Une étude met en garde contre le possible « déclassement » de l’aviation de combat française

Une étude met en garde contre le possible « déclassement » de l’aviation de combat française


Lors d’une audition parlementaire, en juillet 2017, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace [CEMAAE], le général André Lanata s’était inquiété du déclassement potentiel de l’aviation de chasse française, en raison de fragilités engendrées par les « politiques menées lors des dix dernières années ».

Lors de son intervention, il avait ainsi souligné la « prolifération » des moyens de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD], basés sur des systèmes de défense sol-air toujours plus performants… Ce qui était une façon d’aborder, en creux, le déficit capacitaire de l’AAE en matière de guerre électronique et de suppression des défenses aériennes adverses [SEAD] depuis le retrait du service du missile antiradar AS-37 MARTEL.

En outre, au-delà du format de l’aviation de chasse, le général Lanata avait affirmé que le chasseur-bombardier F-35, dit de cinquième génération en raison de sa « furtivité », constituait « l’une des illustrations » du risque de déclassement qu’il redoutait alors.

Le F-35 « change la donne sur le plan des capacités opérationnelles en raison, principalement, de sa discrétion […] et de ses capacités de connectivité : il connecte massivement des informations avec les autres appareils du système de combat aérien », avait-il expliqué, avant de relever que cet avion allait devenir le « standard de référence » en Europe pour « être capable de participer aux scénarios d’engagement les plus exigeants ».

Depuis, le projet de Système de combat aérien du futur [SCAF] a été lancé dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, le standard F4 du Rafale a été qualifié et les contrats afférents au développement du Rafale F5 et d’un drone de combat [UCAV] associé ont été notifiés. Mais il faudra du temps pour que ces programmes se concrétisent… Et cela alors que le F-35 a poursuivi sa « conquête » de l’Europe, après avoir été choisi par les forces aériennes tchèques, allemandes, roumaines ou encore belges, pour ne citer qu’elles.

À l’heure où l’hypothèse d’un engagement de haute intensité est régulièrement évoquée, une étude de l’Institut français des relations internationales [IFRI], réalisée par deux pilotes de chasse [dont l’un n’est plus en activité], pose un constat sévère sur les capacités de l’AAE en matière de supériorité aérienne.

« Le modèle de force français est construit autour de la dissuasion et de la défense aérienne du territoire métropolitain. Il atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité, en particulier en raison d’impasses sur la furtivité et la SEAD, et du volume insuffisants des flottes, des équipements de mission et des munitions », résume-t-elle.

Mais l’un de ses passages est susceptible de donner matière à débat. Ainsi, d’après des entretiens réalisés auprès « d’officiers supérieurs » de l’AAE « ayant participé sur Rafale aux exercices pluriannuels Atlantic Trident contre des F-22 et des F-35 », les deux auteurs avancent que « l’asymétrie technologique est désormais franche ».

Et de préciser : « Les pilotes français affrontant régulièrement des chasseurs de 5e génération en exercice interalliés constatent que ‘la mission de combat contre des chasseurs furtifs sur Rafale est impossible à gagner en l’état actuel des capteurs ».

Si « la furtivité radar n’est certes pas suffisante pour obtenir la supériorité aérienne », elle est cependant un « atout indéniable, en particulier dans les scénarios les plus durs, à moins d’accepter des missions de pénétration en basse altitude, avec un niveau de risque élevé », soulignent les auteurs de cette étude. En outre, poursuivent-ils, « elle pourrait aussi devenir un ticket d’entrée des missions en première ligne, et donc un marqueur d’influence des options stratégiques d’une coalition ».

Dans ces conditions, préviennent-ils, l’aviation de chasse française « pourrait être cantonnée au rôle de ‘supplétif’ » dans une « coalition aérienne à deux vitesses, dans laquelle les chasseurs de 4e génération auront toute leur place ». Le général Lanata n’avait pas dit autre chose il y a presque huit ans.

Cela étant, cette affaire de « capteurs » interpelle. Si un avion comme le F-35 peut être « invisible » pour certains moyens de détection [ce n’est a priori pas le cas pour les radars passifs et cela dépend des bandes de fréquences utilisées], sa signature infrarouge – avec son moteur F-135 – peut le trahir. La voie IR de l’Optronique Secteur Frontal [OSF] du Rafale serait en mesure de le détecter en face à face, sous réserve, toutefois, des conditions météorologiques.

Au passage, le Rafale sera prochainement doté d’un OSF améliorée, la Direction générale de l’armement ayant récemment mené des essais sur une nouvelle optique sur la voie infrarouge de l’OSF, celle-ci étant censée améliorer la « qualité image de la fonction Identification de nuit ».

Cette évolution sera accompagnée par l’intégration de la Liaison 16 block 2, de la radio numérique logicielle CONTACT ainsi que par celle des systèmes TRAGEDAC [qui donnera au Rafale une capacité de localisation passive de cibles grâce à une mise en réseau des avions d’une même patrouille, ndlr] et CAPOEIRA [pour connectivité améliorée pour les évolutions du Rafale]. Qui plus est, le développement d’un missile antiradar est également en cours, dans le cadre du programme à effet majeur « Armement Air-Surface Futur », lequel « répond au besoin de disposer d’une capacité de neutralisation des menaces surface-air de courte et moyenne portée, prérequis indispensable à la capacité d’entrée en premier du Rafale ».

Au-delà des aspects capacitaires, l’étude publiée par l’IFRI souligne également le format réduit de l’aviation de chasse française, qui est « à son plus bas volume historique depuis 1916, et le manque de munitions dites « complexes ».

« Les consommations de missiles air-air observées lors d’exercices de grande ampleur ou de simulations représentent, rapporté aux stocks effectifs en 2024, en sanctuarisant la Posture permanente de sécurité Air et la Composant nucléaire aéroportée, trois jours de combat de haute intensité, voire une journée pour le cas particulier du Meteor. Cette problématique risque de s’aggraver avec le temps au vu des contraintes de vieillissement sur la durée de vie des missiles », affirme en effet cette étude.


Rapport de l’IFRI : https://www.ifri.org/sites/default/files/2025-01/ifri_gorremans_avenir_superiorite_aerienne_2025_0.pdf

Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »

Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »


En janvier 2023, l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] avait indiqué qu’elle allait élaborer une stratégie concentrée sur trois fonctions, à savoir « connaissance / compréhension / anticipation », « protection » et « intervention », pour la « Très Haute Altitude » [THA], suceptible de devenir un nouveau domaine de conflictualité dans la mesure où le cadre juridique censé la réglementer manque de clarté, faute de consensus sur la définition de la limite haute de l’espace aérien et de la limite basse de l’espace extra-atmosphérique.

Les enjeux de la THA ne tardèrent d’ailleurs pas à être mis exergue avec l’affaire du ballon espion chinois aux États-Unis. Pour rappel, après avoir survolé le territoire américain en passant près d’installations militaires sensibles, cet aérostat avait été abattu par un F-22A Raptor au large de la Caroline du Sud.

Depuis, l’AAE a été discrète sur la stratégie dédiée à la THA qu’elle avait annoncée. En novembre 2023, le général Stéphane Mille, qui était alors son chef d’état-major [CEMAAE], avait cependant assuré qu’elle était en mesure d’y « intervenir tout comme les Américains à l’égard du ballon chinois ». Et d’insister : « Nous n’avons donc pas besoin d’aller très au-delà de nos capacités actuelles ».

Cela étant, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prend en compte cet espace de conflictualité en devenir étant donné qu’elle prévoit une actualisation de la stratégie spatiale de défense [SSD] afin de « conduire les ambitions opérationnelles de la très Haute Altitude telles que le développement de la surveillance améliorée de l’espace et la défense des intérêts spatiaux français critiques ».

Lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en tant que CEMAAE, le 16 octobre, le général Jérôme Bellanger a souligné la nécessité d’une « programmation capacitaire » permettant « de renforcer la crédibilité opérationnelle » de l’AAE comme « puissance [militaire] aérospatiale ». Puis, il a expliqué ce qu’il entendait par ce concept.

« Mon idée est de vraiment renforcer le statut de l’armée de l’Air comme une puissance militaire aérospatiale. Pourquoi je dis ‘aérospatiale’ ? Parce que entre le domaine aérien et l’espace, il y a la Très Haute Altitude. Et entre 20 et 100 km [d’altitude], c’est le ‘Far West’ », a-t-il dit.

« C’est une zone aussi dans laquelle il faut absolument investir, parce qu’elle est duale et qu’elle permet des systèmes résilients en termes de communications et en termes de surveillance » et aussi parce que « la nature a horreur du vide et que si nous n’y allons pas, d’autres iront à notre place », a fait valoir le général Bellanger. Or, a-t-il continué, il est « hors de question d’avoir des ballons chinois positionnés au-dessus de nos têtes à Paris et qui nous observent ».

Aussi, pour le général Bellanger, l’AAE aura besoin de « moyens de neutralisation dans cette Très Haute Altitude ». En clair, il faut aller au-delà de la seule capacité à abattre un aérostat espion, ne serait-ce que pour ne pas mettre en danger les populations civiles qu’il pourrait survoler. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’US Air Force a abattu l’imposant ballon chinois quand celui-ci survolait les eaux territoriales américaines.

En attendant, le CEMAAE a évoqué « l’exploration » de certaines capacités, en lien avec des groupes comme Airbus et Thales Alenia Space. « C’est extrêmement intéressant et on est avec eux pour les aider et avoir enfin ces capacités dans la THA », a-t-il dit.

Lors de son intervention, le général Bellanger a en effet cité l’avion Zephyr d’Airbus et le dirigeable Stratobus de Thales Alenia Space. Jusqu’alors, seul le second avait suscité l’intérêt de la Direction générale de l’armement [DGA] puisqu’il fit l’objet d’un contrat d’étude de concept notifié en janvier 2020.

Celui-ci « vise à étudier l’apport des plateformes stratosphériques persistantes pour compléter et améliorer la capacité de défense de la France », avait expliqué Thales, à l’époque.

Pour rappel, le Stratobus est un dirigeable autonome capable de porter une charge de 200 kg et de tenir une position stationnaire à 20 km d’altitude grâce à deux moteurs électriques alimentés par des panneaux photovoltaïques et une pile à combustible.

Quant au Zephyr, initialement développé par QinetiQ avant d’être repris par Airbus, il s’agit d’un « pseudolite » affichant une masse de seulement 75 kg pour une envergure de 25 mètres. Il peut voler durant de longues périodes [son record est de 64 jours], à plus de 76 000 pieds [soit 23,2 km] d’altitude, grâce à un moteur alimenté par une batterie Li-S [lithium et soufre], rechargée par des panneaux solaires.

Le ministère britannique de la Défense et le Pentagone ont déjà fait part de leur intérêt pour cet appareil. De même que, de manière informelle, la Marine nationale. Un tel engin « peut rester des semaines en l’air et avance […] à la vitesse d’un bateau : il pourrait donc suivre une force navale, servir, de façon assez discrète, de relais de télécommunications, mais aussi, de point d’observation afin de relever tous les transpondeurs, en voyant plus loin », avait expliqué l’amiral Christophe Prazuck, en 2019.

Le général Jérôme Bellanger devient chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace

Le général Jérôme Bellanger devient chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace

© Armée de l’air et de l’espace

par Emilie Darb – Aerocontact – publié le 17 septembre 2024

Le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger est devenu le nouveau chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE) le 16 septembre. Les honneurs lui ont été rendus sur la base aérienne 107 de Villacoublay.

Né en mars 1969 à Montreuil-sous-Bois, le général Jérôme Bellanger fait partie de la promotion 1989 « Clément Ader » de l’École de l’Air. Breveté pilote de chasse en 1993, il a réalisé 59 missions de guerre – notamment en Bosnie entre 1995 et 1997 et en Irak entre 1996 et 1999 – et a cumulé 2 400 heures de vol.

Plusieurs fois décoré et notamment Commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite, il a été commandant de la base aérienne 113 de Saint-Dizier et de la base de défense de Saint-Dizier /Chaumont en 2013 puis de la base aérienne 701 de Salon de Provence et directeur général de l’École de l’Air en 2018-2019, avant de devenir Chef de cabinet du Chef d’Etat-Major des Armées en 2020.

Il était depuis 2021 général commandant les Forces aériennes stratégiques.

Le général Jérôme Bellanger, nouveau chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace

Le général Jérôme Bellanger, nouveau chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace


Le général Jérôme Bellanger.

Le général Jérôme Bellanger. FORTIN Olivier/Armée de l’Air.

 

Nommé mercredi en Conseil des ministres, le général Bellanger aura notamment la tâche de mettre en œuvre la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 et préparer l’Armée de l’Air et de l’Espace aux nécessités des combats de demain.

Le général Jérôme Bellanger a été nommé mercredi en Conseil des ministres chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE), succédant au général Stéphane Mille dans un contexte international des plus tendus. Âgé de 55 ans, celui qui occupait jusqu’ici le poste de Commandant des Forces aériennes stratégiques, responsables de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française, aura notamment la tâche de mettre en œuvre la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont la modernisation des forces et le projet développé avec l’Allemagne de l’avion du futur (SCAF).

Préparer aux nécessités de combat de demain

Il devra préparer l’Armée de l’Air et de l’Espace aux nécessités des combats de demain avec en particulier l’irruption massive des drones sur le champ de bataille, et l’émergence de nouvelles menaces dans l’espace, sur fonds de compétition exacerbée entre grandes puissances. Il devra aussi rapidement superviser la formation des pilotes ukrainiens sur les avions de combat Mirage 2000-5, que le président Emmanuel Macron a promis de donner à Kiev il y a quelques semaines.

Pilote de chasse en escadron en 1993 puis commandant d’escadrille, Jérôme Bellanger a exercé en cabinet, comme adjoint au chef de la cellule relations internationales du cabinet du ministre de la Défense, en 2012. Chef de cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’Air en 2016, il prend en 2018 le commandement de la base aérienne 701 de Salon de Provence, tout en assurant la direction générale de l’École de l’Air. Chef de cabinet du chef d’état-major des Armées en 2020, il a servi au cours de sa carrière en Bosnie (1995-97) et en Irak (1996 et 1998).