L’évolution du champ opérationnel, enseignements de la guerre en Ukraine.

L’évolution du champ opérationnel, enseignements de la guerre en Ukraine.

 

par le Colonel (eR) Gilles Lemaire – publié le 5 mai 2023

L’irruption de l’armée russe hors de ses frontières en Ukraine a surpris une Europe qui se croyait à l’abri d’un conflit de cette importance. Le monde de la guerre froide et de l’après-guerre froide semblait devoir ignorer ce type d’agression directe visant un État souverain disposant de frontières internationalement reconnues.

Quelles leçons retenir du conflit en cours quant à la définition du corps de bataille propre à faire face à cette conjoncture ?

Le progrès des techniques ne s’est pas arrêté avec la fin de la guerre froide. Bien au contraire, trente années plus tard, nous vivons dans un monde radicalement différent, dominé par la maitrise de l’espace, l’électronique, l’informatique, la numérisation, l’intelligence artificielle, etc. Le monde militaire n’y échappe pas. Comment apprécier cette évolution sur le champ de bataille, quelle catégorie d’armements sera déterminante ? La réponse reste incertaine. Ce que l’on peut relever est que les coûts unitaires des armements ne cessent d’augmenter, fait résultant du progrès des techniques, toujours plus onéreuses, mais aussi de l’arrêt des productions à la fin de la guerre froide, ce qui limite les séries et augmente donc ces coûts unitaires. Les armements modernes sont ainsi atteints du syndrome de rareté. L’effet de masse ne joue plus. Fait aggravant : Le taux de disponibilité des matériels décline, car l’entretien et les pièces détachées suivent les coûts de production. Pour autant, le taux de destruction au combat des armements, de facture récente ou non, reste inévitablement élevé. En conséquence, pendant cette première année de guerre en Ukraine, les belligérants ont dû aller rechercher dans des stocks anciens des armements considérés comme dépassés pour remplacer leurs pertes. L’armée russe déploie ainsi des missiles modernes hypersoniques pour frapper les installations sensibles ukrainiennes, en nombre inévitablement limité compte tenu de leur modernité, mais également des chars T 54-55 conçus en grand nombre au lendemain de la deuxième guerre mondiale et disponibles à très faible coût. Les engins blindés promis par l’Otan, comme le réputé Leopard 2 ont été conçus dans les années 1970[1], etc…

Plus étonnant est de constater que les combats en Ukraine renouent avec les tranchées de la Grande guerre.Cette gestuelle n’avait pas tout à fait disparu au cours de la deuxième guerre mondiale, cohabitant de fait avec la blitzkrieg. Elle ressurgit avec les « dents de dragons » et autres abris en béton installés par l’armée russe en défense de la Crimée. La mobilité offensive semble trouver ses limites au profit de la défensive chère à Clausewitz. Le couple char-avion qui mit fin à la guerre des tranchées en 1918 s’essouffle depuis le développement des missiles le contrant avec une efficacité aussi grandissante qu’irrémédiable. L’aviation semble avoir disparu du ciel ukrainien. L’artillerie sol-sol a donc repris toute sa place en augmentant considérablement le calibre de ses projectiles et leur portée, particulièrement pour les lance-roquettes et les missiles sol-sol. Les portées de plusieurs centaines de kilomètres sont déjà atteintes ou envisagées, ceci avec des projectiles de très grande précision permettant la prise à partie d’objectifs lointains préférentiels[2]. « L’arme des feux profonds » mobilisait jadis la plus grosse part des pondéreux véhiculés par la logistique. La révolution de la précision rend inutiles les réglages et les tirs de saturation pour traiter un objectif, ce qui devrait logiquement réduire ses charrois d’approvisionnement. Mais le coût et donc la rareté de ces projectiles perfectionnés ne conduit pas magistralement à ce schéma. La situation d’antan semble imperturbable. On réclame des obus et encore des obus, conventionnels, comme en 1915 !

Le drone semble parfaire ce souci de la précision. Beaucoup d’observateurs s’extasient devant son apparition[3], son efficacité paraît spectaculaire. Cependant les dispositif sol-air intégrés comme le « Dôme de fer » israélien[4]et, derniers arrivants, les armes Laser à effet dirigé, semblent promis au même brillant avenir que cette menace qu’elles sont susceptibles de contrer[5]. Reste à réaliser ces catégories et à les approvisionner, cause de nouveau débours.   

Au total, l’innovation, avec son coût prohibitif, limite le volume des armements de dernière génération sur le champ de bataille. On peine à les recompléter, l’industrie post-guerre froide s’avérant défaillante. Par conséquent, il n’est pas surprenant de voir se poursuivre en Ukraine un conflit en mode plutôt dégradé pour ce qui concerne la couche propre à conduire la destruction au contact : avions d’armes, chars de combat, infanterie, artillerie. Seule la couche renseignement, fondée sur les moyens de recueil et de transmission, et surtout d’exploitation, à la pointe du progrès grâce à la numérisation, semble opérer positivement[6]. Les moyens de renseignement, liés à l’exercice de la dissuasion nucléaire[7], n’ont en effet pas été diminués par l’épisode des « dividendes de la Paix », leur maintien et leur mise à jour dans un monde, certes peu conflictuel, mais toujours empreint de menaces, s’étant avéré indispensable. Dans un contexte d’attrition des moyens conventionnels, ils ne peuvent cependant donner prise à une exploitation opérationnelle efficiente pour ce qui concerne le conflit en cours. Ce conflit semble répondre au premier souci du stratège : être renseigné. Pour poursuivre la démarche opérationnelle, il faut disposer des moyens de réduction de l’adversaire.

L’évolution dudit conflit repose donc sur la stratégie génétique, c’est-à-dire sur la capacité des industries à alimenter les forces en armements modernes, ou autres éventuellement. Une course est engagée, qui n’est pas sans rappeler celle de la deuxième guerre mondiale, initiée par l’Allemagne hitlérienne et finalement gagnée par l’acteur qui disposait alors d’une industrie hors-normes susceptible d’alimenter l’ensemble des forces alliées, c’est-à-dire les États-Unis. La deuxième guerre mondiale, dans la suite de la première, a été une guerre industrielle. Les conflits futurs ne peuvent y échapper. C’est la puissance économique, soutenant la stratégie génétique, qui assure le succès des armes.  

« La Défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même[8] ». Mais cet État doit au préalable adapter son économie et ses ressources pour ce faire. Il reste à souhaiter que notre loi de programmation et la remise en ordre des finances de notre État soient à hauteur de ce défi.


[1] La livraison de Léopard 1, d’une génération antérieure, celle de l’AMX 30, est également envisagée. Le même phénomène peut être constaté pour les avions d’armes de génération ancienne : Mig29, Su25, Su 27, hélicoptères MI 8, employés dans les deux camps.   

[2] Postes de commandement et dépôts logistiques

[3] Ces armements étaient pourtant utilisés depuis fort longtemps, notamment lors de l’opération israélienne « Paix en Galilée » de juin 1982.

[4] Le Dôme de fer est un système de défense aérienne mobile israélien conçu pour intercepter des roquettes et obus de courte portée. Il a été déployé en 2010.

[6] Le soutien de l’Otan est ici déterminant.

[7] Qui n’a évidemment pas disparu : « on ne peut désinventer l’arme nucléaire ».

[8] Général de Gaulle, à Bayeux le 16 juin 1946

Petite histoire d’un armistice

Petite histoire d’un armistice

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 7 mai 2023

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Extraits de Michel Goya, Les vainqueurs, Tallandier, 2018.

Le 29 septembre 1918, à l’annonce de l’armistice bulgare, Ludendorff déclare au gouvernement qu’il faut demander un armistice mais aux Etats-Unis seulement. On espère qu’ils autoriseront d’abord le retour de l’armée allemande intacte et, en fondant le processus de paix sur les Quatorze Points proclamés par le président Wilson le 8 janvier 1918, que la paix sera plus clémente pour l’Allemagne que dans les projets du Royaume-Uni et surtout de la France. Wilson ayant déclaré qu’il ne s’adresserait qu’à un réel régime démocratique, l’initiation de ce processus doit être précédée de changements institutionnels. Il faut nommer un nouveau chancelier et rendre celui-ci uniquement dépendant de la confiance du Reichstag. C’est ce nouveau gouvernement qui gérera le processus de paix, déchargeant ainsi le commandement militaire de la responsabilité de la défaite.

Le 3 octobre, le prince Max de Bade, connu pour son libéralisme, devient chancelier et forme un gouvernement de majorité. Ludendorff lui décrit une situation stratégique catastrophique dont est exclue toute responsabilité de l’armée. Par l’intermédiaire de la Suisse, le nouveau chancelier envoie un message au Président Wilson dans la nuit du 4 au 5 octobre. L’accusé de réception arrive le 9, Wilson n’exige alors que l’évacuation des territoires occupés comme préalable à un armistice. Ludendorff fait alors un exposé beaucoup plus rassurant au gouvernement. L’ennemi n’a pas réalisé de percée et piétine désormais, gêné par ses problèmes logistiques. Même si la Roumanie rompait le traité de paix, ce qui couperait l’Allemagne de sa principale ressource en hydrocarbures naturels, l’armée pourrait résister encore deux ou trois mois. Le 12, le gouvernement allemand répond qu’il est prêt à l’évacuation de France et de la Belgique mais demande au préalable la cessation des hostilités.

Pendant toute cette période, les Alliés européens se sont inclus dans le processus de négociation en cours entre les États-Unis et l’Allemagne. Furieux de ne pas avoir été consultés, ni même informés par le Président Wilson, ils lui adressent un message lui demandant de tenir compte de l’avis technique des commandants en chef avant d’entamer toute négociation. Wilson accepte. Dans le même temps, contre toute logique diplomatique, la marine allemande poursuit sa campagne sous-marine. Le 4 octobre déjà, le navire japonais Hirano Maru a été coulé au sud de l’Irlande provoquant la mort de 292 personnes. Le 10, c’est au tour du Leinster, avec 771 personnes à bord, d’être coulé par un sous-marin qui est accusé par ailleurs d’avoir tiré aussi sur les canots de sauvetage. L’indignation est énorme et contribue à durcir la nouvelle réponse de Wilson, le 14 octobre. Le Président des Etats-Unis condamne la guerre sous-marine et les destructions dans les territoires occupés. Il exige cette fois des garanties sur le maintien de la suprématie militaire des Alliés et la suppression de tout « pouvoir arbitraire ».

La note de Wilson provoque l’indignation allemande mais les militaires sont à nouveau optimistes lorsque le ministre de la guerre, von Scheuch, déclare, hors de toute réalité, qu’il est possible de mobiliser encore 600 000 hommes. Ludendorff déclare ne plus craindre de percée et espère tenir jusqu’à l’hiver. Malgré les évènements récents et la perte des bases des Flandres, l’amiral Von Scheer se refuse de son côté à interrompre la guerre sous-marine. Le 20 octobre, le gouvernement allemand, à qui la réalité stratégique aura toujours été cachée, répond à Wilson qu’il ne saurait être question de négocier autre chose que l’évacuation des territoires envahis et tout au plus consent il à limiter la guerre sous-marine. Cela suffit à mettre en colère l’Amirauté contre ce gouvernement bourgeois et démocrate qu’elle déteste.

Le 23, la réponse est cinglante. Wilson laisse aux conseillers militaires le soin de proposer des conditions d’armistice « rendant impossible la reprise des hostilités par l’Allemagne » et suggère que le kaiser doit abdiquer. La proposition soulève un tel tollé que le haut commandement allemand lance le 24 octobre un ordre de jour appelant « à combattre jusqu’au bout » et songe à une dictature militaire imposant la guerre totale. Max de Bade exige alors le départ d’Hindenburg et de Ludendorff. Le 26, Guillaume II accepte que ce dernier soit remplacé par le général Wilhelm Grœner. Le 27, le gouvernement allemand déclare à Wilson qu’il accepte ses conditions de négociation.

Le 26 octobre, après avoir consulté les commandants en chef, Foch a terminé de rédiger le projet de conditions d’armistice. Toute la difficulté était de définir ce qui pourrait être acceptable par l’Allemagne tout en interdisant à celle-ci de reprendre éventuellement les opérations en cas de désaccord sur les négociations de paix. Le texte prévoit l’évacuation, sans destruction, des zones occupées et de l’Alsace-Lorraine dans les 15 jours qui suivront la signature. Il prévoit également deux garanties : la livraison d’une grande partie de l’arsenal (150 sous-marins, 5 000 canons, 30 000 mitrailleuses, 3 000 mortiers de tranchées, 1 700 avions) et des moyens de transport (500 locomotives, 15 000 wagons et 5 000 camions) ; la démilitarisation de toute la rive gauche et d’une bande de 40 km sur la rive droite du Rhin. Les Alliés doivent également occuper militairement la région ainsi que trois têtes de pont d’un rayon de 30 km doivent être occupées par les Alliés à Mayence, Coblence et Cologne.

Le projet est ensuite discuté par les différents gouvernements. Il est durci par les Britanniques qui exigent de plus de livrer des navires de surface. Le texte définitif est établi le 4 novembre et envoyé à Wilson. A aucun moment, il n’est demandé de capitulation militaire et la crainte est plutôt que face à des demandes aussi dures, les Allemands ne refusent. Les jours qui suivent agissent comme un grand révélateur de la faiblesse de l’Allemagne, mais on ne modifie par le projet.

Le 5 novembre, le général Grœner ordonne le repli général sur la position Anvers-Meuse mais son armée n’en peut plus. L’infanterie allemande a perdu un quart de son effectif en un seul mois. Le général Hély d’Oissel note alors dans son carnet, qu’il n’y a plus en face de lui de résistance organisée : « nous n’avons plus devant nous qu’un troupeau de fuyards privés de cadres et incapable de la moindre résistance ».

Les estimations du nombre de réfractaires et déserteurs allemands varient de 750 000 à 1,5 million, déserteurs que l’administration militaire renonce à traquer et même à comptabiliser. Il existe des poches entières de « manquants », y compris en Allemagne comme à Cologne ou à Brême où une « division volante » pille la région. Lorsque les Britanniques arrivent à Maubeuge le 9 novembre, ils ont la surprise d’y trouver 40 000 déserteurs. Cinq jours plus tard, plusieurs camps de soldats allemands en Belgique se mutinent et plus d’une centaine d’officiers sont tués.

L’effondrement est aussi matériel. Du 15 juillet au 15 novembre, les Alliés ont pris plus de 6 000 canons et 40 000 mitrailleuses, le nombre d’avions en ligne a été divisé par deux et le carburant manque désespérément pour les mettre en œuvre. La production de guerre s’est effondrée. Plus 3 000 canons avaient été produits en mars 1918, moins de 750 en octobre.

La progression des Alliés n’a plus de limites sinon celle des destructions des territoires évacués, qui freinent l’avancée de la logistique et de tous les moyens lourds, et de la grippe espagnole qui fait alors des ravages, en particulier chez les Américains et à la 4e armée française. Depuis le 11 octobre, le 8e corps d’armée français perdait plus de 1 000 tués et blessés chaque semaine mais il n’en perd que sept dans la dernière semaine de guerre alors qu’il avance de dix kilomètres par jour. Le 8 novembre, le corps apprend le début des négociations d’armistice et reçoit l’ordre de contourner et de simplement bombarder les résistances rencontrées. Le 9 novembre, la ville de Hirson est prise sans combat. Le 11 novembre, la 1e armée française est à 20 km à l’intérieur de la Belgique après avoir parcouru 150 km depuis le 8 août. Parallèlement, la 5e armée atteint Charleville le 9 novembre, alors que la 4e est enfin à Mézières et à Sedan. Le dernier combat intervient lors du franchissement de la rivière à Vrigne-Meuse qui coûte 96 morts et 198 blessés en trois jours au 163e RI dans la plus parfaite inutilité des deux côtés.

La décomposition intérieure allemande est accélérée par les décisions de l’Amirauté, toujours aussi peu inspirée en cette fin de guerre. Le 28 octobre, sans même prévenir le gouvernement, l’amiral von Scheer donne l’ordre à la flotte de Wilhelmshaven de partir au combat. Il espère attirer la flotte britannique dans un traquenard de mines et de sous-marins pour l’attaquer ensuite avec ses navires de ligne et obtenir au mieux une victoire, au pire un baroud d’honneur. Le 29 octobre, les équipages n’acceptent de n’aller qu’à Kiel. Les drapeaux rouges sont hissés sur les navires. La mutinerie se rend maîtresse de la ville, puis des détachements de marins parcourent le pays. Des bandes de pillards s’attaquent aux dépôts de l’armée. Les émeutiers occupent les gares.

Le 28 octobre, les socialistes demandent l’abdication du Kaiser pour faciliter la paix. Guillaume II se rend à Spa où il envisage un temps avec Hindenburg la possibilité de rétablir l’ordre par la force de l’armée. Guillaume II abdique finalement et se réfugie le 10 novembre aux Pays-Bas.

Le 5 novembre, Groener explique au gouvernement que la résistance de l’armée ne peut plus être que de très courte durée et il invoque les mauvaises influences de l’intérieur propres à « précipiter l’armée dans l’abîme ». Le 6, Max de Bade envoie la délégation de négociation des conditions de l’armistice. Le 7, les plénipotentiaires allemands pour signer l’armistice se présentent à la Capelle devant la 1ère armée française.

La délégation allemande est présidée par le ministre d’Etat Matthias Erzberger. Il est accompagné par le comte Oberndorff représentant le ministère des affaires étrangères, le général von Winterfledt ancien attaché militaire à Paris et le capitaine de vaisseau Vanselow, mais c’est bien le civil Erzberger qui porte la responsabilité de la convention d’armistice. Il le paiera de sa vie en 1921.

Les conditions d’armistice sont présentées le 8. Le 10, le Kaiser abdique et se rend aux Pays-Bas. Le 11 à 5h du matin, le texte de la convention d’armistice est signé. La seule modification concerne la réduction de 5 000 du nombre de mitrailleuses à fournir, afin d’armer les forces de l’ordre en Allemagne. A 11h, le soldat Delaluque du 415e RI sonne le cessez-le-feu. L’armistice est conclu pour 30 jours. Le 7 décembre, ce seront les mêmes mais avec quelques officiers supplémentaires qui iront à Trèves pour le renouvellement de l’armistice. Mais Foch ne veut recevoir que les quatre plénipotentiaires du 8 novembre. Le haut commandement allemand n’apparait donc toujours pas. La débâcle militaire allemande est réelle mais le commandement parvient à la cacher en faisant rentrer les unités en apparent bon ordre, oubliant des poches entières de déserteurs en Belgique. Ces troupes sont saluées par le chancelier Ebert comme n’ayant « jamais été surpassées par quiconque ». L’idée du « coup de poignard dans le dos » de l’armée allemande comme responsable de la défaite est déjà là et fera plus tard la fortune de la propagande nationaliste et nazie. Dans l’immédiat ce n’est pas la préoccupation première des Alliés qui sont déjà satisfaits que l’armée allemande, dont ils surestimaient eux aussi la force, ne puisse pas reprendre le combat.

Les discussions préalables au traité de paix avec l’Allemagne sont beaucoup plus difficiles et longues que prévu, les Alliés ayant des visions divergentes. Elles n’aboutissent qu’en mai 1919. Il faut encore plus d’un mois pour faire accepter le traité à l’Allemagne, traité qui n’entre en vigueur que 10 janvier 1920. En droit, la guerre avec l’Allemagne ne s’arrête qu’à ce moment-là.

Le patron de Wagner insulte les chefs de l’armée russe et menace de retirer ses forces

Le patron de Wagner insulte les chefs de l’armée russe et menace de retirer ses forces

 

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 5 mai 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Dans une vidéo mise en lignes par les services de communication de Concord, le patron de la SMP russe Wagner, Evguéni Prigojine, accuse l’état-major russe de ne pas fournir suffisamment de munitions à Wagner pour le priver d’une victoire à Bakhmout qui ferait de l’ombre à l’armée régulière.

Dans cette vidéo, Prigojine se met en scène devant un groupe de ses soldats. Il y menace de retirer ses forces du front de Bakhmout d’ici au 10 mai, « parce que sans munitions, nous sommes condamnées à une mort insensée ».

Voici un extrait de son message:

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Dans une autre vidéo particulièrement virulente publiée un peu plus tôt dans la nuit de jeudi à vendredi, Prigojine s’en prend nommément au ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et au chef de l’état-major Valéri Guerassimov. « Shoigu ! Gerasimov ! Où sont ces putains de munitions ! », hurle-t-il, entre deux jurons et en montrant du doigt des rangs de corps criblés de balles et de shrapnels.

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Cette vidéo est d’une rare violence ; elle va beaucoup plus loin que les vidéos précédentes de Prigojine filmées dans des cimetières militaires avec des drapeaux et des couronnes mortuaires. Certes, il y apostrophait déjà les chefs militaires russes qui, selon lui, refuseraient de livrer des munitions à Wagner et condamneraient ainsi à mort les miliciens de la société militaire privée. Mais la mise en scène macabre de la vidéo mise en ligne la nuit dernière tranche dramatiquement avec le ton et le decorum des vidéos diffusées jusqu’à présent.

Dans une autre vidéo, visiblement prise quelques heures auparavant la macabre mise en scène nocturne, Evgueni Prigojine parle de 116 tués dans les rangs de Wagner lors d’une opération offensive dans Bakhmout. Opération qui aurait permis « une avancée de 230 m » dans la ville en ruines. Ce succès a été enregistré, au prix de lourdes pertes, mais aussi en dépit d’un manque de munitions critique. Wagner ne disposerait plus que d’ »un stock pour quelques jours « .

Toutes ces vidéos, dont celle de Prigojine hurlant des insultes envers Choïgou et Guerassimov, ont de quoi surprendre par leur virulence et leur mise en scène. Elles suscitent aussi au moins une question sur l’autonomie, voire l’impunité, de Prigojine. Si le fondateur et patron de Wagner se permet une telle intervention virulente, cela signifie qu’il en a les moyens et qu’il se sent politiquement suffisamment puissant.

Serait-il devenu l’aboyeur de Vladimir Poutine ? Le président russe garde un silence total sur le rôle de Wagner en Ukraine. Un rôle qui se limite, il ne faut pas l’oublier, à une participation directe au combat de la région de Bakhmout.

Guerre en Ukraine : comment l’usage des drones militaires bouleverse les combats

Guerre en Ukraine : comment l’usage des drones militaires bouleverse les combats

 

Le premier porte drones de combat a été inauguré le 10 avril par la Turquie MaxPPP.

l’essentiel Les drones d’observation ou de combat ont pris une place déterminante et parfois cruciale dans tous les conflits dans le monde. En Ukraine, ils ont redessiné la guerre.

Les drones de combat sont désormais devenus des armes incontournables sur tous les terrains de guerre dans le monde, inaugurant une nouvelle forme de conflits. Sous Barack Obama, les États-Unis – pionniers depuis 1995 avec le Predator – ont eu recours massivement à des drones tueurs dans la lutte antiterroriste. Aujourd’hui, pas une guerre ne se mène sans. Que l’on parle de drones militaires… ou de drones civils. Sur le front est en Ukraine, autour de Bakhmout, les soldats ukrainiens utilisent des drones pour survoler les positions russes et guident les frappes ukrainiennes.

Le projet « Army of drones » a ainsi permis l’achat de plus de 1 400 drones de loisir depuis juillet 2022. Certains sont ensuite bidouillés pour embarquer des explosifs. Et ça marche. Kryla, l’unité spéciale de la direction du renseignement du ministère de la Défense ukrainien a d’ailleurs souhaité créer une flotte de 1 000 drones kamikazes.

Les Ukrainiens sont devenus aujourd’hui des experts dans l’utilisation de tous les types de drones. Drones d’observation, qui permettent d’avoir ensuite des vidéos pour alimenter les réseaux sociaux et mener la guerre informationnelle contre la propagande russe. Drones de combat aussi comme le drone turc Bayraktar TB2 (photo) qui, au début de la guerre, a agi comme un game changer face aux Russes qui utilisent des drones kamikazes iraniens Shahed-136.

Porte-drones de combat turc

Considéré comme un drone de combat « low-cost » bien qu’il coûte 4 millions de dollars, le Bayraktar TB2 connaît un succès fulgurant avec son rayon d’action de 150 km et sa capacité d’emport de quatre missiles à guidage laser. La société turque Baykar affirmait en août 2022 avoir des contrats avec « 22 pays différents » et avait monté ses cadences à 20 unités par mois. La Turquie est d’ailleurs en train de prendre une place particulière dans le domaine des drones : le 10 avril dernier, elle a mis à l’eau le TGC Anadolu, premier navire porte-drones de combat au monde. Il accueillera le nouveau drone armé TB3 en 2024.

La France veut développer une filière française de MTO (munitions télé-opérées). La Marine poursuit son effort de dronisation sous la mer et embarqué, l’armée de Terre se verra doter de 1 200 drones d’ici 2025 et l’armée de l’Air disposera de son premier système Eurodrone à l’horizon 2030. Entre 2024 et 2030, la France va consacrer 5 milliards d’euros aux drones.

Mai 1978, le mois de la foudroyance

Mai 1978, le mois de la foudroyance

 

par Michel Goya – La Voie de l’épée – Publié le 30 avril 2023

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Savez-vous quel est le mois où les soldats français se sont le plus violemment battus depuis la fin de la guerre d’Algérie ? C’est le mois de mai 1978, plus exactement de la dernière semaine d’avril jusqu’au 31 mai 1978. Pendant cette quarantaine de jours, la France a conduit deux grands raids aériens et gagné quatre combats au sol dans trois pays.

Mai 1978, ce sont d’abord les deux derniers raids de la 11e escadre de chasse lors de l’opération Lamantin en Mauritanie. Lamantin a été lancée en décembre 1977 à la demande du gouvernement mauritanien après plusieurs raids motorisés du Front Polisario venant d’Algérie pour attaquer le train évacuant le minerai de fer de Zouerate vers le port de Nouadhibou.

Les forces du Polisario sont déjà organisées en colonnes de 200 à 300 combattants armés sur le modèle KRS, Kalachnikov AK-47 ou dérivées, lance roquettes RPG-7, missiles sol-air SA-7, portées par une cinquantaine de pick-up armés. Un modèle de forces toujours en vigueur aujourd’hui dans les guérillas de la région. En décembre 1977, le Polisario vient également de tuer des ressortissants et de prendre des otages français. Le président Giscard d’Estaing, jusque-là plutôt hésitant et peu interventionniste, accepte alors la demande mauritanienne. C’est le début de ce que l’amiral Labouérie va appeler « le temps de la foudroyance », cette courte période de 1977 à 1979 pendant laquelle on multiplie les interventions audacieuses.

La force Lamantin est, hors la Force aérienne stratégique porteuse de l’arme nucléaire, la première force de frappe aérienne à longue distance de la France. La surveillance puis le guidage vers les objectifs est assurée en l’air par un Breguet-Atlantic de la Marine nationale et au sol près de la frontière algérienne par une « compagnie saharienne » de ce que l’on n’appelle pas encore les Forces spéciales (FS). La frappe est assurée par une dizaine de nouveaux avions d’attaque Jaguar A envoyée à Dakar, à 1 500 km de la zone d’action, et aux ravitailleurs en vol KC-135, une première. La conduite des opérations s’effectue dans un poste de commandement aérien dans un avion de transport C-160 Transall dès que l’ennemi est décelé. Les Jaguar atteignent l’objectif après deux heures de vol.

Le point faible du dispositif est la lourdeur de la chaîne de décision d’ouverture du feu qui remonte jusqu’à l’Élysée. Cette procédure, d’autant plus inutile qu’en l’absence de satellites de télécommunications les communications sont lentes, fera échouer au moins un raid de tout en mettant en danger les pilotes français. Il arrivera même un jour, au Tchad, où cette centralisation inutile causera la mort d’un pilote. Dans tous les autres cas, les Jaguar brisent trois raids du Polisario en décembre 1977 et deux en mai 1978, détruisant entre un tiers et la moitié de la colonne à chaque fois.

Lamantin n’est pas encore terminée que survient une nouvelle crise, dans la province du Katanga, ou Shaba, au sud du Zaïre. L’ennemi cette fois et Front national de libération du Congo (FNLC) basé en Angola. Le FNLC lance une grande offensive en mai 1978 avec une force d’environ 3 000 « Tigres katangais ». La troupe s’empare de Kolwezi, une ville de 100 000 habitants, dont 3 000 Européens, et point clé du Shaba au cœur des exploitations minières. Les exactions contre la population et notamment les Européens commencent aussitôt. Ce qui n’était qu’une crise intérieure devient alors une affaire internationale. La France et la Belgique décident d’une intervention, mais ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la manière de faire. Les Français prônent la prise d’assaut de la ville et la destruction de la force du FNLC alors que les Belges penchent pour une simple évacuation des ressortissants.

Le 17 mai, les légionnaires du 2e Régiment étranger parachutiste (REP) et quelques dragons-parachutistes sont transportés de la base de Solenzara en Corse jusqu’à Kinshasa. C’est l’opération Bonite. Le 19 et le 20 mai 1978, ils sont largués directement sur Kolwezi. L’unité est réduite, à peine 700 hommes, très légèrement équipée et ne dispose d’aucun appui extérieur. Elle fait face à une fraction de la brigade du FNLC qui dispose de la supériorité numérique, de quelques blindés légers et d’un armement individuel supérieur à celui des légionnaires. Le 2e REP gagne pourtant la bataille en écrasant l’ennemi et en le chassant de la ville. Le FNLC se replie en Angola. Les légionnaires ont perdu 5 soldats tués et 25 blessés. L’ennemi a perdu au total 274 combattants tués et 165 prisonniers, très largement du fait des Français, l’action des forces zaïroises puis belges arrivées sur les lieux ayant été très limitées.

Entre temps, la guerre a repris au Tchad où la 2e armée du Front de libération nationale (Frolinat) de Goukouni Oueddei, aidé par la Libye, vient d’écraser les forces de l’Armée nationale tchadienne (ANT) dans le nord du pays. Les forces du Frolinat sont organisées comme celles du Polisario et elles peuvent lancer des opérations puissantes et à longue distance. Goukouni Oueddei lance une offensive vers N’Djamena. Le gouvernement tchadien, qui avait réclamé le départ des forces françaises quelque temps auparavant demande maintenant leur retour urgent. La France accepte.

L’opération Tacaud est lancée en mars mais très progressivement, car cela coïncide avec les élections législatives en France. La nouveauté tactique est la mise en place des premiers groupements tactiques interarmes (GTIA) modernes, c’est-à-dire des bataillons, d’environ 400 hommes à l’époque, formés d’unités de régiments différents. La formule générale est de disposer d’un, parfois deux, escadron(s) sur automitrailleuses légères (AML) de 60 ou de 90 mm, du Régiment d’Infanterie Chars de Marine (RICM) ou du 1er Régiment étranger de cavalerie (REC), d’une compagnie d’infanterie portée sur camions venant du 3e puis du 2Régiment d’infanterie de marine (RIMa) ou du Groupement opérationnel de Légion étrangère, et d’une batterie de canons de 105 mm ou de mortiers de 120 mm du 11e Régiment d’artillerie de marine (RAMa) ou du 35e Régiment d’artillerie parachutiste (RAP).

Quatre GTIA seront formés pour Tacaud, travaillant en coordination étroite avec l’Aviation légère de l’armée de Terre qui déploie au total une vingtaine d’hélicoptères et une escadre aérienne mixte de transport et de chasse qui se met en place fin avril 1978 avec notamment dix Jaguar. L’ensemble représentera au maximum 2 300 soldats français.

On en est pas encore là lorsque le premier GTIA formé est engagé le 16 avril à Salal, un point clé au nord de Mossouro. Il n’y alors qu’un escadron du RICM et une section de mortiers en pointe d’un détachement de l’ANT. Quelques semaines avant le combat de Kolwezi, on s’aperçoit que les rebelles sont nombreux et surtout mieux équipés que les Français. Les hommes du Nord tchadien sont aussi des combattants courageux. Les appuis aériens sont gênés par la météo et surtout l’armement antiaérien de l’ennemi. Un Skyraider de l’armée tchadienne, piloté par un Français, est abattu par un missile portable SA-7. Après trois jours de combat, le GTIA franco-tchadien est replié. Le RICM a perdu deux morts et dix blessés. L’attaque est relancée le 25 avril avec un GTIA français complet avec en particulier un escadron du REC et une compagnie du 3e RIMa. Le Frolinat est chassé de Salal avec de lourdes pertes. Un marsouin du 3e RIMa est tombé dans les combats.

Des renforts sont engagés, jusqu’à pouvoir former trois GTIA supplémentaires. Des fusils d’assaut SIG 542 ont été achetés en urgence en Suisse pour remplacer les fusils et pistolets mitrailleurs français face aux AK-47 Kalashnikov. Les GTIA français doivent s’emparer des villes du centre du pays afin de casser l’offensive du Frolinat et de protéger le « Tchad utile ».

Un premier accrochage intervient le 12 mai à Louga au sud-est de N’Djamena. Les rebelles sont mis en déroute facilement par les Français. L’engagement le plus sérieux survient une semaine plus tard à Ati en plein Centre-Sud du Tchad. Le 19 mai, le GTIA français donne l’assaut, une compagnie du 3e RIMa en tête, à une position très solidement défendue. Les combats sont très violents, mais la combinaison de la qualité des troupes au sol et de l’appui aérien des Jaguar ou des hélicoptères armés permet de chasser l’ennemi. Les combats reprennent le lendemain et le Frolinat est définitivement chassé. Une centaine de rebelles et trois soldats français, deux marsouins et un légionnaire du REC, ont été tués et cinq autres blessés. 

Le 31 mai, une force rebelle de 500 combattants accompagnés de conseillers libyens est repérée à Djedda 50 km au nord d’Ati. Le GTIA manœuvre comme à Ati et détruit la bande rebelle en deux jours. On compte à nouveau plus de 80 morts rebelles. Un Jaguar en revanche a été abattu par la défense antiaérienne, mais le pilote est sauvé. Les combats au sol sont terminés, mais la force aérienne française continue un temps de frapper les dépôts et les bases du Frolinat.

Au total, dans ce grand mois de combat il y a 45 ans, douze soldats français ont été tués pour au moins 500 combattants ennemis. Le Polisario a libéré les otages français et a stoppé ses raids. Il va négocier la paix avec la Mauritanie dans les mois qui suivent. Les habitants de Kolwezi et notamment les nombreux Français ont été sauvés et les Tigres katangais chassés du territoire. Le Frolinat a été stoppé au Tchad. 

Tous ces résultats ont été obtenus, non par une supériorité de matériels sauf dans le cas des raids aériens, quoique les Jaguar doivent toujours faire face à des tirs de mitrailleuses et de missiles. Deux avions sont ainsi abattus lors de Tacaud. Cela n’a pas été non plus une question de nombre, toujours à l’avantage de l’adversaire, ni même de courage, un paramètre indispensable mais partagé entre les deux camps. La vraie différence s’est trouvée dans la somme de compétences techniques et tactiques individuelles et collectives accumulées par les Français et la qualité de leur structure de commandement, notamment à l’échelon des sous-officiers.

Mais les guerres se gagnent d’abord dans les choix stratégiques, la France gagne alors parce qu’on ose au niveau politique. Ce mois de mai 1978 marque cependant le sommet de l’audace française. Après il y encore un combat très violent au Tchad, lorsque le GTIA en place à Abéché, armé par le 3e RIMa, le RICM et le 11e RAMa, doit faire face le 5 mars 1979 à un bataillon léger motorisé et bien équipé de 800 combattants du Conseil démocratique révolutionnaire (CDR), nouvel allié de la Libye. Au bout d’une journée de combat, le bataillon du CDR est entièrement détruit, avec peut-être plus de 300 combattants tués, une quarantaine de véhicules détruits et une grande partie de son équipement lourd détruit ou capturé. Les Français comptent deux marsouins tués, au RIMa et au RICM. C’est le dernier engagement direct au combat d’une unité terrestre française avant 1991.

Comme Superman face à la kryptonite, les forces armées françaises en Afrique sont invincibles sauf face à deux éléments qui effraient l’échelon politique à Paris. Le premier est la sempiternelle accusation de néo-colonialisme dès qu’un soldat français combat en Afrique, que cette accusation soit locale (après que la situation ait été sauvée par les soldats français, rarement avant), régionale ou en France même. Le second est la peur des pertes humaines, françaises au moins, et la croyance que cela trouble l’opinion publique. Ces deux kryptonites ont commencé à agir dès le début des interventions françaises, mais elles prennent une ampleur croissante à la fin des années 1970. Les opérations extérieures françaises sont alors très critiquées par l’opposition de gauche comme autant d’ingérences militaristes et néocoloniales. François Mitterrand parle du président Giscard d’Estaing comme d’un « pompier pyromane » ajoutant du désordre à l’Afrique par les interventions militaires. 

Giscard d’Estaing bascule. L’opération Tacaud se termine en mission d’interposition, donc mal, et il accepte même la formation d’un bataillon français sous Casque bleu au sein de l’éternelle Force intérimaire des Nations-Unies au Liban. On y meurt tout autant, deux soldats du 3e RPIMa y sont tués également dans le même mois de mai 1978 et treize autres blessés dans une embuscade organisée par les Palestiniens, mais ce n’est plus la guerre et ce ne sont que les premiers d’une longue série de morts dans des missions stériles. En mai 1981, L’ancien « pompier pyromane » laisse la place à un « pompier qui craint le feu ». Le temps des opérations audacieuses est bien terminé pour longtemps.

Soudan : L’Élysée confirme la blessure d’un commando des forces spéciales lors de l’opération Sagittaire

Soudan : L’Élysée confirme la blessure d’un commando des forces spéciales lors de l’opération Sagittaire

https://www.opex360.com/2023/04/25/soudan-lelysee-confirme-la-blessure-dun-commando-des-forces-speciales-lors-de-loperation-sagittaire/


 

Une telle opération est d’autant plus délicate à planifier et à mener que les délais de réaction sont très courts et que plusieurs conditions doivent être réunies [autorisations de survol de pays voisins, accalmie dans les combats, disponibilité des moyens susceptibles d’être engagés, etc].

Les autorités françaises ont peu communiqué sur les modalités et les conditions de cette opération menée au Soudan. Cependant, quelques heures après son lancement, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, a précisé, via Twitter, qu’elle avait été baptisée « Sagittaire » et qu’elle mobilisait des avions de transport A400M et des commandos des forces spéciales. Du moins, c’est ce qu’ont suggéré les photographies diffusées par l’État-major des armées [EMA] sur les réseaux sociaux.

Or, peu après l’annonce du déclenchement de l’opération Sagittaire, il a été dit qu’un convoi français avait essuyé des tirs au niveau du quartier de Bahri, au nord de Karthoum, et que l’un de ses membres avait été blessé. Et cela, dans des conditions confuses, les FSR ayant soutenu avoir été visées par un raid aérien au moment des faits. Sollicitées par l’AFP, des sources diplomatiques et militaires ont alors dit refuser de « telles rumeurs » tant que le RESEVAC « n’est pas encore terminé ».

Quarante-huit heures après, à l’ouverture d’un Conseil de défense et de sécurité nationale, à l’Élysée, le président Macron a confirmé qu’un commando des forces spéciales avait bien été blessé – assez sérieusement, a priori – durant cette opération.

« J’ai eu, ce matin, des nouvelles rassurantes du commando des forces spéciales qui a été blessé au cours de cette opération. Et son état est maintenant stabilisé, sa vie n’est plus en danger. Il est en transfert vers les soignants qui lui permettront, dans les prochaines heures, je l’espère, de retrouver l’intégralité de ses facultés », a en effet affirmé M. Macron.

 

Pour le moment, l’opération Sagittaire a permis d’évacuer 538 personnes, dont 209 ressortissants français, du Soudan. Dans sa courte déclaration, le chef de l’État a remercié Djibouti et l’Éthiopie [qui a accepté d’ouvrir son espace aérien aux avions français].

Selon les précision de l’EMA, dix convois entre Khartoum et la base de Wadi Seidna [dont il a fallu s’assurer le contrôle] ont été organisés au cours des 72 dernières heures. Puis un pont aérien a été mis en place vers Djibouti, avec sept rotations d’A400M Atlas et deux de C-130J Hercules.

 

À noter que la frégate multi-missions à capacité de défense aérienne renforcée [FREMM-DA] Lorraine, qui effectue actuellement son déploiement de longue durée en vue de son admission au service, a également été sollicitée pour transporter des personnes évacuées de Port-Soudan vers l’Arabie Saoudite, en lien avec les Nations unies.

Evolution du rapport de force entre les puissances économiques sur le marché mondial du Lithium.

Evolution du rapport de force entre les puissances économiques sur le marché mondial du Lithium.

par Isac Babatoundé Fachina – Ecole de guerre économique – publié le 20 avril 2023

https://www.ege.fr/infoguerre/evolution-du-rapport-de-force-entre-les-puissances-economiques-sur-le-marche-mondial-du-lithium


Le monde est à un tournant et dans une course de fond vers une économie plus verte, juste et responsable pour sauver la planète et l’avenir des générations futures. En effet, face au réchauffement effréné de la planète, les dirigeants mondiaux à travers la COP21 de décembre 2015 en France ont conclu l’Accord de Paris sur le climat. Cet accord vise entre autres à réduire considérablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre dans le but de limiter à 2 °C le réchauffement planétaire au cours du siècle présent, tout en poursuivant l’action menée pour le limiter encore davantage à 1,5 °C, d’où la nécessité de se tourner vers les énergies plus vertes à bas niveau de carbone.

Une ressource majeure

Cet accord a ainsi donné un grand coup d’accélérateur au développement des énergies renouvelables avec un cap vers la transition énergétique dans tous les secteurs dont le transport notamment les véhicules électriques.

C’est un ainsi que le Lithium se positionne aujourd’hui en un minerai extrêmement stratégique car il s’agit d’un métal utilisé pour les batteries du fait de sa grande énergie massique, sa durabilité dans le temps et sa faible autodécharge.

Le lithium devient ainsi un actif stratégique de guerre économique entre puissances avec la nécessité de la maitrise de la chaîne d’approvisionnement par l’extraction du minerai, la transformation et la production des batteries pour les constructeurs automobiles.

Le présent article[i] vise à examiner l’évolution des rapports de force entre les puissances notamment en Asie, en Amérique et en Europe sur ce marché de lithium qui devrait satisfaire les besoins du marché automobile.

Il sera ainsi abordé les réserves mondiales du lithium, les chaînes d’approvisionnement, le marché mondial du lithium et des batteries électriques avec le pays en tête de pont, les bouleversements géostratégiques avec la découverte de nouvelles réserves de lithium notamment au Maroc au niveau du mont Tropic, les affrontements économiques entre les puissances notamment la Chine, les Etats-Unis, l’Europe avec identification de la place de la France dans cette guerre économique pour le stockage de l’électricité.

Un besoin croissant

Selon le rapport du 09 avril 2019 de la Commission européenne sur la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur les batteries, la production de cobalt, du graphite et du lithium sera en 2050 cinq fois plus importante que celle de 2018 pour répondre aux besoins en batteries électriques. La demande de lithium va exploser avec l’essor de la voiture électrique. Pour l’Agence internationale de l’énergie, les besoins vont être multipliés par 42 pour assurer la transition vers la neutralité carbone. En outre, la forte progression des ventes de voitures électriques (près de 4M d’unités en Chine, en 2022) a réveillé avec acuité le marché du lithium ces derniers mois avec un envolé vertigineux du prix moyen du carbonate de lithium dans le monde entre 2010 et 2021 comme l’indique le site Statista du 22 avril 2022.

Cette tension de plus en plus forte entre l’offre et la demande sur le marché mondial du lithium est la conséquence directe des enjeux géostratégiques et politiques menés par les puissances (en Asie, Europe et Amérique) pour le contrôle des énergies bas carbone dans le cadre de la transition énergétique.

En effet, la Chine dans son plan décennal « Made in China 2025 », ambitionne de devenir à l’horizon 2049 (année du centenaire de la fondation de la République populaire de Chine), la première puissance mondiale dans l’ensemble des technologies de demain (batteries, véhicules électriques, intelligence artificielle, etc.).

Quant à l’Europe, les batteries seront l’un des grands vecteurs de la transition énergétique, compte tenu du rôle important qu’elles jouent dans la stabilisation du réseau électrique et dans le déploiement de la mobilité propre. L’Europe envisage ainsi à l’horizon 2035 une convergence totale vers les véhicules électriques avec une production massive des batteries à base du lithium-ion.

Les Etats-Unis, quant à eux, visent à l’horizon 2030 un parc automobile de 50% de véhicules électriques afin de mettre l’Amérique en position de mener l’avenir de la voiture électrique, de dépasser la Chine et de faire face à la crise climatique, a annoncé la Maison Blanche en août 2021.

Derrière toutes ces annonces et projections des différentes puissantes économiques, se joue une guerre économique sans pitié pour le contrôle des minerais stratégiques dont le lithium. Par ailleurs, cet affrontement de positionnement sur le marché des énergies vertes à base de lithium se fait atrocement entre les constructeurs automobiles dont l’américain Tesla et le chinois Byd sans oublier des pertes records des actions de Tesla à la bourse. 

Bienvenue dans cette saga de lutte à plusieurs milliards de dollars entre puissances pour le contrôle du marché mondial du lithium. Ainsi, pour mettre un coup de projecteur sur cette guerre économique avec les différentes polémiques autour du lithium, il sera abordé :

  • Le marché mondial du lithium qui traitera les réserves mondiales du lithium, les chaines d’approvisionnement et l’évolution du marché.
  • Le rapport de force de la Chine sur le marché du lithium afin de mieux cerner les stratégies de la Chine sur les 20 dernières années.
  • Les stratégies américaines et les futurs bouleversements géostratégiques sur le marché du lithium.
  • La place de l’Europe dans ce carré de l’énergie du futur par le lithium.
  • La position de la France dans l’Europe pour cette conquête de l’énergie du futur.

Marché mondial du lithium

Ce marché est structuré autour des réserves mondiales, les chaines d’approvisionnement, la raffinerie du minerai et la production des batteries à lithium notamment pour les constructeurs automobiles. Selon les études, la batterie rechargeable représente 40% du coût de production d’un véhicule électrique (VE). Aujourd’hui dans le monde plus de 4 millions de véhicules électriques sont en circulation. Ils devraient être entre 50 et 200 millions en 2028 et atteindre les 900 millions en 2040, d’où le caractère stratégique du lithium pour l’industrie des batteries rechargeables

Suivant le rapport 2018 de la BRGM sur les ressources métropolitaines de la France, le lithium est un élément métallique très léger, deux fois moins dense que l’eau, et qui possède une très forte électronégativité. Ses utilisations sont très variées, dominées depuis 2015 par le secteur des batteries rechargeables. Les enjeux du marché de lithium en 2018 portent sur des perspectives de croissance extrêmement fortes. Le principal moteur est la consommation de lithium à destination des batteries rechargeables de types lithium-ion pour le développement très rapide de l’électromobilité et du stockage d’énergie. Cette part de marché ne cesse de croître et l’impact est majeur sur la demande de lithium et donc sur les prix. La croissance moyenne de la demande de lithium devrait se situer autour de 18% par an et la part du secteur des batteries devrait être comprise entre 60% et 86% du total vers 2025.

Au niveau des réserves mondiales de lithium, les données à fin 2020 publiées en février 2021 par le site Statista font état de 18 millions tonnes de lithium détenus par cinq (05) pays à savoir : Le Chili, l’Australie, l’Argentine, la Chine et les Etats-Unis. La première réserve mondiale appartient au Chili avec 9,2 millions de tonnes, soit plus de 50% de la part des 05 pays cités. L’Australie et l’Argentine détiennent respectivement 4,7 millions et 1,9 millions de tonnes contre 1,5 million de tonnes pour la Chine et 0,75 million pour les Etats-Unis. D’autres études indiquent que le triangle de lithium en ABC (Argentine, Bolivie et Chili) abrite entre 60 à 70% des réserves mondiales. L’avenir du lithium se joue ainsi au centre de l’Amérique du Sud et ces gisements constituent entre les grandes puissances industrielles un jeu géopolitique indispensable pour conserver l’accès à la ressource.

Au niveau européen, en termes de gisement, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Ukraine et le Portugal sont les plus représentés et également les plus actifs au niveau de la prospection lithinifère.    

Sur les chaînes d’approvisionnement et le raffinage, la Chine contrôle 65% de la production mondiale de lithium raffiné avec ses deux géants du secteur, Jiangxi Ganfeng et Tianqi Lithium qui se sont hissés aux premières et troisièmes places du marché. Par ailleurs, 80% des métaux nécessaires à la fabrication des batteries des véhicules électriques sont transformés en Chine, ce qui donne un avantage concurrentiel énorme à l’économie de l’Empire du milieu qui possède la moitié du parc mondial de véhicules électriques et exporte une grande partie de sa production à l’étranger, essentiellement en Europe.

Cette position dominante de la Chine sur ce marché de l’énergie du futur n’est pas du tout du goût de l’Occident notamment les Etats-Unis et l’Union Européenne, d’où les rivalités géostratégiques en cours entre ces puissances économiques et chacune annonce comme indiqué plus haut ces ambitions pour ce potentiel marché de transition énergétique.

Rapport de force de la Chine sur le marché mondial du lithium

Depuis une vingtaine d’années, la Chine a pris conscience des enjeux que constituent les terres rares et les minerais stratégiques. Sa montée en puissance dans ce secteur est tardivement perçue comme une menace par les économies occidentales alors que la Chine avait usé de toutes les manœuvres économiques et géostratégiques y compris le dumping pour parvenir à ses fins. La Chine a ainsi organisé la sortie du marché de Molycorp (entreprise américaine, seul producteur et transformateur d’éléments de terres rares d’Amérique du Nord) par un dumping sur les prix, puis racheté (via Shenghe) une partie des droits sur la production de la mine. Aussi en 1994, Rhône-Poulenc, un des deux leaders mondiaux de la transformation des terres rares dans les années 1980, fut contraint de confier à la Chine le raffinage des terres rares.

En moins de vingt ans, la Chine a racheté des mines de métaux stratégiques partout sur la planète et développé des industries de pointe pour exporter des produits à haute valeur technologique. Il est ainsi observé une politique d’investissements colossaux dans des mines partout sur la planète où entre 2005 et 2021, ses investissements directs à l’étranger (IDE) dans le secteur minier ont atteint 125 milliards de dollars, soit presque l’équivalent de la valeur actualisée du plan Marshall des Etats-Unis à l’Europe après la seconde guerre mondiale.

Ainsi, sur le marché du lithium, les entreprises chinoises Ganfeng et Tianqi sont les leaders mondiaux qui cumulent à eux deux environ 60% de la production mondiale du lithium. Les entreprises chinoises, toute catégorie confondue, ont sécurisé des millions de tonnes d’approvisionnement en lithium sur plusieurs années grâce au rachat ou à la prise d’intérêts dans des projets phares. Aussi, la Chine a dans un premier temps accueilli de nombreuses entreprises étrangères puis, dans un second, absorbé les technologies de ces dernières pour démultiplier sa production nationale en évinçant progressivement la concurrence internationale grâce à son dumping économico-environnemental. En outre, cette position dominante s’inscrit également dans les coûts environnementaux que la Chine a accepté d’assumer. En effet, avec des normes environnementales moins contraignantes que celles des pays occidentaux, la Chine a assumé le coût écologique, ce qui lui a permis de s’assurer une position incontournable dans le raffinage du lithium pour satisfaire les besoins colossaux de l’industrie des véhicules électriques.

En somme, le rapport de force de la Chine envers l’Occident dans ce secteur découle de sa capacité à maitriser les sources d’approvisionnement en matières premières tout en maitrisant toutes les chaines de valeur dont le raffinage au détriment des normes et de l’impact environnemental.   

Les stratégies américaines et les futurs bouleversements géostratégiques du marché mondial de lithium

Parmi les grandes lignes de l’Administration Biden en matière de souveraineté et de compétition technologique figure la transition vers l’énergie verte. Cette transition sera pour les EU dans les prochaines années une source majeure de croissance économique et de création d’emplois. À plus long-terme, elle viendra également assurer l’indépendance et la sécurité énergétique des États-Unis. Ainsi, le 05 août 2021, le Président Biden signe à la Maison Blanche le décret déclarant l’objectif que la moitié des véhicules vendus aux Etats-Unis d’ici 2030 seront électriques.

Pour ce faire, le Département de l’Énergie des États-Unis a ouvert des financements de plusieurs milliards de dollars afin de mettre en place des chaînes d’approvisionnement nationales des batteries au lithium, cruciales pour faire basculer le pays dans l’énergie propre. L’objectif du gouvernement américain est de faire en sorte que plus de la moitié des véhicules vendus sur son territoire soient électriques et assurer au pays une indépendance en luttant contre la domination chinoise dans le secteur. Cette mesure prise par le Président Biden s’inscrit également dans le cadre d’une campagne plus large visant à éloigner le pays de l’énergie russe.

A cet effet, Albemarle, leader de l’industrie du lithium et des dérivés du lithium aux Etats-Unis, envisage de multiplier par cinq sa capacité de production globale de lithium pour atteindre 500.000 tonnes par an d’ici 2030.

Par ailleurs, parmi les stratégies américaines dans le lithium figurent la reconquête des sources d’approvisionnement ou la découverte des réserves de lithium et autres métaux pour l’accroissement de leur capacité industrielle dans la production des batteries rechargeables.

Ainsi l’alliance AUKUS, en dehors des enjeux dans l’indo pacifique, pourrait être une stratégie pour les Etats-Unis de resserrer les liens avec l’Australie, un des pays détenant une importante réserve de lithium et où les investissements chinois dans le lithium ont atteint 27 milliards de dollars US sur la période 2005-2021.

En outre, les Etats-Unis se sont imposés au Maroc face aux Européens (Espagne et Allemagne surtout) sur la découverte du Mont Tropic. En effet, le Mont Topic regorge de cobalt et surtout de tellure qui est un minerai très rare utilisé dans la fabrication de certaines armes mais aussi de certaines batteries de voitures électriques. Le tellure du Mont Tropic, suivant les études britanniques, serait 50.000 fois plus important que tous les dépôts découverts jusqu’à ce jour et les réserves du cobalt quant à elles, sont équivalentes aux réserves du Congo.

Si toutes ces positions se confirment, les Etats-Unis pourraient faire changer significativement le rapport de force sur le marché les batteries rechargeables et par conséquent l’avenir mondiale de la transition énergétique.

Place de l’Europe dans ce carré de l’énergie du futur par le lithium.

Le lithium a été identifié comme critique par la Commission européenne. Le rapport 2019 de la Commission Européenne sur la vision 2050 de la neutralité carbone vise à créer une chaine de valeur stratégique des batteries en Europe avec un cap sur du 100% de véhicules électriques à l’horizon 2035. Pour la Commission le potentiel du marché européen des batteries rechargeables est énorme et pourrait s’élever à 250 milliards d’euros chaque année à partir de 2025 et un cadre législatif et de gouvernance a été adopté afin d’accélérer la transition vers une économie européenne à la fois durable, sûre et compétitive.

Actuellement la part européenne dans la fabrication mondiale de cellules de batteries est de 3% alors que celle de l’Asie est de 85% et si rien n’est fait pour soutenir la création d’un secteur viable de la fabrication de batteries, l’Europe risque de perdre irrémédiablement du terrain face à ses concurrents sur le marché mondial des batteries et de devenir tributaire des importations de cellules de batterie et de matières premières utilisées dans la chaîne d’approvisionnement.

Pour la conduite de cette vision à long terme, l’Union a créé en 2017 « l’Alliance Européenne des Batteries (AEB) » pour soutenir la mise à niveau de solutions innovantes et la capacité de fabrication en Europe. Aussi en mai 2018, la Commission a adopté le plan d’action intitulé L’Europe en mouvement ». Ce plan a permis de constituer une panoplie de mesures permettant de soutenir les efforts nationaux, régionaux et industriels visant à créer une chaîne de valeur des batteries en Europe et couvrant l’extraction, la fourniture et la transformation de matières premières, les matériaux pour batteries, la production de cellules, les systèmes de batterie ainsi que la réutilisation et le recyclage.

Toutes ces mesures démontrent ainsi le dynamisme européen sur le marché des batteries à lithium et des investissements considérables sont nécessaires à cet effet. Suivant les prévisions, de 20 à 30 usines géantes devront être construites en Europe rien que pour la production de cellules de batterie et leur écosystème devra être considérablement renforcé. Il est donc recommandé la mobilisation rapide d’investissements privés comme facteur clé de réussite de ces ambitions compte tenu de l’ampleur et du rythme des investissements nécessaires.

L’Europe n’est donc pas en marge de cette guerre économique entre puissances pour la course à la transition énergétique et cette pression sur l’Europe devient plus palpable avec la guerre militaire en cours entre la Russie et l’Ukraine. Conflit dans lequel la question de la dépendance énergétique de l’Union Européenne est au cœur des débats et des affrontements géostratégiques.

Nous partageons et renforçons ainsi les pistes de solutions et les débats d’idées en cours sur cette épineuse question de transition énergétique de l’UE notamment sur les batteries rechargeables. Ces pistes sont principalement : l’exploitation des ressources sur le sol européen, le recyclage, la constitution de stocks de certains métaux stratégiques et la diversification des sources d’approvisionnement.

Ainsi en dehors de l’exploitation « responsable » des ressources de lithium sur le sol européen, l’Europe pourrait se positionner significativement sur le segment du recyclage actuellement encore bien vierge en créant des champions européens de recyclage de batteries à lithium au regard des perspectives de plus de 900 millions de véhicules électriques dans le monde à l’horizon 2040.

La France se positionne-t-elle en futur leader européen du marché du lithium ?

L’Etat français, à travers le plan France 2030 du Président Macron, envisage produire 2 millions de véhicules électriques d’ici 2030 dans le cadre de sa stratégie industrielle qui vise à implanter sur le territoire national l’ensemble de la chaîne de valeur des batteries, de matériaux de base au recyclage.  

Ainsi pour jouer un rôle de premier plan au sein de l’Union Européenne, la France a confié au Groupe Imerys l’exploitation du lithium de la région de Beauvoir dans le Département de l’Allier. Ce projet contribuera aux ambitions de la France et de l’Union européenne en matière de transition énergétique et il permettra également d’accroître la souveraineté industrielle de la France et de l’Europe à l’heure où les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles sont fortement dépendants des importations de lithium de la Chine. Imerys vise une production de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an à partir de 2028 pour une durée d’au moins 25 ans, ce qui ferait de la France un fournisseur de premier plan du marché européen des batteries et lui conférerait un rôle clé dans l’industrie mondiale du lithium avec 700.000 de véhicules électriques à équiper par an.

En dehors de la région de Beauvoir, le rapport 2018 de la BRGM indique d’autres réserves de lithium pour la France avec une estimation globale de l’ordre de 443.200 tonnes de lithium dont 375.000 pour le site de Beauvoir.

Au regard de ces prévisions de réserves et pour pouvoir se positionner durablement sur le marché européen et mondial des batteries rechargeables, la France devra investir dans une chaine de valeur verticale en diversifiant ces sources d’approvisionnement en matières premières notamment hors de son territoire à l’instar de la stratégie chinoise et qu’envisage aussi les Etats-Unis. Par ailleurs, les recommandations à l’endroit de l’UE devront être prises en comptes par l’Etat français surtout le segment du recyclage.

Isac Babatoundé Fachina

auditeur de la 41è promotion de la MSIE de l’EGE

Sources complémentaires

https://www.agrobiosciences.org/territoires/article/les-enjeux-du-lithium-une-situation-electrique#.Y7iI8HbMLIU

https://atalayar.com/fr/blog/lithium-une-autre-guerre-entre-les-etats-unis-et-la-chine

https://www.francetvinfo.fr/economie/industrie/etats-unis-le-projet-dun-gisement-de-lithium-fait-polemique_5437876.html

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/terre-lithium-france-impact-ecologique-nouvel-or-blanc-101509/

https://www.imerys.com/fr/media-room/communiques-de-presse/imerys-ambitionne-de-devenir-un-acteur-majeur-du-lithium-en-europe

https://m.zonebourse.com/actualite-bourse/Albemarle-prevoit-une-importante-usine-de-traitement-du-lithium-aux-Etats-Unis–40838067/

https://www.jeuneafrique.com/1225179/economie/rachid-yazami-le-maroc-est-au-coeur-de-la-guerre-pour-les-minerais-rares/

https://medias24.com/2021/10/03/tresors-caches-du-mont-tropic-mythe-ou-realite/

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/08/26/la-californie-va-interdire-la-vente-de-vehicules-thermiques-dici-2035/

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/05/05/un-etat-pour-la-planification-ecologique/

https://www.lesechos.fr/2015/06/lamericain-molycorp-victime-de-la-bulle-des-terres-rares-250506

https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:72b1e42b-5ab2-11e9-9151-01aa75ed71a1.0003.02/DOC_1&format=PDF

https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/tesla-il-y-a-de-lelectricite-dans-lair-1898008#xtor=CS3-3092

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/bolivie-lextraction-du-lithium-menace-le-plus-grand-desert-de-sel-du-monde

https://planeteamazone.org/actualites/etats-unis-un-plan-pour-booster-la-production-de-batteries-alors-quune-mine-de-lithium-menace-les-peuples-amerindiens/

 

Note

[i] Cet article vient également en contribution des précédents articles du site infoguerre.fr de l’EGE qui n’ont pas encore abordé les enjeux géostratégiques et le rapport de force inter-puissances pour le contrôle de ce minerai dans l’énergie du futur et la transition énergétique.

https://www.ege.fr/infoguerre/les-manoeuvres-informationnelles-autour-du-lithium-en-france

https://www.ege.fr/infoguerre/les-polemiques-autour-du-projet-de-la-plus-grande-mine-de-lithium-deurope-mina-do-barroso-au-nord-du-portugal

https://www.ege.fr/infoguerre/2009/11/lithium-bolivie-strategie-energie

https://www.ege.fr/infoguerre/une-reponse-relative-lultra-dependance-europeenne-la-chine-en-matiere-de-batteries

Assaut à Zapo

Assaut à Zapo

 

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 22 avril 2023

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Ce n’est pas tout d’avoir une force de manœuvre. Il faut s’en servir efficacement. Il ne peut être question pour les Ukrainiens de « corriger » le front comme les Russes, mais bien de percer et de s’emparer d’un objectif lointain : Mélitopol, Berdiansk, Marioupol, Donetsk, Horlivka, Lysychansk-Severodonetsk ou Starobilsk. S’il n’y a pas au moins un de ces objectifs avec un drapeau ukrainien après l’offensive, celle-ci sera considérée comme une victoire mineure en admettant même que les Ukrainiens aient réussi à progresser de manière importante sur le terrain. 

C’est une chose difficile. Deux percées seulement ont été réussies dans cette guerre : à Popasna par les Russes au mois de mai 2022 et surtout dans la province de Kharkiv par les Ukrainiens en septembre. Or les positions des deux côtés, surtout du côté russe, sont actuellement bien plus solides qu’elles ne l’étaient qu’à l’époque.

Concrètement, il y a deux problèmes successifs à résoudre pour les Ukrainiens : s’emparer le plus vite possible des positions retranchées et exploiter cette conquête. Voyons ce que cela représente dans la province de Zaporijjia, la zone d’attaque la plus probable.

En position


Les positions retranchées sont un réseau de points d’appui de sections enterrés ou installés dans des localités, protégés et reliés par des lignes successives de mines, de tranchées et d’obstacles comme les « dents de dragon ». Normalement, si le terrain le permet, ces points d’appui sont organisés en triangle base avant (deux sections devant, une derrière – deux compagnies devant, une derrière, etc.) afin qu’ils puissent s’appuyer mutuellement et appliquer des feux sur ceux qui tentent de franchir les obstacles. À ce stade, mitrailleuses lourdes et mortiers sont les armes principales.

On se trouve loin des densités de lignes des deux guerres mondiales, mais une position retranchée russe peut avoir jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur. Pire, dans certaines zones, comme dans la province de Zaporijjia, on trouve une deuxième position parallèle cinq et à six kilomètres en arrière et des môles défensifs autour des villes. Cette deuxième position est alors occupée par le deuxième échelon des grandes unités en charge de la défense et parfois l’artillerie de division ou de brigade. Plus en arrière encore on trouve les unités de réserve de l’armée et l’artillerie à longue portée. Cette artillerie a évidemment pour double mission en défense de contre-battre l’artillerie ukrainienne et de frapper toute concentration de forces en avant de la première position de défense ou à défaut de placer des barrages d’obus devant elle.
Le « front » de Zaporrijia, au sens de structure de commandement russe, dispose ainsi d’un premier échelon composé d’une « division composite » (régiments DNR, Wagner) près du Dniepr et des 19e et 42e divisions motorisées de la 58e armée jusqu’à la limite administrative de la province. Cette première position s’appuie particulièrement à l’Ouest sur la ville de Vassylivka et les coupures des rivières qui se jettent dans le Dniepr, au centre sur un groupe de villages sur les hauteurs (150 m d’altitude) autour de Solodka Balka et à l’Est sur la ville de Polohy.

La deuxième position, de cinq à dix kilomètres en arrière, est organisée d’abord sur la ligne parallèle au front Dniepr-Mykhaïlivka-Tokmak, puis sur la route qui mène de Tokmak à Polohy. On y trouve deux régiments de Garde nationale, Wagner, la 11e brigade d’assaut aérien (à Tokmak) et peut-être la 22e brigade de Spetsnaz ainsi que la 45e brigade des Forces spéciales, utilisées comme infanterie, ainsi que l’artillerie des divisions et plus en arrière, celle de l’armée. Même si on ne connaît pas bien l’attitude de Wagner, on peut considérer l’ensemble du secteur sous la responsabilité de la 58e armée, qui sur place depuis les premiers jours de la guerre.

Plus en arrière encore, constituant sans doute les réserves du front, on trouve la 36e armée (deux brigades seulement) dans la région de la centrale nucléaire d’Enerhodar, le 68e corps d’armée avec 18e division de mitrailleurs et de la 39e brigade à Mélitopol et enfin la 36e armée (deux brigades) dans le carrefour de routes Verkhnii Tokmak 20 km au sud de Polohy et 30 km à l’est de Tokmak. Et si cela ne suffit pas, les Russes peuvent encore faire appel aux renforts de la 49e et à la 29e armée dans la province de Kherson ou, surtout, de la 8e armée à Donetsk, notamment dans le conglomérat de forces au sud de Vuhledar.

Dans la profondeur


Parvenir jusqu’à Melitopol à 60 km des lignes ukrainiennes demandera l’organisation de l’opération la plus complexe de l’histoire de l’armée ukrainienne
. Elle devra concerner au moins l’équivalent de vingt brigades de combat ou d’artillerie et escadrons aériens organisés en trois forces soutenues par un réseau logistique particulièrement agile.

On qualifiera la première force de « complexe reconnaissance-frappes » (CRF), selon la terminologie soviétique. Elle est constituée d’un ensemble intégré de capteurs et d’effecteurs susceptibles de frapper de manière autonome dans la profondeur du dispositif ennemi. On y retrouve avions et hélicoptères de combat, missiles, drones, brigades d’artillerie à longue portée, forces spéciales et partisans. Le CRF ukrainien existe depuis l’été 2022. Sa mission avant le jour J de l’offensive sera d’affaiblir autant que possible l’ennemi en attaquant ses bases, ses postes de commandement, ses dépôts et flux logistiques, etc. C’est ce qui a été fait avec succès pendant la campagne de Kherson. Sa mission pendant le jour J sera d’interdire et au moins d’entraver tous les mouvements en arrière de la zone de combat principale.

Le CRF a connu un saut qualitatif important ces derniers mois avec la livraison de Mig-29 polonais et slovaques capables de tirer des bombes guidées JDAM-ER (plus de 70km de portée) et de GLSDB (Ground Launched Small Diameter Bomb) des bombes volantes GBU-39 de 270 kg qui peuvent être lancées par les HIMARS à 150 km avec une grande précision. On ne connaît pas en revanche la quantité réelle de munitions, celles-ci comme les plus classiques, alors que les besoins sont très importants. Si le stock de munitions est plutôt réduit, il faudra plutôt les réserver pour le jour J et se contenter de frapper en préalable les cibles repérées de plus haute valeur, avec aussi cette contrainte de frapper un peu partout sur la ligne de front pour ne pas donner d’indices sur la zone d’attaque.

Reste aussi la possibilité d’attaques au sol, de commandos et/ou de partisans en arrière de l’ennemi. La densité de forces russes sur un espace ouvert (peu de grandes conurbations ou de forêts) et la forte pression exercée sur la population (surveillance coercitive, représailles possibles) rendent compliquée la circulation clandestine de combattants et d’équipements. Il est donc également difficile d’organiser des attaques non-suicidaires (les attaques suicidaires sont très simplifiées par l’absence de repli, la partie la plus difficile à organiser). On ne peut exclure certains « coups » mais il ne faut pas s’attendre à une action importante de ce côté, comme pouvaient l’être les offensives de sabotage précédant les grandes opérations de l’armée rouge en 1943-1944. L’intérêt du réseau clandestin est surtout le renseignement.

Dans la boîte


La seconde force, qui n’est pas encore complètement en place, sera chargée de s’emparer des positions de défense. Elle doit être particulièrement dense et surtout constituée de brigades puissantes. Dans le secteur qui nous intéresse ici, face à la 58e armée russe on trouve six brigades ukrainiennes de Kamianske sur le Dniepr à Houliapole au nord de Polohy. C’est sans doute trop peu, mais l’arrivée soudaine de nouvelles brigades serait évidemment suspecte, à moins là encore que des renforcements interviennent aussi simultanément dans d’autres secteurs et notamment face à la province de Louhansk, l’autre secteur d’attaque probable. Huit brigades constitueraient une densité un peu plus appropriée.

Le plus important est que ces brigades soient suffisamment fortes pour avancer chacune de cinq kilomètres en profondeur dans une défense dense et sur une dizaine de kilomètres de large. On notera que sur les six brigades actuellement en place, on trouve deux brigades territoriales et une brigade de garde nationale, par principe destinées à défendre un secteur plutôt qu’à l’attaquer. Elles devraient être remplacées par des brigades de manœuvre, pas forcément parmi celles nouvelles formées, mais peut-être parmi les plus expérimentées et solides à condition de les avoir mis au repos après le retrait du Donbass. À défaut, on peut peut-être utiliser les brigades territoriales et de garde nationale comme masques, en les renforçant considérablement. Dans tous les cas de figure ces brigades d’assaut doivent être à effectif organique à peu près complet, mais également très renforcées afin d’être capables chacune de battre un régiment russe fortifié. Il leur faut absolument un bataillon de génie au lieu d’une compagnie et sans doute un deuxième bataillon d’artillerie ainsi qu’un bataillon d’infanterie mécanisée. Il serait bon afin d’organiser le combat très complexe qui s’annoncent que ces brigades d’assaut soient regroupées et commandées par des états-majors de divisions, ou corps d’armée, face à chacun des trois axes principaux de l’offensive : le long du Dniepr, au centre en direction de Tokmat et contre Polohy.

Le combat de ces brigades d’assaut consistera à combiner l’action de leur artillerie organique et de leur petite flotte de drones avec celle des bataillons d’assaut, mélange de génie pour franchir les obstacles, d’infanterie mécanisée lourdement blindée et équipée d’armes collectives dont peut-être des mortiers, pour protéger, reconnaître et occuper, et de chars servant de canons d’assaut. Chaque bataillon agit normalement dans une boîte de quelques centaines de mètres de large. Le schéma d’action classique y est le suivant :

1 Frappes d’artillerie sur les premières lignes ennemies afin de neutraliser les défenseurs et de détruire quelques obstacles.

2 Report des frappes d’artillerie au-delà de la boîte pour la fermer à toute intrusion ennemie à l’arrière. Pour appuyer les unités d’assaut dans la boîte, on s’appuie alors sur les tirs directs de canons et surtout de mitrailleuses lourdes placés sur les côtés du bataillon d’assaut. Au fur et à mesure de la progression de ce dernier, ces tirs directs s’écartent et finissent par cloisonner la boîte sur les côtés. Les tirs indirects en revanche, mortiers et parfois mitrailleuses en tir courbe, sont permanents devant les troupes d’assaut.

3 Les unités d’assaut avancent, peut-être précédées de drones harceleurs qui renseignent et frappent quelques dizaines ou centaines de mètres devant eux. La progression s’effectue fondamentalement au rythme des sapeurs qui ouvrent des passages dans les mines ou mettent en place des ponts. Les groupes de fantassins, où prédominent les mitrailleuses et les lance-roquettes antichars, protègent les sapeurs en saturant les défenses, et exploitent les petites brèches qu’ils effectuent. Le combat se fait autant que possible en véhicules très blindés et à pied que les véhicules ne peuvent passer.

Une progression de 100 mètres ou plus par heure dans une position fortifiée sera considérée comme fulgurante. Tout dépend en réalité de la valeur de la résistance. Celle-ci peut s’effondrer tout de suite, et les défenseurs s’enfuir comme cela s’est parfois vu lors de l’offensive de Kharkiv ou autour de la tête de pont de Kherson. Mais ils peuvent aussi résister, et s’ils résistent (en clair s’ils peuvent tirer avec des armes collectives sans être neutralisés) la progression est tout de suite beaucoup plus lente. Comme tout cela est un peu aléatoire, il faut s’attendre à la formation d’une ligne discontinue avec aucune avancée à certains endroits et des poches par ailleurs. Tout l’art consiste alors à manœuvrer non plus seulement axialement, mais également latéralement afin de menacer l’arrière des poches ennemies. La menace suffit généralement à les faire céder (à condition qu’ils sachent qu’ils sont menacés) mais cette manœuvre demande énormément de coordination ne serait-ce que pour éviter les tirs fratricides. Tout le combat de positions d’une manière générale demande énormément de compétences tactiques et de solidité au feu, ce qui ne s’acquiert que par l’expérience et un entraînement intensif, notamment sur des positions retranchées reconstituées à l’arrière. Les Ukrainiens disposent-ils de cette masse critique de compétences ? C’est la condition première de la réussite. On progresse ainsi jusqu’à obtenir des brèches dans la première position ennemie et si on a encore assez de forces jusqu’à la conquête de la deuxième position.

En avant


Dès qu’il y a la possibilité de progresser de quelques kilomètres, il faut foncer. C’est là qu’intervient la force d’exploitation, moins puissante que la force d’assaut mais plus mobile. Elle n’est pas nécessairement juste derrière la force d’assaut le jour J mais doit être capable de la rejoindre en quelques heures, comme la 1ère brigade blindée par exemple qui se trouve au nord de Hulvaipole ou les brigades mécanisées proches ou dans la grande ville de Zaporijjia. Il faut compter pour avoir une chance d’obtenir des résultats importants, au moins huit autres brigades, qui viendraient se raccrocher au dernier moment aux trois corps d’armée en ligne.

La mission de la force d’exploitation est de pousser le plus loin possible jusqu’à ne plus pouvoir avancer face à une nouvelle ligne de défense ou rencontrer les réserves ennemies, ce qui donne lieu à des combats dits « de rencontre ». Une première difficulté consiste déjà à franchir la première position ennemie conquise par la force d’assaut. On peut passer à travers cette dernière, mais c’est une manœuvre là encore très délicate ou exploiter un trou dans le dispositif pour « rayonner » ensuite sur tous les axes, avec des forces légères très rapides en tête pour renseigner et des bataillons de reconnaissance pour vaincre les résistances les plus légères. Derrière suivent les bataillons blindés-mécanisés, mélanges systématiques de compagnies de chars et d’infanterie.

Et là c’est la grande incertitude. Les combats aux deux extrémités à Vassylivka et à Polohy peuvent virer au combat urbain, très rapide ou au contraire très lent en fonction de la décision de résister ou non des Russes. Ce sont, surtout le premier, des points clés essentiels qui conditionnent beaucoup la suite des évènements. Les Russes devraient donc essayer de les tenir, mais on a vu dans le passé qu’ils hésitaient devant une défense urbaine qui pourrait se révéler être un piège. On ne sait pas trop qu’elle sera leur attitude. En revanche dans la grande plaine du centre, on peut assister au nord de Tokmak à des combats mobiles entre la force d’exploitation ukrainienne et les brigades russes engagées en contre-attaque, le tout survolé par les drones et les obus guidés. Ce serait une première à cette échelle en Ukraine. On peut miser dans ce cas plutôt sur une victoire des Ukrainiens, plus aptes, semble-t-il, à ce type de combat. Mais les Russes peuvent se contenter aussi de défendre sur une nouvelle ligne en faisant appel à tout leurs renforts. On assistera donc comme dans le cas de l’offensive à Kharkiv en septembre, à une course entre l’avancée ukrainienne et la formation de cette nouvelle ligne de défense.

A moins d’un effondrement de l’armée russe, qu’on pronostique régulièrement mais qui ne vient jamais, cette nouvelle ligne surviendra forcément. Si les Ukrainiens s’emparent de Vassylivka, Tokmat et Polohy, poussent peut-être jusqu’à Enerhodar et sa centrale nucléaire, puis s’arrêtent devant la résistance russe, cela sera considéré comme une victoire, mais loin d’être décisive. S’ils parviennent jusqu’à Mélitopol, ce sera une victoire majeure, mais là encore les Ukrainiens seront encore loin de leur objectif stratégique actuel de reconquête de tous les territoires occupés. Pour avoir un véritable effet stratégique, il faudra monter une nouvelle grande offensive, vers Berdiansk et Marioupol ? Vers la province de Kherson et la limite de la Crimée ? Dans une autre région ? Cela prendra encore beaucoup de temps à organiser, à condition que tout le potentiel offensif et notamment en munitions n’ait pas déjà été consommé. On pourrait cependant atteindre à nouveau les limites du début de la guerre. Comme pendant la guerre de Corée, cela pourrait servir de base à un armistice.

Près de 400 ressortissants évacués grâce à l’opération Sagittaire

Près de 400 ressortissants évacués grâce à l’opération Sagittaire

– Forces opérations Blog – publié le

Déclenchée hier à l’aube, l’opération Sagittaire a déjà permis d’évacuer près de 400 Français et étrangers hors du territoire soudanais, annoncent les ministères des Armées et de l’Europe et des Affaires étrangères ce matin dans un communiqué conjoint. 

Environ 150 militaires français ont été déployés dans la région de Khartoum pour mener une opération aux airs de déjà vu. L’enjeu ? Évacuer au plus vite le personnel diplomatique, les ressortissants français et d’autres nations qui le souhaitent de la capitale soudanaise, en proie depuis 10 jours à d’intenses combats entre forces armées soudanaises et Forces de soutien rapide. 

Deux nouvelles rotations ont été assurées par les avions de transport de l’Armée de l’Air et de l’Espace hier en fin de journée et ce matin, précisent les deux ministères. Chacune des aura permis de rapatrier une centaine de personnes, portant à 388 le nombre de ressortissants accueillis sur la base aérienne 188 de Djibouti, dont « un nombre significatif de citoyens » de 28 pays européens, américains, africains et asiatiques.

D’une « extrême complexité » et conduite en interarmées et en interministériel, l’opération Sagittaire a nécessité, dès le 18 avril, la mise en alerte et l’envoi de renforts à Djibouti et au Tchad grâce à trois avions A400M et un C-130 de l’AdlAE. Les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) ont en parallèle oeuvré à la mise en place d’un centre de regroupement et d’évacuation. 

Crédits image : EMA

Les chars légers AMX-10RC cédés par la France à l’Infanterie de marine ukrainienne sont prêts à faire feu

Les chars légers AMX-10RC cédés par la France à l’Infanterie de marine ukrainienne sont prêts à faire feu

https://www.opex360.com/2023/04/18/les-chars-legers-amx-10rc-cedes-par-la-france-a-linfanterie-de-marine-ukrainienne-sont-prets-a-faire-feu/


 

Quoi qu’il en soit, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait alors assuré que les AMX-10RC seraient envoyés en Ukraine dans les deux mois à venir [soit en mars]. Et qu’ils seraient opérationnels une fois achevée la formation des équipages et des techniciens ukrainiens.

Le nombre de chars prélevés dans l’inventaire de l’armée de Terre [qui est en train de les remplacer progressivement par des Engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar] n’a jusqu’à présent jamais été officiellement précisé. Cependant, et sous réserve que les documents présentés comme émanant du Pentagone soient authentiques, au moins 14 exemplaires ont été livrés à la 37e Brigade de l’Infanterie de Marine ukrainienne, qui était encore en cours de création il y a encore peu.

Et, a priori, celle-ci est désormais prête à les utiliser. En effet, ce 18 avril, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, a publié une vidéo montrant des AMX-10RC aux couleurs ukrainiennes en train de manoeuvrer. Et d’après la teneur de son message, ils sont aptes au combat.

« Les Marines ukraniens accueillent leur nouvelle monture de fabrication française : l’AMX-10! Nous l’avons essayé avec nos combattants et sommes convenus de l’appeler le ‘fusil de sniper rapide sur roues », a affirmé M. Reznikov, qui n’a pas manqué de remercier MM. Macron et Lecornu ainsi que [et surtout] « tous les Français » pour leur « soutien indéfectible ».

« Ces engins rapides et modernes, dotés de puissants canons, nous aideront à libérer notre territoire », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, il est possible que les techniciens ukrainiens aient apporté quelques modifications à ces AMX-10RC, l’un des interlocuteurs de M. Reznikov ayant assuré qu’ils pouvaient rouler à 120 km/h [contre 85 km/h selon les données techniques] su le « mécanicien peaufine quelque chose ». Propos sérieux ou Galéjade?

Cela étant, l’Ukraine pourrait prochainement recevoir un second lot d’AMX-10RC. « Je suis en train de regarder comment nous pouvons éventuellement faire une deuxième vague de cessions. Je suis en train de préparer un certain nombre de décisions pour le président de la République parce que ces [blindés]commencent à être bien pris en main par le partenaire ukrainien », a en effet récemment déclaré M. Lecornu, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

À cette occasion, le ministre a expliqué la raison pour laquelle la cession de chars Leclerc est exclue. « Je pense que nous n’aurions pas entraîné grand-chose avec des chars Leclerc. Pour cela, il aurait fallu exporter. […] L’exportation du char Leclerc, en revanche, a été timide. Par ailleurs, nous n’en produisons plus », a-t-il dit. Et d’insister : « La décision qui a été prise n’est pas liée à un tabou politique : elle est, au contraire, très opérationnelle ».