Le Service de santé des armées veut adapter l’alimentation des soldats à leur environnement opérationnel
En août 2018, Jussi Niinisto, alors ministre finlandais de la Défense, piqua une grosse colère après avoir appris que des repas végétariens allaient être servis deux fois par semaine aux soldats. Cette décision n’était nullement motivée par des considérations économiques. En effet, l’état-major expliqué qu’il s’agissait de faire en sorte de proposer une nourriture plus saine et équilibrée tout en réduisant l’impact de la production de viande sur l’environnement.
D’où le coup de sang de M. Niinisto, qui parla d’une « mesure idéologique ». « Comme dit le vieux proverbe, une armée ne peut pas se battre l’estomac vide. Une armée ne peut pas non plus se battre avec de la soupe de lentilles ou de la purée de choux-fleur », avait-il expliqué, avant d’indiquer qu’il allait commander un rapport pour savoir dans quelles conditions une telle décision avait été prise.
L’armée finlandaise n’avait pas été la première à s’engager dans une telle voie. Son homologue norvégienne avait en effet institué un « lundi sans viande » dès 2013. Mais cette mesure ne fut pas un franc succès dans la mesure ses soldats firent valoir qu’ils avaient justement besoin de protéines animales [et les protéines végétales n’ont pas la même valeur nutritionnelle, rappelle l’INRA] pour faire face aux contraintes physiques inhérentes à leur métier.
Cela étant, on ne se bat jamais bien le ventre vide… En mission dans le Grand Nord, les soldats norvégiens peuvent perdre plus de 3 kg en seulement quatre jours, les besoins énergétiques étant estimés, dans de telles conditions, à plus de 5.500 kcal par jour. Encore faut-il pouvoir les avaler…
« En OPEX, on maigrit », résume Actu Santé, le magazine du Service de santé des armées [SSA]. Et cela, parce que les apports énergétiques ne sont pas toujours « adaptés aux niveaux élevés
de dépense induits par la réalisation d’activités physiques intenses en climat contraignant », explique-t-il.
Et pour s’assurer qu’un militaire en OPEX absorbe la quantité nécessaire de nourriture, l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées [IRBA] conduit une étude pour savoir si « les environnements extrêmes » peuvent « modifier les préférences alimentaires des soldats ». Pour cela, il s’appuie sur un questionnaire établi par l’Université de Leeds, qui s’est justement penchée sur cette question.
Ainsi, l’IRBA a mis au point son propre questionnaire, en remplaçant les aliments typiquement britanniques par des produits plus familiers aux militaires français. Et il sera disponible via une application de smartphone.
Ce questionnaire a déjà été utilisé cette année pour un raid encadré par le Groupe militaire de haute-montagne [GMHM] au Groenland. Des rations « sur mesure » ont donc été élaborées à cette occasion pour les commandos de montagne, lesquelles devaient se déplacer pendant 5 à 6 heures par jour.
Et ces derniers ont perdu moins de poids que leurs homologues norvégiens, assure Actu Santé, qui souligne par ailleurs que les résultats ont attesté « d’une envie de sucre prégnante 10 jours après le début du raid. »
« Des études sont nécessaires pour identifier les raisons métaboliques et/ou psychologiques de ce besoin mais cela indique que le contenu du sac alimentaire peut encore être amélioré », poursuit le magazine du SSA.
La prochaine étape concernera l’étude des envies alimentaires des militaire « non acclimatés » au cours d’une « exposition chronique à la chaleur ». Comme au Sahel.
À ce propos, le sénateur Christian Cambon avait interrogé le ministère des Armées en décembre 2015 au sujet de « plaintes nombreuses reçues concernant l’insuffisance des portions alimentaires données aux militaires en mission au Mali. »
« Sur la base principale de Gao, un mess en opération délivre une alimentation en tout point comparable, en qualité et en quantité, à celle servie en France, tout en prenant en compte les besoins caloriques inhérents à l’activité opérationnelle. Dans les secteurs isolés, les soldats bénéficient d’une alimentation mixte composée à la fois de rations de combat individuelles, de vivres frais acheminés toutes les semaines depuis Gao et de quelques denrées achetées localement », répondit le ministère, trois mois plus tard.
« Afin de maintenir au plus haut niveau leur condition physique et morale, une allocation financière est également accordée à chaque détachement pour procéder à des achats de denrées locales qui, outre leur fonction de complément alimentaire, contribuent à l’acceptation de la force Barkhane par la population malienne. Cependant, les faibles ressources du tissu agroalimentaire local et le souci constant de sécurité sanitaire limitent les possibilités d’emploi de cette allocation », avait-il ensuite expliqué, avant d’assurer que les « soldats disposent d’une alimentation équilibrée et adaptée à leurs besoins physiologiques, qui évite tout risque de carence alimentaire ou de déficit énergétique. »
Quoi qu’il en soit, l’étude de l’IRBA sur les environnements extrêmes lui ont déjà permis « d’émettre des recommandations et de mettre en place des contre-mesures en termes d’acclimatation, de sommeil et d’exercice physique. »
Photo : Mess de Gao © EMA