état-major de l’armée de terre, l’objectif est de pouvoir projeter une brigade (environ 8 000 hommes) d’ici à 2025-2026, et une division (20 000 à 24 000 hommes) d’ici à 2027-2030.

Un budget en hausse mais insuffisant

Si les lois de programmation militaire initiées depuis 2017 marquent un changement d’échelle par rapport aux réductions constantes opérées sous Sarkozy et Hollande, l’effort actuel ne permet que de « combler des lacunes » et non de « remonter en puissance ».
Le budget de la défense représente aujourd’hui 1,6% du PIB, loin des 2% promis pour 2025 et exigés par l’OTAN, et encore plus loin des 3% d’après la chute du mur de Berlin ou des 6% sous de Gaulle lors du lancement de la dissuasion nucléaire.

Les pièges de l’exécution budgétaire

Le général dénonce également les « perfidies de Bercy » qui, par des gels de crédits, des annulations et des reports de charge, empêchent l’exécution fidèle des lois de programmation militaire. Fin 2024, le report de charge pour la défense atteignait près de 7 milliards d’euros, « une hauteur qu’on n’avait jamais connue jusqu’à présent ».
Cette incertitude budgétaire paralyse l’industrie de défense qui, faute de commandes garanties sur le long terme, hésite à investir dans de nouvelles capacités de production.

Une souveraineté de défense compromise

« Nous n’avons aucune souveraineté de défense actuellement en France, » affirme le général. La France dépend largement de l’extérieur pour son équipement militaire, notamment pour les composants électroniques, souvent d’origine américaine ou chinoise.
Une remontée en puissance nécessiterait non seulement des investissements massifs, mais aussi 10 à 20 ans d’efforts pour former les officiers, recréer des régiments et reconstruire les infrastructures dilapidées ces dernières décennies.

La dissuasion nucléaire en question

Sur la question nucléaire, le général Faugère rappelle que la France dispose de deux composantes : la force océanique avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (dont un seul est en permanence à la mer) et la composante aéroportée avec les avions Rafale.
Avec environ 290 têtes nucléaires, l’arsenal français reste modeste face aux plus de 1 000 têtes russes ou américaines. La crédibilité de cette dissuasion repose entièrement sur le président de la République, seul à détenir le pouvoir de déclencher un tir nucléaire.
Le général conclut en soulignant l’ambiguïté française sur la définition de ses « intérêts vitaux » qui justifieraient l’emploi de l’arme nucléaire, une ambiguïté qui deviendrait encore plus « vaporeuse » dans le cadre d’une défense européenne.

Ukraine: première opération de guerre pour les Mirage 2000 livrés par la France

Ukraine: première opération de guerre pour les Mirage 2000 livrés par la France

L’Ukraine a utilisé pour la première fois, ce vendredi, des Mirage 2000 livrés par la France pour repousser des frappes russes, selon un communiqué de l’armée ukrainienne. Une étape saluée par le président ukrainien, Volodimir Zelensky sur le réseau social X: « Aujourd’hui, des avions de chasse F-16 et des Mirage fournis par la France ont été utilisés pour protéger le ciel ukrainien. En particulier, les Mirage ont intercepté avec succès des missiles de croisière russes. Merci ! »

Des F-16 ont aussi été engagés pour faire face à l’attaque russe de ce vendredi matin. Au moins 58 missiles et 194 drones russes ont été tirés contre des cibles en Ukraine. Dans son communiqué, l’armée de l’air ukrainienne a précisé avoir abattu au moins 134 de ces cibles, dont 34 missiles et 100 drones.

Le 6 février, le ministre français des Armées avait confirmé la livraison de ces avions (voir ici).

Pipelines entre sécurité énergétique et stratégies géopolitiques

Pipelines entre sécurité énergétique et stratégies géopolitiques

Eloïse Herbreteau (*) – Esprit Surcouf – publié le 7 mars 2025
Etudiante en en 3ème année de licence de sciences politiques

https://espritsurcouf.fr/geoplitique_pipelines-entre-securite-energetique-et-strategies-geopolitiques_par_eloise-herbreteau_n252-070325/

 


Le projet East African Crude Oil Pipeline qui se situe entre l’Ouganda et la Tanzanie orchestré par Total energie fait débat. En effet, EACOP sera le plus long oléoduc chauffé du monde, grand de près de 1 443 km. Cependant, ce projet suscite de nombreuses préoccupations, que ce soit de la société civile et des ONG environnementales. L’acheminement des matières premières par pipelines est un sujet central en géopolitique car il est quasi généralisé  à l’échelle mondiale. Cependant, son aspect transnational et écologique questionne. Nous pouvons nous demander, comment les réseaux de pipelines influencent-ils la sécurité énergétique des États et leurs stratégies géopolitiques ?

Les pipelines comme levier géopolitique

Il existe environ 2 millions de kilomètres de pipelines traversant le monde. Le contrôle de ces infrastructures permet à certains pays de détenir une part significative du pouvoir sur les flux énergétiques mondiaux, ce qui est particulièrement vrai pour les nations productrices de pétrole et de gaz, comme la Russie, les pays du Moyen-Orient ou ceux d’Asie centrale.

 La construction de nouveaux pipelines modifie les relations économiques et politiques entre les pays, car ces infrastructures créent des interdépendances. Ainsi, le contrôle des pipelines offre à un pays la possibilité de sécuriser ses approvisionnements énergétiques tout en réduisant sa vulnérabilité aux coupures potentielles. En effet, la dépendance des pays aux matières premières peut être utilisée comme un levier de pouvoir, établissant ainsi un axe de domination.

Dans le droit international, la construction des pipelines dépend généralement de l’accord des États concernés, qui négocient souvent les conditions de leur installation. Cela se reflète dans des accords comme celui du 12 août 2018, sur le statut de la mer caspienne signé par les chefs d’État de la Russie, de l’Iran, du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan, qui a permis la création du gazoduc transcaspien de 878 km.

 Un réseau de pipelines international nécessite une coopération minimale entre les États, matérialisée par l’« Intergovernmental Agreement » (IGA), accord intergouvernemental qui stipule les conditions de transit énergétique et l’engagement des États à garantir les terrains nécessaires pour son passage. Cet IGA est souvent accompagné de contrats entre la compagnie opératrice et chaque État hôte.

Cependant, il convient de noter que, bien que les pipelines sous-marins soient régis par des lois internationales solides, les pipelines terrestres ne bénéficient pas du même cadre juridique en droit international. Néanmoins, les perspectives de développement de ces infrastructures sont vastes et en constante évolution, comme en témoigne l’exemple des accords liés au Nord Stream 2.

Les enjeux géopolitiques : Europe, Moyen-Orient et Asie

Nous pouvons prendre le cas de l’Europe qui utilise les pipelines comme levier géopolitique. En effet, il y a divers pipelines qui acheminent les matières premières vers l’Europe que ce soit Nord stream 1 et 2, trans adriatic pipeline (indiquez sa longueur)…

Nous allons nous pencher sur le cas Nord Stream 1 et 2. En quelques chiffres, Nord Stream atteint 1 222 km de longueur, 55 milliards m3/a en capacité de transport entre Oust-Louga en Russie jusqu’à Greifswald en Allemagne. De ce fait, depuis le début de la guerre en Ukraine, les enjeux géopolitiques des pipelines reviennent sur le devant de la scène car en septembre 2022, Nord Stream 1 et 2 ont été sabotés occasionnant d’importantes fuites.

Les auteurs de ce sabotage ont fait l’objet de nombreuses spéculations. De nombreuses agences de presse soupçonnent un commando ukrainien. De plus, , depuis le début de la guerre en Ukraine, afin de réduire les exportations énergétiques  russes, , les pays européens se sont entendus pour suspendre leur flux via le Nord stream 2, illustrée par la citation de l’ancien ministre de l’économie français Bruno Le Maire « Nord Stream 2 pourra ouvrir le jour où le pouvoir russe respectera ses engagements internationaux et l’intégrité du territoire de l’Ukraine ».

Nord stream 2 fait polémique car il accroît la dépendance aux ressources russes et donc retire à l’Europe de la souveraineté en matières premières. Ce qui peut être dangereux lorsqu’il s’agit de conflits. Nord stream est un gazoduc maritime, il ne traverse ni les pays baltes, ni l’Ukraine. Il prive donc ces territoires de revenus de transport (estimés à 1,5 milliard d’euros par an).

Dans le contexte du Moyen-Orient, la situation est différente. On y observe  une distinction entre les grandes puissances pétrolières et les pays moins favorisés. Les pipelines sont au centre des enjeux géopolitiques et des débats. Prenons l’exemple du « Dolphin Pipeline », lancé en 1998 pour fournir du gaz qatari aux Émirats arabes unis. Ce projet a toutefois été source de tensions, notamment avec l’Arabie Saoudite qui a contesté en 2006 le passage du pipeline dans ses eaux territoriales. Le projet Dolphin a été officiellement lancé en 2004, avec la Mubadala Development Company (détentrice de 51 % des parts, appartenant à Abu Dhabi), le géant français Total et l’Américain Occidental Petroleum détenant chacun 24,5 % des parts. Le Qatar, quant à lui, fournit le gaz, et le pipeline est capable de transporter jusqu’à deux milliards de pieds cubes standard de gaz naturel par jour.

Le Dolphin Pipeline a traversé plusieurs crises, comme la « crise du Golfe » de 2017 à 2021, sans affecter son fonctionnement. Ce projet a émergé grâce à des considérations économiques et énergétiques significatives, avec une politique tarifaire au cœur des discussions. En 2022, le Qatar a dépassé les États-Unis en termes de production de gaz naturel. De plus, en participant au projet Dolphin, il a pu bénéficier d’un tarif avantageux, ne payant que 1,28 $ par million de BTU, alors que la moyenne mondiale était de 5 $.

En Asie, la Chine exerce une véritable domination sur les matières premières. En l’espace de quatre ans, sa capacité de stockage a augmenté, passant de 1,7 milliard à 2 milliards de tonnes. En 2023, la Chine a importé 16 % de matières premières en plus par rapport à l’année précédente. Plusieurs pipelines traversent l’Asie pour acheminer ces ressources, comme le China-Myanmar Oil and Gas Pipeline et le gazoduc d’Asie centrale. Ce dernier relie le Turkménistan à la région autonome du Xinjiang, à l’ouest de la Chine. Inauguré en 2009, ce gazoduc atteint 1 833 kilomètres de longueur et est conçu pour transporter 40 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an vers la Chine

Le gaz en provenance du Turkménistan permet de répondre aux besoins énergétiques croissants de la Chine, dont la demande a augmenté de 2 % en 2023. Les pipelines jouent ainsi un rôle crucial dans la géopolitique asiatique, avec la Chine dominant le marché énergétique de la région. Par conséquent, elle est perçue par les Européens et les Américains comme un concurrent majeur menaçant leur souveraineté énergétique.

Les enjeux énergétiques deviennent de plus en plus centraux dans les relations internationales, soulevant la question de l’influence des pipelines sur la sécurité énergétique globale et leurs impacts sur les relations internationales.

Les pipelines et la transition énergétique

Même si nous savons que les pipelines sont soumis à des lois plus ou moins respectées, ils (pipelines est du masculin) sont également exposés aux crises géopolitiques tel que les Nord Stream 1 et 2.

Deutsch: Karte der Explosionen, die an den Nord-Stream-Pipelines am 26. September 2022 verursacht wurden.
05 october 2022
Source : Commons.wikimedia.org

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Les pipelines sont vus comme un axe de transaction très sécurisé et sûr pour assurer une bonne transaction de matière première entre les pays. Nous pouvons parler de “la théorie des pipelines”. Cette théorie repose sur le fait que les pipelines sont le transport d’hydrocarbures le plus sûr du monde. En effet, ils sont moins sujets aux accidents, aux problèmes météorologiques. Ils sont par ailleurs plus efficaces et rentables que des tankers et supertankers, car ils peuvent transporter une plus grande quantité en continu.

Les pipelines réduisent ainsi la dépendance à une route commerciale spécifique, évitent les zones sensibles qui jalonnent les routes maritimes tel le détroit de Malacca où plusieurs interruptions du trafic maritime ont été recensées en raison des actes de piraterie et de tensions locales.  Un pipeline qui passe par des zones plus stables peut assurer un approvisionnement plus sûr. Cela a conduit à des projets de pipelines transitant par des pays comme le Kazakhstan ou le Turkménistan pour assurer un flux énergétique continu vers la Chine ou l’Europe.Nous pouvons prendre aussi l’exemple du pipeline Myanmar-China offre à la Chine une route alternative pour accéder au pétrole et au gaz naturel en provenance du Moyen-Orient et de la région du Golfe, réduisant ainsi le risque de perturbations dues à des tensions maritimes mais aussi le Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline (TANAP) qui permet d’acheminer du gaz naturel de l’Azerbaïdjan à travers la Turquie vers l’Europe, diversifiant les sources de gaz pour les pays européens.

Plus sûrs, les pipelines permettent une meilleure planification à long terme et garantissent ainsi une meilleure stabilité des prix. Ce qui nous renvoie aussi à la réduction des prix de transport environ 5 à 7$ dollar moins cher sur le baril de pétrole. Par rapport à un bâtiment de surface, ils permettent d’éviter les rejets de dioxyde de carbone, propice à la formation de gaz à effet de serre.moins de gaz à effet de serre : Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions moyennes du cycle de vie des oléoducs sont d’environ 18,5 grammes d’équivalent CO2 par mégajoule (gCO2e/MJ), tandis que la moyenne des gazoducs est d’environ 15,3 gCO2e/MJ. Ces valeurs varient en fonction du type et de la qualité du carburant, de la distance et du terrain du pipeline, ainsi que de l’efficacité et du taux de fuite du système.

Selon une étude du Département d’État américain, les alternatives au projet d’oléoduc Keystone XL, qui transportent le pétrole du Canada vers les États-Unis, sont le train, le camion ou une combinaison des deux. L’étude a révélé que ces alternatives entraîneraient 28 % à 42 % d’émissions de gaz à effet de serre en plus que le pipeline.

Nous ne pouvons pas parler de matières premières et d’énergie sans parler de transitions écologiques. En effet, dans l’essai d géographe suédois Andreas Malm Comment saboter un pipeline? (2020), l’auteur nous explique que le sabotage peut être une forme d’activisme écologique. Même si les pipelines ont beaucoup d’avantages, leurs constructions sont source de débat écologique. Cela englobe un large éventail de facteurs environnementaux qui peuvent être influencés par les pipelines, notamment l’utilisation des terres, la qualité de l’eau, la pollution de l’air et la perturbation de l’habitat de la faune.

Les écologistes soulignent les risques de marées noires et de fuites de pétrole, qui peuvent entraîner une contamination des plans d’eau et des sols, nuire aux écosystèmes et mettre la faune sauvage en danger. De plus, la construction de pipelines implique souvent la déforestation et la destruction d’habitats, ce qui aggrave encore l’impact sur la biodiversité. En effet, les pipelines sont remis en cause par la transition écologique vers les énergies renouvelables. Certains chercheurs estiment que les pipelines réduisent l’ascension des énergies renouvelables car les pipelines sont encouragés par davantage d’investissements.

On retiendra, in fin, que les pipelines sont des instruments géopolitiques clés, garantissant une sécurité énergétique et influençant les relations internationales. Ils permettent de sécuriser les approvisionnements en énergie tout en créant des interdépendances stratégiques. Cependant, leur impact environnemental, notamment en termes de pollution et de déforestation, ainsi que leur rôle dans la transition énergétique, suscitent des préoccupations croissantes. Les enjeux géopolitiques et écologiques liés aux pipelines illustrent la complexité des défis énergétiques mondiaux et la nécessité de trouver rapidement le point équilibre entre sécurité énergétique et durabilité environnementale.

Eloïse Herbreteau (*) est étudiante à l’Université catholique de l’Ouest (campus de Nantes) en 3ème année de licence de sciences politiques, le parcours géopolitique et stratégie internationale. Elle se spécialise en relations internationales. Héloïse Herbeteau est actuellement en stage de fin de licence au sein de la revue Espritsurcouf.

Liban – Europe : la route des migrants. Entretien exclusif avec un passeur

Liban – Europe : la route des migrants. Entretien exclusif avec un passeur

In this photo released by the Lebanese Army official website, a Lebanese army vessel rescues migrants in the Mediterranean Sea, near the shores of Tripoli, north Lebanon, Friday, Oct. 6, 2023. Lebanon’s state-run National News Agency says the army has rescued more than 100 migrants after their boat faced technical problems in the Mediterranean Sea. The agency says the boat called for help after it ran into difficulties Friday afternoon in Lebanese territorial waters.

 

par Pierre-Yves Baillet – Revue Confits – publié le 7 mars 2025


Typologie des migrants, coûts des passages, rôle des officiers et des forces de sécurité, un passeur libanais brise le silence et dévoile le fonctionnement de l’immigration clandestine. Un entretien exclusif.

La croissance des départs a alimenté un réseau de trafic humain illégal en plein essor, où même des membres de l’armée libanaise, des agences de renseignement et des forces de sécurité seraient impliqués. Des réseaux rivaux se disputent farouchement la domination de ce commerce qui devient de plus en plus lucratif. Dans ces réseaux clandestins, les tensions ethnico-religieuses s’effacent ainsi que la solidarité intra-communautaire. L’humain n’a plus de valeur, seul l’argent compte. Dans une interview exclusive pour Conflits, un passeur révèle les mécanismes cachés de ces réseaux, jetant un éclairage sur les alliances, les rivalités et le coût humain dévastateur d’un système mû par le désespoir et la corruption.

La guerre a-t-elle augmenté le nombre de personnes voulant fuir le pays ?

Oui, les chiffres ont triplé, et un nouveau type d’immigrant est apparu : les chiites. Après la guerre et leur déplacement forcé hors de leurs maisons et villages, ils ont également commencé à vouloir partir. Pendant des années, les migrants que nous avions étaient principalement des Syriens, des sunnites de Tripoli et des Palestiniens. Mais maintenant, ce sont aussi les familles chiites de Beyrouth et du sud qui souhaitent quitter le pays. Ils ont été encouragés après avoir commencé à interagir avec nous. Comme vous le savez, la division politique empêchait les chiites de venir dans le nord. Mais une fois qu’ils sont arrivés, ils ont compris que tout cela était politique et que nous ne les détestions pas. Cela les a encouragés à faire confiance aux passeurs du nord, sunnites, pour les emmener en bateau.

Parmi ces personnes, quelles sont les principales nationalités et/ou communautés ?

Il s’agit principalement de Palestiniens, de Syriens et de Libanais. Les plus nombreux sont les Syriens, suivis des Libanais, avec quelques Palestiniens et très peu de Soudanais. Les Palestiniens veulent partir, mais ils n’ont pas l’argent pour cela. Cependant, vous trouverez toujours trois à quatre Palestiniens dans chaque bateau. Les Syriens ont les fonds nécessaires grâce à leurs familles en Europe qui leur envoient de l’argent pour financer leur voyage, malgré les risques élevés. Je ne mentirai pas : le voyage est très risqué, car lorsqu’on voyage, il y a une forte probabilité d’être intercepté ou de ne pas atteindre l’Europe. Les Libanais viennent principalement du nord, mais nous voyons désormais des chiites qui souhaitent partir. En fait, le dernier bateau secouru par l’armée libanaise au large contenait des chiites. Ce n’était pas mon bateau, mais celui d’une connaissance.

Quel est le coût de la traversée ?

Le minimum est de 4 000 dollars et le maximum de 7 000 dollars, en fonction du prix du bateau, des garanties, du nombre de passagers et des pots-de-vin versés.

Que voulez-vous dire par « garantie » ?

Tout le monde ne paie pas à l’avance. Beaucoup, notamment ceux du nord, ne paient qu’une fois arrivés à destination et laissent l’argent en garantie auprès d’un tiers de confiance des deux parties. Ces personnes paient généralement plus, car nous prenons un risque : si elles n’atteignent pas leur destination finale, aucun paiement ne sera effectué. Quant aux Palestiniens et aux Syriens, nous exigeons généralement un paiement à l’avance. Les prix varient : pour les individus, cela peut atteindre 7 000 dollars ; pour les familles, les personnes âgées paient environ 5 000 et les enfants autour de 3 000 dollars. Il n’y a pas de prix fixe, car les tarifs dépendent de nombreux facteurs.

Certaines personnes ne paient même pas, car ce sont elles qui conduisent le bateau ou assistent le capitaine. Parfois, si le capitaine dépose simplement les passagers sur le rivage de l’UE et retourne avec le bateau, les prix sont réduits. Si nous achetons un bateau en excellent état et qu’il ne revient pas, les prix augmentent. Les pots-de-vin versés à la marine libanaise et à la sécurité générale influencent également les prix. Parfois, s’il y a peu de passagers ou si le bateau est en mauvais état, les prix augmentent. Et inversement, si le bateau est bondé et en état correct, les prix baissent. Nous savons généralement à l’avance combien cela coûtera. Contrairement à d’autres passeurs, je ne change pas les prix après les avoir fixés.

Quelle est la nature de vos interactions avec la police ou le personnel militaire que vous soudoyez ?

En général, nous n’avons pas de relations avec la police (les forces de sécurité intérieure) parce qu’elles n’opèrent pas le long des côtes ou des ports libanais. Ce sont principalement la Sûreté générale et l’armée libanaise/renseignements militaires qui sont impliqués. Rarement le département des renseignements (des FSI) enquête sur des cas de contrebande, mais c’est le plus difficile à traiter.

Je parle de mon expérience personnelle et non de celle des autres. J’ai toujours eu une relation avec l’armée libanaise et la Sûreté générale, car ma famille et moi avons travaillé pendant des années dans le port de Tripoli. En 2019, après la crise économique, les gens ont commencé à me demander un moyen de quitter le pays. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à envisager de les faire passer clandestinement, non seulement via les navires quittant le port, mais aussi par des bateaux au départ des côtes du nord. J’avais déjà de bonnes relations avec tout le monde, alors j’ai commencé à demander autour de moi et à chercher qui pouvait m’aider. Certains officiers/soldats ont accepté de coopérer avec moi. Ce qui m’a le plus aidé, c’est la crise économique, car les soldats et officiers avaient vraiment besoin d’argent. Comme vous le savez, ce sont des fonctionnaires, et leurs salaires ont été dévalués. Un officier qui gagnait autrefois 4 000 dollars par mois ne touche plus que l’équivalent de 500.

Pour être honnête, ils n’acceptent pas tous. Certains disent qu’ils veulent aider, mais changent d’avis. D’autres prétendent être prêts à coopérer, mais complotent en réalité pour vous piéger en flagrant délit. Cela m’est déjà arrivé : ils ont intercepté un bateau qui m’appartenait après m’avoir assuré qu’ils voulaient aider, et j’ai perdu plus de 75 000 dollars. Certains refusent même d’en parler. Tous les officiers et soldats ne sont pas pareils, mais j’ai réussi à construire mon propre réseau. Les relations avec les soldats/officiers sont toujours précaires. Si quelque chose tourne mal, aussi insignifiant soit-il, ils n’hésiteront pas à vous dénoncer. Je comprends les règles du jeu. Tout ce que je leur demande, c’est de me prévenir quand ils sont de service et d’éteindre les radars. Je m’occupe du reste.

Concernant la Sûreté générale, elle contrôle les ports ainsi que l’entrée et la sortie de chaque personne. Si j’ai quelqu’un recherché par les autorités (mais pas pour des crimes graves), ils ferment les yeux lorsqu’il quitte le pays. La plupart du temps, nous coordonnons avec les forces de sécurité, surtout si la personne est recherchée pour des accusations de terrorisme. Je tiens à rester dans les règles, car sinon, je risque d’être arrêté et accusé de terrorisme moi-même.

Comment établissez-vous ces relations ?

Je suis né et j’ai grandi dans le port de Tripoli. Ma famille et moi avons travaillé toute notre vie dans ce port, donc les relations existaient déjà. Après la crise, je les ai renforcées. Depuis, j’entretiens de bonnes relations avec toutes les forces de sécurité. Mais en fin de compte, ces relations reposent sur un intérêt mutuel : je fais passer des gens clandestinement et je suis payé, tandis qu’eux reçoivent de l’argent pour faciliter mon activité. Si demain je cesse de payer les services de renseignement libanais et la Sûreté générale, je serai le premier à être arrêté. Ils ouvriront des dizaines de dossiers contre moi, et je passerai sept ans en prison, alors qu’ils s’en sortiront sans problème. Le juge ne m’écoutera pas si je déclare qu’ils étaient impliqués dans la contrebande. La règle la plus importante dans la contrebande, que ce soit par voie terrestre ou maritime, est de toujours soudoyer les forces de sécurité, de toujours coordonner avec elles et de ne jamais agir dans leur dos. De nombreux passeurs ont pensé qu’ils pouvaient s’en passer. Le jour où ils ont cessé de payer, ils ont été arrêtés.

Combien cela coûte-t-il généralement de « sécuriser » la coopération des autorités ?

Il n’y a pas de tarifs fixes, mais croyez-moi, beaucoup d’argent est en jeu. Les gens pensent que les passeurs gagnent énormément d’argent, mais en réalité, ce n’est pas vrai, car les dépenses sont également très élevées. Entre l’achat du bateau, l’équipement GPS et satellite, et les pots-de-vin, on finit par gagner environ 30 à 50 000 dollars par bateau. Cependant, cela prend beaucoup de temps pour préparer un bateau et trouver des clients.

Aucun passeur ne peut gérer plus de trois ou quatre bateaux par an. Parfois, nous devons fusionner nos clients avec ceux d’un autre passeur. Les dépenses sont nombreuses, et la plus grande part revient à la fois au bateau et aux forces de sécurité. Au sein de ces forces, il faut principalement payer trois groupes :

  1. Les soldats de l’armée/garde-côtes et leurs officiers.
  2. Les officiers et soldats des renseignements libanais.
  3. Les officiers et soldats de la Sûreté générale.

Dans chaque cas, les paiements sont directs (lors de l’accord) et indirects (cadeaux, déjeuners, dîners). Parfois, après avoir payé, un soldat ou un officier est transféré ailleurs, et tout l’argent dépensé est perdu.

Certains officiers deviennent gourmands et exigent jusqu’à 50 000 dollars pour permettre au bateau de partir, prétextant qu’ils doivent payer d’autres officiers et soldats. Je sais que ce n’est pas toujours vrai, mais si je ne paie pas, le bateau ne quittera pas les eaux nationales. Je suis donc souvent contraint d’accepter leurs demandes.

Combien, environ ?

Il n’y a pas de prix exact, mais la fourchette se situe généralement entre 30 000 et 50 000 dollars, et parfois jusqu’à 60 000, selon les circonstances. C’est un vaste réseau impliquant de nombreux officiers et soldats, et j’aime m’y investir activement. Tout ce qui m’importe, c’est que mon bateau quitte les eaux nationales. Mais il est certain que la deuxième dépense la plus importante dans la contrebande concerne les forces de sécurité. Il faut nourrir beaucoup de monde. Si vous négligez quelqu’un et qu’il se fâche, vous perdez tout. Un jour, j’ai dû annuler un bateau parce qu’ils demandaient 1 000 dollars par personne. Cela faisait un total de 107 000 dollars. Si j’avais accepté, j’aurais perdu de l’argent. J’ai donc transféré les passagers à un autre passeur et touché 15 000 en tant qu’intermédiaire.

Faites-vous face à des refus de certains agents ? Si oui, comment gérez-vous ces situations ?

Oui, certains refusent d’être corrompus, mais la plupart acceptent, car ils sont dans le besoin. Pour ceux qui refusent, nous attendons qu’ils soient en congé ou absents, puis nous travaillons avec d’autres. En général, tout le monde finit par coopérer.

Nous avons un proverbe arabe : « Cherche, et tu trouveras un chemin. » Avec de l’argent, cela fonctionne comme par magie. Certains refusent parce qu’ils craignent que cela nuise à leurs promotions. Dans ce cas, ils nous facilitent le travail, mais demandent que les bateaux partent lorsqu’ils ne sont pas en poste. Ainsi, en cas de problème, ils restent irréprochables.

Notre activité est importante, et elle ne s’arrête pas à un refus d’un officier ou d’un soldat. Nous trouvons toujours un moyen de faire partir les bateaux du Liban. L’essentiel est de toujours garder les officiers satisfaits. Même si un soldat refuse de coopérer, il ne peut pas nous dénoncer, car il devra en référer à ses supérieurs, qui nous protègent.

Ces relations avec les autorités se retournent-elles parfois contre vous ?

Oui, très souvent. Si quelque chose se passe mal à n’importe quelle étape, c’est moi qui en paie le prix. Comme je l’ai dit, j’ai perdu un bateau valant 75 000 dollars. Parfois, je suis interrogé sur des événements dont je ne suis pas responsable ou sur des bateaux qui sont partis sans que je sois impliqué. Ils pensent que je joue un double jeu. Deux fois, mon domicile a été perquisitionné par des officiers que je connaissais, simplement pour me montrer leur pouvoir.

Je suis toujours sous leur radar, ce qui affecte parfois ma famille et moi. Mais c’est ainsi dans ce métier : il y a du bon et du mauvais dans chaque affaire.


Pierre-Yves Baillet, Journaliste indépendant spécialisé sur la géopolitique du Moyen-Orient.

Défense européenne : effort de guerre, budgets… le plan européen à 800 milliards d’euros de l’Europe suffira-t-il face à la menace russe ?

Défense européenne : effort de guerre, budgets… le plan européen à 800 milliards d’euros de l’Europe suffira-t-il face à la menace russe ?

L’essentiel

En s’alignant sur Moscou pour régler la guerre en Ukraine, Donald Trump bouleverse les alliances. L’Europe est forcée de se réarmer mais son plan à 800 milliards d’euros suffira-t-il ? La France, qui envisage de continuer à muscler son budget de la Défense, doit réfléchir à l’évolution de son armée et se préparer aux choix douloureux qu’impose une économie de guerre.

Après la spectaculaire volte-face de Donald Trump qui se range désormais aux arguments de Moscou contre Kiev dans la guerre en Ukraine et, ce faisant, bouleverse les alliances entre les États-Unis et ses alliées forgées depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est au pied du mur.

L’Union européenne et le Royaume-Uni doivent s’organiser urgemment pour poursuivre l’aide militaire à l’Ukraine et compenser – si c’est possible – celle des États-Unis mise sur pause par Donald Trump, et, surtout, bâtir cette Europe de la Défense pour laquelle Emmanuel Macron plaide depuis 2017, mais qui joue l’arlésienne depuis des décennies. Cette fois, les Européens n’ont plus le choix et vont devoir concrétiser en acte « l’économie de guerre » qu’ils appelaient de leurs vœux au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Un plan européen « ReArm » à 800 milliards d’euros

Cela passe en premier lieu par une capacité à se réarmer et à financer ce réarmement. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ainsi dévoilé mardi un plan pour « réarmer l’Europe » qui doit lui permettre de mobiliser près de 800 milliards d’euros pour sa défensedont 150 milliards de prêts à disposition des 27 – et fournir une aide immédiate à l’Ukraine.

« Le moment est venu pour l’Europe. Et nous sommes prêts à nous renforcer », a dit Ursula Von der Leyen, ancienne ministre de la Défense allemande. Mais au-delà des prêts, le premier « pilier » de ce plan baptisé « ReArm » repose essentiellement sur les dépenses nationales dans chaque État membre, que la Commission européenne veut faciliter. Ainsi, la présidente de la Commission a confirmé sa volonté d’encourager les États à dépenser plus pour leur défense, sans être contraints par les règles budgétaires qui les obligent à limiter leur déficit public à 3 % de leur Produit intérieur brut (PIB).

Cette dérogation aux règles de Maastricht résonne agréablement aux oreilles de la France, qui doit maintenir sa dissuasion nucléaire – la seule de l’UE – et a rehaussé fortement son budget de la Défense ces dernières années.

La France doit-elle aller à 3 ou 3,5 % du PIB ?

Dans le dernier projet de loi de finances des Armées 2025, l’augmentation de l’effort de la Nation pour la Défense a acté une hausse de +3,3 milliards d’euros, portant la mission Défense à 50,5 milliards d’euros hors pensions. Le budget des armées augmente ainsi de 56 % sur la période entre 2017 et 2025. Les crédits votés dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 se montent à 413 milliards d’euros.

Faut-il aller plus loin ? Presque tous les pays de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses militaires en 2024, une majorité atteignant l’objectif fixé en 2014 d’accorder 2 % de leur PIB à la Défense, objectif qui n’était atteint que par 11 des 30 États de l’organisation en 2023. La France est à 2,06 % du PIB.

« Depuis trois ans, les Russes dépensent 10 % de leur PIB dans la défense. On doit donc préparer la suite, en fixant un objectif autour de 3, 3,5 % du PIB », a déclaré Emmanuel Macron au Figaro le 2 mars, rajoutant qu’il voulait remettre sur le métier la LPM. « On devra réviser à la hausse. La question, c’est : est-ce qu’on aura besoin de plus de financements nationaux ? Comment on mobilise mieux les financements européens ? »

 

Les dépenses militaires des pays de l’OTAN en fonction de leur proximité avec la Russie.
Les dépenses militaires des pays de l’OTAN en fonction de leur proximité avec la Russie. DDM

 

« Les Américains représentent 30 % de l’OTAN. Cela va nous prendre dix ans pour nous désensibiliser, en investissant massivement au niveau national et européen », analysait encore Emmanuel Macron.

Reste une question capitale : aller à 3 ou 3,5 % du PIB de dépenses militaires – soit 70 milliards d’euros par an – changerait-il réellement la donne ? Les équipements militaires possèdent des technologies toujours plus avancées et forcément très coûteuses ; la hausse du coût des équipements est donc plus rapide que les budgets, ce qui conduit à jouer sur les quantités.

L’autre écueil est que « l’industrie de défense française demeure dans une logique d’arsenal, très dépendante de l’État, et manque de souplesse », expliquait au Figaro Élie Tenenbaum, directeur du Centre des Études de Sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Un investissement sûr et dans la durée est donc indispensable. Ce qui n’empêche pas la France d’avoir été le 2e pays exportateur d’armes majeures dans le monde derrière les États-Unis entre 2019 et 2023 et de voir certains de ses champions tricolores afficher de très bons résultats comme Dassault, concepteur du Rafale, qui a annoncé un chiffre d’affaires de 6,2 milliards d’euros en 2024 contre 4,8 milliards d’euros en 2023.

Des choix douloureux pour financer l’effort

Mais la question clé en cas de désengagement des États-Unis et même s’il y a plus d’argent consacré à la Défense est de savoir s’il faut changer le modèle d’organisation des Armées françaises : passer d’un modèle d’armée complète, multitâche, mais de taille réduite et limitée – certains parlent d’un corps expéditionnaire ou d’une armée « bonsaï » – à une armée plus spécialisée sur certaines menaces seulement alors que la guerre en Ukraine a mis en évidence le retour de la guerre à haute intensité et la guerre hybride avec une forte dimension cyber

Enfin, la hausse des budgets militaires imposera de faire des choix douloureux, des arbitrages politiquement sensibles et explosifs entre dépenses de défense et dépenses sociales pour être réellement en économie de guerre…

Un débat qui concerne tous les pays européens, le Danemark envisage de reculer l’âge de départ à la retraite de 67 à 70 ans pour, entre autres, financer la défense du pays. Une telle option serait volcanique en France, d’où d’autres idées pour trouver de l’argent comme mobiliser une partie de l’épargne des Français ou lancer un grand emprunt national.

Guerre Ukraine-Russie, jour 1105 : l’aide américaine suspendue, Vance maintient la pression

Guerre Ukraine-Russie, jour 1105 : l’aide américaine suspendue, Vance maintient la pression

Un député sud-coréen a indiqué mardi 4 mars 2025 avoir rencontré deux soldats nord-coréens détenus en Ukraine. Donald Trump a décidé d’ordonner lundi une « pause » dans l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine, selon un responsable de la Maison-Blanche.

Funérailles d’un militaire ukrainien à Kiev, lundi 3 mars 2025. SERGEY DOLZHENKO / EPA

Un député sud-coréen rencontre des soldats nord-coréens

Un député sud-coréen a déclaré mardi 4 mars avoir échangé avec deux soldats nord-coréens détenus en Ukraine après avoir combattu pour la Russie, et que l’un d’eux lui avait dit son souhait de vouloir vivre « une vie normale » en Corée du Sud.

En janvier, les renseignements sud-coréens ont affirmé que l’armée ukrainienne avait capturé deux soldats nord-coréens envoyés par Pyongyang en Russie pour combattre l’Ukraine.

Le député Yu Yong-weon a affirmé au cours d’une conférence de presse avoir pu échanger avec ces deux soldats détenus dans une prison d’Ukraine – dont la localisation exacte n’a pas été dévoilée – après avoir obtenu le feu vert des autorités de Kiev.

Trump suspend l’aide militaire à l’Ukraine

Donald Trump a mis sa menace à exécution et ordonné lundi une « pause » dans l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine en guerre contre la Russie, selon un responsable de la Maison-Blanche. « Nous faisons une pause et réexaminons notre aide pour nous assurer qu’elle contribue à la recherche d’une solution » au conflit entre l’Ukraine et la Russie, a déclaré ce responsable sous couvert d’anonymat.

« Le président a clairement indiqué qu’il se concentrait sur la paix. Nous avons besoin que nos partenaires s’engagent eux aussi à atteindre cet objectif », a-t-il ajouté. Il s’agit essentiellement de l’aide militaire déjà approuvée sous l’ancienne administration de Joe Biden et très largement soldée mais dont il reste encore des équipements et armes à livrer.

JD Vance convaincu que Zelensky finira par discuter de la paix

Le vice-président des États-Unis, J. D. Vance, s’est dit convaincu que le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky finirait par accepter de discuter de la paix avec la Russie, après le fiasco de sa rencontre vendredi avec Donald Trump.

Dans un entretien à la chaîne Fox News, il a estimé que le président ukrainien avait « montré un refus clair de s’engager dans le processus de paix » souhaité par le président américain. « Je pense que Zelensky n’y était pas encore, et je pense, franchement, qu’il n’y est toujours pas, mais je pense qu’il finira par y arriver. Il le faut », a affirmé le vice-président dans cet entretien enregistré avant l’annonce d’une pause dans l’aide militaire américaine à l’Ukraine.

Les députés français divisés sur la défense européenne

Unis dans leurs mots de soutiens à Kiev, les députés ont de nouveau étalé leurs divergences stratégiques à l’Assemblée sur la défense française et européenne, son financement, ou l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et l’Otan.

« Accélérons le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. C’est la solution pour pouvoir faire front lors des échanges à venir », a martelé l’ancien premier ministre Gabriel Attal, chef du groupe Ensemble pour la République.

Marine Le Pen pour le RN a appelé à « soutenir » Kiev avec « réalisme ». « Nous ne pouvons pas promettre à l’Ukraine une adhésion à l’Otan » et une adhésion à l’Union européenne « va incontestablement à l’encontre de nos intérêts », a-t-elle avancé.

Retour en Russie de 33 habitants de la région de Koursk

Moscou a annoncé le retour en territoire sous contrôle de la Russie de 33 personnes venant de la partie de la région de Koursk occupée par l’armée ukrainienne et qui avaient été évacuées en Ukraine.

Le 24 février, Moscou avait indiqué avoir trouvé un accord avec Kiev pour rapatrier des habitants de la région qui se trouvaient en Ukraine. « Il s’agit principalement de personnes âgées, mais il y a aussi quatre enfants. Nombre d’entre eux souffrent de blessures et de maladies graves », a indiqué sur Telegram la médiatrice russe pour les droits humains, Tatiana Moskalkova.

D’après elle, la Russie « a négocié avec la partie ukrainienne » avec « le soutien du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la médiation de la Biélorussie », allié de Moscou par lequel ont transité les évacués.