Tribune : officiers en surchauffe, l’impasse des compagnies à deux officiers

Tribune : officiers en surchauffe, l’impasse des compagnies à deux officiers

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capitaine de Gendarmerie

Un officier d’active de Gendarmerie, Jean Ceynom (pseudonyme) nous a adressé cette tribune relative aux compagnies commandées par deux officiers, soumis selon lui à de très fortes sujétions. Il estime urgent de repenser le modèle et suggère une réforme.

Sur le même thème : Tribune d’un officier de Gendarmerie : pour un “agent” de l’État, agir en conscience est-il un affront à la cause républicaine ?

Les compagnies de Gendarmerie commandées par deux officiers posent un problème structurel, humain et opérationnel.

Au-delà du nombre de subordonnés à commander et de l’intensité de l’activité générale, le territoire d’une compagnie est un espace vivant, dynamique, spontané, imprévisible, complexe et diversifié… Il évolue, réagit, demande une attention constante. Il n’attend pas que l’on soit disponible : il exige qu’on le soit.

Or, avec toutes les contraintes inhérentes à la fonction, si un commandant de compagnie souhaitait exercer pleinement ses droits : repos, permissions, récupérations, il serait tout simplement impossible de tenir son territoire. Résultat : les officiers se sacrifient en silence, au détriment de leur équilibre, de leur santé, et de leur vie personnelle.

Le fonctionnement interne d’une compagnie est déjà, en soi, un défi permanent. À cela s’ajoutent ntoutes les interactions avec les acteurs extérieurs (collectivités, justice, sous-préfecture, partenaires institutionnels…), qui, eux, ne se soucient guère de la surcharge structurelle. Ils attendent une réponse rapide, une présence visible, une implication sans faille.

Si l’on compare un territoire à un organisme vivant nécessitant une attention quotidienne, alors en l’absence de contrôle et de suivi, cet organisme se dégrade inévitablement.

Les heures non récupérées, les permissions jamais prises, les repos sacrifiés deviennent la norme.

Personne ne semble s’en émouvoir. Certains officiers cumulent des semaines entières sans un seul jour de repos, sans que personne ne vienne leur dire : “Stop, prends soin de toi, préserve-toi”.

Aucune alerte, aucun accompagnement.

Les week-ends travaillés et non récupérés peuvent, en théorie, faire l’objet d’une indemnisation ( très faible ) mais tous les chefs, sans jamais l’écrire, précisent que cette pratique n’est pas tolérée.

Ils partent du principe que nous sommes “de permanence” et non “de service”… Pourtant, passer deux jours à répondre au téléphone, être sollicité en continu par tous les canaux possibles (téléphone, Tchap, mail…), être prêt à se déplacer sur un événement, à engager des moyens, à faire l’interface… Est-ce vraiment cela, une simple “permanence” ?

Et que dire de ces moments où nous profitons des week-ends pour faire le tour de nos unités, participer à des commémorations, réunions, événements, inaugurations, invitations… Être simplement disponible pour nos subordonnés ou les partenaires extérieurs, au service d’un territoire. Voilà ce qu’est un week-end…

Et lorsqu’un officier ose évoquer une compensation, on lui fait comprendre que cela ne se fait pas.

Officiellement, il est en “permanence”, pas en “service ». Une distinction sémantique commode pour ne pas activer les droits correspondants.

Un territoire est un organisme vivant, je le rappelle. Il se moque des normes réglementaires internes.

Il a des besoins, il sollicite.

Certains responsables se retranchent derrière l’argument du “à mon époque”. Mais leur époque n’était pas celle de l’hyperconnectivité. Aujourd’hui, l’officier est sollicité en continu. Il n’y a plus de frontière entre temps de service et temps personnel. Il n’y a plus de déconnexion. Tout est immédiat, urgent, pressant. Et pourtant, aucun allègement, aucun aménagement.

On nous demande de veiller scrupuleusement aux droits de nos subordonnés ce qui est légitime et normal , mais personne ne veille sur les nôtres. Qui contrôle que nos droits sont respectés ? Qui alerte lorsque l’officier dépasse les limites ? Personne, car ce serait soutenir que le système n’est plus soutenable.

Une compagnie à deux officiers, c’est une cadence infernale : une semaine “on”, une semaine “off”…en théorie.

En pratique, la coupure n’existe pas. À trois officiers, la rotation est plus tenable : une semaine de permanence toutes les trois semaines, un temps de repos plus réel, une gestion humaine plus équilibrée. Les chiffres le prouvent, plus de subordonnés ne signifie pas automatiquement plus d’activité opérationnelle. Mais une organisation mieux répartie permet à chacun de souffler et de tenir sur la durée.

C’est à ce moment de la tribune que, dans les compagnies à deux officiers, l’on peut se poser la question : quid du second ?

Il est là pour compenser, assurer l’alternance, permettre au commandant en titre de souffler… Oui, mais…Que se passe-t-il quand un chef (comprenez commandant de groupement) ne souhaite s’adresser qu’au commandant de compagnie en titre? Quand une situation l’exige, qu’un événement l’impose, qu’un cas RH le nécessite ? Et je précise même pas quand ce dernier veut jouir de ses droits à permission (normal et légitime une fois de plus) notamment sur plusieurs semaines consécutives.

Urgent de repenser le modèle

Et nos familles dans tout cela ? Elles vivent au rythme du service, souvent en décalage, parfois dans l’incompréhension. Pendant ce temps, dans le civil, un simple week-end d’astreinte pour un cadre est payé deux à trois fois plus qu’une IFR mensuelle d’officier. L’argent n’est pas notre moteur principal, mais il traduit malgré tout la reconnaissance d’un engagement. Or ici, l’engagement est total, mais la reconnaissance proche de zéro.

Ce système épuise, use, désespère. Il joue sur le sens du devoir des officiers, sur leur loyauté, sur leur silence. Mais à force d’être sollicités sans limite, sans soutien, sans compensation, que restera-t- il de cette motivation qui fait tenir les compagnies ?

En définitive, c’est bien à cause de l’ensemble de ces éléments que le commandement de compagnie attire de moins en moins.

La fonction, pourtant centrale dans la structure et les équilibres de la Gendarmerie, devient un passage redouté. Nombreux sont les camarades qui cherchent, par tous les moyens, à éviter la “case Cie”, conscients des sacrifices qu’elle implique et du manque de reconnaissance qui l’accompagne.

À cela s’ajoute une autre réalité préoccupante, le déficit de ressources pour tenir ces postes.

Il devient urgent de repenser ce modèle, de rééquilibrer les charges, de restaurer un minimum de perspectives, de reconnaissance et de soutien pour ceux qui assurent au quotidien le maillage territorial et la cohésion des unités.

Une réforme s’impose. Pas pour relâcher l’engagement, mais pour qu’il soit soutenable. Car servir en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances ne doit pas signifier se renier en tant qu’individu.

Jean Ceynom

Le Centaure et l’emploi des blindés dans la gendarmerie. Entretien avec le général Christophe Daniel

Le Centaure et l’emploi des blindés dans la gendarmerie

par Revue Conflits – Entretien avec le général Christophe Daniel – publié le 15 mai 2025

https://www.revueconflits.com/le-centaure-et-lemploi-des-blindes-dans-la-gendarmerie-entretien-avec-le-general-christophe-daniel/


85 ans après la bataille de Stonne, les blindés de la gendarmerie défileront le 14 juillet. Dans cet entretien, le général Christophe Daniel, commandant du Groupement Blindé de la Gendarmerie Mobile (GBGM), revient sur l’héritage militaire issu de la bataille de 1940 et l’emploi des blindés dans la doctrine de la gendarmerie.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé

Commençons par un retour historique. Comment s’est construite la capacité blindée de la Gendarmerie ?

Général Christophe Daniel. Pour comprendre cet héritage, il faut remonter à 1933, date de la création à Satory d’une unité de maintien de l’ordre déjà équipée de véhicules blindés, comme le char Renault FT-17 et d’automitrailleuses blindées Panhard.

En octobre 1939, face à la menace grandissante de guerre, la direction de la Gendarmerie décide de créer une unité combattante. C’est ainsi que naît le 45e Bataillon de Chars de Combat de la Gendarmerie, une unité mixte unique composée à moitié de gardes et gendarmes de Satory et à moitié de soldats de l’armée de Terre.

La bataille de Stonne joue un rôle fondateur

Elle est confiée à un capitaine de gendarmerie, Martial Bézanger, et sera engagée dans la bataille de Stonne (15-25 mai 1940), un village des Ardennes qui présente une position géographique stratégique. Ce fut un affrontement extrêmement violent, parfois surnommé le « Verdun de 1940 », contre des unités allemandes d’élite, notamment la 10e Panzerdivision du général Guderian. Les pertes furent importantes, et plusieurs quartiers de Satory portent encore aujourd’hui les noms d’officiers et sous-officiers tombés au combat là-bas.

La bataille de Stonne est méconnue du grand public. C’est pourtant une bataille cruciale, où l’armée française a fait preuve de beaucoup de bravoure.

La bataille de Stonne débute le 15 mai 1940. C’est un tout petit village dans les Ardennes, situé sur une position stratégique, en hauteur. Il est situé sur une ligne de crête qui permet d’avoir une grande vision sur les débouchés des forces adverses. Dix jours durant, Français et Allemands ne vont cesser de se battre pour le contrôle du village.

Le 45e bataillon de chars de combat fait donc partie, au sein de la 3e division cuirassée d’un ensemble d’unités, d’infanterie, d’artillerie et de chars qui combattent dans ce secteur. Les pertes en chars sont nombreuses, tant du côté allemand que français. Les Allemands ont fait usage de l’aviation durant cette bataille, ce qui leur a donné une supériorité tactique. Le général allemand Paul Wagner, qui a combattu à Stonne, a dit qu’il y avait pour lui trois grandes batailles dans cette guerre : Stalingrad, Monte-Cassino et Stonne.

La mémoire du 45e est fortement entretenue à Satory : elle est présente au pied du mat des couleurs où un monument aux morts reprend la liste des disparus durant cette bataille. Elle vit également à travers la croix de guerre avec palme, accroché à l’étendard du GBGM.

Et après la Seconde Guerre mondiale ?

Après l’armistice, il n’y a plus d’unité blindée constituée dans la Gendarmerie jusqu’à la fin de la guerre. En 1945, les gendarmes de Satory reçoivent de nouveaux matériels blindés, notamment américains (sherman, half Track, auto-mitrailleuses AM8) .

En 1968, après les événements de mai, la Gendarmerie conçoit son propre véhicule : le VBRG (Véhicule Blindé à Roues de la Gendarmerie), adapté au maintien de l’ordre. Sa spécificité : un blindage protecteur, une lame pour dégager les axes, et des équipements non létaux. Ce véhicule bleu emblématique est encore en service, notamment en outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Mayotte…).

Le nouveau véhicule blindé polyvalent Centaure a une couleur spécifique (le bleu) et une silhouette propre, qui est adaptée aux terrains d’engagement et notamment au maintien de l’ordre.

Une lame est ainsi installée à l’avant. Quand on fait du maintien ou du rétablissement de l’ordre, de temps à autre ou régulièrement dans certains secteurs, les axes sont bloqués par des obstacles, donc il était important pour nous d’avoir un engin blindé, qui sert à amener une protection balistique de ses équipages et des troupes embarquées ou des troupes à pied qui se mettent derrière. Et derrière, cette lame va nous servir à dégager les axes pour que les troupes à pied puissent assurer les opérations de maintien de l’ordre.  Donc, c’est le premier véhicule pensé, spécifique, pour le maintien de l’ordre.

Parlons du nouveau véhicule, le Centaure. Qu’est-ce qui le distingue de ses prédécesseurs ?

Le Centaure, c’est un engin du 21e siècle. Il est plus imposant que le VBRG, mais il reste très maniable. Il peut notamment atteindre 100 km/h. Son blindage est plus performant (niveau Stanag II), et il est conçu pour des opérations variées.

Il est doté de systèmes modernes : caméra thermique, vision nocturne, détecteur de tirs capables d’identifier la position du tireur et le calibre de l’arme utilisée. Il dispose aussi d’une tourelle téléopérée en 7.62 mm, de lanceurs de grenades lacrymogènes multi-coups, et d’un système de surpression avec filtres NRBC pour opérer en zone contaminée. Il peut ainsi intervenir sur un large spectre de mission, permettant par exemple, en cas de catastrophe industrielle, la protection des équipages aux risques NRBC.

À bord, on trouve trois membres d’équipage (pilote, chef d’engin, opérateur radio/tir) et jusqu’à sept personnels embarqués.

Centaure (c) Gendarmerie

Combien de Centaures ont été acquis, et comment sont-ils répartis ?

Nous avons reçu 90 Centaures. Un tiers est à Satory, un tiers dans les groupements de provinces, et le dernier tiers est déployé outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Mayotte, Réunion, Antilles, Polynésie). Quatre sont aussi stationnés à Saint-Astier pour la formation des escadrons.

Il a été utilisé en Nouvelle-Calédonie lors des émeutes de mai 2024, mais aussi lors des violences urbaines de 2023, du cyclone à La Réunion ou pour dégager des axes à Mayotte. Il est aussi un outil de dissuasion psychologique, par exemple lors des mobilisations agricoles de 2024. Il est présent lors d’événements majeurs, comme les JO ou les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement.

Pour la première fois, des Centaures participeront au défilé du 14 juillet.

Tout à fait. Nous avons eu la chance et la fierté d’être désignés pour le défilé de cette année. Le dernier défilé de la gendarmerie avec ses engins blindés mobile date de 2000, lors du retour d’un déploiement au Kosovo. Avant cela, il y avait eu 1988. 2025 sera donc un grand événement pour notre unité, et l’occasion de mettre en avant cette nouvelle composante blindée.

Comment est-il utilisé pour les opérations de maintien de l’ordre ?

Il convient de rappeler que cet engin blindé ne doit pas être banalisé. C’est pour cette raison que sa mise en œuvre est strictement encadrée. L’autorisation d’engagement relève ainsi du Premier ministre en ce qui concerne les opérations de maintien de l’ordre, et des préfets de zone de défense pour la définition des missions, avec un certain formalisme.

L’engament de ces moyens blindés est évidemment lié aux capacités qu’il prodigue, mais leur déploiement a également un effet psychologique. Il participe à la démonstration de l’autorité.

Rappelez-vous le mouvement de contestation agricole de début 2024, puis de fin 2024 et la remontée des tracteurs vers Paris. Très clairement, l’engagement des engins blindés, marquait la volonté politique et, sur un plan tactique, permettait de définir une ligne d’interdiction aux engins agricoles.

Je tiens surtout à dire que son utilisation, lors des émeutes qu‘a connues la Nouvelle-Calédonie, à compter du 13 mai 2024 et ce, pendant plusieurs mois, a permis de protéger les forces déployées,des nombreuses séquences de tirs par armes à feu qui ont caractérisé cette opération. C’est en effet une des premières vocations d’un engin blindé :  assurer la protection balistique de ses équipages et des troupes embarquées.

Centaure (c) Gendarmerie

Est-ce que le Centaure est aussi utilisé dans des opérations extérieures ?

Cela peut être envisageable, comme ce fut le cas avec le VBRG au Kosovo ou en Côte d’Ivoire. Pour l’opération conduite en Afghanistan, nous avions par exemple fait le choix d’acquérir auprès de nos camarades des armées le véhicule de l’avant blindé, (VAB). Le Centaure pourrait être projeté, mais évidemment après analyse et définition des missions qui seraient confiées à la gendarmerie. C’est à nos responsables politiques de nous en définir le cadre et bien sûr à la direction générale de la gendarmerie d’en assurer la déclinaison, en prenant en compte de nombreux paramètres.

Démissions dans la Gendarmerie : la mise au point, chiffres à l’appui de la Direction générale

Démissions dans la Gendarmerie : la mise au point, chiffres à l’appui de la Direction générale


Drone de la Gendarmerie (Photo d’illustration GendInfo.fr)

Groupe Facebook, articles en série dans la presse, questions de parlementaires au gouvernement : le sujet des départs et démissions dans la Gendarmerie, 15000 en 2022 selon la Cour des comptes qui tient ces chiffres de la Gendarmerie elle-même, fait couler beaucoup d’encre.

La Gendarmerie a décidé de communiquer sur ce sujet. Dans un article publié dans GendInfo, l’Arme fait un point, chiffres à l’appui, sur ces départs et démissions.

Il n’y a pas d’hémorragie” affirme la Direction de la Gendarmerie pour laquelle “ces départs restent en effet conformes aux prévisions de l’institution, au regard notamment du mécanisme permettant aux sous-officiers et aux officiers de faire valoir leurs droits à la retraite avec jouissance immédiate de leur pension après respectivement 17 et 27 ans de carrière, mais aussi au regard des évolutions sociétales que la Gendarmerie intègre dans sa stratégie de recrutement” assure la DGGN.

Le détail des 15 000 départs

Dans cet article, la Gendarmerie explique le chiffre de 15 000 départs évoqué par la Cour des comptes. Celui-ci englobe l’ensemble des flux, y compris les changements de corps détaille la Gendarmerie. “Il inclut donc les départs de Gendarmes adjoints volontaires (GAV), admis dans une école de sous-officiers, mais aussi de sous-officiers intégrant l’un des corps d’officiers” poursuit la DGGN qui précise que “plus de la moitié des sous-officiers recrutés au cours des trois dernières années étant d’anciens GAV, on comprend mieux l’ordre de grandeur de ces flux internes”.

Ce chiffre se décompose en 3700 changements de corps, 2 950 flux sortants temporaires et 8 350 départs définitifs de la Gendarmerie (mobilité des personnels civils et fins de contrat GAV inclus). Les 15 000 intègrent également les départs temporaires telles les affectations au sein des gendarmeries spécialisées relevant du ministère des armées ou encore les détachements en “mobilité extérieure” au sein d’autres administrations ou organisations nationales et internationales.

1 571 radiations des cadres en 2024 dont 545 dénonciations de contrat en écoles d’officiers et de sous-officiers.

Après déduction du nombre annuel de départs en retraite après 17 et 27 ans de service, le nombre total de radiations des cadres avant d’avoir acquis les droits à une retraite à jouissance immédiate (tous corps confondus, hors population de volontaires) s’est élevé à 1 571 en 2024, dont 545 dénonciations de contrat en écoles d’officiers et de sous-officiers.

Après deux années de hausse consécutive, en 2022 et 2023, le nombre de départs anticipés s’est toutefois stabilisé au cours de l’exercice 2024 annonce la DGGN.

La Gendarmerie estime encore “qu’elle est loin de connaître la “grande démission” évoquée et “qu’elle dispose toujours d’une réelle attractivité”. Ainsi, elle indique “recevoir des centaines de demandes de gendarmes souhaitant dépasser la limite d’âge ou se réengager après une expérience externe ou une retraite anticipée, comme le permet désormais la dernière LPM (loi de programmation militaire ndlr)”.

Toutes ces demandes n’ont d’ailleurs pas pu recevoir un retour favorable de la part de la DRH, afin justement de laisser la place aux jeunes recrues” ajoute d’ailleurs l’institution.

Enfin l’Arme précise “qu’avec 12 000 postes pourvus en 2024, la gendarmerie n’a jamais autant recruté, sans pour autant le faire au détriment de ses standards de sélection”.

L’article de GendInfo.

Après l’opération “Harpie”, “Kapalu” assène un grand coup aux orpailleurs illégaux en Guyane

Après l’opération “Harpie”, “Kapalu” assène un grand coup aux orpailleurs illégaux en Guyane

Après des années de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, l’armée française change de tactique : après l’opération “Harpie”, place à “Kapalu”, une opération de destruction systématique dont les résultats ne se sont pas fait attendre. Une technique d’une efficacité redoutable, qui pourrait être reproduite ailleurs dans la région.


L’hélicoptère des forces armées françaises survole l’étendue de la forêt amazonienne guyanaise, le long de la frontière avec le Brésil. Les pilotes, habitués à repérer les sites d’orpaillage depuis les airs, montrent des camps difficiles à discerner pour les non avertis.

Un changement de couleur de l’eau, une trouée dans la canopée peut leur indiquer la présence de garimpeiros, orpailleurs illégaux d’origine brésilienne. Parfois, un point blanc dans l’immensité verte ne laisse pas de place au doute.

Ils sont trahis par leurs antennes Starlink, le service de connexion par satellite leur permettant d’avoir du réseau internet, explique un pilote des Forces armées guyanaises (FAG).

Depuis des années, le département français d’Amérique du Sud est le théâtre d’une lutte perpétuelle entre orpailleurs clandestins et forces de l’ordre. Avec un succès tout relatif: 400 sites illégaux étaient recensés en 2024, selon des chiffres de la préfecture.

Mais en octobre, les forces de sécurité – gendarmerie et FAG conjointement – ont lancé une nouvelle opération baptisée Kapalu dans le bassin de la rivière Camopi, qui traverse la commune du même nom, à la frontière avec le Brésil. Le but : “éradiquer l’orpaillage” dans la zone, détaille le général Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie en Guyane.

Une méthode systématique plus efficace

Pour cela, 150 militaires et gendarmes ont été déployés pendant six semaines dans cette région isolée de 3,000 km2, accessible uniquement par les airs et le fleuve, pour détruire l’intégralité des chantiers recensés.

Le maintien de plusieurs patrouilles sur place pour limiter le retour des garimpeiros a suivi cette “phase de destruction systématique”. Et ça marche, assurent les autorités.

En 2019, l’est guyanais concentrait 20 % de l’orpaillage illégal en Guyane. En 2025, c’est 3 %, détaille le général Sintive, selon qui l’orpaillage est devenu “résiduel” sur le bassin de la Camopi.

Les préjudices infligés aux garimpeiros – saisies de pirogues, d’or, de carburant… – sont estimés à environ cinq millions d’euros.

La méthode tranche avec l’opération “Harpie” lancée en 2008. Depuis longtemps, des élus locaux reprochaient aux militaires d’abandonner la zone – immense – une fois les puits illégaux et le matériel des orpailleurs détruit. Sitôt les militaires partis, les orpailleurs reprenaient leurs activités.

Des limites persistent : la réponse judiciaire, pas toujours adaptée. “Il y a un décalage entre la sophistication que requièrent les enquêtes et la dureté du milieu”, pointe le procureur général près la cour d’appel de Cayenne, Joël Sollier. En témoigne le bilan de l’opération Harpie : depuis son démarrage, onze militaires français sont morts en mission.

Une lutte contre un crime organisé

L’orpaillage illégal s’apparente à du “crime organisé”, insiste Joël Sollier. “Il ne peut y avoir qu’une organisation qui achemine 400 000 litres de pétrole chaque année, des quads en quantité, des pirogues, de la nourriture pour plusieurs centaines voire plusieurs milliers de personnes”.

Et malgré des centaines de gardes à vue chaque année, le travail de renseignement est long et interpeller les têtes de réseaux difficile.

Pourtant, la coopération avec le Brésil est bonne. C’est l’un des paramètres qui a convaincu les autorités de lancer l’opération Kapalu sur le bassin de la Camopi.

“Il y a une forte demande de la part des autorités, des élus et des chefs coutumiers”, explique le préfet de la Guyane Antoine Poussier, venu fin janvier faire un premier bilan sur place.

Lors d’une visite en mars 2024, le président Emmanuel Macron avait promis “d’aller encore plus loin dans la lutte contre l’orpaillage illégal”. Neuf mois plus tard, “l’engagement est tenu, on poursuit la lutte”, assure le préfet.

Mais de l’autre côté de la Guyane, à sa frontière avec le Suriname, les garimpeiros prospèrent encore, aidés par la présence d’innombrables comptoirs commerciaux susceptibles d’approvisionner les orpailleurs en vivres et matériel le long du fleuve Maroni. Les autorités assurent pourtant vouloir dupliquer là-bas aussi les méthodes de Kapalu.

Le général Bonneau envisage « sérieusement » la « possibilité d’un conflit armé » en France

Le général Bonneau envisage « sérieusement » la « possibilité d’un conflit armé » en France

par Pierre-Marie Giraud – L’Essor – publié le 28 janvier 2025

https://lessor.org/societe/le-general-bonneau-envisage-serieusement-la-possibilite-dun-conflit-arme-en-france/


Dans une lettre adressée à ses grands responsables territoriaux, le général d’armée Hubert Bonneau les alerte sur la possibilité d’un “conflit armé” et d’une “agression du sanctuaire national”, lié à la crise ukrainienne. L’Essor a lu pour vous cette lettre qui vient d’être révélée par Le Monde.

Ce courrier de trois pages du directeur général de la Gendarmerie nationale Hubert Bonneau, daté du 19 janvier 2025 et cité par un article du journal Le Monde de ce mardi 28 janvier, s’adresse aux « commandeurs » de l’Arme. C’est à dire aux grands chefs territoriaux (commandants de région et de groupement) et aux directeurs d’administration centrale. Évoquant un environnement stratégique qui se « durcit », le patron des 130.000 gendarmes d’active et de réserve assure que la France connait en effet un « point de bascule ».

« Préserver la cohésion nationale »

Il convient donc, insiste le général Bonneau, de « préserver le centre de gravité du pays: la cohésion nationale». Cette lettre est marquée du ton de la « militarité», une vertu prônée par la haute hiérarchie de la Gendarmerie, souvent formée à Saint-Cyr. Il évoque « l’hypothèse d’un engagement majeur», soulignant que « les évolutions politiques aux Etats-Unis avec leurs possibles conséquences sur l’Otan, vont sans doute pousser l’Europe à s’engager plus avant pour sa propre défense ».

Un courrier qu’aurait pu signer le chef d’état-major des armées. D’autant plus que le général Bonneau insiste sur le « lien » de la Gendarmerie avec les Armées et « sur l’enjeu structurant de la Défense opérationnelle du territoire ». En ajoutant: « En tant que force militaire, nous avons le devoir de nous y préparer pour tenir notre place ».

Le constat semble aussi partagé par certains parlementaires. Dans d’autres mesures, les sénateurs Philippe Bas (LR) et Victorin Lurel (socialistes) ont dressé, pour la Délégation sénatoriale aux outre-mer, le constat d’une « insécurité alarmante et multiforme dans la quasi-totalité des départements et régions d’outre-mer ». Et parmi la quarantaine de propositions ainsi formulées pour y remédier, ils appellent au durcissement de l’emploi des forces armées, dont les gendarmes, notamment contre l’orpaillage illégal en Guyane, en y activant le dispositif de Défense opérationnelle du territoire (DOT).

Le sans-faute de la libération du couple enlevé

La divulgation de ce courrier a provoqué un certain émoi dans les bureaux de la direction générale de l’Arme, adossée au fort d’Issy-les-Moulineaux dominant la capitale. Chacun se félicitait encore du sans-faute réalisé la semaine dernière par les gendarmes avec la résolution en douceur de l’enlèvement crapuleux d’un couple pour obtenir une rançon. La Gendarmerie avait alors montré sa réactivité et sa capacité de mobilisation comme elle en avait fait preuve après le cyclone Chido à Mayotte. Mais les gendarmes cultivent aussi la discrétion. L’un d’eux, un officier supérieur lâche: « Pour vivre heureux, vivons cachés ».

Durcir les unités pour faire face à toutes les adversités

Pour autant, un autre cadre fait remarquer que le contenu de la lettre du général Bonneau reprends des termes développés le 14 novembre 2024. Ce jour-là, le directeur de la Gendarmerie, devant ces mêmes « commandeurs », à l’Ecole militaire à Paris, avait développé sa feuille de route: militarité, impact des tensions internationales en France, aggravation des criminalités et des violences. Il avait alors aussi employé les mots « point de bascule ».

Le patron des gendarmes avait aussi plaidé pour que la Gendarmerie « avec ses moyens rustiques mais permanents » soit « la force armée de la défense territoriale ». Il faut, avait-il alors, continuer à durcir les unités pour faire face à toutes les adversités. Il avait ainsi demandé de préserver les périodes d’entraînement, pour les gendarmes mobiles comme départementaux, de renforcer la formation des gendarmes mobiles avec une instruction au combat et de maintenir des « liens forts » avec les Armées.

Rapport de la Cour des comptes sur les zones de compétences : l’analyse du général (2S) Bertrand Cavallier

Rapport de la Cour des comptes sur les zones de compétences : l’analyse du général (2S) Bertrand Cavallier


Le général de division (2s) de Gendarmerie Bertrand Cavallier, expert en sécurité intérieure, consultant pour plusieurs médias, dont la Voix du Gendarme, réagit au rapport de la Cour des Comptes consacré aux zones de compétences de la Gendarmerie et de la Police.

LVDG : le ministre de l’Intérieur doit-il suivre les recommandations de la cour des comptes du sujet des zones de compétences ?

Général (2S) Bertrand Cavallier : la Cour des comptes formule des pistes de réflexion intéressantes qui ne sont cependant pas nouvelles. Mais elle ne prend pas, à mon avis, suffisamment en considération, deux éléments essentiels qui renvoient au principe de redevabilité envers la population.

Tout d’abord, le service de sécurité concret rendu tant dans la mission du quotidien que dans la capacité de montée en puissance en cas de crise ponctuelle ou généralisée, au profit des populations. En la matière, il suffit de se poser de façon non exhaustive quelques questions incontournables :

– le nombre de patrouilles à un instant T (notamment la nuit), par rapport à l’effectif d’une unité donnée ;

– les chiffres de la délinquance, sachant que les phénomènes nouveaux qui touchent la Gendarmerie – principalement le trafic de stupéfiants – sont générés à partir de zones devenues de non droit qui ne relèvent pas de sa compétence;

– la réponse à l’évènement. Comme le révèle la Cour des comptes, le protocole CORAT (Coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires) est quasi exclusivement dans un sens unique, alors même que très souvent, l’unité de Police bénéficiaire compte plus d’effectifs que l’unité de Gendarmerie fournisseuse de renforts, et que celle-ci est déjà en charge d’une circonscription peuplée mais également très étendue ( la Gendarmerie assure la sécurité au profit de 55% de la population sur 95% du territoire national).

Ensuite, mais adossée à ce concept de redevabilité, la productivité d’un service donné, par rapport à la dotation budgétaire allouée. Ce critère prend tout son sens dans un contexte budgétaire dégradé et incertain, dans lequel d’aucuns souhaiteraient recourir encore plus à l’impôt, c’est-à-dire demander plus encore aux citoyens, sans garantir en retour une amélioration significative du service rendu.

LVDG : au delà des seuls transferts de zones de compétence, quelles sont les mesures à adopter d’urgence selon vous pour répondre aux attentes des Français en matière de sécurité ?

Général (2S) Bertrand Cavallier : je me suis déjà exprimé dans ce même média sur certains grands axes autour desquels pourraient s’articuler l’action du ministre de l’Intérieur. Sachant que la situation est grave et, comme l’a indiqué le préfet des Alpes-Maritimes, va empirer. Je constate cependant une rupture au sens positif du terme dans la politique sécuritaire initiée depuis septembre dernier.

L’arrêt des surenchères catégorielles

S’agissant des mesures d’urgence, j’en identifie quatre, qui participent évidemment d’une dynamique inter-ministérielle :

– d’une part, au travers d’une démarche globale, et de remise à plat du système (attendue notamment par Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats FO), pouvoir réamorcer la logique du procès pénal, c’est-à-dire la cohérence entre le constat d’une infraction, l’identification de son auteur, et son renvoi effectif devant une juridiction avec le restauration de la peine d’emprisonnement (même très court, voir l’exemple danois). Or les prisons sont pleines, et l’augmentation des infractions graves, notamment les violences de toute sorte, va accentuer l’absurde auxquels sont confrontés gendarmes et policiers dans l’exercice de leur mission, sans évoquer le désarroi de la population. En conséquence, l’expulsion des étrangers (plus de 20% des personnes détenues) à l’issue de leur emprisonnement est un impératif majeur qui ne saurait être subordonné à de quelconques arguties diplomatiques. La France doit redevenir souveraine. Cette mesure aura de surcroît un effet dissuasif s’agissant du comportement d’individus d’orgine étrangère, tout en confortant l’immense majorité des étrangers qui respecte les lois de la République. Par ailleurs, la construction de nouvelles prisons (15 000 places) est incontournable, et devrait permettre, de créer notamment des établissements dédiés aux courtes peines, comme l’envisage le garde des sceaux, Gérald Darmanin.

la reconquête effective de certains quartiers, devenus des centres de gravité des organisations criminelles, selon une logique de concentration des efforts et d’approche globale, en s’appuyant sur l’ensemble des capacités dont dispose l’Etat, y compris de renseignement et de services spécialisés, en agissant tant sur les filières étrangères (narco-trafic) que sur les mouvances de blanchiment. La République doit démontrer qu’elle est forte. La sixième puissance mondiale doit prouver qu’elle est capable de maintenir l’ordre sur son propre territoire. Cette reconquête doit être adossée à un véritable contrôle des frontières intérieures et extérieures de l’Union européenne, tant les flux d’immigration massifs déstabilisent aujourd’hui de façon globale le corps social.

– l’arrêt des surenchères catégorielles qui ont été dominantes depuis trente ans, au point, sur fond de budget qui ne saurait être illimité, de fragiliser le fonctionnement et surtout de sacrifier les investissements.

La réalité budgétaire s’impose aujourd’hui à une France qui doit redécouvrir le sens de l’effort, qui doit refaçonner une fonction publique trop longtemps dominée par le fameux “Toujours plus”, titre d’un livre de François de Closets paru en 1984 et, force de le constater, toujours d’actualité!

Le toujours plus de moyens n’est plus acceptable. Doivent être évoqués, d’ailleurs pointées du doigt à plusieurs reprises par la Cour des comptes, la complexité et la réalité des règles de fonctionnement des forces de sécurité intérieure. Doit être notamment clarifiée la question du temps de travail effectif (sans évoquer les abus d’arrêt de travail qui atteignent des proportions inégalées dans la fonction publique). S’agissant de la Gendarmerie, cette question du temps de travail renvoie bien évidemment au maintien de sa pleine appartenance aux forces armées, tel que voulu par la représentation nationale par la loi du 4 août 2009. (*)

Réformer le cadre juridique de l’usage des armes

La dernière mesure mais qui appellera un développement particulier, porte sur la réforme du cadre juridique de l’usage des armes par les forces de sécurité intérieure, défini par l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure. Ce cadre qui, est notamment devenu plus restrictif pour la Gendarmerie, n’est manifestement pas adapté à l’évolution de la délinquance.

Il met en insécurité physique et juridique les membres des forces de l’ordre dans de nombreuses situations où ils devraient intervenir, y compris par le recours à l’usage des armes.

(*) Général Cavallier : “la directive temps de travail est une menace inacceptable pour la protection des Français”

La Marine nationale a réalisé l’une de ses plus importantes saisies de drogue en Polynésie française

La Marine nationale a réalisé l’une de ses plus importantes saisies de drogue en Polynésie française


Si l’Europe et l’Amérique du nord restent les principales destinations du trafic de produits stupéfiants, l’Océanie, en particulier l’Australie, est de plus en plus prisée par les réseaux de trafiquants sud-américains. Ainsi, en 2012, la plus importante saisie effectuée par la Marine nationale dans la zone Pacifique était une cargaison de 200 kg de cocaïne. Cinq ans plus tard, le volume des prises avait été multiplié par dix, avec 1,4 tonne interceptée par la frégate de surveillance « Vendémiaire » et près de 600 kg par le Bâtiment de soutien outre-mer [BSAOM] « d’Entrecasteaux ».

Ce phénomène n’a fait que s’accentuer par la suite. En mars 2019, alors en mission de longue durée dans le Pacifique, la frégate de surveillance « Prairial » des Forces armées en Polynésie française [FAPF] intercepta un navire de pêche avec 766 kg de cocaïne à bord, au large du Nicaragua. Cette opération avait été menée en coopération avec les États-Unis, sous l’autorité du Joint Interagency Task Force – South [JIATF-S].

Depuis, des prises aussi importantes ont été plus rares. Jusqu’au 23 décembre dernier. En effet, ce jour-là, le BSAOM « Bougainville » a arraisonné le « Raymi », un navire de pêche battant pavillon espagnol, à environ 700 nautiques au sud de Papeete [Polynésie française]. Or, celui-ci transportait 11 ballots contenant 524 kg de cocaïne au total. Ses 14 membres d’équipage ont été interpellés et 8 000 euros ont été saisis.

« L’opération a été menée sous l’autorité du Haut-commissaire de la République en Polynésie française, délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer. Elle fait suite à une étroite coopération entre le Commandement de la gendarmerie [COMGEND] pour la Polynésie française, et notamment l’antenne de l’Office anti-stupéfiants [OFAST] à Papeete, et la police fédérale australienne », a précisé la Gendarmerie nationale, via un communiqué publié ce 29 décembre.

Et d’ajouter : « Cette coopération internationale entre les forces de gendarmerie et police fédérale australienne a permis aux Forces armées en Polynésie française de mettre en place un dispositif de surveillance et d’interception ayant conduit à l’opération de contrôle du Raymi par le BSAOM Bougainville ».

Selon le Haut-commissariat, cité par Tahiti Infos, il s’agit de la « plus importante saisie » de cocaïne dans la « zone Polynésie française depuis 2017 » et « c’est également la première saisie en haute mer depuis 2017 ».

Selon le commandant du « Bougainville », le capitaine de corvette Mathieu L., cette opération a été complexe.

« Nous sommes 25 à bord du Bougainville pour conduire le bateau et effectuer des opérations comme celle-ci. Ce sont des opérations pour lesquelles nous sommes formés, entraînés, et ça fait partie du panel d’opérations que peut faire le Bougainville, en plus de ses missions de sécurité et de préservation de la zone maritime de la Polynésie française », a-t-il témoigné dans les pages de Tahiti Infos.

En octobre, la Marine nationale avait déjà saisi 43 tonnes de drogue, selon son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Nicolas Vaujour.

« Nous faisons du bon travail, bien que les trafics continuent d’augmenter. Un narcotrafiquant arrêté aux Antilles a confié lors de son audition que notre navire qui avait intercepté le trafic, la frégate de surveillance ‘Ventose’, avait été surnommée El Diablo par les trafiquants, tant il avait surgi sans être vu et à une vitesse qu’ils n’attendaient pas, ceci pour une prise de 10,5 tonnes de drogue, dont 5 tonnes de cocaïne, ce qui représenterait 500 millions d’euros à la revente en France », avait en effet expliqué le CEMM, au Sénat.

La lutte contre le narcotrafic n’est pas une mission prioritaire pour la Marine nationale. « Ce n’était pas un sujet pour [elle] quand je suis entré au début des années 1980, c’était l’affaire des douanes », a souligné l’amiral Vaujour.

Aussi, a-t-il ajouté, « la Marine nationale ne dédie pas de moyens spécifiques à la lutte contre le narcotrafic, nous agissons selon nos ressources disponibles à proximité quand on nous signale un trafic – on décide alors de dérouter l’un de nos navires pour intervenir ».

La Guyane est une terre d’enjeux immenses – Entretien avec le général Jean-Christophe Sintive

Entretien avec le général Jean-Christophe Sintive, commandant la Gendarmerie de la Guyane-Française

AASSDN – publié le 14 novembre 2024

https://aassdn.org/amicale/la-guyane-est-une-terre-denjeux-immenses/


Commentaire AASSDN : Compte tenu de sa situation géographique proche de l’équateur, de ses ressources naturelles et de sa superficie importante (1/6e de la Métropole), la Guyane est un atout pour la France.
Mais la très forte immigration étrangère, les trafics et l’insécurité qui atteint des niveaux inconnus en Métropole sont de nature à transformer ce département d’Outre-mer à devenir un boulet pour notre pays, voire une proie pour ses voisins.
Il est donc impératif et urgent de restaurer la sécurité et l’intégrité de ce territoire où opèrent de nombreux clandestins, souvent orpailleurs armés venus du Surinam et du Brésil. La Guyane doit constituer notamment avec Kourou, un pôle d’influence français en Amérique du Sud.

Affecté à la tête de la Gendarmerie de la Guyane Française depuis le 1er août 2022, le général Sintive décrit un territoire dont la beauté n’a d’égale que l’exigence de l’engagement des gendarmes qui y servent.

Avec ses 84 000 km², la superficie de la Guyane est comparable à 1/6e de l’Hexagone, mais ne compte que 300 000 habitants. Seul outre-mer français à ne pas être une île, ce territoire partage plus de 500 kilomètres de frontière avec le Suriname et 700 kilomètres avec le Brésil (plus précisément avec l’État fédéré de l’Amapá), ce qui en fait ainsi la plus grande frontière terrestre de la France, au cœur de l’Amérique du Sud. La Guyane constitue ainsi une porte d’entrée vers l’Europe, qu’il s’agisse de flux licites ou illicites de personnes et de biens.

Recouvert à 94 % de forêt équatoriale, ce territoire présente une biodiversité exceptionnelle. Celle-ci est néanmoins menacée par la déforestation, par l’orpaillage illégal et la pêche illégale. Terre de convoitises, la Guyane dispose de réserves aurifères et halieutiques importantes.

Passionné par ce territoire, le général Jean-Christophe Sintive s’engage quotidiennement aux côtés des gendarmes servant sous ses ordres. « J’adore la Guyane. J’exerce un commandement hors du commun. La gendarmerie est la force qui compte sur ce territoire, elle y fait face à des enjeux immenses. »

De ses débuts en Guyane jusqu’aux fonctions de Commandant de la gendarmerie de la Guyane Française

« Scientifique de formation, j’ai choisi la gendarmerie après ma scolarité à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. À l’issue de la formation à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN, nouvellement Académie militaire de la gendarmerie nationale – AMGN), j’ai rejoint l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 46/2 de Châtellerault, d’abord en tant que commandant d’un peloton blindé, puis à la tête du peloton d’intervention. J’ai participé à plusieurs missions, mais la première s’est déroulée en Guyane, constituant ainsi un véritable marqueur de ma carrière. J’ai également été engagé au Kosovo. J’ai ensuite été affecté à l’École polytechnique en tant qu’instructeur, avant de devenir commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Béziers. Ce temps de commandement s’est révélé particulièrement formateur en raison de l’activité judiciaire soutenue et des nombreux événements d’ordre public. Après un temps à la Direction générale de la gendarmerie nationale et une année de scolarité à l’École de Guerre, j’ai eu l’opportunité d’occuper un poste nouvellement créé au sein de l’Inspection générale de l’administration (IGA), dans le cadre du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Cette affectation m’a permis de disposer d’une compréhension des enjeux interministériels et d’obtenir des diplômes d’audit. Dans la continuité de ce poste, j’ai rejoint l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) afin de participer au développement de l’audit interne en gendarmerie. J’ai ensuite servi au sein du Bureau personnel officier, où j’ai pu appréhender les enjeux de l’Institution en matière de ressources humaines. De 2016 à 2019, j’ai commandé le Groupement de gendarmerie départementale de la Gironde, marqué par des enjeux périurbains et estivaux importants. À ce temps de commandement a succédé une nouvelle scolarité au sein du Centre des hautes études militaires (CHEM) et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Cette formation m’a permis d’approfondir ma compréhension de la décision interministérielle et des enjeux géopolitiques de la France. À l’issue, j’ai occupé le poste de conseiller sécurité intérieure et défense sécurité auprès du ministre des Armées. En 2022, j’ai été affecté comme Commandant de la gendarmerie de la Guyane Française (COMGEND-GF).

Ce poste est exactement celui que je souhaitais obtenir. Je suis revenu en Guyane 23 ans après y avoir servi. Il s’agit d’un territoire exceptionnel, au sein duquel la gendarmerie joue un rôle majeur. Elle agit en effet sur plus de 99 % de ce territoire et assure la sécurité de 80 % de la population. À cela s’ajoutent les spécificités liées à la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI), qui est une opération qui n’existe nulle part ailleurs, et à la protection du Centre spatial Guyanais (CSG). Pour ces raisons, commander la gendarmerie de Guyane présente un intérêt particulier. »

L’état de la menace

« La Gendarmerie doit faire face à des enjeux de sécurité extrêmement importants. La Guyane est confrontée à toutes les difficultés de l’Amérique du Sud et à des problématiques migratoires conséquentes. Les populations frontalières immigrent en Guyane en quête d’une vie meilleure. Le Produit intérieur brut (PIB) par habitant de ce territoire est deux fois supérieur à celui du Brésil et trois fois supérieur à celui du Suriname. La Guyane est marquée par un haut niveau de violence et par une circulation massive d’armes à feu. Les trafiquants de drogue utilisent la Guyane comme porte d’entrée vers l’Europe. Nous enregistrons 35 % des vols à main armée avec arme à feu et 20 % des tentatives d’homicide constatés par la gendarmerie sur le territoire national. Plusieurs phénomènes criminels sont aujourd’hui notables.

Depuis cinq ans, nous faisons face à l’arrivée de factions armées brésiliennes. Il s’agit de groupes criminels organisés qui ont commencé à se constituer dans les années 80 dans les prisons de ce pays. Ils cherchent désormais à s’étendre dans toute l’Amérique du Sud, voire à l’Europe via le Portugal mais aussi la France, en raison de la situation géographique de la Guyane. Les deux principales factions implantées en Guyane sont la FTA (Familia Terror do Amapá) et le Commando rouge. Ces organisations sont rivales, ce qui explique aussi les nombreux règlements de compte que nous constatons.

La Guyane est également victime de l’orpaillage illégal au cœur de la forêt équatoriale. On estime que 5 tonnes d’or ont été extraites illégalement en 2023. Cette année-là, nous avons saisi 61 millions d’euros d’avoirs criminels liés à l’orpaillage illégal. Actuellement, nous avons déjà atteint 76 millions de saisies et destructions. Ces résultats montrent que nous sommes présents et réactifs, mais cela ne suffit pas pour endiguer l’orpaillage illégal, dont la croissance est largement corrélée à l’augmentation du prix de l’or. Les moyens que nous engageons pour lutter contre ce phénomène doivent être proportionnels, pérennes et renouvelés. L’enjeu est de tenir la forêt équatoriale pour éviter qu’elle ne soit dévastée par des délinquants qui n’ont aucune conscience environnementale.

Le CSG constitue également un véritable enjeu de sécurité. La gendarmerie est chargée de la protection du site dans le cadre d’une convention conclue avec le Centre national d’études spatiales (CNES). Une partie des effectifs dédiés est financée par cette agence. À la suite du lancement réussi d’Ariane 6, l’activité du site va s’intensifier dans les prochaines années. L’ambition commune du CNES et de l’Agence spatiale européenne est de pouvoir réaliser jusqu’à trois lancements par mois. La gendarmerie devra s’adapter à cette accélération et monter en puissance.

Nous sommes également confrontés au défi de l’accroissement démographique. La population augmente de 3 % par an et même de 5 % par an dans certaines communes du territoire. La gendarmerie doit être en mesure de suivre cette évolution en adaptant son dispositif territorial. Le plan de création de 239 brigades lancé par le président de la République prévoit l’implantation de quatre nouvelles unités en Guyane. La première d’entre elles, la brigade fluviale de gendarmerie de Saint-Laurent-du-Maroni, a été inaugurée en avril 2024 et est aujourd’hui pleinement opérationnelle. »

Un engagement exigeant

« La gendarmerie a pris en compte le phénomène des factions. En raison de la difficulté à conduire les investigations les concernant, la Section de recherches (S.R.) de Cayenne a été réorganisée. Ses effectifs ont également été augmentés. Alors qu’elle ne comptait que deux divisions en début d’année (une division consacrée aux crimes commis en forêt équatoriale et une division dédiée à ceux commis sur le littoral, c’est-à-dire dans les zones habitées), elle est désormais structurée en quatre divisions (criminalité organisée, criminalité sérielle et complexe, criminalité économique et financière et LCOI). À celles-ci s’ajoute un Groupe appui renseignement (GAR). La division criminalité organisée est spécifiquement chargée de la lutte contre les factions. De nombreuses opérations judiciaires visant les factions ont d’ores et déjà été réalisées afin d’entraver leur développement. Ce travail commence à porter ses fruits.

La LCOI a été organisée autour de l’opération Harpie. Il s’agit d’un dispositif comprenant à la fois un contrôle de zone dans la profondeur, des actions aéroportées d’opportunité et des points de contrôle terrestres et fluviaux en forêt et sur le littoral, afin d’endiguer les flux logistiques. Deux Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont normalement consacrés à cette mission en plus des unités de gendarmerie départementale de Guyane, de la Brigade fluviale et nautique de Matoury, de la Section de recherches (S.R.) de Cayenne, de la Section aérienne gendarmerie (SAG) et de l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (A-GIGN). Cette opération est coordonnée par le Centre de conduite des opérations (CCO). Rattaché au COMGEND-GF, cet état-major dédié à la LCOI est chargé de planifier, d’organiser et de conduire les opérations menées dans ce domaine, en lien avec les Forces armées en Guyane (FAG). Innovant en permanence, la gendarmerie de Guyane a fusionné son J2 CCO (renseignement) avec celui de l’État-major interarmées des FAG, afin de poursuivre l’amélioration du ciblage des opérations.

Notre action sur le terrain s’est toutefois amoindrie ces derniers mois en raison de l’engagement des EGM sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, ainsi qu’en réponse aux crises survenues en Nouvelle-Calédonie et en Martinique. Nous avons tout mis en œuvre pour compenser la diminution du nombre de gendarmes mobiles par un renforcement de l’activité des gendarmes départementaux et leur déploiement en forêt. Cette manœuvre a également permis de former largement les gendarmes départementaux sur une mission fondamentale pour la Guyane. Cet investissement estival multiplie aujourd’hui nos capacités opérationnelles en la matière. »

La coopération au cœur de l’efficacité opérationnelle

« Nous travaillons étroitement avec les FAG, tant dans le cadre de la LCOI, qu’au CSG. Nos actions et nos moyens sont complémentaires. Nous coopérons également avec de nombreux services étatiques, et notamment avec la police nationale, à Cayenne, à Saint-Laurent du Maroni, à Saint-Georges ou encore à l’aéroport. Le Parc amazonien de Guyane (PAG), l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Office national des forêts constituent également des partenaires quotidiens dans nos missions de protection de l’environnement.

On ne pourrait pas être efficaces si on ne développait pas des relations privilégiées avec les partenaires internationaux. Nous avons renforcé notre coopération avec la Korps Politie Suriname (KPS), en mettant en place des patrouilles conjointes des deux côtés du Maroni, ainsi qu’avec les polices du Brésil, notamment la police fédérale et les polices de l’État de l’Amapá. L’interpellation très récente par la KPS à Paramaribo, d’une équipe de cinq malfaiteurs chevronnés qui avait fui la Guyane et leur remise immédiate à la gendarmerie constituent la démonstration que nous sommes sur la bonne voie.

Structure prévue par une loi française et brésilienne, le Centre de coopération policière (CCP) de Saint-Georges facilite et fluidifie l’échange d’informations judiciaires et policières. »

Une gendarmerie de proximité

« Il est important que la gendarmerie soit un acteur reconnu de la sécurité des Guyanais. Elle doit être appréciée pour son contact, sa proximité et son intégration dans la vie guyanaise. À cette fin, nous avons développé des missions de Police de sécurité du quotidien (PSQ) permettant de nous rendre dans les villages isolés habités par les populations autochtones. Ce dispositif nous permet de mieux les comprendre et de rencontrer des gens qui ne sont pas en mesure de venir jusqu’à nous.

La proximité passe également par un recrutement local. Depuis deux ans, j’ai développé cet objectif au sein de la réserve et des gendarmes adjoints volontaires, grâce notamment à la montée en puissance du centre régional d’instruction. Nous en constatons les premiers résultats avec une augmentation de notre attractivité. À cette fin, nous avons signé un partenariat avec le Régiment du service militaire adapté (RSMA). »

Des gendarmes passionnés

« La Gendarmerie de Guyane peut vraiment compter sur le dynamisme de ses gendarmes. Ils remplissent des missions passionnantes qui ont du sens. La population apprécie leur action. Ses attentes envers eux sont fortes. Les gendarmes qui travaillent ici sont véritablement passionnés. Ils sont confrontés à un engagement majeur, probablement l’un des plus exigeants de leur carrière, mais celui-ci est particulièrement galvanisant.
Dans le même temps, la Guyane est une terre accueillante. La population est avenante et les gendarmes ont développé une véritable solidarité entre eux, ce qui les aide à se sentir bien dans leur vie professionnelle comme personnelle.
Ils ont la chance de servir sur un territoire d’une beauté extraordinaire. La forêt équatoriale présente une biodiversité incroyable. C’est un émerveillement quotidien, tant pour les gendarmes que pour leurs familles. »

Des enjeux d’avenir

« Les enjeux sont énormes et les possibilités le sont tout autant. La Guyane est une terre d’innovation. Nous avons déployé la Starlink sur le territoire. Au regard des résultats satisfaisants de ce système, nous l’avons expérimenté sur un véhicule pendant le Relais de la Flamme Olympique. Ce premier véhicule équipé du système Starlink permet de procéder à des contrôles en mobilité sur tous les axes du territoire, ce qui n’était pas le cas avant. De nombreuses initiatives sont menées, ce qui est pour moi, comme pour les gendarmes, une véritable source de satisfaction.

Capitaine Tristan MAYSOUNAVE

Crédit photo : © GEND/ SIRPAG/ ADC.BOURDEAU

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire


À la fin des années 2000, il fut décidé de réduire à 109 le nombre d’escadrons de gendarmerie mobile [EGM], au titre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP], dont l’objectif était de moderniser le fonctionnement de l’État tout en réalisant des économies.

Et cela sans changer le périmètre des missions de la Gendarmerie mobile, celles-ci allant du maintien de l’ordre public à la participation aux opérations extérieures [OPEX] en passant par la protection d’édifices sensibles et la participation à différents dispositifs de sécurité [Vigipirate, lutte contre l’immigration clandestine, etc.].

Seulement, l’activité opérationnelle des EGM s’est singulièrement accentuée au cours de ces dernières années. Au point que, en 2019, année marquée par le mouvement dit des « Gilets jaunes », l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale [IGGN] avait tiré le signal d’alarme en faisant comprendre que les gendarmes mobiles étaient au bord de l’épuisement.

Il « ne faudrait pas dépasser 65 escadrons employés chaque jour. Or, depuis le 1er janvier [2019], le taux moyen d’emploi des escadrons est de 74 chaque jour », avait ainsi souligné le général Michel Labbé, le « patron » de l’IGGN, lors d’une audition parlementaire.

Par la suite, l’activité opérationnelle de la Gendarmerie mobile a retrouvé un niveau peu ou prou soutenable. Mais cette accalmie n’aura pas duré longtemps.

En effet, cette année, les violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, les vives tensions en Martinique, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris [JOP] ainsi que les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, les opérations « places nettes » contre les trafiquants de drogue, les manifestations du monde paysan et la mobilisation d’activistes contre le chantier de l’autoroute A69 ont de nouveau mis la Gendarmerie mobile dans le rouge.

« La crise en Nouvelle-Calédonie a exigé un envoi massif de renforts de la gendarmerie. Alors que l’effectif socle [y] est de 735 gendarmes, plus de 2 870 gendarmes étaient présents sur ce territoire en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles », rappelle la député Valérie Bazin-Malgras [Droite républicaine], dans un rapport sur le budget 2025 de la Gendarmerie nationale.

« Au plus fort de la crise, 35 escadrons de gendarmerie mobile étaient présents en Nouvelle-Calédonie, contre quatre à cinq escadrons habituellement. Chaque escadron est déployé sur place pour trois voire quatre mois », a-t-elle ajouté, avant de souligner que les gendarmes ont dû « faire face à une violence inédite, avec des engagements qui ‘relèvent plus du combat que du maintien de l’ordre’ ». Deux d’entre eux ont perdu la vie et 550 autres ont été blessés.

Dans le même temps, 55 EGM ont été mobilisés pour les JOP, parfois de manière simultanée.

Aussi, le constat établi par Mme Bazin-Malgras n’est pas surprenant. L’une des conséquences de cette forte mobilisation est que « la gendarmerie mobile est en surchauffe ». Un autre est que cette dernière n’a pas toujours les moyens de renforcer d’autres unités de la gendarmerie « pour des missions qui ne relèvent pas du maintien de l’ordre, telles que les missions de sécurisation des transports et de lutte contre l’immigration irrégulière ».

« Un taux d’emploi de 68 escadrons engagés par jour représente pour la gendarmerie le seuil de viabilité maximal pour gérer les jours de repos et de permissions des gendarmes mobiles. Or, de janvier à septembre 2024, le taux d’emploi effectif a été de 80 escadrons engagés chaque jour », a relevé la députée.

Et d’ajouter : « Cette situation génère une augmentation de la dette de repos et de permission : au 30 juin 2024, le reliquat du nombre de jours de repos et permission à attribuer en moyenne par gendarme mobile atteint près de 40 jours [contre 13 jours en 2022 et 2023] ».

Pour atténuer les effets de cette « surchauffe », la Gendarmerie a eu recours à quelques expédients, notamment en réorientant les flux sortants de ses écoles.

« Alors que traditionnellement, environ 25 % des effectifs en sortie d’école sont orientés vers la gendarmerie mobile, cette proportion est passée depuis fin 2024 à plus de 35 %, au détriment des recrutements au sein de la gendarmerie départementale », a constaté Mme Bazin-Malgras.

Enfin, les relèves des EGM en outre-mer sont désormais effectuées tous les quatre mois et non plus tous les trois mois comme c’était jusqu’alors le cas.

Le recours à des réservistes pour renforcer les EGM pourrait être une solution… Seulement, comme le rappelle la députée, « à l’exception de situations exceptionnelles [insurrection ou guerre], les réservistes n’ont pas vocation à mener des opérations programmées de maintien ou de rétablissement de l’ordre public ». Et c’est d’ailleurs la « raison pour laquelle les réservistes, y compris au niveau local, ne participent pas aux opérations actuelles en Nouvelle-Calédonie », a-t-elle souligné.

Tribune d’un officier de Gendarmerie : pour un “agent” de l’État, agir en conscience est-il un affront à la cause républicaine ?

Tribune d’un officier de Gendarmerie : pour un “agent” de l’État, agir en conscience est-il un affront à la cause républicaine ?


Véhicule de Gendarmerie
Illustration

Un officier d’active de Gendarmerie nous a transmis cette tribune dans laquelle il livre ses réflexions sur la doctrine de la Gendarmerie.

Dans l’ombre des institutions républicaines, là où le devoir se mêle à la conscience, une question insidieuse se faufile : un Gendarme, peut-il encore, en son âme et conscience, servir la République sans se sentir en contradiction avec elle ?

Depuis toujours, la mission de service public est érigée en idéal absolu, gravée dans les consciences des militaires comme un serment sacré. Pourtant, derrière cette noble ambition se dresse un autre impératif, plus silencieux, mais tout aussi pesant : celui de la soumission à la machine républicaine. Mais qu’advient-il lorsque la volonté politique, aveuglée par ses ambitions, se heurte à la réalité du terrain ?

Trop souvent, hélas, l’idéalisme des décideurs semble déconnecté des besoins tangibles. Et dans cette déconnexion, les décisions, prises à la hâte et en haut lieu, risquent de s’éloigner de l’intérêt général, celui qu’elles prétendent pourtant défendre.

Dans bien des administrations, ce constat est une source de désillusion. La Gendarmerie nationale, corps militaire longtemps réputé pour sa loyauté et son silence, n’y échappe pas. Si certains ont osé briser ce mutisme, ils restent encore trop rares, tandis que la majorité demeure en retrait, retenant en eux ce goût amer d’impuissance. La “loyauté » républicaine, comme un carcan invisible, les enchaîne à leur devoir, les privant de la liberté d’exprimer leur désarroi.

Depuis plusieurs années, les priorités politiques semblent avoir pris le pas sur le sens profond de nos missions. Une perte de repères s’installe, s’immisce au cœur même de notre conscience professionnelle, fragilisant nos convictions. Nos chefs, jadis guides éclairés, sont eux-mêmes ébranlés, tiraillés entre leur devoir de loyauté et leur liberté de conscience, aujourd’hui réduite à une ombre vacillante. Le glissement est évident : de “serviteurs” de la République, nous sommes devenus ses “instruments”, obéissants à des injonctions qui parfois nous échappent.

Les directives se multiplient, souvent portées par des plans d’action de grande envergure, mais dénuées de sens pour ceux qui arpentent le terrain, jour après jour. Cette avalanche de décisions, détachées des réalités, finit par miner l’adhésion des troupes. Et cette désaffection, imperceptible au premier regard, s’étend peu à peu dans les rangs.

Voici donc, sans fard ni embellissement, quelques points de tension, des interrogations non résolues, que l’on murmure tout bas mais qui mériteraient d’être criées tout haut :

– Le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l’Intérieur, une décision dont les effets se font sentir chaque jour.

– Les réformes sur le temps de travail, des mesures textuelles qui alourdissent un peu plus la charge des militaires.

L’identité militaire, qui se dilue, entre tradition et modernité.

– Le syndrome du “bon élève”, ce besoin constant de prouver sa valeur, au détriment parfois de l’autonomie.

– Les liens complexes avec l’autorité administrative, qui semblent parfois peser davantage que le bien commun.

– La lutte entre la prévention de voie publique et le poids du judiciaire, une bataille silencieuse mais constante.

– La longévité de la Gendarmerie face à la Police nationale, une question d’équilibre des forces et des moyens.

Enfin, et surtout, la volonté du politique, si souvent en décalage avec la réalité du terrain, qui érode peu à peu la quête de sens des Gendarmes.

Dans un contexte de tensions sociales et d’instabilité politique croissante, cette lente dégradation, déjà bien amorcée, pourrait-elle encore susciter l’intérêt chez les décideurs, ou sommes-nous condamnés au silence ?

La quête de Sens ou la soumission républicaine : réflexions sur la doctrine de la Gendarmerie

Dans l’intimité silencieuse de mon bureau, une question me ronge, obsédante, presque impertinente. Ai-je encore le droit de me poser des questions, de douter, face à l’Institution à laquelle je voue mon quotidien ? Qu’on ne s’y méprenne pas, mes mots ne sont ni une révolte ni une revendication militante. Ils sont le fruit d’une réflexion, sincère, lucide, sur ce qu’est devenue la Gendarmerie, ce bastion séculaire qui vacille sous le poids des changements.

Les réformes se sont succédé, bouleversant les fondations mêmes de notre maison. Loi du 3 août 2009, PSQ, DGE, PVP… (politique de sécurité du quotidien, dispositif de gestion de l’évènement, présence voie publique) des sigles qui défilent comme des promesses, mais qui, sur le terrain, créent un gouffre. Un gouffre entre la réalité politique, façonnée dans les couloirs feutrés du pouvoir, et la dure réalité opérationnelle que nous vivons chaque jour.

Le fossé se creuse, et avec lui, le malaise grandit. Nous, gendarmes, sommes appelés à “l’intelligence des territoires”, à l’adaptation, à l’initiative locale. Mais ces belles intentions se heurtent sans cesse à des directives nationales, aveugles aux particularités de nos territoires. Nous sommes devenus les exécutants d’ordres venus d’en haut, sans qu’un regard ne soit posé sur ce qui fait la singularité de chaque ville, de chaque route que nous arpentons. La DGE, la PVP… autant d’outils qui, bien qu’essentiels sur le papier, se transforment en carcans sur le terrain.

Prenons l’exemple de la sécurisation des églises ou des écoles. Nous voilà sommés, sans ménagement, de placer un gendarme devant chaque lieu de culte, devant chaque établissement. La directive est formelle, rigide. Mais, à l’heure où nos ressources s’amenuisent et où chaque mission en chasse une autre, comment pouvons-nous répondre à cette demande ? Nous ne sommes pas des surhommes, et la réalité finit par nous rattraper. Pourtant, qui, parmi ceux qui nous dirigent, s’est posé la question du rapport bénéfice-risque ? Qui a pris le temps de réfléchir à la faisabilité, à l’impact réel sur le terrain ? Non, cela n’a pas d’importance. L’ordre est politique, et donc, il ne peut être contesté.

Nous ne demandons pas à désobéir. La loyauté, nous l’avons ancrée dans notre ADN. Mais à force de suivre aveuglément, sans jamais remettre en question, ne risquons-nous pas de perdre ce qui fait notre essence même ? La prise de risque, l’initiative, ne sont plus encouragées. Chaque échelon supérieur interfère, empêche, verrouille les décisions locales. Le commandement unique, cet héritage qui a forgé notre Institution, semble aujourd’hui menacé.

Les « spécialistes » se multiplient. Chaque domaine a désormais son référent, son expert. Cela pourrait sembler vertueux, une montée en compétence, un gage de professionnalisme. Mais à quel prix ? La polyvalence, autrefois notre force, est en train de disparaître. Nos brigadiers, ces hommes et ces femmes capables de tout, se retrouvent enfermés dans des rôles cloisonnés, incapables d’agir avec la liberté d’antan.

Un autre exemple, plus subtil mais tout aussi parlant : la fameuse PVP. Cette volonté de rapprocher la Gendarmerie de ses citoyens, de renouer le lien, est louable. Mais sur le terrain, que constatons- nous ? Une pression statistique qui déforme la réalité. Les chiffres augmentent, mais qu’en est-il du véritable impact ? Nos outils ne reflètent pas notre quotidien, ils alimentent une vision déconnectée, une illusion qui fait dire aux élus : “On ne vous voit pas assez”. Cette perception est peut-être juste dans certains territoires, mais pas partout. Et pourtant, pour satisfaire cette soif de chiffres, nous trichons, nous adaptons nos rapports, non par malhonnêteté, mais par obligation.

Et là réside le nœud du problème. Nous avons cessé d’être des acteurs de notre propre mission.

Nous disons ce que nos chefs veulent entendre. Nous validons, nous acquiesçons, par peur de remettre en question, par crainte de compromettre une carrière. Le courage intellectuel a cédé le pas à l’obéissance aveugle.

Notre liberté d’action, tant enseignée, tant valorisée, s’est évaporée, étouffée sous le poids de la hiérarchie et de la bureaucratie.

L’immédiateté gouverne tout

Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’aggrave. L’immédiateté gouverne tout. Chaque événement, chaque incident est scruté par tous les échelons, avant même que les premiers éléments ne remontent aux responsables opérationnels. L’urgence devient la norme, et avec elle, une infobésité qui nous submerge. Les mails, les comptes-rendus, les ordres qui se bousculent… tout devient prioritaire, tout devient urgent. Et dans ce flot continu d’informations, nous ne faisons plus que réagir, sans jamais anticiper.

À cela s’ajoute la “communication”. Celle qui flatte l’ego, qui alimente le narcissisme de certains, qui pensent réinventer le métier. Ces “influenceurs”, comme ils aiment à se nommer, réduisent notre engagement à des images, des slogans. La médiocrité s’installe, insidieusement.

Enfin, une réforme de la déconcentration est en marche, voulue par le président de la République, avec pour ambition de simplifier l’action publique. Mais peut-on vraiment y croire ? Les bonnes intentions sont là, certes, mais sur le terrain, la réalité est toute autre. Les autres administrations ne suivent pas, la cadence n’est pas la même, et nous, gendarmes, continuons de crouler sous nos dossiers, sous les heures “bureau”, sous les enquêtes qui s’empilent.

Malgré tout, il nous est demandé de rester fidèles, de continuer à servir, sans questionner. Mais est- ce cela, être loyal ? Est-ce accepter sans jamais remettre en question ? Sommes-nous condamnés à une soumission aveugle, à ne plus nous appartenir, à sacrifier ce qui faisait de nous des gendarmes et non des policiers ?

La policisation de notre Institution est en marche. Et avec elle, c’est peut-être notre âme que nous perdons.

Jean Ceymon