Daech, une menace relativement faible, mais à nouveau en expansion

Daech, une menace relativement faible, mais à nouveau en expansion

La menace posée par Daech est au menu de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi 25 août. (Photo : des soldats irakiens patrouillent près de Badoush, en Irak). Felipe Dana/AP


La menace posée par Daech est au menu de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi 25 août. Si le groupe terroriste est plus faible qu’à son apogée, quand il contrôlait de vastes territoires en Irak et en Syrie, il est par endroit en expansion, notamment au Sahel.

 

par Léo Durin – La Croix – publié

https://www.la-croix.com/Monde/Daech-menace-relativement-faible-nouveau-expansion-2023-08-25-1201280143


Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce vendredi 25 août pour discuter de la menace posée aujourd’hui par Daech. Cette organisation terroriste, d’idéologie djihadiste, a connu son apogée en 2014, quand elle a formé un proto-État en Irak et en Syrie qu’elle a baptisé « État islamique ». Malgré son reflux, elle demeure active sur plusieurs continents.

Le « califat », fondé par l’organisation en 2014, achève de se désagréger en 2019, sous les coups de butoir conjoints de forces locales, notamment les Kurdes, et des Occidentaux. Plusieurs de ses chefs sont tués, ce qui contribue fortement à son affaiblissement.

Si l’organisation n’est plus « que l’ombre d’elle-même », selon la spécialiste du djihadisme Mina Al-Lami, citée par le média public américain NPR, elle n’a jamais disparu. Son dernier fait d’armes remonte au lundi 31 juillet, quand elle a revendiqué un attentat-suicide au Pakistan. L’attaque, qui visait le meeting d’un parti religieux conservateur, avait fait 54 morts, dont 23 mineurs.

« Toujours une menace »

Outre le Pakistan et l’Afghanistan, Daech demeure présent au Moyen-Orient et en Afrique. Le groupe prétend toujours former un califat mondial, mais, en réalité, il s’appuie sur des insurgés djihadistes locaux à qui il accepte de prêter son nom. Ceci permet aux locaux de gagner en légitimité, et à l’EI de pouvoir se targuer d’être présent partout dans le monde.

Au Mozambique, le nombre de ses combattants a fortement baissé, passant de 2 500 à 280 suite aux opérations menées par les armées régionales. En revanche, au Congo, le groupe s’est renforcé et il compte désormais 2 000 combattants. Il a également gagné 500 combattants en Égypte (1 000 en tout).

Leurs attaques, contrairement à celle qui a eu lieu au Pakistan, ne font pas toujours la Une des médias, car elles sont limitées et leur nombre a baissé. En Syrie, un pays dont le tiers du territoire était à une époque contrôlée par Daech, il est, selon les experts, contraint de se battre pour survivre. Pour autant, le groupe existe toujours et, selon Mina Al-Lami, il est « toujours une menace ».

Le désarroi des fidèles

Il est aujourd’hui principalement actif dans des milieux ruraux où l’autorité gouvernementale est moins présente. Bien loin, donc, de l’époque où il parvenait à conquérir des villes comme Racca, « capitale » de l’organisation entre 2014 et 2017, qui compte près de 200 000 habitants. Pour se financer, le groupe a recours au racket, au pillage et aux enlèvements.

La crédibilité du groupe est également mise à mal par l’instabilité apparente de sa direction. Depuis la mort de son fondateur, Abou Bakr Al Baghdadi, les chefs se sont enchaînés sans que leur identité ne soit jamais révélée. « C’est un gros coup pour le moral des membres du groupe, qui ne savent pas qui est leur leader et qui doutent même parfois de leur existence », affirme Mina Al-Lami.

Expansion au Sahel

Ce déclin de l’influence de Daech ne signifie toutefois pas qu’il faille ignorer le groupe, selon la spécialiste. Il pourrait justement profiter de ce désintérêt, renforcé par la guerre en Ukraine et les manœuvres chinoises autour de Taïwan, pour se renforcer. La montée en puissance de Wagner dans les pays africains et les exactions commises par les mercenaires sont également susceptibles de garnir les rangs du califat autoproclamé.

Un rapport de l’ONU daté de février 2023 estime d’ailleurs que son extension dans le Sahel constitue une évolution « particulièrement inquiétante ». En Irak et en Syrie, il n’est pas non plus entièrement sans ressource, sa trésorerie étant estimée entre 25 et 50 millions d’euros. Dans ces deux pays, il compterait entre 5 000 et 7 000 membres. Le groupe peut aussi compter sur des dons venant du monde entier, via les réseaux sociaux et les cryptomonnaies.

L’ONU veut réguler l’intelligence artificielle militaire mais se heurte au principe de réalité concurrentielle

L’ONU veut réguler l’intelligence artificielle militaire mais se heurte au principe de réalité concurrentielle

 

par Thierry Berthier – revue Conflits – publié le 13 août 2023

https://www.revueconflits.com/lonu-veut-reguler-lintelligence-artificielle-militaire-mais-se-heurte-au-principe-de-realite-concurrentielle/


L’ONU a exprimé son désir de bannir l’usage de l’IA dans les armes de guerre autonomes à l’horizon 2026 et de réguler l’IA militaire à l’échelle mondiale. Antonio Guterres s’est dit favorable à la création d’un conseil spécifique à l’IA, ayant pour objectif d’aider à réguler, gérer l’usage de l’IA militaire et règlementer ses dérives potentielles.

La première réunion du conseil de sécurité de l’ONU dédiée à l’Intelligence Artificielle (IA) a eu lieu le 18 juillet 2023. Le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres a souligné les progrès spectaculaires de l’intelligence artificielle et de ses applications potentielles au bénéfice du développement commun, du recul de la pauvreté, de l’éducation, de l’industrie, de l’agriculture et de la résolution des grands problèmes environnementaux.

Il a également exprimé son désir de bannir l’usage de l’IA dans les armes de guerre autonomes à l’horizon 2026 et de réguler l’IA militaire à l’échelle mondiale. Selon lui, « l’utilisation malveillante de systèmes d’IA à des fins terroristes criminelles ou étatiques pourrait entrainer un nombre effroyable de morts et de destructions, des traumatismes généralisés et des dommages psychologiques profonds à une échelle inimaginable ». Ce constat posé, Antonio Guterres s’est dit favorable à la création d’un conseil spécifique à l’IA, ayant pour objectif d’aider à réguler, gérer l’usage de l’IA militaire et règlementer ses dérives potentielles.

La réunion dirigée par Antonio Guterres a donné lieu aux premières recommandations exprimées par certains membres de l’ONU montrant une volonté forte de régulation et d’interdiction future des systèmes armés autonomes.

Il faut tout d’abord saluer l’initiative du Conseil de Sécurité et l’organisation de cette réunion inaugurale car les révolutions IA-robotique vont transformer en profondeur l’ensemble des activités humaines. Il est donc important que les grandes puissances et les puissances secondaires puissent échanger librement au sein de l’ONU, et débattre sur les enjeux et les défis de l’IA.

Le volet militaire de l’IA nous fait a priori passer du « côté obscur de la Force ». La réunion dirigée par Antonio Guterres a donné lieu aux premières recommandations exprimées par certains membres de l’ONU montrant une volonté forte de régulation et d’interdiction future des systèmes armés autonomes. Les trois premières puissances militaires (USA, Chine et Russie) ont indiqué, l’une après l’autre, qu’elles se réservaient le droit de développer des systèmes d’armes intégrant de l’IA tout en précisant que ces systèmes devaient rester sous le contrôle humain. Derrière ces premières déclarations, Il faut comprendre qu’aucune de ces trois puissances dominantes n’a l’intention de signer un texte limitant l’usage de l’IA militaire ni de freiner ses investissements massifs (en dizaines de milliards de dollars) réalisés au titre de la recherche et du développement.

1 – Les quatre principes de réalité systémique de l’IA

Concrètement, la déclaration du Secrétaire Général de l’ONU sur l’IA militaire se heurte à quatre grands principes de réalité systémique associés à la diffusion et à l’usage du progrès technologique au bénéfice des activités humaines, civiles et militaires :

Principe n°1 : Le principe du sens unique temporel ou de non-retour en arrière face à une avancée technologique majeure, accessible, impactante et à fort pouvoir libérateur.

Principe n°2 : Le principe de diffusion maximale d’une technologie duale (ayant des applications à la fois civiles et militaires) ;

Principe n°3 : Le principe d’appropriation maximale des technologies efficaces dans un contexte de compétition mondiale et de concurrences géopolitiques.

Principe n°4 : Le principe d’emploi maximal de technologies apportant un avantage tactique ou stratégique sur un adversaire en contexte de guerre ou de guerre froide.

2 – L’intelligence artificielle comme moteur de la haute intensité du combat

Les applications militaires de l’intelligence artificielle s’inscrivent dans toute la largeur du spectre opérationnel et renforcent les dynamiques de haute intensité au combat

  • Renseignement : collecte, traitement et analyse automatique des données, images satellitaires, imagerie drones, analyse de documents, traduction automatique, localisation, contextualisation à partir d’images, veille documentaire.
  • Logistique : préparation de missions, OPEX, aide au dimensionnement du dispositif, préparation du soutien, optimisation des approvisionnements (carburants, vivres, eau, munitions).
  • Simulation : simulation de déploiement, wargame, test d’hypothèses et de capacités, simulation de déploiement d’unités robotisées, entrainement des troupes au combat, entrainement sur de nouveaux systèmes d’armes.
  • Conduite des opérations, IA C2 : Aide à la décision pour les centres de commandement et contrôle (IA C2), reporting, tests et validation d’hypothèses de manœuvres, tests d’impact et d’attrition au regard de l’intensité du combat
  • Systèmes robotisés armés : Augmentation du niveau d’autonomie des systèmes, escadrilles et essaims de drones aéroterrestres, marins, sous-marins. Systèmes et boucliers anti-missiles autonomes, systèmes radars intelligents, Lutte Anti-Drones par essaims de drones anti-drones, Niveaux d’autonomie L0,L1,…L5
  • Cybersécurité et cyberdéfense : Emploi de l’IA pour sécuriser les applications, systèmes d’information et systèmes d’armes, SIEM UEBA (User and Entity Behavior Analytics (UEBA) and Security Information and Event Management (SIEM)), détection et remédiation automatique des attaques, maitrise du risque cyber. Opérations cyber offensives soutenues par l’IA.
  • PsyOps, opérations cognitives, ingérence et contre-ingérence : détection et remédiation des opérations d’influence, de fracturation des opinions, d’atteinte à l’image, de campagnes de FakeNews produites à partir des réseaux sociaux (fermes de bots), production d’ADFI (Architectures de Données Fictives Immersives) utilisées pour tromper ou influencer une cible.

3 – Les grands défis de l’IA militaire

La robotisation du champ de bataille, la préservation du sang du soldat humain, la réduction temporelle des toutes les étapes de la boucle OODA [O – Observe (observer), O – Orient (orienter), D – Decide (décider), A – Act (agir)], et la recherche de haute intensité au combat sont des objectifs prioritaires pour toutes les armées du monde. Chacun de ces objectifs s’appuie sur les progrès des sciences et technologies, en particulier sur ceux de l’intelligence artificielle qui apporte l’autonomie, la précision et la vitesse de réaction dans les systèmes. Si les défis de l’IA militaire sont multiples, deux d’entre eux apparaissent désormais comme prioritaires en retour d’expérience notamment de la guerre russo-ukrainienne :

Défi n°1 – l’IA-C2 (Command & Control) : l’IA intégrée au sein du système de commandement permet de prendre en compte l’ensemble des données qui remontent du terrain, du renseignement, des capteurs déployés, des unités à engager ou déjà engagées. L’apport de l’IA réside dans sa capacité à tester des hypothèses de manœuvre, à en mesurer les effets sur l’ennemi et sur ses forces, à évaluer le risque associé à une action militaire. La simulation numérique intégrant de l’apprentissage automatique et de l’apprentissage par renforcement donne la possibilité de jouer une séquence opérationnelle, de modifier ses paramètres, de rejouer la séance et de converger vers une solution optimale pour le chef militaire qui en tient compte dans son arbitrage.

Défi n°2 – l’IA embarquée dans les escadrilles et essaims de robots aéroterrestres : La guerre russo-ukrainienne est une guerre des drones aériens vecteurs d’une très forte attrition sur les chars et blindés des deux belligérants. Les premières escadrilles de munitions téléopérées navales ont été déployées par l’armée ukrainienne contre les navires russes. Des drones kamikazes sont régulièrement utilisés dans la profondeur par les deux armées. Ainsi, la question de la lutte anti-drones (LAD) devient prioritaire tout en restant techniquement complexe. L’avantage restant à l’attaquant, le défi de la LAD repose avant tout sur les capacités de détection, de suivi et de neutralisation des vecteurs ennemis. L’intelligence artificielle apporte des solutions très prometteuses pour contrer l’attaque d’un essaim aérien constitué de plus de 100 drones. La méthode de LAD consiste à mettre en œuvre un essaim de drones aérien « anti-essaim » composé lui aussi de plus de 100 drones « racers » qui vont chacun suivre un vecteur ennemi et le détruire par choc cinétique ou par détonation via une charge embarquée. L’action globale de l’essaim anti-essaim ne peut être dirigée que par l’intelligence artificielle.

Ces deux défis, qui reposent pleinement sur les progrès de l’IA, font l’objet d’investissements en R&D très conséquents (plusieurs dizaines de Milliards de dollars) en Chine et aux États-Unis. La course à la haute intensité et aux missiles hypersoniques repose elle aussi sur les apports de l’IA militaire. On comprend facilement que ni la Chine ni les Etats-Unis n’accepteront de limiter ou de renoncer à la course à « l’IArmement » si déterminant dans la recherche de puissance et d’ascendant sur l’ennemi. Le Secrétaire Général de l’ONU mesure parfaitement l’importance des enjeux géopolitiques qui accompagnent le développement de la robotique militaire. Il aura par contre toutes les difficultés à obtenir un moratoire ou un encadrement sur ce type d’armes.

« Le syndrome de Fachoda sur les scories des missiles de croisières » : L’œil de l’ASAF du mois de juin 2023

« Le syndrome de Fachoda sur les scories des missiles de croisières » : L’œil de l’ASAF du mois de juin 2023

par le Colonel (h) Dominique BAUDRY -ASAF – publié le 17 juin 2023

https://www.asafrance.fr/item/l-oeil-de-l-asaf-du-mois-de-juin-2023.html

La guerre est parfois enveloppée dans le brouillard de la duplicité, de la propagande ou, pour le moins, de la désinformation. Le Soudan n’est pas une exception et si la guerre d’Irak reste le summum du détournement de la preuve devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, il n’en reste pas moins que les conséquences des « coups de semonce », comme celui de 1998, sont parfois ressenties de longues années plus tard.

"Le syndrome de Fachoda sur les scories des missiles de croisières" : L’œil de l’ASAF du mois de juin 2023

Aujourd’hui la résurgence de graves turbulences au Soudan qui entraîne l’évacuation d’urgence des diplomates et ressortissants étrangers interroge sur la géostratégie du missile de croisière et la semence de risques insidieux en cascades.

En effet, en 1998, sous le mandat du Président Clinton, quatre missiles de croisière BGM-109 Tomahawk furent lancés depuis des navires de guerre américains positionnés dans la mer Rouge. L’un d’eux frappa et détruisit l’usine pharmaceutique d’Al-Shifa, à Bahri, au Soudan. À l’époque, les États-Unis accusaient le pays du président Omar al Béchir d’aider le leader terroriste Oussama ben Laden à se procurer des armes chimiques fabriquées dans cette usine.

Les preuves ne furent jamais formellement apportées. Quelques mois plus tard, alors que l’auteur était en mission à Khartoum, les ministres soudanais ne manquèrent pas de l’inviter à déjeuner à l’hôtel, construit par les Chinois, dont la terrasse domine le confluent du Nil Blanc et du Nil Bleu qui descend du lac Tana, situé dans les hauts plateaux tempérés d’Éthiopie. On apercevait, au loin, les restes du site de cette usine incriminée qui, selon leurs dires, produisait un inoffensif lait en poudre pour bébés dont le manque ultérieur provoqua de nombreuses morts de nourrissons (1) .

La guerre est parfois enveloppée dans le brouillard de la duplicité, de la propagande ou, pour le moins, de la désinformation. Le Soudan n’est pas une exception et si la guerre d’Irak reste le summum du détournement de la preuve devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, il n’en reste pas moins que les conséquences des « coups de semonce », comme celui de 1998, sont parfois ressenties de longues années plus tard.

Ainsi, sous la pression de la communauté internationale, et notamment des États-Unis, le Soudan subit en 2011 une partition géographique, ethnique et religieuse qui conféra au Sud la captation de ressources pétrolières imposantes. Mais des zones immenses, particulièrement au Nord dans le Darfour, sont laissées sans ressources et le taux de mortalité infantile est l’un des plus élevé du monde. Omar el Béchir, emprisonné, sur place depuis 2019, est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale.

La guerre intérieure au Soudan qui vient de resurgir entre deux factions militaires, et la complicité de quelques forces de sécurité paramilitaires, attire de nouveau notre attention. Cette crise s’inscrit dans le vaste domaine de la géopolitique, de la diplomatie, de la puissance et de la résolution des crises initiées par une intervention internationale vieille d’un quart de siècle. Les géopoliticiens ne manqueront pas de souligner que ces pays meurtris par les conflits (Libye, Yemen et Soudan), aussi divers soient-ils et bien qu’à des milliers de kilomètres les uns des autres, ont en commun d’avoir un sous-sol immensément riche en hydrocarbures !

Partager des idées, les confronter, évoquer des solutions de sortie de crise n’est pas un simple exercice intellectuel mais un chemin vers la paix dans cette région du monde souvent oubliée. S’agissant du Soudan, territoire de l’ancien royaume de Nubie, il aurait hébergé sous l’ère du roi David, au XIe siècle avant notre ère, une des fameuses tribus perdues d’Israël. Reste donc à la civilisation de veiller à préserver l’histoire de notre humanité. Le sujet s’inscrit dans le large spectre de la géopolitique, de la diplomatie, de la puissance et de la résolution des conflits armés.

Pour nous Français, on ne peut pas manquer d’évoquer le souvenir douloureux de la mission Congo-Nil du capitaine Marchand. Le 19 septembre 1898, ce dernier fait face aux forces anglaises de Lord Kitchener qui vient de remporter la victoire d’Omdurman et ne compte pas se voir contester le contrôle du Nil, de son delta jusqu’à ses sources. Les Britanniques établissent alors un blocus autour de la place de Fachoda où s’est retranché le capitaine Jean-Baptiste Marchand et sa colonne de marche.

En janvier 1899, les deux pays trouvent un accord diplomatique et les troupes françaises doivent, non sans ressentiment, se replier. Un monument en l’honneur de la mission Marchand, réalisé en 1949 par les sculpteurs Léon René et Georges Baudry (1898-1978), a été érigé à Paris, Porte Dorée. Voilà une époque historique qui doit permettre de mener une réflexion audacieuse et constructive sur les faits d’aujourd’hui et ne saurait relever d’un esprit partisan.

« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » disait Charles de Gaulle. Voilà pourquoi, additionnant les approximations, l’absence de considérations ethno- historiques et la confusion entre les effets et les causes, on pourrait aujourd’hui déboucher dans ce pays sur un désastre militaire et humain.

Dans un monde idéal, rien n’exonère le pouvoir politique de décisions géopolitiques prises ou volontairement omises.


1/ L’usine était la source première des médicaments au Soudan. Werner Daum, ambassadeur allemand de 1996 à 2000, estima que leur manque « provoqua probablement des dizaines de milliers de morts » dans la population soudanaise.

Après la victoire de l’Ukraine, il faudra mettre fin aux opérations d’agression et de déstabilisation de Moscou

Après la victoire de l’Ukraine, il faudra mettre fin aux opérations d’agression et de déstabilisation de Moscou

OPINION. Défaire la Russie en Ukraine n’est qu’une étape. C’est à la politique agressive menée depuis des années par le régime de Vladimir Poutine dans plusieurs pays qu’il faut mettre fin. Cela passe par la réaffirmation des principes démocratiques et une refondation de nos institutions internationales. Par Nicolas Tenzer (*), président du Centre d’étude et de réflexion pour l’Action politique (CERAP), enseignant à Sciences-Po Paris.

Nicolas Tenzer.
                                          Nicolas Tenzer. (Crédits : DR)


Depuis 23 ans, Moscou a semé la mort et la destruction. Le régime de Poutine est responsable de centaines de milliers de morts en Tchétchénie, en Syrie, en Géorgie, en Afrique et bien sûr en Ukraine. Les victimes civiles du terrorisme d’État de Poutine sont même plus nombreuses que celles d’Al Qaida et de Daech mises ensemble. Après 22 ans où les démocraties ont laissé le Kremlin gagner toutes ses guerres, la guerre totale déclarée à l’Ukraine le 24 février 2022 a conduit, enfin, à une prise de conscience du danger premier que la Russie actuelle posait au monde. Quoique encore trop lentement, ils ont décidé de défendre l’Ukraine et, désormais, d’assurer sa victoire, en lui donnant des moyens pour le faire. On doit d’ailleurs espérer que les dernières restrictions dans la fourniture d’armes seront bientôt levées pour que la victoire puisse être totale et rapide.

En Géorgie, Moscou détient 20 % du territoire depuis 2008

Mais gagner la guerre en Ukraine ne suffira pas. C’est la défaite totale de Moscou qu’il faut assurer : en Géorgie, où Moscou détient de fait encore 20 % du territoire depuis 2008, en Moldavie, où elle conserve la Transnistrie, au Bélarus, où elle soutient à bout de bras le dictateur Loukachenko dans sa politique de répression, en Afrique, où, par son bras armé, les milices Wagner, elle assassine, pille les ressources naturelles et aide les dictatures, mais aussi en Birmanie, à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua, et bien sûr en Syrie où, avec l’Iran, elle aide le régime Assad à perpétuer son emprise criminelle (1 million de morts depuis 2011).

Au sein des Nations unies, par sa politique systématique de veto, elle empêche la punition d’autres régimes criminels et veille à protéger sa propre impunité, alors même que Poutine a été inculpé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Comme d’autres, nous avions d’ailleurs montré que, juridiquement et politiquement, elle pouvait être expulsée de son Conseil de sécurité dont elle demeure un membre permanent, voire de l’organisation elle-même. Il serait dangereux qu’elle essaie de s’acheter des soutiens pour l’éviter, notamment celui du Bélarus, largement sanctionné par la communauté internationale, mais qui semble tenter de se faire élire à son Conseil, quand bien même sa demande a peu de chance d’aboutir. Il est d’ailleurs frappant de voir comment le dictateur biélorusse, qui conduit une répression féroce dans son pays et qui a accepté que son pays serve de base arrière pour des opérations contre l’Ukraine, au point d’accueillir des armes nucléaires tactiques russes en violation de sa constitution et du Mémorandum de Budapest, essaie régulièrement de donner des gages, récemment encore en libérant certains prisonniers politiques. Se prêter à ce subterfuge serait dangereux : il reste plus de 1.500 prisonniers politiques dans les geôles du régime, le plus souvent torturés, et la cheffe de l’opposition en exil et sa présidente légitime, Svetlana Tsikhanouskayak, dont le mari, Siarhei, est en prison, vient d’être condamnée in absentia, à 15 ans de prison. Pour les pays du Sud en particulier, il ne faudrait pas que le Bélarus apparaisse comme une Russie plus acceptable.

Le cas africain est révélateur

Le moment est venu pour les démocraties de réaffirmer leurs principes, mais aussi de lutter plus sérieusement contre les manipulations de l’information. Le cas africain est assez révélateur : alors même que sa politique est néo-impérialiste et néocoloniale, la Russie a su user de tous les moyens, parfois soutenue par des gouvernements qui trouvaient un intérêt personnel à se rapprocher de Moscou, pour renforcer dans l’esprit d’une partie de la population africaine l’idée que l’Occident l’était. En réalité, sa politique de pillage des ressources de ces pays constitue un exemple de prédation dont même les plus fervents colonisateurs occidentaux n’auraient pas pu avoir l’idée. Elle a instillé la corruption en moyen d’action et favorisé les pires pratiques de mauvais gouvernement en opposition totale avec les principes de développement durable portés par les organisations internationales. Les démocraties doivent mieux montrer que la Russie finalement ne favorise que les élites les plus corrompues et fait finalement le malheur des peuples. C’est d’ailleurs ce que Poutine fait avec son propre peuple qui sombre de plus en plus dans la grande pauvreté et avec son propre pays qui tombe dans le sous-développement. Ce n’est évidemment en rien une politique susceptible de garantir la stabilité : tout au contraire, la Russie et ses milices ne font à terme que renforcer  un sentiment de désespoir et un état d’anarchie, foyers de développement du terrorisme.

Que ce soit d’ailleurs en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique, cette emprise que les démocraties ont laissée à la Russie est porteuse de deux leçons pour l’avenir. D’abord, après l’Ukraine, il faudra savoir terminer le travail. La Russie doit être suffisamment défaite pour être conduite de lâcher pied là où elle dispose encore d’une présence et d’une influence. Il s’agit là d’une politique de long terme qui suppose que les Alliés et l’Union européenne n’abandonnent pas leur politique de sanctions, directes et secondaires, tant que la menace russe n’a pas disparu et que les coupables de crimes de guerre, contre l’humanité, de génocide et d’agression n’ont pas été livrés à la justice et les dommages de guerre payés à l’Ukraine. Ensuite, les démocraties occidentales doivent revoir leur politique internationale dans un sens de plus grande cohérence : nous avons été trop faibles vis-à-vis aussi d’autres dictatures au prétexte qu’elles servaient nos intérêts alors qu’elle bafouaient ceux de leurs propres peuples. Cela a contribué à rendre les propagandes russe et chinoise plus efficaces. Nous avons peu émis de pression contre les Etats arabes et du Golfe qui ont réhabilité le régime Assad, allié de l’Iran et de la Russie, au point de le réadmettre au sein de la Ligue arabe. Après la fin de la guerre, nous devons aussi proposer aux pays du Sud une politique plus durable en matière de sécurité alimentaire et énergétique.

Refonder les institutions internationales

En somme, la fin de la guerre devra non seulement rendre impossible le business as usual avec la Russie, mais aussi mettre un terme à la tentation de recommencer tout comme avant avec le reste du monde, notamment les pays en développement et en transition.

L’une des tâches majeurs sera aussi de refonder les institutions internationales, et en particulier l’Onu. Le moment est venu d’engager les pays du Sud dans cette entreprise et de conduire une politique menée par l’exemplarité. L’expulsion de la Russie du Conseil de sécurité serait un premier signe. Nous devons également nous montrer intraitables avec des Etats coupables de violations graves de droits au sein de l’organisation, ce qui vaut notamment pour la Syrie, l’Iran ou le Bélarus. Il faudra aussi réactiver l’article 27-3 de la Charte des Nations unies qui dispose qu’un Etat partie à un conflit ne peut faire usage de son droit de vote au Conseil de Sécurité – c’est d’ailleurs les puissances occidentales qui l’avaient rendu caducs dès les premières décennies d’existence de l’organisation de New York.

Un monde sans la Russie de Poutine sera indiscutablement meilleur, plus sûr, plus digne pour les peuples, moins porteur de menaces. Mais nous ne saurions nous arrêter là lorsque l’Ukraine aura gagné : nous devons nous mettre en mesure de bâtir un ordre différent, sur l’exemple de ce qu’avaient fait les fondateurs de l’Onu et concepteurs du droit international après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sans doute, le moment n’est-il pas, conceptuellement et stratégiquement, si différent.

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(*) Nicolas Tenzer est l’auteur de trois rapports officiels au gouvernement français et de 22 ouvrages. Ses réflexions sur les questions internationales et stratégiques peuvent être consultées sur son blog, Tenzer Strategics.

Exercice Orion : quand l’armée française envahit le sud de la France

Exercice Orion : quand l’armée française envahit le sud de la France

La deuxième phase d’un entraînement majeur de l’armée française se déroule cette semaine dans le sud du pays. Sept mille militaires sont impliqués.

Par Théo Sauvignet – Le point – publié le 23 février 2023

https://www.lepoint.fr/monde/exercice-orion-quand-l-armee-francaise-envahit-le-sud-de-la-france-23-02-2023-2509738_24.php


Au Mali, qui veut noyer son chien l’accuse d’être un mercenaire

Au Mali, qui veut noyer son chien l’accuse d’être un mercenaire

par Philippe Chapleau – Lignes défense – publié le 12 juillet 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


La junte militaire malienne ne manque pas d’air: elle considère que les 49 soldats ivoiriens interpellés dimanche à l’aéroport de Bamako sont « des mercenaires » et elle a décidé de les « mettre à disposition des autorités judiciaires compétentes » selon le communiqué qui suit:

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Le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maiga, a assez cyniquement expliqué que « le dessein funeste des personnes interpellées était manifestement de briser la dynamique de la refondation et de la sécurisation du Mali, ainsi que du retour à l’ordre constitutionnel ».

Le statut des Ivoiriens arrêtés ne correspond en rien à la définition du mercenariat selon la Convention de l’Organisation de l’unité africaine invoquée par Bamako.

Ces militaires appartiennent à l’armée régulière ivoirienne et étaient en mission officielle comme l’a précisé le porte-parole de la mission des Nations unies au Mali (Minusma). Selon lui, les militaires interpellés faisaient partie d’ »éléments nationaux de soutien » logistique à la Minusma qui sont « des effectifs nationaux déployés par les pays contributeurs de troupes, en soutien à leurs contingents », « une pratique communément appliquée dans les missions de maintien de la paix ». Un document ivoirien en témoigne:

nse.jpg

En outre, comme le résume un humanitaire français sur Twitter: « Invoquer la convention de l’OUA sur le mercenariat en Afrique contre la RCI, alors qu’en même temps, on paye à prix d’or les tueurs de Wagner qui mènent des exactions majeures contre sa propre population, il faut vraiment être nés avant la honte, quoi... ».

Enfin, l’activité de protection de la compagnie aérienne « Sahelian Aviation Services »(SAS, qui travaille entre autres pour la Minusma), assurée par les Ivoiriens, sera confiée aux forces armées maliennes. Contre rétribution bien sûr.

Mali : la France capture un haut cadre du groupe État islamique

Mali : la France capture un haut cadre du groupe État islamique


Des soldats s'entraînant sur la base militaire de Ménaka, dans le nord-est du Mali.

Des soldats s’entraînant sur la base militaire de Ménaka, dans le nord-est du Mali. – / AFP

 

Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’État islamique au Grand Sahara, a été arrêté alors que les soldats français de l’opération Barkhane sont en passe de boucler leur retrait militaire du Mali.

Un important chef djihadiste a été capturé dimanche au Mali en zone frontalière par des soldats français au moment où ceux-ci entrent dans la dernière phase de leur retrait de ce pays, a annoncé l’état-major français ce mercredi 15 juin.

«Dans la nuit du 11 au 12 juin 2022, une opération de la force Barkhane conduite à proximité de la frontière malo-nigérienne a permis la capture d’Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS)», antenne sahélienne de la nébuleuse mondiale, a indiqué l’état-major français dans un communiqué. Le djihadiste était «un temps pressenti pour succéder à l’ancien émir» Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, a dit à l’AFP une source sécuritaire, faisant référence au chef de l’EIGS tué par l’armée française en août 2021 dans la même région.

Un habitant de Tessit et un élu local de cette zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) ont confirmé la capture, sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité. L’élu, joint par téléphone, a fait état «d’une intervention d’un hélicoptère dans un campement». Oumeya Ould Albakaye était le chef de l’EIGS pour le Gourma, au Mali, et pour l’Oudalan, au nord du Burkina Faso, selon l’état-major.

Il visait les routes empruntées par Barkane

La zone des trois frontières est un des foyers les plus actifs de la violence polymorphe qui sévit au Sahel. C’est un théâtre d’opérations pour les groupes djihadistes affiliés à l’État islamique ou à al-Qaïda, différents groupes combattants, les armées des trois pays frontaliers et les soldats de la force antidjihadiste française Barkhane. Oumeya Ould Albakaye «a organisé plusieurs attaques contre différentes emprises militaires au Mali, dont celle de Gao. Il dirigeait des réseaux de mise en œuvre d’engins explosifs improvisés», a rapporté l’état-major français. Il visait les routes empruntées par Barkhane pour mener à bien son retrait du Mali et son repositionnement, a-t-il ajouté.

L’état-major dit le tenir pour responsable d’un grand nombre d’exactions contre les populations maliennes et burkinabè. Barkhane l’interrogera pendant quelques jours avant de le remettre aux autorités maliennes, a-t-on dit à l’état-major, comme elle l’a fait jusqu’alors avec ses autres prisonniers. La France, qui a concentré son action ces derniers mois dans cette zone, a donc opéré au Mali alors que, poussée vers la sortie par la junte au pouvoir à Bamako depuis août 2020, elle est en passe de boucler son retrait militaire de ce pays après neuf ans d’engagement, et de «réarticuler» son dispositif au Sahel.

Les autorités maliennes ne s’étaient pas exprimées sur la capture en milieu de journée. L’armée française a remis lundi aux Maliens les clés de la base de Ménaka dans la même vaste région, et aura quitté le Mali pour de bon à la fin de l’été avec le transfert de la base de Gao, selon l’état-major français.

De multiples massacres

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a de nouveau signifié lundi à l’ONU que les soldats français n’étaient plus les bienvenus en refusant catégoriquement que les avions français continuent à apporter leur soutien à la mission de l’ONU au Mali (Minusma). Les Français ont ces derniers mois annoncé avoir tué nombre de cadres de l’EIGS dans la zone frontalière, au premier rang desquels son chef Al-Sahraoui.

Dans différents documents récents, les Nations unies s’inquiètent cependant de la situation dans la région après le retrait de Barkhane du Mali, amorcé en février. L’émissaire de l’ONU au Mali, El-Ghassim Wane, a fait état d’une «détérioration» depuis le début de l’année, lundi 13 juin au Conseil de sécurité où s’ouvrait le débat sur le renouvellement de mandat de des Casques bleus au Mali.

La junte assure inverser la tendance

La dégradation des relations entre la France et le Mali est devenue irrévocable ces derniers mois avec le recours par la junte à ce qu’elle présente comme des instructeurs russes, des mercenaires de la société russe Wagner aux agissements controversés en Afrique et ailleurs selon la France et ses alliés. La junte assure inverser la tendance contre les djihadistes depuis lors.

Les maigres informations remontant de l’immense zone frontalière, reculée et difficilement accessible, font pourtant état de centaines de civils tués et de milliers de déplacés ces derniers mois dans les régions de Ménaka et Gao plus à l’ouest. Plusieurs massacres y ont été imputés à l’EIGS au cours de l’année écoulée sans que l’organisation ne les revendique toujours. La dernière attaque d’envergure – non revendiquée – est survenue dimanche soir à Seytenga, au Burkina Faso, faisant 79 morts selon un bilan officiel encore provisoire. «Notre frontière avec le Mali est aujourd’hui sous la coupe de l’État islamique au Grand Sahara», déclarait mi-mai le président du Niger Mohamed Bazoum.


Guerre en Ukraine : quel est le pouvoir de l’AIEA face au risque nucléaire ?

Guerre en Ukraine : quel est le pouvoir de l’AIEA face au risque nucléaire ?

Explication

Depuis le début de la guerre en Ukraine, premier conflit à se dérouler dans un État nucléarisé, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) alerte sur le risque grave d’un accident, sans toutefois pouvoir influer concrètement.

par Esther Serrajordia – La Croix – publié le

https://www.la-croix.com/Monde/Guerre-Ukraine-quel-pouvoir-lAIEA-face-risque-nucleaire-2022-03-07-1201203643


En s’emparant du site de Zaporijjia dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 mars, la Russie est devenue le premier pays à prendre possession d’une installation nucléaire civile ennemie. La guerre en Ukraine est le premier conflit à se dérouler dans un État nucléarisé. L’Ukraine dispose en effet de quinze réacteurs dans quatre centrales. Celle de Tchernobyl, lieu de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, en 1986, est tombée aux mains des troupes russes la semaine dernière.

Face à cette situation inédite, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) multiplie les prises de parole et alerte sur le risque d’un grave accident nucléaire. « Il faut comprendre que nous faisons face à une situation inédite. Habituellement, en diplomatie, il convient de regarder dans le passé pour y trouver des solutions. Ici, nous évoluons en eaux troubles », a déclaré le directeur général, Rafael Mariano Grossi.

Un réel pouvoir ?

Le conseil des gouverneurs de l’AIEA a ainsi adopté jeudi 3 mars une résolution appelant la Russie à « cesser immédiatement les actions contre les sites nucléaires ukrainiens ». Le lendemain, lors d’une conférence de presse organisée en urgence à Vienne, Rafael Mariano Grossi s’est dit prêt à se rendre en Ukraine « dès que possible » afin de négocier une solution pour garantir la sécurité des sites mis en danger par la guerre, notamment à Tchernobyl.

Dernière déclaration en date, dimanche 6 mars, le gendarme onusien du nucléaire a exprimé sa « profonde inquiétude » à la suite d’informations concernant l’interruption des communications avec la centrale de Zaporijjia et a rappelé les sept piliers indispensables à la sûreté nucléaire. Parmi eux, garantir le maintien de l’intégrité physique des installations, mais aussi faire en sorte que le personnel qui y travaille ne soit pas sous stress.

L’AIEA a été créée en 1957 au sein des Nations unies. « Après Hiroshima et Nagasaki, il y a eu une prise de conscience de l’ensemble des politiques et des pays qu’il fallait des gendarmes du nucléaire au niveau international », explique Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers et spécialiste de la physique nucléaire. Le principal objectif de l’AIEA est donc de promouvoir les usages pacifiques de l’énergie nucléaire et de limiter ses implications militaires.

Peu d’influence concrète

Mais quel est le réel impact de cette organisation ? Comme l’ONU, l’AIEA n’a pas de pouvoir de contrainte, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une influence importante en temps de guerre. « L’AIEA a raison de faire tout ce qu’il est en son pouvoir pour essayer de calmer le jeu, mais si la Russie veut prendre les centrales d’Ukraine, elle ne peut rien y faire », analyse Emmanuelle Galichet.

→ EXPLICATION. Guerre en Ukraine : à quoi sert l’iode face au risque nucléaire

Même si l’AIEA ne peut donner que des recommandations, sa fonction « est vraiment importante pour montrer aux Russes que le monde est conscient de la gravité, des enjeux de cette guerre, et que les centrales nucléaires font partie des ouvrages et des installations auxquels on n’a pas le droit de toucher », explique l’enseignante-chercheuse, invoquant la convention de Genève de 1949.

« L’AIEA va avoir un rôle essentiel sur la transparence de l’information et la diplomatie pour contrôler que tout est en ordre dans l’exploitation des réacteurs. C’est inédit », ajoute Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.

Quatre militaires français de l’escorte du chef d’état-major de la MINUSCA ont été arrêtés à l’aéroport de Bangui

Quatre militaires français de l’escorte du chef d’état-major de la MINUSCA ont été arrêtés à l’aéroport de Bangui


En mai 2021, l’interpellation de Rémy Quignolot, un ancien militaire français, fut mise en scène par les autorités centrafricaines, qui l’accablèrent de charges, allant de l’atteinte la sûreté de l’État au terrorisme en passant par l’espionnage et la de détention d’armes de guerre. « Nous déplorons l’instrumentalisation manifeste de cette arrestation et relevons que les informations personnelles de cette personne ont été immédiatement rendues publiques par le biais de réseaux de désinformation liés à la promotion d’intérêts bien identifiés qui sont habitués à viser la présence et l’action de la France en République centrafricaine », déplora alors le Quai d’Orsay.

Au moment des faits, un groupe d’experts des Nations unies venaient de dénoncer les actions du groupe paramilitaire russe Wagner, alors devenu devenu incontournable dans le pays, avec la bénédiction des autorités centrafricaines. Dans le même temps, une campagne de dénigrement de la France battait son plein, pour le grand profit de la Russie.

« Leur système de désinformation est très bien fait. Il alimente le recours aux mercenaires russes en Afrique. Le meilleur exemple en est donné par la République centrafricaine, où ce discours anti-Français a permis de légitimer une présence de mercenaires prédateurs russes au sommet de l’État avec un président Touadéra qui est aujourd’hui l’otage du groupe Wagner », résuma le président Macron, dans un entretien publié par le Journal du Dimanche, le 30 mai 2021.

En attendant, cela fera bientôt un an que Rémy Quignolot est prisonnier à Bangui. Qu’en sera-t-il des quatre militaires français qui ont été arrêté à l’aéroport de Bangui, le 21 février, alors qu’ils escortaient le général [français] Stéphane Marchenoir, le chef d’état-major de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique [MINUSCA]?

« L’équipe de protection rapprochée du général Marchenoir, chef d’état-major de la Force de la MINUSCA, composée de quatre militaires français, a été arrêtée cet après-midi à l’aéroport de Bangui », a en effet confirmé l’ambassade de France en Centrafrique, via un communiqué diffusé dans la soirée du 21 février.

Et d’expliquer que « ces quatre officiers de sécurité escortaient le chef d’état-major de la MINUSCA » pour embarquer à bord d’un vol d’Air France « avec leur équipement professionnel ».

 

Et, comme ce fut le cas pour Rémy Quignolot, leur arrestation a été instrumentalisée via les réseaux sociaux, certains comptes non sans influence ayant accusé ces militaires français d’avoir voulu « assassiner » le président centrafricain Faustin Archange Touadéra, l’avion de celui-ci devant atterrir à Bangui peu avant le départ du vol d’Air France.

« Sans raisons particulières, ils ont été arrêtés par la gendarmerie centrafricaine alors qu’ils se trouvaient près de l’aéroport et des accusations relatives à une tentative d’attentat ont été portées via les réseaux sociaux », a expliqué une source militaire française à l’AFP.

En tout cas, l’ambassade a dit « regretter vivement cet incident » et « condamner son instrumentalisation immédiate sur certains réseaux malveillants et la désinformation grossière à laquelle elle donne lieu ».

« La MINUSCA regrette cet incident et condamne vivement son instrumentalisation sur les réseaux sociaux, dans une tentative de manipulation de l’opinion publique. Elle rejette catégoriquement les accusations d’atteinte à la sureté de l’État. Dans le cadre de leur dialogue permanent, le leadership de la MINUSCA est en contact avec les plus hautes autorités centrafricaines pour trouver une issue dans les meilleurs délais », a commenté la mission de l’ONU, via un communiqué.

Cet incident est survenu alors qu’un rapport du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, évoqué par RFI, met de nouveau en cause le groupe Wagner ainsi que le recrutement d’anciens membres des milices anti-balaka par les Forces armées centrafricaines [FACa], sur lesquelles les mercenaires russes ont la mainmise, ainsi que le ciblage des communautés peules et musulmanes.

En outre, Yao Agbetse, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine a récemment dénoncé l’interdiction faite aux enquêteurs de se rendre dans les zones minières où ont lieu les combats les plus violents. « Si on est empêchés d’accéder à des lieux ou des violations auraient été commises, cela peut laisser supposer que les entités qui procèdent ainsi ne veulent pas la manifestation de la vérité et cela est inacceptable », a-t-il fait valoir.

Barkhane : Le ministère des Armées émet des réserves sur l’enquête de l’ONU relative à la frappe de Bounti

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