Selon le dernier « rapport social unique » du ministère des Armées, publié par le Secrétariat général pour l’administration [SGA] en juillet, l’armée de Terre comptait 113’619 militaire en 2022. Soit 1421 de moins par rapport à l’année précédente, notamment en raison d’une baisse du nombre de militaires du rang [-1235] et de celui des sous-officiers [-170]. Et cela alors qu’il n’est plus question de « déflation » des effectifs, bien au contraire.
Et, visiblement, cette tendance n’est pas en train de s’inverser… au point que le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, a sonné le tocsin dans une lettre adressée le mois derniers « aux commandeurs et aux brigadiers », c’est à dire aux généraux à la tête des commandements spécialisés et des brigades.
« La priorité absolue concerne les effectifs. Jusqu’à l’an dernier, l’armée de Terre pouvait se targuer d’atteindre ses objectifs […] au prix d’efforts que je connais et que je salue », écrit le général Schill. Mais, poursuit-il, « les premiers mois de 2023 montrent une baisse inhabituelle des effectifs globaux de l’armée de Terre. En l’état actuel, les projections d’effectifs prévisionnels pour la fin de l’année sont mauvais ». Et effectivement, il serait question d’un « déficit » de 2’500 militaires…
« Cette inflexion peut s’expliquer par des raisons conjoncturelles comme structurelles que nous traiterons dans la durée » mais les « effectifs à terminaison de l’année 2023 constitueront néanmoins la base de départ des droits qui seront ouverts à l’armée de Terre en LPM [Loi de programmation militaire] 24-30 », rappelle le CEMAT.
Aussi, il n’y a pas de temps à perdre. Et, pour le général Schill, « il est donc impératif d’utiliser tous les leviers » dont disposent les « commandeurs » et « brigadiers » pour « corriger à la hausse les prévisions actuelles » de leurs unités car « chaque recrutement, chaque engagement, chaque renouvellement de contrat, chaque réengagement sera une victoire ».
En juillet, Europe 1 avait fait état de difficultés concernant le recrutement des trois armées. « À la fin de l’année, entre 1500 à 2000 jeunes n’auront pas été recrutés, par rapport aux objectifs fixés », avait affirmé la radio, avant d’évoquer des soucis de « fidélisation », avec « trop » de sous-officiers et de militaires du rang ayant tendance « à quitter l’institution pour rejoindre le privé ».
Et d’ajouter que, pour « sauver les meubles pour l’année 2023 », il était demandé, dans les régiments, aux partants de « prolonger de quelques mois pour étaler les départs sur 2024″… Ce qui ne ferait que décaler le problème sans le régler.
Ces difficultés concernent aussi la réserve opérationnelle de l’armée de Terre. Dans sa lettre, le général Schill a également demandé un effort « à la fois sur le recrutement et l’emploi » des réservistes, alors que, selon la LPM 2024-30, leur nombre est appelé à doubler d’ici 2030.
Aussi, écrit le CEMAT, « en 2023, les crédits d’activité des réserves » des unités « devront être intégralement employés et les effectifs de réservistes cesser leur décrue, voire entamer une hausse ». Et de conclure : « Il est impératif que la réserve opérationnelle de l’armée de Terre se sente intégrée et utile ».
À l’occasion de l’anniversaire du droit de vote des militaires, le 17 août 1945, retour sur le surnom de « La Grande Muette » désignant l’armée et ses membres durant IIIe République française, qui lui est historiquement lié, ainsi que son évolution jusqu’à aujourd’hui.
Un peu plus d’un an après les femmes le 21 avril 1944, les militaires de carrière sont les derniers représentants français — à l’exception faite de plus d’un million femmes musulmanes en Algérie (1958) et des personnes sans domicile fixe (1998) — à obtenir le droit de vote.
L’ordonnance du 17 août 1945 dispose en effet : « Les militaires des trois armées (de terre, de mer, de l’air et de l’espace) sont électeurs dans les mêmes conditions que les autres citoyens », rompant avec une loi de 1872 les excluant du suffrage universel, héritée de l’époque où l’armée était regardée avec suspicion et tenue hors de la vie politique du pays. Explications.
Un droit de vote « en pointillé » pour les militaires
À la suite de la Révolution française de 1848, de l’abdication du roi Louis-Philippe et ainsi, de la chute de la monarchie de Juillet (1830-1848), la IIe République française est instituée cette même année.
Elle met fin au suffrage censitaire, où seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse le seuil (le cens) peuvent voter. L’élection d’un président de la République se fait désormais au suffrage universel masculin, pour tous les hommes âgés d’au moins 21 ans jouissant de leurs droits civils et politiques (décret du 5 mars 1848). Le droit d’être élu est accordé aux plus de 25 ans. Le vote est secret. Femmes, membres du clergé, détenus et militaires de carrière en sont toutefois exclus.
Pour cause, dans cette période de vives tensions entre la France et la Confédération germanique, il paraît inconcevable que les troupes soient dispersées au moment des élections à travers le territoire national, dans chaque commune ou canton. Elles seront donc des abstentionnistes forcées du premier scrutin d’avril 1848, où le corps électoral — passé de 250 000 à 9 395 000 inscrits avec le nouveau mode de suffrage — est convoqué dans les bureaux pour élire 880 députés.
C’est finalement la loi du 15 mars 1849 qui, si elle réduit d’une part le corps électoral par de nouvelles conditions, accorde le droit de vote aux soldats : « Les militaires en activité de service et les hommes retenus pour le service des ports ou de la flotte, en vertu de leur immatriculation sur les rôles de l’inscription maritime, seront portés sur les listes des communes où ils étaient domiciliés avant leur départ ». Les sections de vote sont alors organisées dans les établissements militaires.
Le 2 décembre 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, premier chef d’État français élu au suffrage universel, renverse la République à travers un coup d’État, aidé par l’armée.
Il maintient le droit de vote des militaires pour les plébiscites (consultations populaires pour approuver ou refuser les grandes orientations, sortes de référendums) qui approuvent son accession au pouvoir entre décembre 1951 et novembre 1852 — ainsi que lors des élections (plus ou moins galvaudées) organisées sous le Second Empire, établi un an pile après le renversement du précédent régime.
Face à la méfiance des Républicains, « la Grande Muette »
Ce droit demeure ouvert aux soldats jusqu’à la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, la chute de Napoléon III et l’instauration de la IIIe République. Le 27 juillet 1872, la loi Cissey instaure le service militaire obligatoire par tirage au sort… et prononce, à travers l’article 5, l’interdiction du vote pour les militaires de tous grades en activité : « Les hommes présents au corps ne prennent part à aucun vote ».
À une période où la République est encore fragile, les partisans de celle-ci y voient là, entre autres arguments, une volonté de rompre avec un régime antérieur (auquel l’armée était impliquée) et une manière d’instaurer une neutralité et un loyalisme de l’institution envers la Nation.
Pour exemple, Léon Gambetta, alors l’une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la III République, préconisait ainsi cette suspension du droit de vote pour « empêcher, au foyer de la famille militaire, les dissentiments politiques » (discours du 4 juin 1874 – Dominique Colas, L’État de droit, Presses universitaires de France, 1987).
Les soldats se voient donc dotés de ce statut particulier et, privés de droits civiques, ne peuvent contester ; ils sont « muets ». L’armée, à la fois grande et silencieuse dans les urnes, se voit attribuer le surnom de « Grande Muette ». Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dans une considération des actes accomplis et un rétablissement égalitaire, que ce droit de vote est rétabli.
Le Code de la Défense, droits et libertés actuelles
Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Si le statut général militaire est prévu en vertu de l’article 34 de la Constitution française, il est codifié au sein du Code de la Défense, regroupant l’ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires relatifs à la défense française et à son exercice, adopté en 2004.
Son article L4121-1 réaffirme que « les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens ». Il précise aussi les droits accordés aux fonctionnaires civils et aux militaires dépendant du Ministère des Armées, avec la possibilité de restreindre l’exercice de certains d’entre eux.
Il leur est ainsi interdit d’adhérer à des groupements ou des associations à caractères politiques. La syndicalisation, par exemple, est à ce titre prohibée. En déniant ce droit, la juridiction du Conseil de l’Europe jugeait en 2014 que les autorités françaises violaient l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, garantissant la liberté de réunion et d’association.
Si un membre des forces armées en exercice choisit de se porter candidat à une élection, l’interdiction précédemment évoquée est suspendue le temps de la campagne, et le temps du mandat en cas de victoire. Il est alors placé en position de détachement durant l’exercice. Il n’est pas rémunéré, mais continue de bénéficier des droits à l’avancement et à la pension de retraite.
Sur le fond (et si elles sont libres), « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques […] ne peuvent être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire », rappelle également le texte. Ce dernier prévoit en outre que cet « état militaire » exige, entre autres, un esprit de « neutralité », de « loyalisme », de discipline ».
Des législateurs ont toutefois favorisé l’expression des militaires en dehors du service, en facilitant à travers la réforme du nouveau statut général militaire de 2005, notamment, leur adhésion et à des groupements, qu’elle qu’en soit la forme — à l’exception de ceux à vocation professionnelle ou politique.
Un statut des militaires français voué à évoluer ?
Dans la forme, un soldat est également soumis, comme l’ensemble des fonctionnaires, au secret professionnel, à la discrétion, mais également à un devoir de réserve : pendant ou en dehors de son service, il est tenu de peser ses propos et de conserver une certaine mesure dans l’expression de ses opinions personnelles, pour ne pas laisser apparaître une irrévérence envers l’État.
Cette distinction est complexe. Elle se veut purement théorique, car en pratique, seuls les abus de droit sont (officiellement) susceptibles de faire l’objet de sanctions disciplinaires. Ce n’est pas pour autant, en revanche, que la « Grande Muette » a acquis le nouveau surnom de « Grande Pipelette ». Si toutes formes de critiques ne sont pas proscrites, elles se sont avérées plutôt rares.
L’avènement d’une société où l’information circule librement et instantanément, ainsi que le recrutement d’une jeune génération de militaires, pourrait changer la donne. Certains apportent désormais leur avis sur des questions touchant à la Défense, à travers des livres, blogs ou leurs réseaux sociaux, outrepassant la nécessité de discrétion imposée par le Ministère et s’exposant ainsi à des sanctions.
Avec l’augmentation du budget alloué à la défense et la volonté de renforcer massivement les rangs de la réserve opérationnelle, et face à ces enjeux, le statut des militaires pourrait être voué à évoluer.
Lors de son discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, le 13 juillet, le président Macron avait dit vouloir revoir le fonctionnement du ministère des Armées en insistant sur la nécessité de donner « les leviers d’action à ceux qui portent les missions en opérations comme au cœur des territoires » et « d’encourager la réactivité, faciliter la capacité à entreprendre, démultiplier les énergies » et « concentrer les volontés sur la réalisation de la mission ».
En clair, il s’agit de revenir sur le modèle mis en place lors des réformes du ministère des Armées menées au tournant des années 2010, dans un contexte de contrainte budgétaire. Réformes qui ont été, comme eut l’occasion de le souligner le général François Lecointre, quand il était encore chef d’état-major des armées [CEMA], menées selon une « approche fonctionnelle » aux dépens d’une « approche organique » et « sans égard suffisant pour la singularité du fonctionnement des armées ».
Selon plusieurs rapports du Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire [HCECM], ces réformes se sont traduites par une dégradation du soutien administratif ainsi que par un effritement de la cohésion, en raison d’une « interarmisation » alors justifiée par le souci de rationalisation. En outre, elles ont amoindri le concept « un chef, une mission, des moyens ».
Cela étant, et conformément aux directives du chef de l’État, l’armée de Terre a déjà adopté un « plan de transformation », appelé « Une armée de Terre de combat ». Et les mesures qu’il propose seront progressivement en œuvre selon des modalités précisées dans un document interne, intitulé « Ordre général à l’armée de Terre 2023-30 ».
Celui-ci prévoit quatre grands commandements : le CFOT [commandement de la force opérationnelle terrestre], la DRHAT [Direction des ressources humaines de l’armée de Terre], la DCSIMMT [Direction centrale de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres] et le CCF [Commandement du combat futur]. Chacun d’entre eux aura à se concentrer sur une priorité précise, dont les opérations, les forces morales, l’économie de guerre [avec le maintien en condition opérationnelle] et l’innovation.
Ce document prévoit des mesures visant à faciliter le « fonctionnement quotidien » des unités de l’armée de Terre, les objectifs étant de « libérer les énergies des échelons subordonnés » et de « chercher l’amélioration des conditions de vie du métier militaire dans un équilibre assumé avec l’exigence d’une armée d’emploi durcie ».
Parmi ces mesures, il est question « d’adapter le style de commandement » du CFOT en passant de la culture de la norme à celle de l’intention, de la responsabilité et du résultat ».
Concrètement, il s’agira de « renforcer l’esprit d’initiative au combat », de développer la subsidiarité au quotidien », de « responsabiliser le commandement » et de « passer de la culture du contrôle de conformité à la mesure de l’efficacité ». Et cela se traduira par une autonomie plus grande laissée aux brigades et aux « autorités immédiatement supérieures » [AIS] des régiments.
Ainsi, l’armée de Terre veut « établir les brigades et les AIS des régiments comme l’échelon de synthèse des domaines ‘opérations’, ‘programmation des activités de préparation opérationnelle’, ‘ressources humaines’, ‘organisation’, ‘capacitaire’, ‘infrastructure’, ‘sécurité’ et ‘rayonnement’ ».
Plus généralement, le document explique que l’autonomie des brigades « constitue une ligne directrice forte de la transformation de l’armée de Terre.
« Certains freins à cette autonomie relèvent de notre organisation interne : ils doivent être levés par tous les chefs en mesure de le faire, chacun à son niveau. Certains freins relèvent de l’organisation interarmées : il nous incombe de les identifier, d’en limiter les effets et de formuler des propositions pour les lever à moyen terme », poursuit-il.
En outre, il reviendra à chaque brigade de déterminer la meilleure façon d’atteindre ses objectifs et de « valider les propositions de leurs régiments subordonnés selon ce prisme, dans le respect des directives et du cadre fixé par les contrats opérationnels ».
Enfin, il s’agira aussi de « créer les conditions de la liberté d’action des chefs de corps en leur redonnant des leviers d’action concrets », grâce à la mise en œuvre d’un « plan de subsidiarité budgétaire» visant à « accroître la déconcentration des crédits et donner aux formations les capacités et moyens d’agir conformément aux responsabilités qui leur sont confiées ».
La France perd deux places par rapport à l’an dernier. Dans le classement annuel dévoilé par Global Fire Power, l’armée française tombe à la neuvième place des grandes puissances en 2023. Budget consacré à la défense, effectif, diversité des armements, forces terrestres… Pas moins de 50 facteurs différents sont analysés pour établir cette hiérarchie. Une fois les scores attribués, chaque pays obtient un score entre 0 et 1. Plus l’indice se rapproche de 0, plus une nation se révèle puissante militairement. Septième en 2022 avec un score de 0.1283, la France obtient cette année la note de 0.1848.
Sans surprise, les États-Unis confirment leur statut de première puissance militaire mondiale. L’US Army, qui compte 1,39 millions de soldats dans ses rangs, peut compter sur un budget s’élevant 858 milliards d’euros cette année. Selon le site Defense News, cette hausse du budget des forces américaines (+8 par rapport à 2022) vise avant tout à contrer l’influence chinoise. « La Chine essaie activement de saper les intérêts et les partenariats américains partout en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et au-delà », a indiqué le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, avant de poursuivre : « Ce nouveau budget va renforcer notre position. Il donnera la priorité à des partenariats économiques et militaires cruciaux dans la région indo-pacifique. »
Comme en 2022, l’armée russe reste deuxième du classement mais se rapproche des États-Unis. En raison de la guerre qui l’oppose à l’Ukraine, les députés de la Douma viennent de voter une loi permettant d’augmenter l’âge du service militaire de 27 à 30 ans, une mesure qui va permettre de gonfler ses effectifs. Première en nombre d’hommes, avec quelque 2 millions de soldats sur une population totale de 1,4 milliard d’habitants, la Chine se classe troisième juste devant l’Inde.Onzième en 2022, l’Italie gagne une place et s’invite dans le top 10.
Promulguée le 1er août, après que le Conseil constitutionnel a censuré 11 de ses articles [et notamment les dispositions sur le recours à l’épargne réglementée pour financer la Base industrielle et technologique de défense], la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas d’augmenter le nombre de frégates dites de premier rang, la Marine nationale devant se contenter de seulement 15 unités. Ce qui, au regard de son contrat opérationnel, paraît insuffisant. Et lui permettre d’aligner au moins trois navires de plus n’aurait pas été du luxe.
Cependant, une solution pour compenser ce déficit en navires de premier rang consiste à s’inspirer du fonctionnement des sous-marins nucléaires en adoptant le concept de « double équipage », comme l’avait préconisé l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] en 2018. À l’époque, il avait surtout mis en avant des considérations ayant trait à la fidélisation des marins, l’idée étant de réduire leur temps passé en mission.
Cela étant, le « double équipage » a d’autres vertus, comme l’a souligné l’amiral Pierre Vandier, l’actuel CEMM, lors d’une audition au Sénat [le compte rendu a été mis en ligne alors que la LPM 2024-30 était sur le point d’être promulguée, ndlr].
« La création de doubles équipages sur certains types de bâtiments de surface est une œuvre de mon prédécesseur. Nous l’avons poursuivie, si bien que quatre FREMM [deux à Toulon et deux à Brest], trois patrouilleurs de service public et plusieurs bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer fonctionnent aujourd’hui en double équipage », a d’abord rappelé l’amiral Vandier.
Et celui-ci d’ajouter : « Les bénéfices [de ce concept] sont effectivement importants. Le double équipage permet ainsi de gérer facilement des alertes, notamment outre-mer. Il s’accompagne également d’une augmentation très significative du niveau opérationnel, les équipages dans leur période à terre pouvant se concentrer sur l’analyse poussée du retour d’expérience, sur l’évolution des tactiques et doctrines et sur la préparation de la prochaine mission ».
Qui plus est, une frégate multimissions [FREMM] en double équipage peut effectuer 162 jours de mer par an, contre 123 pour une FREMM à simple équipage.
« La LPM porte l’ambition de mettre deux FREMM supplémentaires en double équipage en zone atlantique. La pression militaire, notamment sous-marine, y est en effet croissante. Le nombre de frégates restant inchangé, nous avons donc besoin de plus de jours de mer », a expliqué le CEMM. Aussi, avec deux FREMM de plus à double équipage, le gain est d’environ 80 jours de mer par an, a-t-il relevé.
En clair, 6 FREMM à double équipage [soit 972 jours de mer] valent 8 FREMM à simple équipage [soit 984 jours de mer]. À condition toutefois que la disponibilité technique opérationnelle [DTO] suive…
Sur ce point, le rapport annuel de performance pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces », publié par le ministère de l’Économie et des Finances, indique que, en 2022, la « DTO des frégates est restée globalement conforme à la prévision [57 % pour 59 % prévus] grâce à la très bonne tenue des frégates de défense aérienne compensant les conséquences des avaries rencontrées sur les frégates multi-missions [notamment sonar et système de combat] et sur les frégates de type La Fayette [usine électrique].
Et d’ajouter : « La performance globale est toutefois limitée par la sensibilité des bâtiments aux aléas du domaine des armes-équipements. Un plan d’actions sur la performance du Maintien en condition opérationnelle des armes-équipements, incluant des acquisitions de rechanges critiques, a été lancé ».
Quoi qu’il en soit, a insisté l’amiral Vandier, « le bénéfice du double équipage est avéré » au point que son homologue britannique envisage d’ailleurs de passer l’ensemble de la Royal Navy en double équipage ». Et de noter que l’US Navy a une «vision différente » puisque les déploiements de ses frégates« ont une durée très longue » et que le « surplus de missions » lui sera fourni par le « déploiement d’une flotte de drones de surface ».
Au passage, le CEMM a donné le détail de la « population » de sous-mariniers, en indiquant que celle-ci se compose de 335 officiers et de 850 sous-mariniers. « Les flux entrants dans les forces sous-marines sont de l’ordre de 300 à 350 marins par an. Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas de difficultés de recrutement particulières dans ce domaine », a-t-il conclu.
Élaboré par la Direction des ressources humaines du ministère des Armées, le Rapport social unique propose une approche statistique, révélant l’essentiel des chiffres RH pour le personnel militaire et civil.
En 2022: – le ministère des Armées comptait 266 052 femmes et hommes, dont les trois-quarts sont des militaires. – 17 % de femmes militaires: les armées Françaises comptent parmi les plus féminisées au monde. Au sein du personnel civil, les femmes représentent 39 % des agents et, tous statuts confondus, 39 % des cadres dirigeants. – 28500 recrutements en 2022 – 68 % des militaires servaient sous contrat et 32 % sont de carrière. Les civils comptent 61 % de titulaires, 20 % de non titulaires et 19 % d’ouvriers de l’État – les dépenses de personnel s’élevaient à 21,542 milliards d’euros, dont 16,442 milliards pour le personnel militaire et 5,100 milliards pour le personnel civil – 37 182 volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve (ESR) et 61 181 anciens militaires d’active au titre de la réserve de disponibilité. Enfin, la réserve citoyenne de défense et de sécurité compte 6 093 personnes – 118 667 militaires ont bénéficié d’une formation pour un nombre total de 5 879 938 journées. 56 180 civils ont suivi une formation pour un nombre total de 172 009 journées – 2 215 apprentis étaient en formation. 165 apprentis ont intégré le ministère des Armées à l’issue de leur apprentissage.
Le panorama de la politique RH du ministère des Armées pour 2022 est à consulter ici.
L’exécution de la Loi de Programmation Militaire française 2019-2025 à ce jour a été, de l’avis de tous les observateurs, exemplaire. En effet, celle-ci a respecté scrupuleusement les hausses budgétaires prévues, constituant une première depuis que l’exercice a été mis en place.
Ainsi, le budget des armées en 2017 n’était que de 32,7 Md€, après une quinzaine d’années de sous-investissements critiques, ayant amené les armées françaises au bord de l’implosion. De fait, les crédits supplémentaires alloués ont permit d’amener le budget des armées à 43,9 Md€ en 2023, soit une hausse de 11,2 Md€ ou 34% vis-à-vis du budget 2017.
Et si la prochaine LPM 2024-2030 respecte les lignes annoncées, le budget 2024 atteindra alors 46,9 Md€, soit 43% de plus qu’il ne l’était lors de l’arrivée du président Macron à l’Elysée.
Pour autant, si le moral des militaires s’est semble-t-il amélioré sur cette période caractérisée par un effort important pour la condition militaire, le format des armées, lui, semble stagner, et même le remplacement de certains matériels ayant déjà largement joué les prolongations, comme les Patrouilleurs hauturiers A69 de la Marine Nationale, les KC-135 de l’Armée de l’Air et de l’espace, ou encore les canons automoteurs AUF1 et hélicoptères gazelles de l’Armée de terre, semblent encore être amenés à rencontrer certaines difficultés lors de la prochaine LPM.
Pourquoi, avec une telle hausse budgétaire, les armées peinent-elles encore à engager les programmes permettant de renouveler les équipements obsolètes, et refusent-elles toute notion d’augmentation sensible de format sur la prochaine LPM, qui pourtant devrait permettre, en appliquant une croissance linéaire du budget comme précédemment, d’arriver à un budget annuel de 68 à 69 Md€ en 2030, soit une hausse de presque 108% en 13 ans ?
Comme souvent, il n’y a pas qu’une cause à cet état de fait, celui-ci reposant principalement sur deux facteurs détériorant sensiblement l’efficacité de l’effort fourni pour redonner aux armées les crédits et les moyens nécessaires à leurs missions. Le premier n’est autre que la conséquence directe de 20 années de sous-investissements dans le renouvellement des équipements, en parti compensés, mais en parti seulement, par une sévère révision à la baisse du format des armées.
Le second résulte directement de la façon dont la LPM est conçue, à savoir une programmation pluri-annuelle exprimée en Euro courants, et donc incapable d’absorber des variations économiques sévères, comme le retour de l’inflation observé en 2022 et 2023, celle-ci ayant, pour ainsi dire, neutraliser l’effort budgétaire consenti depuis 2017.
Les conséquences d’un budget en sous-investissement chronique dans les Armées
En moyenne, un équipement militaire d’importance, comme ceux acquis dans le cadre des Programmes à Effets Majeurs, a une durée de vie au sein des armées de 30 à 35 ans. C’est ainsi que tous les navires de la Marine nationale, mais également les aéronefs des 3 armées, ou les blindés de l’Armée de terre, restent en service sur une période dépassant 30 années.
Or, sur la base du format des armées défini par le Livre Blanc de 2013, la valeur totale des équipements en service au sein des 3 armées, en dépit d’un nouveau coup de rabot dans les effectifs, les unités, et par voie de conséquence, dans les équipements requis pour répondre au contrat opérationnel, avoisine les 240 Md€ exprimés en € 2023.
Avec une durée de vie de 30 ans, il s’avère donc nécessaire d’investir chaque année 8 Md€, en moyenne, dans les programmes à effets majeurs et efforts de développement, pour assurer un renouvellement fluide du parc matériel des armées. C’est désormais le cas, mais sur les vingt années ayant précédé, cet effort n’était que de 4 Md€ par an en moyenne, soit un déficit de 40% et 4 Md€ par an, ce pendant une vingtaine d’année de 2000 à 2020, sur l’autel des bénéfices de la paix.
Sur la même période, paradoxalement, les armées furent souvent très sollicitées, avec de nombreuses interventions extérieures les obligeants à sur-consommer le potentiel de leurs équipements. De fait, non seulement les armées ne parvinrent pas à renouveler leurs équipements de manière raisonnée, mais elles durent répondre à une activité opérationnelle importante détériorant encore plus rapidement leur parc.
Au final, il en est résulté un déficit d’investissement de prés de 80 Md€ en 2020, de sorte à renouveler l’ensemble des matériels qui auraient du l’être sur les 20 années passées, ceci expliquant, en grande partie, le manque de résilience des forces notamment dans l’hypothèse d’un engagement de haute intensité, comme l’ont montré plusieurs rapports récents de parlementaires désormais beaucoup plus insistants sur ces manquements du fait du contexte international.
Quant aux militaires, ils n’ont cessé de répéter, depuis le milieu des années 2000, qu’ils étaient dans l’obligation de consommer leurs propres réserves pour répondre à la pression opérationnelle en l’absence d’investissements suffisants, mais ils ne furent effectivement écoutés qu’à partir du moment où les menaces devinrent beaucoup plus pressantes et palpables de l’opinion publique.
Dans ces conditions, on comprend que le surplus budgétaire consenti lors de la LPM 2019-2024, même s’il est effectivement conséquent, n’aura permis à ce jour, que de ramener les investissements en matière de renouvellement des équipements à leur point d’équilibre, soit 8 Md€ par an.
Il ne permet donc, aujourd’hui, que de renouveler les équipements à un rythme normal, c’est à dire sur un rythme de 30 années, ceci expliquant qu’en dépit de son évolution, le budget des armées ne permet aujourd’hui ni d’envisager une augmentation de format, ni même une remise en état des armées sur un échéancier de court ou de moyen terme.
Pour répondre à ce besoin, il serait nécessaire d’augmenter encore sensiblement les efforts budgétaires, tout en gardant à l’esprit que l’essentiel de cet effort serait initialement fléché vers le renouvellement des matériels obsolètes et la réparation des dégâts de la période 2000-2020, ce qui sera probablement en grande partie l’objectif visé par la prochaine LPM, en tout cas par les militaires.
Comment l’inflation handicape très lourdement les investissements des armées ?
Pour autant, en dépit d’une enveloppe budgétaire appelée à évoluer très sensiblement d’ici 2030, cela pourrait bien ne pas suffire, en raison d’un second paramètre d’importance réapparu il y a peu, l’inflation. En effet, traditionnellement, les LPM sont conçues et exprimées en Euro courants, sans prendre en considération d’autres paramètres économiques comme l’évolution de la dette, la croissance économique et, ce qui apparait plus gênant, l’inflation.
Il est vrai que depuis la crise inflationniste des années 80, la France avait été relativement préservée dans ce domaine, avec une inflation annuelle d’autant plus maitrisée que le pays rejoignait la zone Euro sous influence allemande, Berlin ayant historiquement une aversion profonde à l’inflation. De fait, sur les LPM précédentes, l’inflation n’a pas eu d’effets notable, tout du moins ceux-ci ont été largement négligeables face à l’inconstance politique des dirigeants du pays.
La LPM 2019-2025 fut, elle aussi, conçue sur les mêmes paradigmes, avec une hausse budgétaire exprimée en € courant de 1,7 md€ par an pendant 4 ans, puis de 3 Md€ par an pendant 3 ans, de sorte à atteindre un effort de défense de 50 Md€/ an en 2025. Malheureusement pour les armées, la crise Covid d’une part, puis l’agression russe en Ukraine de l’autre, eurent raison de la résilience européenne à l’inflation, avec un taux moyen de 5% en 2022, de 6% en 2023 et une prévision à 3,5% en 2024, contre 1% en moyenne sur la période 2017-2021.
Une telle inflation est venue très largement compromettre l’effectivité de la hausse consentie depuis 2017 du budget des armées, ce d’autant que dans le même temps, et conformément à la planification annoncée, le cout des Opérations Extérieures, soit en moyenne 1,5 md€ par an, était transféré d’un effort interministériel au seul budget des armées. Mis bout-à-bout, ces deux facteurs donnent une vision très différente de la réalité de la hausse budgétaire de 11,2 Md€ et de 34 % sur cette période, comme le montre le tableau ci-dessous.
On le voit, exprimé en euro 2017, les 43,9 Md€ du budget 2023, correspondent à 37,2 Md€ de capacités budgétaires à périmètre constant pour les Armées, soit une hausse de seulement 5 md€ et 13,4%. Ce montant est par ailleurs largement entamé par les hausses de soldes passées, présentes et à venir, celles-ci constituant, d’une certaine manière, le principal bénéfice de la LPM 2019-2025 puisqu’ayant permis d’apaiser un sentiment de démoralisation très palpable au sein des armées en 2017.
En revanche, on comprend que les crédits effectivement disponibles pour renouveler le parc matériel, n’auront que très faiblement progressé en Euro constants, ceci expliquant que les armées peinent encore à simplement renouveler leurs équipements obsolètes.
Il montre également qu’une grande partie des crédits supplémentaires qui seront libérés lors de la prochaine LPM, alors que l’inflation reviendra probablement à des niveaux certes plus élevés qu’en 2017-2021, mais plus accessibles qu’en 2022-2023, permettra seulement revenir à la situation d’investissement visée par la LPM 2019-2025 avant la crise inflationniste.
Ainsi, si l’inflation en 2022, 23 et 24 avait été limitée à 1,5% par an, comme le montre le tableau ci-dessous, la hausse budgétaire compensée de l’inflation en 2024 aurait été de 10% supérieure à aujourd’hui.
Conclusion
On le comprend, l’action cumulée du déficit d’investissements de 2000 à 2020 d’une part, et les crises internationales ayant engendré une inflation importante et non planifiée en 2022 et 2023, ont eu raison d’une grande partie des efforts budgétaires consentis par la France pour recapitaliser ses armées depuis 2017.
Sur la trajectoire qui semble celle qui sera suivie par la LPM à venir, il est probable, sauf nouvel épisode économique non planifié, qu’une grande partie de la hausse des investissements à venir, ne servira qu’à compenser les pertes cumulées d’investissement des années précédentes, et à rattraper le coup de rabot lié à l’inflation en 2022, 2023 et 2024.
On comprend également que la situation budgétaire des armées françaises, aujourd’hui, n’est pas si éloignée de celle qui était la sienne en 2017, l’essentiel de l’effort préservé de l’inflation ayant été capté vers l’amélioration indispensable de la condition militaire, ne laissant que bien peu de moyens pour le renouvellement du parc matériel, et évidement aucune marge de manoeuvre à court ou moyen terme, pour accroitre le format des armées.
Pour répondre à ce besoin, si tant est qu’il devienne véritablement un objectif politique, il serait alors nécessaire soit de s’inscrire dans les pas de Berlin, et de libérer une enveloppe de 80 Md€ pour compenser le sous-investissement des années précédentes et remettre les armées dans un format et un fonctionnement normal, soit d’accroître considérablement, pour un temps, la croissance de l’effort de défense tout en intégrant à la programmation militaire à moyen terme, donc à la LPM, une clause de re-évaluation budgétaire stricte pour compenser une inflation supérieure à 1,5%.
Surtout, il semble indispensable de construire l’envelopper budgétaire allouée aux armées sur la base des couts réels auxquelles elles sont effectivement exposées, en particulier celui visant au renouvellement des équipements de son parc, de sorte à empêcher qu’une situation comme celle à laquelle elles sont exposées aujourd’hui, naturellement alors qu’elles sont le plus sollicitées, ne se reproduise à l’avenir.
Le concept de « soldat augmenté » vise à améliorer les capacités physiques et cognitives d’un combattant en opération en ayant recours à certaines technologies susceptibles de poser des problèmes éthiques. Surtout quand il est question de « mutations génétiques » ou d’implants neurologiques. La DARPA, c’est à dire l’agence du Pentagone dédié à l’innovation, n’écarte pas une telle perspective, avec le programme NESD[Neural Engineering System Design].
Un autre moyen permettant d’augmenter les performances d’un combattant passe par le développement de nouveaux équipements, à l’image de l’exosquelette, qui permet de manipuler des charges lourdes avec un minimum d’effort [et donc de fatigue]. Mais cela n’empêche nullement de mieux préparer les militaires aux conditions qu’ils rencontreront sur un théâtre d’opérations. Et c’est d’ailleurs cette approche que privilégie le ministère des Armées.
En effet, l’Institut de recherche biomédicale des Armées [IRBA] a récemment mené l’étude PEACE [pour « physiologie de l’exercice et des activités en conditions extrêmes »] afin de voir comment il serait possible d’améliorer l’acclimatation des soldats aux fortes chaleurs ainsi qu’aux basses températures.
Celle-ci a notamment consisté à suivre, pendant deux semaines, des militaires récemment affectés aux Émirats arabes unis. Les tests physiques auxquels ils ont été soumis a ainsi permis de collecter des données physiologiques [fréquence cardiaque, température, pertes sudorales, composition de la sueur, etc.]. Et l’IRBA en a déduit que la capacité d’acclimatation varie d’un individu à l’autre.
D’abord, il est apparu que ceux qui avaient déjà effectué une mission de longue durée dans un pays chaud s’acclimataient beaucoup plus rapidement que les autres. D’où l’hypothèse d’une « trace biologique laissée par une première exposition à la chaleur, responsable d’une ‘mémoire’ cellulaire réactivée lors de la réexposition », avait alors résumé Actu Santé, le magazine du Service de santé des Armées [SSA].
Plus généralement, l’étude PEACE a permis de déterminer [ou de confirmer] qu’il existait une « variabilité individuelle importante de la tolérance à la chaleur, avec des sujets présentant d’emblée une bonne tolérance à la contrainte thermique et d’autres ayant une altération marquée de leurs capacités ». Et pour identifier ceux qui s’acclimatent le plus vite aux fortes températures, l’IRBA a évoqué l’idée de faire passer un « test de terrain à la chaleur » pour mesurer « la réponse physiologique » ainsi que « la fréquence cardiaque ».
Depuis, et afin d’affiner ses travaux, l’institut de recherche du SSA a lancé l’étude PENTHERE [pour Performance ENdurance THErmorégulation Récupération], dont l’objectif est « d’apporter une meilleure connaissance scientifique sur la tolérance des militaires à la chaleur en cas d’activités physiques prolongées dans des zones soumises à des contraintes environnementales ».
« Régulièrement projetés en opérations extérieures dans des régions au climat chaud et plus ou moins humide, les militaires sont soumis à diverses contraintes environnementales et physiques qui ne sont pas sans impact sur leur organisme. Ces altérations de la thermorégulation peuvent avoir des conséquences sur leur état de santé et, in fine, sur la réalisation de leur mission », explique le ministère des Armées.
Dans le cadre de l’étude PENTHERE, une expérience a été menée au Centre national des sports de la défense [CNSD], à Fontainebleau, ce 20 juillet. Ainsi, 11 volontaires [militaires et civils] ont pris part à une épreuve d’ultra-endurance qui aura duré six heures [alors que le thermomètre indiquait 26°c pour l’Île-de-France, ndlr]. Leurs données physiologiques ont été collectés par le Laboratoire modulaire mobile et de recherche des Armées [L2MRA] qui, de création récente, permet d’effectuer des prélèvements et de conditionner les échantillons sur le terrain.
Cela étant, d’autres études sur l’acclimatation des soldats ont été récemment menées. L’un d’elles a ainsi porté sur l’alimentation, les envies alimentaires [de même que les besoins] n’étant effectivement pas les mêmes selon que l’on se trouve dans un climat tempéré, froid ou chaud.
En l’absence d’un nouveau Livre Blanc, et après une Revue Stratégique en certains aspects bâclée, le nouvelle Loi de Programmation Militaire 2024-2030 qui encadrera la trajectoire des armées françaises pour les 7 ans à venir, pouvait apparaitre terne et sans ambition.
Force est de constater que les choses ont considérablement évolué au cours du processus parlementaire, tant du fait des députés et sénateurs, que d’un ministère remarquablement proactif pour s’emparer des sujets et amener des éclaircissements.
C’est ainsi qu’au delà des aspects budgétaires qui doivent encore faire l’objet d’une dernière négociation en début de semaine prochaine lors de la commission paritaire mixte entre le Sénat et l’Assemblée Nationale, de nombreux objectifs des plus stratégiques pour l’avenir des armées et de l’industrie de défense ont été clairement tracés.
C’est notamment le cas dans le domaine des drones et de la lutte anti-drones, de la pérennisation pleine et entière du porte-avions de nouvelle génération, ou encore au sujet du très ambitieux programme Rafale F5 et de son drone de combat dérivé du programme Neuron, pour ne citer que les plus médiatisés.
La trajectoire en matière de ressources humaines pour les années à venir était, quant à elle, tracée dans les grandes lignes dès la première mouture du projet de loi. Ainsi, les effectifs des armées n’évolueront que peu dans les années à venir, si ce n’est dans certains domaines comme le renseignement ou le cyber.
Pour faire face à la montée des tensions et des risques de conflit, le Ministère des Armées va en effet concentrer ses efforts d’ici 2030 autour de deux objectifs. D’une part, il s’agira de consolider les effectifs professionnels des armées, notamment pour faire face aux nombreuses difficultés que rencontrent toutes les armées occidentales dans le domaine des ressources humaines, de sorte à éviter la déflation des effectifs.
Dans le même temps, la montée en puissance sera assurée par le recrutement de plus de 40.000 réservistes opérationnels supplémentaires, soit le doublement de la réserve opérationnelle comme aujourd’hui, au travers d’une vaste de campagne déjà débutée pour amener les français à s’investir dans la Défense et la Sécurité nationale, que ce soit au travers de la Réserve Opérationnelle ou de la Réserve Citoyenne, selon les profils.
Jusqu’à présent, on ignorait comment ces nouveaux effectifs allaient être ventilés, et l’on pouvait craindre qu’à l’instar de ce qui se pratique aujourd’hui, l’essentiel des nouveaux réservistes viendraient renforcer la résilience des unités professionnelles existantes, au travers d’une ou plusieurs compagnies formées de réservistes évoluant au contact de leurs homologues professionnelles.
Si cette solution répondait bien aux besoins il y a quelques années, en conférant aux régiments des moyens humains supplémentaires mobilisables au besoin pour absorber une certaine attrition (de fatigue ou de combat), elle ne permet cependant pas d’accroitre la masse des armées à proprement parler, et donc leur caractère dissuasif.
Aujourd’hui, il n’existe qu’un unique régiment entièrement constitué de réservistes, le 24ème régiment d’infanterie basé à Vincennes et Versailles en région parisienne. Celui-ci fut recréé en 2013, précisément pour expérimenter la possibilité de mettre en œuvre des unités de la taille et de la fonction d’un régiment, entièrement constituées de réservistes, et pour en évaluer les performances et la capacité à s’intégrer dans un dispositif composé d’unités professionnelles.
Si dans ses premières années, le 24ème RI fut cantonné à des missions intérieures, il commença à participer à des opérations extérieures à partir de 2020, au travers de déploiements de courtes durées conformément à la nature de ses effectifs. Il participa également activement à la mission résilience en Ile de France lors de la crise Covid.
De toute évidence, l’expérience du 24ème RI s’est montrée satisfaisante, puisque le Ministère des Armées a annoncé que d’autres régiments de ce type allaient être créés lors de la LPM 2024-2030, sans toutefois en préciser le nombre ou la localisation.
Toutefois, de part leurs besoins importants en matière d’effectifs, on peut supposer que chacun d’eux sera déployé à proximité d’une grande agglomération comme Marseille, Lyon, Nantes, Lille, Toulouse, Bordeaux et Strasbourg.
Reste que, pour l’heure, l’expérience du 24ème RI n’est pas aboutie à ce jour. En effet, si celui-ci dispose des effectifs, et d’une certaine manière de l’entrainement requis, il est particulièrement faiblement équipé, n’ayant ni armement lourd ni véhicules blindés, loin de l’inventaire des régiments d’infanterie professionnels.
De fait, pour aller au bout du raisonnement en matière de masse, il sera nécessaire que ces nouveaux régiments soient équipés à l’instar des régiments professionnels, de sorte à pouvoir être projetés totalement ou partiellement à l’identique de ‘n’importe quelle unité de même arme.
En outre, il serait probablement souhaitable que ces nouveaux régiments couvrent l’ensemble des besoins, plus spécifiquement en matière d’engagement de haute intensité, et donc disposer des équipements et de l’entrainement nécessaire pour cela. Jusqu’à présent, certaines réticences au sein même de l’Etat-major entravaient cette approche.
On peut espérer que la démonstration de force réalisée par les armées ukrainiennes, presque entièrement constituées de conscrits et de réservistes, aura permis de faire évoluer les opinions à ce sujet, et qu’effectivement, ces nouveaux régiments composés de réservistes seront les répliques des régiments professionnels en tous points, comme c’est notamment le cas des bataillons de la garde nationale américaine.
Reste que la plus grande difficulté qui devra être surmontée par le Ministère des Armées dans ce dossier, sera incontestablement de parvenir à convaincre et fidéliser 40.000 réservistes opérationnels supplémentaires, de sorte à donner corps à cette ambition.
Mercredi 5 juillet, Sébastien Lecornu a souhaité mettre à l’honneur les 40 000 réservistes opérationnels qui œuvrent au quotidien aux côtés des forces armées ainsi que les réservistes citoyens.
Le ministre des Armées a présidé une prise d’armes durant laquelle les troupes d’honneur étaient, pour la première fois, exclusivement composées de réservistes opérationnels, rassemblées dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides.
Comme le prévoit la Loi de programmation militaire 2024-2030 actuellement en examen au Parlement, le nombre de réservistes opérationnels sera plus que doublé pour atteindre 80 000 volontaires en 2030 et jusqu’à 100 000 à terme.
Les réserves seront renforcées à travers cette nouvelle LPM avec : – la création de flottilles côtières armées par des réservistes pour la Marine, – la création d’escadrilles de réservistes sur chaque base aérienne pour l’armée de l’Air et de l’Espace, ainsi que le renforcement des compagnies et des sections de réserves pour l’armée de Terre à l’image du 24ème régiment d’infanterie.
Le projet de bataillon zonal Ouest, pas cité dans le communiqué du ministre, est bien toujours sur les rails. Il sera adossé certainement à une unité de la 9e BIMa. Affaire à suivre.
Déclinaisons locales
La montée en puissance de la réserve ne peut se faire sans les forces économiques du pays. Afin de faciliter l’engagement des salariés dans la réserve opérationnelle, plusieurs conventions ont été signées mercredi, et certaines le seront prochainement.
De telles signatures ont aussi eu lieu en région.
Ainsi à Rennes, mardi, 30 chefs d’entreprises bretonnes ont signé le manifeste PROMILES en présence du général de corps d’armée Laurent Michon, officier général de zone de défense et de sécurité représentant le ministère des armées, et de Hervé Kermarrec, président du MEDEF Bretagne.
Le manifeste PROMILES a pour but d’élargir le cercle des entreprises accompagnant les armées. Au-delà des grandes entreprises et des grands groupes, il permet de toucher les entreprises de proximité qui maillent le territoire en les associant étroitement au tissu militaire local pour faire émerger des partenariats gagnant-gagnant. L’entreprise signataire s’engage à reconnaitre l’importance de l’engagement des hommes et femmes des armées qui défendent le pays, à leur apporter son soutien, à favoriser les échanges et les actions concrètes avec les unités militaires de son environnement.