Emmanuel Macron veut relancer son «Service national universel»


Emmanuel Macron prononce un discours devant un Mirage 2000 et un Rafale à la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur, France, le 18 mars 2025.

Rarement un discours d’Emmanuel Macron aura suscité autant de réactions immédiates que le dernier en date. C’était le 5 mars dernier, en direct à 20 heures sur France 2. «La patrie a besoin de vous et de votre engagement», a déclaré le président français, en costume et cravate noirs.

En invitant ses concitoyens à ne pas sous-estimer le danger que représente la Russie pour l’Europe et la France dans un monde de plus en plus incertain, le président français a peut-être même déclenché davantage de réactions qu’il ne l’aurait souhaité.

Le peuple semble en tout cas avoir pris l’appel présidentiel au pied de la lettre: 86% des Français, selon un sondage Ipsos, se sont déclarés favorables au rétablissement du service militaire obligatoire. Près de trente ans, donc, après son abolition.

Pas une «option réaliste»

À peine le sondage était-il paru que celui qui est également chef des armées – le plus haut gradé militaire de France est, lui, chef d’état-major des armées (CEMA) – a tenté de freiner la dynamique qu’il avait déclenchée. Le service militaire obligatoire n’est pas une «option réaliste», a-t-il souligné lors d’un entretien accordé en fin de semaine dernière à des titres régionaux.

La France «n’a plus la base, plus la logistique» pour remettre en place une conscription. «À partir du moment où on est allé vers la professionnalisation de nos armées, focalisées sur l’opérationnel, les réemployer pour encadrer 800’000 jeunes […] n’est absolument pas un schéma opérant», a-t-il indiqué.

Mais, a-t-il précisé, il présentera dans les semaines à venir un «grand nouveau projet» de réforme du Service national universel (SNU), «afin de correspondre aux besoins de la nation et aux priorités identifiées». Le SNU est l’un des thèmes favoris d’Emmanuel Macron depuis qu’il est au pouvoir.

Dissuasion nucléaire

Revenons d’abord sur l’option «irréaliste». Jacques Chirac avait mis au rebut le service militaire obligatoire dans les années 90. La loi est entrée en vigueur en 1997. Aujourd’hui âgé de 47 ans, Emmanuel Macron est le premier président de l’Hexagone à ne pas avoir fait son service militaire.

L’abolition de la conscription avait en fait déjà été envisagée sous la présidence de Charles de Gaulle. La puissance de la dissuasion nucléaire acquise à l’époque avait réduit l’importance d’une défense conventionnelle. Jacques Chirac a acté cet état de fait avec la fermeture de bases et la vente de nombreuses casernes.

Le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren de classe Barracuda de la marine française, amarré dans le port de Toulon, avec un drapeau français visible à l’arrière-plan.

Quand Emmanuel Macron dit aujourd’hui que la France n’a «pas de base et pas de logistique» pour un retour à la conscription, il dit vrai. Tout manque: infrastructures, instructeurs, matériel… Sans parler de l’argent nécessaire à la reconstruction d’une armée d’un million de membres permanents.

L’armée professionnelle française compte environ 200’000 soldats. Il est prévu d’augmenter quelque peu l’armée de réserve, avec un réserviste pour deux soldats professionnels d’ici à 2035. Le nombre total de réservistes atteindrait alors les 300’000 membres.

Des clivages qui bougent

À la télévision française, on débat désormais pour savoir s’il ne serait pas plus intelligent que chaque jeune Français – et chaque jeune Française qui le souhaite – fasse son service. Les clivages politiques traditionnellement liés à la question sont en train de bouger.

Jusqu’à présent, c’est presque exclusivement la droite bourgeoise et l’extrême droite qui plaidaient en faveur du service militaire obligatoire. Le camp de droite voit dans l’armée une école de la République et – une vision très controversée – le moyen éprouvé d’enseigner les valeurs de la nation aux personnes issues de l’immigration: en position de respect devant le drapeau tricolore, en entonnant la Marseillaise. L’extrême droite parle d’assimilation.

La gauche, elle, a toujours pensé que c’était à l’école et à elle seule de faire des jeunes de toutes origines des citoyens responsables, au fait de leurs droits et devoirs. Mais les frontières idéologiques ne sont plus aussi nettes, comme le prouvent les 86% du sondage. C’est sans aucun doute dû à l’actualité géopolitique brûlante et à ce que le locataire de l’Élysée a qualifié de «menace» le 5 mars dernier.

Une sorte de creuset de la République

Emmanuel Macron veut maintenant redessiner le SNU. Un projet qui avait failli être mis au placard pour des raisons d’économies: alors premier ministre, Michel Barnier avait voulu le sacrifier afin de récupérer quelques milliards d’euros pour son budget d’austérité, faisant dire qu’il démantelait un pilier du macronisme. Mais Michel Barnier est tombé après seulement trois mois de mandat – et le SNU a survécu.

L’idée avait été lancée par Emmanuel Macron avant sa victoire de 2017. C’était même une de ses promesses de campagne: celle d’un lieu où les Français pourraient à nouveau se rencontrer au-delà des classes sociales, une sorte de creuset de la République, et ce pour une durée minimale d’un mois.

Le SNU, qui aurait été effectué dans des établissements militaires ou civils éloignés du lieu d’origine, était prévu pour des jeunes de 15 à 17 ans. Au programme, obligatoire: vie commune, lever matinal, lever du drapeau, hymne national, port de l’uniforme et cours d’instruction civique.


Mais la mise en œuvre s’est vite avérée compliquée et coûteuse, et l’ «obligatoire» s’est rapidement transformé en «facultatif». Même avec des ambitions réduites, la concrétisation n’a cessé d’être repoussée. Comme souvent, une grande annonce n’a pas résisté à la réalité.

Le président français veut donc redéfinir le SNU pour qu’il soit en phase avec son époque. Comment exactement? Ce n’est pas encore clair. La tranche d’âge sera-t-elle élargie? Le SNU sera-t-il à nouveau rendu obligatoire?

Il semble en tout cas que les Français soient désormais prêts à accepter des obligations qu’ils auraient refusées il y a peu.

Devenir réserviste oui, mais pour quelles missions et quel salaire ?

Devenir réserviste oui, mais pour quelles missions et quel salaire ?

« La patrie a besoin de vous, de votre engagement« , a déclaré Emmanuel Macron aux Français lors de son allocution du 5 mars 2025. Une façon d’inciter davantage de citoyens à rejoindre la réserve opérationnelle militaire à l’heure où « la menace [russe] revient à l’est ». Le ministre des Armées évoque lui aussi, régulièrement, l’augmentation du nombre de réservistes dans les armées, la gendarmerie et la police avec un objectif : compter 160 000 réservistes d’ici à 2030, soit deux fois plus que les 84 000 réservistes actuellement engagés.

L’armée de Terre, l’armée de l’Air et la Marine nationale recrutent des réservistes qui, une fois engagés, doivent pouvoir être mobilisés sur des missions diverses listées par le ministère des Armées : des missions de combat opérationnelles sur le territoire national ou hors de France ; des missions de protection et de résilience du territoire national avec la défense de sites militaires et civils lors d’opérations Sentinelle ; des missions de compétence sur un domaine d’expertise ; et des missions de rayonnement pour renforcer le lien entre la nation et les armées.

Des grandes lignes communes aux trois armées, auxquelles s’ajoutent des missions plus spécifiques aux besoins de chaque corps militaire. « L’armée de Terre cherche vraiment des militaires à temps partiel, qui permettent soit d’augmenter des régiments à faible préavis ou remplacer des pertes, là aussi dans un temps très court. La Marine et l’armée de l’Air n’ont pas ces enjeux mais ont besoin de profils plus techniques, de spécialistes« , explique le réserviste Stéphane Audrand au Parisien.

Le recrutement de réservistes et l’attribution des missions se fait donc en fonction du profil de chaque candidat, notamment son niveau d’étude, ses compétences particulières, et un éventuel passé militaire sachant qu’avoir déjà eu une expérience dans les armées n’est pas obligatoire. Des étudiants peuvent enfin être recrutés pour des missions opérationnelles de terrain ou logistique dans les armées de Terre et de l’Air ou membre d’équipage dans la Marine. Les personnes plus qualifiées peuvent obtenir des grades (militaire du rang, sous-officier ou officier) et se voir attribuer des missions correspondantes. Enfin, les personnes présentant des diplômes d’université, de grandes école ou des compétences spécifiques et des expertises peuvent rejoindre des unités particulières comme le renseignement, la communication, l’ingénierie, les ressources humaines, la logistique ou encore le pilotage pour les besoins spécifiques de l’armé de l’Air ou encore la plongée dans la Marine. Chaque armé précise les offres ouvertes aux réservistes en précisant les compétences nécessaires et la durée de l’engagement.

Outre les armées, la gendarmerie et la police recrutent des réservistes. Dans ces secteurs, les missions diffèrent et répondent à trois principales catégories : des missions de sécurisation, de lutte anti-terroriste et de police judiciaire pour appuyer lors des enquêtes.

Des missions rémunérées

Les membres de la réserve opérationnelle militaire sont rémunérés pour leur engagement. Les réservistes signent des contrats pouvant aller de 1 à 3 ans et jusqu’à 5 ans maximum, renouvelables. Ils sont mobilisables sur des activités miliaires pour une durée déterminée avec l’autorité militaire qui les emploie et pour un maximum de 60 jours par an. Un volume qui peut passer à 150 ou 210 jours dans des conditions particulières. En moyenne, les réservistes sont engagés sur des missions 37 jours par an.

Ces missions sont rémunérées selon des barèmes différents en fonction du corps militaire rejoint. L’armée de Terre paye les réservistes entre « 40€ et 200€ par jour en fonction de votre grade« . Une somme à laquelle s’ajoutent des « indemnités particulières en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d’exercice du service ou de la qualité des services rendus ». La Marine évoque une rémunération « à partir de 53€ par jour » qui « évolue pendant le contrat d’engagement au gré de votre avancement aux grades supérieurs ». En gendarmerie, la rémunération est d’au moins 60€ par jour selon le niveau du réserviste, en police elle débute à 74€ en région et à 80€ en Ile-de-France. Ces rémunérations sont nettes d’impôts.

A noter que ces rémunérations sont valables uniquement pour les réservistes opérationnels, les membres de la réserve citoyenne de défense et de sécurité étant bénévoles.

Qui peut devenir réserviste ?

Il faut répondre à plusieurs critères pour pouvoir devenir réserviste : être de nationalité française, être âgé d’au moins 17 ans, être en règle au regard des obligations du service national, ne jamais avoir été condamné pour un crime et jouir de ses droits civiques. Il faut présenter une bonne condition physique qui sera évaluée lors d’une visite médicale avec un médecin militaire. A noter que selon les corps militaires un âge maximum peut aussi être un critère moins de 72 ans dans l’armée de Terre, moins de 67 ans dans la police et moins de 45 ans dans la gendarmerie. Une formation militaire n’est pas nécessaire, cette dernière étant prévue lors du processus de recrutement.

Six Français sur dix souhaitent le retour du service militaire obligatoire

Six Français sur dix souhaitent le retour du service militaire obligatoire


France Army soldiers uniform. Close up photo with the France flag on a military soldier uniform with the gun next to it. Military industry concept photo.
France Army soldiers uniform. Close up photo with the France flag on a military soldier uniform with the gun next to it. Military industry concept photo. Dragoș Asaftei / stock.adobe.com

 

Une majorité de Français (61%) se dit favorable au retour d’un service militaire obligatoire. L’étude révèle aussi une méfiance croissante envers les États-Unis.

Six Français sur dix (61%) sont «favorables au rétablissement d’une forme de service militaire  obligatoire», avec une proportion très forte à droite, selon un sondage du centre de réflexion Destin commun publié samedi.

Selon cette étude pour le quotidien régional Ouest France, les Républicains (72%) et le Rassemblement national (RN, 77%) sont les plus favorables à cette proposition, la France insoumise (LFI) fermant la marche avec 35% d’opinions favorables. L’hypothèse, qui n’est pas évoquée par le gouvernement, a d’autant plus de partisans que l’âge augmente: 72% des 65 ans et plus sont pour, contre 43% des 18-24 ans.

Le sondage, qui analyse aussi notamment les opinions allemandes, britanniques et polonaises, intervient alors que l’Ukraine, à la peine sur le front contre les Russes, essuie de vives critiques du président américain Donald Trump. Washington a gelé cette semaine son aide militaire et en matière de renseignement. Les Européens se mobilisent en retour pour compenser la chute de l’assistance américaine et mettre en place une défense continentale crédible.

Six Français et Allemands (59%) sur dix qualifieraient Donald Trump de «dictateur», opinion partagée par 50% des sympathisants RN. Ils sont 56% en Grande-Bretagne et 47% en Pologne. Quelque 35% des sondés dans l’Hexagone affichent plus de sympathie pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky depuis sa houleuse rencontre à Washington avec Donald Trump fin février. Seuls 9% affirment en éprouver moins.

Seuls un quart des Français considèrent encore les États-Unis comme alliés, et plus de la moitié (57%) «semblent en difficulté pour qualifier la relation, hésitant à acter un potentiel retournement d’alliance». Six Français sur dix (60%) jugent probable l’invasion d’autres pays européens par la Russie dans les années à venir, contre 68% en Grande-Bretagne et en Pologne et 53% en Allemagne. Près de huit Français sur dix (76%) se déclarent inquiets ou très inquiets «d’une extension du conflit en Europe dans les prochaines années».

Polonais et Britanniques sont par ailleurs 66% à vouloir continuer de soutenir l’Ukraine, même sans le soutien des Etats-Unis, contre 57% en France et 54% en Allemagne. Et la possibilité de l’envoi d’une mission de maintien de la paix ne fait pas l’unanimité. Elle recueille 57% d’opinions «plutôt ou tout à fait» favorables en Grande-Bretagne, 44% en France, 41% en Allemagne et 27% seulement en Pologne.

Sondage en ligne effectué en France sur la base de 1503 personnes selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession, niveau de diplôme et région), ainsi que 1093 au Royaume-Uni, 1513 en Allemagne, et 1000 en Pologne.

Démissions dans la Gendarmerie : la mise au point, chiffres à l’appui de la Direction générale

Démissions dans la Gendarmerie : la mise au point, chiffres à l’appui de la Direction générale


Drone de la Gendarmerie (Photo d’illustration GendInfo.fr)

Groupe Facebook, articles en série dans la presse, questions de parlementaires au gouvernement : le sujet des départs et démissions dans la Gendarmerie, 15000 en 2022 selon la Cour des comptes qui tient ces chiffres de la Gendarmerie elle-même, fait couler beaucoup d’encre.

La Gendarmerie a décidé de communiquer sur ce sujet. Dans un article publié dans GendInfo, l’Arme fait un point, chiffres à l’appui, sur ces départs et démissions.

Il n’y a pas d’hémorragie” affirme la Direction de la Gendarmerie pour laquelle “ces départs restent en effet conformes aux prévisions de l’institution, au regard notamment du mécanisme permettant aux sous-officiers et aux officiers de faire valoir leurs droits à la retraite avec jouissance immédiate de leur pension après respectivement 17 et 27 ans de carrière, mais aussi au regard des évolutions sociétales que la Gendarmerie intègre dans sa stratégie de recrutement” assure la DGGN.

Le détail des 15 000 départs

Dans cet article, la Gendarmerie explique le chiffre de 15 000 départs évoqué par la Cour des comptes. Celui-ci englobe l’ensemble des flux, y compris les changements de corps détaille la Gendarmerie. “Il inclut donc les départs de Gendarmes adjoints volontaires (GAV), admis dans une école de sous-officiers, mais aussi de sous-officiers intégrant l’un des corps d’officiers” poursuit la DGGN qui précise que “plus de la moitié des sous-officiers recrutés au cours des trois dernières années étant d’anciens GAV, on comprend mieux l’ordre de grandeur de ces flux internes”.

Ce chiffre se décompose en 3700 changements de corps, 2 950 flux sortants temporaires et 8 350 départs définitifs de la Gendarmerie (mobilité des personnels civils et fins de contrat GAV inclus). Les 15 000 intègrent également les départs temporaires telles les affectations au sein des gendarmeries spécialisées relevant du ministère des armées ou encore les détachements en “mobilité extérieure” au sein d’autres administrations ou organisations nationales et internationales.

1 571 radiations des cadres en 2024 dont 545 dénonciations de contrat en écoles d’officiers et de sous-officiers.

Après déduction du nombre annuel de départs en retraite après 17 et 27 ans de service, le nombre total de radiations des cadres avant d’avoir acquis les droits à une retraite à jouissance immédiate (tous corps confondus, hors population de volontaires) s’est élevé à 1 571 en 2024, dont 545 dénonciations de contrat en écoles d’officiers et de sous-officiers.

Après deux années de hausse consécutive, en 2022 et 2023, le nombre de départs anticipés s’est toutefois stabilisé au cours de l’exercice 2024 annonce la DGGN.

La Gendarmerie estime encore “qu’elle est loin de connaître la “grande démission” évoquée et “qu’elle dispose toujours d’une réelle attractivité”. Ainsi, elle indique “recevoir des centaines de demandes de gendarmes souhaitant dépasser la limite d’âge ou se réengager après une expérience externe ou une retraite anticipée, comme le permet désormais la dernière LPM (loi de programmation militaire ndlr)”.

Toutes ces demandes n’ont d’ailleurs pas pu recevoir un retour favorable de la part de la DRH, afin justement de laisser la place aux jeunes recrues” ajoute d’ailleurs l’institution.

Enfin l’Arme précise “qu’avec 12 000 postes pourvus en 2024, la gendarmerie n’a jamais autant recruté, sans pour autant le faire au détriment de ses standards de sélection”.

L’article de GendInfo.

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 1er février 2025

https://www.revueconflits.com/larmee-francaise-de-demain-specialisation-ou-conscription/


Alors que les conflits récents rappellent l’importance des stratégies classiques de terrain, l’armée française entame une mutation profonde pour répondre aux défis de la guerre moderne. Entre la numérisation des systèmes, la montée en puissance des spécialistes et la nécessité de s’intégrer dans des alliances multinationales, les forces terrestres réinventent leur organisation tout en restant attachées à des tactiques éprouvées. Ce paradoxe reflète une constante : si les technologies évoluent, la nature de la guerre, elle, demeure.

L’armée française a hésité longtemps entre un modèle reposant sur la conscription, et un autre bâti sur la professionnalisation. Lorsque de Gaulle publia Vers l’armée de métier (1934), l’état-major et les politiques ont encore en tête la défaite de 1870, quand l’armée était professionnelle, et la victoire de 1918, où la demande d’immenses réserves d’hommes avait imposé la conscription. De l’apparition de la bombe nucléaire naquit la création d’une de force d’action rapide professionnelle au sein de l’armée de conscription jusqu’à la fin de la guerre froide. C’est avec Jacques Chirac et l’abolition du service militaire que la professionnalisation est devenue le modèle de l’armée française. Devant les besoins techniques de la guerre moderne, la multiplication des réservistes ne pourra pas changer ce modèle.

Martin Anne

Une armée de terre en transformation

La modification profonde de l’organisation de l’armée de terre, qui bascule du modèle « au contact » à « l’armée de terre de combat », vise à répondre aux transformations induites par la multiplication des outils numériques. Cette réforme repose sur trois grands axes : une logique d’employabilité des unités, une décentralisation du commandement et une présence accrue de spécialistes au sein des forces terrestres. L’objectif est de répondre aux défis posés par la numérisation, qui exige des profils plus techniques.

La numérisation a refondu les systèmes informatiques et de communication des unités de combat. Désormais, chaque unité est équipée de serveurs informatiques intégrés à leur système de communication radio. Ces systèmes permettent d’obtenir des informations telles que la position GPS, la quantité de munitions tirées et de transmettre des ordres numériques. Le concept de combat collaboratif, développé par Thales, renforcera encore ces capacités en automatisant la transmission de données tactiques grâce à l’intelligence artificielle. Les opérateurs chargés de gérer ces systèmes devront posséder des compétences avancées en informatique pour paramétrer et exploiter ces technologies complexes.

Le renseignement tactique a également gagné en importance. Autrefois concentrés dans deux régiments spécialisés, les moyens de renseignement en images (drones) et en électronique (interception d’émissions électromagnétiques) étaient déployés sur les théâtres d’opérations pour appuyer les groupements tactiques. Désormais, les régiments d’infanterie intégreront des capacités de guerre électronique, tandis que l’utilisation de drones sera généralisée à l’ensemble des armes. Les régiments spécialisés subsistent néanmoins, pour répondre aux besoins en renseignement opératif et stratégique. Cette évolution, réalisée à effectif constant, entraîne une substitution progressive des combattants d’infanterie traditionnels par des spécialistes du renseignement. La mise en œuvre de ces équipements complexes nécessitera également des soldats mieux formés techniquement.

Cependant, l’augmentation des outils de renseignement et de communication entraîne une multiplication des réseaux, et donc des failles potentielles en matière de sécurité. Si le chiffrement des communications est une pratique ancienne, illustrée par des exemples tels que la machine Enigma ou les Windtalkers navajos, les réseaux numériques modernes exigent des solutions de protection toujours plus avancées. La cyberguerre est devenue un enjeu clé, impliquant des actions visant à couper les réseaux de communication ennemis et à accéder à leurs données sensibles. Pour y faire face, l’armée de terre a créé un bataillon cyber, regroupant des unités spécialisées. Cette évolution s’inscrit dans un contexte où les effectifs globaux restent constants, ce qui accroît mécaniquement la proportion de spécialistes dans les rangs.

Ainsi, le nombre de spécialistes augmentera fortement dans l’armée de terre pour relever ces défis technologiques. Intuitivement, on pourrait en conclure que les clés de la victoire résident désormais dans des opérations ciblées, comme la prise de contrôle des réseaux informatiques ennemis, plutôt que dans la conquête traditionnelle de territoires. Pourtant, les conflits récents en Ukraine et au Proche-Orient démontrent que la conquête physique reste un élément central des affrontements.

Des fondamentaux qui demeurent

Dans le conflit ukrainien, le contrôle du terrain demeure un objectif politique central. Vladimir Poutine, en 2014, déclarait que « la Crimée et Sébastopol sont rentrés au port », affirmant ainsi ses visées territoriales. Reflétant l’assertion de Clausewitz selon laquelle « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », la conquête du terrain constitue l’objectif militaire principal de ce conflit. Celle-ci s’appuie sur le déploiement de troupes au sol, suivant des tactiques classiques.

Par exemple, l’offensive ukrainienne vers Koursk a été menée par des brigades mécanisées dont l’organisation reste comparable à celle de la Deuxième Guerre mondiale. Les chars de bataille y jouent toujours un rôle central, en perçant le front ennemi pour permettre à l’infanterie de progresser. Les appuis en génie et artillerie conservent leur fonction traditionnelle : préparer le terrain en vue de sa prise. Ainsi, un général ukrainien pourrait aujourd’hui, à l’instar du maréchal de Lattre de Tassigny, déclarer au sujet de l’une de ses brigades mécanisées : « C’était mon élément de décision. » La rupture du front, obtenue par une concentration de moyens blindés dans une zone favorable, reste une méthode privilégiée pour remporter la victoire.

Dans cette organisation conventionnelle, les technologies dites « de rupture » sont intégrées au sein des brigades, mais leur utilisation demeure confiée à des unités spécialisées. Ces technologies participent au nouveau combat interarmes sans pour autant remplacer les équipements traditionnels. Par exemple, le drone ne remplace pas le char, comme le char avait autrefois remplacé le cheval. La guerre moderne ne peut donc être menée exclusivement derrière un écran : elle reste un affrontement terrestre, où la quantité d’hommes engagés demeure un facteur clé pour obtenir l’avantage. Une armée négligeant ce rapport de force risquerait rapidement d’être surpassée. En Europe, les armées prises individuellement ne disposent pas des effectifs suffisants pour répondre à ces exigences, à l’exception notable de l’armée américaine, qui combine haute technologie et armée de masse.

La réserve : une alternative à l’armée permanente

Les guerres au Proche-Orient et en Ukraine, bien que différentes — asymétrique pour l’une, symétrique pour l’autre —, ont toutes deux nécessité la mobilisation de réservistes. Tsahal, l’Ukraine et la Russie peuvent compter sur des centaines de milliers de réservistes ayant récemment effectué leur service militaire. Ces derniers possèdent les qualifications nécessaires pour utiliser du matériel moderne, permettant d’augmenter rapidement et efficacement les effectifs des armées régulières.

En comparaison, les forces opérationnelles terrestres françaises comptent 77 000 soldats, et l’armée de terre 120 000, avec 25 000 réservistes. Ces chiffres soulignent les limites du modèle d’une armée réduite. Pour y remédier, la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) prévoit une augmentation significative de la réserve opérationnelle, visant le recrutement d’un réserviste pour deux soldats d’active. L’objectif est d’atteindre 100 000 réservistes d’ici 2030.

Cependant, ce modèle présente des faiblesses. Les réservistes français, formés comme généralistes, ne reçoivent pas de formation spécialisée. Par exemple, un réserviste d’un régiment de cavalerie peut remplacer un collègue d’un régiment de transmissions, mais aucun des deux n’atteint le niveau de compétence de son homologue d’active. Contrairement à Tsahal, où les réservistes peuvent être mobilisés pour opérer des chars Merkava, les réservistes français ne sont pas qualifiés pour utiliser les Leclerc. Ce déficit de spécialisation, combiné à la complexité croissante des équipements, allongerait le délai de mobilisation des unités de réserve en cas de conflit.

La doctrine actuelle exclut l’emploi des réservistes dans des missions de combat face à une armée moderne. Leur rôle se limiterait à des missions sur le territoire national, tandis que l’active serait déployée en opération. Ainsi, en cas de guerre, l’armée conventionnelle française ne pourrait compter que sur ses effectifs permanents.

Face à ces défis, la France mise sur son intégration dans des alliances multinationales, seule solution pour compenser le manque d’effectifs. Dans son modèle actuel et futur, l’armée française doit accepter sa dépendance envers ses alliés pour garantir une capacité d’intervention suffisante en cas de conflit.

Une armée numérisée aux tactiques traditionnelles

L’armée française reste attachée à son modèle « d’armée complète », qui vise à maintenir un éventail complet de capacités militaires. Ce modèle est adapté aux effectifs qui lui sont alloués, mais il permettrait également de transmettre, conserver et développer ses savoir-faire si une augmentation rapide des effectifs devenait nécessaire. En revanche, un manque d’adaptation risquerait de conduire à ce que l’on appelle le syndrome de la « guerre de retard », où une armée nombreuse et expérimentée, mais utilisant des technologies et des méthodes dépassées, se verrait surpassée par une force plus jeune et agile, équipée des dernières avancées technologiques.

Bien que les nouvelles technologies aient modifié certains aspects de la micro-tactique et contribué à dissiper le « brouillard de la guerre » en offrant une meilleure visibilité des situations, elles n’ont pas transformé la nature même du conflit. Le champ de bataille en 2024 reste marqué par la présence de chenilles de chars, de tranchées et de troupes massées aux frontières. Ainsi, malgré l’introduction massive de composants électroniques dans les équipements militaires, les éléments fondamentaux de la guerre demeurent inchangés.

Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030

Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030

Lors de ses vœux aux armées, Emmanuel Macron a insisté sur sa volonté de faire monter les effectifs de l’armée de réserve à 80 000 unités d’ici 2030.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – Publié le
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Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030 | Armees.com

Lors de ses traditionnels vœux aux armées, Emmanuel Macron a fait plusieurs propositions pour attirer la jeunesse vers les métiers des armées. Mais aussi pour améliorer la détection de jeunes prêts à rejoindre les unités. Son objectif : arriver à 80 000 réservistes en 2030.

Emmanuel Macron veut booster les effectifs des armées

Dans un discours prononcé à Cesson-Sévigné, lors de ses traditionnels vœux aux forces armées françaises, Emmanuel Macron dévoile une vision ambitieuse pour renforcer les effectifs de l’armée française. Le chef de l’État exprime son intention d’atteindre un objectif de 80 000 réservistes d’ici 2030. Selon lui, il s’agit d’une étape clé pour répondre aux nouvelles menaces pesant sur la sécurité nationale. Ce projet s’inscrit dans une volonté de « mieux détecter » et « mobiliser » les jeunes volontaires afin d’assurer une défense renforcée face à des périls croissants.

Pour le président, l’engagement des jeunes Français constitue une réponse stratégique face à l’ »accumulation des menaces« , notamment la guerre en Ukraine, qui a « accéléré les périls » géopolitiques. Aujourd’hui, le dispositif d’engagement citoyen se limite essentiellement au recensement national et à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Emmanuel Macron estime que ce cadre est insuffisant. Afin de pallier cette lacune, le président propose une rénovation de la JDC, qui redeviendrait « un moment de temps retrouvé avec les armées« . Parmi les 800 000 jeunes participant annuellement à cette journée, certains pourraient se porter volontaires pour intégrer une réserve opérationnelle.

Cette réserve serait structurée pour permettre aux volontaires d’apprendre aux côtés des militaires actifs, tout en étant formés à intervenir « en renfort des armées en métropole ou ailleurs« . Cette approche offre non seulement une opportunité unique d’acquérir des compétences militaires, mais elle s’inscrit aussi dans une logique d’engagement fort pour la jeunesse. Surtout depuis que le Sénat vient d’acter quasiment la fin du service national universel.

Un cadre rénové pour la mobilisation

En parallèle, Emmanuel Macron sollicite l’état-major des armées et le gouvernement pour élaborer des propositions concrètes d’ici mai 2025. Ces initiatives incluront des stratégies pour mieux repérer les jeunes intéressés par un engagement militaire et les intégrer efficacement dans les forces armées. L’objectif à terme est de renforcer l’interconnexion entre les militaires d’active, dont les effectifs devraient atteindre 210 000, et les réservistes.

Ce projet s’inscrit dans une logique de défense nationale réactive face à des défis multiples. Emmanuel Macron a rappelé que les nouvelles stratégies militaires doivent tenir compte d’un contexte marqué par une intensification des tensions internationales. « Nous devons être capables de mobiliser notre jeunesse le jour venu, pour garantir la sécurité en métropole ou ailleurs« , a martelé le président.

Le chef d’état-major de l’armée de Terre insiste sur la considération qui doit être portée aux militaires du rang

Le chef d’état-major de l’armée de Terre insiste sur la considération qui doit être portée aux militaires du rang


Dans un rapport publié en 2012, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM] avait souligné que le manque de considération à leur égard faisait partie des motifs d’insatisfaction exprimés par les militaires du rang. Ces derniers avaient aussi fait part de leur incertitude face à leur avenir professionnel, les restructurations du ministère des Armées n’étant pas encore achevées à l’époque.

Douze ans plus tard, la question de la considération portée aux militaires du rang, est toujours d’actualité. C’est en effet ce qu’il ressort des rapports sur le moral dans les régiments et c’est ce qu’a pu mesure le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, à l’occasion des Journées des Présidents des Engagés Volontaires de l’armée de Terre [JPEVAT], qui viennent de se tenir aux Écoles militaires de Bourges [EMB].

« Les JPEVAT offrent un espace d’échange privilégié entre les présidents des engagés volontaires et les grands commandeurs au sujet des problématiques propres aux unités […]. Ces échanges permettent d’examiner les réformes en cours, de partager les bonnes pratiques et de diffuser efficacement les nouvelles orientations. Ces rencontres renforcent non seulement l’efficacité des unités mais aussi leur cohésion face aux défis actuels », explique l’armée de Terre.

Or, poursuit-elle, ces JPEVAT ont permis de « rendre compte de l’importance portée à la considération dans le commandement militaire », cette valeur arrivant « en tête des attentes des soldats ».

Porter de la considération à quelqu’un, c’est lui témoigner de l’estime et lui accorder les égards qu’il mérite. Ce qui est donc déterminant pour les militaires du rang.

Via le réseau social LinkedIn, le général Schill a également souligné l’importance de ces JPEVAT, qui constituent « un moment privilégié, indispensable à la construction d’une relation de confiance entre chef et subordonnés », à l’heure où les « soldats de l’armée de Terre ont placé la considération en tête des valeurs les plus importantes dans les rapports sur le moral des unités ».

D’où la réflexion du CEMAT. « Éléments constitutifs d’une relation de commandement apaisée et efficace, la confiance et la considération sont les prérequis à l’éclosion de la fraternité d’armes », a-t-il d’abord rappelé.

Et d’ajouter, à l’adresse des cadres :  » Si les chefs sont chargés de commander, s’ils doivent être obéis parce que la discipline est la condition essentielle du succès au combat, ils ont également le devoir d’être à l’écoute et de considérer chaque membre de leur unité comme indispensable à la réussite collective ».

« Connaître son subordonné et valoriser ses compétences renforce la motivation et conforte la loyauté », a-t-il insisté. Et cela ne peut que renforcer la cohésion d’une unité… et donc la rendre plus forte dans l’adversité et les situations les plus difficiles… Lesquelles, a-t-il conclu, sont « celles que vit un soldat au combat, qui est notre raison d’être et notre finalité ».

Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

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La loi de finances initiales pour 2023 avait fixé, pour le ministère des Armées, le niveau du plafond d’emplois militaire à 210 428 « équivalents temps plein travaillé » [ETPT], ce qui supposait la création nette de 1547 postes. Seulement, cet objectif n’a pas pu être tenu étant donné que les effectifs militaires s’élevaient, en fin d’exercice, à seulement 202 122 ETPT, soit un écart de 4 % par rapport aux prévisions.

Or, ce n’est pas la première fois que le ministère des Armées ne parvient pas à respecter son schéma d’emploi, malgré une dynamique des recrutements assez soutenue.

« En rupture avec la dynamique déflationniste qui prévalait depuis la fin de la guerre froide, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-2025 prévoyait une augmentation nette de 6 000 ETP sur la période couverte, ce qui a conduit à la mise en œuvre d’une ambitieuse politique de recrutement. Ses résultats n’ont hélas pas été atteints », ont en effet déploré les sénatrices Marie-Arlette Carlotti et Vivette Lopez, dans un rapport intitulé « Pour rendre l’armée plus attractive : retenir, attirer, réunir », récemment publié par la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Et d’ajouter : « La non-réalisation des schémas d’emplois annuels successifs a touché tant le personnel militaire que le personnel civil, notamment en 2022, où l’écart d’avec la cible ministérielle a été de 2 228 ETP, alors qu’il s’agissait de l’année du plus important volume de recrutement réalisé depuis 2017 avec 27 707 ETP ».

Aussi, les objectifs fixés par la LPM 2024-30, qui prévoit la création nette de 6 300 postes d’ici 2030, semblent d’ores et déjà compromis. À moins que, d’ici là, les plans de fidélisation mis en place par le ministère des Armées ne produisent des résultats.

En effet, la tendance observée par Mmes Carlotti et Lopez s’explique par un flux de départs beaucoup trop important. Ce qui n’est d’ailleurs pas propre à la France, d’autres pays, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, étant confrontés au même problème.

Ainsi, selon le rapport, en 2023, les « volumes de départs » ont atteint le « niveau le plus haut depuis 2017, avec 25 496 ETP de sorties définitives, contre 24 952 ETP en 2022 ». Cette augmentation est due en grande partie aux départs volontaires [ou « spontanés »].

« Les départs spontanés représentant la plus grande part des départs définitifs, leur évolution épouse la même trajectoire. Depuis 2009, ceux des officiers sont globalement stables entre 2 % et 3 % des effectifs d’officiers des trois armées. Pour les sous-officiers, la tendance de hausse régulière observable depuis 2013, interrompue en 2020, a repris depuis 2022 avec 7 600 départs, soit 4,6 % des effectifs. Pour les militaires du rang, la hausse, ralentie entre 2014 et 2018, a repris depuis 2020 pour atteindre, en 2022, 6 546 militaires du rang, soit 8,5 % des effectifs », détaillent les deux sénatrices.

Aussi, « l’ancienneté moyenne des militaires au moment de leur départ de l’institution n’a cessé de baisser depuis dix ans pour atteindre, en 2023, 25,3 ans pour les officiers, 18,4 ans pour les sous-officiers, et 4,3 ans pour les militaires du rang », soulignent-elles.

L’attrition, c’est-à-dire la dénonciation du contrat par une recrue lors de sa période probatoire, constitue une part relativement importante des départs. Ainsi, en 2023, le taux d’attrition des militaires du rang, « orienté à la hausse depuis 2020 », s’est élevé à 35,5 % pour l’armée de Terre, à 20,3 % pour la Marine nationale et à 16 % pour l’armée de l’Air & de l’Espace.

Mais c’est surtout la « forte augmentation des non-renouvellements de contrat » qui interroge. Leur nombre est passé de 1 680 en 2019 à 2 920 en 2023. « Soit une hausse de 70 % depuis 2018 », notent les deux parlementaires. « Cela illustre une inversion du rapport contractuel entre l’autorité militaire et le militaire et donc une bascule du ‘rapport de force’ entre employeur et employé », ont-elles conclu.

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

https://www.opex360.com/2024/11/12/il-manque-un-millier-de-sous-officiers-a-larmee-de-lair-et-de-lespace-pour-la-bonne-conduite-de-ses-missions/


Plan « Fidélisation 360 », plans « Famille » et « Famille 2 », Nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM]… Ces dernières années, le ministère des Armées a pris plusieurs séries de mesures afin de renforcer son attractivité et de convaincre les militaires les plus expérimentés [ou, du moins, ceux qui ont des compétences critiques] à ne pas céder aux sirènes du secteur privé.

Seulement, ces mesures tardent à produire leurs effets, même si la situation diffère d’une armée à l’autre. En outre, quand elles ne sont pas insuffisantes, certaines d’entre-elles sont encore méconnues, comme celles du plan Famille 2. En tout cas, c’est qui est ressorti de l’audition des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire [CSFM] par les députés de la commission de la Défense, en octobre.

Le plan Famille « souffre d’un manque de communication, tant sur la nature des mesures elles-mêmes que sur les avancées réalisées. Ce dispositif reste méconnu au sein de la communauté militaire, particulièrement aux échelons inférieurs. Au niveau du commandement, les préoccupations portent davantage sur le financement dans le contexte budgétaire actuel », a en effet témoigné le caporal-chef Myriam. Et d’ajouter : « Sur le terrain, aucune réalisation concrète du plan famille n’est perceptible. »

En attendant, ces mesures n’ont pas encore eu d’incidence sur le flux des départs des sous-officiers de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], celui-ci étant encore élevé. Trop élevé même, à en croire le député Frank Giletti, rapporteur pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces – Air ».

Ainsi, écrit-il, le « flux de départs élevé constaté ces dernières années fragilise l’AAE » étant donné que, actuellement, « un tiers de ses effectifs a moins de trois ans d’expérience au sein de l’institution ». En outre, poursuit-il, « le taux de ‘turn-over’ au sein de l’AAE avoisine les 10 % « .

S’agissant des sous-officiers [59 % des effectifs de l’AAE], 1 813 avaient quitté l’uniforme en 2022 alors que, selon M. Giletti, « seulement 1 385 avaient été recrutés, soit un différentiel de 428 ».

Résultat : d’après les informations qui lui ont été communiquées, il manquerait actuellement environ 1 000 sous-officiers à l’armée de l’Air & de l’Espace « pour la bonne conduite de ses missions ».

Si le député n’a pas précisé les spécialités les plus concernées, on peut avancer, sans risquer de se tromper, qu’il s’agit de celles qui intéressent le plus le secteur privé, lequel offre des rémunérations plus élevées [mécaniciens aéronautique, contrôleurs aériens, moniteurs « simulateur de vol », informaticiens, etc.].

Aussi, pour M. Giletti, la « population des sous-officiers » de l’AAE « doit notamment faire l’objet d’une politique de fidélisation ciblée », d’autant plus qu’elle « attend […] beaucoup de la revalorisation indiciaire de la grille des sous-officiers supérieurs dont la mise en œuvre était initialement prévue au 1er octobre 2024 ». Or, celle-ci a été reportée au 1er février 2025, avec toutefois une « application rétroactive au 1er décembre 2024 ».

Quant aux officiers, la revalorisation de leur grille indiciaire ne sera pas effective avant décembre 2025. Or, pour le député, celle-ci est « plus que jamais nécessaire afin de fidéliser ces personnels dont les sujétions opérationnelles sont particulièrement fortes et dont les niveaux de rémunération apparaissent de plus en plus décorrélés avec ceux de la haute fonction publique ».

Photo : armée de l’Air & de l’Espace

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

Photo U.S. Marine Corps by Lance Cpl. Janell B. Alvarez.

Le Corps des Marines (USMC) est bien décidé à attirer de plus nombreuses recrues dans ses rangs en 2025. Les efforts de communication et de marketing lancés depuis cinq ans commencent à payer, même si globalement le recrutement reste malaisé. D’où le recours à une entreprise spécialisée qui a fait ses preuves depuis 2019.

Pour l’année fiscale 2023 (FY 2023), l’USMC avait besoin de 33 000 nouvelles recrues; il a réussi à recruter 33 323 Marines. Parmi eux, 28 921 soldats d’active et 4402 réservistes.

Pour la FY 2024, l’objectif était de recruter 30 500 nouveaux Marines dont 27 500 soldats d’active et 3000 réservistes. Objectif atteint de très peu (voir mon post précédent sur le bilan 2024 du recrutement US).

Pour l’année fiscale 2025 (FY 2025), le Corps des Marine Corps s’est fixé comme objectif le recrutement de 29 300 nouveaux soldats d’active soit une hausse de 1 800 hommes et femmes, comme confirmé par le général Bowers, patron du recrutement de l’USMC.

Externaliser la com’

Pour atteindre ses objectifs, l’USMC a de nouveau passé un marché avec une société privée. Il s’agit de Wunderman Thompson LLC, une agence de marketing de New York qui a déjà travaillé avec l’USMC dans le cadre d’un marché d’une valeur de 639 millions de dollars octroyé en 2019. Le nouveau marché a une valeur estimée à 834 millions de dollars.

Voir ici une des vidéos élaborée alors pour le recrutement en 2020.

Et celle de 2021 vraiment orientée « recrutement ».

Enfin, voir ici une autre vidéo (plus dynamique encore, intitulée: « U.S. Marine Corps: Shifting Threats ») conçue en 2022.

Voici l’avis d’attribution du nouveau marché de 5 ans, reconductible pour la même durée:
Wunderman Thompson LLC, Atlanta, Georgia, has been awarded an $834,090,640 contract. This hybrid (firm-fixed-price and cost, indefinite-delivery/indefinite-quantity, single-award) contract is to provide full-service advertising agency support to furnish supplies and services to enhance the Marine Corps’ recruiting efforts. Work will be performed at Atlanta, Georgia, with an expected completion date of December 2029. This contract includes one five-year option period which, if exercised, could bring the cumulative value of this contract to $1,914,649,380. Fiscal 2025 operation and maintenance (Marine Corps) will be obligated at the time of contract award, $10,000 in. This serves as the contract minimum guarantee. All other funding will be made available at the task order level as task orders are awarded. This contract was competitively procured via SAM.gov and seven proposals were received. The Marine Corps Installations Command Contracting Office, Arlington, Virginia, is the contracting activity (M9549425D0001). (Awarded Oct. 31, 2024).