L’Abrams contre le Merkava d’Israël : quel char gagnerait un combat ?
Dans le monde des blindés lourds, deux titans s’affrontent : le char américain M1 Abrams et l’israélien Merkava IV. Ces mastodontes d’acier, conçus pour dominer le champ de bataille moderne, présentent chacun des caractéristiques uniques. Plongeons dans une analyse comparative de ces deux géants pour déterminer lequel pourrait l’emporter dans un hypothétique duel.
Par Laurène Meghe – armees.com – Publié le 16 novembre 2024
L’Abrams et le Merkava IV sont tous deux équipés de canons de 120 mm capables de détruire la plupart des chars soviétiques à longue distance. Mais, leurs approches diffèrent sur certains points :
Le Merkava peut tirer des missiles antichars depuis son canon principal
L’Abrams dispose de munitions à l’uranium appauvri, plus performantes contre les blindages réactifs modernes
Le char israélien est doté d’un mortier léger de 60 mm, utile en combat urbain
Ces différences reflètent les priorités stratégiques de chaque nation. Israël se concentre sur la polyvalence en milieu urbain, tandis que les États-Unis privilégient la supériorité face aux blindés adverses.
Mobilité et protection : des philosophies distinctes
En termes de mobilité, l’Abrams a longtemps eu l’avantage avec une vitesse de pointe supérieure à 65 km/h. Le Merkava IV a en revanche rattrapé son retard grâce à un nouveau moteur de 1500 chevaux, atteignant désormais les 64 km/h. L’autonomie du char israélien reste supérieure, avec 500 km contre 425 pour son homologue américain.
Côté protection, le Merkava IV se distingue par son système de protection active Trophy. Ce dispositif révolutionnaire, capable d’intercepter les missiles antichars, a prouvé son efficacité au combat. L’Abrams, bien que doté d’un blindage composite extrêmement résistant, ne dispose pas encore d’un tel système, le rendant plus vulnérable face aux menaces modernes.
Le char israélien intègre également des innovations uniques pour la survie de l’équipage :
Moteur placé à l’avant, servant de bouclier supplémentaire
Trappe d’évacuation à l’arrière
Chaînes à boules pour dévier les roquettes
Ces caractéristiques illustrent l’importance accordée par Israël à la protection de ses soldats, une priorité née des expériences de combat intensif dans des environnements hostiles.
Adaptation aux théâtres d’opérations : polyvalence contre spécialisation
Le Merkava IV excelle dans la défense et le combat urbain, répondant aux besoins spécifiques d’Israël. Sa capacité à transporter des fantassins (jusqu’à 4 soldats) en fait un outil polyvalent sur le champ de bataille. L’Abrams, quant à lui, est conçu pour des opérations offensives rapides sur de longues distances, reflétant la doctrine militaire américaine.
Voici un tableau comparatif résumant les forces de chaque char :
En définitive, déterminer lequel de ces deux titans l’emporterait dans un affrontement direct relève de la spéculation. Chacun excelle dans son domaine et répond aux besoins spécifiques de son armée. Le Merkava IV se distingue par sa survivabilité exceptionnelle et sa polyvalence, tandis que l’Abrams reste une référence en matière de puissance de feu et de mobilité offensive.
L’évolution constante des technologies de blindage et de protection active, comme celle développée par Israël, pourrait bien redéfinir les standards des chars de combat du futur. Les armées du monde entier observent attentivement ces innovations, cherchant à adapter leurs propres véhicules aux défis des conflits modernes.
L’exercice est devenu récurrent. Chaque discussion budgétaire est propice à la remise en cause du projet franco-allemand de système de combat terrestre principal (MGCS) et aux interrogations quant à la pérennité du char Leclerc. L’examen du budget 2025 par la commission défense de l’Assemblée nationale n’y fait pas exception, nouvelle salve d’amendements infructueux à la clef.
Caramba, encore raté. Une poignée d’amendements portant sur l’avenir de la fonction char ont été déposés par des groupes parlementaires n’ayant jamais fait mystère de leur opposition vis-à-vis des projets capacitaires franco-allemands. Si tous ont été rejetés, certains avaient au moins le mérite de dépasser l’habituel abandon du MGCS ou l’adoption de l’EMBT – un objet… franco-allemand – pour miser davantage sur l’évolution du char Leclerc.
Entre autres tentatives, celle proposée par le Rassemblement national pour une solution de transition basée sur le Leclerc Evolution, une variante embarquant un canon ASCALON de 120 mm et plusieurs nouvelles briques de protection. L’acquisition en 2025 de six exemplaires, au coût unitaire estimé à 8 M€, aurait permis selon le RN « de consacrer l’évolution du Leclerc et son exportation, au même titre que l’évolution du char allemand Leopard, dont les nouveaux modèles sont déjà exportés en Europe, en attendant que le MGCS ne les remplace tous les deux ».
L’ambition était moindre dans des socialistes focalisés sur la survivabilité du Leclerc rénové face aux armements antichars, à commencer par les munitions téléopérées. « La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative et pourrait entrainer, sans une réponse matérielle adaptée, une incapacité opérationnelle de nos unités blindées », ont observé les députés LFI-NFP. Essentiellement symbolique, la proposition trouve en réalité un écho dans une double démarche conduite de longue date par la Direction générale de l’armement. Ce sont les programmes d’auto-protection soft-kill et hard-kill PRONOÏA et PROMETEUS portés par Lacroix Defense d’un côté et par Thales et KNDS France de l’autre.
« Les besoins militaires de l’armée de Terre nous ont bien indiqué lors des auditions que les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré », rappelait Isabelle Santiago, rapporteur pour avis sur la préparation et l’emploi des forces terrestres. Si « il faut redonner les moyens de pérenniser, de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040-2045 », la députée socialiste rappelle que « l’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire».
« Nous sommes un certain nombre à partager un intérêt pour soutenir les évolutions du char Leclerc, notamment pour que nos industriels soient en capacité de proposer des solutions innovantes mais plutôt en vue du char MGCS », relativisait pour sa part le rapporteur pour avis du programme 146, François Cormier-Bouligeon. « Ce qui compte, c’est d’investir dans les briques », des briques aujourd’hui conjointes mais qui pourront aussi venir alimenter un éventuel programme alternatif, notait-il.
Surtout, certaines idées se heurtent désormais au mur de l’austérité budgétaire. « Je ne suis pas certain que nous soyons en capacité les uns et les autres, mais à commencer par nous, de développer des solutions souveraines », admettait le député Renaissance. Les crédits prévus en loi de programmation militaires se concentrent, du moins en surface, sur les études relatives au MGCS et sur les efforts de rénovation et de pérennisation du Leclerc, tous deux lancés en amont. Et si le ministère des Armées envisageait sa trajectoire budgétaire comme un socle éventuellement renforcé par des crédits nouveaux, ce scénario paraît maintenant bien moins probable au vu de l’état de santé des finances publiques et des restrictions imposées à d’autres. À enveloppe fermée, tout changement de direction risquera de peser sur d’autres lignes tout autant urgentes. La coopération européenne reste donc le seul horizon, en attendant le point d’étape sur le projet franco-allemand promis par le ministre des Armées pour l’an prochain.
Depuis le 28 octobre 2024, des rapports indiquent que la Russie utilise des chars anciens de la Seconde Guerre mondiale sur le front en Ukraine. Face à des difficultés matérielles et logistiques, Moscou a décidé de recourir à des équipements militaires « vintage » pour combler les lacunes de son arsenal moderne. Des modèles emblématiques comme le T-34, le IS-3, et le canon automoteur ISU-152 ont été repérés, marquant un tournant stratégique surprenant.
Les modèles de chars de la Seconde Guerre mondiale repérés en Ukraine
Ces véhicules représentent des reliques militaires, autrefois au cœur des batailles de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, leur technologie et leurs capacités sont dépassées par les standards modernes, mais ils possèdent encore certains atouts dans des situations spécifiques.
Le T-34 : le char de légende
Production : 1939 – 1958, principalement en URSS.
Armement : Initialement équipé d’un canon de 76,2 mm, puis amélioré avec un canon de 85 mm pour contrer les blindés allemands.
Blindage et mobilité : Grâce à une inclinaison intelligente de son blindage, le T-34 offrait une protection renforcée contre les tirs directs. Sa capacité à évoluer sur différents terrains et sa relative vitesse en faisaient un char redoutable pour l’époque.
Les experts estiment qu’environ 80 000 unités de T-34 ont été produites, et plusieurs pays en possèdent encore. En raison de sa facilité d’entretien et de sa conception robuste, ce char reste fonctionnel, mais face aux armes antichars modernes, sa survie serait limitée.
L’IS-3 : la réponse soviétique aux chars lourds
Conception : Mis en service en 1945, le char IS-3 (Iosif Stalin) visait à surpasser les chars lourds allemands tels que le Tiger II.
Blindage : Sa particularité réside dans son blindage avant, formé en pointe de flèche, un choix technique qui améliore sa résistance aux projectiles. Sa conception était en avance sur son temps et a influencé la conception de chars modernes.
Armement : Équipé d’un canon de 122 mm, l’IS-3 pouvait engager des cibles lourdes à des distances modérées.
L’IS-3, bien qu’impressionnant, souffre d’une vitesse de déplacement lente, de difficultés de manœuvre, et d’un habitacle étroit, rendant son équipage vulnérable dans les combats modernes. Peu adapté aux besoins de mobilité des guerres contemporaines, ce modèle reste néanmoins intimidant en parade militaire.
L’ISU-152 : le « Briseur de fortifications »
Rôle stratégique : Le canon automoteur ISU-152 a été conçu pour des opérations de destruction massive contre des structures défensives et des positions fortifiées.
Armement : Son obusier de 152 mm est capable de tirer des projectiles explosifs puissants, idéaux pour neutraliser des bunkers et des formations de blindés.
Limites : Ce modèle est lourd et son armement principal, bien que destructeur, manque de précision à longue distance, ce qui limite son efficacité dans les environnements de combat modernes.
L’ISU-152, surnommé le « Zveroboy » (tueur de bêtes), a été produit à environ 4 600 exemplaires. Toutefois, son impact reste limité en raison de la lenteur de son canon à se repositionner et de sa faible cadence de tir.
Contexte stratégique : pourquoi la Russie déploie ces vieux chars en Ukraine ?
L’apparition de ces chars relève d’une stratégie de dernier recours. Plusieurs facteurs contribuent à cet usage :
Pénurie de matériel moderne : Les rapports indiquent que la Russie fait face à un épuisement de son équipement militaire moderne, dû à une consommation excessive en raison de la durée du conflit.
Mobilisation des ressources de réserve : Face à une pression logistique croissante, le Kremlin se tourne vers des équipements des entrepôts. L’objectif serait de compenser les pertes matérielles tout en conservant les ressources modernes pour des opérations plus stratégiques.
Usage dans des scénarios d’entraînement ou pour des campagnes de propagande : La réintroduction de ces véhicules sur le terrain pourrait aussi être un message adressé à la population russe et aux observateurs étrangers, symbolisant une résilience historique.
Selon Anton Gerashchenko, ex-ministre ukrainien de l’Intérieur, « des vidéos montrent un T-34, un IS-3 et un ISU-152, tous issus de la Seconde Guerre mondiale ». Son analyse laisse entendre que la Russie pourrait utiliser ces chars pour former les recrues ou même préparer des parades symboliques.
NOELREPORTS, une source d’information sur Twitter, confirme également la présence de ces équipements en précisant qu’ils « ont été sortis de l’entrepôt ». De nombreux analystes estiment qu’ils pourraient être utilisés pour des démonstrations de force ou des manœuvres dans des zones sécurisées loin des lignes de front actives.
Vieux chars russes : Une stratégie de la dernière chance… mais pas que
Avantages potentiels
Utilisation dans des zones rurales ou en soutien logistique : Ces chars pourraient être efficaces dans des contextes limités, où l’ennemi dispose de peu d’armes antichars modernes.
Effet dissuasif psychologique : Bien que datés, ces modèles de chars peuvent créer une forte impression, rappelant aux observateurs les sacrifices et la persévérance de la Russie durant la Seconde Guerre mondiale.
Limites et vulnérabilités
Vulnérabilité aux armes modernes : Ces chars seraient facilement neutralisés par des missiles antichars modernes tels que le Javelin ou le NLAW.
Obsolescence technique : Comparativement aux chars contemporains, leur blindage, leur puissance de tir et leur maniabilité sont inférieurs, réduisant leur impact sur le champ de bataille moderne.
Le retour de ces véhicules anciens reflète une situation difficile pour l’armée russe. Elle semble être poussée à trouver des solutions alternatives face aux pertes cumulées et aux sanctions internationales qui entravent la production de matériel moderne. Cette stratégie de « recyclage » pourrait avoir des impacts à court terme, mais demeure une solution temporaire qui révèle la complexité croissante de maintenir un front actif en Ukraine.
Ces chars, bien qu’emblématiques, risquent de devenir des cibles faciles pour les forces ukrainiennes mieux équipées. En somme, ce déploiement symbolise davantage une tentative de pallier une pénurie plutôt qu’une réelle avancée stratégique.
Des chars Leclerc rénovés sont arrivés au 12e régiment de cuirassiers d’Olivet (Loiret) et au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers (Var), annonçait ce matin le ministère des Armées.
« La semaine dernière, le centre d’entraînement Provence [géré par le 1er RCA] et le 12e régiment de cuirassiers ont réceptionné deux chars Leclerc », a indiqué le ministère des Armées lors de son point presse hebdomadaire. Cette perception permettra au 1er RCA d’entamer un nouveau chapitre dans sa mission de formation des pilotes et tireurs des régiments de cavalerie.
L’ampleur de cette rénovation à mi-vie est connue de longue date : protection renforcée contre les engins explosifs improvisés, mines et roquettes ; refonte de la conduite de tir ; intégration dans la bulle SCORPION par l’installation de la radio CONTACT et du système d’information du combat SCORPION ; traitement des obsolescences lourdes.
Certains kits arriveront plus tard, à l’instar d’un tourelleau téléopéré T2B conçu par l’armurier belge FN Herstal et intégré à compter de fin 2025. D’autres efforts relatifs à la fonction agression devraient se concrétiser l’an prochain. De nouveaux viseurs pour le chef de char et le tireur seront par ailleurs installés à partir de 2028 via un autre marché, rappelait le ministère.
« La rénovation du char Leclerc lui permettra de rester en service jusqu’à l’arrivée dans les forces du futur système [principal] de combat terrestre, le MGCS », a complété le ministère des Armées.
La loi de programmation militaire prévoit la rénovation de 160 chars Leclerc d’ici fin 2030, un étalement qui conduira à atteindre la cible initiale des 200 exemplaires rénovés en 2035. Selon le ministère des Armées, 15 des 21 chars attendus en 2024 ont été livrés aux régiments et formations concernés à ce jour. Ils s’ajoutent aux 13 chars perçus en 2022 et 2023.
Deux tranches de 50 chars rénovés ont jusqu’à présent été actées auprès de l’industriel en charge, KNDS France. Un troisième lot englobant les 100 derniers exemplaires devrait en théorie être notifié cette année.
Depuis 2022, au titre de la mission Aigle, la France est la nation-cadre d’un groupement tactique multinational déployé en Roumanie dans le cadre du renforcement de la posture défensive et dissuasive de l’Otan en Europe de l’Est. Or, ce pays est traversé par le massif des Carpates, lequel compte plusieurs sommets culminant à plus de 2500 mètres d’altitude.
Aussi, les forces françaises participent régulièrement à des exercices de combat en montagne avec leurs homologues roumaines, l’objectif étant d’améliorer leur interopérabilité et de partager leurs savoir-faire respectifs.
Cela étant, le combat en montagne n’est pas la seule affaire des fantassins. En effet, parmi ses unités, la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne [BIM] compte le 4e Régiment de Chasseurs, dont la spécialité est le combat blindé en milieu montagneux. Et celui-ci s’apprête à mener un exercice « grandeur nature », appelé « Edelweiss 24 ».
Devant se dérouler en terrain libre, plus précisément sur les cols de la Bonette, de la Cayolle et d’Allos ainsi que dans les vallées de l’Ubaye et du Drac, entre les 13 et 18 octobre, cet exercice « inédit » de « combat blindé en montagne » sera l’occasion pour le 4e Chasseurs de « déployer l’ensemble de ses unités au profit d’un entraînement interarmes, interarmées et interalliés », explique l’armée de Terre.
Outre les « cavaliers des cimes », ces manœuvres mobiliseront d’autres unités de la 27e BIM ainsi qu’un détachement du Light Dragoons de la British Army.
Au total, 450 soldats y prendront part, avec plus d’une centaine de véhicules, dont des quads Polaris MV850 [le 4e Chasseurs en compte huit], des motos, des Véhicules blindés légers [VBL] et, évidemment, des AMX-10RC. Des drones seront aussi de la partie, l’un des objectifs étant de préparer le régiment aux « évolutions technologiques et tactiques », comme celles constatées en Ukraine.
« Cette manœuvre en terrain libre de cinq jours aura pour objectif d’entraîner le 4e Régiment de Chasseurs dans son milieu de prédilection à l’heure où les conflits en zones montagneuses se multiplient [Caucase, Liban, etc.] », résume l’armée de Terre.
À noter que la communauté de communes de Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon se félicite de la tenue de cet exercice sur son territoire, ce qui mérite d’être souligné. « Du 13 au 18 octobre , les forces militaires seront présentes dans le col de Restefond dans le cadre de l’exercice Edelweiss 24. […] Ce site, marqué par son histoire militaire, retrouve son rôle stratégique pour un entraînement de grande ampleur. […] Cette manœuvre rappelle le lien fort qui unit notre vallée à ses racines militaires et l’importance de l’entrainement des forces armées », rappelle-t-elle.
À l’occasion du dernier salon Eurosatory, deux équipements français ont suscité une attention toute particulière : le Caesar MkII et le Leclerc Évolution, tous deux présentés par KNDS France, anciennement Nexter.
En effet, ces deux systèmes de combat terrestres synthétisent, en quelque sorte, tout le potentiel que l’ingénierie française peut apporter en matière de combat terrestre, en étant à la fois mobiles, performants et innovants, tout en ne cédant pas à l’hypertechnologisme qui touche parfois ce secteur, et ainsi proposer des prix très attractifs, en tout cas pour le Caesar MkII, puisque le prix du Leclerc Évolution n’a pas été évoqué.
Pourtant, le destin de ces deux équipements, pourrait être très différent. En effet, là où l’Armée de terre a d’ores-et-déjà commandé 109 Caesar MK2 pour former l’ossature de son artillerie mobile dans les années à venir, le Leclerc Évolution, lui, n’a pas semblé susciter l’intérêt de l’état-major, pas davantage de la DGA et du ministère des Armées, liés par des contraintes budgétaires et des programmes à mener à leur terme.
Dès lors, si le Caesar MkII a déjà entamé sa carrière internationale, en Belgique et en Lituanie, le nouveau char de KNDS France, semble, aujourd’hui, destiné à venir enrichir les longues listes des équipements de grandes valeurs, promis à une carrière internationale exceptionnelle, mais fauchés avant même d’avoir commencé dans leur élan, par des considérations contestables.
En effet, comme nous le verrons, Le Leclerc Évolution n’a pas seulement le potentiel de redonner à l’Armée de terre la puissance de feu et de manœuvre lors d’engagements symétriques féroces, ainsi que la masse lui permettant de soutenir dans la durée un tel engagement.
Il a également, face à lui, un marché international, adressable par la France, plus que considérable avec 8936 chars à remplacer dans le monde, qui n’attend qu’un coup de pouce, disons plutôt de l’avant-bras, du ministère des Armées, pour être efficacement démarché.
Sommaire
Avec 200 Leclerc modernisés, l’Armée de terre ne peut que partiellement remplir ses engagements vis-à-vis de l’OTAN
Dans un précédent article, nous avons montré que le format de la chasse française, visant à doter l’Armée de l’Air de 185 avions de combat, et l’Aéronaval de 40 appareils, était très en deçà des besoins, en particulier pour ce qui concerne les engagements pris par la France vis-à-vis de l’OTAN.
Le même Livre Blanc de 2013, à l’origine du format de l’aviation combat, avait également décidé de ramener le parc de chars de combat de l’Armée de terre à 200 exemplaires, entre autres choses. Or, ce format suffit à peine à armer efficacement deux brigades « lourdes », celles-là mêmes qui sont au cœur d’un engagement potentiel en Europe centrale.
Le fait est, Paris s’est également engagé, vis-à-vis de l’OTAN, à déployer à la demande de l’Alliance, une division forte de deux brigades et 12 à 15 000 hommes, formant une division, et les capacités de commandement pour diriger le corps d’armées du théâtre sud-European, autour de la Roumanie et de la Bulgarie.
Avec six brigades organiques, moyennant quelques délais, cet objectif semblait alors réaliste aux planificateurs français. Toutefois, dans cet organigramme, seules deux brigades étaient qualifiées de lourdes, alors que deux brigades, dites moyennes, s’apparentaient à des Brigades d’infanterie motorisée. Les deux dernières, dites légères, étaient composées d’unités d’infanterie de Marine, de la Légion, des troupes aéroportées et de montagne.
Depuis, la guerre en Ukraine a montré qu’il était très hasardeux, pour ne pas dire suicidaire, d’engager des troupes d’infanterie motorisée, voire des troupes légères, sans disposer de l’appui de blindés lourds et de l’artillerie, et donc de chars de combat. En outre, l’attrition constatée est telle, que l’absence de réserves, y compris à l’échelon divisionnaire, peut s’avérer rapidement catastrophique.
Or, avec seulement 200 chars Leclerc, même modernisés, l’Armée de terre ne dispose ni de cette capacité à déployer en permanence les deux régiments de chars nécessaires pour appuyer et accompagner les forces d’infanterie de ses deux brigades, ni des réserves indispensables pour absorber l’attrition et l’usure rapide des matériels.
Pour répondre à ce besoin, la création d’au moins deux régiments de chars supplémentaires, un par brigade moyenne, s’avèrerait nécessaire, ainsi que la création d’un tampon opérationnel équivalent à un régiment, soit un total de 160 à 190 chars supplémentaires, mais aussi 2500 à 3000 hommes supplémentaires à recruter au sein de la Force Opérationnelle Terrestres.
Dans un tel modèle, il est aisément envisageable de transférer les nouveaux chars aux régiments cuirassiers actuels, et de doter les deux régiments formés de gardes nationaux, et encadrés par des militaires d’active, ainsi que le régiment de réserve, des Leclerc MLU, pour assurer la rotation des moyens déployés, et une résilience au contact minimale.
Cependant, l’investissement nécessaire à une telle transformation, mobiliserait autour de 4 Md€ d’équipements et infrastructures, et 200 m€ supplémentaires par an, soit plus de la moitié des crédits accordés par la LPM 2024-2030 au programme SCORPION. On comprend, dès lors, les réticences de l’Armée de Terre à ce sujet, sachant qu’elle ne dispose d’aucune marge budgétaire, et pas davantage de marges de manœuvre programmatique, tant l’ensemble de son parc est aujourd’hui sous tension.
Le Leclerc Évolution, la solution inespérée de KNDS pour compléter l’inventaire lourd de l’Armée de terre
Reste que le besoin de chars lourds supplémentaires pour l’Armée de terre est là, et bien là, et que l’adversaire potentiel n’aura que faire des explications budgétaires françaises, le cas échéant. C’est dans ce contexte qu’est apparu, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, le Leclerc Évolution.
Présenté par KNDS France, aux côtés du Leopard 2A-RC3.0 de KNDS Deutschland, le Leclerc Évolution a été une véritable surprise, pour l’immense majorité des spécialistes de ce domaine. Non pas dans sa configuration, puisqu’il reprend, dans ses grandes lignes, celle du démonstrateur EMBT présentés quelques mois auparavant en Égypte, mais dans son positionnement commercial.
En effet, pour KNDS, le Leclerc Évolution, est un char de génération intermédiaire, comme le Leopard 2A-RC3.0, le KF51 de Rheinmetall, ou le futur M1E3 américain, destiné à assurer l’intérim entre les Leopard 2A6/7/8 et Leclerc MLU actuels, et le futur, et hypothétique, programme MGCS franco-allemand, prévu pour 2040, voire 2045.
À l’instar du char allemand, le nouveau Leclerc fait la synthèse entre tout ce qui fonctionne bien et même très bien sur le Leclerc MLU, comme son train roulant, sa propulsion, son système de chargement automatique, et sa visée dynamique, améliore ce qui doit l’être, comme sa vetronique, son système de combat et de communication, et son armement, et ajoute des capacités supplémentaires faisant la plus-value du modèle, comme un système APS hard kill, un tourelleau automatique à fort débattement, et un quatrième membre d’équipage, en charge des systèmes comme les drones, les missiles et le système de défense.
Par ailleurs, le char présenté à Eurosatory par KNDS, ne doit pas être considéré comme un modèle de pré-série, ni même un prototype, puisqu’il peut intégrer de nombreuses évolutions, avant d’arriver à ce stade, selon les besoins des éventuels clients.
De fait, le Leclerc Évolution a été salué, apprécié, et parfois encensé, par l’ensemble des spécialistes, tous se heurtant toutefois à la frustration, déjà sensible, du refus de l’Armée de terre de s’en équiper. Or, sans commande française, la carrière internationale du Leclerc Évolution sera immanquablement compromise, comme ce fut le cas précédemment avec le Super Mirage 4000 de Dassault, ou avec le Krab d’Arquus, tous deux pourtant promis à un brillant avenir.
Un risque budgétaire très limité, avec un marché international potentiellement accessible de 8936 chars de combat à remplacer
En effet, le Leclerc Évolution pourrait arriver, s’il est lancé rapidement, et donc commandé par la France, sur un marché international qui n’aura jamais été tant en demande de ce type de modèle, depuis les années 70 et 80.
Et pour cause, un grand nombre d’armées, sur tous les continents, mettent encore en œuvre de vastes flottes de chars datant de cette période, comme les T-72 soviétiques, les Leopard 1 allemands, ou encore les M60 et M48 américains.
Si ces blindés pouvaient encore s’avérer efficaces, en constituant de la masse, jusqu’il y a peu, leur vulnérabilité aux systèmes antichars modernes et aux drones, ainsi que l’écart de performances avec les nouveaux chars qui arrivent à présent, va obliger un grand nombre d’armées à les remplacer.
De ce marché, la France et le Leclerc Évolution ne pourront évidemment en adresser qu’une partie. D’abord, pour optimiser, au sein du groupe KNDS, les chances de succès, alors que le Leopard 2A8/X semble s’imposer comme le choix de prédilection d’une grande partie des armées en Europe.
Ensuite, pour des questions de sphère d’influence. Inutile, pour Paris et KNDS, de tenter de s’imposer au Vietnam, proche de Moscou, ou en Algérie, à mi-chemin entre la Russie et la Chine, ou en Malaisie, qui se rapproche, chaque jour davantage, de la Turquie.
Enfin, pour des questions de cohérences. Pas question, pour la France, de vendre des équipements militaires à la Turquie, tout en ayant signé un accord de défense avec la Grèce. Elle laisse cela aux États-Unis, et aux Britanniques, pour qui le sujet ne semble pas poser de problème. De même, il serait hors de question de vendre des équipements au Pakistan, face à l’Inde.
Pour autant, sur le marché restant, le nombre de chars de seconde génération et troisième génération, devant être prochainement remplacés, atteint le chiffre astronomique de 8936 blindés.
Grèce, Croatie, Belgique : un marché européen potentiel de 1147 chars non fléché vers le Leopard 2
Si l’Europe est la chasse gardée de KNDS Deutschland, et de la famille Leopard 2, la France, et le Leclerc Evo, auraient pourtant trois cartes à jouer, vis-à-vis de pays particulièrement proches, aux besoins spécifiques.
Ainsi, la Croatie a montré, ces dernières années, une appétence toute particulière pour les équipements militaires français, en se portant acquéreuse de 12 Rafale d’occasion, de missiles Mistral 3, et plus récemment, du canon Caesar. Or, le pays aligne encore aujourd’hui, 75 chars lourds M84 yougoslaves modernisés, dérivé du T-72, qu’il sera nécessaire de remplacer dans les années à venir.
La Composante terrestre belge, elle, n’a plus de chars de combat depuis 2014, date du retrait du dernier Leopard 1 des forces armées du pays. Rien n’indique, à ce jour, que Bruxelles envisagerait de faire marche arrière dans ce domaine. Toutefois, au travers du programme CaMo, les autorités belges ont montré leur détermination à accroitre l’interopérabilité avec l’Armée de terre française.
De fait, si celle-ci venait à acquérir trois régiments de Leclerc Évolution, comme évoqué plus haut, il y a fort à parier que Bruxelles embarquerait également dans ce programme, pour une soixantaine de blindés, soit un régiment, respectant ainsi le ratio actuel de format entre la Composante terrestre, et la Force Opérationnelle Terrestre française. Le pays devant sensiblement accroitre ses crédits de défense dans les années à venir, pour atteindre les 2% PIB réclamés par l’OTAN, le budget nécessaire ne serait certainement pas un obstacle.
Le plus grand potentiel, pour le Leclerc Evo, en Europe, serait, cependant, la Grèce. D’une part, Athènes et Paris ont considérablement accru leur coopération défense ces dernières années, avec l’achat de 24 avions Rafale et de 3 frégates FDI, ainsi que des négociations ouvertes autour du VBCI et des corvettes Gowind 2500. En outre, les deux pays ont signé un accord de défense avec clause d’assistance mutuelle en 2021.
D’autre part, Athènes va devoir remplacer pas moins de 520 Leopard 1 et 492 M60 et M48, pour continuer à tenir en respect la Turquie, en particulier en Thrace orientale et à Chypre. Le terrain sur ces théâtres, est bien plus adapté pour un char de combat plus léger, comme le Leclerc Évolution, face au Leopard 2 ou à l’Abrams Américain.
En Afrique, l’Égypte et le Maroc devront remplacer 2510 chars de combat dans les années à venir
Chose rare, ce n’est pas le Moyen-Orient qui représente l’un des deux marchés les plus prometteurs pour le nouveau char français, mais l’Afrique. En effet, deux pays africains, l’Égypte et le Maroc, disposent aujourd’hui d’une très vaste flotte de chars de seconde génération, qu’il faudra remplacer prochainement.
L’Égypte est, comme la Grèce, l’Inde ou les Émirats Arabes Unis, un partenaire de longues dates de l’industrie de défense française. Ce fut notamment le Caire qui, le premier, commanda des Mirage 2000 sur la scène internationale, et le premier à commander des Rafale en 2015, ouvrant la voie aux fructueuses carrières internationales de ces deux avions de combat, exportés tous deux, aujourd’hui, à près de 300 exemplaires.
En matière de chars, cependant, l’Égypte s’était massivement tournée vers des modèles américains, M48, M60 puis M1, après les accords de camps David, et la rupture avec l’Union soviétique. Ces dernières années, Le Caire semblait à nouveau se rapprocher de Moscou, avec la commande de Su-35s et de T-90S. Toutefois, l’une et l’autre de ces commandes ont tourné court, probablement en lien avec l’intervention des États-Unis et de la législation CAATSA.
Aujourd’hui, le Caire se trouve donc en situation difficile, ne pouvant se tourner vers la Russie, et ne voulant pas spécialement se tourner vers les États-Unis, ni vers l’Allemagne, pour moderniser les quelque 1150 M60 et M48, ainsi que les 500 T-55 encore en service. La Corée du Sud avec le K2, comme la Chine avec le VT4, tentent de séduire les autorités égyptiennes.
Cependant, un modèle français, adapté à ses propres besoins, serait incontestablement considéré avec bienveillance par les autorités du pays, raison pour laquelle, en janvier dernier, KNDS avait présenté l’EMBT, et non le Leopard 2A8, lors du salon de l’armement qui se tenait dans la capitale Égyptienne.
La situation du Maroc est sensiblement différente. Rabat entretient, en effet, d’excellentes relations avec Washington, mais aussi avec Pékin et Séoul, et ne manque pas d’options pour remplacer les 210 T-72 et 650 M60 et M48 actuellement en service.
Cependant, le changement de posture récent de la France, concernant le Sahara Occidental, appellera certainement des actions de réciprocité, qui pourraient porter sur la commande de Rafale pour remplacer les Mirage F1 marocains, ou, éventuellement, de chars Leclerc Évolution, si celui-ci était effectivement proposé sur le marché, tout en étant en service au sein des armées françaises.
Arabie Saoudite, EAU, Jordanie… : un potentiel de 1495 chars au Moyen-Orient
Si le marché moyen-oriental ne représente pas le plus haut potentiel mondial, pour le Leclerc Evo, il est tout sauf négligeable, cependant. En effet, pas moins de cinq pays vont devoir moderniser tout ou partie de leur flotte de chars de combat dans les années à venir, et le char français, y aurait toutes ses chances.
Les Émirats arabes unis sont, aujourd’hui, détenteurs de la plus importante commande d’armement passée par un pays étranger à l’industrie de défense française, avec la commande de 80 Rafale et divers équipements, pour 14 Md€, en 2022. Abu Dhabi avait aussi été le seul client export du char Leclerc, en son temps.
C’est précisément pour remplacer ces 354 chars Leclerc, que les EAU pourraient souhaiter se tourner vers le Leclerc Evo, ce d’autant qu’ils ont, semble-t-il, été très satisfaits du comportement du blindé français au combat, au Yemen, et que le Leclerc Evo partagera un nombre significatif de composants avec le Leclerc EAU, permettant de capitaliser sur les infrastructures de maintenance et de mise en œuvre déjà déployée.
L’Arabie Saoudite, pour sa part, a longtemps été le plus important client de la BITD française, en particulier dans les domaines terrestre et naval. Ces dernières années, les tensions entre Paris et Ryad ont lourdement altéré cette dynamique, qui semble toutefois à nouveau évoluer dans le bon sens, depuis quelques mois, avec des négociations autour du Rafale et du Sous-marin Scorpene, spécifiquement.
Comme le Caire, Riyad a des relations distendues avec les États-Unis, comme avec l’Allemagne, et pourrait fort bien se tourner vers la Corée du Sud, ou la Chine, pour remplacer ses quelque 370 M60 et 130 AMX30 encore en services.
Toutefois, l’amélioration des relations franco-saoudiennes, et les performances du Leclerc Évolution, sensiblement supérieures à celles du K2 et du VT4, pourraient bien donner un avantage certain à KNDS France dans cette compétition, surtout si l’industrie saoudienne était intégrée au programme.
Bien que disposant de moyens limités, la Jordanie aligne une force armée conséquente. Son parc de chars lourds intègre, notamment, 190 Challenger 1 britanniques, 80 Leclerc EAU acquis d’occasion auprès d’Abu Dhabi, et 182 M60 américains. Tous devront être remplacés à plus ou moins courte échéance, et le nouveau char de KNDS France pourrait bien faire figure de favori dans ce pays, le cas échéant.
Enfin, Oman et Bahreïn alignent respectivement 79 et 100 M60/M48, devant tous être remplacés à court ou moyen termes, d’autant plus rapidement que le Moyen-Orient risque l’embrasement, et que le statu quo imposé par la présence américaine permanente, pourrait bien s’affaiblir au fur et à mesure que le Pentagone devra concentrer ses moyens dans le Pacifique.
Géorgie et Arménie : 200 chars à remplacer auprès des alliés du Caucase
Le Caucase n’est ni un marché traditionnel pour la France, ni un marché particulièrement volumineux. Pour autant, la Géorgie comme l’Arménie, deux pays proches de l’Europe, et de la France, ne disposent aujourd’hui, chacun, que d’une centaine de chars T-72 ou dérivés, pour assurer leur défense contre la Russie, ou contre l’Azerbaïdjan et la Turquie, respectivement.
Dans ce contexte, l’arrivée du Leclerc Évolution, en lieu et place des modèles soviétiques, pourrait sensiblement transformer la dynamique, si pas le rapport de force, et tendre à stabiliser les menaces. Et puis, si on peut indisposer Bakou, n’est-ce pas ?
En Asie, l’Inde et la Thaïlande représente un marché potentiel de 2693 chars de combat
L’Asie est, aujourd’hui, le continent le plus prometteur pour les exportations du Leclerc Évolution. Et ce, en raison de la volonté de New Delhi, de remplacer ses quelque 2410 chars T-72 d’origine soviétique.
L’Inde est régulièrement le plus important client de l’industrie de défense française. Ces dernières années, le pays a ainsi commandé 6 sous-marins de la classe Scorpene, et 36 avions Rafale. Deux contrats supplémentaires doivent être signés, par ailleurs, cette année, pour 26 Rafale et trois sous-marins Scorpene supplémentaires, pour la Marine indienne.
Concernant le remplacement des T-72, la masse du Leclerc, sensiblement inférieure à celle du Léo 2 ou du M1 Abrams, constitue un sérieux avantage pour le char français, tout comme ses performances et capacités opérationnelles supérieures face au T-90S russe et au K-2 sud-coréen.
Tout dépendra, dans ce dossier, du prix demandé par KNDS pour le Leclerc Évolution, et des options de construction locale et de transferts de technologies proposées, New Delhi exigeant, d’ici deux ans, à ce que 75 % de la valeur ajoutée d’un contrat d’armement majeur, soit produite dans le pays.
Bien que très inférieur en volume aux besoins indiens, le remplacement des 283 M60 thaïlandais, représenterait aussi, un marché adressable pour KNDS, même si Bangkok s’est déjà tourné, à ce sujet, vers le VT4 chinois, pour entamer la modernisation de son parc de chars de combat.
Argentine, Chili et Brésil : un besoin à venir de remplacer 891 chars
Par sa géographie spécifique, et sa géopolitique singulière, l’Amérique du Sud n’est pas le marché le plus prometteur pour un nouveau char de combat. Elle représenta pourtant un vase d’expansion confortable et bienvenue pour le Leopard 1 de Krauss-Maffei Wegmann, devenu KNDS Deutschland, lorsque le marché européen vint à se tarir.
Ainsi, l’Argentine (230), le Chili (140), l’Équateur (220) et le Brésil (590), alignent un parc de chars Leopard 1, souvent supérieur à celui de Leclerc de l’Armée de terre française. Le Pérou, lui, a conservé les 280 chars T-55 d’origine soviétique, toujours en service.
Au total, donc, ce sont pas moins de 891 chars qui devront être remplacés par un modèle plus récent en Amérique du Sud, sans toutefois que le rapport 1 pour 1 soit respecté, comme d’ailleurs dans l’ensemble des pays évoqués dans cet article.
On remarque, à ce titre, que ces pays sud-américains sont souvent dans la ligne de mire de Naval Group et de son Scorpene Evolved pour remplacer les Type 209 et 206 allemands, dans celle de Dassault Aviation pour placer le Rafale, ainsi que de KNDS, pour le Caesar. Il y a donc une convergence d’intérêts, pour la BITD française, en Amérique du Sud, chaque composante majeure ayant un produit phare pour séduire, avec une synergie globale qui reste cependant à élaborer.
Quelles devront être les qualités du Leclerc Évolution international pour s’imposer dans ces compétitions
Reste que, dans l’immense majorité des cas évoqués, ici, le besoin identifié repose sur le remplacement de chars moyens, comme le T-72, le Leopard 1 ou le M48/60, des blindés souvent plus légers, beaucoup plus rustiques, et considérablement moins onéreux que ne le sont les chars de génération intérimaire.
De fait, au-delà des aspects de performances, de puissance de feu et de technologie, deux facteurs clés devront guider les ingénieurs de KNDS, dans la conception finale du Leclerc Évolution, pour le mettre dans les meilleures conditions pour s’imposer sur ce marché colossal, de presque 9000 machines à remplacer, adressable par l’industriel français.
Le premier, est la masse au combat du blindé. Que ce soit dans les déserts africains ou moyen-orientaux, les montagnes des Andes, du Caucase ou de l’Himalaya, ou dans les forêts denses du Brésil, de Thaïlande ou d’Équateur, la masse constituera un critère déterminant de la mobilité, donc du potentiel opérationnel du blindé. Si une masse supérieure à 55 tonnes est certainement à proscrire dans une majorité de cas, une masse autour de 50 tonnes constituerait, en revanche, un atout de taille sur ces marchés.
L’autre critère, et ce n’est certainement le plus simple à adapter, sera le prix. En effet, si le Leclerc était compétitif face au Leopard 2A4 ou au M1A1, en son temps, le Leclerc Évolution devra, lui, se confronter au K2 sud-coréen, au T-90S russe et au VT4 chinois, des chars qui évoluent entre 6 m$ (T90S) et 12 m$ (K2). Il faudra donc, d’une manière ou d’une autre, parvenir à se montrer compétitif face à ces modèles, surtout que les chars à remplacer, sont souvent des modèles anciens, achetés à bas couts il y a plusieurs dizaines d’années.
Conclusion
On le voit, même si KNDS a encore des efforts à faire, pour adapter son char aux attentes du marché, le Leclerc Évolution constitue une réponse très bien adaptée, à un très grand nombre de besoins qui vont bientôt émerger, dans le cadre de la modernisation des forces armées mondiales.
Ce marché adressable constitue, à lui seul, un argument stratégique, ou plutôt 8936 arguments stratégiques, pour amener le ministère des Armées, à soutenir KNDS pour attaquer ce marché dans les meilleures conditions possibles.
Et quel meilleur appui, qu’une commande de 180 à 200 chars de ce type, pour l’Armée de terre, sachant qu’il suffira d’exporter 300 chars, pour entièrement neutraliser le surcout sur le budget de l’État, de cette démarche, non planifiée par la LPM ? D’autant qu’elle permettra à l’Armée de terre de recomposer ses forces, pour répondre beaucoup plus efficacement aux besoins de l’OTAN en Europe de l’Est.
Article du 8 aout en version intégrale jusqu’au 29 septembre 2024
En réussissant une percée dans la région de Koursk en août dernier, Kiev a obtenu en demi-succès qui pourrait être sans lendemain, faute notamment de chars de combats pour poursuivre la manœuvre. En l’espace d’une année, les forces armées ukrainiennes, ont perdu un grand nombre de leurs chars modernes fournis par les occidentaux.
L’armée ukrainienne a perdu près de la moitié de ses 31 chars Abrams fournis après beaucoup de réticence par les américains. Sur les 21 chars allemands Leopard 2A6 qu’elle a reçu, relève le site Oryx qui documente les pertes du conflit, 12 ont été détruits ou endommagés et 21 léopard dans la version 2A4 ont été mis hors de combat. Le char, c’est du consommable, rappelle le spécialiste français de l’arme blindée, Marc Chassillan : «Dans tout conflit de haute intensité, vous avez des attritions qui paraissent totalement anormales mais qui en fait relèvent de la normalité. On a quand même quelques références pour ça. Je parle par exemple de la guerre du Kippour, 3000 chars détruits en 3 semaines. On peut parler de la guerre Iran-Irak. Donc aujourd’hui, ce qui nous paraît énorme relève en fait de la normalité pour ce type de conflit. La guerre de haute intensité, c’est une immense chaudière qu’il faut alimenter en matériel, en munition, en rechange, en carburant, de manière quotidienne et de manière continue. C’est un énorme glouton qui absorbe absolument tout ».
Le combat des ressources
Et c’est bien le problème qui se pose à l’armée ukrainienne comment remplacer ces chars alors que son offensive surprise dans la région de Koursk lancée cet été ne progresse plus faute de ressources et subit même depuis quelques jours une contre-attaque, « C’est un peu comme au poker Kiev a fait tapis. » Marc Chassillan, « Il a tout misé sur cette offensive pour espérer renverser la situation d’un point de vue politique et stratégique. D’un point de vue strictement tactique, l’opération a réussi puisque les Ukrainiens sont rentrés sur le territoire russe, mais ce qu’ils pensaient obtenir, c’est-à-dire en fait un déplacement des unités russes du Donbass, vers ce front ne s’est pas opéré, maintenant on le sait après ces quelques semaines d’offensive. Donc là d’un point de vue opératif, c’est raté. Après, d’un point de vue stratégique, est-ce que ça a déstabilisé la Russie, Moscou, son gouvernement, son régime ? Évidemment que non. Aujourd’hui, toute la question est de savoir à quel moment finalement les Ukrainiens se retireront de cette région. Et c’est là qu’on retrouve les basiques de la guerre qui sont qu’une guerre, c’est deux combats, c’est le combat des ressources et le combat du moral ».
Et le combat des ressources, c’est aussi pour l’Ukraine faire un choix aujourd’hui entre des missiles ou des chars…
Des missiles à longue portée que Kiev réclame en nombre et surtout avec l’autorisation des Occidentaux de pouvoir les utiliser dans la profondeur du territoire adverse, pour attaquer les bases aériennes, d’où partent les bombes planantes russes et autres missiles fournis par l’Iran. L’heure n’est pas au combat de chars note Marc Chassillan : « Les chars ne sont rien s’ils ne sont pas environnés par les véhicules tactiques qui doivent les accompagner. Donc livrer des chars sans livrer des engins du génie pour déminer, ça ne sert à rien, sans livrer des véhicules de combat d’infanterie pour les escorter, ça ne sert à rien. Et donc le char lui-même aujourd’hui, il est une des composantes, mais il n’est pas la totalité. Il faudrait entre 500 et 700 chars modernes à l’armée ukrainienne pour obtenir quelque chose. Mais si ces chars ne sont pas capables de percer les champs de mines russes, ils ne vont pas servir à grand-chose ».
Pour Kiev, l’urgence est de contrer les bombardements massifs, desserrer l’étau russe, le temps des chars reviendra à la condition expresse de renouer avec une guerre de mouvement.
L’armée grecque rejette les blindés Bradley offerts par les États-Unis.
L’armée grecque a décidé de refuser une offre des États-Unis portant sur la livraison de véhicules de combat d’infanterie Bradley. Initialement, cette proposition semblait être une aubaine pour la Grèce, qui cherchait à remplacer ses anciens blindés de conception soviétique. Toutefois, après une évaluation approfondie, Athènes a jugé que les coûts associés à la remise en état des véhicules surpassaient largement les bénéfices potentiels.
62 M2 Bradley offerts : Un cadeau empoisonné
Le refus grec s’inscrit dans un contexte de renouvellement de l’arsenal militaire où la Grèce avait déjà commencé à remplacer ses vieux BMP-1A1 par des VCI « Marder » allemands. Lorsque les États-Unis ont proposé 62 Bradley dans le cadre du programme « Excess Defense Articles » et ont offert de vendre 102 autres unités, l’offre semblait avantageuse. Cependant, l’analyse a révélé que les coûts de rénovation et de mise à niveau des Bradley étaient prohibitifs, dépassant les capacités financières et logistiques grecques.
L’armée américaine a accordé à General Dynamics Land Systems (GDLS) un nouveau contrat d’un montant de 322 millions de dollars. Le document qui est une modification du précédent contrat signé en juin dernier, permet de lancer la production d’un second lot de M10 Booker dans le cadre de la production des engins de présérie. La production des engins prévus par ce nouveau contrat devrait être effective avant octobre 2026 et devrait être répartie sur plusieurs sites de la firme américaine. Le M10 Booker devrait donner aux IBCTs (Infantry Brigade Combat teams) de nouvelles capacités aux unités d’infanterie dans le domaine de la mobilité et de la puissance de feu. Un total de 504 M10 Booker devrait être livré à l’armée américaine d’ici 2035, avec quatre premiers bataillons équipés d’ici 2030. Bien qu’il ne soit pas officiellement désigné sous le terme de « tank », le M10 Booker marque une évolution importante dans la conception des futurs engins blindés dont l’avenir pourrait se décliner autour d’engins plus légers, plus polyvalents et dotés de bonnes capacités d’agression.
Parallèlement à la signature de ce contrat, le M10 Booker a franchi un nouveau jalon dans le cadre de son évaluation par l’armée américaine avec le premier embarquement de l’engin à bord d’un C-17 Globemaster III durant le mois d’aout. Une des exigences de l’état-major américain était de pouvoir embarquer deux de ces engins à bord d’un C-17, imposait aux concepteurs de l’engin de limiter son poids au regard de la charge utile de l’avion américain qui peut embarquer 77,5 tonnes. L’engin dont le poids initial est annoncé à 38 tonnes peut recevoir jusqu’à 4 tonnes de blindage additionnel. Selon l’unité de transport (le 145ème Airlift Wing) aucun C-17 n’a volé avec deux M10 à bord, les clichés diffusés ne montrant qu’un seul engin à bord de l’avion. Il est probable que cette étape décisive sera franchie dans les mois à venir pour confirmer les aptitudes du nouvel engin américain et démontrer son aptitude à la projection et sa mobilité stratégique.
Guerre en Ukraine : à Koursk, des anciens véhicules blindés de l’armée française au combat
Les troupes ukrainiennes engagées dans la région russe de Koursk depuis le 6 août utilisent du matériel occidental. Parmi les éléments employés : des véhicules de l’avant blindés français (VAB), un modèle que Paris a massivement fourni à Kiev ces derniers mois.
Du matériel militaire français est engagé sur le sol russe. À première vue, la phrase paraît anachronique, voire surréaliste. Mais, en ce mois d’août 2024, elle a bel et bien pris corps. Les troupes ukrainiennes qui, depuis le 6 août, se battent dans la région de Koursk manœuvrent en effet du matériel occidental et notamment des antiques véhicules de l’avant blindés (VAB) français.
Des VAB au triangle
La présence en Russie de ces blindés historiques de l’armée de terre tricolore est attestée par des photos publiées par des experts du renseignement en sources ouvertes. Sur l’une d’elles, publiée le 12 août par le compte X OSINTtechnical, qui s’est spécialisé dans le matériel militaire, on voit nettement un de ces VAB arborer le triangle que portent tous les véhicules engagés dans l’opération ukrainienne vers Koursk.
Le même jour, le compte French Aid to Ukraine diffusait lui une photo d’un VAB-sanitaire marqué de ce fameux triangle. Il avait auparavant relayé une vidéo dans laquelle l’un de ces véhicules, endommagé par les combats, était remorqué à l’arrière de la ligne de contact.
Plusieurs centaines de VAB français en Ukraine
De premiers exemplaires de ces véhicule blindés, qui semblent particulièrement appréciés par les Ukrainiens, ont été fournis par la France dès les premiers mois du conflit. Des véhicules de ce type avaient ainsi été repérés en juin 2022 en Slovaquie, alors qu’ils étaient acheminés vers l’Ukraine.
Plusieurs autres vagues de livraison avaient ensuite eu lieu, si bien qu’en mars 2024, le ministère des Armées indiquait que 250 VAB avaient déjà été fournis à l’Ukraine. Plusieurs autres centaines de ces véhicules devraient être livrés à l’Ukraine d’ici la fin de l’année 2025.
Après la chute d’Avdiivka, l’Europe doit-elle accentuer son soutien à l’Ukraine ?
Des véhicules remplacés dans l’armée de terre française
Si ces livraisons de VAB sont si massives, c’est que l’armée française n’en a plus besoin. Après plusieurs décennies de bons et loyaux services, au cours desquels ils auront notamment servi en Afghanistan, en Bosnie ou au Mali, ces véhicules sont en effet en train d’être remplacés par un modèle plus moderne, le Griffon.
Le déploiement de ces véhicules, qui servent également de transports de troupes et de véhicules de reconnaissance armée, a débuté en 2020. Leurs premiers déploiements en opération datent de 2021. À terme, ils remplaceront les quelque 2 500 VAB dont l’armée française disposait encore à cette date.