La loi de programmation militaire 2024-2030, une LPM adaptée à la réalité de la guerre ?

La loi de programmation militaire 2024-2030, une LPM adaptée à la réalité de la guerre ?


Jaguar, Engin blindé de reconnaissance et de combat

 

La LPM 2024-2030 a été présentée en conseil des ministres. Je publie cette troisième et dernière partie de mon article achevé au 12 mars. Je mettais en doute la réalité de la prise en compte des enseignements de la guerre en Ukraine dans la LPM. Je n’ai pas à modifier mon analyse. Bref, « on fait comme avant » et j’ai le sentiment profond qu’il s’agit avant tout de privilégier le complexe militaro-industriel notamment dans le domaine nucléaire. Or, « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Ce sont eux qui font la guerre sur le terrain comme en témoigne le conflit en Ukraine. La technologie est à leur service à la fois pour préserver leur vie et assurer leur efficacité mais seuls les effectifs et les équipements en nombre suffisant permettent d’envisager le succès militaire.

En préalable, je rappelle la structure générale de l’article. La première partie sur les enseignements géopolitiques de la guerre en Ukraine, réflexion non exhaustive sur une guerre inachevée, traitait du contexte général de la situation géopolitique mondiale en trois points : « Le désarmement européen (I.1.) » (Cf. Billet du lundi 13 mars 2023), « La fin de la mondialisation heureuse (I.2.) » (Cf. Billet du mercredi 15 mars 2023) et « Une guerre (en Ukraine) aux enjeux vitaux pour l’occident (I.3.) » (Cf. Billet du vendredi 17 mars 2023).

La seconde partie était consacrée aux conséquences militaires de l’aveuglement européen. Après avoir posé brièvement la question du droit international dans les conflits d’aujourd’hui (II.1 cf. Billet du vendredi 24 mars 2023), elle abordait la guerre de haute intensité depuis sa « redécouverte » dans cette guerre russo-ukrainienne et la stratégie hybride (II.2 et II.3, cf. Billet du lundi 3 avril 2023).

La troisième partie aborde donc la LPM dont je rappelle les derniers chiffres connus cette semaine. On peut certes se louer de cet effort financier majeur mais l’objet n’est pas de financer des programmes mais de donner les moyens aux armées de gagner une guerre conventionnelle, certes dans le cadre d’une alliance. Connaître les chiffres est important.

La LPM 2024-2030 table sur 413 milliards mais quelque 30 milliards devraient disparaître en raison de l’inflation. De 32 milliards d’euros en 2017, le budget des armées Il est de 43,9 milliards d’euros en 2023 et sera abondé de 1,5 milliard supplémentaire d’ici à la fin de l’année. Il devrait atteindre 56 milliards en 2027, 69 milliards d’euros en 2030 si le prochain chef de l’État respecte cette LPM. Comme sur la précédente LPM, les investissements les plus coûteux interviendront après l’élection de 2027.

Plus de la moitié des dépenses (autour de 60 %, selon Le Monde du 5 avril 2023) est dédiée au renouvellement de la dissuasion nucléaire. Son efficacité dans le non-emploi reste cependant posée dans le cadre des conflits tels qu’ils apparaissent à travers la guerre en Ukraine d’autant que celle-ci a montré les limites opérationnelles de la haute technologie et le retour aux armements conventionnels utilisés par les hommes sur le terrain. Or les armées ne sont pas renforcées par cette LPM.

Pour notamment donner les effectifs au « cyber », l’armée de terre perdra encore des régiments de mêlée (chars, infanterie) au profit de ce domaine. La capacité blindée et le besoin en fantassins qui, pourtant, ont été montrés comme essentiels en Ukraine dans le combat terrestre, ne suscitent pas d’effectifs supplémentaires et sont donc encore amoindris. Notamment une « centaine » de Jaguar sur les 300 prévus est annulée. Or, il s’agit du successeur de l’AMX10RC dont une partie a été généreusement remise aux forces ukrainiennes. L’AMX10RC restera donc en service quelques années de plus. Ce dégraissage de quelques centaines d’exemplaires s’appliquera aussi aux blindés Griffon et Serval, dont la cible à l’horizon 2030 était de respectivement 1 872 et 978 unités.

Pour l’armée de l’air, les livraisons de quarante-deux avions de chasse Rafale, initialement prévues entre 2027 et 2030, s’étendront désormais jusqu’à 2032. En 2030, l’armée de l’air disposera de 137 Rafale au lieu de 185 prévus au départ. Certes les livraisons de 20 avions de transport stratégique A400M seront accélérées pour atteindre 35 en 2030 sans précision sur la cible finale qui est de 50 appareils.

Quant à la marine, le successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle est prévu pour 2038 mais, à l’horizon 2030, la marine n’aura que trois bâtiments ravitailleurs de forces au lieu de quatre, trois frégates de défense et d’intervention au lieu de cinq, sept patrouilleurs hauturiers au lieu de dix. Pourtant il semble que la France doit assurer sa souveraineté sur la seconde surface maritime mondiale, soit 11 millions de km² notamment dans le Pacifique. A l’heure où la Chine construit tous les trois à quatre ans l’équivalent de la flotte française, le questionnement de la pertinence de cette LPM peut se poser.

Certes, 16 milliards seront consacrés aux munitions et 49 milliards au maintien en condition opérationnelle, soit une hausse de 49 %. 13 milliards d’euros seront consacrés à l’outre-mer, 10 milliards aux technologies de rupture, comme l’hypervélocité ou le quantique, 6 milliards au spatial, 5 milliards à la contre-ingérence et au renseignement, 5 milliards aux drones, 5 milliards à la défense surface-air, 4 milliards au cyber, 2 milliards aux forces spéciales.

Cependant, qui peut croire que la France pourra réellement répondre à la réalité des guerres de demain ? N’a-t-on pas à nouveau préféré le soutien au complexe militaro-industriel notamment nucléaire au détriment de l’efficacité opérationnelle sur le terrain ?

François Chauvancy*

Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.

LPM 2024-30 : Les chars légers AMX-10RC et les VAB Ultima devront durer au-delà de 2030

LPM 2024-30 : Les chars légers AMX-10RC et les VAB Ultima devront durer au-delà de 2030

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 4 avril 2023

https://www.opex360.com/2023/04/04/lpm-2024-30-les-chars-legers-amx-10rc-et-les-vab-ultima-devront-durer-au-dela-de-2030/


 

La future Loi de programmation militaire [LPM], qui sera présentée lors du Conseil des ministres de ce 4 avril, va confirmer une hausse « sans précédent » du budget des armées, avec une enveloppe de 413 milliards d’euros [dont 13 milliards de recettes exceptionnelles] sur la période 2024-30.

D’un montant de 43,9 milliards en 2023 [voire plus, une rallonge de 1,5 milliard ayant été demandée par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées], le budget de la mission « Défense » devrait augmenter d’environ 3 milliards d’euros à partir de 2024. Puis la hausse maintiendra ce rythme jusqu’en 2027. Puis, il reviendra à la prochaine majorité d’accentuer cet effort, avec des « marches » de 4,3 milliards à partir de 2028.

Selon l’entourage de M. Lecornu, cette trajectoire financière ne sera pas gravée dans le marbre dans la mesure où « il faudra éventuellement prévoir des compléments » en fonction de l’évolution des menaces. Cependant, la portée de cette hausse des dépenses militaires pourrait être amoindrie par les effets de l’inflation, évaluée à 30 milliards d’euros pour les sept années à venir, selon l’hypothèse la plus pessimiste.

Aussi, paradoxalement, des choix ont dû être faits. Seront-ils pertinents? L’avenir le dira… En tout cas, plusieurs annonces faites par M. Lecornu durant ces dernières semaines devraient être confirmée; comme les efforts en faveur de la défense sol-air [5 milliards d’euros], des drones [5 milliards], des forces spéciales [2 milliards] et du renseignement [5 milliards].

La lutte informatique, qu’elle soit défensive, offensive et d’influence, devrait bénéficier d’un nouveau coup de pouce de 4 milliards d’euros. De même que le spatial, avec une enveloppe de 6 milliards. À noter que la LPM va acter l’annulation du troisième satellite de télécommunication de type Syracuse IV, au profit d’une « constellation » dont les détails restent à préciser.

Comme l’avait suggéré le président Macron lors de ses voeux aux Armées, le 20 janvier, les forces de souveraineté, implantées dans les départements et territoires d’outre-Mer, devraient voir leurs moyens augmenter de 13 milliards d’euros. Et un effort significatif – 10 millards – est annoncé en faveur du soutien à l’innovation, afin de financer les recherches sur les « technologies de rupture », comme les armes hypersoniques et le quantique.

Enfin, le montant des crédits alloués au Maintien en condition opérationnelle [MCO] des équipements devrait progresser de 40% pour atteindre les 49 milliards d’euros. Et ce ne sera sans pas de trop… puisque certains équipements appelés à être remplacés d’ici 2030 ne le seront finalement pas… Ou, du moins, ils le seront plus tard.

Ce sera en effet le cas des chars légers AMX-10RC et des Véhicules de l’avant blindé [VAB] Ultima, le programme SCORPION devant être « décalé » de quelques années. Ainsi, 100 engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar – sur les 300 attendus – seront livrés à l’armée de Terre après 2030. Même chose pour « quelques centaines » de véhicules blindés multi-rôles Griffon et Serval.

Cette décision d’étaler le programme SCORPION entraînera inévitablement des surcoûts. « Cela soulève des difficultés de gestion des lignes et de stockage des composants. Quant au surcoût du MCO, plus les matériels sont anciens, plus l’obsolescence augmente : rien n’est impossible, mais cela a un prix », a récemment expliqué Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, lors d’une audition au Sénat.

Cela étant, l’armée de Terre, qui sera appelée à se « transformer », devrait pouvoir remplacer ses Lance-roquettes unitaires [LRU], dont deux exemplaires ont été livrés à l’Ukraine, et renforcer ses capacités en matière d’artillerie avec de nouveaux CAESAr. En outre, elle disposera de plus de 3000 drones, dont des munitions téléopérées.

Quant à la Marine nationale, si elle n’avait pas de souci à se faire pour ses futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de 3e génération, indispensables à la dissuasion nucléaire, elle obtiendra un nouveau porte-avions nucléaire à l’horizon 2038… Mais elle devra patienter pour aligner ses cinq frégates de défense et d’intervention [FDI], la livraison de deux unités étant désormais prévues après 2030. Et elle devra se passer de trois patrouilleurs océaniques, sur les dix attendus.

Enfin, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ne passera pas au « tout Rafale » dans les années à venir… étant donné que les livraisons de 42 avions Rafale, prévues entre 2027 et 2030, devraient finalement s’étaler jusqu’en 2032. Ce qui fait qu’elle ne disposera que de 137 Rafale en 2030, alors qu’elle devait en aligner 185. Quant à ses capacités de transport, et à la fin de la LPM, elles reposeront en partie sur 35 A400M [contre 21 actuellement] sur les 50 initialement envisagés.

Une LPM « plancher » entre continuité, nouveaux efforts et décalages capacitaires

Une LPM « plancher » entre continuité, nouveaux efforts et décalages capacitaires

par – Forces opérations Blog – publié le

Le projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030 sera présenté demain en Conseil des ministres. Un projet « à 413 Mds€ » qui actera les évolutions capacitaires nécessaires au vu du contexte et de l’apparition de nouvelles menaces. Et si le document ne contient aucun renoncement, il entérine par contre certains décalages, notamment au détriment du programme SCORPION. 

Un socle plutôt qu’un plafond

Après une année de travaux, une dizaine de réunions de haut niveau à l’Élysée et deux grands discours présidentiels de cadrage, la 14e loi de programmation militaire française est prête à entamer le processus d’adoption parlementaire qui devrait l’amener à être proclamée d’ici au 14 juillet prochain. 

L’effort s’articulera autour de quatre axes : consolider le cœur de souveraineté, faire face à un conflit majeur, s’adapter aux nouveaux espaces de conflictualité et repenser et diversifier les partenariats stratégiques. Ceux-ci ont été déclinés en une vingtaine de « patchs », des « focus spécifiques dans différents domaines », précise l’entourage du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Ce sont des pointes d’effort sur l’innovation, le spatial, les drones, la défense sol-air, le renseignement, ou encore le modèle RH et le renforcement des soutiens. 

Créditée d’une enveloppe de 413 Mds€, cette LPM « va constituer une augmentation du budget des armées sans précédent », souligne le cabinet ministériel. Les marches successives sont connues : + 3,1 Mds€ l’an prochain, puis des paliers à 3 Mds€ entre 2025 et 2027 et de 4,3 Mds€ à compter de 2028. En fin de LPM, les dépenses militaires françaises atteindront 69 Mds€, près du double de celles allouées en début d’exercice précédent. 

« Cette trajectoire budgétaire est véritablement conçue désormais comme une trajectoire plancher ». Hors de question de rogner les annuités, il s’agira plutôt de maintenir l’exemplarité de la LPM en voie d’achèvement. Voire, parfois, de faire mieux en cours d’exécution en fonction des aléas et besoins. Ce sera déjà le cas cette année, avec une marche à 3 Mds€ que le ministre proposera de rehausser d’1,5 Md€. L’encre n’est pas tout à fait sèche, mais ce premier bonus devrait servir à appuyer le durcissement des armées, notamment par de nouveaux achats de munitions

Plusieurs grands chapitres se précisent. L’innovation, par exemple, sera créditée d’environ 10 Mds€ sur la période. Une enveloppe de 100 Md€ sera fléchée vers les ressources humaines. Si les armées augmenteront légèrement leurs effectifs, c’est bien « la bataille des compétences et la fidélisation » qu’il faudra gagner. Celle de la réserve aussi, avec 40 000 réservistes à engager pour atteindre l’objectif de dédoublement du dispositif. Dernier exemple, une volonté de recomplétion des stocks de munitions créditée de 16 Mds€ sur la période. 

L’investissement financier, sur fonds d’inflation et de crise sociale, n’est pas mince. « Le ministère a parfaitement conscience de l’effort considérable que la nation fait » et entend veiller à ce que cette manne soit « la mieux employée possible ». Le ministre l’a plusieurs fois répété : les industriels devront participer à la dynamique globale pour « que tout cela soit au bon prix et dans des calendriers les plus raisonnables ».

L’artillerie renouvelée, SCORPION décalé

Si l’enveloppe capacitaire n’a pas été détaillés, ce volet majeur sera marqué par « le retour de menaces que l’on a cru un certain temps disparues et, à travers ces menaces, l’apparition de très nombreux sauts technologiques dans certains domaines. Ces sauts technologiques ont malheureusement un coût ».

Côté terrestre, la prévalence porte en grande partie sur le segment de décision. Les travaux relatifs au programme MGCS, potentiel successeur au char Leclerc, se poursuivront. Il s’agira ensuite de muscler et de moderniser « rapidement » l’artillerie grâce à la prochaine génération de canons CAESAR et au renouvellement des feux longue portée. Différents scénarios restent à l’étude pour remplacer des lance-roquettes unitaires (LRU) dont l’obsolescence interviendra en 2027. Aucun scénario n’est écarté, que ce soit l’achat de systèmes HIMARS américain ou la recherche d’une solution souveraine. « Nous faisons travailler nos industriels », explique le cabinet.

La prochaine LPM entérinera par ailleurs l’accélération de la feuille de route « lutte anti-drones », la consolidation du bouclier antiaérien, le développement de la « dronisation » et la poursuite du renouvellement des parcs d’hélicoptères. L’armée de Terre bénéficiera ainsi de 12 Serval LAD en complément des 12 VAB ARLAD déjà en service. S’y ajouteront 24 Serval Mistral pour reconstituer un embryon de défense sol-air terrestre d’accompagnement. En interarmées, le programme PARADE débouchera sur la fourniture de 15 systèmes, soit neuf de plus qu’en fin d’année 2023. Des 5 Mds€ consacrés au renseignement, une partie participera à accélérer le plan d’équipement de l’armée de Terre et à doter le système de drone tactique (SDT) Patroller d’une charge de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM). Toujours dans les airs, l’Aviation légère de l’armée de Terre disposera « de nouveaux Tigre, NH90 et HIL ».

« Même si on abandonne rien, on priorise certains sujets », relève cependant le cabinet ministériel. Pas de renoncements donc, mais « des révisions de cadencement ». Si les cibles restent « quasiment » à l’identique, certaines d’entre elles vont donc s’étaler dans le temps. Comme pressenti, le programme SCORPION de l’armée de Terre n’est pas épargné. Sur les 300 Jaguar attendus, une centaine ne seront pas livrés dans les délais fixés au lancement du programme. Idem pour quelques centaines de Griffon et de Serval dont la livraison est au mieux repoussée à la prochaine LPM. Pour réaliser la soudure, l’armée de Terre devra miser sur l’infovalorisation et l’entrée dans la bulle SCORPION de certains AMX-10RC et VAB Ultima. 

Le général Schill veut transformer l’armée de Terre pour « vaincre du coin de la rue jusqu’au métavers »

Le général Schill veut transformer l’armée de Terre pour « vaincre du coin de la rue jusqu’au métavers »

https://www.opex360.com/2023/04/01/le-general-schill-veut-transformer-larmee-de-terre-pour-vaincre-du-coin-de-la-rue-jusquau-metavers/#comments


 

Intitulé « Vers l’armée de Terre de combat » [et non plus « Au contact »], cette transformation devrait se décliner autour de quatre axes, dont la « puissance », la « polyvalence », la « réactivité » et les « forces morales ». Le général Schill ne les a pas développés. Cependant, il a précisé la finalité de ce plan, qui est de « s’adapter au changement d’ère stratégique ».

Pour le CEMAT, si la guerre moderne, avec ses évolutions technologiques, n’ont « pas rendu l’affrontement au sol accessoire », comme le montrent d’ailleurs les combats en Ukraine, il n’en reste pas moins que le « milieu de conflictualité terrestre » est devenu plus « complexe », d’autant plus que s’y « superposent de nouveaux espaces [cognitif, cyber, robotique] » ainsi que des « ‘métamenaces qui exigent faculté d’analyse et de compréhension étendues et adaptation de notre outil de combat ».

Le constat étant posé, le général Schill explique que l’armée de Terre doit « être en position de combat en permanence », que ce soit dans le « style de commandement » et dans la « façon de fonctionner ».

S’agissant du « style de commandement », le CEMAT parle de « chasser l’excès de normes » [ce qui était aussi une préoccupation de son prédécesseur, le général Thierry Burkhard, désormais chef d’état-major des armées], de « faire confiance », « d’encourager l’esprit d’initiative », de « responsabiliser » et de « contrôler ». Quant au mode de fonctionnement, il s’agira « d’agir au quartier comme en mission », ce qui supposera de « disposer de leviers et des moyens concrets pour être en ‘disposition de combat’ ». Cela suggère que le triptyque « un chef, une mission, des moyens », mis à mal par les restructurations de la fin des années 2000, sera de nouveau mis en avant.

« Les choix structurels de la transformation de l’armée de Terre ont pour objectif l’efficacité opérationnelle : être prêts, peu importe la forme, l’intensité et la rapidité de survenance d’un engagement », explique le CEMAT. Et ils devront permettre aux soldats et à leurs chefs « d’encore mieux mener les combats décisifs » afin de « vaincre du coin de la rue jusqu’au métavers, pour protéger la France et les Français », conclut-il.

Pour rappel, le métavers est un espace virtuel collectif et partagé en 3D. Or, depuis quelques semaines, ce concept a du plomb dans l’aile, éclipsé par les progrès de l’intelligence artificielle [IA], illustrés par l’arrivée de ChatGPT. D’ailleurs, Mark Zuckerberg, le patron Meta [la maison-mère de Facebook, ndlr], a récemment fait savoir que sa priorité irait désormais à l’IA et non plus au développement du Metavers. Ce qui explique les 20’000 licenciements qu’il a récemment annoncés.

Quoi qu’il en soit, dans un entretien donné au quotidien « Le Figaro » en février, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait donné annoncé une transformation « profonde » de l’armée de Terre.

« L’armée de l’Air et de l’Espace comme la Marine ont déjà connu ces dernières décennies des modifications importantes liées notamment aux sauts de technologie. L’armée de terre va elle aussi connaître ce mouvement dans la période à venir et nous allons lui en donner les moyens. Elle va prodigieusement se numériser, se digitaliser tout en se dotant de nouveaux moyens capacitaires », avait expliqué le ministre. Et de préciser que « 10’000 de ses soldats » allaient « voir leur mission évoluer et donc être formés pour des compétences nouvelles à forte valeur ajoutée ».

Un premier régiment de l’armée de Terre doté du Serval

Un premier régiment de l’armée de Terre doté du Serval

– Forces opérations Blog – publié le

Après plusieurs semaines de formation à Mourmelon, instructeurs et primo-pilotes du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa) sont rentrés à Carcassonne avec douze Serval dans leurs bagages. Vingt autres exemplaires suivront d’ici la fin de la semaine. 

Le 3e RPIMa en pointe

L’arrivée du Serval au quartier Laperrine, c’est l’aboutissement d’un processus lancé en février 2018 avec la notification d’un marché au groupement momentané d’entreprises formé par Nexter et Texelis. Les deux partenaires ont à ce jour livré 85 véhicules au Centre de formation et de perception unique de Mourmelon. « Le franchissement de tous ces jalons marque le bon avancement des travaux conduits par les industriels, mais c’est aussi une preuve que le Serval est au rendez-vous des performances attendues », soulignait hier la Direction générale de l’armement lors du point presse ministériel hebdomadaire.

« Ce n’est que le début, puisque l’expertise qu’on va apporter, nous, le 3e RPIMa, c’est bien l’expertise sur l’emploi de l’engin, sa capacité de combat, sa capacité de manœuvre, sa capacité de projection pour être les éclaireurs de la 11e BP et, à venir, de la 27e BIM pour l’appropriation du Serval », déclarait pour l’occasion le chef de corps du 3e RPIMa, le colonel Benoît Cussac.

« Ces véhicules sont les matériels majeurs qui illustrent la montée en puissance du programme SCORPION. Le Serval est bien plus qu’un véhicule, c’est un système de combat. Au-delà du transport sous blindage, de sa mobilité, de sa puissance, c’est tout l’environnement qu’il emporte qui va être une plus-value au combat », poursuit le colonel Cussac. 

Autre remplaçant du VAB avec le Griffon, ce véhicule de classe 15-17 tonnes est destiné à équiper en priorité les unités de l’échelon national d’urgence. Il leur garantit l’entrée dans la « bulle SCORPION » via le système d’information du combat SCORPION, embarque huit combattants FELIN en plus de l’équipage et peut être projeté par A400M. « Il est à noter que l’on peut embarquer deux véhicules Serval dans la soute de l’A400M », indique la DGA. 

Nouvelles versions, nouveau calendrier ?

Le Serval sera à terme décliné en quatre versions principales et 29 sous-versions couvrant « un éventail extrêmement large de fonctions opérationnelles ». Pour l’heure, seule la version principale « véhicule de patrouille blindée » est pleinement développée, qualifiée et livrée. Deux autres versions sont en cours de développement : les Serval « surveillance, acquisition d’objectifs, renseignement, reconnaissance » (SA2R), « noeud de communication tactique » (NCT) et « guerre électronique ». Selon le calendrier présenté par la DGA, la première devrait aboutir courant 2024, la seconde en 2026.

« Serval est également l’engin choisi par l’armée de Terre pour combler son parc hétéroclite qui équipe actuellement ses appuis et soutiens spécialisés. Il équipera donc aussi dans un second temps les nœuds de communication tactique, l’artillerie sol-air et la lutte anti-drones », soulignait le commandant Tristan, officier de programme Serval au sein de la Section technique de l’armée de Terre (STAT). Le rôle du Serval dans le renforcement de la défense sol-air était pressenti de longue date, il semble maintenant confirmé. 

Dans les rangs industriels, le sujet a été anticipé. Propositions à la clef, essentiellement durant le dernier Eurosatory. Nexter y dévoilait deux Serval : l’un équipé d’une tourelle ATLAS RC et ses deux missiles Mistral, l’autre du tourelleau téléopéré ARX-30 « maison ». Si la seconde est une proposition, la première relève bien de spécifications soumises par l’armée de Terre.

Pour l’heure, 364 Serval sur les 978 attendus dans le cadre de SCORPION ont été commandés et seront livrés d’ici à septembre 2025. Mais pas un mot sur la suite. Seul indice : un achèvement des livraisons désormais annoncé à horizon 2035, et non plus en 2030 comme auparavant. Signe d’un étalement inscrit dans la loi de programmation militaire à venir ? Un calendrier de livraison lié à cette future LPM 2024-2030 est en tout cas en cours d’écriture, explique l’armée de Terre. Réponse dans quelques semaines pour le détail. 

Crédits image : armée de Terre/3e RPIMa


Vidéo de présentation du Serval : https://www.youtube.com/watch?v=5m1GebRxbNk

Le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement de l’armée de Terre sera-t-il confirmé par la LPM 2024-30?

Le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement de l’armée de Terre sera-t-il confirmé par la LPM 2024-30?

https://www.opex360.com/2023/03/26/le-futur-vehicule-blinde-daide-a-lengagement-de-larmee-de-terre-sera-t-il-confirme-par-la-lpm-2024-30/


 

En effet, selon La Tribune, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne plaiderait pour des hausses de 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2027, ce qui porterait le montant du budget des armées à 55,9 milliards à cette échéance, alors que l’annuité moyenne de la future LPM devrait s’élever à 59 milliards d’euros [recettes extra-budgétaires comprises]. En clair, le gros de l’effort serait à faire après la prochaine élection présidentielle.

D’où les bruits de coursive au sujet de certains projets d’armement, qui pourraient être moins ambitieux que prévu [comme l’hélicoptère d’attaque Tigre Mk3] ou étalés dans le temps [il en serait question au sujet du programme SCORPION].

« Je suis étonné de voir qu’il y a parfois plus d’émotions quand les budgets augmentent que lorsqu’ils diminuaient jadis… J’appelle au sérieux. Ce qui compte est d’avoir une armée efficace où chaque euro soit correctement dépensé. Cette future LPM avec ses 413 milliards d’euros sur sept ans sera tenue, comme nous avons tenu la précédente depuis 2017, à l’euro près, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Mais il faut aussi qu’elle soit soutenable budgétairement, et donc crédible militairement », a toutefois fait valoir Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, dans les pages du quotidien Les Échos [édition du 24 mars, ndlr].

Quoi qu’il en soit, certaines rumeurs sont récurrentes. Et le sénateur [LR] Cédric Perrin s’en est fait l’écho lors de l’audition d’Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, cette semaine.

« La LPM actuelle marque une remontée en puissance jusqu’ici respectée. Il serait peu compréhensible d’allonger les délais pour un certain nombre de matériels particulièrement performants, mais nous entendons des échos peu rassurants quant au segment terrestre. Si les programmes tels que SCORPION, ou le remplacement des camions, devaient être réduits, il faudrait compenser en prolongeant le matériel existant, et donc amputer […] le programme 146 ‘Équipement des forces’ au profit du programme 178 ‘Préparation et emploi des forces’, pour permettre à l’armée de Terre de conserver ses capacités et à l’industrie de maintenir son activité », a en effet affirmé le parlementaire.

A priori, M. Levacher s’attend aussi à un éventuel étalement du programme SCORPION, et donc à un report des livraisons de blindés Griffon, Serval et Jaguar. En tout cas, il a laissé entendre qu’il envisageait un tel scénario en évoquant le programme CAMO [Capacité Motorisée], mené dans le cadre d’une coopération entre la France et la Belgique.

« Le programme CaMo est un excellent montage. […] C’est un exemple de coopération européenne qui fonctionne. […] La production ne sera pas décalée par rapport aux plans initiaux. Les premières productions de Griffon démarreront en 2024 et se réaliseront en 2025. Nous commençons, comme prévu, à intercaler les productions CaMo dans les productions Scorpion pour la France. Si le programme Scorpion France est étalé, cela laisserait de la place pour CaMo », a en effet affirmé le Pdg d’Arquus.

En outre, relancé par M. Perrin, il a précisé que « l’élongation du programme Scorpion entraînera un surcoût, du fait de la baisse de volume ». Et d’expliquer : « La production serait amenée à être étalée sur des durées longues, au-delà de 2030 : cela soulève des difficultés de gestion des lignes et de stockage des composants. Quant au surcoût du MCO, plus les matériels sont anciens, plus l’obsolescence augmente : rien n’est impossible, mais cela a un prix. Ainsi, les camions GBC 180 ont plus de quarante ans. S’ils sont prolongés encore 10-15 ans, alors qu’ils ne sont plus fabriqués, la hausse des coûts de réparation est inévitable ».

Très souvent, l’étalement d’un programme d’armement dans le temps conduit à une réduction des commandes, justement afin de compenser la hausse de prix ainsi générée.

Quoi qu’il en soit, M. Levacher s’est interrogé sur d’autres projets liés au programme SCORPION, comme le VBAE [Véhicule blindé d’aide à l’engagement], dont le contrat de pré-conception aurait dû être notifié à l’automne 2022, ou encore comme l’engin du génie de combat.

« Ces programmes seront-ils maintenus dans la future LPM, dans des délais nous permettant d’envisager rapidement des activités de développement et de production? », a-t-il en effet demandé. « C’est la source de certaines inquiétudes, dans un contexte géopolitique où on peut comprendre que certains autres secteurs soient remontés en haut des priorités », a-t-il ensuite commenté.

Appelé à remplacer le Véhicule blindé léger [VBL], le VBAE, qui bénéfie de financements européens pour le développement de briques technologiques, fait l’objet d’une attention particulière chez Arquus, qui, en vue de ce programme, a mis au point le démonstrateur technologique Scarabee, dévoilé en 2018. Nativement hybride et bardé de capteurs, cet engin est un concentré d’innovations qui, pour le moment, n’a pas trouvé preneur. « Nous y travaillons », a assuré M. Levacher.

« Est-ce qu’un jour il [le Scarabee] sera adopté tel quel par la France? Je ne crois pas. En revanche, c’est clairement une base sur laquelle on peut s’appuyer et tester un certain nombre d’idées, de technologies et de concepts que l’on reprendra en partie pour le VBAE. Mais le VBAE sera très certainement différent de Scarabee », a expliqué le Pdg d’Arquus.

En attendant, lors du salon de l’armement IDEX 2023 de Dubaï, en février, l’industriel a surtout mis l’accent sur une nouvelle version du… VBL, doté d’un tourelleau téléopéré Hornet, lui-même muni de missiles antichars AKERON MP…

La crise s’invite dans les réflexions sur la réserve opérationnelle

La crise s’invite dans les réflexions sur la réserve opérationnelle

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Priorité parmi d’autres de la prochaine loi de programmation militaire, l’objectif de doublement de la réserve opérationnelle devra néanmoins compiler avec un contexte économique dégradé, explique le ministère des Armées en réponse à une question parlementaire. 

L’économie française plie mais ne rompt pas. Si la Banque de France table maintenant sur une croissance de 0,6% en 2023, la production industrielle s’est rétractée en début d’année. La volatilité financière et bancaire, ensuite, vient s’ajouter à des tensions socio-économiques dont l’impact reste difficile à déterminer. Quelques exemples d’indicateurs défavorables qui pourraient peser sur l’ambition ministérielle de disposer de « 100 000 réservistes pour une armée d’active de 200 000 hommes ». 

« Face à la dégradation de la situation économique à laquelle la France est confrontée depuis plusieurs mois, il convient de veiller à ce que l’effort de défense soit pleinement compatible avec l’activité des entreprises, notamment celles qui emploient des réservistes militaires », indique le ministère des Armées dans une réponse écrite à la députée PLR Karine Lebon.

En principe, entreprises et pouvoirs publics sont dans l’obligation de libérer leurs salariés-réservistes entre cinq et huit jours par an selon les cas. Voire, jusqu’à 30 jours si l’employeur l’autorise. « La réalité est toutefois plus nuancée », indiquait le ministère des Armées à l’automne dernier. Certaines entreprises renâclent à rendre disponibles les bras et cerveaux dont elles ont besoin pour maintenir leur activité. Parvenir à dédoubler le volume de réservistes sera donc un véritable défi au vu du contexte économique. Et l’équation est d’autant plus complexe pour une filière défense a qui il est désormais demandé de produire plus et plus vite. 

Un groupe de travail a été mis en place en novembre dernier « afin que tous les points de vue puissent être pris en compte et que le ministère des Armées dispose d’une vision exhaustive ». Six réunions se sont tenues jusqu’en février, auxquelles ont notamment participé « des parlementaires et des représentants du patronat et des organisations syndicales ». 

Plusieurs pistes ont été étudiées non seulement pour inciter et fidéliser le réserviste, mais aussi pour « récompenser » les employeurs facilitant l’accès à la réserve pour leurs salariés. Les conclusions et propositions qui en sont ressorties sont désormais « en cours d’analyse » en vue de « de déterminer celles qui seront retenues dans la future loi de programmation militaire ». Une LPM 2024-2030 qui sera soumise d’ici peu à l’aval gouvernemental puis présentée à la représentation nationale.

Crédits image : Garde nationale

L’armée de Terre va créer des commandements dédiés à la « guerre hybride » et aux « guerres de demain »

L’armée de Terre va créer des commandements dédiés à la « guerre hybride » et aux « guerres de demain »

https://www.opex360.com/2023/02/15/larmee-de-terre-va-creer-des-commandements-dedies-a-la-guerre-hybride-et-aux-guerres-de-demain/


 

Dans le même temps, le format de la Force opérationnelle terrestre [FOT] restera à 77’000 hommes tout en bénéficiant d’un renforcement significatif de l’effectif de la réserve opérationnelle de niveau 1 [RO1]. Et aucune réduction de « cible » concernant le programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] n’est prévue. Enfin, l’accent sera mis sur l’acquisition massive de drones [dont 1’800 munitions téléopérées], la robotisation [avec 300 robots « capables d’évoluer sur le champ de bataille »], les feux dans la profondeur et la défense sol-air.

Lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de Défense [AJD], le 13 février, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill en a dit un peu plus sur ce qui attend ses troupes. Ainsi, si aucun régiment ne sera dissous [pour le moment, du moins], les unités dites de « mêlée » [arme blindée cavalerie, infanterie] pourraient perdre quelques plumes… au profit des capacités devant faire l’objet d’investissements particuliers, comme le cyber, les transmissions, les drones et l’artillerie de longue portée… sans oublier le soutien et la logistique.

« Nous devons revenir à une cohérence globale de l’armée de Terre », a fait valoir le général Schill, comme le rapporte le quotidien Le Monde. Et d’annoncer que les détails de cette « transformation » seront dévoilés le 4 avril, à l’occasion du « Grand rapport de l’armée de Terre » [GRAT].

Cela étant, les changements annoncés ont d’ores et déjà commencé… En effet, en 2022, plusieurs régiments d’infanterie ont dissous des compagnies de combat qui avaient été créées en 2015, c’est à dire après la décision de porter l’effectif de la FOT de 66’000 à 77’000 soldats.

Et le ministère des Armées avait justifié ce retour à un format à quatre compagnies de combat dans les régiments de mêlée par la nécessité pour l’armée de Terre de s’investir dans de « nouveaux champs de conflictualité » susceptibles de « transformer les menaces liés aux conflits de haute intensité.  »

Une « partie des effectifs récemment attribués à la mêlée a été réorientée pour renforcer les états-majors de régiment et les capacités de numérisation et de simulation, densifier la maintenance aéronautique et terrestre, développer la capacité drone et affecter des moyens à la préparation opérationnelle, à la formation et à l’intégration des effets dans les champs immatériels », avait-il ainsi expliqué, dans une réponse à une question écrite posée par un député.

Quoi qu’il en soit, ces changements vont donc se traduire par une nouvelle organisation de l’armée de Terre, laquelle passera par la création de deux nouveaux commandements, placés sous l’autorité directe du CEMAT.

Ainsi, le « commandement des guerres de demain » aura la tâche de « mettre en cohérence un certain nombre de nouvelles capacités […] aujourd’hui éparpillées au sein des régiments, notamment dans le domaine des feux dans la profondeur, des drones, des munitions téléopérées et de la défense sol-air de courte portée, dont la lutte antidrone », résume Le Monde.

Quant au second, il sera dédié à la « guerre hybride », c’est à dire aux opérations menées « sous le seuil » du conflit ouvert. Il aura notamment à s’occuper des capacités liées au cyber [lutte informatique défensive, lutte informatique offensive et lutte informatique d’influence], lesquels relèvent actuellement du Commandement de la Cyberdéfense [COMCYBER].

« Il y a un réel besoin de rendre l’armée de Terre plus autonome. Elle doit avoir sous son commandement tous les domaines de lutte,
antiaérienne, cyber, informationnelle, frappes dans la profondeur… tout en demeurant interopérable avec les autres armées » car « lorsqu’on sous-traite des actions, on créé des dépendances, ce qui est risqué dans un conflit de haute intensité où on opère toujours sous contrainte des événements et de temps », fait valoir le général Pierre-Joseph Givre, le commandant du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement [CDEC].

Cette recherche d’autonomie vaudra aussi pour les sept brigades de l’armée de Terre, lesquelles devront disposer de capacités leur permettant d’agir avec un minimum d’appuis extérieurs, l’objectif étant d’accroître leur réactivité.

LPM 2024-30 : La Marine nationale ne devrait pas obtenir davantage de frégates dites de « premier rang »

LPM 2024-30 : La Marine nationale ne devrait pas obtenir davantage de frégates dites de « premier rang »

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                      Tir ASTER 30 le 27 janvier 2021, à bord de la FREMM Normandie.

 

Plus récemment, le Centre d’études stratégiques de la Marine [CESM] a publié un rapport détaillant ce « réarmement », qui ne concerne pas seulement le nombre de navires de premier rang qu’une force navale est capable d’aligner… mais aussi les évolutions technologiques et l’investissement dans de nouveaux espaces de conflits [cyber, fonds marins, espace].

« En devenant un lieu de contestation et de compétition, la mer redevient une zone de confrontation et potentiellement d’affrontement. La mise en place de stratégies assumées de remise en cause du droit, de politique du fait accompli ou de provocations calculées augmente le risque d’incidents et de confrontations aux conséquences imprévisibles. Le combat naval de haute intensité redevient une hypothèse possible, voire probable », est-il expliqué dans ce document.

Et d’ajouter : « L’acquisition de moyens d’action navale nombreux, puissants et coûteux contient en elle-même la volonté sous-jacente des États de s’en servir le jour où ils jugeront, selon leurs critères propres, que leurs intérêts sont en cause. Cependant, l’affrontement, s’il devient possible, n’est pas inéluctable, détenir des moyens navals puissants est aussi un moyen de faire prévaloir ses intérêts sans atteindre le combat direct ».

Évidemment, cette tendance n’est pas sans conséquence sur le contrat opérationnel de la Marine nationale… qui ne dispose [théoriquement] que de quinze frégates dites de premier rang… Et encore, en « trichant » un peu puisque les frégates de type La Fayette modernisées sont comptées. Les précédents CEMM ne manquèrent pas de dénoncer [à mots couverts] cette situation… Situation dont les effets se font sentir aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine et les tensions avec la Russie. « Avec la pression croissante exercée par les Russes en Atlantique, le besoin de frégates augmente, ce qui diminue notre capacité à réaliser d’autres missions ailleurs », a ainsi récemment confié l’amiral Vandier.

Cela étant, les parlementaires sont conscients de l’insuffisance du format de la Marine, laquelle est dénoncée à longueur de rapports. Comme encore en octobre dernier, avec celui du député Yannick Chenevard [Renaissance, majorité].

« Il n’est clairement pas adapté à la menace actuelle et encore moins future, tout en exposant la Marine, dans l’accomplissement de ses missions, à une suractivité qui épuise marins et matériels. […] Dans ces conditions, le retour au format d’avant le livre blanc de 2013 – dix-huit frégates de premier rang – apparaît comme le strict minimum » et « au-delà des frégates, l’une des questions majeures à trancher dans les prochaines années sera celle d’un deuxième porte-avions identique au PA-NG », a plaidé ce dernier.

La Loi de programmation militaire 2024-30, qui sera dotée de 413 milliards d’euros, remédiera-t-elle à cette situation? Rien n’est moins sûr… Lors de ses vœux aux Armées, le 20 janvier, le président Macron a seulement parlé d’augmenter « la puissance et la protection » des frégates et confirmé le développement du porte-avions de nouvelle génération [PANG].

A priori, et alors que les derniers arbitrages de cette future LPM sont encore en cours, la messe est dite. En tout cas, c’est ce que suggère la réponse faite par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, alors qu’il était interrogé sur le nombre de frégates dont disposera la Marine dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.

« On ne peut plus en 2023 ne regarder que la seule gamme des frégates. Il faut repartir des nouvelles technologies comme des missions et elles sont très différents pour notre Marine nationale, passant de la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire à la lutte contre les trafics en tout genre, sans oublier les différentes capacités de projection », a dit M. Lecornu.

À titre de comparaison, selon les projections du CESM, la Marina Militare disposera de 17 navires de premier rang à l’horizon 2030, soit deux de moins que la Royal Navy. A contrario, la Marine nationale comptera plus de navires dits de second rang – comme par exemple les dix patrouilleurs océaniques, qui remplaceront les avisos de la classe « ‘Estienne d’Orves » – par rapport à son homologue italienne [24 contre 14]

« Le président de la République aura l’occasion bientôt de développer en détail la feuille de route pour notre outre-Mer, ce qui est une particularité française là aussi », a par ailleurs ajouté. Sur ce point, il est question de remplacer les actuelles frégates de surveillance, faiblement armées, par des navires issus du programme « European Patrol Corvette » [EPC].

Enfin, M. Lecornu a de nouveau assuré que la « France aura un groupe aéronaval à propulsion nucléaire à l’horizon 2040 » car « c’est l’un des outils de notre capacité militaire mais aussi de notre diplomatie ».