Mali : Un nouveau groupe russe Wagner s’installe dans une ancienne base militaire française

Mali : Un nouveau groupe russe Wagner s’installe dans une ancienne base militaire française

GUERRE INFORMATIONNELLE La France craint des tentatives de manipulations de l’information pour nuire au pays et à ses troupes qui ont quitté les lieux



Les troupes françaises ont quitté la base militaire de Ménaka en début de semaine — AFP

 

De nouveaux Russes ont posé le pied dans le Nord-est du Mali. « Plusieurs dizaines » de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner sont arrivés mercredi à Ménaka. Ils ont pris place sur la base militaire rétrocédée lundi à l’armée malienne par les Français. Ces derniers s’attendent à une nouvelle tentative de manipulation de l’information pour leur nuire, a appris l’AFP de sources concordantes.

Avant son départ de la base avancée de Ménaka lundi, avant-dernière étape du départ de la force antidjihadiste Barkhane du pays, l’armée française avait prévenu qu’elle serait « très vigilante aux attaques informationnelles ». Elle soupçonnait de possibles manœuvres pour nuire à son image, incluant l’organisation de manifestations anti-françaises, des accusations de collusion entre Barkhane et les djihadistes ou encore l’enfouissement de corps pour faire croire à des exactions commises par les Français.

Le départ français « en bon ordre, en sécurité et en toute transparence »

Au lendemain de la précédente rétrocession d’une base française, en avril à Gossi, l’état-major français avait diffusé des vidéos tournées par un drone montrant selon lui des paramilitaires de la société russe Wagner en train d’enterrer des corps non loin de l’emprise, en vue de faire accuser la France de crimes de guerre.

Le départ français lundi de la base avancée de Ménaka « a été conduit en bon ordre, en sécurité et en toute transparence, dans un contexte où la force Barkhane fait face à des attaques informationnelles régulières visant à entacher son action et sa crédibilité », avait commenté en début de semaine le porte-parole de l’état-major, le général Pascal Ianni.

Les rapports entre la junte au pouvoir à Bamako et Paris, ancienne puissance coloniale, se sont brutalement dégradés ces derniers mois, en particulier depuis l’arrivée au Mali de paramilitaires du groupe Wagner, poussant les deux pays à la rupture après neuf ans de présence française ininterrompue pour lutter contre les djihadistes.

La base de Ménaka se situe dans la région dite des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, dans laquelle les militaires français se sont longtemps battus pour entraver l’implantation des groupes djihadistes affiliés à l’Etat islamique (EI).

Eurosatory 2022 : l’obus LU 220 de Nexter Arrowtech, un coup de punch pour l’artillerie de 155 mm

Eurosatory 2022 : l’obus LU 220 de Nexter Arrowtech, un coup de punch pour l’artillerie de 155 mm


Un peu plus loin et deux fois plus détonant. Voici les évolutions proposées par le nouvel obus d’artillerie de 155 mm LU 220 HE dévoilé par Nexter durant le salon Eurosatory, une évolution majeur du LU 211 HE en service depuis une quinzaine d’années en France.

Une évolution de l’obus LU211

Derrière la LU220 HE, un effort de renouvellement de la munition LU 211 HE, livré à 150 000 exemplaires au cours de la dernière décennie. Des munitions essentiellement utilisées par l’armée de Terre, qui en a exploité tout le potentiel en Afghanistan, en Irak et au Mali. L’une de ses variantes, le LU 211 HE, emporte une poudre spécifique permettant sa « muratisation », autrement dit son insensibilité à une agression extérieure. Une poudre dont la capacité de détonation se trouvait néanmoins amoindrie. L’enjeu pour Nexter Arrowtech était dès lors de parvenir à maximiser à nouveau l’effet terminal tout en augmentant sensiblement la portée au passage. Une équation résolue en retravaillant la forme de l’obus sans occasionner de « prise de poids » conséquente. 

À première vue, différencier le LU 220 HE du LU 211 HE s’avère compliqué. Le premier est pourtant reprofilé. Plus long de quelques centimètres, il profite d’un corps plus effilé qui permet de réduire la trainée et, in fine, d’augmenter la portée maximale. « Nous avons travaillé le profil aérodynamique pour que la dispersion reste identique à celle du LU 211 », nous explique-t-on. Résultat : une portée validée à 44 km lors des premiers tirs d’expérimentation, contre 40 km pour le LU 211 HE. Le tout, sans diminuer la précision et augmentant sensiblement l’effet terminal. 

Influer positivement sur la logistique

Si cette nouvelle munition ne double pas la portée, elle est par contre « deux fois plus efficace », avance Nexter. Autre conséquence de ce changement de profil, l’obus LU 220 HE emporte en effet d’avantage de poudre explosive, 11 kg contre 8,8 kg pour la LU 211 HE. De quoi compenser l’usage d’explosif insensible, nécessaire pour « muratiser » la munition mais diminuant le pouvoir détonant. 

En résulte une surface moyenne effective multipliée par deux lors de la détonation. Nexter Arrowtech est donc parvenu à compenser la perte de pouvoir brisant d’un explosif insensible et à dépasser l’efficacité constatée avec le LU 211 HE. Néanmoins, « ce que l’on cherche, ce n’est pas de créer un cratère deux fois plus large, mais de tirer deux fois moins d’obus ». Une meilleure performance induit directement une économie logistique, un atout lorsqu’on souhaite mener des feux de saturation gourmands en munitions.

Bien entendu, le diamètre du LU 220 HE ne change pas pour répondre au standard JB MOU (Joint Ballistic Memorandum of Understanding) de l’OTAN et rester parfaitement compatible avec les pièce de 155 mm / 52 cal aujourd’hui en service, comme les CAESAR, RCH 155 et PzH 2000 produits par KNDS.

Troisième en partant de la gauche, l’obus LU 220 HE en cours de développement chez Nexter Arrowtech

Objectif 2025

Soutenu par la Direction générale de l’armement (DGA), le développement du LU 220 « a fait l’objet de tests poussés au cours des deux dernières années », explique Nexter. Plusieurs ont eu lieu l’été dernier au Bofors Test Center (BTC) de Karlskoga, en Suède, et à DGA Techniques Terrestres. Cette munition atteint maintenant un niveau de maturité TRL 6. La phase d’étude menée pour et avec la DGA est maintenant achevée et doit prochainement livrer des résultats qui alimenteront la suite du développement.

Nexter Arrowtech est cependant déjà disposé à accepter des commandes. « Tous les choix technologiques et la maturité sont actés, il n’y a plus qu’à appuyer sur le bouton pour finaliser le développement », souligne le munitionnaire. Un produit final pourrait être livré aux armées françaises et étrangères à l’horizon 2025.   

L’histoire de la « famille LU » n’est pas achevée. Derrière, Nexter Arrowtech planche sur un obus LU 320, un nouvel ajout qui permettrait, « avec un ceinturage de nouvelle définition d’envisager des vitesses de bouche supérieures à 1000 m/s et une portée de 50 km avec une correction de trajectoire ».

La force Barkhane est sur le point de transférer la base avancée de Ménaka à l’armée malienne

La force Barkhane est sur le point de transférer la base avancée de Ménaka à l’armée malienne

http://www.opex360.com/2022/06/07/la-force-barkhane-est-sur-le-point-de-transferer-la-base-avancee-de-menaka-a-larmee-malienne/


 

En effet, le 6 juin, le colonel Tassel, l’actuel chef du groupe européen de forces spéciales « Takuba », qui relève de Barkhane, a reçu le colonel malien Bagayoko pour « l’état des lieux de la BOA de Ménaka », a indiqué l’EMA, via Twitter. « Le désengagement de la force Barkhane s’effectue en bon ordre, en sécurité et de manière maîtrisée », a-t-il assuré. En outre, le transfert de cette base avancée aux FAMa ne devrait plus tarder [ce qui pourrait donner lieu à une nouvelle tentative d’attaque informationnelle contre les militaires français, comme après celui de Gossi].

Pour rappel, conséquence du recours de la junte malienne au groupe paramilitaire russe Wagner, le président Macron avait annoncé, le 17 février, la « ré-articulation » des forces françaises au Sahel et de leur désengagement du Mali. Et, à l’époque, celui-ci avait estimé que le retrait de Barkhane prendrait entre quatre et six mois, compte-tenu de la complexité d’un tel retrait d’un point de vue logistique, avec le risque d’attaques contre les convois et la perspective de la saison des pluies, qui commence généralement vers la fin juin.

Cela étant, et alors que Bamako a dénoncé les accords de défense conclus avec Paris, ce qui empêche désormais tout soutien français aux FAMa, la région de Ménaka est actuellement sous la pression de l’État islamique au grand Sahara [EIGS] qui, ces dernières semaines, y a multiplié les exactions contre les civils [entre 250 et 500 tués, selon diverses estimations]. Et seuls deux groupes armés signataires des accords d’Alger, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés [GATIA] et le Mouvement pour le salut de l’Azawad [MSA] l’ont combattu jusqu’à présent. Du moins était-ce le cas jusqu’à ces derniers jours.

En effet, le Groupe tactique interarmes n°8 [GTIA 8] es FAMa s’est joint à ces deux formations pour tenter de chasser l’EIGS de la localité d’Anderamboukane. Si les débuts de cette offensive conjointe ont été leur avantage, les choses se sont compliquées par la suite, l’EIGS ayant a priori regagné le terrain qu’il avait perdu, à l’issue de plusieurs heures de combat.

Quoi qu’il en soit, la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] a fait part, via son chef civil, El-Ghassim Wane, de sa préoccupation au sujet de la situation sécuritaire dans la région de Ménaka. Et d’annoncer des « mesures » pour y faire face, comme l’intensification des patrouilles de Casques bleus dans la ville et ses environs.

D’ailleurs, dans un rapport remis au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a estimé que le retrait de Barkhane du Mali allait « probablement créer un vide dans certaines régions, qui risque d’être exploité par des groupes terroristes armés »… Et cela, alors que la MINUSMA s’est récemment alarmée de la hausse « exponentielle » des exactions commises contre les civils tant par les forces maliennes [associées aux mercenaires de Wagner] que des organisations jihadistes.

Vide-caserne en BSS: le redéploiement militaire français se poursuit

Vide-caserne en BSS: le redéploiement militaire français se poursuit

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par Philippe Chapleau – Lignes de Défense – publié le 6 juin 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Alors qu’approche la saison des pluies dans la bande sahélo-saharienne, les forces françaises du Mali poursuivent leur désengagement. Après Gossi, c’est la base de Ménaka qui est en cours de « vidage » pour être transférée aux forces armées maliennes (FAMa) début juillet.

Le plus « gros morceau » de cette manoeuvre de redéploiement est en cours. Il s’agit d’une part de déconstruire une partie des installations de la plateforme opérationnelle désert de Gao (PfOD):

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Il s’agit aussi de vider cette PfOD où ont été stockés, triés et reconditionnés les matériels sortis de Tessalit, Kidal, Tombouctou, Gossi et Ménaka.

Ces équipements ont commencé à être évacués de Gao dans le cadre d’une manoeuvre multimodale.

Elle est à la fois aérienne, avec des vols d’A400M et de C-17 dont les capacités permettent le déplacement de véhicules comme des VBL (ci-dessous). A noter que les VBCI et les Griffon sont en cours de transfert hors de la BSS.

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Elles est aussi terrestre comme le montrent des communiqués de l’EMA.

Du 11 au 21 mai, plus de 130 camions civils ont permis l’acheminement de près de deux mille tonnes de matériels depuis Ménaka et Gao, hors du Mali, sous la surveillance armée des Mirage 2000 de la BAP de Niamey.

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Plus récemment, deux nouveaux convois à destination de Niamey ont été escortés par le groupement tactique désert logistique Phénix, toujours appuyé par les Mirage 2000:

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Cette partie terrestre prend la direction du Niger où une petite partie sera mise à la disposition des forces françaises sur place dont le GTD de partenariat de combat qui est localisé depuis l’an dernier. Les effectifs, selon l’EMA, ne vont y augmenter qu’à la marge. Le reste des équipements envoyés vers le Niger va prendre la route des ports de Cotonou et d’Abidjan pour y être chargé sur des affrétés à destination de la métropole.

Si toutes les conditions restent optimales, cette manœuvre « coordonnée et assez vive » sera complète « en fin d’été ».

Point de situation des opérations en Ukraine 15 mai 2022

Point de situation des opérations en Ukraine 15 mai 2022

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 15 mai 2022

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Un mois après le début de la phase « décisive » de l’offensive pour la conquête complète du Donbass, les forces russes ont conquis une poche de 15 km à l’Ouest et de 20 km au Sud d’Izyum face à quatre brigades ukrainiennes. Elles semblent marquer un arrêt dans cette zone, renonçant à s’emparer de Barvinkove, point clé à 40 km à l’Ouest de Sloviansk. Combinée à la stérilité des attaques venant du Sud et notamment de la ville de Donetsk, la possibilité d’une grande « tenaille » encerclant l’oblast de Donetsk n’est plus crédible actuellement.

Les forces russes concentrent désormais leur effort simultanément mais séparement sur les villes de Sloviansk et de Severodonetsk. Dans le premier cas, la 2e division d’infanterie motorisée de la garde placée dans la poche d’Izyum à l’Ouest de Sloviansk presse par le feu la 81e brigade d’assaut aérien mais sans attaquer. L’effort principal est porté au Nord-Est de Sloviansk sur l’axe d’Oleksandrivna à la tête de pont d’Ozerne, le long du parc naturel Sviati Hory et de la rivière Donets. Au nord de l’arc protégeant Sloviansk, la 57e brigade motorisée ukrainienne a reculé d’une dizaine de kilomètres en une semaine et il sera bientôt difficile de tenir la ville de Lyman. Dans le second cas, les forces russes multiplient les attaques en périphérie de Severodonetsk et de Lysychansk. Le franchissement de la rivière Donets dans la zone du village de Bilohorivka s’est achevé le 13 mai par un désastre russe avec l’équivalent d’un groupement tactique de la 35e brigade motorisée entièrement détruit par l’artillerie ukrainienne. On note au passage dans cet épisode le peu de progrès tactique réalisé par certaines forces russes incapables de sécuriser et d’organiser une zone de franchissement. Les Russes ont plus un peu plus de succès au Nord de Popasna, en direction, encore lointaine de Lysychansk.

En résumé, l’offensive russe se concentre de plus en plus strictement sur la conquête de Sloviansk et du couple Severdonetsk-Lysychansk, se contentant de procéder à des attaques limitées et beaucoup de frappes le long du reste de l’arc du Donbass et à se placer en posture défensive dans les régions de Kharkiv et Kherson. Les Russes progressent très lentement, au prix de pertes sensibles et quand on perd beaucoup d’hommes et d’équipements pour conquérir peu de terrain, la bataille de manœuvre tend à devenir une bataille d’usure.

Alors que les forces d’appui et de logistique russes sont moins touchées que lors de la bataille de Kiev (meilleure protection et moins de harcèlement sur les axes arrière), on peut estimer que les Russes perdent l’équivalent d’un bataillon blindé-mécanisé (la composante « choc » des groupements tactiques, soit environ 40 chars et véhicules blindés d’infanterie) tous les trois jours dans cette zone de combat. Cela fait donc l’équivalent d’un cinquième des groupements tactiques engagés dans la zone déjà neutralisés (10 sur 48 en comptant la zone de Popasna) et un potentiel de quelques semaines de combat à ce rythme et à ce taux de pertes, toutes autres choses égales par ailleurs.

Pour l’instant, si les Ukrainiens reculent, ils échangent surtout du terrain contre du temps gagné et des pertes russes, que l’on peut estimer au double des leurs, en considérant le rapport des pertes documentées en véhicules de combat (de l’ordre de 1 pour 4 en faveur des Ukrainiens sur le site Oryx, mais sans doute sous-évalué en faveur des Ukrainiens). Que peuvent donc espérer les forces russes dans le mois à venir dans ce secteur ?

La dislocation des forces ukrainiennes au nord de Sloviansk est peu probable, au mieux pour les Russes ils assisteront à leur repli sur la ville. Les Russes peuvent donc être aux abords Nord de Sloviansk à la fin du mois ou au début du mois de juin, avec des forces épuisées. Leurs perspectives sont plus favorables pour Severodonetsk où ils sont déjà aux abords de la ville. Ils peuvent espérer au mieux avoir encerclé la ville à la fin du mois. Il faudra ensuite combattre à l’intérieur de bastions-urbains qui, à l’inverse de Marioupol attaquée dès le début de la guerre, se préparent maintenant depuis plus de deux mois,

Mais les choses ne sont pas égales par ailleurs. En premier lieu, les deux adversaires peuvent renforcer ou relever leurs forces dans le secteur. Les forces russes disposeraient d’une vingtaine de groupements tactiques en réserve à Belgorod, pour la plupart issus du repli de la région de Kiev. Peut-être ont-ils pu être reconstitués et seraient donc susceptibles d’être engagés, dans la zone ou ailleurs car les besoins ne manquent pas. Les forces ukrainiennes disposent encore de quelques brigades comme la 45e brigade d’assaut aérien à Poltava. En cas d’urgence, elles peuvent également transférer trois ou quatre brigades des secteurs de Kharkiv ou Kherson. Les Ukrainiens ont reçu et reçoivent aussi beaucoup d’équipements occidentaux, plus de 240 chars et 400 véhicules blindés d’infanterie au début du mois de mai, soit déjà plus que ce qu’ils ont perdu au combat depuis le début de la guerre, et peut-être surtout 200 pièces d’artillerie, obusiers de 152 ou 155 mm ou lance-roquettes multiples. Au moins aussi important dans l’immédiat, ils reçoivent du carburant et des munitions. Il y a là de quoi alimenter les unités de secteur mais surtout, à plus long terme, de former de nouvelles unités.

Mais preuve de leur confiance dans la capacité de résistance du secteur SKS (Sloviansk-Kramatorsk-Severodonetsk), les Ukrainiens consacrent leurs forces de réserve pour attaquer ailleurs. Ils ont beaucoup progressé cette semaine au Nord de Kharkiv où les forces ne tiennent plus pour l’instant qu’une petite poche de 10 km de large au-delà de la frontière de Kozacha Lopan jusqu’à Vesele. Les forces russes, couvertes par des bataillons de la République de Donetsk laissés sur place, peuvent considérer être en sécurité au-delà d’une frontière que les Ukrainiens peuvent difficilement franchir, au moins ouvertement, sous peine de susciter probablement une déclaration de guerre officielle de la Russie. Cette progression à l’Est d’abord puis au Nord de Kharkiv par quatre brigades ukrainiennes (dont une de territoriaux) a pour premier effet d’écarter de la grande ville la menace de l’artillerie russe. Elle permet au contraire de menacer le grand axe logistique de Belgorod à Izyum via Voltchansk, par une attaque terrestre (Voltchansk est en Ukraine, à 15 km des troupes ukrainiennes les plus proches), par infiltrations, même si l’axe semble protégé par les brigades de spetsnaz et peut-être surtout par l’artillerie précise à longue portée (M-777 américain ou Caesar français). 

La menace a obligé le commandement russe à retirer une partie des forces de la poche d’Izyum (et étonnamment non de Belgorod semble-t-il) pour venir protéger Voltchansk. Plusieurs groupements d’artillerie russes ont été déplacés sur la frontière pour effectuer des « diversions par le feu » notamment du côté de Soumy.

Les forces ukrainiennes ne progressent pas en revanche du côté de Kherson où elles disposent de cinq brigades de manœuvre appuyées par deux brigades territoriales/Garde nationale face à sept brigades/régiments russes affaiblis. Le rapport de forces est plus équilibré que dans la région de Kharkiv, mais c’est là que le potentiel stratégique en cas de succès tactique (menace sur la Crimée, reprise de toute la zone Sud mal défendue) est le plus grand.

Si le front du Donbass continue de résister, c’est peut-être de ce côté qu’il faudra que les Ukrainiens portent leur effort. De la même façon, si le front du Nord-Donbass est bloqué, c’est peut-être dans la zone Zaporijjia-Donetsk que les Russes ont le plus de potentiel face à des forces ukrainiennes peu denses. Cela expliquerait peut-être le renforcement des positions russes dans la région à partir de forces du Donetsk ou de Marioupol, où les combats continuent.

Pour l’US Marine Corps, les pertes russes en Ukraine justifient l’abandon de ses chars M1A2 Abrams

Pour l’US Marine Corps, les pertes russes en Ukraine justifient l’abandon de ses chars M1A2 Abrams

 

 

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 10 mai 2022

http://www.opex360.com/2022/05/10/pour-lus-marine-corps-les-pertes-russes-en-ukraine-justifient-labandon-de-ses-chars-m1a2-abrams/


Dévoilé en mars 2020 et faisant régulièrement l’objet de mises à jour, le plan « Force Design 2030 » vise à restructurer d’une manière radicale l’US Marine Corps, afin de permettre à celui-ci de disposer d’unités plus légères et réactives. L’objectif est de « se concentrer sur la guerre maritime, en refusant l’utilisation des mers aux adversaires et en garantissant la liberté d’action des forces américaines », en particulier en Indo-Pacifique. En clair, il s’agit avant tout de contrer les visées chinoises dans la région.

Aussi, ce plan prévoit une réduction des effectifs de l’USMC [ainsi que, paradoxalement, leur fidélisation, l’idée étant de disposer de combattants expérimentés] et la suppression de capacités « traditionnelles » jugées « trop lourdes », tout en misant sur de nouvelles capacités reposant sur des technologies émergentes.

L’une des mesures emblématiques de ce plan est la dissolution des unités mettant en oeuvre des chars lourds M1A2 Abrams, ceux-ci étant jugés inadaptés pour reprendre de vive force des îles tombées aux mains de l’Armée populaire de libération [APL] chinoise. Un tournant pour l’USMC qui se dota pour la première fois de chars en 1923 [des Renault FT en l’occurrence, ndlr].

Cependant, cette restructuration n’est pas du goût de tout le monde. Et trois anciens officiers de premier plan de l’USMC, dont le général Charles Krulak [qui en fut le commandant entre 1995 et 1999], le général John Sheehan [ex-Commandant suprême allié de l’Atlantique ou SACLANT] et le général Anthony Zinni [ex-chef de l’US CENTCOM], en ont dit tout le mal qu’ils en pensaient dans une tribune publiée par le Washington Post en avril dernier.

« Le plan reflète certaines notions erronées sur l’avenir de la guerre. En termes simples, c’est de la folie de miser sur la technologie qui nous permettrait de mener des batailles à distance. La guerre est inévitablement une sale affaire, et la guerre en Ukraine est un exemple de ce que nous pourrions rencontrer à l’avenir. La technologie n’a pas éliminé le besoin en capacités d’artillerie et de blindés », ont-ils ainsi fait valoir.

Et d’insister : « La guerre est aussi souvent inattendue : Force Design 2030 prépare les Marines à un ensemble restreint de conflits possibles – mais le monde pourrait tout aussi bien nous lancer une balle courbe [une référence à un type de lancer au base ball, ndlr]. Les menaces à la sécurité mondiale sont à la fois variées et étendues, et elles ne se limitent pas à la Chine et à la Russie. La Corée du Nord, l’Iran et des acteurs non étatiques du monde entier ont le potentiel de transformer les tensions et les désaccords en conflits. »

En outre, ces trois généraux ont aussi mis en doute l’affirmation selon laquelle les unités légères de Marines décrites dans le plan puissent rester discrètes alors qu’elles auront à se déplacer, à se réapprovisionner et à communiquer avec le commandement. Cela « ne tient pas compte tenue de la technologie dont dispose la Chine. Dès que les hostilités commenceront, il va de soi que l’ennemi les visera avec une force écrasante », ont-ils estimé.

Enfin, « placer de petits groupes de Marines sur des îles pour attendre que les navires ennemis passent à leur portée n’est pas une innovation. Réduire les capacités de combat importantes qui peuvent être nécessaires dans tous les théâtres pour développer des capacités douteuses sur un théâtre n’est pas une innovation », ont conclu ces trois anciens généraux de l’USMC.

Pour autant, ceux qui ont concocté ce plan de transformation voient dans la guerre ukraine la confirmation de leurs intuitions. Tel est le cas du général Karsten Heckl, le commandant adjoint de l’USMC, qui s’en est récemment expliqué lors d’une intervention devant le le Center for International and Strategic Studies et l’US Naval Institute.

S’agissant des chars Abrams, « je n’en vois tout simplement pas le besoin » [en Indo-Pacifique], a affirmé le général Heckl. « Et quand vous considérez l’environnement opérationnel dans cette région, où voyez-vous que les chars peuvent être utiles? Taïwan? Ok. Où d’autres? », a-t-il ensuite demandé.

« Les chars sont, comme on l’a vu avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont d’énormes besoins en carburant. Nous avons appris, il y a longtemps, en Irak et en Afghanistan, que les camions-citernes sont des cibles. Nous devons trouver les moyens de réduire notre dépendance car c’est maintenant une faiblesse. C’est devenu une vulnérabilité importante », a justifié le général Heckl, en faisant allusion aux problèmes rencontrés par les blindés russes face aux forces ukrainiennes.

En effet, des centaines de chars russes, principalement des T-72, ont été détruits ou capturés quand d’autres ont été abandonnés sur le terrain, faute d’essence [et une chaîne logistique défectueuse]. Cela étant, et au-delà de l’efficacité des missiles anti-chars fournis aux Ukrainiens, le T-72 a un point faible : les obus qu’il transporte sont stockés « en collier », au niveau de sa tourelle, là même où la protection est minimale…

Cependant, l’USMC aura toujours besoin de blindés… Et même s’il pourra éventuellement compter sur les Abrams de US Army dans le cadre d’une manœuvre interarmées, il mise sur le véhicule blindé amphibie ACV-30, lequel doit remplacer les AAV, dont l’emploi a été restreint après un accident qui a coûté la vie à huit des siens ainsi qu’à un membre de l’US Navy, en juillet 2020.

Quoi qu’il en soit, le char de combat a régulièrement été remis en cause depuis son apparition sur le champ de bataille, durant la Première Guerre Mondiale…. Mais ses détracteurs n’ont jamais eu gain de cause jusqu’ici. Cependant, les pertes subies par les forces russes en Ukraine ont rouvert le débat, alors qu’il faudrait sans doute considérer les déficiences de ces dernières… Ainsi que celles des engins qu’elles utilisent… D’ailleurs, les Philippines viennent à nouveau de se doter d’un bataillon de chars – légers – de type Sabrah, conçu par Elbit Systems.

Des stocks (du déstockage) et des flux,d’aujourd’hui et de demain

Des stocks (du déstockage) et des flux,d’aujourd’hui et de demain

Crédits : FSV / MA.
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Une donnée d’entrée sur l’analyse des opérations en Ukraine et en Russie, et sur l’efficacité perçue ou réelle de tel modèle d’armée ou telle capacité, est la prise en compte, il est vrai pas simple à ajuster, de la question des stocks et des flux matériels (sans même parler de la question des ressources humaines).

Soit intégrer la disponibilité assurée dans le temps (court/moyen/long terme) de telle ou telle capacité avant de tirer les conclusions, faites par certains, que finalement, cela ne change pas grand-chose sur le modèle poursuivi ou les concepts d’opérations, les faiblesses capacitaires identifiées, leur priorisation, et la manière d’y remédier. Il est possible que telle ou telle capacité semble fonctionner, encore faut il, en préalable, avoir l’assurance de la détenir (à temps et en nombre).
Sans minorer la part des Ukrainiens (dans les stocks initialement détenus, en partie recomplétés en propre par réparation et production, ou dans l’extension, plutôt horizontale, de ces derniers en allant chercher des matériels autres : drones civils, technicals, réemploi de matériels capturés…), force est de constater la part prise par les alliés. Alliés ayant des stocks relativement « conséquents » (car mis en commun), disponibles (car non utilisés ailleurs) et acheminables (via des moyens logistiques lourds, rares, eux-mêmes disponibles). Avec un effort logistique, si ce n’est pas colossal, du moins très important en lui-même (et peu à pas perturbé, pour le moment).

Or, après le précédent Irak-Syrie ayant lui aussi impacté parfois des stocks similaires, Libye de manière plus relative avant lui et après certaines « campagnes expéditionnaires » usantes et abrasives, combien de fois, dans quels délais et avec quelle ampleur des alliés seraient capables de soutenir et de réitérer un tel effort pour parvenir à soutenir tel ou tel allié (permettant d’éviter d’être ainsi en première ligne) demain ou après-demain ?
En conséquence, quelle juste importance est-il possible de donner au critère, considéré parfois comme un critère d’entrée, sur le fait que « les alliés seront là, et y pourvoiront, totalement ou partiellement, en complément ». Car, au-delà du « le voudront-ils », il y a aussi « le pourront-ils »… Et si oui, dans quelle mesure.

Quand on voit, pour avoir une vision globale, comment sont raclés, ou presque, par plusieurs alliés les fonds de tiroirs sur certains stocks (anti-chars, sol-air, radios, artillerie, petits équipements…) ou fortement entamés les stocks (anciens, mais aussi parfois plus modernes). Les délais annoncés de relance ou de ré-accélération de chaines de production (chez les missiliers, les munitionnaires…) du fait de la complexité intrinsèque des systèmes. Les délais de livraisons de matières premières (poudres, par exemple, avec des sur-stocks anticipés par certains dès les premiers jours conduisant à des tensions d’approvisionnement non résorbées à ce jour). Les coûts des matières premières ou transformées (aciers par exemple, avec des devis, à la hausse – potentiellement de manière durable – ne tenant pas 15 jours, tant la volatilité est forte…), impactant en partie les marges faites ailleurs dans les budgets. Les délais de livraisons de certains composants (puces, cartes…). L’impact des tensions internationales sur les cycles de transport (aériens, maritimes, etc.). Ou encore, et sans être exhaustif, la disponibilité effective des matières premières (métaux / matériaux rares…) pour le secteur militaire (quand la demande explose en parallèle pour d’autres secteurs, en phase de transition, qui jouent sur des effets de volume, bien plus importants, pour être servis en premier).
Il y a de délicates questions à se poser sur la pertinence de, en plus de rechercher l’optimisation ultime de l’emploi des capacités détenues, toujours vouloir prolonger indéfiniment les courbes (poids, consommation, hauteur de la marche d’appropriation dans la formation…) rendant à ce jour plus lente la fabrication, plus complexe la projection (en contraignant le nombre de modes d’acheminement possibles, par exemple), plus consommatrice l’emploi, plus longue l’entrée en service… Le triptyque de conception mobilité / protection / agression des systèmes doit être complété du critère global de soutenabilité (dans toute sa durée de vie) pour être plus pertinent.

Il est possible de s’enorgueillir que la consommation en flux (pétrole, électricité, alimentation, munitions, etc.) d’une division française serait de l’ordre de 3 fois plus réduite qu’une division américaine (selon certaines conclusions tirées de l’exercice Warfighter 21-4) en situation équivalente, le fil à la patte (opérationnel, économique, industriel, etc.) n’en reste pas moins important, avec urgente nécessité de le réduire.
Ainsi, quelle juste répartition entre recomplétement des stocks point par point (ou presque, en profitant pour les moderniser) et changement de la composition de ces mêmes stocks. En faisant autrement, pour faciliter leur éventuel recomplétement plus tard, gagner en juste autonomie pour réduire les dépendances (recyclage, renoncements sur certains choix technologiques, détournement de technologies, etc.), rendre l’ensemble plus soutenable (donc, en fait, plus efficace), tout en se coordonnant (éventuellement en harmonisant) à une juste échelle.
Car si la question des flux, tirés ou poussés (et des vecteurs logistiques) est d’importance, encore faut-il avoir des stocks à déplacer au bon endroit et au bon moment. Au final, au-delà du confort opératif bien entamé depuis quelques années, le confort actuel de la disponibilité des alliés, de leurs stocks, des matières, des outils de production (peu touchés en tant que tels, en étant plutôt loin sur les arrières des lignes de front) et de la sécurité des flux n’est en rien forcément une garantie pour demain.

Mali : Barkhane a « neutralisé » une trentaine de jihadistes durant ses manoeuvres logistiques

Mali : Barkhane a « neutralisé » une trentaine de jihadistes durant ses manoeuvres logistiques

http://www.opex360.com/2022/04/04/mali-barkhane-a-neutralise-une-trentaine-de-jihadistes-durant-ses-manoeuvres-logistiques/

 

 

Un retrait militaire est souvent une manœuvre compliquée, qui demande une planification et une coordination des moyens aussi précise que possible. D’autant plus que, durant de telles opérations logistiques, une force peut être plus vulnérable qu’auparavant. « C’est un véritable défi sécuritaire », a récemment souligné le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’un entretien diffusé par France24. Et de rappeler que les « groupes armés terroristes sont encore présents ».

Évidemment, avec la perspective du départ de la force Barkhane, ceux-ci ont accentué leurs actions. C’est notamment le cas de la Province de l’État islamique au Sahel [ex-EIGS] qui, malgré les pertes qui lui ont été infligées au cours de ces derniers mois [avec plusieurs de ces hauts dirigeants éliminés], remonte en puissance dans la région dite des trois frontières ainsi que dans celle de Gao, en multipliant les attaques contre le Mouvement pour le salut de l’Azawad [MSA] et Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés [GATIA], deux organisations signataires de l’accord de paix signé à Alger en 2015.

Aussi, dans cette situation, Barkhane enchaîne les opérations de sécurisation « pro-actives », alors que, désormais chaque semaine, des convois logistiques font la liaison entre ses bases avancées et la Plateforme opérationnelle désert [PfOD] de Gao.

Ainsi, le 24 mars, grâce à un drone Reaper, un groupe d’une quinzaine de combattants de l’État islamique a été mis hors de combat par une frappe aérienne, ce qui, a précisé l’État-major des armées [EMA] dans son dernier compte-rendu des opérations, a « contribué à la protection de l’emprise de Ménaka », vers laquelle les terroristes se dirigeaient.

Les jours suivants, Barkhane a dû livrer plusieurs combats. Le 26 mars, lors d’une « opération de sécurisation », le détachement franco-tchèque du groupement européen Takuba [TG2], appuyé par des hélicoptères Tigre, a repéré un groupe armé terroriste [GAT] dans la vallée d’Erenga, décrite par l’EMA comme étant un « sanctuaire jihadiste » au sud d’In Delimane, dans le Liptako malien.

Le compte-rendu de l’état-major ne s’attarde pas sur cette action, si ce n’est que les militaires français et tchèques ont eu « plusieurs engagements successifs » avec les jihadistes. Ceux-ci se sont soldés par la « neutralisation » de « plusieurs » terroristes ainsi que par la saisie de quatre motos et de l’armement.

Cinq jours plus tard, toujours dans le même secteur, le détachement franco-tchèque aurait pu tomber dans une embuscade si un drone Reaper n’avait pas repéré le rassemblement d’une dizaine de terroristes de l’EI à quelques kilomètres de la position de la formation de Takuba. Une première frappe aérienne « a permis de neutraliser ce groupe ». Mais il en a fallu une seconde, effectuée par un Mirage 2000, pour mettre hors de combat « 4 autres terroristes en embuscade à proximité du TG 2 ».

Entretemps, également engagé dans une opération de sécurisation dans les environs de la base avancée de Gossi, en appui des convois logistiques présents dans la zone, le sous-groupement commando de Barkhane a été « pris à partie par des éléments armés », qui ont été mis hors de combat. L’EMA n’a pas précisé à quelle formation ils appartenaient.

Par ailleurs, outre ces opérations de sécurisation, Barkhane continue également la traque des chefs jihadistes. Ainsi, le 28 mars, l’un d’eux, Boubacar Banon, affilié au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda], a été « neutralisé » par une frappe réalisée par un drone Reaper alors qu’il circulait à moto, à 30 km au nord de Gossi. C’est un « nouveau succès tactique significatif pour la force Barkhane qui reste déterminée à poursuivre le combat contre les groupes armés terroristes, avec ses alliés sahéliens, européens et nord-américains », s’est félicité l’EMA.

Dans le même temps, les Forces armées maliennes [FAMa] et le groupe paramilitaire russe Wagner n’ont a priori pas fait de détail dans le village de Moura, situé dans la région de Mopti [centre du Mali]. Le 2 avril, l’état-major malien a affirmé que plus de 200 jihadistes, membres du GSIM, avaient été tués lors d’une opération qui aura duré plus d’une semaine.

Seulement, des exactions contre la la population civile auraient été commises. La Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] a d’ailleurs fait part de ses préoccupations au sujet d’allégations de violences survenues contre les civils ». Et d’assurer qu’elle est « en concertation avec les autorités maliennes pour [en] établir les faits et les circonstances ».

Ce 4 avril, le ministère français des Affaires étrangères s’est dit « préoccupé par les informations faisant état d’exactions massives dans le village de Moura par des éléments des forces armées maliennes accompagnées de mercenaires russes du groupe Wagner, et qui auraient causé la mort de centaines de civils ».

Haute intensité : Le ministère des Armées se veut rassurant au sujet de l’état des stocks de munitions

Haute intensité : Le ministère des Armées se veut rassurant au sujet de l’état des stocks de munitions

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                   Tir ASTER 30 le 27 janvier 2021, à bord de la FREMM Normandie.

Après avoir affirmé que les forces françaises manquaient « d’épaisseur » en matière de munitions pour soutenir un conflit de « longue durée » lors d’un entretien diffusée par RFI, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon [LR] a récidivé quelques jours plus tard, à l’antenne de CNews/Europe1.

« Les Russes eux-mêmes commencent à être en difficulté sur certaines munitions. Tous les pays sont confrontés à ça. Il faut savoir passer du temps de paix au temps de guerre, on ne l’a pas fait pendant 75 ans », a répondu M. Cambon alors qu’il était interrogé par Jean-Pierre Elkabbach. Et d’insister : « Nous n’avions pas des munitions en quantité suffisante pour un très long conflit ».

Puis, estimant que les forces françaises pourraient être à court de munitions « en seulement quatre jours de conflit de haute intensité », quatre députés [Julien Aubert, Laurence Trastour-Isnart, Bernard Bouley et Claude de Ganay, ndlr], ont interpellé Florence Parly, la ministre des Armées, en lui demandant de préciser les « mesures engagées » pour remédier à une telle situation.

Cependant, le porte-parole du ministère des Armées, Hervé Grandjean s’est voulu rassurant. Ainsi, a-t-il rappelé, dans le cadre de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, une enveloppe de 7 milliards d’euros a été prévue pour acquérir des munitions. Et cet effort sera accentué, avec 110 millions de plus, après l’ajustement de cette même LPM, décidé l’an dernier [sans que le Parlement en soit saisi, ndlr].

« Plusieurs catégories de munitions ont été recomplétées pour éviter les ruptures capacitaires : armement air-sol et obus de 155 mm notamment », a précisé M. Grandjean, qui a également souligné que les « filières souveraines de production des bombes A2SM [Armement Air Sol Modulaire] et des corps de bombe de forte puissance ont été sécurisées ». Et cela, grâce aux investissements consentis par le groupe Rafaut pour l’usine « 4.0 » de Prouvy Rouvignies, inaugurée par Mme Parly en octobre 2019.

Par ailleurs, le porte-parole du ministère des Armées a fait valoir que des « opérations de rénovation pyrotechnique » ont permis de « consolider » le potentiel des munitions dites complexes, comme le missile de croisière SCALP, le missile anti-navire Exocet, le missile surface-air Aster et le missile air-air MICA.

« De nouvelles munitions sont en cours de développement [MICA NG, Aster 30 B1NT] , d’autres ont été développées et les stocks correspondants sont en cours de constitution [missile de croisière naval, missile moyenne portée] », a continué M. Grandjean, pour qui « nos armées sont donc prêtes à défendre nos intérêts, quel que soit le type de conflit, de basse ou de haute intensité ». Et de rappeler aussi que « c’est aussi en ce sens que la France est dotée de la dissuasion nucléaire, l’assurance-vie de la Nation ».

Sur ce point, la dissusion ne dispense pas de disposer de stocks suffisants de munitions, le recours à l’arme nucléaire ne pouvant être envisagé qu’en cas d’atteinte aux intérêts vitaux de la Nation.

En outre, M. Grandjean a aussi souligné que la France a « l’habitude et la volonté d’agir en coalition », ce qui fait que les « planifications en matière d’équipements et de munitions en tiennent naturellement compte ». Enfin, il a terminé son propos par une série de questions. « Les armées françaises ne tiendraient que quelques jours en cas de conflit? Mais contre qui? Sur quel terrain? Selon quel scénario? La remontée en puissance de nos stocks de munitions s’apprécie à l’aune d’un contexte d’emploi », a-t-il ainsi conclu.

Cela étant, et comme l’ont mis en avant les députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès dans leur rapport sur la haute intensité, il y a un lien entre la préparation opérationnelle et les munitions, notamment « complexes ».

« Au terme des premières années de la LPM, les résultats en matière de préparation opérationnelle sont encore mitigés […]. L’intensité opérationnelle, la mutualisation des parcs d’entraînement, l’indisponibilité des matériels en rupture temporaire de capacité ou en maintenance et le manque d’heures de potentiel ou de munitions sont les quatre facteurs explicatifs les plus souvent cités à propos de cette sous-performance assez prévisible en début de LPM », ont écrit les deux députés.

« Dans la Marine, des stocks de munitions suffisants permettraient de s’entraîner dans de bonnes conditions, de vérifier que les systèmes fonctionnent de façon nominale », ce qui est un enjeu pour la confiance des équipages », ont-ils ainsi souligné.

Aussi, Mme Mirallès et M. Thiériot ont estimé nécessaire la reconstitution des « stocks de munitions pour faire face à un conflit de haute intensité mais aussi et avant tout pour permettre un entraînement suffisant ». Un nécessité « évoquée avec une remarquable unanimité au cours des auditions », ont-ils assuré.

Et d’expliquer : « L’effort de réparation poursuivi par la LPM s’est certes traduit par la programmation de 6,5 milliards d’euros entre 2021 et 2030. Mais pour tenir l’ensemble des contrats opérationnels des trois armées en 2030, le besoin financier complémentaire est évalué à 3,5 milliards d’euros auxquels il faut ajouter 350 millions d’euros par an pour l’entretien de ces stocks. En effet, les munitions se périment, notamment la pyrotechnie. Les munitions non utilisées doivent donc être détruites ou rénovées tous les dix ans. Et il faut en moyenne trois ans pour reconstituer des stocks ».

La logistique (Revue de tactique générale du CDEC)

La logistique (Revue de tactique générale du CDEC)



Le comte de Guibert, en 1772, dans son « Essai général de tactique » militait déjà pour des dispositifs souples et une logistique affranchie des magasins fixes, comme on les appelait à l’époque. Pourtant, la logistique, cette capacité tactique fondamentale telle qu’elle est définie dans le « Précis de tactique générale » édité par le CDEC à paraître en 2022, est bien souvent le « parent pauvre » de la réflexion tactique. En effet, nombre de praticiens considèrent, souvent à tort, que la victoire ne sera que le fait d’une bonne combinaison des fonctions tactiques essentielles combattre ou commander, le soutien se contentant de suivre le mouvement.

Il suffit pour cela de relire les carnets de guerre de Rommel pour saisir la manière dont il appréhende l’engagement de ses logisticiens expliquant que « le mieux, pour un chef militaire, est de se faire une idée nette et personnelle des véritables possibilités de ses organismes de ravitaillement (…) il oblige ainsi les chefs de l’intendance à agir avec plus d’initiative et, malgré leur mauvaise humeur, à fournir un rendement bien supérieur à celui qu’ils auraient eu s’ils étaient restés livrés à eux-mêmes ».

Pourtant, l’histoire militaire, ainsi que de nombreuses campagnes passées ou récentes montrent que le soutien d’une composante terrestre, bien ou mal mené, conditionne les succès ou les échecs sur le champ de bataille et participe à la prise de l’ascendant sur l’ennemi. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certaines puissances militaires développent des doctrines cherchant, soit à empêcher à la logistique d’atteindre la zone des opérations, l’anti-accès, soit à neutraliser, avec l’artillerie ou les forces spéciales par exemple, les entités adverses déployées au sol en charge du soutien1.

En effet, la logistique contribue aux principes d’action tactiques définis par l’armée de Terre en influençant la liberté d’action (transport, carburant, régulation des axes…), la concentration des efforts (munitions, mobilité…) et l’économie des forces (maintenance, soutien sanitaire…).

D’ailleurs, Napoléon, qui était passé maître dans la manœuvre des grands corps d’armées, rappelait à ses maréchaux que « l’art militaire est un art qui a ses principes qu’il n’est pas permis de violer. Changer sa ligne d’opérations est une opération de génie, la perdre est une opération tellement grave qu’elle rend criminel le général qui s’en rend coupable. Ainsi garder sa ligne d’opérations et son centre d’opérations (la base logistique de son temps) est nécessaire pour arriver à un point de dépôt où l’on puisse évacuer les prisonniers que l’on fait, les blessés, les malades que l’on a, trouver des vivres, des munitions et s’y rallier. Il faut renoncer à ce parti que réprouvent les lois de la guerre, le général qui entreprendrait une telle opération serait criminel ».

En outre, dans le cadre des réflexions sur une hypothèse d’engagement majeur menées actuellement par l’Armée de Terre, la logistique aura un rôle clé, en amont, pour la préparation et la projection des unités, pendant l’action, pour garantir la continuité des opérations, et dans la phase dite de « remise en condition » ou l’exploitation consiste à garantir les dividendes tactiques en portant effort sur la résilience des forces engagées. De la même façon, face à un adversaire dans une configuration dite de haute intensité, la tactique imposera un emploi massif des feux et des effets au contact et dans la profondeur afin de rechercher la foudroyance, exigeant par-là de disposer d’une logistique performante et capable d’agir en sûreté à l’avant et au plus près du front.

Le retour des grandes unités tactiques de niveau corps d’armée ou division, comme l’a démontré l’exercice interallié Warfighter 2021, souligne l’importance des espaces tactiques dont les zones arrière, délaissées par habitude des opérations en milieux permissifs que les forces terrestres ont eu l’habitude de mener depuis la fin de la première guerre du Golfe. En effet, comme l’illustre les effets dévastateurs de l’emploi des drones sur les arrières arméniennes dans le récent conflit dans le Haut-Karabagh, celles-ci exigent, pour assurer un flux logistique solide, d’être surveillées, sécurisées, gérées, organisées et commandées. Enfin, la logistique d’une composante terrestre sera, elle-aussi, soumise aux effets dans les champs immatériels pouvant perturber la gestion des stocks comme des approvisionnements et elle devra surtout s’intégrer, ou intégrer, celle des autres domaines qui concourent à l’atteinte des objectifs et à la défaite adverse.

Autant de sujets qu’il nous faut donc nous réapproprier en parcourant notamment les articles de ce sixième numéro de la RTG qui contribueront, sans aucun doute, à soutenir votre propre réflexion ou à faire écho à vos expériences en proposant des approches sous le prisme de l’histoire mais également d’engagements tactiques présents et à venir.

Je remercie encore une fois les auteurs, civils et militaires, pour la qualité de leurs articles et la confiance qu’ils accordent à la chaire de tactique générale et d’histoire militaire de l’armée de Terre pour diffuser leurs travaux et, je l’espère, susciter et nourrir le débat pour la recherche de solutions opératoires dans les domaines capacitaires, doctrinaux ou organisationnels.

Bonne lecture…

Colonel Frédéric JORDAN, rédacteur en chef, titulaire de la Chaire de tactique générale et d’histoire militaire


  1. Les stratégies Anti Access/Area Denial ou anti accès cherchent en particulier à perturber les flux de projection et de soutien de l’adversaire et ainsi fragiliser la mise à terre d’une force.