En avril 2016, la Direction générale de l’armement [DGA] notifia à Safran un contrat portant sur le développement et l’acquisition de 14 drones tactiques Patroller avec 5 stations afin de remplacer le SDTI [Système de drones tactiques intérimaire] « Sperwer » et d’accroître ainsi significativement les capacités du 61e Régiment d’Artillerie [RA].
En effet, conçu à partir du motoplanneur allemand Stemme S15, le Patroller doit afficher des performances proches de celles d’un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], avec la capacité d’évoluer à une altitude de 20’000 pieds pendant 20 heures. Et cela n’est pas sans conséquence sur la formation des « télépilotes » du 61e RA, ceux-ci devant alors se préparer à la licence de pilote privé « avion ».
Une « partie du travail consistera à former les opérateurs – les pilotes de systèmes de drones. […] Mais le vol n’est qu’une première étape : il faut aussi une parfaite intégration en termes de coordination 3D avec aussi les différents intervenants des armées et principalement avec l’armée de l’Air », avait expliqué le général Thierry Burkhard, quand il était encore chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], en 2019. Il sera « également essentiel de bien orienter ces capteurs, dans les bonnes zones » et il y aura « également le travail d’analyse des images qui nécessite toute une chaîne d’exploitation », avait-il ajouté.
Seulement, l’accident d’un Patroller lors d’un « vol de réception industrielle », en décembre 2019, a remis en cause le calendrier des livraisons étant donné qu’il a fallu en trouver la cause et y remédier.
Quoi qu’il en soit, le projet de finances pour 2022 annonçait la livraison des 14 drones tactiques attendus par le 61e RA. Mais cet objectif fut revu à la baisse par Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], lors d’une audition au Sénat. « Le Patroller a repris ses essais en Finlande avec succès. Depuis, la dernière version logicielle a revolé sur un prototype piloté. Nous attendons les premières livraisons fin 2022 avec 10 appareils sur les 14 prévus », avait-il dit.
Combien de drones ont effectivement été livrés? Difficile à dire puisque, sauf erreur, leur livraison n’a fait l’objet d’aucune annonce officielle. En tout cas, le 61e RA en dispose de quelques exemplaires, si l’on en juge par de récentes photographies publiées sur les réseaux sociaux.
Mieux encore : les « Diables Noirs » vont pouvoir, enfin, entamer la « phase d’appropriation » du Patroller. C’est en effet ce qu’indique le calendrier des activités que l’armée de Terre a publié pour le premier semestre 2023.
« L’armée de Terre s’est lancée en 2019 dans une phase de renouvellement de ses capacités drones [‘Ambition drones’], dont l’objectif est notamment de déployer dans chaque entité tactique un système drones adapté à ses besoins [autoprotections, surveillance, acquisition d’objectifs etc.]. Le cycle 2022-2023 est principalement marqué par la livraison des premiers drones SDT Patroller au 61e RA, clef de voute de la trame drones de l’armée de Terre », lit-on dans le document.
Par rapport au SDTI, dont la fiabilité n’a pas toujours été au rendez-vous, le Patroller va permettre à l’armée de Terre de récupérer certaines capacités, comme la surveillance du champ de bataille au moyens de radars, assurées, fut un temps, par le Cougar HORIZON [Hélicoptère d’observation radar et d’investigation sur zone]. En effet, le drone de Safran est équipé de radar PicoSAR AESA qui, fourni par l’italien Leonardo, permet de « détecter des cibles mobiles terrestres et collecter des images grâce au radar à synthèse d’ouverture [RSO ou SAR, pour Synthetic Aperture Radar] ».
Par ailleurs, la boule optronique Euroflir 410, le Patroller pourra emporter une charge de guerre électronique [mais pas dans l’immédiat..] ainsi qu’une nacelle de désignation laser… pour les obus guidés proposés par Nexter, savoir le MPM [Metric Precision Munition] de 155 mm et le MPM de 120 mm. Enfin, il sera éventuellement armé [roquettes et/ou missiles Akeron].
Ces dernières années, les industriels impliqués dans le programme SCORPION [synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] ont eu à affronter plusieurs difficultés, à commencer par celles créées par la pandémie de covid-19, lesquelles ont fait craindre à l’armée de Terre qu’elle n’obtiendrait pas ses Véhicules blindés multi-rôles [VBMR] Griffon et ses engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] dans les délais prévus.
Le « non-respect des livraisons n’a rien d’anodin » car « quand il manque 20 Griffon, c’est une compagnie qui n’est pas ‘Scorpionnisée’ dans les délais », avait ainsi soutenu le général Thierry Burkhard, quand il était encore chef d’état-major de l’armée de Terre.
Cela étant, au-delà de l’aspect sanitaire, la pandémie a eu aussi des effets économiques et sociaux, avec des difficultés pour les entreprises à recruter et à s’approvisionner en matières premières [dont les semi-conducteurs]. À cela, la guerre en Ukraine [mais pas seulement, car la politique énergétique menée jusqu’ici a sa part de responsabilité] a fait bondir le prix de l’énergie. Et sans énergie, on ne peut pas produire…
Quoi qu’il en soit, le Groupement momentané d’entreprises [GME] « Engin blindé multi-rôles » [EBMR], composé de Nexter, Arquus et Thales, a été au rendez-vous en 2022. Enfin selon un communiqué qu’il a publié ce 22 décembre, il a livré les 113 Griffon et les 18 Jaguar qu’attendait la Direction générale de l’armement [DGA], afin de les remettre ensuite à l’armée de Terre. Ce qu’elle a fait pour 112 Griffon, le 113e étant en cours de vérification.
Depuis 2019, 38 Jaguar et 451 Griffon ont ainsi été livrés par les industriels concernés.
À noter que l’année 2022 a été marquée par la qualification du Griffon sanitaire, « équipé d’un module médicalisé, d’aménagements adaptés au rangement et à l’intégration des équipements médicaux, et d’un système d’aide au chargement des blessés constitué d’une table mobile et d’un treuil de levage ». Et aussi par la publication des résultats de l’étude de levée de risque sur l’intégration des batteries Lithium-ion dans les véhicules militaire. Cela permettra de d’équiper les blindés « Scorpion » de nouvelles batteries encore plus efficaces, capables de se recharger deux fois plus rapidement.
La DGA a réceptionné et fait livrer à l’@armeedeterre 112 des 113 véhicules Griffon attendus pour 2022. Le 113e a débuté ses opérations de vérification cette semaine. ➡️451 ont déjà été livrés depuis 2019. pic.twitter.com/CktbcGzZ2b
Enfin, la DGA a notifié les commandes de 302 Griffon et de 88 Jaguar supplémentaires. De même que celle pour 54 Griffon MEPAC [Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact].
Par ailleurs, Nexter et Texelis ont livré 60 VBMR Léger Serval sur les 364 exemplaires commandés. Là encore, l’objectif a été atteint.
La DGA a récemment indiqué qu’elle venait de qualifier « huit sous-versions » de la variante « Véhicule de patrouille blindé » de ce nouveau blindé, destiné à équiper les unités d’infanterie des brigades légères telles que la 11e brigade parachutiste et la 27e brigade d’infanterie de montagne.
Après d’âpres négociations entre ses pays membres, l’Agence spatiale européenne [ESA] a obtenu, ce 23 novembre, un budget de 16,9 milliards d’euros pour les trois prochaines années. Si ce montant affiche une forte hausse [+18%], il reste cependant en deçà de l’enveloppe de 18,5 milliards que son directeur général, Josef Aschbacher, avait demandé. Toutefois, il s’est dit « très impressionné par ce résultat », étant donné le « niveau d’inflation ». À noter que la contribution de la France s’élevera à 3,25 milliards d’euros, soit environ un tiers du budget français dédié au secteur spatial pour les trois prochaines années.
Ce budget de l’ESA servira à financer notamment plusieurs programmes d’exploration spatiale [2,7 milliards] et d’observation de la terre [également 2,7 milliards] ainsi que les lanceurs spatiaux Ariane 6 et Vega-C.
Par ailleurs, l’ESA a profité de l’occasion pour dévoiler la liste de ses futurs spationautes, sélectionnés parmi plus de 2000 candidats. Au total, dix-sept titulaires avec onze remplaçants formeront cette nouvelle promotion. Celle-ci comptera un « parastronautre », en la personne du britannique John McFall. Ce sportif accompli, amputé d’une jambe à l’âge de 19 ans, a fait de brillantes études de médecine, lesquelles vont désormais lui ouvrir la voie des étoiles.
La France est le pays qui a présenté le plus de volontaires. Et sur les 7087 aspirants spationnautes ayant soumis leur candidature, Mme le lieutenant-colonel Sophie Adenot a été désignée par l’ESA. Cette militaire n’est pas une inconnue : en 2018, elle fut la première femme française à devenir pilote d’essais d’hélicoptères au sein de la Direction générale de l’armement [DGA] « Essais en vol ».
Diplômée de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace, Sophie Adenot entama une carrière au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] en qualité de pilote d’hélicoptères. Un temps affectée à l’escadron 01.067 « Pyrénées », avec lequel elle effectua une centaine de missions en Afghanistan aux commandes d’un EC-725 Caracal, elle fut ensuite mutée à l’ET60 de Villacoublay pour piloter un Super Puma.
Puis, marchant sur les traces de Jacqueline Auriol, Sophie Adenot réussit le concours de l’École du personnel navigant d’essais et de réception [EPNER], en 2017. Et elle obtint son brevet de pilote d’essais d’hélicoptères au Royaume-Uni à l’Empire Test Pilots’ School de Boscombe Down, ce qui lui permit de voler à bord de l’Agusta A109, de la Gazelle, de l’AH-64 Apache ou encore du Bell 412.
« C’est une fierté que la prochaine astronaute française soit issue du rang de l’armée de l’Air et de l’Espace, ce qui constitue une reconnaissance de l’excellence de la formation au sein des armées, excellence de ses hommes et de ses femmes », s’est félicité le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’AAE.
Pour rappel, le dernier pilote militaire à voler dans l’espace a été le général Léopold Eyharts, en février 2008. Et la première femme française à réaliser un vol orbital a été Claudie André-Deshays [épouse Haigneré], en 1998.
« Décorée de l’ordre national du Mérite au rang de Chevalier en 2022, la lieutenant-colonel Sophie Adenot incarne l’excellence des armées françaises. Avec cette nouvelle promotion, elle devient une nouvelle ambassadrice des armées dans le domaine spatial qui constitue un environnement stratégique », a fait valoir le ministère des Armées.
Hormis Claudie Haigneré, Jean-Jacques Favier et Thomas Pesquet, les spationautes français ont généralement un lien avec le monde militaire en général [et celui de l’AAE en particulier]. Et cela se vérifie encore avec le choix du remplaçant de Mme le lieutenant-colonel Adenot. En effet, ayant suivi le même parcours que Jean-François Clervoy en son temps, l’ESA a choisi l’ingénieur de l’armement Arnaud Prost. Sous-lieutenant au 1er Régiment de Hussards Parachutistes [en 2013] avant de rejoindre l’École polytechnique, puis l’ISAE-SUPAREO, ce pilote d’essais est également titulaire d’un master en astrophysique, sciences spatiales et planétologie. Durant ses études d’ingénieur, il effectué un stage de recherche au Jet Propulsion Laboratory de la NASA ainsi qu’à l’Institut Skobeltsyn de physique nucléaire et à l’Institut d’aviation de Moscou. Il a également travaillé à la COMEX, où il s’est intéressé à la plongée, ce qui lui fait un point commun avec l’astronaute américain Scott Carpenter.
MàJ : – Précision sur la contribution française – Précision sur le parcours de l’ingénieur de l’armement Arnaud Prost
Les industriels de la filière défense française et les autorités du ministère des Armées se sont réunis mardi dernier pour un nouveau séminaire sur l’économie de guerre. Un premier point d’étape pour prendre acte de l’ « énorme boulot fait en très peu de temps » et revenir sur les premiers constats et pistes d’amélioration.
Un « très gros travail »
Lancé en juin par le président de la République, le chantier interministériel de l’économie de guerre conserve son objectif principal : forger une industrie de défense capable de répondre aux besoins des armées en termes de fourniture d’armement, de munitions et de soutien dans un contexte d’engagement majeur. Dit autrement, la BITD française doit pouvoir produire plus et plus vite.
Huit semaines se sont écoulées depuis la première table ronde organisée le 7 septembre. La seconde, à nouveau présidée par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, réunissait les mêmes acteurs tout en y associant pour la première fois le Comité Richelieu, un représentant clef de nombreuses PME innovantes. Elle aura permis d’acter « le très gros travail mené à froid entre la DGA, l’EMA et les industriels » au cours des deux derniers mois, expliquait hier l’entourage du ministère au cours d’un briefing.
« Un certain nombre de choses ont déjà été décidées », rappelle le cabinet ministériel. Parmi celles-ci, le choix de concentrer l’effort sur des matériels prioritaires. Douze systèmes d’armes, équipements et munitions, et non plus dix, ont été sélectionnés pour leur forte attrition ou le degré élevé de consommation anticipé en cas de conflit. Ce sont, à l’instar des canons CAESAR et de leurs munitions de 155 mm, essentiellement des capacités du domaine terrestre. Les obus de 40 mm du véhicule Jaguar et certaines protections NRBC individuelles seraient aussi dans le collimateur du ministère des Armées.
En septembre, les deux parties avaient convenu d’une série d’engagements. Côté ministériel, l’effort vise à adopter « une nouvelle façon de conduire les programmes d’armement » en misant sur leur simplification. Pour une partie d’entre eux actuellement en phase amont, il s’agira par exemple de réduire de 20% les exigences documentaires. De quoi permettre d’orienter l’expression de besoin vers des armes moins complexes et plus standardisées sans dégrader les performances. Et, par là, éviter un mouton à cinq pattes accumulant les points de fonctionnement coûteux en temps et en argent.
Côté industriels, la principale demande porte sur la nécessité de « remettre la fonction production au cœur de leurs entreprises ». Les 30 dernières années sont marquées par la priorité accordée à la course technologique et au maintien des compétences, souligne le cabinet. Pour produire plus et plus vite, l’économie de guerre suppose de réinterroger les cycles de production et les chaînes de sous-traitance pour en déterminer les vulnérabilités et proposer des axes d’amélioration.
Goulets d’étranglements et dépendances
Pour progresser, encore faut-il avoir une idée précise de l’état de santé d’une BITD fragilisée par la crise sanitaire, la pénurie de matériaux et l’inflation. Ces travaux d’analyse « ont déjà bien avancé », souligne le ministère des Armées. « Les capacités d’accélération dans la supply chain ne sont pas infinies», constate-t-il. Des 4000 entreprises composants la BITD française, plus d’une centaine sont en butée de production et constitueraient dès lors un goulet d’étranglement en cas d’augmentation des cadences. Chacune fera l’objet d’un plan d’action conduit par la DGA.
D’autres dépendances relèvent de l’approvisionnement réalisé à l’étranger. Bien qu’il y en ait peu dans le secteur de la défense, certaines touchent à des domaines clefs. C’est le cas de la poudre utilisée pour les munitions de gros calibre des armées françaises. Si la France peut compter sur le fournisseur national Eurenco pour ses charges modulaires, ce dernier s’approvisionne majoritairement auprès de l’entreprise Nitrochemie, une coentreprise entre l’allemand Rheinmetall et le suisse RUAG MRO, pour ses matières premières. L’approvisionnement n’est aujourd’hui pas menacé, mais la DGA évalue la possibilité de relocaliser une capacité de production en France pour éviter les conséquences d’une saturation de la demande.
Même son de cloche pour les semi-conducteurs, en pénurie depuis plusieurs années. La France, et par là le ministère des Armées, soutient une initiative européenne de remontée d’une filière à l’échelle continentale. Cet « EU Chips Act » pourrait bénéficier à un paysage français présentant quelques atouts, à l’instar de l’écosystème grenoblois.
La guerre en Ukraine aura, enfin, conduit à revoir certaines certitudes. Le serpent de mer de la filière française de munitions de petit calibre, par exemple, est maintenant abordé sous un autre angle. Pour la DGA, il convient en effet de vérifier si le constat d’un marché considéré comme surcapacitaire et à l’accès garanti par les sources multiples sera toujours valide dans le cas d’un engagement majeur. Et de se poser les mêmes questions que pour les poudres sur le maintien de cette surcapacité et l’opportunité de se doter d’une capacité totalement ou partiellement souveraine.
Fin octobre, le président de la République est venu en personne à la rencontre de la BITD française. C’était à La Chapelle Saint-Ursin et, entre autres, chez Nexter Arrowtech (Crédits : Nexter)
Des solutions pour accélérer
La réduction des cycles et l’augmentation des cadences supposent en priorité de constituer des stocks de matières premières et de pièces à long délai d’approvisionnement. Cette seule étape représente parfois plus de la moitié du cycle de production. Industriels et autorités planchent depuis un moment sur plusieurs mécanismes de soutien. L’enjeu du stockage suppose tout d’abord celui de la maîtrise des chaînes d’approvisionnement. Hormis la relocalisation de certaines productions, le ministère annonce étudier un mécanisme déjà adopté par les États-Unis. Ce dispositif permettrait, si la situation l’exige, de prioriser les commandes militaires par rapport aux commandes civiles. Autrement dit, d’invoquer l’argument de la souveraineté pour « griller la priorité » dans la file d’attente.
« En réalité, 95% des entreprises le font déjà », souligne l’entourage ministériel, qui explique y avoir recours « sur un certain nombre de contrats urgents, en particulier le recomplètement des CAESAR ». Une assise légale s’avère cependant fondamentale pour disposer d’un moyen qui soit réellement contraignant. Ainsi, l’un des vecteurs dans lesquels cette règle pourrait être inscrite ne serait rien d’autre que la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030. Que ce soit avec la BITD ou avec des groupements d’industriels moins centrés sur la défense, les premiers échanges sur le sujet ont engendré « des réactions plutôt favorables ».
Les acteurs avancent en outre la notion de « commande globale ». Le principe ? L’État s’engagerait à commander un certain volume sur une période définie, celle de la LPM par exemple. Si l’industriel sécurise de la charge de travail, il s’engage en contrepartie à constituer les stocks demandés pour anticiper la production au coup de sifflet si la situation le requiert. « Voilà le mode de fonctionnement que l’on a trouvé avec les industriels et que l’on va faire avec la quasi-intégralité du Top 12 », annonce le cabinet. Celui-ci promeut par ailleurs une volonté de convergence des références pour rationaliser les stocks. En d’autres termes, il faudra s’accorder pour aligner les besoins et mutualiser certains lots. « C’est un travail qui est en cours avec des discussions entre industriels ».
Réduire le temps de production est une chose, compresser les délais de commande en est une autre. Véritable enjeu, l’accélération de la passation de commande passerait non seulement par la simplification de l’expression de besoin, mais aussi par l’octroi de « lettres d’engagement ». À mi-chemin entre l’intention et la contractualisation, celles-ci seraient conçues pour donner suffisamment de visibilité aux industriels pour qu’ils puissent lancer les approvisionnements et les premiers travaux sans que le contrat soit fini d’être négocié et formellement notifié. Il conviendra pour cela d’intégrer au plus vite le maître d’œuvre dans la boucle afin d’atteindre rapidement le niveau de compréhension suffisant pour engager le processus industriel. La LPM 2024-2030 doit encore être présentée, discutée et adoptée mais, « quoi qu’il arrive », l’effort portera sur les équipements du Top 12 et se matérialisera sans doute par ces fameuses lettres d’engagement.
Qui paiera la facture ?
Le ministre des Armées l’a constaté, les différents acteurs ont abattu « un énorme boulot en très peu de temps ». Pour autant, « tout n’est pas complètement finalisé » et l’idée sera de maintenir le format adopté et le rythme d’un séminaire environ tous les deux mois. De quoi établir un constat régulier et ne pas perdre de vue les chantiers à venir.
Parmi les prochains axes majeurs de progression, celui du financement. Constituer des stocks, engager du personnel, compléter l’outil de production a et aura un coût que les toutes les entreprises ne peuvent supporter seules. Au risque, le cas contraire, de devoir grignoter sur les marges et de menacer des investissements essentiels, à commencer par la R&D.
À première vue, tout coup de pouce ministériel supplémentaire paraît pour l’instant exclu. La réponse est sans doute à chercher dans la prochaine LPM, pour laquelle les arbitrages financiers s’annoncent complexes. «Tout cela suppose de se financer auprès d’acteurs bancaires ou à travers des fonds», explique le cabinet. Pas si simple à l’heure où le monde bancaire se révèle toujours plus frileux à l’idée de soutenir la filière défense. D’après le ministère, le SGDSN est monté au créneau au sujet des problématiques de financement de l’exportation, un marché primordial pour la santé financière des entreprises mais menacé par les nouvelles entraves bancaires.
La frilosité des acteurs traditionnels aura au moins eu cela de positif qu’il a motivé l’émergence d’autres mécanismes financiers. « D’une part, il y a un certain nombre d’acteurs parisiens qui sont en train de monter des fonds spécialisés dans la souveraineté ». Ce sont des fonds comme Ace Aéro Partenaires, centré sur les PME et ETI de l’aéronautique, ou des véhicules d’investissement comme ceux mis en place par Défense Angels. D’autres sont en cours de montage.
L’autre tendance positive, c’est la volonté de certains particuliers d’invertir une partie de leur épargne pour développer la souveraineté française. L’hôtel de Brienne a initié un travail avec ses homologues de Bercy pour « trouver des vecteurs qui correspondent à cette aspiration populaire ». Encore au stade préliminaire, l’idée sera davantage détaillée à l’issue du prochain séminaire, fixé pour le mois de janvier.
La première frégate de défense et d’intervention (FDI) commandée par la Direction générale de l’Armement (DGA) et destinée à la Marine nationale, a été mise à flot aujourd’hui à Lorient. Baptisée Amiral Ronarc’h, cette première FDI sera livrée en 2024.
Lundi 7 novembre, la première frégate de la série des FDI, l’Amiral Ronarc’h, a été mise à l’eau sur le site Naval Group de Lorient, en présence de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, de Nikolaos Panagiotopoulos, ministre de la défense de la République hellénique, et de hautes autorités du ministère des Armées notamment Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, Thierry Carlier, ingénieur général de l’armement et directeur général adjoint de la DGA, et François Moreau, vice-amiral d’escadre et major général de la Marine.
Pierre Éric Pommellet, Président-Directeur général de Naval Group a déclaré : « Nous sommes fiers d’être présents ici à Lorient aujourd’hui pour célébrer ce jalon important pour l’Amiral Ronarc’h, première de la série FDI, la nouvelle génération de frégates de premier rang de la Marine nationale. La mise à l’eau d’un navire de guerre est aussi l’occasion de rappeler que l’outil industriel français est au service de nos forces armées, engagé dans l’économie de guerre. Dès 2025, le site Naval Group de Lorient réalisera ainsi jusqu’à deux bateaux par an. Aujourd’hui, nous célébrons également l’avenir du programme FDI avec la présence du ministre Nikolaos Panagiotopoulos, l’occasion de rappeler l’importance de la coopération militaire et industrielle en Europe, la FDI associant déjà de nombreux industriels grecs dans la réalisation du programme pour la Grèce ».
Les premiers essais en mer de la FDI débuteront en 2023 pour une livraison en 2024. La livraison des quatre autres navires de la série FDI s’échelonnera jusqu’à la fin de la décennie. Durant cette période, Naval Group produira également trois FDI pour la Grèce, une quatrième étant actuellement prévue en option.
Une performance industrielle locale et nationale
Le site industriel de Naval Group à Lorient dispose, grâce aux investissements de ces dernières années, d’infrastructures industrielles modernes, qui permettent de répondre aux défis techniques et technologiques en matière de conception et de construction en série de navires militaires. Grâce à une nouvelle organisation industrielle performante qui optimise les délais de construction, Naval Group sera en mesure d’accélérer sa production et de produire ainsi jusqu’à deux bateaux par an sur son site de Lorient dès 2025.
De nombreux savoir-faire sont mobilisés par le programme FDI. Les métiers de la production notamment nécessitent des compétences spécifiques et rares, qui résultent de longues années d’expérience dans les métiers de la construction navale militaire : charpentier-tôlier, formeur-dresseur, soudeur coque ou tuyauteur, entres autres.
Pour assurer la pérénisation de ces compétences de pointe au service des programmes navals, Naval Group favorise le recrutement des jeunes talents. Naval Group recrute plus de 500 alternants et plus de 1500 nouveaux collaborateurs cette année.
La réalisation de la FDI permet de soutenir l’emploi de toute la chaîne industrielle de la construction navale en France, du site Naval Group de Lorient comme de tout le bassin lorientais. Chez Naval Group, ce sont ainsi plus de 1200 personnes et plus de 400 sous-traitants qui travaillent à temps complet sur le programme. Le programme FDI associe de très nombreux partenaires français et grecs, au premier rang desquels se trouvent Thales et MBDA.
La FDI, première frégate de combat multi rôles, innovante, 100 % numérique et cyber-sécurisée
Les FDI sont des navires de haute mer polyvalents, endurants et capables d’opérer, seuls ou au sein d’une force navale, dans tous les domaines de lutte : antinavire, anti-aérien, anti-sous-marin, menaces asymétriques et projection de forces spéciales. Rassemblant sur une plateforme compacte le meilleur des technologies navales françaises, la FDI est une frégate puissante et innovante, conçue pour faire face à l’évolution permanente des menaces.
Conçues et produites à l’aide d’outils numériques de dernière génération, ce sont également les premières frégates à bénéficier à bord d’une architecture numérique qui leur permettra de s’adapter en continu aux évolutions technologiques et opérationnelles. Ainsi, les FDI seront capables de faire face aux menaces du haut du spectre actuelles et futures, avec une couverture à 360° dans toutes les bandes de fréquence, et d’assurer le traitement de données de plus en plus nombreuses.
Les FDI seront également les premières frégates françaises nativement protégées contre la menace Cyber, avec une architecture informatique redondée autour de deux Data Centersqui hébergent, de manière virtualisée, une grande partie des applications informatiques du navire. Au titre de l’innovation opérationnelle, les FDI inaugurent le concept de passerelle dédiée à la lutte contre la menace asymétrique. Ce système permettra la coordination et la conduite de la lutte contre les menaces aériennes et de surface proches et de petites tailles, notamment les embarcations piégées.
Fortement armées (missiles antinavires Exocet MM40, missiles antiaériens ASTER, torpilles anti-sous-marines MU90, artillerie), les FDI peuvent embarquer un hélicoptère lourd (classe 10t, comme le NH90) ou le futur Guépard Marine et un drone aérien (jusqu’à 700 kg), mais aussi mettre en œuvre des forces spéciales avec deux embarcations pour commandos. Elles sont équipées du radar Sea Fire à quatre panneaux fixes, de nouvelle génération, développé par Thales, qui leur confère, associé au système de mise en œuvre des missiles, des capacités de défense de zone.
Caractéristiques techniques
Déplacement : classe 4 500 tonnes
Longueur : 122 mètres
Largeur : 18 mètres
Vitesse : 27 nœuds
Autonomie : 45 jours
Capacité de logement : équipage de 125 personnes + 28 passagers
La revue trimestrielle « Marine & Océans » a pour objectif de sensibiliser le grand public aux grands enjeux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile. Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu’aux échanges. Les ressources qu’ils recèlent sont à l’origine de nouvelles ambitions et peut-être demain de nouvelles confrontations.
Entre une activité opérationnelle accrue, l’expérience du conflit ukrainien et l’arrivée de véhicules de nouvelle génération, la logistique est une fonction toujours plus cruciale pour les armées. La question est au coeur d’une nouvelle demande d’informations de la Direction générale de l’armement (DGA) axée sur le renouvellement des moyens de transport ferroviaire utilisés par les forces françaises.
Derrière cette DI baptisée « Wagons NG » et diffusée mi-octobre, un double constat. D’une part, « les transports ferroviaires représentent une part croissante et indispensable des acheminements stratégiques des armées sur le théâtre européen ». Le déploiement des véhicules SCORPION, par exemple, se traduit par « une augmentation des mouvements par voies ferrées au profit : des opérations, de partenaires internationaux ainsi que d’exercices de préparation opérationnelle en France et à l’étranger ».
Et d’autre part, le parc actuellement en service « est constitué de vecteurs vieillissants qui s’avèrent inadaptés pour certains véhicules et matériels récemment mis en service dans les forces ». Ces wagons « ne permettent par le transport de conteneurs de type ’20 pieds’ », nécessitant de passer par une location auprès du secteur privé.
Bien que non mentionné dans la DI, le conflit russo-ukrainien vient à son tour cristalliser les limites de l’outil ferroviaire français. Les Russes, de par les moyens logistiques « diversifiés et nombreux » dont ils disposent, peuvent réaliser des bascules d’effort et « relancer l’action offensive en fonction des choix tactiques ou des opportunités opérationnelles qui se présentent à eux », relevait l’état-major de l’armée de Terre dans un document publié en juillet dernier. Sans surprise, l’EMAT y place l’appui à la mobilité à côté des feux dans sa liste des « capacités à acquérir en nombre suffisant ».
L’heure est dès lors au renouvellement et à la complétion des vecteurs existants par des « wagons polyvalents interarmées ». Des wagons doubles surbaissés aptes, a minima, au transport de conteneurs 20 pieds et de véhicules à roues Jaguar, Griffon, Serval, VBCI, CAESAR et PPT et l’ensemble de leurs variantes. Des plateformes qui doivent pouvoir être transportés même s’ils sont en panne ou victimes de dommages de guerre.
Sur le plan technique, ces wagons présenteront une largeur minimale de 3,1 m pour une charge utile minimale de 66 tonnes. De quoi permettre l’emport de deux véhicules blindés « suivants leurs dimensions » ou de quatre conteneurs 20 pieds. Un panachage véhicule-conteneurs n’est pas exclu. Ils seront par ailleurs dotés à terme d’un attelage automatique, un dispositif qui permet notamment de « numériser » le partage d’informations sur l’état de santé du train et de ses composantes.
S’il n’est nullement question d’une contractualisation pour l’instant, la DGA estime le besoin à 250 wagons à livrer en trois ans, au plus tard entre 2027 et 2029. Leur soutien sera assuré par la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT). Conçus pour pouvoir circuler partout en Europe, ils resteront en service dans les forces durant 40 ans, estime la DGA.
L’usage de plateformes surbaissées rappelle l’obligation de compiler avec le gabarit en croissance des véhicules de nouvelle génération. Le Griffon et le Jaguar du programme SCORPION, pour ne citer que ceux perçus par les régiments, dépassent leurs successeurs d’un bon mètre pour culminer à 3,6 m dans le cas du premier. Une donnée qui a déjà entrainé une évolution capacitaire dans le domaine du transport routier avec la fourniture de porte-engins blindés surbaissés (PEBS) aux régiments du train.
Le gain de réactivité est bien réel : le PEBS diminue la hauteur du convoi, qui n’est plus considéré comme exceptionnel et ne nécessite donc plus d’établir une demande administrative chronophage. Un PEBS a ainsi acheminé son premier Griffon début octobre à Versailles par l’entremise du 516e régiment du train. Un total de 40 PEBS seront livrés d’ici à juin 2023, et au moins autant viendront compléter cette dotation initiale.
Premier radar à équiper le Rafale de série et développé par le groupe Thomson-CSF [devenu depuis Thales] à partir d’une technologie mise en point dans les années 1970 par la société Radant, le RBE2 [Radar à Balayage Électronique 2 plans] à antenne passive [PESA] fut l’un des plus avancés de son temps, non seulement parce que, contrairement à ses prédécesseurs, il combinait la détection air-air avec des fonctions de suivi de terrain, mais aussi en raison de ses performances, grâce à ses calculateurs capables de réaliser jusqu’à un milliard d’opérations par seconde, permettant ainsi la poursuite de quarante cibles et d’en engager huit simultanément.
Puis, le RBE2 a évolué grâce à l’apport des antennes actives [AESA, pour Active Electronically Scanned Array]. Sans trop entrer dans les détails techniques, un tel radar intègre des milliers de capteurs appelé TRM [Transmitter Receiver Module / modules émetteurs-récepteurs], lesquels renforcent à la fois sa fiabilité [grâce à la redondance de ces derniers] et ses performances étant donné qu’il est plus difficilement détectable et moins vulnérable au brouillage électronique tant en disposant d’une portée de détection accrue, y compris pour les cibles à signature radar réduite.
En effet, selon la description qu’en fait Thales, le RBE2 AESA, mis en service en 2012, peut détecter et poursuivre simultanément de « très nombreuses cibles aériennes, vers le bas ou vers le haut, pour le combat rapproché et l’interception à longue portée de nombreuses cibles terrestres ou maritimes, en environnement clair ou brouillé et par tous les temps ». En outre, il permet l’élaboration, en temps réel, de cartes 3 D pour le suivi du terrain et de « cartes radar haute résolution 2D du terrain survolé pour la navigation et la désignation de cibles ». Et avec le missile air-air METEOR longue portée, grâce à sa capacité de détection étendue, il permet au Rafale d’engager des cibles au-delà de la portée visuelle [BVR].
Cependant, le RBE2 AESA aura évidemment un successeur. Et, comme l’a souligné le magazine spécialisé Air Fan, dans son dernier numéro dédié au Rafale F4, la Direction générale de l’armement [DGA] s’y emploie, via le projet scientifique et technique [PST] « TARAMMAA », pour Technologies et architecture radar MLU multivoies à antenne active », lancé dans la continuité des programmes d’études amont [PEA] CARAA [Capacités accrues pour le radar RBE2 à antenne active] et MELBAA [Modes et exploitation large bande pour l’antenne active].
Ce projet TARAMMAA s’intéresse notamment à l’amélioration des performances des modules émetteurs-récepteurs ainsi qu’à une nouvelle architecture logicielle et matérielle. Directeur du programme Rafale au sein de la DGA, l’ingénieur général de l’armement [IGA] Guilhem Reboul explique que l’idée consiste à faire en sorte qu’une « partie de traitement se fasse directement dans l’antenne elle-même et non plus dans de calculateurs dédiés ».
« C’est très innovant », souligne-t-il. Et de préciser : « La technologie nitrure de gallium [GaN] sera privilégiée pour les modules de l’antenne afin de permettre des fonctions nouvelles comme l’entrelacement de modes air-air et air-sol. Alliés à des capacités de traitement renforcées grâce à des algorithmes et des moyens de calcul de plus en plus performants, ces modules garantiront des portées de détection remarquables et une grande résistance au brouillage », en lien avec le PST « Guerre électronique Aéro 2025, lequel prépare les évolutions Rafale F4 et… Rafale F5.
D’où, d’ailleurs, la priorité donnée par la DGA à la mise sur pied d’une filière française de nitrure de gallium, dans le cadre du programme NIGAMIL [pour « NItrure de Gallium pour applications MILlimétriques »]. En effet, ce matériau sert notamment à à la fabrication de circuits intégrés hautes performances fonctionnant jusqu’à 100 GHz, ce qui permettrait d’améliorer significativement le niveau de puissance, le rendement et donc la compacité des systèmes radars, d’antennes actives ou des systèmes de guerre électronique.
En attendant, explique Air Fan, le Rafale F4.1, en cours de développement, disposera d’un radar RBE2 AESA doté d’un mode GMTI [Ground Moving Target Indicator] pour la détection et la poursuite de cibles au sol [les essais de celui-ci sont d’ailleurs terminés] ainsi qu’un mode SAR [radar à synthèse d’ouverture] amélioré pour l’élaboration de cartes sol radars à très haute résolution. « Pour les équipages, ces évolutions constitueront une spectaculaire avancée opérationnelle ».
Créée en 2016 par deux par les ingénieurs Arnaud Guérin et Renaud Allioux, l’entreprise Preligens [ex-Earthcube] a suscité rapidement l’intérêt du ministère des Armées, au point que celui-ci prit part, en 2020, via son fonds Definvest, à une levée de fonds de 20 millions d’euros pour lui permettre d’accélérer sa croissance [et aussi pour éviter son éventuel rachat par In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA].
En effet, les solutions proposées par Preligens permettent, via des algorithmes d’intelligence artificielle, d’automatiser le traitement [et non pas l’analyse] de grandes masses de données. Ainsi, il y a deux ans, l’entreprise avait dévoilé le logiciel « Defence Site Monitoring », capable d’identifier automatiquement des matériels militaires ainsi que tout mouvement inhabituel sur des sites d’intérêt en exploitant l’imagerie satellitaire fournie par Airbus.
La Direction du renseignement militaire [DRM] fit savoir, en juillet 2021, que, à l’issue de l’expérimentation « TAIIA », elle avait retenu Prelingens pour lui fournir un « outil d’aide à la surveillance d’activités sur les sites stratégiques » qui, « mis à la disposition des analystes, les assiste dans l’élaboration du renseignement d’intérêt militaire et les aide à anticiper des menaces par la mise en place de mécanismes de veille et d’alerte ».
Puis, Preligens obtint de nouvelles commandes de la part du ministère des Armées, notamment via l’accord cadre OURANOS. Mais la jeune entreprise vient de franchir un nouveau cap. En effet, ce 12 octobre, la Direction générale pour l’armement [DGA] lui a notifié un contrat d’une valeur de 240 millions d’euros pour des « solutions de traitement des données adaptées aux besoins de la défense ».
Plus précisément, ce marché, appelé « TORNADE » [Traitement Optique et Radar par Neurones Artificiels via Détecteur], vise à acquérir des licences logicielles de quatre solutions d’intelligence artificielle pour le traitement et l’exploitation de grandes masses de données. La DRM ne sera pas la seule bénéfiaire puisque, selon Preligens, d’autres unités « tournées vers les opérations » pourront les utiliser. Ce sera notamment le cas du Commandement des opérations spéciales [COS] et du Commandement de la Cyberdéfense [COMCYBER].
« Face à l’augmentation du volume des données disponibles issues de multiples sources, notamment satellitaires, le développement d’outils de traitement massif de données, grâce à l’intelligence artificielle, est un enjeu majeur pour appréhender plus rapidement et de manière plus complète la situation, afin de décider mieux et plus vite », explique la DGA.
Aussi, poursuit-elle, « les licences logicielles acquises dans le cadre du marché Tornade permettront aux entités du ministère des Armées de répondre à ce besoin d’accéder rapidement à un renseignement précis et adéquat dans une masse de données : création automatique de cartes à partir d’images satellites, détection d’objets dans ces images pour les domaines du visible, de l’infra-rouge et de l’imagerie radar ».
Quoi qu’il en soit, souligne Preligens, c’est la première fois qu’une jeune entreprise de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française « porte directement elle-même son innovation à ce stade de déploiement ».
En décembre 2019, le ministère des Armées avait annoncé que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] allait prochainement disposer de drones MQ-9 Reaper pouvant emporter deux bombes à guidage guidées laser GBU-12 de 273 kg, à l’issue d’une campagne d’expérimentation menée depuis la base aérienne projetée de Niamey, au Niger. Cette nouvelle capacité ne tarda d’ailleurs pas à être utilisée contre les groupes armés terroristes [GAT] sévissant au Mali, lors d’une « opération d’opportunité » conduite dans la région de Mopti.
Depuis, d’autres expérimentations du même genre ont été menées au Niger, notamment pour éprouver les capacités du MQ-9 Reaper porté au standard block 5. Mais, jusqu’à récemment, jamais un tel appareil n’avait tiré la moindre munition sur le territoire national, l’une des limites à cet exercice ayant été, pendant un temps, l’intégration d’un aéronef piloté à distance dans l’espace aérien civil. Ce qui était de nature à compliquer la formation et la préparation opérationnelle des pilotes de drones de la 33e Escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque [ESRA]
En outre, les drones MQ-9 Reaper et, bientôt, EuroMALE [qui emporteront des missiles Akeron LP] ne seront pas toujours engagés dans des environnements permissifs comme au Sahel.
D’où la campagne que vient de superviser la Direction générale de l’armement [DGA] et l’équipe de marque ISR [renseignement, surveillance et reconnaissance] du Centre d’expertise aérienne militaire [CEAM] de Mont-de-Marsan.
« DGA Essais en vol a réalisé en coopération avec l’armée de l’Air et de l’Espace deux tirs d’essais de bombes guidées laser [GBU-12] sur le site de Cazaux », a en effet annoncé la DGA, ce 12 octobre. Et de préciser : « Cette campagne de tests a permis de valider un type d’itinéraire et des procédures qui seront utilisées dans l’avenir par les drones Reaper » de la 33e ESRA pour « futurs entrainements sur le champ de tir de Captieux ».
Ainsi, après un vol de « répétition » effectué le 30 septembre, un drone Reaper a procédé à un « tir balistique » le 5 octobre, lequel a été suivi, deux jours plus tard, par un « tir guidé laser ».
Pour rappel, le MQ-9 Reaper Block 5 peut également emporter des missiles Hellfire et des bombes à guidage laser GBU-49 [cette capacité a été testée par un appareil de la 33e ESRA aux États-Unis, en février dernier].
Cette fois-ci, c’est la bonne. Tous les signaux sont au vert pour la livraison d’un premier système de drones tactiques (SDT) Patroller d’ici la fin de l’année, nous explique un officier de marque du groupement renseignement de la Section technique de l’armée de Terre (STAT).
Atterrissage en fin d’année à Chaumont
« Aujourd’hui, nous sommes en courte finale », avance la STAT. Son équipe et le maître d’œuvre industriel, Safran Electronics and Defense, ont « beaucoup progressé sur ce drone » depuis l’accident intervenu en décembre 2019 à Istres. Suffisamment en tout cas pour autoriser la livraison du premier système au 61e régiment d’artillerie de Chaumont (Haute-Marne) au cours de l’hiver 2022.
Ce système restera dans les mains de la STAT qui, avec l’appui du 61e RA, entamera les évaluations technico-opérationnelles (EVTO) au printemps 2023. Composé de cinq vecteurs et de deux stations sol, ce SDT intègre un premier échelon de capacités avec la boule optronique Euroflir 410NG et le radar GMTI/SAR (Ground Moving Target Indicator /Synthetic Aperture Radar).
Il comprendra aussi deux canaux de transmission des données vers le sol. Hormis le système ROVER axé vers les JTAC et JFAC, le SDT inclut un Remove Video Terminal conçu par Safran à partir d’un écran durci. Il fournira aux unités au sol une recopie d’écran géoréférencée en temps réel. Idem pour la liaison 16 et l’entrée dans la bulle Scorpion grâce au SICS, disponibles dès le premier système. « Étant donné que l’on sort du seul domaine aéronautique, ce sera le rôle de la STAT de vérifier que tout se déroule conformément au cahier des charges ».
Le dédoublement des stations sol donnera à l’utilisateur « la capacité de faire du transfert de contrôle pour passer de 150 km à 400 km d’élongation maximale ». Une configuration qui doit répondre à la contrainte de décollage depuis une piste sommaire ou non tout en étant en mesure de suivre la progression d’une division ou d’un corps d’armée.
Difficile de manquer le SDT Patroller lors de la dernière présentation des capacités de l’armée de Terre, organisée le 6 octobre à Satory. Un signe parmi d’autres que la livraison du premier système, attendue de longue date, est désormais une question de semaines.
Un passage au dessus de l’exercice Orion ?
Les aménagements subsistants « sont marginaux » et « ce qu’il nous manque, ce ne sont pas des développements mais des qualifications, c’est à dire des validations notamment techniques et sécuritaires de la part de la Direction générale de l’armement ». Ces validations n’étant pas encore effectives, la marge de manœuvre restera encore limitée durant plusieurs semaines.
Seule unité de l’armée de Terre appelée à opérer le SDT, le 61e RA dispose pour l’instant de deux vecteurs appartenant à l’industriel ainsi que de moyens de formation développés en interne pour lui permettre d’avancer sur le sujet. Les Diables Noirs deviendront autonomes dans la conduite des formations et des entraînements à l’été 2023 suite à la réception du second système. L’armée de Terre réceptionnera un troisième exemplaire environ six mois plus tard. Limité à quatre vecteurs, celui-ci sera principalement dévolu à la formation et à l’entraînement des équipages.
Pour l’armée de Terre, l’un des enjeux sera d’être au rendez-vous d’Orion 2023, un exercice d’hypothèse d’engagement majeur (HEMEX) dont une séquence majeure sera jouée à proximité de Chaumont. « Aujourd’hui, l’une des ambitions fortes est d’y participer, tout dépendra de l’atteinte des prochains jalons en matières de livraison et de formation », précise la STAT.
Crédits : Safran E&D
Lancer l’étape 2
Derrière les EVTO et Orion, d’autres capacités ne sont pas encore disponibles et seront implémentées et évaluées « lors d’étapes ultérieures ». C’est le cas de la charge de renseignement d’origine électro-magnétique (ROEM). La question de l’armement, ensuite, « est redevenue une priorité ». « Nous avons constaté un revirement avec la prise en compte de l’hypothèse d’engagement majeur et de ce qui a été constaté sur des théâtres récents », souligne la STAT.
Safran avait été mandaté fin 2019 par la DGA pour mener une étude de levée de risques à partir de la roquette guidée laser de 68 mm de Thales, tirs d’évaluation au sol à la clef. « Nous avons regardé la cinématique, le comportement et l’impact », précise la STAT. Résultat : il n’y a plus de risque technique sur l’appareil. Mais, si « toute les planètes sont alignées », manque encore une contractualisation auprès des industriels concernés.
L’horizon de la fonction armement n’est donc pas connu, mais le sujet pourrait recevoir un coup d’accélérateur dès l’an prochain. Le ministère des Armées prévoit en effet d’engager l’étape 2 du programme en 2023, un jalon qui semblait pourtant repoussé à 2025 après les ajustements réalisés l’an dernier. Un peu plus de 175 M€ en autorisations d’engagement sont inscrits dans le dernier projet de loi de finances pour acquérir des SDT supplémentaires et parvenir à l’objectif initial de cinq systèmes opérationnels à l’horizon 2030. L’effort alimentera également une tranche de soutien initial et l’acquisition d’équipements de mission complémentaires.