Si le Mali n’a actuellement plus d’ambassadeur en France depuis février 2020, c’est parce que celui qui occupait cette fonction, Toumani Djimé Diallo à l’époque n’a pas été remplacé après son rappel à Bamako pour avoir tenu des propos offensants à l’égard de la Légion étrangère, lors d’une audition au Sénat.
« Je n’ai pas l’habitude de la langue de bois. Je vais vous parler franchement. Dans les forces [françaises], il y a les officiers, il y a l’armée normale mais il y a aussi la Légion étrangère. Et c’est là le problème. Je vous dis, en vous regardant droit dans les yeux, qu par moment, dans les ‘Pigalle’ de Bamako, vous les y retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée nationale du Mali. Alors, ça fait peur, ça intrigue et ça pose des questionnements », avait en effet affirmé le diplomate.
Sauf que, à Bamako, la présence militaire française se limitait alors à la « Représentation militaire Barkhane au Mali » [RMBM]… et que les légionnaires n’y ont jamais été déployés. Ce que l’֤État-major des armées [EMA] rappela après la déclaration de l’ambassadeur malien. « Ils n’ont pas vocation à y aller et n’ont ni quartier libre ni temps de repos hors des bases opérationnelles », avait-il insisté.
« Plutôt que de véhiculer et de propager de fausses accusations, nous attendons de l’ambassadeur du Mali qu’il mobilise toute son action pour la mise en oeuvre des décisions du sommet de Pau et la réussite de tous », avait réagi le cabinet de Florence Parly, la ministre des Armées, soulignant à son tour qu’il n’y avait « quasiment plus de soldats français stationnés à Bamako » depuis août 2014. Et d’insister : « Cette mise en cause est non seulement fausse mais inacceptable. Inacceptable et indécente quand la France s’est résolument engagée pour combattre les groupes terroristes qui menacent les populations du Sahel. »
À l’époque, et à l’issue du sommet de Pau, qui avait réuni la France et les pays du G5 Sahel [Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad et Niger], il avait décidé de renforcer la présence militaire française dans la région dite des trois frontières, avec l’envoi d’unités du 2e Régiment Étranger de Parachutistes [REP], du 2e Régiment Étranger d’Infanterie, du 1er Régiment Étranger de Cavalerie [REC] et du 1er Régiment Étranger de Genie.
Depuis, la situation politique au Mali n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était alors, une junte ayant pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’État exécuté en deux temps. Et celle-ci ne nourrit pas les meilleurs sentiments qui soient à l’endroit de la France, le chef du gouvernement dit de transition, Choguel Kokalla Maïga, ayant multiplié les déclarations désobligeantes.
Comme encore le 7 février. Alors qu’il est reproché à la junte malienne d’avoir sollicité les services du groupe paramilitaire russe Wagner, M. Maïga a de nouveau reproché à la France d’avoir cherché la partition de son pays, lors d’une allocution prononcée devant des diplomates en poste à Bamako.
« Après [un] temps d’allégresse [en 2013, avec l’opération Serval], l’intervention s’est muée dans un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali qui a [consisté dans] la sanctuarisation d’une partie de notre territoire, où les terroristes ont eu le temps de se réfugier, de se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014 », a déclaré M. Maïga, en prenant quelques libertés avec les faits.
En outre, le Premier ministre de transition a implicitement demandé le départ forces françaises et européennes [celles du groupement de forces spéciales « Takuba », ndlr], après avoir accusé Paris de néo-colonalisme, pour avoir soutenu les sanctions prises par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cédéao] à l’égard de Bamako.
« Les Américains n’ont-ils pas libéré la France? […] Quand les Français ont jugé que [la présence américaine en France] n’était plus nécessaire, ils ont dit aux Américains de partir, est-ce que les Américains se sont mis à insulter les Français? », a-t-il demandé. Sur ce point, la France a effectivement quitté le commandement militaire intégré de l’Otan en… 1966, ce qui s’était traduit par le départ des forces américaines. Pour autant, on ne peut pas dire que Washington ait épargné le général de Gaulle par la suite…
Puis M. Maïga s’en est pris à la force européenne Takuba, dont le nom « n’a pas été pris au hasard » puisqu’il signifie « sabre » en tamasheq. Et d’y voir, encore, la volonté de « diviser » le Mali.
Enfin, et pour répondre reproches faits à la junte au sujet de son appel à au groupe Wagner, le Premier ministre malien a terminé son propos par une critique du rappel à Bamako de Toumani Djimé Diallo, en soulignant qu’il avait été demandé par Paris « sur la base de simples déclarations […] sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j’allais dire mercenaires ».
Ainsi, non seulement M. Maïga a repris à son compte la déclaration de l’ancien ambassadeur du Mali en France au sujet du « comportement » de légionnaires qui n’ont jamais mis les pieds à Bamako tout en les assimilant à des mercenaires, ce qu’ils ne sont pas.
En effet, la Légion étrangère est un corps d’armée qui a son histoire, son drapeau et ses traditions. Ses actions sont revendiquées par la France et sont soumises au droit international [et à celui des conflits armés]. En clair, le légionnaire a un statut qui n’a rien à voir avec celui d’un mercenaire, qui n’a de compte à rendre qu’à son « employeur », lequel monnaye ses services au plus offrant. Le cas de Wagner est un peu différent, dans la mesure où ce groupe paramilitaire fait coïncider ses intérêts avec ceux de la Russie.
En tout cas, la présence de la Légion étrangère au Mali n’aura rien coûté aux finances publiques maliennes… Ce qui ne sera pas le cas de celle de Wagner, qui, a priori, facture son intervention 10 millons de dollars par mois.