Des perspectives de cessions de matériels en baisse pour les armées françaises

Des perspectives de cessions de matériels en baisse pour les armées françaises

– Forces opérations Blog – publié le

De la cartouche de 7,5 mm mm au bâtiment d’expérimentation de guerre des mines, les armées françaises ont mis à jour le catalogue des matériels susceptibles d’être revendus d’ici à 2028. Si plusieurs équipements font leur apparition, les volumes de cessions baissent afin de « conserver des capacités opérationnelles et de réserve ». 

Quelques milliers d’équipements et plusieurs millions de munitions issus des stocks des armées françaises pourront être revendus entre 2024 et 2028. De quoi permettre à certaines nations alliées disposant de budgets limités de s’équiper à moindre coût en mobilisant parfois la filière française pour des actions de régénération ou de formation. 

À elle seule, l’armée de Terre projette de mettre en vente 7380 équipements majeurs sur la période, dont près de 1200 potentiellement cédés dès cette année. Des quantités importantes mais néanmoins en baisse par rapport aux années précédentes. En cause : le maintien en service d’une grande majorité des parcs « pour divers raisons », dont un « contexte général conduisant à conserver des capacités opérationnelles et de réserve ». 

De fait, la résurgence de l’hypothèse d’engagement majeur et le degré élevé d’attrition qu’elle impliquerait suppose de réinvestir dans l’épaisseur stratégique des forces armées pour leur permettre d’ « être et durer ». Faute d’augmenter les cibles d’équipements neufs, reste donc l’éventualité d’une conservation au moins partielle des parcs en service. De même, l’objectif de doublement de la réserve opérationnelle des armées supposera de se pencher sur la question de l’équipement d’une force portée à 80 000 réservistes d’ici à 2030. 

Bien qu’âgé de plusieurs décennies et pour la plupart visés par un programme de remplacement, les AMX 10 RC, TRM 2000, VBL, AUF1, FAMAS et autres pistolets automatiques sont globalement conservés. La baisse des cessions relève essentiellement des armes légères, des véhicules de l’avant blindé et des poids lourds. Côté VAB, l’essentiel des 150 exemplaires inscrits au tableau prévisionnel seront des véhicules spécialisés de types OBS, RATAC, CARTHAGE, LOG ou ELI. Les VAB d’infanterie, majoritairement bénéficiaires de rénovations et livrés à près de 300 exemplaires à l’Ukraine, ne sont concernés que de manière marginale malgré l’arrivée des Griffon et Serval du programme SCORPION.

Même perspective pour l’AMX 10 RC. Progressivement remplacé par le Jaguar, il voit son retrait de service être à nouveau repoussé. Seuls 20 exemplaires seront offerts à la revente à partir de 2027. Le maintien s’applique également aux flottes logistiques, l’instar des TRM 2000. Ce « parc majeur pour l’outre-mer » sera préservé et « ne pourra faire l’objet que de cessions ponctuelles » évaluées à une quinzaine de véhicules par an. Idem pour des GBC 180 pour lesquels il n’existe pas d’excédent. Deux exemples parmi d’autres de porteurs appelés à faire des heures sup’ en l’absence de visibilité sur les prochains incréments du programme majeur de flotte tactique et logistique terrestre. 

Si les volumes se contractent, la gamme s’élargit aussi ponctuellement. Dans le domaine du génie, notamment, quelques engins Buffalo et véhicules blindés hautement protégés Aravis seront proposés à compter de 2024 et 2027. Signe parmi d’autres de l’évolution de la trame antichar, 200 postes de tir ERYX seront cessibles à compter de 2027. Autant de postes de tir MILAN le seront dès cette année et l’an prochain. De mêmes, 71 postes de tir Javelin « sont à nouveau proposables mais restent soumis à une levée de certificat d’utilisateur final par les États-Unis ». 

Derrière les fusils de précision FRF2 et mitrailleuses ANF1, la MINIMI 5,56 rejoint pour la première fois le catalogue des cessions. Quelque 600 exemplaires seront proposés à partir de 2026, un autre indice d’une possible acquisition de la nouvelle mitrailleuse Evolys. Dans le segment de l’optronique et de la simulation, près d’un millier de jumelles de vision nocturne OB70 Lucie sont au catalogue suite à leur remplacement par les JVN O-NYX conçues par Thales. L’arrivée du système d’instruction et d’entrainement au tir de combat (SINETIC) devrait permettre à 12 systèmes de simulation de tir aux armes légères (SITTAL) d’entamer une seconde vie ailleurs. 

La réduction de l’offre est également perceptible du côté de la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), en charge des aéronefs militaires. Ainsi, il n’y aura aucun avion de chasse, d’école ou de liaison transmissible durant la période. La flotte de Puma de l’armée de Terre poursuit quant à elle sa déflation entre 2024 et 2027. Des 12 appareils consignés, quatre font depuis peu l’objet d’une mise en prospection. Enfin, une nouveauté dans l’aéronautique navale : un premier avion de patrouille maritime ATL2 cessible à partir de 2028. 

Crédits image : KNDS France

Les porte-hélicoptères amphibies français : piliers de la projection de force

Les porte-hélicoptères amphibies français : piliers de la projection de force

Les forces armées françaises disposent de trois porte-hélicoptères amphibies (PHA) : le Mistral (L 9013), le Tonnerre (L 9014), et le Dixmude (L 9015). Ces navires sont des éléments cruciaux dans la stratégie de défense et de projection de force de la France, permettant une variété d’opérations militaires et humanitaires à l’échelle mondiale.

Polyvalence et capacités des PHA

Capables de mener des opérations sous faible préavis, les PHA sont des bâtiments hautement polyvalents. Ils sont équipés pour gérer des crises, effectuer des transports logistiques et conduire des évacuations sanitaires. Leur conception leur permet d’intégrer des éléments des armées de Terre, de l’Air et de l’Espace, ainsi que des forces interalliées et des composantes sanitaires, tant militaires que civiles.

Descriptif technique des porte-hélicoptères

Chaque PHA présente une longueur de 199 mètres et une largeur de 32 mètres, avec un déplacement de 21 500 tonnes. Leur vitesse maximale atteint 19 nœuds. Ils peuvent accueillir 177 marins, un état-major embarqué, et entre 400 et 900 soldats selon les besoins de la mission.

L’équipement de ces navires est impressionnant : un radier de 885 m² pour des chalands, un hangar de 2 650 m² pouvant contenir 60 véhicules blindés ou 13 chars, ainsi qu’une capacité de transport aérien avec un hangar pouvant accueillir jusqu’à 16 hélicoptères. Ils sont aussi équipés d’un hôpital de 69 lits, extensible, comprenant deux blocs opératoires.

L’armement des PHA comprend deux canons de 20 mm téléopérés, quatre mitrailleuses de 12,7 mm, et deux systèmes d’autodéfense surface-air à très courte portée SIMBAD. La défense est complétée par des radars de navigation et de veille air-surface, des leurres antitorpilles SLAT, un système de transmission par satellite, et un système de combat SENIT.

Rôle stratégique dans les opérations interarmées

Les PHA sont conçus pour mener des opérations amphibies et aéromobiles, facilitant ainsi la projection de force dans des zones conflictuelles ou lors de missions humanitaires. Ils servent également de commandement mobile pour les opérations, offrant une plateforme stratégique pour les décisions en temps réel sur le terrain.

Contributions spécifiques des trois PHA

Le Mistral, mis en service en décembre 2006, et son jumelage avec la ville du Havre renforce les liens entre la marine et la communauté civile. Le Tonnerre, actif depuis juillet 2007, est parrainé par la ville de Limoges, illustrant l’importance de la coopération régionale dans le soutien aux forces armées. Quant au Dixmude, le plus récent, mis en service en juillet 2012, il symbolise l’adaptation continue de la marine française aux technologies modernes et aux exigences opérationnelles actuelles.

Importance dans la diplomatie et l’aide internationale

Outre leur rôle militaire, les PHA jouent un rôle important dans la diplomatie française. Par leur capacité à déployer rapidement des forces et du matériel partout dans le monde, ils sont souvent en première ligne lors de missions d’aide humanitaire ou de réponse à des catastrophes naturelles. Ce rôle contribue non seulement à la sécurité globale mais renforce aussi l’image de la France en tant qu’acteur clé sur la scène internationale.

Quels autres pays possèdent des porte-hélicoptères dans le monde ?

Plusieurs nations possèdent des porte-hélicoptères VTOL (Vertical Take-Off and Landing), un type spécifique de porte-aéronefs capable de gérer des hélicoptères et d’autres aéronefs à décollage et atterrissage verticaux. Voici une comparaison avec la France qui possède trois de ces navires :

  • Japon se distingue avec 7 porte-hélicoptères, ce qui en fait le pays avec le plus grand nombre de ce type de navires dans la liste.
  • France, Chine, et Égypte ont respectivement 3, 3, et 2 porte-hélicoptères, montrant un engagement notable dans leurs capacités de projection maritime et de réponse rapide.
  • Corée du Sud possède également 2 de ces navires, témoignant de son investissement croissant dans la puissance navale.
  • Algérie, Brésil, Thaïlande, et Turquie disposent chacun d’un porte-hélicoptères, illustrant une capacité modeste mais significative de projection de force et de soutien logistique.
  • Les autres pays tels que Argentine, Australie, Canada, Espagne, États-Unis, Inde, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, et Russie n’ont pas de porte-hélicoptères VTOL, bien que certains de ces pays possèdent d’autres types de porte-aéronefs ou d’autres capacités militaires importantes.

Les porte-hélicoptères amphibies français ne sont pas seulement des instruments de guerre; ils sont des vecteurs de paix et de coopération internationale. Leur capacité à intervenir rapidement en fait des outils indispensables pour la France, capable de répondre efficacement aux crises globales tout en promouvant les valeurs humanitaires et la stabilité internationale. Ces navires démontrent l’engagement continu de la France envers ses alliés et son rôle actif dans la gestion des crises internationales.

L’ONERA et KNDS Ammo France mènent des recherches pour accroître la portée des obus d’artillerie par Laurent Lagneau · 6 juillet 2024

L’ONERA et KNDS Ammo France mènent des recherches pour accroître la portée des obus d’artillerie

https://www.opex360.com/2024/07/06/lonera-et-knds-ammo-france-menent-des-recherches-pour-accroitre-la-portee-des-obus-dartillerie/


Un réducteur de traînée de culot [ou Base Bleed en anglais] est un dispositif pyrotechnique à base de propergol qui, à la sortie de la bouche d’un canon, dégage des gaz chauds, permettant ainsi de réduire la traînée aérodynamique du projectile sur lequel il a été fixé et, donc, d’augmenter sa portée.

Si cette technologie est ancienne, la Direction générale de l’armement [DGA] entend l’améliorer, via le marché EC3B [Étude sur l’amélioration de la méthodologie de caractérisation aérobalistique du Base Bleed]. Celui-ci a été confié à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] et KNDS Ammo France, la filiale munitionnaire de KNDS, en 2019.

Lors de la dernière édition du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, l’ONERA a fait savoir qu’il venait de franchir une « étape importante dans le développement d’un moyen de caractérisation des Base Bleed au profit de la DGA et de KNDS Ammo France ».

Ainsi, l’ONERA a amélioré son logiciel de simulation multi-physique pour l’énergétique et la propulsion CEDRE afin de prendre en compte les « conditions de fonctionnement des Base Bleed » et a développé un banc d’essais dédié sur son site du Fauga Mauzac, près de Toulouse.

« L’énergétique est la science de l’énergie. Dans le processus de combustion [simplifié], l’énergie arrive sous forme chimique, concentrée dans le carburant [kérosène, ergols, propergol], pour être transformée en chaleur [énergie thermique] et enfin se transformer en poussée [énergie mécanique] », explique l’ONERA. Aussi, poursuit-il, les modèles de CEDRE « décrivent les physiques de la chimie, de la thermodynamique, de l’aérodynamique ».

S’agissant du banc d’essais du Fauga Mauzac, celui-ci a récemment réalisé des essais « pour des vitesses de rotation du propergol jamais atteintes allant jusqu’à 12000 tours par minute », ce qui permettra désormais d’étudier très précisément les Base Bleed en « simulant l’emploi d’une munition dans les conditions réalistes [vitesse de rotation, altitude…]. Le prochain objectif est de tester un niveau de rotations de 18000 tours par minute.

De son côté, KNDS Ammo France conduit des « travaux de recherches expérimentaux et numériques complémentaires » à ceux de l’ONERA. Mais leur nature exacte n’a pas été précisée.

Ce projet EC3B, « financé par la DGA et mené à bien en partenariat avec KNDS au profit de nos armées, aboutit à un moyen d’essai unique qui va améliorer les performances de nos armements et permettre à notre industrie d’être au meilleur niveau mondial », a résumé René Mathurin, directeur de programme Défense à l’ONERA.

Photo : ONERA / Mourad Cherfi

Pourquoi la technologie du grand drone sous-marin XLUUV est-elle stratégique pour les marines militaires ?

Pourquoi la technologie du grand drone sous-marin XLUUV est-elle stratégique pour les marines militaires ?

Après le succès des phases d’essais de son démonstrateur DDO, un grand drone sous-marin, ou XLUUV, Naval Group s’est vu notifié un contrat pour la conception d’un nouveau système de même type, mais plus imposant, ainsi que de l’ensemble des technologies clés pour équiper et mettre en œuvre ces drones navals.

Dans ce domaine, la France n’est pas en retard, et fait même partie des nations les plus avancées, avec les États-Unis. Elle n’est cependant pas la seule à investir d’importants moyens pour se doter de XLUUV. En effet, savoir concevoir, et mettre en œuvre ces grands drones sous-marins militaires, va rapidement devenir un enjeu stratégique pour de nombreuses marines. Voilà pourquoi…

Sommaire

Si les drones ont fait leur entrée sur les champs de bataille aériens depuis plusieurs décennies, l’arrivée de ces systèmes automatisés est beaucoup plus récente dans les autres espaces de conflictualité, pour des raisons toutefois souvent différentes. Ainsi, le principal obstacle à la conception d’un drone terrestre, réside dans la gestion de sa mobilité sur un terrain par nature chaotique et changeant, comme sur un champ de bataille.

Dans le domaine des drones de surface, ce sont avant tout les contraintes liées à la durée des missions qui concentrent les efforts des chercheurs. En effet, là où un drone de combat va tenir l’air pendant, au mieux, quelques dizaines d’heures, un drone de surface de grande taille va effectuer sa mission sur plusieurs semaines, peut-être même plusieurs mois, avec son lot d’avaries et de fortunes de mer.

XLUUV DDO de Naval group
Le démonstrateur de grand drone sous-marin DDO de Naval group, a terminé son programme d’essais à l’été 2023.

Les drones sous-marins, quant à eux, cumulent les contraintes des unités de surface, avec un impératif fort en matière de discrétion, spécialement dans le domaine électromagnétique et acoustique, alors que très peu de pays ont, effectivement, les compétences pour concevoir un sous-marin conventionnel.

Ainsi, si, pour être opérationnel, un drone de surface peut s’appuyer sur une liaison de donnée avec un centre de contrôle, la discrétion indispensable liée à la mission sous-marine militaire, impose de réduire au maximum ces échanges électromagnétiques, et donc de concevoir un drone disposant d’une autonomie très étendue en matière de pilotage, mais aussi de conduite de mission, voire de décision opérationnelle.

Un nouveau programme français basé sur le démonstrateur DDO de grand drone sous-marin de Naval Group

Dans ce domaine, le français Naval Group a pris les devants de la programmation militaire nationale, en développant, sur fonds propres, un démonstrateur baptisé DDO, pour Démonstrateur de Drone Océanique.

Sa présentation eut lieu, concomitamment à sa première mise à la mer, en octobre 2021, à l’occasion des Naval Group Innovation Days, un événement annuel de l’industriel destiné à promouvoir et présenter ses innovations et avancées technologiques récentes.

Long de 10 mètres pour 10 tonnes de déplacement, le DDO a depuis mené plusieurs campagnes d’essais, tant pour valider les arbitrages et développements des ingénieurs de Naval Group, que pour récolter de nombreuses données et expériences liées à sa mise en œuvre, comme c’est le rôle d’un démonstrateur.

Navl Group Innonvation days 2021 DDO
Le DDO a été présenté lors des Naval Group Innonvation Days en octobre 2021.

Le pari de l’industriel a été payant. En effet, après que des financements de la DGA ont accompagné Naval Group lors des essais de son démonstrateur, et comme planifié par la nouvelle LPM 2024-2030, celui-ci a été notifié d’un contrat de recherche et de développement, de la part de la DGA, pour la conception, la fabrication et les essais d’un nouvel XLUUV, acronyme anglophone pour Très Grand Véhicule Sous-marin sans Équipage, sur la base des acquis du programme DDO.

Le nouveau drone devra être plus grand, et plus lourd, que le démonstrateur initial, sans que ses dimensions aient été spécifiquement définies. Pendant ce temps, le DDO servira, quant à lui, de plateforme pour un ensemble de développements dans le domaine de l’endurance, de la production d’énergie, de l’intégration de senseurs, et surtout de l’automatisation et la prise de décision autonome, sujets mis largement en avant par la DGA et Naval group dans ce dossier.

Les principaux programmes de XLUUV dans le monde

La France, Naval Group, et la Marine nationale, ne sont pas les seuls à s’intéresser de près, et à investir, dans le développement de ce type de technologie. Des programmes similaires, plus ou moins avancés, sont, en effet, en cours dans plusieurs pays, en particulier ceux dotés des compétences en matière de conception et de construction de sous-marins militaires.

C’est le cas des États-Unis et de l’US Navy, avec le programme ORCA, dont la conception a été confiée à Boeing et la construction aux chantiers navals HHI de Lockheed Martin. Le premier prototype a été livré par l’industriel à la fin de l’année dernière, et qui, depuis, multiplie les tests et essais.

XLUUV ORCA Boeing
Boeing va livrer au total six XLUUV ORCA à l’US Navy.

Long de 26 mètres, mais avec un déplacement de seulement huit tonnes, l’ORCA doit être construit à six exemplaires, pour mener l’ensemble des tests et essais, y compris en matière de déploiement opérationnel, afin de pouvoir entamer la conception et la construction d’une classe de grands (Large) et très grands (eXtra Large) drones sous-marins autonomes venant renforcer et étendre les capacités de l’US Navy, à partir de la fin de la décennie.

Plusieurs autres pays, comme le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne et Israël, ont annoncé, ces derniers mois, s’être engagés dans des programmes similaires. Tout comme la Chine, dont on ignore cependant l’état d’avancement dans ce domaine, Pékin étant traditionnellement très discret pour ce qui concerne les développements de technologies sous-marines.

Quoi qu’il en soit, avec un démonstrateur de 10 tonnes ayant déjà effectué plusieurs campagnes d’essais, et un programme ambitieux à suivre, la France est à la pointe dans le domaine des XLUUV, et entend bien le rester.

Des capacités opérationnelles bientôt indispensables pour toutes les marines militaires

Il faut dire que les possibilités promises par l’arrivée des XLUUV dans l’inventaire des grandes marines militaires, ont de quoi aiguiser les appétits des stratèges navals. En effet, par leurs performances, leurs couts réduits, leur mobilité et une empreinte RH limitée, ces drones sous-marins étendent sensiblement les capacités des sous-marins traditionnels, qu’ils soient à propulsion conventionnelle, et même nucléaire.

XLUUV DDO Naval group
Le DDO est un des premiers XLUUV a avoir effectué des essais à la mer, en 2021.

Par leurs prix réduits, on parle de 20 m€ pour la version surveillance (10 tonnes) du DDO, leur panoplie de senseurs, et leur autonomie à la mer, les XLUUV représentent, sans le moindre doute, l’une des solutions les plus efficaces pour surveiller et sécuriser un espace maritime étendu, des côtes, voire des infrastructures navales critiques, comme les ports et arsenaux ou les câbles sous-marins.

Ainsi, la sécurisation d’un arsenal, qui nécessiterait, dans la durée, au moins deux sous-marins nucléaires se passant le relais, ou trois sous-marins à propulsion conventionnelle, pourrait être réalisée par 5 ou 6 XLUUV, tournant par flottille de 2 ou 3, et ne coutant qu’une fraction des couts de construction et de mise en œuvre, de la flottille sous-marine immobilisée pour une telle mission, et par ailleurs, très probablement, plus utile ailleurs.

Les grands drones sous-marins peuvent également s’avérer particulièrement utiles dans les missions trop risquées pour y consacrer un sous-marin, comme le renseignement naval opérationnel à proximité des côtes adverses ou de son dispositif naval, ou la désignation de cible.

Ainsi, un XLUUV peut s’approcher discrètement d’une flotte adverse, en identifier les navires clés, et transmettre les informations à une frégate, un autre sous-marin, ou un stike d’avions de chasse, pour venir les frapper à distance de sécurité, tout en réduisant sensiblement les risques de dégâts collatéraux, et ce bien plus surement qu’avec un sous-marin classique.

XLUUV ORCA Boeing
Les dimensions du XLUUV ORCA américain apparaissent sur cette photo lors de la cérémonie de bapteme du premier prototype.

Enfin, les XLUUV disposent d’une mobilité incommensurable, en particulier face aux sous-marins traditionnels, y compris à propulsion nucléaire. En effet, par ses dimensions, le DDO peut-être transporté par avion A400M partout dans le monde en 24 heures, alors que sa version de combat, de 20 mètres, pourrait l’être avec un C17. Une fois livrés, ils peuvent rejoindre la mer par camion en quelques heures seulement.

Ainsi, un grand drone naval est capable d’être déployé sur des délais très courts, pour répondre à une situation de crise, bien plus rapidement que ne le peut un SNA, pourtant le système naval le plus véloce, avec le porte-avions, aujourd’hui.

L’ensemble de ces capacités, et celles qui restent à imaginer et à appliquer, confère aux XLUUV un potentiel opérationnel très important, agissant tant comme multiplicateur de forces que comme alternative économique spécialisée, précisément pour employer, au mieux de leurs potentiels, les rares et très onéreux sous-marins d’attaque.

Des enjeux technologiques à l’échelle des enjeux militaires

Reste que pour parvenir à s’en doter, les obstacles technologiques à franchir sont particulièrement nombreux et difficiles. Déjà, le ticket d’entrée pour être en mesure de concevoir des XLUUV efficaces, capables d’exploiter le plein potentiel de ce nouvel outil, est particulièrement élevé, puisqu’il nécessite de savoir concevoir et fabriquer des sous-marins militaires conventionnels ou nucléaires.

SNA Suffren
La maintrise des technologies de conception d’un sous-marin miltiaire constitue le tiocket d’entrée pour s’engager dans la conception d’un XLUUV.

En effet, les fonds marins représentent un des milieux, avec l’espace sidéral, les plus hostiles et agressifs adressables par la technologie humaine aujourd’hui. S’il est évidemment possible de bricoler un semi-sous-marin partiellement autonome, potentiellement capable de mener une mission d’attaque suicide, à l’aide d’une liaison satellite qui en annulerait le bénéfice de la discussion, la conception d’un véritable XLUUV, requiert de maitriser l’ensemble des compétences sous-marines militaires, et bien davantage.

Ce n’est visiblement pas un sport de masse. En effet, à ce jour, seuls les cinq membres permanents du conseil de sécurité des nations unis, ainsi que le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne, la Suède, et l’Inde, disposent effectivement de ces compétences.

Le cas d’Israël, et de la Turquie qui ne tardera certainement pas à révéler un programme similaire, est particulier. Si ces deux pays ne conçoivent pas leurs sous-marins, ils en maitrisent cependant la majorité des technologies, et dispose d’un grand savoir-faire dans le domaine des drones et systèmes autonomes. En outre, ni l’un, ni l’autre, n’a d’ambitions océaniques à proprement parler.

Le second enjeu technologique, pour la conception, et surtout la mise en œuvre efficace des XLUUV, englobe les enjeux de discrétion, ainsi que de décision autonome et de conduite de mission. En effet, pour exploiter pleinement le potentiel d’un XLUUV, celui-ci se doit d’être au moins aussi discret, acoustiquement parlant, comme dans le spectre électromagnétique, qu’un sous-marin militaire moderne.

MQ-9B Gardian
Les drones de combat MALE modernes, restent en permanence connecté à la plate-frome de piltoage par laison de données sateliite. Ce n’est pas applicable, ni même souhaitable, pour un XLUUV.

Impossible, dans ces circonstances, de s’appuyer sur une liaison de données permanente avec un poste de pilotage et de contrôle basé à terre, comme c’est le cas des drones de combat aériens aujourd’hui. Cet enjeu est, à ce titre, l’axe prioritaire de recherche et développement identifié par la DGA, dans le contrat passé à Naval group, il y a quelques jours.

Remarque : Notons cependant que d’importants efforts sont produits, en particulier autour des programmes de chasseurs de nouvelle génération comme SCAF, GCAP ou NGAD, pour en accroitre l’autonomie décisionnaire, et réduire autant que possible les émissions, aussi peu discrètes que sensibles au brouillage.

Or, si un drone aérien va évoluer quelques heures au-dessus d’un espace aérien peu évolutif, avant de regagner sa base, les XLUUV vont devoir mener des missions de plusieurs semaines, et donc faire preuve d’une capacité d’adaptation considérablement plus étendue, pour répondre efficacement et de manière normalisée, à l’ensemble des scénarios et situations auxquels il pourrait être confronté. Le tout, évidemment, en conservant, pour certaines décisions clés, l’arbitrage humain comme verrou infranchissable.

Cette durée de mission engendre, elle aussi, des contraintes qu’il conviendra de traiter. En effet, un navire à la mer, qu’il soit ou non autonome, est exposé à des avaries et des fortunes de mer. Le XLUUV devra être en mesure d’encaisser ces avaries, qu’elles soient liées au contexte opérationnel, ou simplement à son utilisation navale, tout en poursuivant sa mission avec efficacité et fiabilité, sur la durée requise.

Il conviendra aussi, certainement, d’imaginer la manière dont les avaries majeures pourraient être réparées par des navires de soutien, sans que le retour au port soit nécessaire.

À ce titre, il faudra, enfin, disposer d’une capacité de soutien adaptée à l’utilisation de ces drones, et surtout veiller à ce que les réparations et interventions pour compenser l’absence d’équipage, ne viennent pas saturer les capacités de maintenance, et au final, créer un embouteillage qui viendrait annuler les bénéfices attendus par l’utilisation de ces systèmes.

Conclusion

On le voit, la conception et la mise en œuvre des grands drones sous-marins, va probablement devenir, si ce n’est pas déjà le cas, l’un des grands enjeux technologiques et opérationnels liés à la guerre navale, dans les années à venir.

DDO Naval Group
L’influence biomimétique des grands cétacées est évidente dans la conception du DDO de Naval Group.

Dans ce domaine, la France n’a pas raté son départ, en particulier grâce à l’initiative de Naval Group, qui a développé, sur fonds propres, avant même que la planification militaire ne s’intéresse au sujet, un démonstrateur très prometteur, le DDO, lui conférant une réelle avance technologique dans ce domaine.

Au-delà des performances et capacités opérationnelles que ces futurs XLUUV vont apporter aux flottes sous-marines, les systèmes auront, également, un important potentiel commercial sur la scène international. Leur prix, en effet, les mettra à la portée de nombreuses marines n’ayant pas les moyens de se doter de véritables sous-marins, ou qui sont dotées d’une flotte sous-marine réduite.

La conjonction de capacités nouvelles, complémentaires ou substitutives des systèmes existants, et d’un marché plus étendu, fait du XLUUV un des futurs systèmes d’arme majeurs, dont toutes les marines devront se doter. Ils constitueront, par ailleurs, un véritable pivot de l’action naval militaire, qu’elle soit offensive ou défensive. Il convient donc, évidemment, de ne pas rater la marche, comme ce fut le cas, en Europe, pour les drones aériens de combat.

Article du 1ᵉʳ février 2024 en version intégrale jusqu’au 14 juillet 2024

La France à bord de la coalition chargée de livrer des drones à l’Ukraine

La France à bord de la coalition chargée de livrer des drones à l’Ukraine

– Forces opérations Blog – publié le

L’information est passée quelque peu inaperçue : la France a rejoint la coalition capacitaires chargée de fournir des drones à l’Ukraine, un pas officiellement franchi mi-juin à Bruxelles. 

Initiée en février par la Lettonie, la coalition des drones s’est agrandie avec l’arrivée de la France et de l’Italie, tous deux signataires d’une lettre d’intention au cours d’une réunion bruxelloise de l’Ukrainian Defense Contact Group. D’autres devraient suivre le mouvement, pointait alors le ministère de la Défense letton. 

« Nous apprécions grandement la décision de l’Italie et de la France de rejoindre officiellement la coalition ukrainienne des drones. C’est une nouvelle confirmation de la détermination des membres de l’OTAN à soutenir l’Ukraine jusqu’à sa victoire », se félicitait le ministre de la Défense letton Andris Sprūds.

L’enjeu partagé par les 14 pays aujourd’hui signataires ? Livrer au plus vite un million de drones aux forces armées ukrainiennes via des cessions et achats conjoints. Plus de 500 M€ ont jusqu’à présent été rassemblés par les membres de la coalition afin de financer l’initiative. 

Ces fonds viennent notamment soutenir l’appel d’offres émis par la Lettonie et le Royaume-Uni pour l’acquisition de plusieurs milliers de drones « First Person View » (FPV), des systèmes qui « se sont révélés très efficaces sur le champ de bataille » selon le ministère de la Défense britannique. Clôturé le 28 juin, il n’est que le premier d’une série de projets axés sur ces drones FPV. 

Hier, la Défense lettonne a annoncé l’envoi d’un nouveau lot dans le courant du mois. Plus de 2500 drones de différents types et capacités seront fournis à l’Ukraine pour une valeur de 4 M€. Les 300 premiers exemplaires rejoindront le territoire ukrainien dans les prochains jours. 

Au 1er mai 2024, la France avait livré 220 drones de reconnaissance à l’Ukraine depuis le début du conflit. D’autres efforts ont été annoncés, dont l’envoi d’une centaine de munitions téléopérées courte portée Oskar développées par Delair et KNDS France dans le cadre de l’appel à projets Colibri initié par l’Agence de l’innovation de défense. 

Crédits image : ministère de la Défense ukrainien

Lutte anti-sous-marine : Le ministère des Armées envisage de se procurer jusqu’à 4000 bouées acoustiques par an

Lutte anti-sous-marine : Le ministère des Armées envisage de se procurer jusqu’à 4000 bouées acoustiques par an


En 2021, le ministère des Armées fit part de son intention de relancer une filière industrielle « souveraine » dans le domaine des bouées acoustiques, lesquelles sont essentielles pour la lutte anti-sous-marine et la surveillance des approches maritimes. Et cela alors que, encore aujourd’hui, les approvisionnements de la Marine nationalee dépendent des États-Unis.

Pour rappel, il existe deux types de bouées acoustiques. Celles dites actives émettent une impulsion sonore et reçoivent l’écho éventuellement renvoyés avant de le relayer, via un émetteur UHF/VHF resté en surface, vers un avion ou un navire. Celles tdies passives captent les signaux acoustiques avant de les transmettre à l’aéronef qui les a larguées.

Or, le projet porté par le ministère repose sur une nouvelle bouée acoustique « haute performance » développée par Thales. Appelée « SonoFlash », elle a la particularité d’être à la fois active et passive. En outre, elle est interopérable avec le sonar trempé Flash et les sonars remorqués CAPTAS des frégates multimissions [FREMM].

« La bouée acoustique SonoFlash, déployable par tout type d’aéronef de lutte anti-sous-marine, constituera un élément clé de protection face à une menace sous-marine croissante », a encore fait valoir la Direction générale de l’armement [DGA], à l’issue des premiers essais de « déploiement » de cette bouée depuis un avion de patrouille maritime Atlantique 2, en décembre dernier.

La livraison de ces bouées SonoFlash devrait commencer en 2025. Aussi, l’appel d’offres publié par le ministère des Armées, le 24 juin, a de quoi intriguer.

En effet, il est question de notifier un accord-cadre d’une durée de cinq ans pour livrer à la Marine nationale. « Il s’agit de fournir des bouées acoustiques et/ou passives, aérolargables, de type Otan. Ces bouées sont mises en œuvre par les avions de patrouilles maritimes ATL2 et les hélicoptères de lutte anti-sous-marine », lit-on dans cet appel d’offres.

« Sans engagement de la part de l’État, la quantité annuelle de bouées à approvisionner est, à titre indicatif, de l’ordre de 1000 bouées actives [de type Otan AN/SSQ62E par exemple] et de 2000 à 3000 bouées passives [de type Otan AN/SSQ 53D ou AN/SSQ 53G par exemple] », y est-il précisé. En clair, il est question d’acquérir un maximum de 20’000 bouées sur la période considérée.

Le montant de cet accord-cadre est significatif car il pourrait atteindre les 200 millions d’euros. En outre, comme le souligne le document, « cette procédure « n’est pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen ». Ce qui exclut, de facto, les entreprises américaines.

« Pour l’exécution, les prestations seront réalisées dans les établissements du titulaire et de ses éventuels sous-contractants ainsi que dans les locaux du Centre d’Expérimentations Pratiques de l’Aéronautique navale [CEPA/10S], à Hyères, pour les essais de réception. La livraison des fournitures aura lieu sur la base de Lann Bihoué ou au CEPA », indique encore cet appel d’offres.

Eurosatory 2024 : Lacroix dévoile le S-KAPS Top Attack, une solution simple et pragmatique pour une protection à 360°

Eurosatory 2024 : Lacroix dévoile le S-KAPS Top Attack, une solution simple et pragmatique pour une protection à 360°


Lacroix, le grand spécialiste français des solutions d’autoprotection, a profité du salon Eurosatory pour dévoiler une évolution de sa suite d’autoprotection pour véhicules terrestres S-KAPS. Désormais, la solution soft-kill de Lacroix peut en effet prendre en compte les menaces dites « top-attack », le tout avec un minimum de modifications.

Une protection top-attack simple et efficace

Lacroix propose déjà depuis quelques années une suite d’autoprotection modulaire, S-KAPS (Soft-Kill Advanced Protection System). Constitué de lance-leurres Galix couplés à différents capteurs (détecteurs d’alerte laser, acoustique, électromagnétiques, etc.) et à une petite centrale météo, S-KAPS est capable de déployer des nuages de fumigènes autour d’un véhicule pris pour cible et de recommander un cap et une vitesse d’évasive, en fonction du sens du vent et d’autres paramètres environnementaux. Très réputé sur le marché export, S-KAPS évolue en continu et a récemment été adapté aux nouvelles menaces, notamment les munitions top-attack (missiles antichars, drones largueurs, munitions rôdeuses, obus et roquettes à sous-munitions, etc.) qui ciblent le toit des blindés, nettement moins protégé.

Pour contrer toutes ces menaces, Lacroix a procédé à une amélioration incrémentale de son système S-KAPS, qui est désormais capable de couvrir le dessus du véhicule à 360°, offrant une protection semi-sphérique plutôt que circulaire. Comme nous l’explique Éric Galvani, responsable programme pour Lacroix Defense, « il s’agit d’une solution quasiment sur étagère. Les munitions multispectrales utilisées sont celles qu’on utilise déjà sur Galix, avec juste un réglage pour les faire fonctionner un peu plus proche du véhicules, et elles sont disponibles sur étagère. Le lanceur que l’on utilise est un lanceur existant, simplement réorienté vers le haut. La centrale météo et le système d’aide à la manœuvre sont également identiques. Ce qu’il faut rajouter au système, c’est avant tout un système de détection de la menace, notamment du drone. Et pour le moment, on ne souhaite pas partir sur des designs très sophistiqués. On veut au contraire privilégier des systèmes à relativement bas coût, mais que l’on peut combiner pour avoir plus d’information sur l’environnement ».

Une démonstration de S-KAPS avec un module top-attack a été réalisée en mars 2024 devant un panel de spécialistes de la guerre électronique de la DGA et des forces armées françaises. Cela a permis de démontrer toute l’efficacité d’une configuration incrémentale. © Lacroix

Cette amélioration de la protection vers la lutte antidrones passe par l’utilisation d’un système d’écoute électromagnétique assez standard, permettant de détecter les liaisons de données utilisées par les drones et munitions vagabondes. A cela se rajoute une solution de vision périmétrique et hémisphérique PeriSight, fournie par Bertin Technologies, composée de quatre caméras IR latérales et d’une caméra-dôme orientée vers le haut. C’est suffisant pour détecter la plupart des menaces drones et munitions-suicides. Couplé aux capteurs acoustiques type PILAR de Metravib, cette vision hémisphérique peut aussi permettre de caractériser la menace représentée par des obus à sous-munitions antichars, comme BONUS. Bertin et Lacroix travaillent également sur une amélioration des algorithmes d’analyse d’image pour que ces derniers puissent fournir une confirmation de menace via une étude de la trajectoire des munitions rôdeuses par exemple.

La menace, qu’elle que soit sa nature, est signalée à l’équipage qui déclenche alors la solution soft-kill. En moins d’une seconde et demi, les lanceurs Galix déploient des fumigènes multispectraux tout autour du véhicule ainsi qu’au-dessus de lui. Les fumées qui se dissipent avec le vent forment une sorte de tunnel de fumigène que le véhicule va pouvoir suivre grâce au système d’aide à la manœuvre intégré à S-KAPS.

Une solution déjà remarquée ?

L’intégration de cette brique top-attack sur S-KAPS se veut aussi simple que possible. Les capteurs fournis par Bertin sont assez compacts pour pouvoir prendre place sur un véhicule léger, et s’interfacent directement avec le système S-KAPS. Pour le déploiement des leurres vers le haut, il faut généralement intégrer de nouveaux lanceurs verticaux, même si certains véhicules comme certains chars Leclerc disposent déjà de lanceurs Galix verticaux actuellement inutilisés. La munition fumigène, quant à elle, est simplement modifiée pour pouvoir exploser après 0,8 secondes de vol, afin de se déployer environ 8 m au-dessus du véhicule, là où les munitions latérales portent généralement à une vingtaine de mètres. Il en résulte une solution simple, polyvalente, abordable et très simple à intégrer. Pour Lacroix, la qualification de ce système pourrait se faire très rapidement, en quelques mois.

Dans les couloirs du salon, au gré des discussions, plusieurs interlocuteurs nous ont confirmé de leur intérêt pour une telle solution. Un officier de l’Armée de Terre nous l’a ainsi décrite comme « probablement la seule solution techniquement réaliste, et qu’on pourrait obtenir rapidement et à bas-coût ». Chez Lacroix, on ne cache pas non plus l’intérêt de certains prospects au cours du salon : « On aimerait naturellement se positionner sur le marché de la revalorisation des chars et autres véhicules du GCC, où les solutions Galix et S-KAPS sont déjà très bien implantées. Nous avons aussi été contactés par des véhiculiers qui ont entendu parler de S-KAPS et s’y intéressent. Et puis bien sûr, on se positionne aussi sur le marché européen, avec une solution sur étagère disponible rapidement et à relativement bas-coût. »

bulle de protection autour d'un blindé
Le système de protection soft-kill S-KAPS repose à la fois sur les lanceurs Galix et sur une suite de capteurs intégrée multi-senseurs fonctionnant à 360°. Au-delà de la protection offerte contre tout type de menaces immédiates, S-KAPS permet aussi de renforcer la connaissance tactique en continue, notamment face à la menace drones. © Lacroix

De fait, on pourrait effectivement imaginer un tel système embarqué un jour à bord des véhicules Scorpion belges et luxembourgeois, ou sur d’autres programmes exportations portés par KNDS ou Arquus, entre autres. En France, l’horizon est un peu plus lointain, et l’objectif fixé par le projet PRONOÏA est d’obtenir une solution soft-kill avancée totalement souveraine à l’horizon 2030. Reste que certaines briques de S-KAPS, y compris dans sa version top-attack, pourraient bien un jour se retrouver sur des véhicules français.

D’ici là, force est de constater que Lacroix monte régulièrement en puissance depuis quelques années. Après avoir exporté des dizaines de milliers de munitions Galix, l’industriel toulousain s’est récemment attaqué (avec succès) au marché des systèmes d’autoprotection intégrés. En achetant le droniste Milton (voir notre papier dédié à ce point), Lacroix dispose désormais de l’ensemble des compétences lui permettant de démontrer, en interne, la pertinence des nouvelles briques anti-drones de S-KAPS, qui ont de plus l’immense intérêt d’offrir une protection top-attack globale. Au-delà de S-KAPS, les synergies entre les drones et les leurres pourrait permettre à Lacroix de développer des suites d’autoprotection complètes et à haute valeur ajoutée, aussi bien pour vecteurs terrestres que navals et aériens, notamment grâce à des leurres dronisés redéployables et de longue autonomie. Affaire à suivre.

Eurosatory 2024 : l’armée de Terre planche sur une nouvelle « cape d’invisibilité » pour ses véhicules de combat

Eurosatory 2024 : l’armée de Terre planche sur une nouvelle « cape d’invisibilité » pour ses véhicules de combat

 


L’armée de Terre explore une nouvelle voie pour faire « disparaître » ses véhicules du champ de bataille. Baptisé « Filets InfraRouge Radar » (FIRR), l’effort dévoilé la semaine dernière au salon Eurosatory s’inscrit dans la lignée d’autres projets en cours. 

« Le projet FIRR vise au renouvellement des écrans de camouflage rapide [ECR] », explique un expert en camouflage de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), selon qui « le système en service dans l’armée française a donné satisfaction mais tant le tachisme que les matériaux doivent être réévalués à l’aune des nouvelles menaces ». 

De fait, l’ECR et ses variantes centre-Europe et Daguet héritées de la guerre froide ne répondent plus à l’évolution et la prolifération des capteurs terrestres, aériens et spatiaux. Le programme FIRR vise à remédier à cette obsolescence tout en maintenant la focale sur les véhicules de combat et, peut-être, sur certains véhicules logistiques. 

Tout comme l’ECR, le FIRR n’est pas destiné à une installation de longue durée. Léger et simple d’emploi, il devra pouvoir être rapidement déployé pour dissimuler le porteur le temps d’un arrêt relativement court d’au maximum quelques dizaines de minutes. 

Le programme FIRR relève d’une démarche globale de modernisation du système de camouflage des matériels français. Il vient compléter un schéma jusqu’alors basé sur le camouflage tactique (CAMTAC) et le filet écran radar-IR (FENRIR). Engagé il y a plusieurs années, CAMTAC se compose d’un fond brun terre de France sur lequel est apposé un schéma réversible de triangles équilatéraux dont les coloris correspondent à trois environnements : centre-Europe, désertique et enneigé. Après quelques années de maturation, « la réflexion n’est pas encore arrêtée » et la STAT poursuit l’étude d’idées permettant d’accroître encore la réversibilité des triangles. 

Quand le fond BTF et le CAMTAC visent surtout à casser la silhouette et se concentrent sur le domaine visible, le programme FIRR – comme son nom l’indique – ira un cran plus loin en participant à atténuer la signature infrarouge et radar des véhicules. Il se rapproche par là des filets acquis au travers du marché FENRIR, notifié au suédois Saab et à son sous-traitant français, Solarmtex. Mais s’il est proche du FIRR dans sa logique, le FENRIR s’en éloigne néanmoins par son emploi axé sur les postes de commandement et sur certains équipements à haute valeur ajoutée comme les batteries d’artillerie et autres plots logistiques. 

« Aujourd’hui, nous en sommes au début de la réflexion et l’objectif sera tout d’abord de définir ce que l’on souhaite », pointe la STAT. Quel degré de technicité ? Quels motifs ? Quelle logique d’intégration sur le véhicule ? La STAT n’exclut aucune piste, l’une d’entre elles « reprenant à la fois ce qui avait été proposé sur la partie CAMTAC tout en allant chercher des solutions plus novatrices ». Ainsi, « nous envisageons d’étudier l’adaptation du CAMTAC sur les filets », indique notre interlocuteur. Quant aux volumes, ceux-ci seront « adaptés aux besoins de l’armée de Terre en opération en tenant compte aussi de l’entraînement ». Le champ reste donc ouvert, la STAT poursuivant pour l’instant les expérimentations qui conduiront à la définition d’un besoin pour un horizon de renouvellement espéré « dans les deux à trois ans ».

Crédits image : armée de Terre

L’Iran subtilise deux Airbus de l’armée française

L’Iran subtilise deux Airbus de l’armée française

Laurent Errera via Wikimedia Commons

L’Iran est confronté à d’importantes sanctions économiques imposées par les pays occidentaux, notamment en réponse à son programme nucléaire. Ces mesures restrictives ont significativement impacté l’économie iranienne, limitant l’accès à de nombreux marchés internationaux et ressources technologiques. Cette situation économique tendue a poussé le pays à trouver des alternatives pour soutenir ses infrastructures, y compris dans le secteur de l’aviation, où l’Iran a montré une ingéniosité particulière pour contourner les sanctions.

Récemment, un événement inhabituel a attiré l’attention internationale : la disparition mystérieuse de deux Airbus A340, propriété de la société gambienne Macka Invest, qui ont été subtilisés alors qu’ils étaient stationnés en Lituanie. Les avions, destinés initialement pour des vols vers le Sri Lanka et les Philippines, ont pris une toute autre direction, atterrissant finalement en Iran. Selon les rapports, ces appareils auraient été détournés fin février 2024, et leurs transpondeurs éteints peu après leur départ de l’aéroport de Siauliai.

Ce cas n’est pas un incident isolé. En 2020, l’Iran avait déjà acquis deux autres A340 appartenant à l’armée de l’air française, achetés lors d’une vente aux enchères. Ces acquisitions semblent être une stratégie délibérée de la part de l’Iran pour renforcer sa flotte aérienne malgré les sanctions. Mahan Air, compagnie aérienne iranienne, pourrait être la principale bénéficiaire de ces nouveaux avions, leur permettant de renouveler une flotte vieillissante dans un contexte où l’achat de nouveaux appareils est presque impossible.

Le récit de ces acquisitions démontre une capacité remarquable de la part de l’Iran à naviguer dans un environnement international complexe et restrictif. L’événement soulève également des questions sur la sécurité et la surveillance des transactions internationales d’équipements sensibles, surtout dans des régions où la présence militaire et les sanctions internationales créent des dynamiques particulières.

Les implications de ces actes pourraient être vastes, non seulement pour les relations internationales entre l’Iran et les pays imposant des sanctions, mais aussi pour les normes globales de sécurité et de surveillance dans le transport aérien. Cela pourrait inciter à une révision des protocoles de sécurité et à une vigilance accrue sur les équipements et les technologies susceptibles d’être détournés ou utilisés de manière inappropriée. Ces incidents, qui s’apparentent à des scénarios de films, pourraient finalement pousser la communauté internationale à repenser certaines de ses stratégies en matière de sanctions et de sécurité aérienne.

Pour le général [2S] Charles Beaudouin, l’armée de Terre a besoin d’une « force Leclerc plus importante »

Pour le général [2S] Charles Beaudouin, l’armée de Terre a besoin d’une « force Leclerc plus importante »

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Ayant occupé le poste « stratégique » de sous-chef d’état-major « plans et programmes » de l’armée de Terre avant ses adieux aux armes, en 2020, le général [2S] Charles Beaudouin assure désormais la présidence de Coge Events ainsi que la fonction de commissaire général du salon d’EuroSatory. Aussi est-il un observateur averti des tendances et des évolutions en matière d’armement terrestre.

Sollicité par La Tribune pour faire le bilan de l’édition 2024 d’EuroSatory, le général Beaudouin a dressé un constat sévère sur l’état de l’armée de Terre qui, « en trente ans continus d’engagement en opérations extérieures, est passée insensiblement mais inéluctablement d’un corps blindé mécanisé au spectre complet à un corps expéditionnaire légèrement blindé à roue, à la mobilité très opérative ».

Évidemment, les fameux « dividendes de la paix » évoqués après la fin de la Guerre froide ne sont pas étrangers à cette évolution, l’armée de Terre ayant dû faire « des impasses capacitaires majeures », au point de devenir « échantillonnaire », a déploré le général Beaudouin. Ce qui, a-t-il continué, n’est pas sans conséquence sur le stock de munitions et la préparation opérationnelle qui, selon lui, s’est « effondrée ».

«A Lorsque j’étais lieutenant en 1988, […] face au Pacte de Varsovie, nous manœuvrions 150 heures par an avec nos AMX-30B2 et tirions une cinquantaine d’obus. Aujourd’hui, nos équipages d’engagés réalisent 60 heures de Leclerc et tirent une vingtaine d’obus par an. On peut parler de simulation pour remplacer ce manque, mais nous avions déjà la simulation à l’époque », a-t-il rappelé. Et d’ajouter : « Certes, nos soldats sont aptes à la rusticité et expérimentés mais la masse en hommes, en matériels, surtout sur le haut du spectre, et l’entrainement à haut niveau manquent ».

Entre 1990 et 2017, les armées ont perdu « une à deux annuités d’un effort déjà insuffisant [c’est-à-dire inférieur aux 2 % du PIB], prélevées au profit d’autres budgets de l’État », a poursuivi le général Beaudouin. Aussi, selon lui, et à cause de cette contrainte budgétaire, l’armée de Terre « n’a eu d’autre alternative que de devenir une armée d’emploi en combat asymétrique » et si, « facialement », elle est une « armée de haute intensité », elle « n’en a que le squelette » étant donné qu’on « lui a enlevé une grande partie de ses muscles ».

Or, actuellement, l’armée de Terre « n’est pas taillée en termes de caractéristiques militaires, d’entraînement des forces, d’évacuation des blessés et de complétude pour affronter, dans une action centrale, le combat de haute intensité », a jugé le général Beaudouin, qui a cependant adouci son constat en rappelant que « l’armée française interviendra en coalition » et que « l’ultima ratio du président restera toujours le nucléaire si véritablement la France est acculée à certaines situations ».

Sans aller jusqu’à remettre en cause le programme SCORPION, dont il a été un promoteur, le général Beaudouin considère que les Griffon, Serval et autres Jaguar auraient toute leur place dans un conflit de haute intensité… mais qu’ils ne pourraient pas « encaisser le choc central », comme cela fut le cas pour les VAB [véhicules de l’avant blindé] et les AMX-10RC lors de l’opération Tempête du Désert, menée en Irak, en 1991.

« Ce ne sont ni des chars ni des véhicules de combat d’infanterie. De surcroît leur conception à roue limite leur aptitude à être surblindés et à évoluer avec une mobilité tactique pleine et entière dans l’environnement d’un théâtre d’opération centre européen où la chenille est reine. Le choc sera concentré sur les [chars] Leclerc et les VBCI [Véhicules Blindés de Combat d’Infanterie] », a-t-il fait valoir. Aussi recommande-t-il de « reconstruire une force Leclerc plus importante à partir des chars retirés du service et ‘upgrader’ [mettre à niveau, ndlr] le VBCI ». Sauf que, s’agissant des Leclerc, on n’en prend pas le chemin…

Pour rappel, l’armée de Terre compte 200 chars Leclerc. Selon le dossier de presse sur EuroSatory 2024 publié par le ministère des Armées, 130 [au lieu de 160] seront portés au nouveau standard XLR d’ici 2030 et 40 autres le seront avant 2035.

Seulement, pour que l’armée de Terre puisse faire cette transformation, il faudrait consentir un effort budgétaire supplémentaire… qui n’est pas d’actualité au regard de l’état des finances publiques. D’autant plus que d’autres priorités doivent être financées [dissuasion, nouveaux champs de conflictualité, etc.]. Un autre obstacle identifié par le général Beaudouin serait la réticence à s’écarter du modèle tel qu’il a été défini.

« L’armée de Terre n’a pas de système de supériorité unique. Elle fonctionne par combinaison des effets et génération de forces en fonction de la nature du conflit. Or certains effets ont été réduits aux acquêts. Trente ans de corps expéditionnaire impriment les mentalités à tous les échelons. […] Il faut changer d’état d’esprit et prendre résolument le virage du retour, équilibré, à un corps blindé mécanisé complet. Même si l’action sera très longue », a-t-il conclu.