Le chef d’état-major de l’armée de Terre insiste sur la considération qui doit être portée aux militaires du rang

Le chef d’état-major de l’armée de Terre insiste sur la considération qui doit être portée aux militaires du rang


Dans un rapport publié en 2012, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM] avait souligné que le manque de considération à leur égard faisait partie des motifs d’insatisfaction exprimés par les militaires du rang. Ces derniers avaient aussi fait part de leur incertitude face à leur avenir professionnel, les restructurations du ministère des Armées n’étant pas encore achevées à l’époque.

Douze ans plus tard, la question de la considération portée aux militaires du rang, est toujours d’actualité. C’est en effet ce qu’il ressort des rapports sur le moral dans les régiments et c’est ce qu’a pu mesure le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, à l’occasion des Journées des Présidents des Engagés Volontaires de l’armée de Terre [JPEVAT], qui viennent de se tenir aux Écoles militaires de Bourges [EMB].

« Les JPEVAT offrent un espace d’échange privilégié entre les présidents des engagés volontaires et les grands commandeurs au sujet des problématiques propres aux unités […]. Ces échanges permettent d’examiner les réformes en cours, de partager les bonnes pratiques et de diffuser efficacement les nouvelles orientations. Ces rencontres renforcent non seulement l’efficacité des unités mais aussi leur cohésion face aux défis actuels », explique l’armée de Terre.

Or, poursuit-elle, ces JPEVAT ont permis de « rendre compte de l’importance portée à la considération dans le commandement militaire », cette valeur arrivant « en tête des attentes des soldats ».

Porter de la considération à quelqu’un, c’est lui témoigner de l’estime et lui accorder les égards qu’il mérite. Ce qui est donc déterminant pour les militaires du rang.

Via le réseau social LinkedIn, le général Schill a également souligné l’importance de ces JPEVAT, qui constituent « un moment privilégié, indispensable à la construction d’une relation de confiance entre chef et subordonnés », à l’heure où les « soldats de l’armée de Terre ont placé la considération en tête des valeurs les plus importantes dans les rapports sur le moral des unités ».

D’où la réflexion du CEMAT. « Éléments constitutifs d’une relation de commandement apaisée et efficace, la confiance et la considération sont les prérequis à l’éclosion de la fraternité d’armes », a-t-il d’abord rappelé.

Et d’ajouter, à l’adresse des cadres :  » Si les chefs sont chargés de commander, s’ils doivent être obéis parce que la discipline est la condition essentielle du succès au combat, ils ont également le devoir d’être à l’écoute et de considérer chaque membre de leur unité comme indispensable à la réussite collective ».

« Connaître son subordonné et valoriser ses compétences renforce la motivation et conforte la loyauté », a-t-il insisté. Et cela ne peut que renforcer la cohésion d’une unité… et donc la rendre plus forte dans l’adversité et les situations les plus difficiles… Lesquelles, a-t-il conclu, sont « celles que vit un soldat au combat, qui est notre raison d’être et notre finalité ».

Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

https://www.opex360.com/2024/11/22/selon-le-senat-les-non-renouvellements-de-contrats-a-linitiative-des-militaires-ont-augmente-de-70-depuis-2018/


La loi de finances initiales pour 2023 avait fixé, pour le ministère des Armées, le niveau du plafond d’emplois militaire à 210 428 « équivalents temps plein travaillé » [ETPT], ce qui supposait la création nette de 1547 postes. Seulement, cet objectif n’a pas pu être tenu étant donné que les effectifs militaires s’élevaient, en fin d’exercice, à seulement 202 122 ETPT, soit un écart de 4 % par rapport aux prévisions.

Or, ce n’est pas la première fois que le ministère des Armées ne parvient pas à respecter son schéma d’emploi, malgré une dynamique des recrutements assez soutenue.

« En rupture avec la dynamique déflationniste qui prévalait depuis la fin de la guerre froide, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-2025 prévoyait une augmentation nette de 6 000 ETP sur la période couverte, ce qui a conduit à la mise en œuvre d’une ambitieuse politique de recrutement. Ses résultats n’ont hélas pas été atteints », ont en effet déploré les sénatrices Marie-Arlette Carlotti et Vivette Lopez, dans un rapport intitulé « Pour rendre l’armée plus attractive : retenir, attirer, réunir », récemment publié par la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Et d’ajouter : « La non-réalisation des schémas d’emplois annuels successifs a touché tant le personnel militaire que le personnel civil, notamment en 2022, où l’écart d’avec la cible ministérielle a été de 2 228 ETP, alors qu’il s’agissait de l’année du plus important volume de recrutement réalisé depuis 2017 avec 27 707 ETP ».

Aussi, les objectifs fixés par la LPM 2024-30, qui prévoit la création nette de 6 300 postes d’ici 2030, semblent d’ores et déjà compromis. À moins que, d’ici là, les plans de fidélisation mis en place par le ministère des Armées ne produisent des résultats.

En effet, la tendance observée par Mmes Carlotti et Lopez s’explique par un flux de départs beaucoup trop important. Ce qui n’est d’ailleurs pas propre à la France, d’autres pays, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, étant confrontés au même problème.

Ainsi, selon le rapport, en 2023, les « volumes de départs » ont atteint le « niveau le plus haut depuis 2017, avec 25 496 ETP de sorties définitives, contre 24 952 ETP en 2022 ». Cette augmentation est due en grande partie aux départs volontaires [ou « spontanés »].

« Les départs spontanés représentant la plus grande part des départs définitifs, leur évolution épouse la même trajectoire. Depuis 2009, ceux des officiers sont globalement stables entre 2 % et 3 % des effectifs d’officiers des trois armées. Pour les sous-officiers, la tendance de hausse régulière observable depuis 2013, interrompue en 2020, a repris depuis 2022 avec 7 600 départs, soit 4,6 % des effectifs. Pour les militaires du rang, la hausse, ralentie entre 2014 et 2018, a repris depuis 2020 pour atteindre, en 2022, 6 546 militaires du rang, soit 8,5 % des effectifs », détaillent les deux sénatrices.

Aussi, « l’ancienneté moyenne des militaires au moment de leur départ de l’institution n’a cessé de baisser depuis dix ans pour atteindre, en 2023, 25,3 ans pour les officiers, 18,4 ans pour les sous-officiers, et 4,3 ans pour les militaires du rang », soulignent-elles.

L’attrition, c’est-à-dire la dénonciation du contrat par une recrue lors de sa période probatoire, constitue une part relativement importante des départs. Ainsi, en 2023, le taux d’attrition des militaires du rang, « orienté à la hausse depuis 2020 », s’est élevé à 35,5 % pour l’armée de Terre, à 20,3 % pour la Marine nationale et à 16 % pour l’armée de l’Air & de l’Espace.

Mais c’est surtout la « forte augmentation des non-renouvellements de contrat » qui interroge. Leur nombre est passé de 1 680 en 2019 à 2 920 en 2023. « Soit une hausse de 70 % depuis 2018 », notent les deux parlementaires. « Cela illustre une inversion du rapport contractuel entre l’autorité militaire et le militaire et donc une bascule du ‘rapport de force’ entre employeur et employé », ont-elles conclu.

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

https://www.opex360.com/2024/11/12/il-manque-un-millier-de-sous-officiers-a-larmee-de-lair-et-de-lespace-pour-la-bonne-conduite-de-ses-missions/


Plan « Fidélisation 360 », plans « Famille » et « Famille 2 », Nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM]… Ces dernières années, le ministère des Armées a pris plusieurs séries de mesures afin de renforcer son attractivité et de convaincre les militaires les plus expérimentés [ou, du moins, ceux qui ont des compétences critiques] à ne pas céder aux sirènes du secteur privé.

Seulement, ces mesures tardent à produire leurs effets, même si la situation diffère d’une armée à l’autre. En outre, quand elles ne sont pas insuffisantes, certaines d’entre-elles sont encore méconnues, comme celles du plan Famille 2. En tout cas, c’est qui est ressorti de l’audition des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire [CSFM] par les députés de la commission de la Défense, en octobre.

Le plan Famille « souffre d’un manque de communication, tant sur la nature des mesures elles-mêmes que sur les avancées réalisées. Ce dispositif reste méconnu au sein de la communauté militaire, particulièrement aux échelons inférieurs. Au niveau du commandement, les préoccupations portent davantage sur le financement dans le contexte budgétaire actuel », a en effet témoigné le caporal-chef Myriam. Et d’ajouter : « Sur le terrain, aucune réalisation concrète du plan famille n’est perceptible. »

En attendant, ces mesures n’ont pas encore eu d’incidence sur le flux des départs des sous-officiers de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], celui-ci étant encore élevé. Trop élevé même, à en croire le député Frank Giletti, rapporteur pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces – Air ».

Ainsi, écrit-il, le « flux de départs élevé constaté ces dernières années fragilise l’AAE » étant donné que, actuellement, « un tiers de ses effectifs a moins de trois ans d’expérience au sein de l’institution ». En outre, poursuit-il, « le taux de ‘turn-over’ au sein de l’AAE avoisine les 10 % « .

S’agissant des sous-officiers [59 % des effectifs de l’AAE], 1 813 avaient quitté l’uniforme en 2022 alors que, selon M. Giletti, « seulement 1 385 avaient été recrutés, soit un différentiel de 428 ».

Résultat : d’après les informations qui lui ont été communiquées, il manquerait actuellement environ 1 000 sous-officiers à l’armée de l’Air & de l’Espace « pour la bonne conduite de ses missions ».

Si le député n’a pas précisé les spécialités les plus concernées, on peut avancer, sans risquer de se tromper, qu’il s’agit de celles qui intéressent le plus le secteur privé, lequel offre des rémunérations plus élevées [mécaniciens aéronautique, contrôleurs aériens, moniteurs « simulateur de vol », informaticiens, etc.].

Aussi, pour M. Giletti, la « population des sous-officiers » de l’AAE « doit notamment faire l’objet d’une politique de fidélisation ciblée », d’autant plus qu’elle « attend […] beaucoup de la revalorisation indiciaire de la grille des sous-officiers supérieurs dont la mise en œuvre était initialement prévue au 1er octobre 2024 ». Or, celle-ci a été reportée au 1er février 2025, avec toutefois une « application rétroactive au 1er décembre 2024 ».

Quant aux officiers, la revalorisation de leur grille indiciaire ne sera pas effective avant décembre 2025. Or, pour le député, celle-ci est « plus que jamais nécessaire afin de fidéliser ces personnels dont les sujétions opérationnelles sont particulièrement fortes et dont les niveaux de rémunération apparaissent de plus en plus décorrélés avec ceux de la haute fonction publique ».

Photo : armée de l’Air & de l’Espace

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

Photo U.S. Marine Corps by Lance Cpl. Janell B. Alvarez.

Le Corps des Marines (USMC) est bien décidé à attirer de plus nombreuses recrues dans ses rangs en 2025. Les efforts de communication et de marketing lancés depuis cinq ans commencent à payer, même si globalement le recrutement reste malaisé. D’où le recours à une entreprise spécialisée qui a fait ses preuves depuis 2019.

Pour l’année fiscale 2023 (FY 2023), l’USMC avait besoin de 33 000 nouvelles recrues; il a réussi à recruter 33 323 Marines. Parmi eux, 28 921 soldats d’active et 4402 réservistes.

Pour la FY 2024, l’objectif était de recruter 30 500 nouveaux Marines dont 27 500 soldats d’active et 3000 réservistes. Objectif atteint de très peu (voir mon post précédent sur le bilan 2024 du recrutement US).

Pour l’année fiscale 2025 (FY 2025), le Corps des Marine Corps s’est fixé comme objectif le recrutement de 29 300 nouveaux soldats d’active soit une hausse de 1 800 hommes et femmes, comme confirmé par le général Bowers, patron du recrutement de l’USMC.

Externaliser la com’

Pour atteindre ses objectifs, l’USMC a de nouveau passé un marché avec une société privée. Il s’agit de Wunderman Thompson LLC, une agence de marketing de New York qui a déjà travaillé avec l’USMC dans le cadre d’un marché d’une valeur de 639 millions de dollars octroyé en 2019. Le nouveau marché a une valeur estimée à 834 millions de dollars.

Voir ici une des vidéos élaborée alors pour le recrutement en 2020.

Et celle de 2021 vraiment orientée « recrutement ».

Enfin, voir ici une autre vidéo (plus dynamique encore, intitulée: « U.S. Marine Corps: Shifting Threats ») conçue en 2022.

Voici l’avis d’attribution du nouveau marché de 5 ans, reconductible pour la même durée:
Wunderman Thompson LLC, Atlanta, Georgia, has been awarded an $834,090,640 contract. This hybrid (firm-fixed-price and cost, indefinite-delivery/indefinite-quantity, single-award) contract is to provide full-service advertising agency support to furnish supplies and services to enhance the Marine Corps’ recruiting efforts. Work will be performed at Atlanta, Georgia, with an expected completion date of December 2029. This contract includes one five-year option period which, if exercised, could bring the cumulative value of this contract to $1,914,649,380. Fiscal 2025 operation and maintenance (Marine Corps) will be obligated at the time of contract award, $10,000 in. This serves as the contract minimum guarantee. All other funding will be made available at the task order level as task orders are awarded. This contract was competitively procured via SAM.gov and seven proposals were received. The Marine Corps Installations Command Contracting Office, Arlington, Virginia, is the contracting activity (M9549425D0001). (Awarded Oct. 31, 2024).

Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain

Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain

L’armée de Terre se lance dans un vaste défi de recrutement, avec un objectif ambitieux de 16 000 nouvelles recrues par an. Dans un contexte géopolitique tendu, ce renouvellement des effectifs est crucial pour maintenir la performance opérationnelle de l’armée, qui doit aussi répondre aux nouvelles exigences technologiques et humaines.


Par Jean-Baptiste Giraud – armees.com –  Publié le 24 octobre 2024

recrutement
Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain – © Armees.com

Le défi du recrutement militaire : un enjeu stratégique

Pour l’armée de Terre, recruter 16 000 personnes chaque année représente un défi majeur. Comme l’a souligné le général Arnaud Goujon, il ne s’agit pas seulement d’atteindre ce nombre, mais aussi de s’assurer que ces nouvelles recrues possèdent les compétences et les qualités requises pour faire face aux défis modernes. Les campagnes de recrutement se multiplient et visent des profils variés, en mettant en avant les opportunités de formation, de spécialisation, et les valeurs fortes que porte l’institution.

L’armée cherche à attirer des candidats motivés, prêts à s’engager dans des carrières qui demandent non seulement des compétences techniques et physiques, mais aussi une capacité d’adaptation face aux nouvelles technologies militaires et aux exigences croissantes du terrain. Cette recherche de talents est indispensable pour garantir la modernisation des forces et leur efficacité face à des situations de plus en plus complexes.

Les difficultés croissantes du recrutement militaire

Le recrutement de l’armée de Terre n’échappe pas aux problématiques rencontrées dans d’autres secteurs. En effet, attirer de nouvelles recrues devient de plus en plus difficile dans un marché de l’emploi concurrentiel et en pleine mutation. « Le recrutement est un défi permanent », reconnaît un officier supérieur, soulignant que le contexte actuel – tensions internationales et complexité des missions – nécessite non seulement des candidats en nombre, mais surtout des profils particulièrement qualifiés.

Le ministère des Armées fait face à des enjeux multiples : d’une part, un certain manque d’attractivité du métier militaire auprès de la jeunesse. « Nous devons faire comprendre aux jeunes générations que l’armée offre des perspectives de carrière uniques, mais il y a une forte concurrence avec d’autres secteurs », explique un porte-parole du ministère. D’autre part, il y a aussi les exigences physiques et psychologiques que le métier impose. En effet, l’entraînement militaire, la préparation aux missions sur le terrain et les conditions parfois difficiles peuvent dissuader certains candidats.

Enfin, le ministère des Armées souligne que la digitalisation croissante des métiers militaires, avec l’introduction des nouvelles technologies et de la robotique, crée un besoin de compétences spécifiques : « Le soldat de demain doit maîtriser la technologie tout en conservant une capacité à s’adapter rapidement aux évolutions des théâtres d’opération », précise un responsable des ressources humaines militaires. Malgré ces défis, l’armée de Terre reste confiante dans sa capacité à attirer des talents, grâce notamment à des campagnes de recrutement modernisées et à des partenariats avec des institutions éducatives et des entreprises technologiques​.

Comment rejoindre les rangs de l’armée de Terre

L’accès à l’armée de Terre s’effectue via plusieurs canaux. Les jeunes intéressés peuvent postuler directement en ligne ou se rendre dans les centres d’information pour participer à des sessions de présentation des métiers militaires. Le processus de recrutement est structuré en plusieurs étapes, comprenant des tests physiques, psychologiques et techniques, afin de s’assurer que chaque recrue possède les capacités nécessaires pour répondre aux missions de défense du territoire.

L’armée met également en avant les valeurs qui caractérisent ses forces : l’engagement, l’esprit de camaraderie, et la résilience. Ces qualités sont essentielles pour progresser au sein des rangs et pour mener à bien les différentes missions de défense et d’opérations extérieures. En proposant un large panel de métiers et de spécialisations, l’armée de Terre offre des opportunités variées pour ceux qui souhaitent s’engager dans une carrière au service de la nation.

Alors que de nombreux métiers évoluent et, parfois, disparaissent avec l’avènement de certaines innovations comme l’Intelligence artificielle, l’armée reste un employeur d’avenir. La diversité de ses missions permet des évolutions de carrière multiples et adaptées à chaque situation. Enfin, de nombreux jeunes se retrouvent chaque année dans les idéaux militaires de service de la nation, de camaraderie et d’exigence.


Jean-Baptiste Giraud

Journaliste éco, écrivain, entrepreneur. Dir de la Rédac et fondateur d’EconomieMatin.fr. Fondateur de Cvox.fr. Officier (R) de gendarmerie.

L’armée de Terre a redressé la barre en matière de recrutement et de fidélisation

L’armée de Terre a redressé la barre en matière de recrutement et de fidélisation


Au cours de l’été 2023, le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] avait sonné le tocsin en demandant à ses subordonnés d’utiliser « tous les leviers » à leur disposition pour enrayer une « baisse inhabituelle des effectifs globaux », les projections pour la fin d’année ayant suggéré que les objectifs en matière de recrutement et de fidélisation n’allaient pas être tenus. Il était alors question d’un « déficit » de l’ordre de 2000 postes.

En outre, il s’agissait aussi pour l’armée de Terre de « jouer » sur deux autres variables pour optimiser son recrutement, à savoir le taux de sélectivité et le taux de dénonciation de contrat durant la période probatoire. Or, alors qu’il doit être le plus élevé possible, le premier s’était effondré l’an passé, avec à peine plus d’un candidat pour un poste. Quant au second, il s’était élevé à environ 30 %.

En octobre, revenant sur ces chiffres au cours d’une audition parlementaire, le général Schill avait expliqué que la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre [DRHAT] cherchait à savoir si cette tendance était « structurelle », c’est-à-dire due à un vivier de recrutement en train de se tarir pour des raisons démographiques et/ou sociologiques, ou « conjoncturelle » car liée à un « contre-coup du covid », avec des classes d’âges ayant « souffert des confinements peut-être plus qu’on ne l’imaginait au départ ».

Puis, le CEMAT avait énuméré plusieurs mesures pour tenter d’inverser la tendance, dont le renforcement de la chaîne de recrutement, un nouvelle campagne de communication [qui ne devrait pas tarder à être dévoilée] et l’adaptation des processus de sélection, notamment en matière d’aptitudes médicales.

« Il ne s’agit pas de diminuer nos objectifs [sur le plan des aptitudes, ndlr] mais de les individualiser davantage en fonction des métiers et réfléchir à la notion d’aptitude immédiate puisque nous formons nos jeunes durant un an avant de les envoyer en opération », avait alors expliqué le général Schill. Puis, un nouveau type de contrat a été créé, à titre d’expérimentation : celui de volontaire découverte de l’armée de Terre [VDAT].

Un an plus tard, l’armée de Terre a visiblement corrigé le tir. C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé le CEMAT dans un entretien publié par le Figaro, ce 12 septembre.

« L’armée de Terre doit recruter entre 15’000 et 16’000 soldats chaque année. Jusqu’en 2022, nous n’avions pas rencontré de difficultés. L’année dernière […], nous avons connu une alerte : moins de jeunes s’étaient présentés. Nous avons pris des mesures et nous avons ensuite atteint nos objectifs, même si nous n’avons pas rattrapé tout notre retard », a confié le général Schill.

Quant à ce « trou d’air » constaté l’an passé, selon le CEMAT, il avait à la fois des causes structurelles et conjoncturelles. Et de citer, pêle-mêle, la diminution des classes d’âges, la baisse du chômage et « l’écart sans doute croissant entre le style de vie de notre société et les impératifs des armées ». Mais il s’est aussi dit « persuadé qu’un facteur conjoncturel, lié à la génération qui avait entre 16 et 18 ans pendant le confinement, a joué ».

Quoi qu’il en soit, la tendance observée durant les neuf premiers mois de l’année est « satisfaisante ». Selon le général Schill, les « chiffres du recrutement » ont retrouvé leur niveau et la « fidélisation s’améliore ». Et cela, a-t-il dit, « grâce à des mesures spécifiques ».

Pour autant, devant être aussi menée pour renforcer la réserve opérationnelle, la « bataille des effectifs » est permanente… Et l’armée de Terre devra s’adapter pour tenir compte des facteurs structurels décrits par son chef d’état-major. La féminisation peut être un levier. « Notre campagne de recrutement s’adresse aussi aux jeunes femmes, dont nous avons besoin », a-t-il souligné dans les pages du Figaro.

Si les recrues doivent être formées au combat [« c’est le socle »], le général Schill a rappelé que l’armée de Terre recherche aussi des « profils diversifiés dans le numérique, le cyber, les drones, le renseignement, l’entretien mécanique », avec notamment 300 postes de plus ouverts en matière de numérique et de cyber, une centaine dans le domaine du renseignement et une cinquantaine « en ce qui concerne les drones ». « Nous avons besoin de jeunes à l’aise avec les nouvelles technologies pour être performants sur le champ de bataille 2.0 », a-t-il conclu.

Photo : armée de Terre

A Coëtquidan, les élèves officiers n’oublient pas « Ceux du Sahel » et leurs grands anciens

A Coëtquidan, les élèves officiers n’oublient pas « Ceux du Sahel » et leurs grands anciens


« Ceux du Sahel » est le nom de la 63e promotion de l’École militaire interarmes (EMIA).

Entre 2013 et 2022, la France s’engage dans la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne.

Le 11 Janvier 2013, à la demande des autorités maliennes, la France déploie des troupes pour arrêter l’avancée de groupes terroristes en direction de Bamako. Les soldats de la force Serval s’engagent sans relâche des zones désertiques du Mali jusqu’aux montagnes des Adrar des Ifoghas pour débusquer l’ennemi et couper son ravitaillement logistique dans le pays.

En juillet 2014, la force Barkhane succède aux opérations Serval et Epervier. Elle s’étend en plus du Mali et du Tchad, à la Mauritanie, au Niger et au Burkina Fasso. Forte de 4500 hommes, elle poursuivra avec ses partenaires africains, jusqu’en 2022, la lutte contre les groupes armées djihadistes sur toute la bande sahélo-saharienne.

Cette nouvelle promotion de l’EMIA (180 élèves), dont plus d’un tiers a été engagé dans ces opérations au cours des dix dernières années, rend ainsi hommage aux 59 soldats morts au Sahel ainsi qu’à leurs frères d’armes blessés dans leur chair et dans leur cœur.

Et du côté de l’ESM

Le capitaine Henry Desserteaux est le parrain de la 210e promotion de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.

Après des études au lycée Carnot à Dijon, il intègre en 1937 l’ESM « Promotion Marne et Verdun » puis rejoint en qualité de sous-lieutenant le 70e bataillon alpin de forteresse en 1939. En juin 1940, il commande la section chargée de la défense de la Redoute Ruinée.

Après l’armistice, Desserteaux rejoint le 13e BCA où il est promu lieutenant en 1941. Placé en congé d’armistice, il entre en Résistance et multiplie les coups d’éclat. Il est très engagé dans le bataillon de Savoie de l’armée secrète où il forme des hommes le jour et organise des sabotages la nuit. Chef permanent de l’avant-garde de ce bataillon, il participe aux combats de libération de la Maurienne. Promu capitaine en mars 1944, il participe aux assauts du sommet du Roc Noir où cantonnent les chasseurs de montagne allemands. Il réalise alors l’un des plus fameux exploits de la campagne des Alpes en faisant prisonnier par une manœuvre audacieuse 14 artilleurs et en s’emparant d’un canon de 77mm. Il termine la guerre avec le 13e BCA en Autriche.

Volontaire pour servir en Indochine, il est immédiatement suivi par 52 de ses hommes qui voient en lui un chef exemplaire. Il prend la tête d’une compagnie de marche formée d’hommes du 6e, 11e, 13e et 27e BCA aux ordres du 110e RI. Grâce aux raids qu’il dirige dans la chaine annamitique, il entretient un climat d’insécurité chez l’adversaire et capture de nombreux prisonniers. Sa compagnie occupe à partir de l’été 1947 une série de points d’appui dans la plaine côtière. Elle défend ainsi le poste de Dat-Do avec héroïsme face aux assauts des bataillons vietminh.

Dans la nuit du 25 septembre 1947, alors qu’il est en mission de reconnaissance de la base d’attaque d’une opération, il est pris dans une violente embuscade et une rafale le touche en pleine poitrine. Le CNE Desserteaux meurt en Indochine, la veille de ses 30 ans.

Chevalier de la Légion honneur à titre posthume et titulaire de six citations dont quatre à l’ordre de l’armée. « Sa mort prive la France d’un de ses meilleurs enfants et l’armée d’un héros », dira un hommage.

Morbihan. Le Triomphe de l’Académie de Saint-Cyr, une tradition à découvrir ce samedi

Morbihan. Le Triomphe de l’Académie de Saint-Cyr, une tradition à découvrir ce samedi

Formations, rencontres, spectacle… Le 20 juillet, l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan ouvre ses portes aux visiteurs pour le traditionnel Triomphe.

Le Triomphe de Saint-Cyr mêle spectacle traditionnel cérémonie solennelle, salon littéraire, forum de l’innovation et de nombreuses attractions.
Le Triomphe de Saint-Cyr mêle spectacle traditionnel cérémonie solennelle, salon littéraire, forum de l’innovation et de nombreuses attractions. | TRIOMPHE DE SAINT-CYR

C’est une tradition qui a 135 ans cette année : depuis 1889, le Triomphe clôt la formation des élèves officiers de l’armée de Terre aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, qui s’étendent sur six communes morbihannaises.

Des milliers de spectateurs

La fête du Triomphe s’organisait à l’origine lorsqu’un tireur habile touchait un tonneau servant de cible lors d’une séance de tir au canon. Cérémonie officielle marquant le baptême de la nouvelle promotion et le départ des promotions sortantes, le Triomphe de Saint-Cyr est aujourd’hui devenu la fête traditionnelle de fin d’année. En son cœur, les nouveaux officiers participent à une cérémonie solennelle nocturne, à partir de 22 h 20 pendant deux heures avant un feu d’artifice, sous le regard de leurs familles et de milliers de spectateurs. Ces derniers assistent à un impressionnant et émouvant spectacle qui clôt une journée d’animations : en associant en effet démonstrations dynamiques, salon littéraire, forum de l’innovation, musée de l’Officier à la cérémonie officielle, le Triomphe de Saint-Cyr constitue aujourd’hui l’un des plus grands événements de l’armée de Terre ouvert au public.

L’importance des sciences à Saint-Cyr

Ainsi, ce samedi 20 juillet sera l’occasion d’assister à des scénographies mettant à l’honneur les parrains de promotions. Un spectacle traditionnel retracera l’historique militaire des Saint-Cyriens et la vie des Écoles. À partir de 14 h, les élèves officiers proposeront des reconstitutions de batailles célèbres, ainsi qu’une présentation dynamique de matériel de l’armée française.

Le forum de l’innovation regroupera des militaires de nombreuses formations de l’armée de Terre et industriels de défense. Ceux-ci mettront en valeur le lien entre la formation, la recherche, le développement et l’acquisition de nouveaux matériels dans les armées. Une occasion inédite de partir à la découverte de matériels de haute technologie mais aussi de l’importance des sciences dans la formation des Saint-Cyriens, au sein du Centre de recherche de Coëtquidan.

Le festival international du livre militaire (FILM) est une véritable plateforme d’échanges et de rencontres rassemblant de nombreux auteurs et éditeurs. Il sera ainsi possible de découvrir en famille l’apport militaire à la culture sous toutes ses formes avec des essais, des romans, des bandes dessinées et des ouvrages sur l’histoire militaire. Les auteurs présents dédicaceront leurs ouvrages toute la journée. Enfin, outre le musée de l’Officier, de nombreuses attractions seront accessibles : exposition de véhicules et de matériels de l’armée de Terre, stands ludiques pour les plus jeunes, baptêmes d’hélicoptère.


Informations pratiques. Triomphe de Saint-Cyr Coëtquidan, le 20 juillet. Écoles de Coëtquidan. Accès gratuit sous inscription préalable sur le site Internet : https://bot.st-cyr.terre.defense.gouv.fr/ L’accès en tribune (spectacle traditionnel et/ou cérémonie militaire) est payant (adultes 20 €, enfants de 5 à 10 ans 10 €).

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Recrutement dans l’armée : attirer les élites du XXIe siècle

Recrutement dans l’armée : attirer les élites du XXIe siècle

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 1er juillet 2024

https://www.revueconflits.com/recrutement-dans-larmee-attirer-les-elites-du-xxie-siecle/


L’armée française est de plus en plus confrontée à des problèmes de recrutement. Elle a dû mal à attirer les meilleurs dans ses rangs et à les retenir. Pour l’avenir de la France, il est pourtant essentiel que l’armée puisse attirer l’élite de la nation.

« Derrière Alexandre, il y a toujours Aristote » déclarait le général de Gaulle. Cette citation couplée à l’évolution constante des technologies et la réactivité des différents protagonistes au Levant et en Europe de l’Est, nous rappelle la nécessité d’avoir des officiers intellectuellement agiles, capables de décider rapidement et efficacement. Il est donc nécessaire d’attirer dans les promotions des grandes écoles militaires les plus capables de la nation.

Pour cela il faut d’abord les trier, le système de classe préparatoire actuel permet de sélectionner efficacement tout en formant intellectuellement les candidats. Le niveau de ce système de sélection par concours étant liée au niveau du vivier et le niveau scolaire s’abaissant, on pourrait en déduire que nos intégrants sont naturellement moins doués.

Savoir sélectionner les meilleurs

Pourtant, l’effet de l’effondrement du niveau scolaire observé par les classements PISA cache une importante disparité. En effet, si le niveau des moyens et des plus faibles s’est abaissé, le niveau des meilleurs est resté constant. On constate également que les meilleurs lycées sont concentrés dans les grandes métropoles, notamment en Île-de-France.

Malheureusement, le nombre d’Aspirants des armées originaires des classes préparatoires parisiennes est particulièrement bas. Si la place prépondérante des classes préparatoires militaires dans l’origine des lauréats des concours d’officiers est une explication à ce phénomène, les élèves originaires des lycées parisiens en classe préparatoire des lycées militaires sont aussi marginaux. A contrario, les élèves originaires de ces établissements sont légion à HEC, Polytechnique et ENS.

Le lien entre performance académique et origine sociale étant incontestable, les grandes écoles militaires doivent aspirer à recruter des élèves officiers originaires des grandes métropoles.

On pourrait rétorquer que c’est impossible, que la remise en question de l’autorité de la société rend la jeunesse française imperméable à la rigueur militaire. Si cette remise en cause s’est incarnée dans le monde du travail, notamment par le système de start-up qui attire la jeunesse diplômée, elle a atteint aujourd’hui ses limites. On observe en effet que l’école Polytechnique conserve une année complète liée à son statut militaire en mettant en avant le développement des qualités humaines de ses élèves. HEC propose à ses élèves une formation au leadership de plusieurs semaines encadrées par des sous-lieutenants saint-cyriens. De plus, le succès des « team buildings » dont notamment les formules « boots camps » ne sont plus à démontrer. Pour finir l’engouement (105 000 ventes pour Qu’est-ce qu’un chef ? et 160 000 pour Servir) autour des livres du général de Villiers nous démontre que l’armée incarne dans l’ensemble de la population française une réponse à cette crise de l’autorité prophétisée par Hannah Arendt dans La crise de la culture. Pourtant, si l’image de l’armée n’a jamais eu une aussi bonne presse depuis 1968, on n’observe pas un enthousiasme généralisé à l’engagement et notamment chez les enfants des élites.

De multiples causes provoquent cette réticence, on peut trouver de nombreuses explications dans les conjonctures internationales et économiques. Mais, il faut souligner aussi des problèmes structurels au sein des armées françaises.

Un problème de recrutement au sein des armées

En effet, depuis les années 1990, un phénomène de métropolisation s’est développé, groupant ainsi les élites économiques dans un nombre restreint de lieux quand auparavant un notable d’une ville moyenne possédait une situation enviable. Aujourd’hui, les étudiants les plus qualifiés acceptent des conditions de logement et de transport contraignantes pour débuter leur carrière dans ces grandes villes. Il leur apparait comme préférable d’être mal logé dans les centres urbains principaux plutôt que d’habiter dans une ville classique.

Or, le bassin parisien est un désert militaire, quasiment aucune des unités opérationnelles n’y a sa garnison, idem pour Lyon et Marseille. Le succès de la gendarmerie et des pompiers de Paris auprès des jeunes saint-cyriens démontre l’attrait de ces régions auprès des élèves-officiers. En grossissant le trait, on peut dire qu’il est statiquement plus probable d’être muté dans la diagonale du vide que dans les zones périurbaines pour un jeune officier. Les villes de garnison sont de moins en moins attrayantes.

Des officiers mal rémunérés 

À cette vie hors des centres dynamiques, démographiques et économiques s’ajoute la solde. En effet, l’officier français est moins bien rémunéré que les officiers allemands, américains et anglais. La société moderne mesurant la réussite professionnelle à la capacité de consommation des individus, un officier peut se sentir lésé au regard de l’investissement que son métier demande.

L’armée française pour sa part propose une vie d’aventure et de don de soi à ses futurs officiers, elle se positionne donc sur un créneau qui attire principalement des réfractaires à la société de consommation.

Si ce profil est potentiellement le bon, il est minoritaire comme le sont toujours les réfractaires.

La combinaison des deux premiers facteurs en crée un troisième qui est la dévalorisation du statut d’officier. En effet, si un jeune de 20 ans peut aspirer à une vie d’aventure et donc quitter le confort des grandes villes, il n’incarnera pas la réussite contrairement à ceux qui auront fait un choix différent. La pression sociale qui s’exercera alors sur lui le fera hésiter et voir reculer alors qu’il possédait les qualités nécessaires pour être un officier compétent.

L’addition de ces trois facteurs freine l’attraction des armées auprès des jeunes des élites des grandes métropoles. Il faut pourtant se souvenir que le terme de « corniche » nous vient des classes préparatoires de Stanislas. Il existait donc une époque où les lycées les plus prestigieux de France s’enorgueillissaient d’envoyer certains de leurs meilleurs élèves à Saint-Cyr.

L’escalade des tensions partout dans le monde nous rappelle que recruter une élite militaire est primordial. Ce recrutement des meilleurs profils pour les armées françaises du XXIe siècle ne pourrait se réaliser sans régler le problème de l’isolement géographique ni l’amélioration de la solde.

Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, la « masse » n’est pas un sujet tabou

Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, la « masse » n’est pas un sujet tabou

https://www.opex360.com/2024/06/23/pour-le-chef-detat-major-de-larmee-de-terre-la-masse-nest-pas-un-sujet-tabou/


Après l’implosion de l’Union soviétique et la fin de la Guerre froide, la question de la « masse » ne s’est plus posée, les forces armées occidentales ayant privilégié la supériorité technologique [c’est-à-dire la qualité] aux dépens de la quantité. À vrai dire, ce choix a été le plus souvent dicté par des contraintes budgétaires… En tout cas, il s’est traduit par la suspension de la conscription dans plusieurs pays, dont la France.

Seulement, cette période n’a été qu’une parenthèse, le contexte actuel étant marqué par le retour de la compétition stratégique entre les puissances, la contestation du droit international et la guerre. Les dépenses militaires sont reparties significativement à la hausse et la question de la « masse » est de nouveau sur la table. Et cela d’autant plus que l’Otan encourage ses 32 États membres à renforcer leurs forces armées tant au niveau capacitaire qu’à celui de leurs effectifs, son objectif étant actuellement de pouvoir mobiliser plus de 300’000 hommes en moins de 30 jours.

D’où la décision de quelques pays de rétablir la conscription qu’ils avaient suspendue, afin de pallier, pour certains d’entre eux, leurs difficultés en matière de recrutement. Tel est le cas de la Lituanie, de la Suède, de la Lettonie et, plus récemment, de l’Allemagne. Le débat sur le retour du service militaire est ouvert en Pologne, en Roumanie et même au Royaume-Uni.

Pour le moment, en France, l’armée de Terre se tient à l’écart de cette tendance. Cependant, en 2015, elle avait déjà bénéficié d’une hausse assez substantielle de ses effectifs après la décision de porter sa force opérationnelle terrestre [FOT] de 66’000 à 77’000 soldats, afin de lui permettre de mener l’opération intérieure Sentinelle. Mais, à l’heure actuelle, il n’est pas question d’aller plus loin, même si le sujet de la « masse » n’est pas tabou. C’est en effet ce qu’a expliqué le général Pierre Schill, son chef d’état-major [CEMAT], dans les pages du numéro 96 de la revue DSI.

« La résurgence de la concurrence stratégique entre grandes puissances et du combat de haute intensité que des États envisagent impose de se poser de nouveau la question de la masse. Il ne s’agit pas ici d’opposer, mais bien d’équilibrer le rapport entre quantité et qualité, avec la conviction que le fil directeur de la réflexion réside dans la cohérence », a d’abord affirmé le général Schill.

Cela étant, les termes de ce débat se posent différemment en France, où le modèle d’armée, « complet », repose sur la dissuasion nucléaire, censée garantir l’intégrité de son territoire et, plus largement, de ses intérêts vitaux.

« La France a fait le choix de n’abandonner aucune capacité. Elle continue de couvrir ‘tout le spectre’. Elle a conservé une expertise dans chaque domaine et elle peut ainsi décider de monter en puissance sans avoir à reconstruire toute une filière : c’est un atout considérable », a d’ailleurs relevé le CEMAT.

Cependant, comme l’a écrit Antoine de Saint-Exupéry, on n’a pas à prédire l’avenir mais à le permettre. A priori, le général Schill s’inscrit dans cette logique quand il dit que « nous devons préparer un possible engagement dès ce soir ».

« À cet égard, il n’y a pas de tabou au sein de l’armée de Terre sur cette problématique récurrente de la masse. Il s’agit d’un débat ancien. Faut-il privilégier la quantité ou la qualité ? Porter l’effort sur des effectifs nombreux ou sur des unités resserrées très bien formées et équipées ? À mon sens, la réponse est de s’adapter au contexte et de conserver la possibilité de monter en puissance rapidement. La priorité est celle de la cohérence », a poursuivi le CEMAT.

Cette cohérence a deux dimensions : verticale et horizontale. Ainsi, un blindé « seul […] ne sert qu’à défiler », a-t-il ironisé. Pour qu’il puisse incarner une capacité, il lui faut un « environnement », c’est-à-dire les munitions, les pièces de rechange, le carburant et un équipage entraîné. C’est ce que doit permettre justement la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.

Ensuite, cette cohérence passe par la capacité à agir en « interarmes ». L’armée de Terre est « composée de nombreuses capacités qui doivent interagir pour manœuvrer. Je pense aux capacités de mêlée [infanterie, cavalerie, hélicoptères] mais aussi à celles d’appui [artillerie, génie], de soutien et de logistique. Un équilibre entre ces capacités est indispensable », a fait valoir le général Schill.

Cette cohérence doit servir de socle pour toute remontée en puissance éventuelle. Elle « précède la masse » et « ce dont nous disposons doit être ‘bon de guerre’ », a-t-il insisté.

Si jamais la situation l’exige, l’armée de Terre peut compter sur ses réservistes opérationnels, dont le nombre sera porté à environ 50’000 à l’horizon 2035. Mais le général Schill a également évoqué un possible recours à la réserve opérationnelle de 2ème niveau [RO 2], laquelle concerne les anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité durant les 5 années qui suivent leur départ de l’institution.

« Au-delà de ses effectifs permanents, l’armée de Terre s’appuie sur des réservistes formés et entraînés, mais aussi sur d’anciens militaires d’active, pour disposer d’effectifs supplémentaires et renforcer son organisation au quartier comme en opération; elle contribue ainsi à la résilience de la Nation », a-t-il a souligné.

La RO 2 est « en mesure d’être engagée en cas de crise majeure », souligne l’armée de Terre. Seulement, comme il n’a jamais été mis en œuvre, ce dispositif est régulièrement testé lors d’exercices VORTEX, lesquels visent à recenser les anciens militaires d’active concernés, puis à les convoquer pour des formalités administratives et médicales ainsi que pour des séances de formation.

En mai 2022, selon le site interarmées des réserves militaires, la RO 2 était composée de 60’000 anciens militaires, ce qui constitue une ressource à ne pas négliger.

Photo : EMA