Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

En juillet, une économiste américaine a renoncé, face au scandale, à rejoindre un poste clé à la direction de la concurrence de la Commission européenne. Mais dans ce domaine, c’est aussi l’application planétaire du droit américain qui inquiète entreprises, spécialistes et législateurs.

Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

Le 17 juillet, Fiona Scott Morton a renoncé à son poste d’économiste en chef de la puissante Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Le parcours de cette Américaine auprès de géants technologiques comme Microsoft, Apple ou Amazon, ainsi que dans les services antitrust de l’administration Obama, avait suscité une bronca sur le continent : comment pouvait-elle désormais préconiser des sanctions contre ces mêmes groupes, souvent visés par des enquêtes européennes ?

En creux, cette polémique a mis en lumière la rude concurrence que se livrent les entreprises à l’échelle mondiale, et son intrication avec le droit commercial édicté par les États (ou l’UE, en l’occurrence). Des quatre cercles du périmètre de la défense nationale, le deuxième, celui de la défense nationale, englobe les mesures à prendre pour se protéger des menaces visant notamment l’économie d’un pays. Et parmi celles-ci, l’extraterritorialité du droit prend une ampleur croissante depuis la fin des années 1990.

Les États-Unis sont historiquement la nation la plus proactive en la matière. Dès le début du XIXe siècle, le président Thomas Jefferson promulguait des embargos contre l’ancienne puissance coloniale britannique ou la France de Napoléon. Ses successeurs en ont ensuite régulièrement adopté. À la fin du XXe siècle, des embargos contre le commerce avec Cuba ou l’Iran touchent ainsi de nombreuses entreprises américaines ou étrangères.

LES ÉTATS-UNIS SANCTIONNENT DES ENTREPRISES ÉTRANGÈRES PARTOUT DANS LE MONDE

Mais les textes votés à Washington visent aussi la corruption. « À une époque, les entreprises françaises pouvaient déduire de leurs impôts les pots-de-vin versés pour gagner des marchés », rappelle le consultant Augustin de Colnet, auteur de l’ouvrage « Compétition mondiale et intelligence économique »[1]. « Les États-Unis partaient du constat que les entreprises européennes et autres pratiquaient la corruption, et que donc leurs entreprises perdaient des parts de marché. »

Aujourd’hui, les lois extraterritoriales américaines permettent de sanctionner toute entreprise étrangère pour des délits effectués n’importe où dans le monde, dès lors qu’une seule parmi plusieurs conditions est avérée : des transactions en dollars ; des échanges d’e-mails ou l’hébergement de données sur des serveurs basés aux États-Unis ; la présence d’une filiale dans ce pays ; y être coté sur un marché financier… Le champ est donc très large.

En se basant sur des rapports parlementaires (comme le rapport Gauvain rendu au Premier ministre en 2019), des articles de presse ou d’autres publications, Augustin de Colnet a réalisé une « cartographie des principales sanctions extraterritoriales américaines de plus de 100 millions de dollars » prononcées entre 2008 et fin 2022. La cadence s’est en effet accélérée depuis la présidence de Barack Obama, visant souvent des secteurs stratégiques. Des groupes basés aux États-Unis mais aussi en France, en Allemagne, au Japon, au Royaume-Uni ou au Brésil remplissent le graphique de Colnet. « Mais tous les États ne sont pas concernés au même titre », commente-t-il. « Tout le monde n’a pas des multinationales comme la France. Et la somme des amendes infligées à toutes les entreprises américaines est inférieure au seul montant payé par BNP Paribas. »

8,9 MDS $ D’AMENDE POUR BNP PARIBAS, 3,6 MDS € POUR AIRBUS…

En 2015, la banque française a versé une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir contourné des sanctions américaines imposées à l’encontre de Cuba, de l’Iran et du Soudan, entre 2004 et 2012. Réagissant à l’affaire Scott Morton dans une interview au Figaro, Frédéric Pierucci estimait, lui, que « les entreprises européennes ont payé depuis 2010 pas moins de 50 milliards de dollars d’amende (dont environ 15 pour les sociétés françaises) au Trésor américain pour clore des enquêtes du DOJ », le ministère de la Justice américain.

Ancien cadre dirigeant d’Alstom, Pierucci a été arrêté en 2013 sur le sol américain et y a passé 25 mois en prison au total. Selon lui, c’est cette procédure enclenchée contre le groupe pour corruption d’agents publics (en Arabie saoudite, en Indonésie, en Égypte, à Taïwan et aux Bahamas) qui a poussé Alstom à vendre en 2015 sa branche énergie à son plus gros concurrent, le groupe américain General Electric (GE). En plus de payer 772 millions de dollars d’amende. PDG de l’énergéticien français à l’époque, Patrick Kron « n’avait plus le choix : s’il souhaitait échapper à la prison pour les vingt prochaines années, il devait vendre Alstom à General Electric ».

C’est ce que déclare Frédéric Pierucci dans un récent documentaire d’Arte intitulé « La bataille d’Airbus », qui explore les effets de l’extraterritorialité juridique américaine. En 2013, l’avionneur européen est lui aussi accusé de corruption par Washington. Cette affaire et d’autres poussent le gouvernement français à réagir. Promulguée en 2016, la loi Sapin II permet à la France de mener des procédures anticorruption conformes aux normes américaines, afin de protéger les entreprises hexagonales de sanctions prononcées outre-Atlantique. L’affaire Airbus s’est soldée par une transaction entre le groupe et les justices française, britannique et américaine. Sur un total d’environ 3,6 milliards d’euros d’amende, la France a reçu un peu plus de 2 milliards, le Royaume-Uni, 984 millions, et les États-Unis, 525 millions.

« COMME POUR UN BUT DE GUERRE, IL Y A UN TRIBUT À PAYER »

« La loi Sapin II transpose à peu de chose près la loi américaine », relève l’avocat Olivier de Maison Rouge, docteur en droit et spécialiste du droit de l’intelligence économique. « Avec ses effets d’extraterritorialité, elle est très clairement une réplique aux textes américains. Mais le nôtre ne frappe que les entreprises françaises, pas les américaines, indiennes ou autres… »

Dans l’affaire BNP Paribas, l’avocat observe que ce sont des embargos décrétés par les États-Unis qui s’appliquent, pas des sanctions de l’ONU : « Indépendamment du droit international, ils s’arrogent le droit d’être le gendarme du monde qui applique le droit, avec deux types de sanction : pour les entreprises américaines, et pour les entreprises étrangères. Dans ce cas, BNP Paribas ne pouvait se priver des transactions en dollar, qui représentent aujourd’hui 44% des transactions mondiales. » Quitte à payer cette amende faramineuse.

Le juriste file une métaphore martiale : « Comme pour un but de guerre, il y a un tribut à payer à la fin, et on affaiblit une cible. » Mais il se refuse à voir une stratégie délibérée dans les poursuites contre Alstom puis la vente d’une branche stratégique du groupe à son principal concurrent : « Oui, le DOJ a été à la manœuvre et a mis l’entreprise sous enquête ; mais l’acquisition répond à un schéma plutôt classique, et nulle part il n’a été démontré que les accusations de corruption ont été mises en place dans le but de cette acquisition. »

« POUR L’INSTANT, NOUS N’AVONS PAS D’ARSENAL AU MÊME NIVEAU »

Augustin de Colnet n’est pas du même avis : « Il y a pour moi une collusion évidente entre GE et le ministère de la Justice américain. Alstom est d’ailleurs la cinquième entreprise rachetée par GE après des sanctions du DOJ. » Pour lui, la « guerre juridique » (lawfare en anglais) est « juste une arme économique comme une autre » dans les rivalités mondiales. Il estime d’ailleurs que l’Union européenne et la France ne s’arment pas suffisamment : « Nous sommes à peine sur la défensive. Parler d’offensive, rien dans l’actualité ne le présage. Mais dans l’UE, nous n’avons pas tous les mêmes intérêts économiques. Tout montre qu’on n’a juste pas envie de froisser notre allié américain, notamment en raison de son poids militaire et commercial. »

En attendant, forts de leurs lois, les États-Unis ne se gênent pas. Citée dans le documentaire d’Arte, une note de la DGSI rédigée au moment de l’affaire Airbus parle d’une « stratégie de conquête » des Américains dans les secteurs « de l’aéronautique, de la santé et de la recherche », les entreprises françaises faisant l’objet d’« attaques ciblées » par le biais de « contentieux juridiques ».  L’ancien député Raphaël Gauvain l’affirme dans le même film : « C’est très clair que les entreprises européennes sont la cible privilégiée des pouvoirs publics américains, et que les plus lourdes condamnations se sont faites à l’encontre des entreprises européennes. »

Pour Olivier de Maison Rouge, tout cela « renvoie à la question de la domination paraéconomique » : « Les Américains eux-mêmes n’ont-ils pas d’autres moyens pour créer des distorsions de concurrence ? Leur soft power, leurs outils d’influence comme les fondations, les programmes de type « Young Leaders »… En Europe, les cerveaux sont formés à l’esprit anglo-saxon, un alignement cognitif s’opère, et il n’est pas nécessaire de rémunérer d’une manière ou d’une autre. Même s’ils ont aussi des paradis fiscaux dont l’opacité permet de dissimuler des règlements financiers, comme l’État du Delaware dont est issu Joe Biden. »

L’avocat en appelle donc, lui aussi, à bâtir une « réciprocité. Pour l’instant, nous n’avons pas d’arsenal au même niveau ».

[1] VA Editions, 2021.

La junte militaire va faire du Niger un foyer djihadiste majeur

Des partisans du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger lors d'une manifestation devant la base aérienne de Niamey, le 1er septembre 2023.
Des partisans du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger lors d’une manifestation devant la base aérienne de Niamey, le 1er septembre 2023. ©AFP

La junte militaire va faire du Niger un foyer djihadiste majeur

par Loup Viallet – Atlantico – publié le 2 septembre 2023

https://atlantico.fr/article/decryptage/la-junte-militaire-va-faire-du-niger-un-foyer-djihadiste-majeur-loup-viallet


La situation politique et sécuritaire au Niger est de plus en plus préoccupante. Depuis le début du mois d’aout, les attaques des groupes armés djihadistes se sont multipliées dans le pays. Un mois après son putsch, la junte nigérienne semble perdre le contrôle de la situation.

Le Niger se trouve sur une ligne de crête de plus en plus aigüe. Depuis le jeudi 3 aout et jusqu’à ces derniers jours, une dizaine d’attaques djihadistes ont été recensées, principalement dans la région du Tillabéri, qui jouxte les frontières maliennes et burkinabés. On recense des dizaines de victimes dans les rangs des forces de sécurité nigériennes, mais aussi des civils.

Contrairement au narratif de la junte, justifiant son coup d’État du fait de la dégradation du climat sécuritaire, la situation s’était nettement améliorée depuis le début de l’année 2023, voire 2022. Ainsi, selon les données de l’ACLED, les violences politiques avaient diminué de près de 40% par rapport à l’année précédente. Privés de la coopération militaire française – suspendue par Paris dans les premiers jours du coup d’État, puis dénoncée officiellement par la junte le 4 aout – les putschistes du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) apparaissent incapables d’assurer la sécurité leur pays.

La France : coupable idéal

Comme au Mali et au Burkina-Faso, le CNSP tente de détourner l’attention en s’attaquant à l’action de la France. Outre des reproches quant à son efficacité, l’armée française est accusée d’avoir violé l’espace aérien du pays, mais aussi d’avoir libéré des djihadistes. Occupation, complicité avec les djihadistes, etc : on retrouve ici toutes les fake news distillée par les compétiteurs stratégiques de la France dans la région, à commencer par la Russie.

Il importe à ce titre de rappeler que la France n’est jamais intervenue qu’à la demande des autorités nigériennes. En 2020, après les sanglantes attaques de l’hiver 2019, c’est le président Issoufou qui lance un appel à la France : « On a besoin de plus de Barkhane ». Une ligne poursuivie par Mohamed Bazoum qui, en 2022, soumet le redéploiement des forces françaises dans le pays aux parlementaires nigériens. Ceux-ci donnent alors le feu vert à la venue de l’armée française avec une large majorité.

De fait, l’accroissement du sentiment anti-français dans les couches urbaines jeunes de la région est une occasion rêvée non seulement pour justifier un coup d’État, mais aussi pour dissimuler l’incurie d’une gouvernance.

Corruption endémique

Dans ce contexte, et voyant leurs poids renforcés par les enjeux sécuritaires, les forces armées n’hésitent plus à jouer un rôle politique. Outre la métastase djihadiste, la mal-gouvernance administrative et économique et fréquemment invoquée par les régimes putschistes, dont le Niger.

Or, les armées de la région sont tout autant marquées par la corruption et le népotisme que leurs appareils d’États : contrats fictifs, détournement des soldes, etc. Elles ne sont donc pas la solution puisque faisant partie intégrante du problème. Les putschistes nigériens ne font donc pas exception. Signal faible en ce sens : la présence d’Aboubacar Charfo dans la délégation envoyée, le 12 aout, par la junte de Niamey à Conakry. Ce dernier était au centre d’une vaste affaire de surfacturation et de non-livraison de matériel à l’armée nigérienne. L’affaire avait été révélée en 2020 via un audit du ministère nigérien de la Défense.

Selon le chercheur Rahmane Idrissa, c’est la volonté du président Mohamed Bazoum d’assainir le secteur de la défense et de la sécurité qui pourrait être à l’origine du putsch. Ce qui n’augure rien de bon quant à la capacité à moyen et long terme des officiers nigériens à conduire efficacement la réponse à la menace djihadiste.

Un danger pour la sous-région ouest-africaine, pour le Maghreb et pour l’Europe

Les discours populistes des régimes putschistes, repris jusque dans une partie de la presse hexagonale, semblent tétaniser les autorités françaises, qui semblent englués dans une posture hésitante. Cette paralysie nuit sévèrement à la mise en place d’une ambitieuse politique de grand voisinage, qui tienne compte des interdépendances vitales entre l’Europe et l’Afrique. Or tout attentisme de la France facilitera l’enracinement, voire la multiplication, de ces régimes putschistes instables et ayant fait la preuve de leur indigence dans toute la sous-région.

Hercule empoisonné. 2. Assistance, appui et ambiguïté (1981-1993) par Michel Goya

Hercule empoisonné. 2. Assistance, appui et ambiguïté (1981-1993)

 

par Michel Goya la Voie de l’épée – publié le 2 septembre 2023

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Alors qu’on décrit la France comme le « gendarme de l’Afrique », François Mitterrand parle dans les années 1970 du président Giscard d’Estaing comme d’un « pompier pyromane » ajoutant du désordre à l’Afrique par les interventions militaires. Mitterrand accède à la présidence en 1981, mais loin de mettre fin à la Françafrique militaire, il devient à son tour un pompier. Il est trop facile pour un président de la République de faire appel à l’armée et l’Afrique est le seul endroit où il est possible d’exister internationalement – une idée fixe de la France – avec un seul bataillon. La tentation est donc trop forte. Entre dirigeants africains obsédés par leur sécurité et présidents français obsédés par leur position politique en France et sur la scène internationale, l’usage de l’intervention militaire est une drogue.

Mitterrand endosse donc allègrement le costume de pompier, mais c’est un pompier qui craint le feu. Il fait intervenir toujours autant, mais désormais sans combattre, parce que c’est dangereux et que cela rappelle trop les guerres coloniales, nos deux kryptonites. En 1993, au moment de la crise entre le Nigéria et le Cameroun, ce dernier demandera l’aide de la France. En conseil de Défense, le président Mitterrand accepte une formule réduite à l’assistance, mais sans appuis aériens au prétexte suivant : «Imaginez l’effet sur les opinions publiques d’images montrant des avions pilotés par des Blancs écrasant sous les bombes des soldats noirs africains». Tout est dit sur la profondeur de réflexion de certains choix stratégiques et sur l’angoisse de l’étiquette « colonialiste ».

Mais on s’avance. En 1981, alors qu’on décide de ne peut plus combattre directement, du moins au sol (en fait de poursuivre la décision de Giscard d’Estaing depuis 1979) il ne reste plus dans le paquet d’actions possibles que l’aide matérielle, l’assistance technique et l’appui feu – les 3A – ainsi que la présence dissuasive.

On applique la nouvelle méthode comme d’habitude au Tchad, que l’on vient de quitter mais où le nouveau gouvernement, celui d’Hissène Habré cette fois, nous appelle au secours. N’Djamena est menacée cette fois par les forces du GUNT (gouvernement d’union nationale du Tchad) de Goukouni Oueddei, nouvel avatar du Frolinat, et surtout par la Libye qui revendique la bande d’Aouzou au nord du pays. Depuis juillet 1961 et la courte guerre contre la Tunisie, c’est la première fois que l’on peut se trouver face à un État africain. Oubliant allègrement qu’Hissène Habré, futur condamné pour crimes contre l’humanité, a torturé et assassiné un officier français quelques années plus tôt, Mitterrand accepte d’intervenir mais sans combattre.

Assez audacieusement, on joue un « piéton imprudent » en déployant très vite quatre GTIA au centre du pays et une puissante force aérienne à N’Djamena et Bangui (47 avions et 31 hélicoptères), ainsi que le groupe aéronaval au large des côtes libyennes. Le 15e parallèle est immédiatement décrit par la France comme une ligne rouge infranchissable sous peine de déclenchement de la guerre. Tout le monde est placé et bloqué devant le fait accompli.

Avec le détachement d’assistance militaire (DAMI) mis en place pour assister et parfois accompagner discrètement les Forces armées nationales du Tchad (FANT), on se trouve donc avec cette opération baptisée Manta en présence du corps expéditionnaire le plus complet et le plus puissant déployé par la France depuis 1962. La dissuasion fonctionne, même si un raid du GUNT au sud du 15e parallèle s’achève par la perte d’un Jaguar et la mort de son pilote, le président de la République se décidant trop tard à donner l’ordre d’ouverture du feu. Le bruit court qu’il aurait demandé si le Jaguar ne pouvait pas simplement tirer dans les pneus. Bien avant le « caporal stratégique », ce simple soldat pouvant avoir des dégâts d’image considérables par son attitude dans un environnement médiatisé, existait déjà le « président tactique » s’immisçant de manière désastreuse dans la conduite des opérations.

Pour compenser cet échec, la ligne rouge est placée au 16e parallèle, les effectifs français renforcés jusqu’à 3 500 hommes et les conditions d’ouverture du feu plus décentralisées. Le colonel Kadhafi finit par céder à la pression et accepte de retirer ses forces du Tchad en échange de la réciprocité française. C’est en réalité une manœuvre diplomatique et une tromperie. Le dispositif français est effectivement retiré en novembre 1984, mais au mépris des accords les Libyens continuent de construire une grande base à Ouadi Doum dans le nord du Tchad. La France laisse faire.

Les hostilités reprennent en février 1986 avec une nouvelle offensive rebelle et libyenne avec le franchissement du 16e parallèle. La France réagit cette fois par un raid aérien frappant la base de Ouadi Doum depuis Bangui. La Libye répond à son tour par le raid d’un bombardier Tu-22 sur N’Djamena, qui fait peu de dégâts et s’écrase au retour. Un nouveau dispositif militaire français est mis en place au Tchad. Il est baptisé Épervier et durera jusqu’en 2014. Les forces terrestres sont limitées cette fois à la protection du dispositif aérien et aux discrets conseillers placés au sein des Forces armées nationales tchadiennes (FANT).

Le tournant intervient lorsque Goukouni Oueddei se rallie au gouvernement tchadien. Celui-ci est alors assez fort pour lancer en janvier 1987, une vaste offensive de reconquête discrètement appuyée par la France avec les « soldats fantômes » du service Action de la DGSE et plus ouvertement par quelques frappes aériennes. Les FANT s’emparent successivement de toutes les bases libyennes et pénètrent en Libye. Le 7 septembre, trois bombardiers TU-22 libyens sont lancés en réaction contre N’Djamena et Abéché. L’un d’entre eux est abattu par un missile antiaérien français Hawk. Le 31 août 1989, la signature de l’accord d’Alger entre le Tchad et la Libye met fin au conflit. Le 19 septembre 1989, les services libyens organisent la destruction d’un avion long-courrier au-dessus du Niger qui fait 170 victimes, dont 54 Français. C’est jusqu’en novembre 2015, l’attaque terroriste la plus meurtrière menée contre la France. Comme lors des attentats d’origine iranienne de 1986, la « non attribution » de l’attaque permet de justifier de ne rien faire. La confrontation « sous le seuil de la guerre » contre la Libye de 1983 à 1989 aura donc coûté à la France toutes ces victimes civiles et 13 soldats tués, dont 12 par accident.

Malgré ce dernier coup, qui témoigne encore trois ans après les attentats de Paris de notre vulnérabilité aux attaques terroristes, on croît alors avoir trouvé avec le quadriptyque aide-assistance-appui-dissuasion une formule gagnante applicable partout. On oublie cependant une évidence : si un État fait appel à la France, c’est qu’il n’est pas capable de résoudre le problème lui-même avec une armée qui se trouve inférieure à celle de l’ennemi. L’aide française peut certes dissuader et éventuellement aider les troupes locales à gagner des combats, mais si personne ne résout les problèmes structurels qui ont fait que ces troupes étaient nettement plus faibles que celles de l’ennemi, cela ne change que provisoirement la donne opérationnelle.

Sans doute s’est-on un peu leurré sur notre rôle dans la victoire contre la Libye. Les troupes tchadiennes recrutés dans le BET, sensiblement les mêmes que les Français avaient affronté avec difficultés quelques années plus tôt, étaient d’un niveau tactique supérieur aux forces libyennes. Le changement d’alliance du GUNT a sans doute eu plus d’impact sur l’évolution du rapport de forces que l’aide française. C’est pourtant fort de cette croyance, que l’on va renouveler cette expérience à bien moindre échelle dans d’autres pays africains en difficultés.

Nul ne sait très bien pourquoi François Mitterrand a accepté d’intervenir militairement au Rwanda, les intérêts de la France dans les anciennes colonies belges des Grands Lacs étant des plus limités hormis une vague et fumeuse défense de la francophonie face à l’influence anglo-saxonne. Toujours est-il que lorsque le Front patriotique rwandais (FPR) lance sa première offensive au Rwanda depuis l’Ouganda en octobre 1990, le régime de Juvénal Habyarimana, dictateur putschiste depuis 1973 mais fin lettré, se trouve impuissant. Le FPR est un parti armé à l’ancienne qui a fait ses armes en Ouganda et se trouve bien plus fort que les Forces armées rwandaises (FAR). Habyarimana se trouve vers les seuls pompiers possibles : le Zaïre voisin qui envoie une brigade dont l’action se limitera au pillage du nord du pays, l’ancien colonisateur belge qui envoie un bataillon à Kigali et enfin la France qui envoie également un petit GTIA, le détachement Noroit.

La mission est une réussite puisqu’effectivement le FPR, dissuadé, ne tente pas de s’emparer de Kigali tout en restant en place dans le nord du pays. Les Zaïrois sont priés de quitter le territoire au plus vite et les Belges partent dès novembre 1990. Seuls restent les Français. Mitterrand a en effet accepté d’assurer la protection du régime en échange d’une démocratisation forcée du pas, la grande tendance du moment, et la négociation avec le FPR de Paul Kagamé. Le GTIA Noroit reste sur place, facilement renforçable depuis la Centrafrique et le Zaïre, et on forme un DAMI d’une trentaine d’hommes pour aider à la montée en puissance des Forces armées rwandaises qui souhaitent doubler de volume. On reproduit donc, à une échelle réduite, le schéma qui avait fonctionné au Tchad, à cette différence près que les FAR n’ont pas du tout la force de l’armée tchadienne. On reste ainsi pendant trois ans. Le FPR lance régulièrement des offensives qui sont stoppées par les FAR soutenues, conseillées et appuyées par les Français, non pas avec des Jaguar mais avec de l’artillerie (dont une batterie de pièces soviétiques fournies par l’Égypte) franco-rwandaise. Inversement les FAR sont incapables de réduire les forces du FPR.

Pendant ce temps on négocie à Arusha en Tanzanie et Habyarimana accepte le multipartisme. Après un an de négociations, le dernier accord est signé à Arusha en août 1993 par le nouveau gouvernement d’Agathe Uwilingiyimana. Ces accords prévoient l’intégration politique et militaire du FPR au Rwanda avec la mise en place d’un gouvernement et d’une assemblée de transition en attendant une stabilisation définitive. Un bataillon du FPR est autorisé à s’installer dans la capitale en décembre 1993, alors que la force française se retire à l’exception quelques rares conseillers dans le cadre de la coopération. C’est désormais la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) qui est le garant international de l’application des accords et de la sécurité du pays.

On se félicite alors beaucoup à Paris de la réussite de la méthode française, où sans engagement militaire direct et sans aucune perte au combat, on est parvenu à la fois à imposer la paix et la démocratisation du pays. Tout semble aller pour le mieux. Paul Kagamé, dirigeant du FPR, écrit même une lettre de remerciement au président Mitterrand. C’est en réalité un leurre. Ni le régime ni le FPR ne veulent à terme partager le pouvoir. Nous avons simplement gelé un affrontement, et une fois les soldats français partis, la réalité des rapports de forces reprend immédiatement le dessus et dans un contexte qui s’est radicalisé. Pendant que les forces françaises quittaient le territoire, mais que l’Élysée conservait un œil bienveillant et myope pour le régime de Kigali, certains partis politiques locaux nouvellement créés avec leurs milices se sont lancés dans une surenchère nationaliste sur fond de paranoïa ethnique largement alimentée par le spectacle terrible du Burundi voisin.

Des renforts espagnols pour le bataillon de l’OTAN sous commandement français

Des renforts espagnols pour le bataillon de l’OTAN sous commandement français

– Forces opérations Blog – publié le

L’information, coincée entre un sommet de l’OTAN et les célébrations du 14 juillet, était passée inaperçue : 250 militaires espagnols rejoindront le bataillon multinational commandé par la France en Roumanie. 

C’était l’une des promesses exprimées mi-juillet par le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors du sommet de Vilnius : son pays enverra un nouveau détachement en Roumanie pour renforcer sa contribution au dispositif dissuasif de l’OTAN. Ces 250 militaires seront basés à Cincu au sein du bataillon dont la France assume le rôle de nation-cadre, annonçait ce jeudi le ministre roumain de la Défense Angel Tîlvăr à l’issue d’un entretien avec son homologue espagnole, Margarita Robles. 

Mis sur pied il y a 18 mois dans le cadre de la mission Aigle, ce Collective Defense Battle Group (CDBG) accueille une compagnie belge ou néerlandaise en alternance autour d’un « noyau » d’environ 700 militaires français. Ils ont été rejoints au printemps dernier par une section luxembourgeoise de reconnaissance, portant l’effectif actuel à un millier de combattants.

L’Espagne « joue un rôle significatif dans la sécurisation du flanc oriental de l’OTAN », rappelait Angel Tîlvăr. Depuis 2021, Madrid participe à intervalles réguliers aux missions de police du ciel réalisées (eaP) depuis le sol roumain. Un plot d’une dizaine de chasseurs F-18 auquel s’ajoute depuis octobre 2022 un radar AN/TPS-43M de surveillance aérienne et sa quarantaine d’opérateurs.  

Derrière l’effort supplémentaire consenti en Roumanie, l’armée espagnole prendra les rênes d’un bataillon multinational installé prochainement en Slovaquie. L’Espagne y déploiera 700 militaires, annonçait Pedro Sanchez depuis Vilnius. Le tout, en maintenant sa participation déjà ancienne au bataillon multinational de l’OTAN présent en Lettoni

Crédits image : ministère de la Défense espagnol.

Au Gabon, un groupe d’officiers dit avoir mis fin au régime d’Ali Bongo

Au Gabon, un groupe d’officiers dit avoir mis fin au régime d’Ali Bongo

https://www.opex360.com/2023/08/30/au-gabon-un-groupe-dofficiers-dit-avoir-mis-fin-au-regime-dali-bongo/


Un second coup d’État militaire fut tenté en janvier 2019, alors que la réélection – trois ans plus tôt, du président en exercice, Ali Bongo [qui avait succédé à son père, Omar Bongo, en 2009], était contestée, notamment en raison de graves difficultés économiques. Mais les choses n’allèrent pas plus loin qu’un appel à l’insurrection lancé par le « Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité » sur les ondes Radio Gabon : sur les cinq mutins, deux furent tués et les autres arrêtés.

La troisième tentative connaîtra-t-elle un sort différent? En effet, alors que les autorités gabonaises venaient à peine d’annoncer qu’Ali Bongo allait entamer un troisième mandat après avoir remporté les élections présidentielles du 26 août, avec 64,27% des voix, un groupe d’officiers supérieurs, prétendant représenter « toutes les forces de sécurité et de défense du Gabon », a dit contester ce résultat et annoncé avoir pris le pouvoir.

« Nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions [CTRI], au nom du peuple gabonais et garant de la protection des institutions, avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », ont en effet affirmé ces officiers, dans un message lu par l’un des leurs à la télévision. « À cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés », ont-ils ainsi fait savoir.

Ces militaires, issus apparemment de la Garde républicaine [GR] et de l’armée régulière, ont dénoncé un scrutin non transparent ainsi qu’une « gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos ». En outre il sont annoncé la dissolution de toutes les istitutions gabonaises ainsi que la fermeture des fronière « jusqu’à nouvel ordre ».

Producteur de pétrole et bien pourvu en ressources naturelles [manganèse, bois], le Gabon a pris ses distance avec la France au cours de ces derniers mois, malgré la présence d’environ 300 militaires français sur son sol [via les « Éléments français au Gabon – EFG].

Ainsi, en juin 2022, au côté du Togo, ce pays francophone a rejoint le Commonwealth, composé d’anciennes colonies… britanniques. Et, plus récemment, il a renforcé ses liens avec la Chine [qui est son premier partenaire économique] à la faveur d’une visite à Pékin d’Ali Bongo [par ailleurs en indélicatesse avec la justice française au sujet de l’affaire dite des « biens mal acquis].

Pour le moment, seule la cheffe du gouvernement français, Elisabeth Borne, a réagi à cette tentative de putsch en disant suivre avec la « plus grande attention » la situation à Libreville. En revanche, la Chine a rapidement appelé les « parties concernées à agir dans l’intérêt du peuple gabonais […], au retour immédiat à l’ordre normal et à garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo ».

Quoi qu’il en soit, cette tentative de putsch est la huitième depuis 2020 en Afrique, après celles ayant eu lieu au Mali, au Burkina Faso [ces deux pays en ont chacun connu deux en huit mois], en Guinée, au Soudan et, plus récemment, au Niger.

« Il y a une épidémie de putschs dans tout le Sahel. Mais qui repose sur quoi? Sur la faiblesse des systèmes militaires, sur une insuffisance d’efficacité et aussi sur la politique que nous devons conduire en soutien avec toute la région. […] Et donc, je pense que nous devons sur ce point être clairs. La période est très difficile […] mais nous devons, avec fermeté, là aussi, éviter tout double standard, rester sur nos principes et avoir cette politique de clarté », avait affirmé le président Macron, le 28 août, lors de la Conférence des ambassadeurs.

Quelques mois plus tôt, à l’occasion du « One Forest Summit », organisé à Libreville en mars dernier, le locataire de l’Élysée avait affirmé que « l’âge de la Françafrique était révolu ».

« On semble encore aussi attendre [de la France] des positionnements qu’elle se refuse à prendre et je l’assume totalement. Au Gabon comme ailleurs, la France est un interlocuteur neutre qui parle à tout le monde et dont le rôle n’est pas d’interférer dans des échanges de politique intérieure », avait-il alors expliqué.

L’US Navy parle de réagir au « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale

L’US Navy parle de réagir au « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale

https://www.opex360.com/2023/08/28/lus-navy-parle-de-reagir-au-comportement-agressif-de-pekin-en-mer-de-chine-meridionale


Déjà, la Chine a mis la main sur le récif Mischief, situé dans l’archipel des Spratleys ainsi que sur celui de Scarborough, selon un mode opératoire consistant à déployer une flottille de navires de pêche, appartenant à sa milice maritime [PAFMM – People’s Armed Forces Maritime Militia], sous la protection de sa garde côtière. Ce qui, le temps passant, revient à pratiquer la politique du fait accompli.

Ces derniers mois, d’autres îlots philippins ont été visés de la sorte, dont Pag Asa [encore appelé « Thitu »] et Whitsun [ou Juan Felipe], ce qui a donné lieu à des incidents. Mais c’est le Second Thomas Shoal, un atoll situé à 200 km de l’île philippine de Palawan, qui fait actuellement l’objet de vives tensions entre Manille et Pékin.

Ainsi, début août, usant de canons à eau, la garde côtière chinoise a empêché le ravitaillement du détachement de marines philippins qui tient garnison sur le BRP Sierra Madre, un navire volontairement échoué sur cet atoll afin d’en assurer la garde. Pour la Chine, une telle action était légitime… puisqu’elle considére que le Second Thomas Shoal [qu’elle appelle « Re’nai »] lui appartient. En outre, depuis janvier 2021, ses gardes-côtes sont autorisés à utiliser « tous les moyens nécessaires », y compris les armes, afin d’écarter les navires étrangers naviguant dans les eaux « sous juridiction chinoise ».

Cet incident n’a pas manqué de faire réagir. Ainsi, l’Union européenne a exprimé son « inquiétude » tandis que Tokyo, Ottawa et Washington ont condamné des « agissements dangereux ». Et, justement, pour l’US Navy, le temps est venu d’y répondre. C’est en effet ce qu’a affirmé le vice-amiral Karl Thomas, le commandant de la Septième flotte des États-Unis, dans un entretien à l’agence Reuters.

Le « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale doit être « contesté et contenu », a-t-il en effet déclaré, en prenant l’exemple de l’utilisation de canons à eau par les gardes-côtes chinois contre les navires philippines dans les environs du Second Thomas Shoal. « Il faut défier ces gens […] qui opèrent dans une zone grise. Quand ils prennent le dessus petit à petit et vous repoussent, vous vous devez [aussi] de les repousser et continuer à naviguer », a ajouté le vice-amiral Thomas.

En outre, il a dit être en relation étroite avec le vice-amiral Alberto Carlos, le commandant des forces philippines pour la mer de Chine méridionale. Il s’agit de « comprendre quels sont ses défis et de voir comment il est possible de l’aider », a confié l’officier américain. « Nous avons certaines des défis communs. Je veux donc mieux comprendre comment il envisage les opérations dont il est responsable », a-t-il insisté.

Cela étant, l’US Navy défie régulièrement son homologue chinoise quand elle mène des opérations dites FONOPs [Freedom of Navigation Operations], en envoyant des navires dans les eaux revendiquées par Pékin. Par ailleurs, Washington a également décidé de déployer des patrouilleurs de l’US Coast Guard dans le Pacifique occidental afin d’y mener des missions de surveillance des pêches… dans des secteurs fréquentés par les chalutiers chinois.

Pour rappel, la Septième flotte de la marine américaine dispose de 50 à 70 navires, de 150 avions et plus de 27’000 militaires. Sa zone d’opérations s’étend sur plus de 124 millions de kilomètres carrés.

Pourquoi l’Amérique veut-elle chasser la France d’Afrique ?

Pourquoi l’Amérique veut-elle chasser la France d’Afrique ?

 

par Raphaël Chauvancy – Revue Conflits – publié le 27 août 2023


Spécialiste américain du Sahel et de l’armée française, Michael Shurkin vient d’écrire l’oraison funèbre de la France en Afrique[i] dans un article sans concessions, mais révélateur des arrière-pensées américaines.

La France doit-elle quitter le continent noir ? Pour Michael Shurkin, les jeux sont faits. « Time’s up for France in Africa » écrit cet ancien analyste de la RAND et de la CIA, reflétant le sentiment des milieux militaires et diplomatiques américains.

Il juge que la France n’a aucun intérêt fondamental dans le Sahel – de fait son « pré carré » en Afrique n’existe plus que dans quelques têtes malades. Il note également avec justesse qu’une partie des masses sahéliennes ne lui reprochent pas ce qu’elle fait, mais d’être présente.

Il ne s’agit donc pas pour la France de s’accrocher à un bout de désert misérable et surpeuplé où l’on ne veut plus d’elle, mais de trouver une ligne de crête entre le renoncement et l’acharnement. Il lui faut impérativement revoir en profondeur ses modes d’action et les conditions de sa présence en Afrique, tout en veillant à ne plus y consumer sans profit une trop grande part de ses forces.

Arrière-pensées américaines

Mais Shurkin va beaucoup plus loin. Il estime qu’elle doit rapatrier ses hommes, fermer ses bases et renoncer à tout rôle stratégique en Afrique, quitte à y conserver un reliquat de soft power par le biais de la francophonie.

Pour lui, ce serait elle le problème, plus encore que la Russie, puisque la vague pro-russe actuelle ne serait que l’expression d’une francophobie devenue endémique sur le continent. De fait, la misère croissante et l’insécurité persistante en prédisposaient les populations à trouver un bouc émissaire. Les opérateurs russes en guerre de l’information le lui ont fourni en désignant l’ancien colonisateur et en s’opposant à lui. Seulement, et ceci est passé sous silence, ils ont eu la part belle parce que le terrain avait été préparé de longue date par le French bashing et les opérations d’influence américaines.

Shurkin reprend d’ailleurs un narratif stratégique américain classique en écrivant que leurs relations avec la France « ont sans doute entravé le développement économique et politique des pays africains ». On peut au contraire reprocher aux Français d’avoir entretenu chez certains d’entre eux le complexe de l’enfant prodigue à force de les accueillir à Paris avec le veau gras après chaque brouille ou chaque faillite. Plus de moyens y ont été consacrés que les ressources et l’intérêt ne le commandaient. Il est douteux qu’aucune autre puissance n’en fasse jamais autant.

En arrière-plan, les attaques portées par la presse et les responsables américains contre la laïcité[ii] nourrissent le soupçon d’une islamophobie d’État française, jusque dans des pays amis tels que le Sénégal . La promotion de la désastreuse politique des minorités à l’anglo-saxonne a brisé le projet de société post-raciale qui constituait un des facteurs du rayonnement universaliste français. Le financement par Washington de la mouvance extrémiste « décoloniale » a eu des effets délétères dans les banlieues françaises, mais aussi en Afrique francophone. Ses thèses victimaires complotistes, parfois relayées par les diasporas présentes en France, ont été prises pour argent comptant. Si la Russie a financé et relayé le discours francophobe d’un Kémi Séba, l’Amérique a promu celui de Rokhaya Diallo. Les deux empires avaient le même intérêt à écarter la « puissance d’équilibres » française. Paris n’a pas vu venir le danger et s’est laissé prendre à un encerclement narratif.

Percluse de frustrations et perméable aux récits décoloniaux, une partie de la jeunesse urbaine désœuvrée et préservée du terrorisme s’est dressée contre la France. Les ONG présentes sur le terrain ont cependant constaté que le sentiment antifrançais prospérait là où la menace était réduite et les soldats français étaient absents… Dans leurs zones de déploiements, ils sont au contraire systématiquement apparus comme un gage de sécurité et même de prospérité, irriguant l’économie locale[iii]. Obsédé par ses engagements sur le terrain, la France a délaissé et perdu le combat informationnel.

Shurkin conclut que les USA et les autres nations européennes ne provoquent pas les mêmes réactions de rejet que la France et appelle cette dernière à leur céder la place au Sahel. Or, les besoins de la région sont avant tout sécuritaires et personne n’imagine sérieusement les Allemands quitter leurs tentes climatisées pour accompagner les armées locales au feu. L’allusion aux Européens est purement sémantique. Les Américains souhaitent sacrifier la présence française pour y substituer et pérenniser la leur.

Entre hostilité et perte de confiance

Pour comprendre le point de vue américain, il faut rappeler deux constantes dans la manière d’appréhender l’armée et la diplomatie française à Washington. La première est l’exaspération quant à leur autonomie. Les Américains ont une logique de bloc et conçoivent l’alliance comme un alignement. Toute distorsion n’est pas loin d’être perçue comme une trahison. On se souvient de la crise aigüe provoquée par le refus français de cautionner l’invasion de l’Irak. Le lauréat du prix Pulitzer Thomas Friedman avait alors résumé l’état d’esprit outre-Atlantique en écrivant que la France ne méritait pas son siège au Conseil de sécurité. Tout récemment encore, le Wall Street Journal n’hésitait pas à qualifier la France de « America’s oldest Ally and Enemy[iv] ». Une idée courante est que la France n’existe plus sur la scène internationale que par sa capacité et sa propension à s’opposer à l’Amérique.

Une autre tendance des Américains, récurrente depuis 1940, est le doute quant à la capacité française à assumer des responsabilités internationales. Ainsi, tout en apportant loyalement un appui indispensable à l’action de Barkhane, ont-ils avancé leurs pions et développé leurs propres réseaux. Depuis son retrait du Mali, ils ne croient plus Paris capable de tenir un front, même secondaire en Afrique, dans la nouvelle Guerre froide qui les oppose au bœuf chinois et à la grenouille russe. L’Amérique a les moyens d’oublier ses propres échecs, mais ne pardonne pas ceux des autres. Sa culture du résultat l’incite à écarter de la table un partenaire qui a perdu ses jetons[v].

De son point de vue, la seule action d’éclat française de ces vingt dernières années est l’opposition à la guerre en Irak, dont elle lui tient encore rigueur.

De son point de vue, la seule action d’éclat française de ces vingt dernières années est l’opposition à la guerre en Irak, dont elle lui tient encore rigueur. La France a autrement fait preuve d’un amateurisme diplomatique flagrant par son intervention en Lybie, déstabilisant durablement tout le Sahel ; elle ne s’est que péniblement tirée du guêpier ivoirien ; elle s’est mise toute seule hors-jeu au Levant ; elle a vu trop grand en Indo-Pacifique avant d’être rappelée à la réalité par l’AUKUS ; malgré ses remarquables succès militaires tactiques, elle s’est ridiculisée en Centrafrique, au Mali, au Burkina, au Niger où elle s’est systématiquement laissée prendre sans réagir au même tour ; elle a montré son inconséquence en Ukraine en passant du dialogue avec Poutine « qu’il ne fallait pas humilier » à la promotion de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ; enfin, ses projets de Défense européenne se sont heurtés à la menace russe contre laquelle elle a pu déployer un millier d’hommes et les Américains 100 000.

Neutraliser la France en la normalisant

Pour Michael Shurkin, « sortir d’Afrique diminuerait, dans une certaine mesure, la stature globale de la France, mais la réalité est que la France – comme la Grande-Bretagne – a beaucoup de ressources et, franchement, d’autres priorités qui reflètent mieux ses intérêts ». Priorités qui se limiteraient à une participation accrue à la défense du glacis européen dans un cadre atlantiste et, éventuellement, à une présence exotique dans l’Indopacifique où lui manque un espace susceptible de déranger le système américain.

Paris entrerait dans la course au meilleur allié de Washington, comme les autres nations du Vieux Continent, au lieu de cultiver son exceptionnalité.

Le statut de la France en Afrique confère à Paris un prestige et des marges de manœuvre inconciliables avec le projet « d’Occident » aligné derrière la bannière étoilée. Le jeu américain consiste à faire passer l’exception stratégique française pour une anormalité ; pour la lubie « séparatiste » et dangereuse d’un peuple sympathique, mais prétentieux, dont l’intérêt bien senti serait de rejoindre le bercail occidental et d’y faire bloc. Cette curieuse antienne trouve un écho auprès des nations européennes, qui ont abdiqué leur souveraineté pour le protectorat américain, mais aussi à l’extérieur. Elle répand l’idée de l’illégitimité de Paris à jouer un rôle international indépendant.

La convergence entre fédéralistes européens et atlantistes contre l’autonomie stratégique française renforce cette tendance. Ainsi, Pierre Haroche appelle-t-il dans Le Monde à un recentrage militaire français en Europe[vi]. Il fait écho à Shurkin, qui fait semblant de confondre l’adaptation de l’armée française aux affrontements de haute intensité avec un choix capacitaire conventionnel lourd tourné face à l’Est. La loi de programmation militaire a heureusement évité cet écueil en sanctuarisant ses capacités de projection mondiales.

De toutes les menaces stratégiques qui pèsent sur la France, les plus menaçantes sont la provincialisation et la normalisation. La fin de son identité stratégique consacrerait son absorption définitive dans le monde anglo-saxon. Elle y perdrait son âme et le monde un héraut du multilatéralisme.

La France a encore les atouts d’une puissance globale

Les Français ont-ils les moyens d’inverser la tendance ? Probablement, à condition de faire preuve de plus de rigueur et de constance stratégique qu’au cours des deux dernières décennies. Leur situation est moins mauvaise que leurs compétiteurs ne le laissent entendre. À défaut de troupes nombreuses, ils ont déployé des détachements solides en Estonie et en Roumanie face à la menace russe. Elle occupe un rôle important dans la formation des combattants ukrainiens et la fourniture de matériel à Kiev.

Au Moyen-Orient, les points d’appui de Djibouti et des Émirats arabes unis donnent à Paris des capacités d’intervention reconnues et appréciées dans la région.

L’Amérique latine est un autre champ prometteur pour l’action de la France. La récente conclusion d’un partenariat amphibie entre les Troupes de Marine et le Corpo de Fusileiros Navais symbolise un regain d’intérêt pour la région et une prise de conscience des opportunités qui s’y ouvrent.

En Indopacifique, le succès de la mission Pégase cet été, qui a vu l’envoi d’une force aérienne de 19 appareils dont 10 Rafales dans la région, a montré des capacités de projection de puissance unique en Europe – au point de susciter des réactions hostiles de la Corée du Nord et l’enthousiasme de la Corée du Sud, du Japon ou de l’Indonésie. En y investissant et en y réaffectant certains moyens fixés au Sahel, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, jusqu’alors sous-valorisées et mal défendues, constitueraient un atout remarquable. Est-il totalement utopique d’imaginer Nouméa devenir un jour un petit Singapour français et de concevoir une politique indopacifique ambitieuse, qui serait le pendant moderne de la politique arabe gaullienne ?

Paris pourrait également se recentrer sur « l’Afrique utile », celle du littoral. Si elle y a perdu son statut de partenaire exclusif, elle y demeure un acteur important et recherché. Rebaptisées « pôles opérationnels de coopération », ses bases de Dakar, Libreville et Abidjan apportent une précieuse garantie de stabilité aux pays bénéficiaires. Elles lui permettent également de rayonner vers l’Afrique non-francophone, où elle a beaucoup plus d’intérêts économiques et pas de passif colonial. Les partenariats stratégiques et militaires avec la France sont recherchés et battent leur plein en dehors du trou noir sahélien. Puissance non-alignée dont l’excellence opérationnelle est unanimement reconnue, elle n’a plus les moyens de se montrer réellement intrusive. Aussi répond-t-elle particulièrement bien aux besoins et aux aspirations multipolaires du continent.

Ce qui est en jeu n’est donc pas simplement la présence de la France au Sahel ou en Afrique. C’est son maintien en tant que puissance globale souveraine ou sa réduction à une puissance périphérique « betteravisée » en Europe.

Ce qui est en jeu n’est donc pas simplement la présence de la France au Sahel ou en Afrique. C’est son maintien en tant que puissance globale souveraine ou sa réduction à une puissance périphérique « betteravisée » en Europe. Par extension, la nature même des relations entre les grandes démocraties en dépend : formeront-elle un bloc rigide, impérial, derrière les États-Unis ou seront-elles capables de constituer une alliance souple dans un cadre multilatéral, bien plus à même de défendre leurs intérêts et leurs valeurs ?

Sans doute l’Amérique et les Européens ont-ils besoin d’une voix pour leur rappeler les dangers respectifs de leur hubris ou de leur faiblesse. Incontestablement, le monde a-t-il besoin de puissances moyennes autonomes comme la France pour trouver de nouveaux équilibres, donner leur place aux nations émergentes, appuyer sans les étouffer les États les plus fragiles et éviter les logiques de confrontations directes entre blocs.


[i] https://www.politico.eu/article/france-africa-sahel-niger-al-qaeda-islamic-state/

[ii] La violence des attaques portées par les médias anglo-saxons contre le concept français de laïcité a même contraint le président Macron à réagir publiquement en 2020 !

[iii] https://www.revueconflits.com/la-france-au-risque-du-decrochage-reputationnel-et-strategique-en-afrique/

[iv] https://www.wsj.com/articles/france-us-history-australia-naval-deal-china-11632257691

[v] Dans un contexte radicalement différent, les rapports entre la France et les USA en Indochine ont suivi le même schéma. L’Amérique a fini par se résigner à appuyer la France et à la laisser mener le combat contre le communisme dans cette partie du monde, lui fournissant le soutien militaire massif indispensable à ses opérations, tout en infiltrant les réseaux de pouvoir indigènes. Après Diên Biên Phu, considérant que Paris avait eu sa chance et montré son inefficacité, les Américains ont totalement liquidé l’influence française.

[vi] https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/22/la-crise-de-la-presence-militaire-francaise-en-afrique-peut-etre-l-occasion-d-un-reequilibrage-en-faveur-de-l-europe_6186144_3232.html

Daech, une menace relativement faible, mais à nouveau en expansion

Daech, une menace relativement faible, mais à nouveau en expansion

La menace posée par Daech est au menu de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi 25 août. (Photo : des soldats irakiens patrouillent près de Badoush, en Irak). Felipe Dana/AP


La menace posée par Daech est au menu de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi 25 août. Si le groupe terroriste est plus faible qu’à son apogée, quand il contrôlait de vastes territoires en Irak et en Syrie, il est par endroit en expansion, notamment au Sahel.

 

par Léo Durin – La Croix – publié

https://www.la-croix.com/Monde/Daech-menace-relativement-faible-nouveau-expansion-2023-08-25-1201280143


Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce vendredi 25 août pour discuter de la menace posée aujourd’hui par Daech. Cette organisation terroriste, d’idéologie djihadiste, a connu son apogée en 2014, quand elle a formé un proto-État en Irak et en Syrie qu’elle a baptisé « État islamique ». Malgré son reflux, elle demeure active sur plusieurs continents.

Le « califat », fondé par l’organisation en 2014, achève de se désagréger en 2019, sous les coups de butoir conjoints de forces locales, notamment les Kurdes, et des Occidentaux. Plusieurs de ses chefs sont tués, ce qui contribue fortement à son affaiblissement.

Si l’organisation n’est plus « que l’ombre d’elle-même », selon la spécialiste du djihadisme Mina Al-Lami, citée par le média public américain NPR, elle n’a jamais disparu. Son dernier fait d’armes remonte au lundi 31 juillet, quand elle a revendiqué un attentat-suicide au Pakistan. L’attaque, qui visait le meeting d’un parti religieux conservateur, avait fait 54 morts, dont 23 mineurs.

« Toujours une menace »

Outre le Pakistan et l’Afghanistan, Daech demeure présent au Moyen-Orient et en Afrique. Le groupe prétend toujours former un califat mondial, mais, en réalité, il s’appuie sur des insurgés djihadistes locaux à qui il accepte de prêter son nom. Ceci permet aux locaux de gagner en légitimité, et à l’EI de pouvoir se targuer d’être présent partout dans le monde.

Au Mozambique, le nombre de ses combattants a fortement baissé, passant de 2 500 à 280 suite aux opérations menées par les armées régionales. En revanche, au Congo, le groupe s’est renforcé et il compte désormais 2 000 combattants. Il a également gagné 500 combattants en Égypte (1 000 en tout).

Leurs attaques, contrairement à celle qui a eu lieu au Pakistan, ne font pas toujours la Une des médias, car elles sont limitées et leur nombre a baissé. En Syrie, un pays dont le tiers du territoire était à une époque contrôlée par Daech, il est, selon les experts, contraint de se battre pour survivre. Pour autant, le groupe existe toujours et, selon Mina Al-Lami, il est « toujours une menace ».

Le désarroi des fidèles

Il est aujourd’hui principalement actif dans des milieux ruraux où l’autorité gouvernementale est moins présente. Bien loin, donc, de l’époque où il parvenait à conquérir des villes comme Racca, « capitale » de l’organisation entre 2014 et 2017, qui compte près de 200 000 habitants. Pour se financer, le groupe a recours au racket, au pillage et aux enlèvements.

La crédibilité du groupe est également mise à mal par l’instabilité apparente de sa direction. Depuis la mort de son fondateur, Abou Bakr Al Baghdadi, les chefs se sont enchaînés sans que leur identité ne soit jamais révélée. « C’est un gros coup pour le moral des membres du groupe, qui ne savent pas qui est leur leader et qui doutent même parfois de leur existence », affirme Mina Al-Lami.

Expansion au Sahel

Ce déclin de l’influence de Daech ne signifie toutefois pas qu’il faille ignorer le groupe, selon la spécialiste. Il pourrait justement profiter de ce désintérêt, renforcé par la guerre en Ukraine et les manœuvres chinoises autour de Taïwan, pour se renforcer. La montée en puissance de Wagner dans les pays africains et les exactions commises par les mercenaires sont également susceptibles de garnir les rangs du califat autoproclamé.

Un rapport de l’ONU daté de février 2023 estime d’ailleurs que son extension dans le Sahel constitue une évolution « particulièrement inquiétante ». En Irak et en Syrie, il n’est pas non plus entièrement sans ressource, sa trésorerie étant estimée entre 25 et 50 millions d’euros. Dans ces deux pays, il compterait entre 5 000 et 7 000 membres. Le groupe peut aussi compter sur des dons venant du monde entier, via les réseaux sociaux et les cryptomonnaies.

Malgré une hausse modérée, le budget militaire de Taïwan atteindra un niveau record en 2024

Malgré une hausse modérée, le budget militaire de Taïwan atteindra un niveau record en 2024

https://www.opex360.com/2023/08/23/malgre-une-hausse-moderee-le-budget-militaire-de-taiwan-atteindra-un-niveau-record-en-2024/


 

Ainsi, en janvier, l’état-major taïwanais a dit avoir constaté une hausse significative des incursions chinoises dans sa zone d’idendification de défense aérienne [ADIZ] en 2022, avec un total de 1727 aéronefs mis en œuvre par l’Armée populaire de libération [APL]. Aussi, la question n’est pas de savoir si la Chine a l’intention de faire revenir Taïwan dans son giron… mais quand elle se décidera à passer à l’action.

Évidemment, les moyens militaires chinois sont sans commune mesure avec ceux que peut aligner Taïwan… Pour autant, Taipei ne cesse d’augmenter son budget de la Défense.

Ainsi, l’an passé, il était question d’une hausse significative de 13,9%, pour porter son montant à environ 16,9 milliards d’euros. Cette somme devait être complétée par une enveloppe de 3,6 milliards d’euros provenant d’un fonds spécial pour les achats d’équipements militaires.

À l’époque, Wang Kun-Yih, président de la Taiwan International Strategic Study Society, avait estimé qu’une progression à deux chiffres du budget militaire taïwanais allait devenir la norme dans les années à venir.

« Parce que Taïwan est dans une période où il a besoin de renforcer et de moderniser son matériel militaire, il y aura probablement quelques années de croissance à deux chiffres des dépenses militaires », avait-il en effet soutenu dans les pages du Washington Post. Et d’ajouter : « La stratégie actuelle de Taïwan pour se défendre contre les menaces chinoises suppose de nouveaux avions de combat, plus de missiles et de plus gros navires de guerre, qui sont tous coûteux ».

Cependant, le pronostic de M. Wang ne se vérifiera pas pour le prochain budget… Même si celui-ci bénéficiera d’une nouvelle hausse. En effet, le 21 août, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a indiqué que les dépenses militaires taïwanaises progresseraient de 3,5%, pour atteindre 17,52 milliards d’euros… et le seuil des 2,5% du PIB.

« Taïwan doit continuer à renforcer ses capacités de défense et à démontrer sa détermination à se défendre pour garantir sa sécurité et ses intérêts nationaux, tout en recherchant davantage de soutien international », a fait valoir Mme Tsai.

Cela étant, l’un des enjeux pour Taïwan est de recevoir les [nombreux] équipements commandés auprès des États-Unis, dont 108 chars Abrams, des systèmes d’artillerie HIMARS et M109A6 « Paladin », des F-16 Viper, des drones MQ-9B SeaGuardian et, surtout, des munitions de différentes sortes afin de lui permettre d’appliquer une stratégie dite du « porc-épic ». Or, avec la guerre en Ukraine, les délais de livraison sont incertains…

Russie : Evgueni Prigojine, patron de Wagner, présumé mort dans le crash d’un avion

Russie : Evgueni Prigojine, patron de Wagner, présumé mort dans le crash d’un avion

Le chef de la milice Wagner Evgueni Prigojine est mort dans le crash d’un avion privé, mercredi 23 août, dans la région de Tver en Russie. L’appareil effectuait une liaison Moscou-Saint-Pétersbourg. Joe Biden ne s’est dit « pas surpris » de cette mort et la présidence ukrainienne la considère comme un « signal aux élites russes ».

par La Croix (avec AFP) – publié

https://www.la-croix.com/Monde/Russie-patron-Wagner-Prigojine-parmi-victimes-dun-crash-davion-2023-08-23-1201279832


Un avion avec 10 personnes à son bord s’est écrasé mercredi 23 août en Russie sans laisser de survivants, et le patron du groupe paramilitaire Wagner Evgueni Prigojine figure sur la liste des passagers, ont indiqué les agences de presse russes.

Selon les agences Ria Novosti, TASS et Interfax, se référant à l’agence russe du transport aérien Rossaviatsia, le nom d’Evgueni Prigojine figure sur la liste des passagers de cet avion qui devait relier Moscou à Saint-Pétersbourg.

Débris en feu

« Il y avait 10 personnes à bord, dont 3 membres d’équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées », a indiqué un peu auparavant sur Telegram le ministère russe des situations d’urgence.

Selon lui, cet avion privé Embraer Legacy s’est écrasé près du village de Kujenkino, dans la région de Tver, au nord-ouest de Moscou. « Le ministère russe des situations d’urgence mène des opérations de recherche », a-t-il encore précisé.

Des vidéos dont l’AFP n’a pas pu confirmer l’authenticité ont été diffusées sur plusieurs chaînes Telegram se disant liées à Wagner, montrant des débris en feu dans un champ ou encore un appareil tombant du ciel.

Rébellion contre l’état-major russe

Evgueni Prigojine avait été à l’origine en juin d’une rébellion dirigée contre l’état-major russe et le ministre de la défense Sergueï Choïgou, menée par ses hommes, qui avaient brièvement capturé des sites militaires dans le sud de la Russie avant de se diriger vers Moscou.

Evgueni Prigojine avait rapidement renoncé à cette mutinerie, en plein conflit en Ukraine. Elle avait pris fin le 24 juin au soir avec un accord prévoyant le départ au Biélorussie d’Evgueni Prigojine, tandis que ses combattants pouvaient l’y rejoindre, entrer dans l’armée russe régulière ou retourner à la vie civile.

Lundi soir, Evgueni Prigojine était apparu dans une vidéo diffusée par des groupes proches de Wagner sur les réseaux sociaux, où il affirmait se trouver en Afrique. Dans un paysage désertique, il disait travailler à « rendre la Russie encore plus grande sur tous les continents et l’Afrique encore plus libre ».

Le président américain Joe Biden s’est dit « pas surpris » de la mort du patron de Wagner Evguéni Prigojine dans l’accident.

« Je ne sais pas encore tout à fait ce qu’il s’est passé, mais je ne suis pas surpris », a-t-il déclaré à des journalistes. « Peu de choses ne se passent en Russie sans que Poutine n’y soit pour quelque chose, » a ajouté le président américain depuis les montagnes de l’Ouest américain où il est avec sa famille.

« Signal » aux élites

Le crash mortel de l’avion en Russie est un « signal » envoyé par Vladimir Poutine aux élites russes, a jugé mercredi un conseiller de la présidence ukrainienne.

« L’élimination spectaculaire de Prigojine et du commandement de Wagner deux mois après (leur) tentative de coup d’État est un signal de Poutine aux élites russes avant les élections de 2024 », a affirmé sur X (ex-Twitter) Mykhaïlo Podoliak, estimant que « Poutine ne pardonne à personne ».

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a estimé jeudi qu’existaient « des doutes raisonnables » sur « les conditions » du crash aérien.

Alors que le président américain Joe Biden a estimé mercredi que « peu de choses se passent en Russie sans que Poutine n’y soit pour quelque chose », Olivier Véran, interrogé sur France 2, a abondé : « c’est par principe une vérité qu’on peut établir ».

De son côté, la meneuse de l’opposition bélarusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a estimé mercredi que le patron de Wagner Evguéni Prigojine, était un « meurtrier » qui « ne manquera à personne », après le crash en Russie d’un avion qui le transportait.