L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

En Ukraine, la mobilisation générale se dessine. Et en France, si l’armée professionnelle ne suffit plus, pourriez-vous aller sur le front ?

En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front.
En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front. (©DIEGO FEDELE / AFP)

1 000 et deux nuit dans la guerre. Le 24 février 2022, la Russie envahissait son voisin ukrainien avec des avions de chasse rutilants, des chars d’assauts pétaradants et une armée professionnelle préparée. En face, dans l’urgence, la nation de Volodymyr Zelensky organisait la riposte avec des moyens américains et européens flambants neufs.

Près de trois ans plus tard, c’est l’usure et l’horreur du conflit qui dominent les esprits. Des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés. Le conflit a fait fondre la population du pays d’un quart. Et le bilan des pertes militaires demeure inconnu.

Qu’importe, les volontaires ne suffisent plus à abreuver le front en hommes. Depuis quelques mois, la nation jaune et bleue oblige les citoyens à embrasser l’uniforme de l’armée, au point d’enrôler de force des civils, comme l’ont montré plusieurs vidéos, comme ici sur BFM. En France, dans une situation de guerre, l’État pourrait-il, lui aussi, nous enrôler ?

Aux armes, (tous les) citoyens ? 

En cas de conflit armé dans lequel la France serait impliquée, l’État pourrait donner l’ordre à une partie de sa population de s’engager dans l’armée. « En pratique, le pouvoir en place pourrait abroger la loi de suspension du service national », détaille Annie Crépin, historienne, spécialiste d’histoire militaire et maîtresse de conférences honoraire de l’université d’Artois, à actu.fr. Cette loi du 28 octobre 1997, souhaitée par Jacques Chirac, annonçait la fin du service miliaire obligatoire.

La mobilisation générale, ça n’existe plus. Mais avec cette abrogation, la France (qui, comme l’Ukraine, ne pourrait se suffire de son armée professionnelle pour mener la guerre) envisagerait de compter sur les citoyens. « Après avoir épuisé tous les volontaires et les réservistes, l’État serait enjoint de puiser dans la population. »

Qui serait concerné ? L’âge, le genre et d’autres conditions seraient encore à définir. Les plus fragiles pourraient-ils se retrouver sur le front ? Les femmes ? Si l’on se fie aux conditions d’accès au service militaire volontaire (SMV), tous les jeunes Français, dès 18 ans, est-il écrit sur le site du gouvernement, pourraient être enrôlés dans l’armée. Et ce, jusqu’à 35 ans.

« Les personnes considérées comme pas assez en formes, les plus âgés et d’autres cas seraient sans doute réformés », tempère tout de même Annie Crépin. Autrement dit, si vous êtes majeur, que vous avez la trentaine ou moins, que vous ne présentez aucune comorbidité, vous pourriez vous retrouver avec une arme à la main.

Brève histoire du service militaire

La conscription, appelée aujourd’hui service milliaire obligatoire, a vu le jour sous le directoire en 1789 avec la loi Jourdan-Delbre. Tous les citoyens âgés de 20 à 25 ans pouvaient servir dans l’armée. Au fil des régimes, la conscription s’est allégée. D’abord en termes de durée, puis de devoir, avant d’être définitivement suspendue en 1997.

Ouf, une (petite) armée existe

Autre paramètre à prendre en compte, avant de vous envoyer au front, comme Candide face aux Bulgares : la France possède une armée régulière. Ce sont les forces opérationnelles qui seront mobilisées les premières, en cas de guerre sur le territoire.

C’est-à-dire, comme le rappelle un rapport parlementaire portant sur le budget 2022 de la Défense, 77 000 hommes de l’armée de terre, 34 000 de la marine et 40 000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, avec environ 5 000 réservistes en renfort.

Outre ces prêts, au total, l’armée française, toutes armes, tous métiers confondus, comprenait 269 055 équivalents temps pleins. Trois quarts de ces temps pleins (76,5 %) sont occupés par des militaires, les autres, des civils au service de l’armée.

Côté matériel, la France possède, selon les derniers chiffres disponibles, 222 chars Leclerc, 6 200 blindés à roues et approximativement 3 800 autres véhicules de combat. Avec ceci, 211 avions de combat, 45 avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, la France a, en théorie, de quoi se défendre en cas de conflit.

Cependant, pour combien de temps ? Sur le long terme, cette armée professionnelle suffirait-elle pour tenir les fronts, attaquer l’ennemi, ou encore défendre la population ? « L’armée française est une armée américaine en version bonsaï », rappelait sur France Info, Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

Qui sait recharger un FAMAS ?

Depuis la suspension du service militaire, en 1997, plus personne n’est formé aux maniements des armes, ni à ce que c’est vraiment, une guerre. Avec tout ce qu’elle comporte d’horreur, de froideur et de cynisme. Envoyer un citoyen en première ligne, la fleur fusil, serait considéré comme une hérésie.

« C’est un vrai problème, si on en arrive là », reprend l’historienne, avant d’ajouter : « La Première Guerre mondiale s’est gagnée avec les réservistes. »

Avant de puiser parmi les civils, il existe en effet une réserve militaire constituée de deux composantes. Une réserve citoyenne défense et sécurité (des volontaires agréés par l’armée en raison de leurs compétences et de leur expérience) et une réserve opérationnelle.

En somme, des réservistes avec ou sans expérience militaire, âgés de 17 à 35 ans, qui se sont engagés sur la base du volontariat pour soulager les armées environ 25 jours par an en moyenne, indique le ministère des Armées.

Au total, près de 140 000 personnes sont théoriquement mobilisables, dont 40 000 volontaires de la réserve opérationnelle, peut-on lire sous la plume de Jean de Monicault dans la Revue de Défense Nationale, parue en 2021. Ça en fait du monde, avant de demander aux boulangers, plombiers et banquiers de France de prendre les armes. Mais les chiffres paraissent ridicules face aux 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939 lors de la Seconde Guerre mondiale.

Évidemment, ces scénarios paraissent improbables. La France, avec 31 autres pays, est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’article 5 de cette organisation dispose que si un pays est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres, peut-on lire sur son site.

Le scénario pourrait devenir envisageable, le jour où la France, pour des raisons politiques, se retrouverait sans l’OTAN, isolée du reste du monde.

La frappe dans la profondeur : un nouvel outil pour la compétition stratégique ?

La frappe dans la profondeur : un nouvel outil pour la compétition stratégique ?

par Héloïse Fayet et Léo Péria-Peigné – Études IFRI –|Date de publication :

Atteindre la profondeur du dispositif ennemi pour l’affaiblir et faciliter l’obtention d’un résultat opérationnel ou stratégique est un objectif majeur des armées. Quels sont les moyens nécessaires pour mener des frappes dans la profondeur dans un double contexte de haute intensité et de renforcement des défenses adverses ?

Des militaires américains et koweïtis mettent en oeuvre des HIMARS et des BM-30 Smerch lors d'un exercice au Koweït en janvier 2019
Des militaires américains et koweïtis mettent en oeuvre des HIMARS et des BM-30 Smerch lors d’un exercice au Koweït en janvier 2019 – US Department of Defense

Un différentiel stratégique

Depuis l’hiver 2023, le blocage du front ukrainien pousse les belligérants à recourir davantage aux frappes dans la profondeur, à la recherche d’un effet militaire devenu impossible à obtenir sur la ligne de front. Aux missiles balistiques et de croisière classiques viennent s’ajouter des modèles de drones ou de munitions guidées de plus en plus variés, capables d’exploiter les failles de la défense adverses et de s’attaquer à différents types d’objectifs à haute valeur ajoutée. Ce recours intensif aux frappes dans la profondeur a entraîné une prise de conscience des nations européennes quant à leur vulnérabilité face à ces menaces et leurs capacités limitées en la matière. Peu utilisés depuis la fin de la guerre froide, les systèmes de frappes en Europe sont en majorité des vecteurs air-sol très performants mais disponibles en petites quantités. Quant aux capacités sol-sol, elles sont souvent réduites à des reliquats de systèmes pour la plupart hérités de la guerre froide.

Élaborée au cours du premier conflit mondial pour surmonter – déjà – le blocage de la ligne de front, la frappe dans la profondeur se développe et se diversifie tout au long du XXe siècle à mesure que se perfectionnent les bombardiers à long rayon d’action, puis les roquettes et missiles à longue portée. Très liée à partir des années 1960 aux enjeux nucléaires, la frappe dans la profondeur conserve cependant une dimension conventionnelle importante. La fin de la guerre froide et l’éloignement de la perspective d’un conflit en haute intensité à parité réduit l’utilisation de ces capacités et contraint une évolution conceptuelle, faute de ligne de front susceptible de déterminer une profondeur à frapper.

Une dissémination sur tous les théâtres de conflits 

L’effort technologique ne s’interrompt pourtant pas, et différents programmes s’attachent à améliorer la vitesse, la précision ou même la furtivité des effecteurs de frappe dans la profondeur. En outre, d’autres théâtres voient se développer d’importants arsenaux en la matière. La Chine travaille ainsi à se doter de capacités susceptibles d’interdire ses approches régionales aux forces américaines, y compris en développant des vecteurs à très longue portée capables de menacer les bases américaines au Japon, aux Philippines voire au-delà. En réaction, les États-Unis, mais aussi des acteurs aux moyens plus réduits comme la Corée du Sud, se dotent et déploient des armes capables de faire peser une menace significative sur le théâtre. Le développement autonome de capacités de frappe à longue portée fait aussi partie intégrante de la stratégie régionale de l’Iran et de ses relais d’influence face à Israël mais aussi vis-à-vis de ses compétiteurs régionaux potentiels.

Après des décennies d’érosion progressive de la régulation internationale de ces moyens de frappe dans la profondeur, l’Europe voit le dispositif russe évoluer à grande vitesse à l’épreuve du terrain ukrainien. Les salves de missiles s’enrichissent de drones à longue portée, démultipliant les profils de vol et complexifiant d’autant la tâche de la défense anti-aérienne des deux camps. Relativement simples à fabriquer et moins coûteux que des missiles de croisière modernes, ces vecteurs sont utilisés par des acteurs non étatiques comme les Houthis et constituent une menace sensible pour les armées européennes dont les défenses actuelles sont d’abord pensées pour des menaces du haut du spectre. Le conflit en Ukraine interroge donc les capacités européennes de frappe dans la profondeur, mais aussi leur défense face à ces menaces.

Quel modèle pour la France ?

La France dispose en la matière de capacités solides, mais peu nombreuses. L’armée de l’Air et de l’Espace ainsi que la Marine nationale peuvent compter sur les missiles de croisière SCALP et MdCN que des programmes en cours doivent compléter par des vecteurs plus performants d’ici la fin de la décennie. Cependant ces munitions ont été acquises en quantités limitées faute de moyens et plusieurs dizaines de SCALP acquis ont en outre été cédées à l’Ukraine. L’armée de Terre, de son côté, ne dispose plus que d’une poignée de lance-roquettes dont le retrait du service doit commencer à partir de 2027. De plus, elle n’est pas dotée des munitions à longue portée présentes dans les inventaires d’autres armées en Europe et ne peut tirer à plus de 80 kilomètres (km). Le conflit en Ukraine ayant souligné le besoin de disposer d’une capacité à plus longue portée pour s’attaquer à un dispositif adverse plus étalé et dispersé au-delà de la portée de l’artillerie-canon standard, le remplacement de ces systèmes doit marquer une montée en gamme à 150 km et plus pour une capacité terrestre française plutôt négligée depuis la fin de la guerre froide, faute de besoin et de budgets.

Développer une capacité de feux terrestres à plus longue portée doit aussi permettre à la France de remplir ses obligations vis-à-vis du dispositif OTAN dans le cadre d’un corps d’armée français complet, d’autant que le développement d’une capacité de frappe dans la très grande profondeur, audelà de 1 000 km est à l’étude dans un cadre européen multinational. Les capacités navales et aériennes bénéficient elles aussi de programmes de développement de vecteurs plus manoeuvrants et rapides ou plus furtifs, menés en coopération avec le Royaume-Uni.

Alors que la compétition internationale se fait de plus en plus agressive et décomplexée, les capacités de frappe dans la profondeur y prennent une part plus importante, contraignant tous les acteurs à s’y intéresser, sous peine d’être mis en situation de vulnérabilité, d’un point de vue offensif comme défensif.


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La frappe dans la profondeur : un nouvel outil pour la compétition stratégique ?

Auteur(s)
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Héloïse FAYET

Héloïse Fayet

Chercheuse, responsable du programme dissuasion et prolifération, Centre des études de sécurité de l’Ifri

Domaines d’expertise : ​

  • Dissuasion nucléaire (doctrines et armements des États dotés)
  • Prolifération nucléaire et balistique
  • Géopolitique et forces armées du Moyen-Orient
  • Stratégie et politique du renseignement

 

 
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Léo Péria-Peigné

Léo Péria-Peigné est chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri où il travaille au sein de l’Observatoire des conflits futurs sur la prospective capacitaire en matière d’armement et sur l’emploi des systèmes d’armes à venir. Il travaille également sur l’emploi d’armement conventionnel en conflit asymétrique, notamment en Afghanistan.

Spécialiste des questions d’industrie de défense et sur la Turquie après un master en relations internationales et intelligence économique à Sciences Po Lille, il a rejoint l’Ifri début 2022 à l’issue de deux années dans le conseil et l’intelligence économique dans le domaine de l’armement et un passage au Commandement des opérations spéciales.

 

Carte – La portée des missiles ATCMS en territoire russe

Carte – La portée des missiles ATCMS en territoire russe

par Revue Conflits avec AFP – publié le 18 novembre 2024

https://www.revueconflits.com/carte-la-portee-des-missiles-atcms-en-territoire-russe/


Les États-Unis ont autorisé dimanche l’Ukraine à frapper le territoire russe avec les missiles longues portées ATCMS qu’ils lui fournissent. Un changement stratégique qui devrait permettre à l’Ukraine de gagner en profondeur stratégique et de disposer d’un argument supplémentaire en vue des négociations de paix. Volodymyr Zelenski a accueilli la nouvelle avec prudence, même s’il demandait cette possibilité de longue date.

Les ATACMS (Army Tactical Missile System) sont des missiles balistiques sol-sol capables de frapper une cible à plus de 300 kilomètres. Une première salve avait été livrée en octobre 2023, puis une deuxième au printemps 2024, mais les missiles étaient limités à 165 km pour éviter une escalade. Selon des responsables américains cités par le New York Times, « ces armes seront probablement utilisées dans un premier temps contre les troupes russes et nord-coréennes pour défendre les forces ukrainiennes dans la région de Koursk, à l’ouest de la Russie ».

L’armée ukrainienne n’est pas capable seule de tirer ce type de missile. Elle ne dispose pas, par exemple, des capacités de reconnaissance spatiale nécessaires. Le tir doit donc être réalisé avec des spécialistes de l’OTAN, ce qui entraînera une nouvelle escalade.

Carte de l’Ukraine et de la Russie montrant les régions russes à moins de 300 kilomètres des régions ukrainiennes contrôlées par Kiev, soit la portée potentielle des missiles longue portée de l’Ukraine sur le territoire russe / AFP / Valentina BRESCHI

Le faucon antiwoke Pete Hegseth pressenti comme futur secrétaire à la Défense de Trump

Le faucon antiwoke Pete Hegseth pressenti comme futur secrétaire à la Défense de Trump

U.S. Marine Corps image by Staff Sgt. Theodore Bergan

 

Donald Trump a déclaré mardi qu’il entend nommer Pete Hegseth (44 ans), chroniqueur pour Fox News depuis 2014 et vétéran de la Garde nationale américaine (il y servait avec le grade de capitaine), pour occuper le poste de secrétaire à la Défense.

D’autres noms étaient cités comme candidats potentiels à la Défense: le représentant Mike Rogers de l’Alabama, président républicain de la commission des forces armées de la Chambre des représentants ; le lieutenant-général à la retraite Keith Kellogg ; la sénatrice Joni Ernst, républicaine de l’Iowa et Robert Wilkie, ancien responsable du Pentagone qui était à la tête des Anciens combattants pendant le premier mandat de Trump.

Pete Hegseth, une fois sa nomination confirmée par le Sénat, pourrait réaliser la promesse de campagne faite par le président élu de débarrasser l’armée américaine des généraux qu’il accuse de privilégier des politiques progressives en matière de diversité.

Déjà dans le collimateur de Pete Hegset: le chef d’état-major interarmées, le général de l’armée de l’air Charles Quinton Brown. Pete Hegseth a en effet accusé C.Q. Brown, qui est afro-américain, de « poursuivre les positions radicales des hommes politiques de gauche ». Pete Hegseth, dans son dernier livre publié au mois de juin (au titre éloquent: « The War on Warriors: Behind the Betrayal of the Men Who Keep Us Free »), s’en est pris à C.Q. Brown, se demandant si ce dernier aurait été nommé à son poste s’il n’avait pas été noir: « Etait-ce en raison de sa couleur de peau ou de ses compétences? Nous ne saurons jamais mais douterons toujours, ce qui, à première vue, peut sembler injuste pour C.Q.. Mais comme il est celui qui a fait de la carte raciale l’une des plus importante, cela a peu d’importance », a écrit Pete Hegseth.

En annonçant sa décision, Donald Trump a chanté les louanges de Hegseth, un vétéran de l’Army national guard qui, selon son site internet, a servi en Afghanistan, en Irak et à Guantanamo Bay, à Cuba. « Pete est coriace, intelligent et il croit véritablement en l »America First », a dit Donald Trump dans un communiqué. « Avec Pete aux commandes, les ennemis de l’Amérique sont prévenus. Sa grandeur sera rendue à notre armée et l’Amérique ne cédera jamais. »

Pete Hegseth a dit avoir quitté l’armée en 2021, après avoir été considéré comme un extrémiste par une institution qui ne voulait plus de lui.

Coll. particulière

Dans un post du 27 octobre (« Etats-Unis: en attendant l’épuration dans l’Institution militaire« ), je m’interrogeais: « Trump veut-il la peau des chefs militaires américains? ». La réponse devient de plus en évidente. L’inquiétude règne déjà au Pentagone, où les craintes de voir Donald Trump évincer des officiers et des fonctionnaires du DoD qui seraient, selon lui, déloyaux, sont vives (voir mon article du 8 novembre où je rappelle que Donald Trump a promis de « virer les bureaucrates voyous », « les ripoux et les cafteurs de la Défense et de la sécurité nationale où ils sont nombreux »).

L’Europe aussi dans le collimateur
Les pays européens ont certainement aussi de quoi s’inquiéter. Visiblement, pas de mansuétude à attendre du futur Secrétaire à la Défense. « Obsolète, surpassée en puissance de feu, envahie et impotente »: voilà le portrait de l’Europe selon Hegseth.

« Pourquoi l’Amérique, le ‘numéro d’urgence » de l’Europe depuis un siècle, devrait-elle écouter des pays bien-pensants et impotents, qui nous demandent d’honorer des accords de défense dépassés et unilatéraux à la hauteur desquels ils ne parviennent plus à se hisser? », s’est aussi demandé le très Natosceptique Pete Hegseth dans son récent livre.

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air


En 2035, les quatre avions E-3F SDCA [Système de Détection et de Commandement Aéroporté], communément appelés AWACS, totaliseront près de 45 ans de service au sein du 36e Escadron de détection et de commandement aéroportés [EDCA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].

Or, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas de lancer un programme pour leur trouver des successeurs dans les années qui viennent. « Le remplacement de quatre systèmes de détection et de contrôle aéroporté [AWACS] pourrait reposer sur la capacité aérienne de surveillance et de contrôle de l’Alliance [AFSC] », précise seulement le texte.

Pour rappel, en novembre 2023, l’Otan a indiqué qu’elle remplacerait les 14 E-3A Sentry de sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] par six E-7A Wedgetail, acquis auprès de l’américain Boeing, d’ici 2030.

Quoi qu’il en soit, pour le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion », le remplacement des E-3F SDCA ne doit pas attendre 2035, même si ceux-ci ont été régulièrement modernisés depuis leurs entrée en service.

« L’avion radar E-3F est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. [Il] permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations », a d’abord rappelé le rapporteur.

Mais étant donné que le tableau capacitaire mis en annexe de la LPM 2024-30 n’évoque pas leur remplacement, il est logique que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoie pas d’autorisations d’engagement de crédits pour lancer un programme afin d’acquérir de nouveaux avions d’alerte avancée. Ce qui est une erreur pour M. Cormier-Bouligeon.

« Repousser la durée de vie de nos AWACS actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie », a-t-il fait valoir.

Aussi, a-t-il continué, il « semble donc urgent de décider du successeur de l’AWACS, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire ».

Visiblement, le député a une idée précise de la solution qu’il conviendrait à adopter. Malgré la référence faite implicitement à l’E-7A Wedgetail par la LPM 2024-30, le meilleur choix, selon lui, serait le système GlobalEye, développé par le suédois Saab [et écarté par l’Otan au profit de l’avion de Boeing].

« Les premiers essais du système GlobalEye de Saab par l’armée de l’Air et de l’Espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail […], constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède [acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW] », a fait valoir M. Cormier-Bouligeon.

L’hypothèse d’un achat de systèmes GlobalEye pour remplacer les E-3F SDCA circule déjà depuis plusieurs mois. Elle a notamment été évoquée par Intelligence OnLine et le quotidien Les Échos, pour qui le Falcon 10X de Dassault Aviation serait pressenti pour mettre en œuvre cette capacité.

Pour rappel, la solution de Saab repose actuellement sur l’avion d’affaires Bombardier Global 6000. Ce dernier est doté de capteurs résistants au brouillage électronique, d’un radar à longue portée Erieye ER, d’un radar à antenne active SeaSpray [fourni par Leonardo] et d’une boule optronique. Les données qu’il collecte dans une rayon de 400 km sont ensuite fusionnées au sein d’un système de commandement et de contrôle [C2] multi-domaines.

Photo : Armée de l’Air & de l’Espace

300 milliards de dollars au soleil

300 milliards de dollars au soleil

par Olivier DUJARDIN – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°161 / novembre 2024


A la date d’août 2024, l’Ukraine a reçu plus de 300 milliards d’euros[1] d’aide des pays européens, des États-Unis et d’autres alliés. L’Union européenne prévoit également de lui octroyer 35 milliards d’euros supplémentaires en 2025[2].

Certains considèrent que cet engagement financier est justifié, estimant que l’avenir de l’Europe se joue en Ukraine : « les véritables enjeux du conflit en Ukraine dépassent les questions de territoires et visent à remettre en cause notre modèle européen de société démocratique. (…) La cessation des hostilités ne servirait qu’à permettre à la Russie de reconstituer ses forces afin de repartir à l’assaut de ses voisins occidentaux, à commencer par les pays baltes et la Pologne[3] ».

Face à ces arguments et à d’autres qui vont dans le même sens, évoquant une guerre existentielle pour l’Europe et insistant sur la nécessité de soutenir l’Ukraine à tout prix, se pose toutefois la question de leur pertinence : les raisons avancées sont-elles réellement fondées ? Étudions-les une à une.

 

  1. « La guerre d’Ukraine est une remise en cause de notre modèle de société démocratique »

Cette affirmation est souvent relayée, mais l’argumentation reste floue : en quoi la défaite de l’Ukraine ou l’installation d’un gouvernement pro-russe menacerait-elle notre modèle de société démocratique ? L’Ukraine a déjà connu des gouvernements « pro-russes » sans que cela ait affecté nos institutions. D’ailleurs, nos relations avec des États peu démocratiques, comme les monarchies du Golfe, ne semblent pas remettre en cause notre propre modèle. Si l’Ukraine se situe géographiquement en Europe, l’impact de cette proximité reste limité, notamment sur le plan économique : en 2021, les échanges commerciaux entre la France et l’Ukraine n’étaient que de 2,1 milliards d’euros[4], bien en deçà des 4,8 milliards avec l’Arabie saoudite[5]. Ces échanges commerciaux montrent que les relations avec un pays peu démocratique ne posent pas nécessairement de dilemme moral. Nous ne partageons pas les mêmes valeurs, et après ?

Alors oui, la Russie essaie d’influencer les opinions publiques européennes. Mais là encore, la propagande russe, tant dénoncée, est à relativiser. Tous les médias russes ont été censurés et nous sommes bien davantage exposés à la propagande ukrainienne, sauf si l’on considère de manière totalement manichéenne que seuls les Russes mentent. De plus, la propagande russe qui nous parvient est automatiquement présentée comme telle, dénoncée et décortiquée. On aimerait, de la part de nos médias, autant de rigueur face à la propagande ukrainienne ou même américaine. L’affrontement dans le domaine communicationnel n’est qu’un pan de notre affrontement indirect avec Moscou. Les jours où les choses s’apaiseront diplomatiquement avec la Russie, nous verrons aussi cette guerre de communication se calmer.

Moscou n’a que faire de notre modèle de société. Les Russes ont le leur et nous le nôtre. Cela n’a jamais empêché les deux États d’entretenir des relations diplomatiques et économiques.

Donc non, dire que « les véritables enjeux du conflit en Ukraine dépassent les questions de territoires et visent à remettre en cause notre modèle européen de société démocratique » est un leurre qui ne repose sur aucun argument solide.

 

  1. « Arrêter les armées russes en Ukraine, c’est empêcher la guerre en Europe »

Un autre argument-phare assure que, si la Russie remporte la guerre en Ukraine, elle ne s’arrêtera pas là et nos propres pays deviendront alors des cibles. Selon cette logique, prôner la paix reviendrait à offrir à la Russie le temps de se préparer à mieux nous agresser par la suite. Cette vision est souvent comparée à « l’esprit munichois » – une analogie qui frôle le point Godwin[6] –, rappelant les erreurs passées d’apaisement qui rendraient la guerre inévitable. Mais une question essentielle reste en suspens : pourquoi la Russie voudrait-elle attaquer la Pologne, les États baltes ou la Finlande ?

Quel projet stratégique pourrait justifier pour Moscou une offensive contre des pays européens ? L’idée du rêve de reconstitution de l’empire soviétique est souvent invoquée par certains experts, mais cette hypothèse repose davantage sur des projections que sur des faits concrets. Poutine cherche sans aucun doute à maintenir la Russie comme une puissance mondiale crainte et respectée, mais cela est bien différent d’une ambition expansionniste visant à soumettre militairement l’Europe.

Certes, il est légitime de considérer le cas des pays baltes, où existent des minorités russophones importantes. Cependant, l’adhésion de ces États à l’OTAN rendrait une attaque russe extrêmement risquée, si tant est que Moscou en ait les capacités militaires et humaines. La Moldavie pourrait éventuellement être un objectif, mais encore faudrait-il que les forces russes soient capables d’y parvenir, un défi majeur étant donné leur situation actuelle sur le front ukrainien et la distance qu’il leur resterait à parcourir. Conquérir et occuper un pays hostile exige des ressources humaines que la Russie ne possède pas – que ce soit pour la Pologne, la Finlande, ou même l’Ukraine entière.

L’argument selon lequel soutenir militairement l’Ukraine aujourd’hui permettrait de protéger l’Europe d’un conflit futur avec la Russie relève donc davantage de la peur que de la réalité. Ceux qui promeuvent cette vision sont souvent les mêmes qui brocardent la performance militaire russe en Ukraine. Il est incohérent de railler l’armée russe pour ses faiblesses tout en la présentant comme une menace pour l’Europe entière. En réalité, cette prétendue menace russe joue sur des peurs irrationnelles et justifie ainsi le soutien militaire et financier à l’Ukraine auprès de nos populations.

 

  1. « Soutenir les Ukrainiens est une question morale, au nom de nos valeurs »

La Russie a attaqué militairement et violé les frontières d’un pays qui ne la menaçait pas directement, enfreignant par là-même le droit international ainsi que les mémorandums de Budapest. L’armée russe a également commis et commet des crimes de guerre lors de ce conflit. C’est une réalité tout à fait condamnable sur le principe, mais il ne faudrait pas non plus oublier que l’armée ukrainienne a commis et commet également des crimes de guerre. Malheureusement, toute guerre expose à ce genre de « dérapages » et les exemples récents ne manquent pas.  

Maintenant, ces violations du droit international ne sont pas l’exclusivité de la Russie et l’indignation qui touche nos opinions n’est pas vraiment du même ordre selon qui commet ces actes. Personne ne songe à appliquer des sanctions à la Turquie, ni à critiquer publiquement Ankara pour son invasion et son occupation illégale de l’île de Chypre depuis 1974. Nous semblons nous en accommoder très bien. Nous pourrions parler de l’invasion de l’Irak en 2003 et des crimes de guerre perpétrés en toute impunité par l’armée américaine (prison d’Abu Ghraïb par exemple) sans que cela n’ait provoqué de grandes protestations chez nous. Que dire de la situation actuelle à Gaza et au Sud-Liban, si ce n’est que, là encore, les protestations sont pour le moins modestes malgré les très graves crimes de guerre qui y sont commis. Personne n’a envisagé d’imposer de lourdes sanctions économiques à l’État d’Israël et ni à inculper son Premier ministre et la démarche de la Cour pénale international semble au point mort malgré la demande émise. De même, nous continuons à soutenir Paul Kagamé, président du Rwanda, qui appuie le mouvement M23 responsable de très graves exactions en République démocratique du Congo. Et la liste des exemples pourrait continuer, car elle est encore longue.

Certes, il y a bien sûr les nouveaux « missionnaires » des plateaux TV, défendant l’idée de l’universalisme de nos « valeurs » qui devraient s’imposer au monde et qu’il convient donc d’inculquer à tous, à coups de canons s’il le faut. Mais de quoi s’agit-il quand on nous parle de la défense de « nos valeurs » ? De quelles valeurs parle-t-on exactement vu qu’elles semblent à géométrie très variable ? Cet argument n’apparaît alors que comme un argument moral destiné à susciter l’émotion, bien éloigné d’une réflexion équitable quant aux principes de justice.

 

  1. « Il convient de faire respecter le droit international »

En théorie, l’ONU est censée instaurer un certain ordre mondial auquel chaque État doit se conformer. Cependant, dans la réalité, le monde n’a jamais été véritablement régi par le droit, mais bien par la loi du plus fort. La géopolitique pourrait se résumer par une réplique célèbre d’Audiard dans 100 000 dollars au soleil où le personnage de Jean-Paul Belmondo déclare : « Tu sais, quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent. »

Transposée au contexte international, cette citation pourrait devenir : « Quand les pays dotés de l’arme nucléaire parlent, ceux qui n’en disposent pas écoutent. » Même si cette vision est simpliste, car la dissuasion conventionnelle joue également un rôle important, il n’en demeure pas moins que seuls trois pays – les États-Unis, la Russie et la Chine – ont réellement la capacité d’imposer leur volonté. La France et la Grande-Bretagne quant à elles ne disposent pas de moyens de dissuasion conventionnelle suffisamment importants et se trouvent donc reléguées au second rôle de dans l’ombre de la puissance américaine. Quant aux autres États, ils se placent plus ou moins dans l’orbite de l’un de ces trois blocs ou, s’ils sont suffisamment puissants comme l’Inde, parviennent à maintenir une position d’équilibre.

Il ne s’agit pas ici de cynisme, mais d’une simple observation de la réalité. Si la géopolitique mondiale fonctionnait autrement, il n’existerait pas de membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU avec un droit de veto, ce privilège permettant à ces nations de s’affranchir du droit international quand cela sert leurs intérêts. En définitive, ce qui prime dans les relations internationales, ce n’est pas la stricte adhésion aux règles, mais la protection de ses intérêts et la préservation de sa sphère d’influence.

 

  1. « Les États sont libres de nouer les alliances qu’ils souhaitent »

Cet argument est souvent évoqué : l’Ukraine, en tant que pays souverain, devrait pouvoir choisir librement ses alliances, que ce soit avec l’OTAN ou l’Union européenne, sans devoir en référer à Moscou. Théoriquement, cela semble parfaitement justifié, mais la réalité est plus complexe.

Les États-Unis, durant la Guerre froide, ont largement façonné leur « étranger proche » – le continent américain –, intervenant directement pour s’assurer de la loyauté des gouvernements. Ils n’ont pas hésité à orchestrer des coups d’État et à soutenir des régimes dictatoriaux pour préserver leur influence régionale. Cette politique persiste aujourd’hui : l’embargo sur Cuba, par exemple, n’a pas de justification sécuritaire directe – l’armée cubaine n’a jamais représenté une réelle menace pour les États-Unis – mais relève de cette logique de contrôle de leur voisinage.

La Chine adopte une approche similaire en renforçant sa présence en mer de Chine méridionale, construisant des îles artificielles qu’elle militarise. Cette stratégie s’étend également à la Corée du Nord dont l’existence, en tant que zone tampon avec la Corée du Sud, offre à Pékin une profondeur stratégique précieuse. En somme, à l’instar des États-Unis sur le continent américain, la Chine façonne son voisinage immédiat en Asie pour préserver ses intérêts stratégiques.

De son côté, la Russie considère l’OTAN comme une menace potentielle depuis des décennies[7]. Dès les années 1990, les désaccords se sont multipliés et l’intervention de l’Alliance en 1999 contre la Serbie a renforcé sa perception d’une organisation perçue comme agressive et soumise aux intérêts américains. Sa progression vers ses frontières est vue par Moscou comme une atteinte directe à sa sécurité. Bien que le Kremlin instrumentalise en partie cette méfiance pour consolider son régime, cette attitude découle aussi d’une frustration ancienne liée à son exclusion progressive du système de sécurité européen, auquel elle souhaitait pourtant être intégrée.

Le Kremlin estime que l’OTAN ignore les intérêts de sécurité de la Russie et refuse de la considérer d’égal à égal. Certains analystes russes considèrent les interventions de l’OTAN en Afghanistan et en Libye comme des actions de déstabilisation de la région, minant la crédibilité de l’Alliance. Que cette vision soit fondée ou non, il est essentiel de comprendre que c’est là la perception de Moscou. George Friedman[8] rappelle l’importance de la « profondeur géographique » pour l’état-major russe, soulignant que son immense territoire a toujours joué un rôle clé dans la résistance aux tentatives d’invasion au fil de l’histoire. Moscou attribue donc une importance stratégique aux zones tampons pour assurer sa sécurité, une logique qui n’est pas si différente de celle des États-Unis ou de la Chine, qui cherchent également à établir des « glacis protecteurs. »

Historiquement, les grandes puissances ont toujours agi de la sorte, soumettant leurs voisins moins puissants pour s’assurer une profondeur stratégique face à leurs rivaux géostratégiques. En réalité, le choix des alliances a rarement été libre pour les pays, mais souvent influencé, voire imposé, par la puissance dominante de leur sphère régionale.

 

  1. « Soutenir l’Ukraine pour lui permettre d’obtenir un rapport de force favorable en vue des négociations »

Cet argument a émergé lorsque l’évidence s’est imposée : l’Ukraine ne pouvait plus raisonnablement espérer une victoire militaire décisive face à la Russie ni atteindre ses objectifs de guerre. Désormais, l’objectif de l’Occident est de renforcer la position militaire de Kiev pour lui permettre d’imposer un rapport de force favorable et obtenir une paix « juste », selon les termes de Zelensky, bien que les contours de cette paix restent indéfinis. Concrètement, cela impliquerait un prolongement du conflit jusqu’à ce que la Russie se voit contrainte à des concessions majeures envers l’Ukraine.

Or, sur le terrain, la situation militaire semble se dégrader de plus en plus vite pour l’Ukraine[9] et l’aide militaire des pays occidentaux se réduit progressivement. Il apparaît ainsi peu probable que des pourparlers se concluent sans d’importantes concessions ukrainiennes. Cette évolution amène à s’interroger sur les réels bénéfices d’une poursuite de la guerre pour l’Ukraine, alors que les semaines et mois à venir pourraient voir une détérioration encore plus marquée de sa situation militaire.

Cet argument paraît donc manquer de pertinence et vient s’ajouter à une suite de justifications de plus en plus discutables pour éviter de poser la question de fond sur les véritables raisons du soutien à l’Ukraine et les objectifs concrets poursuivis.

Si les arguments avancés pour justifier notre soutien à l’Ukraine semblent discutables, pourquoi notre gouvernement et ceux d’autres pays européens se montrent-ils si investis dans cette cause ? Et, plus encore, pourquoi n’énoncent-ils pas clairement les raisons réelles de cet engagement ? Peut-être que ces motivations cachées sont moins liées aux intérêts stratégiques européens qu’à ceux de Washington ? Le sabotage des gazoducs Nord Stream n’est plus attribué à la Russie et les enquêtes diligentées par les riverains de la Baltique sont abandonnées les unes après les autres sans avoir rien donné, ce qui est peut-être un indice parmi d’autres du véritable responsable… Chacun se fera son opinion sur ces questions.

Aujourd’hui, le débat ne devrait pas uniquement porter sur la poursuite ou non du soutien à l’Ukraine, mais sur les motivations véritables qui le justifient. Les citoyens ont le droit de comprendre les raisons de cette aide, notamment en France, dans un contexte où les décisions budgétaires de 2025 imposeront 60 milliards d’euros d’économie alors même que 3 milliards ont été transférés à Kiev en 2024. N’est-ce pas précisément cette transparence qui est censée nous différencier des régimes autoritaires comme celui de la Russie ?

Cette réflexion n’implique pas un rejet du soutien à l’Ukraine, mais appelle plutôt à poser des objectifs clairs et réalistes. Le soutien militaire et financier ne peut se prolonger efficacement que si nos moyens financiers, industriels et militaires[10] sont pris en compte. Comme le souligne Pascal Boniface[11], « il ne faut pas confondre le souhaitable et le possible ». Nous pouvons nourrir de nombreuses aspirations, mais seules celles réalisables méritent d’être poursuivies.

Enfin, il devient nécessaire de cesser de brandir une morale façonnée pour la circonstance, nous incitant à aider l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra ». Une position durable exige des justifications honnêtes et des objectifs concrets surtout à l’heure où les États-Unis de Donald Trump pourraient se détourner de la question ukrainienne et nous laisser seuls dans cette posture.


[1] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/08/20/l-allemagne-fait-partie-des-pays-qui-ont-le-plus-aide-l-ukraine-depuis-le-debut-de-l-invasion-russe_6126677_4355775.html

[2] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/10/les-europeens-s-accordent-sur-une-nouvelle-aide-financiere-a-l-ukraine_6347851_3210.html

[3] https://www.senat.fr/rap/r23-254/r23-254-syn.pdf

[4] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/UA/relations-commerciales-bilaterales-france-ukraine

[5] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2023/10/22/les-echanges-commerciaux-bilateraux-entre-la-france-et-l-arabie-saoudite-au-1er-semestre-2023

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin

[7] https://www.areion24.news/2020/05/06/la-russie-et-son-environnement-securitaire/

[8] Politologue américain, fondateur et ancien dirigeant de la société de renseignement Stratfor.

[9] https://cf2r.org/actualite/situation-militaire-critique-pour-lukraine-quelles-options/

[10] https://cf2r.org/reflexion/laide-occidentale-peut-elle-priverkiev-dune-victoire/

[11] https://www.youtube.com/watch?v=ilO15MREl0A

Georgie, Moldavie, Ukraine : le reflux géopolitique euro-atlantiste

Georgie, Moldavie, Ukraine : le reflux géopolitique euro-atlantiste

Pierre-Emmanuel Thomann* – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°659 / novembre 2024

*Docteur en géopolitique

La victoire du parti « Rêve géorgien » en Géorgie, le mauvais résultat lors du référendum sur l’adhésion à l’UE en Moldavie – où la majorité des Moldaves résidents ont voté NON, tandis que le OUI n’est passé qu’avec les voix de la diaspora dans l’UE et dont la légitimité est douteuse –, mais aussi l’élection présidentielle dans ce pays remportée par la présidente sortante Maia Sandu avec les voix de la diaspora de l’UE (elle est Roumaine et a été formatée par sa carrière précédente aux États-Unis), signifient en réalité un renversement de la tendance à l’extension inéluctable de l’espace euro-atlantique et annonce le reflux géopolitique de l’UE mais aussi de l’OTAN.

En effet, suite à la victoire géopolitique de plus en plus inéluctable de la Russie en Ukraine, où la seule inconnue réside dans le nouveau tracé de la frontière à la suite du processus de réunification russe, les citoyens et gouvernement des pays qui ont fait partie du monde russe (et s’en rapprochent à nouveau) ont appris de l’histoire récente. Ils ont remarqué que les pays qui se sont positionnés comme États-fronts contre la Russie sont devenus un champ de bataille entre les États-Unis et la Russie au détriment de leur sécurité et de leur économie, et ont perdu des territoires au cours cet affrontement.

Le positionnement du parti « Rêve géorgien » est ainsi le plus en phase avec les intérêts de sécurité de la Géorgie. Les Géorgiens lucides ont bien compris que positionner leur pays comme instrument de Washington pour encercler la Russie (cf. carte) ne pouvait qu’aboutir à en faire un champ de bataille au seul profit des Américains et de leurs supplétifs de l’OTAN et de l’UE, qui cherchent à les instrumentaliser. La promesse du « Rêve géorgien » était de refuser un politique de sanctions contre la Russie (ce qui détruirait l’économie géorgienne) et d’éviter un nouveau conflit avec la Moscou. D’où le résultat des élections en sa faveur, malgré la tentative de changement de régime raté de la présidente Salomé Zourabichvili, qui travaille pour les intérêts euro-atlantistes sous couvert d’élargissement à l’UE. Les intérêts de la Géorgie sont secondaires pour l’UE qui ne s’intéresse qu’à son « occidentalisation », c’est-à-dire à la réorienter géopolitiquement pour la détacher de Moscou et imposer son modèle de démocratie libérale d’inspiration américaine en synergie avec Washington et l’OTAN. Pour survivre comme civilisation, et au vu de sa position géographique (en Asie) et de sa culture, la Géorgie a intérêt à se rapprocher du monde russe dont elle a fait partie : c’est le sens de la géohistoire. L’occidentalisation (américanisation) de la Géorgie promue par les idéologues admirateurs de l’Occident américanisé, ferait disparaitre la Géorgie comme entité civilisationnelle, c’est donc une dangereuse illusion. Il en va de même pour l’Ukraine et la Moldavie qui risquent l’alinéation géopolitique et culturelle en s’occidentalisant.

Les Géorgiens ont appris des conflits récents en observant la défaite inéluctable du régime de Kiev qui a fait l’erreur stratégique funeste de se positionner comme État-front contre la Russie. Il ont aussi l’expérience de la guerre Russie-Géorgie de 2008 déclenchée par l’ancien président Mikhaïl Saaskachvili, promoteur des intérêts américains et finalement lâché par Washington qui lui avait pourtant promis à long terme une adhésion à l’OTAN avec pour résultat de provoquer la Russie, comme en Ukraine. Ce conflit de 2008 a constitué la première guerre du monde multipolaire : les États-Unis, qui ont tenté, via à la Géorgie, de poursuivre l’élargissement de leur stratégie d’encerclement et de fragmentation de l’Eurasie pour imposer le monde unipolaire, n’ont pas pu absorber ce pays en raison de la réaction russe. Ils continuent cependant de soutenir les forces politiques favorables à l’occidentalisation pour reprendre la manœuvre contre Moscou, à un moment plus favorable.

Après l’échec, pour l’UE, des deux évènements électoraux en Géorgie et en Moldavie, et la défaite des États membres de l’OTAN en Ukraine, c’est un scénario alternatif qui se profile. L’OTAN et l’UE, telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui, ne s’élargiront ni à la Géorgie, ni à l’Ukraine, ni la Moldavie. La réforme de ces deux institutions aux paradigmes de plus en plus obsolètes – défendre la stabilité et la prospérité européennes dans un nouvel ordre géopolitique post-américain, car créées pendant le Guerre froide et consolidées lors du monde unipolaire après la disparition de l’URSS – est une illusion. Les États membres de l’UE et de l’OTAN se diviseront de plus en plus sur la question de l’élargissement et les citoyens de l’UE y sont de plus en plus largement opposés. Seuls les gouvernements vassalisés à Washington y sont favorables et cherchent à accélérer le processus pour éviter que ces pays coopèrent avec Moscou. La visite du Premier ministre hongrois Victor Orban à Tbilissi pour féliciter la victoire électorale du gouvernement géorgien a torpillé toute velléité de l’UE de promouvoir un changement de régime et annonce la fragmentation géopolitique croissante de l’UE, mais aussi de l’OTAN, sur cette question. Les angles morts de la politique d’élargissement de l’UE englobent aussi : l’ambition géopolitique de l’Allemagne – qui cherche à reconstruire sa zone d’influence en Europe centrale et orientale au détriment de la Russie sous le parapluie nucléaire américain –, le projet d’annexion de la Moldavie par la Roumanie, les visées polonaises dans l’Ouest de l’Ukraine (Silésie) et la France, au départ réticente à l’élargissement, mais qui s’est alignée pour contrebalancer l’Allemagne. Tous ces projets sont surtout susceptibles d’aboutir au dépeçage géopolitique de ces pays candidats, dans la pure tradition de la géopolitique du XIXe et XXe siècles.

 

L’Europe coalisée contre la France : Les deux Bruxelles contre la France (1/2)

L’Europe coalisée contre la France : Les deux Bruxelles contre la France (1/2)

OPINION – Où va l’Union européenne dans le domaine de l’industrie de la défense ? Selon le groupe Vauban, la création d’un marché unique au niveau européen ouvrira la porte aux industriels américains, israéliens et sud-coréens avec la création d’une autorité centralisée européenne de l’industrie de défense. Elle permettra une « coordination améliorée pour agréger l’acquisition de systèmes américains par des groupes d’États-Membres de l’UE », selon une recommandation du rapport Draghi. C’est pour cela que la France doit quitter et l’OTAN et l’Union européenne, selon le groupe Vauban.

« L'Europe ne faisant pas le poids face à l'OTAN, la seule issue à ce conflit, déjà palpable à Bruxelles, sera une supranationalité soigneusement encadrée ou recadrée par les Etats-Unis pour, à la fois, assoir leur leadership politique en Europe (un théâtre d'opération majeur pour eux quoiqu'en dise) et s'assurer des parts dominantes dans le marché européen de la Défense » (Le groupe Vauban)
« L’Europe ne faisant pas le poids face à l’OTAN, la seule issue à ce conflit, déjà palpable à Bruxelles, sera une supranationalité soigneusement encadrée ou recadrée par les Etats-Unis pour, à la fois, assoir leur leadership politique en Europe (un théâtre d’opération majeur pour eux quoiqu’en dise) et s’assurer des parts dominantes dans le marché européen de la Défense » (Le groupe Vauban) (Crédits : Commission européenne)

 

Dans sa longue histoire, la France s’est régulièrement retrouvée seule face à une Europe coalisée contre elle : la force de son État-nation, de son génie diplomatique et militaire et de son rayonnement culturel lui a toujours permis d’y faire face. Les guerres de Louis XIV puis celles de la Révolution et de l’Empire, jusqu’aux décisions diplomatiques et militaires du général de Gaulle, en témoignent. L’Histoire se répète aujourd’hui sous d’autres formes, moins épiques mais tout aussi décisives : la résurrection de la Communauté Européenne de Défense de 1952, l’alliance germano-italienne dans le domaine terrestre (avant son prolongement ultérieur dans le domaine naval), et l’accord germano-britannique de Trinity House, prenant à revers le Traité de Lancaster House et celui d’Aix-la-Chapelle, en sont trois récentes manifestations.

Au terme de ces développements, la France n’est nulle part dans une Europe qu’elle prétend pourtant bâtir mais qu’elle n’a ni volonté ni constance pour la guider vers le sens de ses intérêts.

Bruxelles la fédérale ou la « volière des cabris »

L’âme de la première coalition anti-française est à Bruxelles. S’arrogeant des compétences qu’aucun traité ne lui reconnaît, la Commission européenne, pourtant gardienne des traités, use et abuse des mêmes procédés, dénoncés en son temps par la France lors de la politique de la chaise vide (mai – juillet 1965) : utilisant avec zèle son droit d’initiative, elle prend prétexte du marché intérieur pour réglementer le domaine de la défense, sanctuaire pourtant exclusif des États-nations.

Avec ses manières à la fois arbitraires et bureaucratiques mais toujours opaques, car avançant masquée, elle promet à ce secteur le même sort que les autres domaines dont elle s’est occupée depuis 1958 : la ruine totale au profit de la concurrence extra-européenne. L’agriculture, les transports, l’énergie, la métallurgie, l’automobile ont été sacrifiés sur l’autel de ses décisions et de ses convictions : les mêmes remèdes produisant les mêmes causes, la défense ne fera pas exception.

En ce sens, le rapport Draghi et la nomination d’un Commissaire européen à la défense accélèrent le processus, amorcé en 1952 avec la CED. La marche fédérale de von der Leyen consiste en cinq étapes claires dont la caractéristique commune est de reposer sur des principes tous aussi faux que néfastes aux systèmes de défense de chaque État-membre :

  • D’abord, proclamer l’urgence en raison de la guerre en Ukraine et de la menace russe (voire du résultat redouté des élections américaines) : ce sentiment d’urgence, déjà utilisé lors de la crise du COVID pour faire de la santé – domaine intergouvernemental – un domaine communautaire, est la pédale d’accélérateur destinée à éviter les débats et prendre de court des États toujours aussi lents à réagir.
  • Cantonner ensuite les États aux seules questions de doctrine et d’emploi des forces, en détachant soigneusement les questions d’armement de ces domaines : la Commission s’affirme ainsi compétente en matière d’industrie de défense au nom de ses prérogatives générales en matière de marché intérieur, notamment dans le domaine de l’industrie et de la technologie ; or, sans industrie d’armement, il ne saurait être question de politique de défense et encore moins de capacités militaires. Cette séparation des composantes de la défense est une négation pure de la doctrine française, qui a toujours établi que pour bien faire la guerre, il faut soi-même être capable en national de concevoir, développer, produire et entretenir ses propres matériels ; cette politique industrielle a créé deux instruments efficaces : la DGA et des champions nationaux, maîtres d’œuvre de la dissuasion ;
  • Poursuivre l’élan avec la création d’un marché unique de la défense au nom de l’efficacité ; gouverné avec les mêmes principes ultra-libéraux qui l’ont toujours guidé, ce marché unique s’ouvrira sans réciprocité à la concurrence extra-européenne (américaine, israélienne et sud-coréenne, voire turque) au nom d’accords de commerce internationaux conclus sous la seule autorité de la Commission ; ce « single market for defence », censé « accroître la capacité de production et de soutenir les achats conjoints d’équipements européens » – ne résoudra rien car les racines du mal européen ne sont pas à rechercher dans les monopoles nationaux, mais bel et bien dans d’autres raisons que la Commission se refuse évidemment de mentionner : dans le désarmement généralisé que chaque pays a délibérément voulu ; dans des investissements de lâche confort extra-européens, américain, israélien et désormais sud-coréen, acquisitions qui ruinent toute préférence européenne pour les 50 ans à venir ; dans la mauvaise méthode de coopération dans les programmes où le plus incompétent des industriels devait toujours recevoir une part égale et qui finissent toujours par des retards, des surcoûts, des sous-performances (NH90, Tigre, A400M, Eurodrone, Eurofighter, etc) et des pertes d’emplois qualifiés (Airbus Defense & space actuellement).
  • Créer en parallèle une autorité centralisée européenne de l’industrie de défense (« centralised EU Defence Industry Authority ») pour faire « une programmation et des achats d’armement en commun, i.e. c’est-à-dire pour acheter en central au profit des États-Membres » (recommandation n° 9 du rapport Draghi, cité comme référence dans la lettre de mission de Mme von der Leyen vers Andrius Kubilius). Cette autorité permettra évidemment une « coordination améliorée pour agréger l’acquisition de systèmes américains par des groupes d’États-Membres de l’UE » (recommandation n°10 du rapport Draghi) : la préférence européenne est ainsi sacrifiée par ceux qui devraient la défendre…
  • Achever enfin la « véritable Union de Défense Européenne », nouvelle expression d’une Communauté Européenne de Défense qui verra, à son apogée la création d’une armée européenne sous la direction d’un Commissaire européen à la défense, prenant lui-même ses ordres auprès du SACEUR américain à l’OTAN.

L’Europe sous les fourches caudines américaines

Ce schéma n’est ni imaginaire ni exagéré : c’est très exactement l’Europe de la Défense que dessine le rapport Draghi et que M. Kubilius s’efforcera, pas à pas, de concrétiser durant son mandat. En ruinant assurément le secteur de l’industrie d’armement en Europe, il détruira l’objectif même recherché : la défense de l’Europe par elle-même. Que nombre d’États-membres n’aient pas protesté, se conçoit : comme le disait le général De Gaulle [1], « les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays-Bas sont dominés par les Américains ».

Mais il est tragique de constater qu’en France, il n’y aura plus communistes et gaullistes – ou un Mendès-France – pour faire échec à cette CED nouvelle version. Les communistes ont disparu et les gaullistes, depuis Jacques Chirac, se sont ralliés à la fédéralisation de l’Europe tout maintenant la doctrine de dissuasion française, refusant de voir que l’une sacrifie délibérément l’autre. Aucun parti, y compris le RN, ne va jouer le rôle-clé qu’il aurait pu jouer sur ce dossier, à l’instar de celui joué par le gaullisme en 1954.

Cette marche à la supranationalité ne sera donc pas freinée par les États-membres sans géopolitique ni par les partis souverainistes sans courage, mais bel et bien recadrée par ceux-là même à qui elles profitent in fine : l’OTAN et les Etats-Unis, car ce que Madame von Der Leyen n’a pas voulu voir ou dire, c’est que sa CED à elle, en faisant doublon à l’OTAN, se condamne d’elle-même.

  • Les capacités ? C’est l’OTAN.
  • Les normes pour l’industrie d’armement ? C’est encore l’OTAN.
  • La structure de commandement ? C’est toujours l’OTAN.
  • La force d’intervention ? C’est évidemment l’OTAN.

L’Europe ne faisant pas le poids face à l’OTAN, la seule issue à ce conflit, déjà palpable à Bruxelles, sera une supranationalité soigneusement encadrée ou recadrée par les Etats-Unis pour, à la fois, assoir leur leadership politique en Europe (un théâtre d’opération majeur pour eux quoiqu’en dise) et s’assurer des parts dominantes dans le marché européen de la Défense. « To get the U.S in, the Soviets out and the Germans down » : cette définition cynique de l’OTAN formulée par le premier Secrétaire-Général de l’OTAN, Lord Ismay, reste toujours d’actualité.

L’Europe de la défense de Mme von der Leyen se dissoudra donc dans le pilier européen de l’OTAN, donnant ainsi raison au général De Gaulle : « Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement Américain » [2].

La seule initiative qui subsistera sera la communautarisation forcée de l’industrie de défense des États-membres, annoncée dès le 8 juillet 2017 par Mme Goulard, éphémère ministre de la défense française : « Si nous voulons faire l’Europe de la défense, il va y avoir des restructurations à opérer, faire des choix de compatibilité et, à terme, des choix qui pourraient passer dans un premier temps pour aboutir à privilégier des consortiums dans lesquels les Français ne sont pas toujours leaders ». La perte de souveraineté industrielle assumée est toujours d’actualité si l’on en croit MM. Cingolani et Folgiero, respectivement PDG de Leonardo et de Fincantieri qui ont repris récemment la même antienne…tout en s’assurant que cette Europe industrielle-là se fera sous leur tutelle [3].

Au bilan, la seule « politique de la chaise vide » que la France aura faite, n’a pas été le fruit d’une décision d’un ministre de la défense français qui s’affiche gaulliste, mais de quelques industriels tricolores qui ont refusé de signer leur arrêt de mort sur l’autel de la fédéralisation de l’industrie d’armement. Deux d’entre eux sont les maîtres d’œuvre de la dissuasion : ce n’est pas un hasard tant la CED de Mme von Der Leyen est négatrice de la doctrine de dissuasion nationale qui suppose la souveraineté intégrale et non la servitude volontaire aux deux Bruxelles.

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[1] C’était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Tome II, page 296
[2] Op.cit.
[3] Propos extrêmement clairs de M. Cingolani, Corriere della Serra, 27 octobre 2024, liant perte de souveraineté et leadership« Dans l’espace, comme dans la défense, ce qui est petit n’est pas beau et même une taille moyenne comme la nôtre ne suffit pas : les entreprises européennes doivent s’allier, sacrifiant leur souveraineté sur le petit marché intérieur pour pouvoir rivaliser ensemble sur l’immense marché mondial. Leonardo fait office de sherpa dans ce domaine et avec Rheinmetall, nous avons atteint un premier sommet historique ».

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

« Le temps est venu pour l’Europe de se réarmer » Entretien avec Pierre Lellouche

« Le temps est venu pour l’Europe de se réarmer »

Entretien avec Pierre Lellouche

par Pierre Lellouche – Revue Conflits – publié le 30 octobre 2024

https://www.revueconflits.com/le-temps-est-venu-pour-leurope-de-se-rearmer-entretien-avec-pierre-lellouche/


Observateur attentif des relations internationales, Pierre Lellouche publie une analyse fouillée de la guerre en Ukraine et de ses conséquences mondiales : Engrenages – La guerre d’Ukraine et le basculement du monde. Dénonçant, une guerre de l’émotion engagée par les occidentaux, sans réflexion stratégique, en réaction à l’agression Russe de février 2022, il appelle les Européens en particulier à un réarmement intellectuel, politique et militaire pour relever les défis de l’après-guerre en Europe, comme dans le reste du monde déjà impacté par ce conflit.

Co-fondateur de l’IFRI (Institut Français des Relations internationales), puis Député, Ministre, Président de l’Assemblée Parlementaire de l’Otan, et Représentant Spécial de la France en Afghanistan-Pakistan, Pierre Lellouche a consacré l’essentiel de sa carrière aux questions internationales. Il vient de publier Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde (Odile Jacob).

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé

J.-B. N. : Dans votre dernier livre, Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde, vous analysez les dynamiques géopolitiques de ce conflit. Vous parlez notamment de la guerre en Ukraine comme d’une « sécession ». Pourquoi utiliser ce terme ?

P. L. : Ce terme s’impose, si l’on considère la longue histoire des relations entre ces deux peuples slaves, notamment les 300 ans d’intégration de l’Ukraine dans la Russie impériale, puis l’URSS, après 600 ans de domination, polonaise et lituanienne. En vérité, la Russie n’a jamais véritablement accepté que ce pays échappe à son orbite, même après l’indépendance de l’Ukraine en 1991. L’Ukraine, pour sa part, cherche à se libérer définitivement de cette tutelle historique, en particulier depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Cette guerre n’est donc rien d’autre qu’une guerre de sécession, prise dans l’affrontement entre Américains et Russes, où l’Ukraine tente de consolider son indépendance en s’appuyant cette fois sur l’Amérique et l’Europe face à une Russie qui souhaite la maintenir dans sa sphère d’influence. Le conflit actuel est l’aboutissement d’une série de tensions non résolues depuis la fin de la Guerre froide.

J.-B. N. : Vous comparez souvent cette situation avec la période qui a suivi le traité de Versailles. Pouvez-vous expliquer ce parallèle historique ?

 P. L. : Le parallèle est pertinent, car le traité de Versailles, de 1919 avait laissé sans réponse, nombre de questions géopolitiques capitales, comme le comprit très rapidement Jacques Bainville dans son ouvrage Les conséquences politiques de la paix (1919). À Versailles, d’ailleurs, la question ukrainienne avait été purement et simplement ignorée : par les vainqueurs comme par les vaincus, tandis qu’en Russie, les Bolcheviques comme les Russes Blancs considéreraient eux aussi l’Ukraine comme faisant partie intégrante de la Russie. En 1945, Staline traça les frontières de l’Ukraine moderne, mais à l’intérieur de l’Union soviétique, et Khrouchtchev y ajouta la Crimée en 1956, comme « cadeau » à la République Soviétique de Kiev.

La question se posa à nouveau en 1991 lors de l’effondrement de l’URSS : qu’allait-on faire de ce pays, à l’époque de 52 millions d’habitants et trois fois plus vaste que la France ? Confirmer son ancrage vers la Russie, ou l’accueillir à l’ouest, ou simplement lui donner un rôle de pont entre les deux camps et donc un statut de neutralité garantie par la communauté internationale ?  En vérité, les Occidentaux n’ont jamais voulu, ou su traiter cette question de manière explicite, pour des raisons tenant à l’indifférence, à l’ignorance, au business (le gaz russe bon marché), bref à une négligence stratégique, similaire aux années 1930. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine rappelle ces tensions géopolitiques mal gérées, amplifiées par l’élargissement de l’OTAN et l’incapacité des grandes puissances à s’entendre sur le statut de l’Ukraine.

J.-B. N. : Vous avez parlé d’une « guerre par procuration » entre l’OTAN et la Russie. Pouvez-vous expliciter cette notion ?

P. L. : La guerre d’Ukraine est devenue une guerre par procuration non déclarée entre l’OTAN et la Russie à partir d’avril 2022. Après l’échec de l’armée russe devant Kiev, et son retrait vers Karkiv en mars, les États-Unis, suivis par les pays européens, ont commencé à fournir des quantités massives d’armes, ainsi que des soutiens financiers considérables (au moins 300 milliards de dollars à ce jour). Le Secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, a été l’un des premiers à dire ouvertement que l’objectif était d’affaiblir l’armée russe et de « lui ôter toute envie de recommencer». On est alors entrés dans une dynamique de confrontation entre les deux camps autour de l’avenir de cette zone tampon, l’Ukraine, comprise entre l’Allemagne et la Russie. Comme à leur habitude, les Russes ont rapidement renversé leur discours : d’agresseur, ils prétendaient désormais être la victime d’une agression, de la part de « l’Occident collectif». Cependant, ce qui manque toujours du côté occidental, c’est une vision claire des buts de guerre. Clausewitz disait : « Le dessein politique est le but. La guerre est le moyen. Un moyen sans but ne se conçoit pas. » Une sentence que nos dirigeants devraient méditer…

Car on ne sait toujours pas ce que l’Occident veut réellement obtenir à l’issue de cette guerre. Est-ce la libération totale du territoire ukrainien, ce qui semble aujourd’hui hors de portée ? Ou bien la chute du régime de Poutine ? Cette ambiguïté affaiblit la stratégie occidentale, tandis que la lassitude gagne en Europe comme aux États-Unis, et que les caisses sont vides…

J.-B. N. : Donc l’Occident n’a pas d’objectif de guerre clair ?

P. L. : Exactement. Contrairement à la Russie, qui a défini des objectifs – même s’ils ont évolué au fil du conflit – l’Occident semble manquer de but précis. Au début, la Russie voulait sans doute occuper toute l’Ukraine et installer un régime pro-russe, mais cette ambition a échoué. Les Russes ont alors concentré leurs efforts sur le Donbass et la Crimée. L’objectif russe est donc plus ou moins clair aujourd’hui : maintenir le contrôle de ces régions. En revanche, du côté occidental, le discours se résume à un slogan assez flou : « aussi longtemps que nécessaire», sans que l’on sache vraiment ce que cela signifie. Nous sommes dans une guerre où les émotions dominent, mais sans véritable plan stratégique à long terme.

J.-B. N. : Vous mentionnez dans votre livre que la guerre en Ukraine entraîne des répercussions plus larges et s’inscrit dans un basculement du monde. Pouvez-vous nous en dire plus ?

P. L. : La guerre d’Ukraine marque un tournant majeur dans l’histoire du monde, 30 ans après la fin de la guerre froide, et ce pour deux raisons.

Cette guerre est d’abord fondamentale pour le devenir du système de sécurité en Europe même : le statut de cette zone stratégique, essentielle, comprise entre l’Allemagne et la Russie en est l’enjeu.  Cette question constituera le cœur de la future négociation de paix, sans doute à partir de l’an prochain.

Mais cette guerre est également fondamentale en ce qu’elle a provoqué l’accélération de nombre de mouvements telluriques déjà à l’œuvre dans la communauté internationale et dans les rapports de force entre les nations. Sans nous en rendre compte, nous avons fabriqué une alliance stratégique entre la Chine et la Russie – le cauchemar d’Henry Kissinger – une alliance à laquelle se sont joints deux États particulièrement toxiques, l’Iran et la Corée-du-Nord. Quatre puissances nucléaires : ce que j’appelle dans le livre, « les Quatre cavaliers de l’apocalypse ».

Nous assistons à une recomposition des alliances internationales, avec d’un côté l’Occident, et de l’autre, une grande alliance révisionniste, certes hétérogènes, formée par la Russie, la Chine, l’Iran, et la Corée du Nord. Cette alliance s’oppose de plus en plus ouvertement à l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale, dominé par les États-Unis et leurs alliés. Ce bloc révisionniste est soutenu par ce que la Russie appelle « la majorité du Sud global », des pays émergents et des puissances régionales qui ne veulent plus être soumis à la domination occidentale. Ils cherchent à construire un ordre alternatif, avec des institutions comme les BRICS ou des structures financières alternatives au système du dollar. Cette transformation marque un tournant majeur dans l’histoire du monde.

J.-B. N. : Vous soulignez également l’imbrication de la guerre en Ukraine avec d’autres conflits, notamment au Moyen-Orient. Pouvez-vous expliquer ce lien ?

P. L. : Oui, la guerre d’Ukraine a déjà métastasé. Il y a une connexion très nette entre la guerre d’Ukraine et d’autres zones de conflit, notamment au Moyen-Orient, où l’on retrouve les mêmes acteurs. L’Iran, par exemple, joue un rôle crucial dans ces deux théâtres. Il fournit des drones et des armes à la Russie, qui les utilise contre l’Ukraine. En même temps, l’Iran mène une guerre contre Israël, soutenu par des puissances comme la Chine qui contourne les sanctions en achetant du pétrole iranien.

Ces guerres sont interconnectées à travers des alliances stratégiques, économiques et militaires. Par exemple, la Corée du Nord, qui soutient la Russie en fournissant des armes et désormais des soldats, se voit en retour protégée par Moscou et Pékin sur la scène internationale. Ces dynamiques montrent que la guerre en Ukraine a déclenché une série de répercussions dans d’autres régions du monde, notamment au Moyen-Orient, en Asie, et même en Afrique, où l’influence américaine et française est remise en question.

J.-B. N. : À quoi pourrait ressembler une issue négociée à ce conflit selon vous ?

P. L. : Un accord de paix est possible, mais sera-t-il solide et surtout durable ? Où allons-nous refermer la plaie en laissant l’infection à l’intérieur ? Dans les grandes lignes, l’essentiel de l’accord a déjà été négocié entre les belligérants dès avril 2022, sous médiation turque (je publie en annexe, dans mon livre, l’essentiel du projet d’accord alors négocié).

Les deux parties devront d’abord se mettre d’accord sur un partage territorial que naturellement ni l’Ukraine, ni les Occidentaux ne reconnaîtront comme définitif, de même que dans les années 40, nous n’avions pas, nous Occidentaux, reconnu la partition de l’Allemagne comme définitive. La réalité sur le terrain, est que la Russie contrôle déjà 20 % du territoire de l’Ukraine, notamment la Crimée et une grande partie du Donbass, lui-même annexé d’ores et déjà par Moscou. La réalité militaire est que l’Ukraine ne pourra pas reprendre ces territoires par la force armée. Dès lors, le futur accord ne pourra que constater cet état de fait.

Reste le plus difficile : le statut de l’Ukraine et les garanties de sécurité. La réalité, là encore, au-delà des beaux discours, est que l’Ukraine ne pourra pas entrer dans l’OTAN : ni les Américains, ni les Allemands ne souhaitent franchir cette ligne par crainte d’une confrontation directe avec la Russie. Funeste ironie pour qui se souvient que l’origine de cette affaire remonte au sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, où George W Bush tenait absolument à faire entrer l’Ukraine immédiatement ! Reste alors le statut de neutralité, compatible avec l’entrée de l’Ukraine dans l’UE, qui serait garanti par la communauté internationale. Cette fois cependant il devra s’agir de garanties extrêmement solides, à un moment où les États-Unis sont tentés de basculer vers l’Asie. Cela signifie que l’Europe devra jouer un rôle crucial dans la sécurisation et la reconstruction de l’Ukraine de l’après-guerre : un pays amputé, économiquement dévasté, politiquement instable et de surcroît sur militarisé. En clair : une tâche immense s’annonce donc pour les européens.

J.-B. N. : Vous semblez pessimiste quant à la capacité des Européens à relever ce défi. Pourquoi ?

P. L. : Je suis en effet, très préoccupé par l’absence de vision stratégique en Europe, comme de tout débat sur l’après-guerre. Les gouvernements européens sont faibles et peu préparés à faire face aux enjeux post-conflit. Nous avons des gouvernements fragiles en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, et l’Europe semble obsédée par des crises internes, notamment économiques. Il y a très peu de réflexions sur la manière dont nous pourrions stabiliser durablement l’Europe centrale, qui est pourtant un enjeu essentiel pour la sécurité du continent.

Ce manque de leadership et de vision stratégique en Europe est extrêmement inquiétant, d’autant plus que les Américains, à long terme, vont sans doute se concentrer de plus en plus sur leur rivalité avec la Chine. L’Europe devra donc prendre ses responsabilités, mais pour l’instant, je vois peu de signes qu’elle se prépare à relever ce défi.

J.-B. N. : Quel serait le principal message de votre livre ?

P. L. : Mon livre cherche à alerter sur les engrenages géopolitiques dans lesquels nous nous sommes embarqués, sans la moindre réflexion stratégique. La guerre en Ukraine est bien plus qu’un conflit local. Elle marque un tournant historique qui réorganise l’ordre mondial. Transformation qu’a reconnu, certes à sa manière, le Secrétaire général de l’ONU en se rendant au sommet des Brics de Kazan, accueilli par Vladimir Poutine pourtant inculpé par la Cour pénale internationale.

Si nous ne prenons pas conscience de la profondeur de ces changements, nous risquons de subir un monde plus chaotique et violent sans être préparés. Le temps est venu pour l’Europe et l’Occident de se réarmer intellectuellement, politiquement, et militairement pour faire face à ces nouveaux défis.

La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

La faiblesse de l'armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre
La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

 

Alerte du ministre de la défense britannique : « Nous ne sommes pas prêts pour la guerre » !

Doit-on en rire ou en pleurer ? Le ministre britannique de la Défense, John Healey, a fait un aveu qui sonne comme un avertissement : le Royaume-Uni n’est pas prêt à mener une guerre. Cette déclaration, faite lors d’un discours relayé par The Telegraph le 24 octobre 2024, révèle des lacunes significatives dans la préparation militaire du pays.

Une armée britannique sous-équipée et mal préparée

Malgré un budget de défense supérieur à 2% du PIB, conformément aux engagements de l’OTAN, le Royaume-Uni se trouve avec des forces armées qui laissent à désirer en termes de modernité et de préparation. Selon un récent rapport parlementaire, l’armée de terre britannique, la British Army, n’a pas évolué significativement depuis l’époque de la bataille de Waterloo. De son côté, la Royal Air Force manque cruellement d’avions de combat adaptés aux conflits de haute intensité, et la Royal Navy, bien que dotée de deux porte-avions, souffre d’un manque de navires de premier rang et rencontre des difficultés de recrutement et de disponibilité pour ses sous-marins nucléaires et ses frégates.

Une déclaration sans précédent

Pour la première fois, un ministre de la Défense britannique admet publiquement que le pays n’est pas prêt à soutenir une guerre. Cette révélation est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient dans un contexte où les menaces globales, notamment de la part de la Chine et de la Russie, sont en augmentation. John Healey insiste sur le fait que sans une capacité réelle de combattre, le Royaume-Uni ne peut pas dissuader efficacement les agressions potentielles. Le constat du ministre Healey sur l’état des finances et des forces armées britanniques est alarmant. Pris au pouvoir après les élections législatives, il a été confronté à une situation bien plus précaire que prévu, avec des implications graves pour la sécurité nationale et la capacité de défense du pays.

Incertitudes budgétaires

Alors qu’une nouvelle revue stratégique de défense est en cours, il semble peu probable que le ministère de la Défense obtienne les fonds nécessaires pour rectifier le tir. Des hauts responsables militaires ont exprimé des doutes quant à l’augmentation du budget de la défense pour l’exercice 2025, ce qui pourrait entraver les efforts de modernisation et de préparation requise.

Réactions officielles et garanties de sécurité

Malgré ces défis, un porte-parole du 10 Downing Street a réaffirmé que le gouvernement prendrait toutes les mesures nécessaires pour défendre le pays. Il a souligné que les forces armées britanniques, parmi les meilleures au monde, assurent la défense du pays en permanence et travaillent en étroite collaboration avec les alliés pour anticiper et se préparer à tout événement.

Un avenir militaire incertain

Cette situation intervient alors que le général Roland Walker, chef d’état-major de la British Army, a averti que le Royaume-Uni avait peu de temps pour se préparer à un conflit majeur potentiel, en particulier une confrontation avec la Chine. De plus, quelle que soit l’issue du conflit en Ukraine, la menace russe restera prégnante et probablement vengeresse.

Cet article explore la récente déclaration choc du ministre britannique de la Défense, révélant que le Royaume-Uni n’est pas préparé à affronter les défis militaires actuels et futurs. Cette révélation met en lumière les lacunes dans la préparation militaire du pays et soulève des questions sur sa capacité à maintenir sa sécurité et à dissuader les menaces externes dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu.

Source : Telegraph