L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

En Ukraine, la mobilisation générale se dessine. Et en France, si l’armée professionnelle ne suffit plus, pourriez-vous aller sur le front ?

En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front.
En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front. (©DIEGO FEDELE / AFP)

1 000 et deux nuit dans la guerre. Le 24 février 2022, la Russie envahissait son voisin ukrainien avec des avions de chasse rutilants, des chars d’assauts pétaradants et une armée professionnelle préparée. En face, dans l’urgence, la nation de Volodymyr Zelensky organisait la riposte avec des moyens américains et européens flambants neufs.

Près de trois ans plus tard, c’est l’usure et l’horreur du conflit qui dominent les esprits. Des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés. Le conflit a fait fondre la population du pays d’un quart. Et le bilan des pertes militaires demeure inconnu.

Qu’importe, les volontaires ne suffisent plus à abreuver le front en hommes. Depuis quelques mois, la nation jaune et bleue oblige les citoyens à embrasser l’uniforme de l’armée, au point d’enrôler de force des civils, comme l’ont montré plusieurs vidéos, comme ici sur BFM. En France, dans une situation de guerre, l’État pourrait-il, lui aussi, nous enrôler ?

Aux armes, (tous les) citoyens ? 

En cas de conflit armé dans lequel la France serait impliquée, l’État pourrait donner l’ordre à une partie de sa population de s’engager dans l’armée. « En pratique, le pouvoir en place pourrait abroger la loi de suspension du service national », détaille Annie Crépin, historienne, spécialiste d’histoire militaire et maîtresse de conférences honoraire de l’université d’Artois, à actu.fr. Cette loi du 28 octobre 1997, souhaitée par Jacques Chirac, annonçait la fin du service miliaire obligatoire.

La mobilisation générale, ça n’existe plus. Mais avec cette abrogation, la France (qui, comme l’Ukraine, ne pourrait se suffire de son armée professionnelle pour mener la guerre) envisagerait de compter sur les citoyens. « Après avoir épuisé tous les volontaires et les réservistes, l’État serait enjoint de puiser dans la population. »

Qui serait concerné ? L’âge, le genre et d’autres conditions seraient encore à définir. Les plus fragiles pourraient-ils se retrouver sur le front ? Les femmes ? Si l’on se fie aux conditions d’accès au service militaire volontaire (SMV), tous les jeunes Français, dès 18 ans, est-il écrit sur le site du gouvernement, pourraient être enrôlés dans l’armée. Et ce, jusqu’à 35 ans.

« Les personnes considérées comme pas assez en formes, les plus âgés et d’autres cas seraient sans doute réformés », tempère tout de même Annie Crépin. Autrement dit, si vous êtes majeur, que vous avez la trentaine ou moins, que vous ne présentez aucune comorbidité, vous pourriez vous retrouver avec une arme à la main.

Brève histoire du service militaire

La conscription, appelée aujourd’hui service milliaire obligatoire, a vu le jour sous le directoire en 1789 avec la loi Jourdan-Delbre. Tous les citoyens âgés de 20 à 25 ans pouvaient servir dans l’armée. Au fil des régimes, la conscription s’est allégée. D’abord en termes de durée, puis de devoir, avant d’être définitivement suspendue en 1997.

Ouf, une (petite) armée existe

Autre paramètre à prendre en compte, avant de vous envoyer au front, comme Candide face aux Bulgares : la France possède une armée régulière. Ce sont les forces opérationnelles qui seront mobilisées les premières, en cas de guerre sur le territoire.

C’est-à-dire, comme le rappelle un rapport parlementaire portant sur le budget 2022 de la Défense, 77 000 hommes de l’armée de terre, 34 000 de la marine et 40 000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, avec environ 5 000 réservistes en renfort.

Outre ces prêts, au total, l’armée française, toutes armes, tous métiers confondus, comprenait 269 055 équivalents temps pleins. Trois quarts de ces temps pleins (76,5 %) sont occupés par des militaires, les autres, des civils au service de l’armée.

Côté matériel, la France possède, selon les derniers chiffres disponibles, 222 chars Leclerc, 6 200 blindés à roues et approximativement 3 800 autres véhicules de combat. Avec ceci, 211 avions de combat, 45 avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, la France a, en théorie, de quoi se défendre en cas de conflit.

Cependant, pour combien de temps ? Sur le long terme, cette armée professionnelle suffirait-elle pour tenir les fronts, attaquer l’ennemi, ou encore défendre la population ? « L’armée française est une armée américaine en version bonsaï », rappelait sur France Info, Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

Qui sait recharger un FAMAS ?

Depuis la suspension du service militaire, en 1997, plus personne n’est formé aux maniements des armes, ni à ce que c’est vraiment, une guerre. Avec tout ce qu’elle comporte d’horreur, de froideur et de cynisme. Envoyer un citoyen en première ligne, la fleur fusil, serait considéré comme une hérésie.

« C’est un vrai problème, si on en arrive là », reprend l’historienne, avant d’ajouter : « La Première Guerre mondiale s’est gagnée avec les réservistes. »

Avant de puiser parmi les civils, il existe en effet une réserve militaire constituée de deux composantes. Une réserve citoyenne défense et sécurité (des volontaires agréés par l’armée en raison de leurs compétences et de leur expérience) et une réserve opérationnelle.

En somme, des réservistes avec ou sans expérience militaire, âgés de 17 à 35 ans, qui se sont engagés sur la base du volontariat pour soulager les armées environ 25 jours par an en moyenne, indique le ministère des Armées.

Au total, près de 140 000 personnes sont théoriquement mobilisables, dont 40 000 volontaires de la réserve opérationnelle, peut-on lire sous la plume de Jean de Monicault dans la Revue de Défense Nationale, parue en 2021. Ça en fait du monde, avant de demander aux boulangers, plombiers et banquiers de France de prendre les armes. Mais les chiffres paraissent ridicules face aux 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939 lors de la Seconde Guerre mondiale.

Évidemment, ces scénarios paraissent improbables. La France, avec 31 autres pays, est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’article 5 de cette organisation dispose que si un pays est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres, peut-on lire sur son site.

Le scénario pourrait devenir envisageable, le jour où la France, pour des raisons politiques, se retrouverait sans l’OTAN, isolée du reste du monde.

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Le SNU, ou Service National Universel, lancé en 2019, a, parmi ses objectifs, d’améliorer la mixité sociale et le sentiment d’engagement auprès d’une jeunesse présentée, à tort ou à raison, comme de plus en plus éloignée de la vie de la Nation.

Celui-ci vient de faire l’objet d’un rapport de la Cour des Comptes du plus préoccupant, jugeant le dispositif onéreux, mal planifié et, surtout, dont les objectifs s’avèrent flous et à géométrie variable selon l’actualité.

Ce constat contraste, presque en tous points, avec les retours élogieux concernant le dispositif de conscription choisie mis en œuvre par la Norvège et d’autres pays scandinaves, qui suscite à la fois l’adhésion de la jeunesse et des armées, au plus grand profit de la résilience nationale.

Se pose alors la question, de l’opportunité de remplacer un SNU peu efficace et onéreux, par un dispositif de conscription choisie, qui permettrait, pour un investissement identique, de renforcer le format des Armées, d’améliorer le recrutement des postes d’active et de la Garde Nationale, et d’accroitre, significativement, la résilience de la Nation, au sens large du terme ?

 

Sommaire

La cour des comptes publie un rapport très critique sur le Service National Universel

Né d’une des promesses de campagne du candidat Macron lors des élections présidentielles de 2017, pour remettre en place un service national, le SNU a été lancé dès 2019, avec l’objectif d’atteindre, pour 2027, son plein potentiel.

SNU armées
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Toutefois, les objectifs de ce service national universel, tels que présentés initialement, se sont rapidement effacés face à la réalité d’intégrer une classe d’âge, soit 850 000 jeunes, à un dispositif général nécessitant des infrastructures, des moyens humains et des crédits qui n’existent pas.

Très tôt, le ministère des Armées a pris ses distances avec cette initiative, mettant en avant ses effectifs trop réduits et ses infrastructures bien trop limitées pour relancer une forme de service national obligatoire, comme durant la guerre froide.

C’est donc le ministère de l’Éducation Nationale qui récupéra la majeure partie du programme, alors que les objectifs évoluaient au gré de l’actualité et des attentes perçues de l’opinion publique. Ceux-ci se composent, aujourd’hui, d’un assemblage hétérogène d’objectifs souvent qualitatifs, comme « promouvoir la mixité sociale« , ou « améliorer la résilience de la Nation« , très difficiles, si pas impossibles, à quantifier.

Dès lors, aujourd’hui, même les personnes impliquées dans ce projet, peinent à en tracer les contours exacts. « Cette diversité d’objectifs a entretenu une incertitude sur l’ambition
et le sens du SNU, se traduisant par des attentes diverses et contradictoires
 » indique ainsi le rapport de la cour des Comptes. En outre, deux des principaux objectifs, la mixité sociale d’une part, et l’engagement de l’autre, ne sont pas atteints, de l’avis de l’institution, alors même que le SNU n’en est qu’à sa forme simplifiée et réduite, uniquement fondée sur le volontariat.

Enfin, la Cour de Comptes interroge sur l’avenir de ce programme, qui couterait aujourd’hui autour de 3 000 € par jeunes pour les seules Phase 1 et 2 (en dehors de la Phase 3 d’engagement, donc), alors que les budgets pour son extension, estimés de 3 à 5 Md€, ne sont pas sécurisés, et que la construction des infrastructures et les recrutements nécessaires, ne sont pas même planifiés.

… pendant que les armées peinent à recruter et fidéliser leurs effectifs

Le rapport de la Cour des Comptes sur le SNU, fait naturellement écho aux difficultés rencontrées par les Armées, non seulement pour accroitre, mais aussi pour simplement maintenir leurs effectifs, y compris pour ce qui concerne la Garde Nationale, ce d’autant qu’il s’agissait d’un de ses objectifs premiers, tel qu’imaginé initialement.

armee de terre odre serre
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En effet, en 2023, alors que les Armées devaient voir leurs effectifs croitre de près de 1.500 militaires d’active, celles-ci les ont vus, en fait, décroître de 2.500 militaires. Comme partout en Occident, les armées françaises souffrent de plusieurs maux concomitants, créant des tensions importantes dans le domaine des ressources humaines.

En premier lieu, elles peinent à recruter ou, plus précisément, à recruter les profils recherchés. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation de la technicité demandée aux militaires, quels qu’ils soient, les armées doivent désormais recruter des profils plus poussés et mieux formés, qui sont aussi activement recherchés par le marché du travail.

En outre, les contraintes de la vie militaire, même si elles se sont sensiblement améliorées ces dernières années, découragent beaucoup de jeunes, qui préfèrent se tourner vers des carrières dans le privé ou vers la fonction publique.

Enfin, la sédentarité croissante des populations, entrainent une nette augmentation des profils inaptes médicaux, même si, là aussi, les armées ont ajusté leurs exigences pour ne pas se retrouver face à un mur, dans certaines spécialités en particulier.

Non seulement ont-elles du mal à recruter, mais les armées voient aussi le taux de renouvellement des contrats baisser ces dernières années, spécialement à l’issue du premier engagement. L’appétence du privé, en particulier de l’industrie, pour les personnes formées par les armées, entraine une certaine hémorragie de certains profils, qu’il est difficile d’endiguer, ce qui fait peser une importante pression sur le format des armées, ainsi que sur les pyramides des grades et des âges, particulièrement difficiles à équilibrer.

Le modèle de la conscription choisie, appliqué par les armées scandinaves, séduit en Europe

Les armées françaises sont loin d’être les seules à rencontrer ces problèmes de ressources humaines. Au contraire, elles sont même parmi les armées européennes et occidentales, qui résistent le mieux à cette menace.

Conscription norvège
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Plusieurs solutions ont été mises en œuvre par celles-ci, comme l’attribution de très fortes primes à la signature d’un nouveau contrat au sein des armées US, en particulier pour les spécialités les plus en tension, comme les codeurs informatiques ou les pilotes.

La Norvège a été la première à mettre en œuvre une nouvelle forme de conscription, répondant précisément aux besoins de ses armées. Pas question, en effet, en Norvège comme ailleurs, de revenir à une conscription obligatoire généralisée, les armées n’ayant ni les moyens humains, ni matériels, et pas davantage les infrastructures et les moyens budgétaires pour cela, qui plus est dans une période de fortes tensions internationales, comme aujourd’hui.

Pour répondre aux besoins de ses Armées, Oslo s’est donc tourné vers une nouvelle forme de conscription, appelée conscription choisie : si la conscription demeure obligatoire pour toute la classe d’âge, comme pendant la guerre froide, elle ne concernera, dans les faits, qu’une partie de celle-ci, en fonction des besoins et des moyens des armées.

La sélection des conscrits ne se fait pas par tirage au sort, comme le Draft américain en temps de guerre, mais directement par les armées elles-mêmes, sur les dossiers scolaires et péri-scolaires des jeunes, ainsi que sur l’acte, ou non, de volontariat.

Boris pistorius en suède mai 2024
Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, s’est rendu en Suède en 2024 pour observer la Conscription choisie mise en oeuvre dans le pays.

Introduite en 2015, cette forme de conscription concerne, en 2024, autour de 9000 jeunes norvégiens, soit 10 % de la classe d’âge, tous ou presque des volontaires. En effet, dans le pays, la conscription est devenue un sésame précieux à la fin des études, pour justifier de son appartenance à une certaine élite, et les volontaires sont plus nombreux que les places disponibles.

La Suède et le Danemark ont mis en place, eux aussi, une forme conscription choisie dans les années ayant suivi l’exemple norvégien, avec des retours tout aussi prometteurs. D’autres pays européens, y compris l’Allemagne, envisagent désormais d’y avoir recours, pour renforcer les effectifs de leurs armées.

Doit-on investir les 3 à 5 Md€ du SNU dans une conscription choisie pour renforcer les effectifs des armées ?

La comparaison des deux modèles, le SNU français, d’un côté, la conscription choisie scandinave, de l’autre, ne plaide évidemment pas en faveur du premier. Non seulement la conscription choisie vise-t-elle des objectifs parfaitement identifiés, au bénéfice des armées et de la résilience nationale, mais elle s’inscrit dans un modèle parfaitement adaptable et maitrisé, qui en garantit la pérennité et l’efficacité, y compris budgétaire.

Se pose, alors, la question du bienfondé du SNU, une fois sa dimension purement symbolique et politique écartée, et surtout, de l’opportunité de le remplacer par une conscription choisie qui, elle, serait performante sur de nombreux aspects, y compris ceux qui, aujourd’hui, sont vaguement identifiés comme étant les objectifs du SNU.

24eme regiment d'infanterie garde nationale
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En effet, le SNU, dans sa forme actuelle, constitue un crible potentiellement efficace pour permettre aux armées de « choisir » les profils à retenir pour cette conscription d’une durée suffisante pour s’avérer efficace du point de vue militaire, c’est-à-dire au moins 10 à 12 mois.

Il constitue, en outre, le cadre adapté pour permettre aux armées de dialoguer avec la jeunesse, et présenter les fonctions du conscrit, une fois choisi, le cas échéant, de façon valorisante, avec l’objectif de créer, rapidement, la même dynamique volontaire que celle observée en Scandinavie.

Enfin, le budget prévu pour le SNU par la Cour des Comptes, de 3 à 5 Md€, s’avère largement suffisant pour le convertir en conscription choisie portant sur plusieurs dizaines de milliers de conscrits chaque année, y compris en tenant compte des infrastructures à construire pour cela, avec une progressivité des dépenses correspondant aux contraintes budgétaires françaises actuelles.

Les 3 atouts de la conscription choisie

Évidemment, un tel basculement ne se ferait pas sans résistance. De la part du ministère de l’Éducation nationale, d’abord, assez peu connu pour sa coopération apaisée avec les armées. Mais aussi de la part des militaires, eux-mêmes, qui, en dépit de leurs difficultés à recruter, expriment souvent leurs fortes réticences à devoir restructurer leurs forces pour former et encadrer des conscrits ne restant qu’une année sous les drapeaux. Ce fut aussi le cas concernant les réservistes pendant longtemps et jusqu’il y a peu, cela dit.

Pourtant, la conscription choisie offre des atouts significatifs, susceptibles de séduire jusqu’aux plus rétifs, une fois correctement définie et bordée.

Progressivité et adaptabilité de la montée en puissance des effectifs

L’atout premier de la conscription choisie, est qu’elle permet une montée en puissance progressive et maitrisée des effectifs, sans remettre en question son propre modèle. Chaque année, en effet, les armées expriment leurs objectifs de conscription en termes de profils quantifiés, en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs moyens, qu’il s’agisse de personnels d’encadrement et de service (administratif, santé…), d’infrastructures, ainsi que de moyens militaires.

recrutement armees
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La conscription choisie vise, en effet, à former des militaires efficaces, susceptibles d’être employés de manière opérationnelle le cas échéant. Les armées doivent donc, comme c’était le cas avec le service militaire historique, être en mesure de former et d’entrainer leurs recrues, ce qui suppose de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à cette mission, y compris les armements et équipements militaires.

Dans un contexte budgétaire contraint, l’acquisition et le déploiement de ces moyens, ne pourra être que progressif, ce qui exige que le nombre de conscrits le soit également, pour en optimiser l’efficacité.

Des volontaires au profil requis pour répondre aux besoins des armées

Le second atout de la conscription choisie, repose précisément sur sa spécificité, la sélection des profils. Cette fonctionnalité permet, aux armées, de retenir les profils qui répondent le mieux à leurs besoins, et qui seront les plus efficaces dans leurs fonctions, notamment en termes d’adaptation aux exigences militaires.

Dans ce domaine, le volontariat jouera un rôle déterminant, sans être absolu. Il convient, ainsi, de garder à l’esprit que le taux d’abandon, lors des premiers jours, ou des premières semaines, des contrats d’engagement dans les armées, sont souvent, si pas élevés, tout au moins significatifs.

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Cette approche permet surtout d’écarter les profils qui poseront des problèmes d’adaptation, de disciplines ou de comportement, et viendront détériorer l’efficacité du dispositif lui-même, comme c’était fréquemment le cas dans les unités constituées de conscrits, dans les années 80 à 90, avant que le Service Militaire soit suspendu.

Renforcer la porosité entre la jeunesse et les armées pour améliorer le recrutement de l’active et de la Garde Nationale

Enfin, cette sélection contribuera, comme en Scandinavie, à créer un sentiment positif vis-à-vis des armées, qui contribuera lui-même à accroitre leur attractivité auprès des jeunes, en amont de la conscription, tout comme en aval, pour rejoindre l’active ou la Garde nationale.

Cette dimension tendra également à améliorer l’image des armées dans la société civile, tout en étendant sensiblement, une fois que le dispositif aura atteint son régime de croisière, la porosité entre ces deux entités qui forment la Nation.

Ce d’autant que, efficacement articulée, la sélection des conscrits pourra participer efficacement à l’objectif de mixité sociale, cher au SNU, tout en conservant une certaine dimension « d’élite », articulée non sur l’origine sociale ni même, exclusivement, sur les résultats scolaires, mais sur l’acte de volontariat, l’implication dans la vie de la société, et dans le respect des institutions.

Conclusion

On le voit, si le SNU, sans grande surprise, s’avère un dispositif décevant, peu efficace et consommateur de deniers publics, il peut, en revanche, être transformé avantageusement pour former le socle d’une conscription choisie qui, elle, répondrait à des besoins bien identifiés, au profit de la résilience des armées, et avec elles, de la Nation, dans un contexte sécuritaire international qui ne cesse de se détériorer.

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Le lieutenant Bertrand présente le métier d’opérateur de prise de vue en opération. Stand défense sur le salon européen de l’éducation, les 3 armées sont représentées pour informer ou recruter des étudiants. 21 novembre 2013 à Paris porte de Versailles.

Outre le renforcement immédiat des effectifs des armées, la conscription choisie permettrait, très probablement, d’améliorer le recrutement pour les postes d’active, comme c’était le cas du Service militaire précédent, ainsi que de la Garde Nationale, et ainsi accroitre la sécurité du pays.

Enfin, la conscription choisie peut participer à recréer un lien plus étroit entre les armées et la jeunesse, et après elle, avec une partie significative de la société civile, qui l’aura pratiqué de l’intérieur, pour mieux en comprendre le fonctionnement et les besoins, de sorte à redonner aux questions de Défense, la place qui devrait être la leur, dans le débat public et politique.

Pour autant, la conscription choisie, en ayant perdu son caractère universel faussement égalitaire, aura certainement du mal à convaincre, en France, une classe politique et une opinion publique arcboutée, parfois, sur certains grands principes déconnectés de la réalité, mais dont l’audience publique fait encore recette.

Article du 13 septembre en version intégrale jusqu’au 16 octobre 2024

Lyon : immersion au sein du Service militaire volontaire

Lyon : immersion au sein du Service militaire volontaire

par Elie Guckert Lyon Capitale -17 avril 2018

https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-immersion-au-sein-du-service-militaire-volontaire/

La section rouge des SMV d’Ambérieu-en-Bugey – © Elie Guckert

Lyon Capitale a passé deux jours en compagnie d’une section du Service militaire volontaire (SMV) sur la base aérienne d’Ambérieu-en-Bugey à 50km de Lyon. Objectif pour ces jeunes âgés de 18 à 25 ans en décrochage scolaire : s’“armer pour l’emploi”.

Il est à peine 7h00 du matin sur la base aérienne d’Ambérieu-en-Bugey, à 50km de Lyon. La journée s’annonce grise et froide, le genre que l’on passerait bien sous la couette. Les jeunes du SMV (Service militaire volontaire) sont déjà debout, frais et dispos. Enfin presque. Certains sont sortis sans une partie de leur équipement ou sans réussir à accrocher leur sac de couchage. D’autres encore n’ont pas eu le temps de se laver les dents, ce qui leur vaut quelques railleries de la part de leurs supérieurs. Ceux-là ne sont ici que depuis quelques mois et ont encore beaucoup à apprendre. Car le centre du SMV de l’armée de l’air à Ambérieu-en-Bugey n’a ouvert que le 1er mai 2017. “Il a fallu rénover les salles de cours et recruter de nouveaux cadres rapidement”, explique le lieutenant-colonel Fromion, le responsable du centre.

Le dispositif du Service militaire volontaire, lui, a été lancé en Moselle à Montigny-lès-Metz peu après les attentats de janvier 2015 avant d’être transposé à Brest, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle et Châlons-en-Champagne . Il s’inspire du Service militaire adapté (SMA) déjà présent dans les territoires d’outre-mer depuis 1961. Son objectif : réinsérer socialement et professionnellement des jeunes âgés de 18 à 25 ans en décrochage scolaire ou au chômage. Ces derniers s’engagent volontairement pour une période allant de 6 à 12 mois. “C’est une école de la vie. On leur apprend à se respecter eux-mêmes, à retrouver les règles de la vie collective et à découvrir leurs propres limites physiques et morales”, expose le lieutenant-colonel. Lui comme ses subordonnés, venus de différents corps de l’armée française, s’est porté volontaire pour encadrer les jeunes. Un encadrement qui a tout de la vie militaire, si l’on excepte l’usage des armes, mais qui offre aussi l’accès à une formation professionnelle adaptée à leur projet de vie et qui leur permettra de passer le permis de conduire.

 Les jeunes du SMV en ordre de marche – © Elie Guckert

Le programme de la journée s’annonce des plus rustique. Après avoir été alignés et mis au garde-à-vous, les jeunes embarquent avec leur paquetage dans un bus en direction du camp militaire de la Valbonne. Arrivés sur place, les volontaires reçoivent l’ordre de se tartiner le visage avec de la boue, puis de former une colonne de binômes séparés d’environ cinq mètres et de se mettre en marche sur une petite route de campagne. Le binôme de tête a la responsabilité de guider ses camarades avec une carte du secteur. “Si on arrive en retard pour le déjeuner, ça sera de votre faute”, le prévient son cadre.

La marche durera environ 1h30 sans trop de difficultés, si ce n’est que chaque irruption de véhicule sur la voie doit être signalée d’un tonitruant « voiture ! » par l’un des membres de la colonne. Tout le monde doit aussitôt se camoufler en urgence dans le fossé le plus proche, quitte à plonger dans les orties. La manœuvre, sous ses faux airs de septième compagnie, a en réalité pour but d’apprendre aux jeunes à communiquer entre eux et à s’organiser collectivement, tout en respectant une hiérarchie et en prenant des initiatives. C’est aussi l’occasion d’apprendre la solidarité, le groupe s’adapte aux plus lents, et non pas l’inverse.

« Avant de venir ici, j’étais devenu pitoyable »

C’est exactement ce que sont venus chercher la plupart de ces volontaires, à l’image de Rubis, solide gaillard âgé de 20 ans qui a été sélectionné par ses supérieurs pour répondre à nos questions. “Avant de venir ici, j’étais devenu pitoyable, lâche-t-il sans langue de bois. Je me suis dit qu’il fallait que je me reprenne en main. Je n’avais pas d’avenir, juste le bac. Je passais mes journées chez moi à ne rien faire, et j’avais besoin de formations mais sans permis c’était très compliqué.”

Le témoignage d’Élodie, âgé de 18 ans et elle aussi sélectionnée pour se plier à l’exercice de l’interview, va dans le même sens : « Avant je ne faisais pas grand chose, j’essayais de m’occuper, je faisais du baby-sitting quand je pouvais, j’ai essayé de faire de la vente en animalerie mais ça n’a pas marché. Je suis venu ici parce que j’étais attirée par la rigueur et la discipline. J’avais besoin d’être soutenue, encadrée, et d’aller au bout de moi-même.”

Les éléments de langage sont bien rodés, mais assez représentatifs de l’état d’esprit des jeunes à qui nous avons pu nous adresser. Quelles que soient leurs histoires respectives ils répètent tous la même chose : ils sont venus au SMV pour acquérir un cadre, un permis, et une hygiène de vie. “Le souci des patrons aujourd’hui, c’est de trouver un jeune qui arrive à l’heure le matin, résume le lieutenant-colonel Fromion. Les familles nous donnent de bons retours, on a des mamans qui nous disent ‘mon fils fait son lit et m’aide à faire la vaisselle, je ne le reconnait plus’”, s’amuse-t-il.

 

Les jeunes du SMV apprennent à monter une tente canadienne – © Elie Guckert

Après l’effort, le réconfort. La découverte des rations de combat de l’armée française sera l’un des rares moments de détente de la journée. Mais avant de pouvoir goûter aux boîtes de conserves à la sauce militaire, il faut apprendre à monter une tente, ce qui relève d’un vrai parcours du combattant pour certains qui n’ont jamais fait de camping au cours de leur vie. La course d’orientation organisée dans l’après-midi, en réalité un simple parcours de plots sur une toute petite surface, s’avérera également être un exercice complexe pour quelques uns qui n’ont jamais été confrontés de près ou de loin au simple concept des points cardinaux. C’est aussi l’objectif du SMV : tout reprendre à zéro.

Une fois le camp installé, les jeunes se voient attribuer des tours de garde. Les plus chanceux feront leur quart tôt en début de soirée. Les autres devront se réveiller en plein milieu de la nuit. Pas de quoi effrayer Ghislain, la vingtaine : “avant je me couchais à 5h du matin, maintenant c’est l’heure à laquelle je me réveille”, ironise-t-il. Les cadres réunissent leurs sections en rang pour une marseillaise nocturne avant de renvoyer chacun à son poste. Réveil prévu à 6h le lendemain.

“Il y a aujourd’hui un véritable enjeu de société, l’armée ne peut s’en départir”

La deuxième journée se fera cette fois à l’abri et au sec en compagnie de Christelle, professeur des écoles mise à disposition par l’éducation nationale. Elle a été sélectionnée par un appel à candidature pour lequel elle s’est portée volontaire, comme ses collègues de l’armée de l’air. Le cours de ce matin doit permettre de revoir les fondamentaux des mathématiques en développant un projet d’espace vert à l’aide de mesures et de conversions et en remplissant un bon de commande. Une application concrète de la théorie qui séduit les élèves comme Anthony, 19 ans. “La prof, elle apprend bien”, affirme-t-il. Quand on lui demande ce qu’il préfère entre les cours et les activités en extérieur, il répond, sans hésiter “les deux !”.

Pause déjeuner pour les SMV – © Elie Guckert

L’armée y trouve-t-elle son intérêt ? “Chaque année il y a 130 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme, il faut bien faire quelque chose, répond le lieutenant-colonel Fromion. Il y a aujourd’hui un véritable enjeu de société, l’armée ne peut s’en départir.” Est-ce un moyen détourné pour recruter des soldats ? Ici, on assure que non, et on explique d’ailleurs que seuls 5 % des SMV finissent par s’engager à l’issu de leur formation. On admet volontiers en revanche que cette mission permet aussi le renforcement du “lien Armée/Nation” redevenu un véritable enjeu politique au fil des dernières années.

La devise du SMV, “Armer pour l’emploi”, résume ainsi a elle seule l’objectif du dispositif : les armées veulent démontrer qu’elle peuvent être utile à la société civile. Reste qu’elles ne peuvent accepter plus de 1 000 jeunes par an. « L’armée ne peut pas tout faire, admet le gradé. Mais ce serait étrange qu’elle ne fasse rien ». Le gouvernement a bien compris l’efficacité du SMV puisqu’il devrait être pérennisé dans son format actuel dans la prochaine loi de programmation militaire au moins jusque 2019.

 

Le milicien suisse: militaire à temps partiel mais vigilant à plein temps

Le milicien suisse: militaire à temps partiel mais vigilant à plein temps

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2018/04/12/le-milicien-suisse-est-fier-de-son-armee-19256.html

Par Philippe Chapleau – Ouest France – 12/04/2018

Paru en dernière page d’Ouest-France

Le service militaire volontaire sera maintenu dans le cadre de la prochaine Loi de programmation militaire

Le service militaire volontaire sera maintenu dans le cadre de la prochaine Loi de programmation militaire

par Laurent Lagneau, le 24-01-2018 – Zone militaire

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On ignore encore quelle forme prendra le « service national universel » auquel est attaché le président Macron, comme il l’a rappelé lors de ses voeux aux armées, le 19 janvier. L’on sait juste que son coût n’aura – du moins en théorie – aucun impact sur la prochaine Loi de programmation militaire (LPM).

En théorie car, même si plusieurs ministères seront concernés par l’instauration de ce nouveau service national, on ignore quelle sera l’implication des armées. En juin 2017, un rapport du Sénat avait donné une évaluation haute en avançant que 16.000 à 18.000 militaires pourraient être sollicités pour encadrer 600.000 jeunes. « Il s’agirait d’un effort colossal en termes de ressources humaines, dont on peut craindre qu’elle absorbe l’énergie des armées », avaient mis en garde les sénateurs Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner.

D’autant plus que les armées sont déjà à la manœuvre pour le Service militaire volontaire (SMV), né d’une suggestion faite peu avant les attentats de janvier 2015 par le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT).

Inspiré par le Service militaire adapté (SMA) en vigeur dans les départements et territoires d’outre-Mer, le SMV vise à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté. Actuellement, il existe six centres : Brétigny-sur-Orge, Montigny-lès-Metz, La Rochelle, Châlons-en-Champagne pour l’armée de Terre, Brest pour la Marine et Ambérieu-en-Bugey pour l’armée de l’Air.

Le SMV a été lancé à titre expérimental, avec une enveloppe de 35 millions d’euros financée par le ministère des Armées.

« Le problème est que nous sommes victimes de notre succès : ce système donne tellement satisfaction que, d’une certaine manière, il est devenu la référence alors que c’est en quelque sorte de l’artisanat et qu’il est censé déboucher sur l’emploi. Aujourd’hui, plus de 75 % des jeunes accèdent à l’emploi à l’issue de leur service militaire volontaire, c’est vraiment une réussite pour nous, et d’autant plus que ce SMV est une sorte de dernier recours : si ces jeunes échouaient au service militaire volontaire, il n’y aurait plus rien pour eux, et j’ignore vraiment de quelle manière ils se comporteraient dans la société de demain », avait expliqué, en juillet dernier, le général Bosser.

Que deviendra ce SMV dans le cadre de la prochaine Loi de programmation militaire? Lors de ses voeux pour l’année 2018, Geneviève Darrieussecq, la secrétaire d’État auprès de Florence Parly, la ministre des Armées, a indiqué qu’il serait maintenu dans les années à venir.

« Devant ce succès, l’expérimentation du Service Militaire Volontaire a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2018. Nous avons décidé qu’elle sera maintenue dans son format actuel dans la prochaine loi de programmation militaire », a en effet affirmé Mme Darrieussecq.

Enfin, s’agissant du Service national universel voulu par le président Macron, la secrétaire d’État a précisé que, en relation avec Mme Parly, elle travaille « à identifier le rôle des armées dans ce projet de société. »

« Ce futur Service National Universel s’annonce comme un élément essentiel du lien armées-nation et de l’esprit de défense », a-t-elle dit. « Tout le monde semble impatient de connaitre ce projet en cours de réflexion et d’élaboration. L’essentiel n’est pas la rapidité mais plutôt le sens qu’on veut lui donner, la structuration solide. L’année 2018 sera l’occasion de développer tout cela », a-t-elle ajouté.