Armement: pourquoi la France a commandé des milliers de drones kamikazes

Armement: pourquoi la France a commandé des milliers de drones kamikazes

Sébastien Lecornu. Photo Samuel Kirszenbaum

Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a récemment annoncé un renforcement significatif de l’arsenal français avec la commande de 2000 drones kamikazes. Cette décision stratégique a été révélée lors d’une visite à l’entreprise Delair, située à Labège, près de Toulouse. Ce choix illustre l’importance croissante que revêtent ces technologies dans les stratégies militaires modernes, notamment en raison de leur utilisation intensive par l’Ukraine face aux tactiques de guerre électronique et de brouillage GPS des forces adverses.

L’annonce de cette commande massive de drones kamikazes intervient alors que l’Ukraine, actuellement en manque d’obus, utilise de plus en plus ces appareils dans ses opérations militaires. Les drones, notamment ceux adaptés à partir de modèles civils pour transporter des charges explosives, jouent un rôle clé sur le terrain. La France, en observant l’utilisation efficace de ces drones par l’Ukraine, cherche à améliorer ses propres capacités dans ce domaine. Selon certains médias, une partie de la commande française est d’ailleurs destinée à Kiev.

Les modalités de cette commande sont également un indicateur de la volonté française d’accroître rapidement ses capacités militaires. Deux consortiums, impliquant des PME et de grands groupes de défense, ont été sélectionnés pour fournir ces drones. Ils proposent des solutions innovantes, comme des drones à voilure tournante, qui améliorent la manœuvrabilité et l’efficacité en milieu urbain, crucial pour les opérations contemporaines.

La dimension industrielle de cette commande est également notable. Le projet Colibri, sous lequel s’inscrit cette commande, vise à développer des munitions télé-opérées capables d’opérer sur un rayon de 5 km pour un coût inférieur à 20 000 euros par unité. Cette initiative reflète un effort significatif de rationalisation des coûts et d’efficacité opérationnelle. Les premières livraisons sont prévues pour 2024-2025, marquant un jalon important dans le renforcement des capacités militaires françaises.

Le choix de Delair comme partenaire privilégié pour cette commande souligne la compétence française en matière de technologie drone. Sébastien Lecornu a loué cette PME pour sa capacité à répondre rapidement aux exigences militaires, qualifiant Delair de modèle en économie de guerre. Delair a non seulement réussi à augmenter sa cadence de production mais a aussi collaboré avec des partenaires ukrainiens pour envisager une production locale.

Cette décision stratégique de la France de commander des milliers de drones kamikazes révèle une adaptation aux réalités modernes du conflit armé, où la technologie et la rapidité de déploiement sont devenues des axes centraux de la supériorité militaire. En s’appuyant sur les retours d’expérience de l’Ukraine et en renforçant sa propre production, la France cherche à rester à l’avant-garde de la technologie militaire, tout en soutenant ses alliés en temps de crise.

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (III de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (III de III)


Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre – Partie III : se donner les moyens d’une « industrie prête à la guerre »

Disposer d’une économie de guerre pour soutenir une opération d’envergure implique le renforcement d’un secteur économique structurant pour la France. Pour l’armée de Terre, il s’agit de saisir l’opportunité du contexte actuel pour retrouver l’épaisseur logistique indispensable pour répondre aux enjeux de défense actuels.


Economie de défense et défense de l’économie française

La BITD française est un maillage industriel d’environ neuf grands groupes et plus de quatre mille PME, dont quatre-cent-cinquante considérées comme stratégiques. Elle représente deux cent mille emplois de haute technicité, et 15 G€ de chiffre d’affaire (hors MCO). Avec jusqu’à 7% des emplois industriels de certaines régions, elle est l’un des rares secteurs avec l’aéronautique à contribuer positivement à la balance commerciale de la France (en 2018, l’export de la BITD représentait 6,9 G€, soit 20% des exportations françaises)1.

L’impact économique du secteur défense se mesure sur l’ensemble du territoire français à partir d’externalités (effets sur l’activité, l’emploi, la recherche et le développement). La BITD contribue activement au maintien de l’activité dans les zones industrielles sous-dotées et a remplacé des sites militaires fermés lors des réorganisations géographiques successives de la défense.

Il est estimé que chaque milliard d’euros investi dans la BITD génère deux milliards supplémentaires en activité (PIB) au bout de dix ans. De plus, les dépenses publiques n’évincent pas les investissements de recherche et développement (R&D) privés2. L’effet multiplicateur de cet investissement est supérieur à celui des dépenses de fonctionnement de l’Etat (qui sont de la consommation, sans retombée sur la productivité privée). L’effort en équipements militaires et en R&D concentre ainsi 80% de l’investissement public français. L’aspect national de la production de défense renforce encore cet effet, en ce sens que la BITD externalise davantage sa R&D vers des entreprises françaises (82%) que les entreprises privées (52%).

Enfin, le suivi et le pilotage de la BITD par la DGA témoignent du contrôle étatique et de la protection de la vie économique du secteur. La prise de conscience politique et l’expertise industrielle historique de notre pays sont des atouts à valoriser pour renforcer un secteur stratégique, source d’emploi et de croissance économique.


Remettre l’Etat au cœur d’un secteur stratégique

Au-delà des réquisitions, le SGA travaille sur la priorisation de la livraison de biens et services au bénéfice des forces armées3. Il s’agit de pouvoir ordonner à un partenaire contractuel de l’Etat de l’approvisionner par priorité sur tout autre engagement. Cette mesure s’inspire de la législation américaine dite DPAS pour « Defence Priorities and Allocations System »4.

Le régime de contrôle des entreprises de fourniture de matériels de guerre est également en étude de modernisation. La DAJ préconise la clarification des prérogatives des commissaires du gouvernement siégeant dans les entreprises liées à l’Etat par un marché relatif aux matériels de guerre (contrôle de la stratégie d’entreprise et mise en œuvre éventuelle de priorisation ou réquisition). Enfin, le SGA souhaite renforcer les prérogatives de contrôle de l’Etat dans le cadre des marchés publics, exclus du droit européen. Il s’agit d’éviter de soumettre ces marchés à des règles trop contraignantes. Cela peut également passer par l’extension des obligations liées aux enquêtes de coûts à ces marchés (transparence notamment). En effet, l’absence de mise en concurrence au sein de la BITD conduit régulièrement à une dérive de prix contraignante.

Pour le MCO-T, ces enjeux sont primordiaux pour commander et constituer dans la durée les stocks nécessaires au soutien d’une opération d’envergure.

Plusieurs autres pistes sont étudiées par la SIMMT, telles que :

  • la standardisation de sous-ensembles pour plusieurs types de matériels majeurs. Le passage à l’échelle SOR – HEM impose en effet la priorisation de la soutenabilité sur le respect exhaustif du cahier des charges. A titre d’exemples, on notera qu’entre 1945 et 1985, les Etats-Unis sont passés de vingt-sept châssis de camions de transports à un seul pour des dizaines de matériels différents. Idem, en 2010, l’Allemagne disposait de trois familles de moteurs différents pour équiper une dizaine de familles de matériels majeurs, quand la France en avait sept pour équiper le même volume de parcs différents.
  • Ou encore la prise en compte de l’évolution constante d’un matériel plutôt que l’acquisition de nouveaux parcs à échéance régulière. L’exemple du char T72 russe mérite à cet égard d’être étudié. Ce matériel est en évolution constante depuis 1973. Pensé pour une production de masse à des coûts maîtrisés par la planification, il permet d’ajouter la masse à l’innovation permise par les matériels plus récents. Pour la France, la conservation du VAB (matériel emblématique et connu de tous les militaires français, y compris nos réservistes) est une piste intéressante dans ce sens.


Saisir la réalité d’une opération d’envergure

Pour l’armée de Terre, le retour de la guerre en Europe doit se traduire par des moyens à la hauteur de la réalité de la menace. Dans le cadre de son ambition 2030, la SIMMT s’est fixé l’objectif d’une « industrie prête à la guerre ». Cela passe par une coordination des capacités industrielles au niveau ministériel et une contractualisation des évolutions nécessaires au soutien d’une opération d’envergure. Mais surtout, il s’agit de reconstituer des stocks étatiques au plus vite. En contexte budgétaire tendu, l’armée de Terre arbitre depuis des années entre l’activité des forces terrestres (le potentiel d’entraînement soutenable) et la constitution de stocks logistiques.

L’engagement opérationnel expéditionnaire mené depuis des décennies déterminait jusqu’à présent la priorité de l’activité. Après les récents désengagements militaires d’Afrique et l’affirmation d’une ambition HEM comme nation-cadre, l’armée de Terre doit s’adapter afin d’assurer une transition du modèle de l’opération expéditionnaire vers une logique de confrontation entre puissances étatiques. Ce changement d’échelle des menaces impose une anticipation, notamment logistique, ce qui nécessite des ressources financières plus élevées sur le temps long pour garantir le respect du contrat opérationnel fixé aux forces terrestres.

En raison de décennies de fragilisation de l’industrie française, l’épaisseur logistique de l’armée de Terre ne pourra être reconstituée qu’à force d’efforts s’inscrivant dans la durée, tandis que, parallèlement, les citoyens français doivent être davantage sensibilisés sur l’attractivité d’un secteur économique en pointe et dont la performance est reconnue à travers le monde.


Notes de bas de page : 

1 DGA – Développer la BITD française et européenne : https://www.defense.gouv.fr/dga/nos-missions/developper-bitd-francaise-europeenne
2 Chaire EcoDef de l’IHEDN : Impact économique de la défense (27/05/2020) : Impact économique de la défense – Chaire Économie de défense – IHEDN (ecodef-ihedn.fr).
3 Partie normative de la LPM : réquisitions ; BITD (note n°0001D22013106 ARM/SGA/DAJ du 21/07/2022).
4 NDLR : cette législation est associée au « Defense Production Act » établi en pleine guerre froide en 1950 et a été amendée pour la dernière fois en 2014. Elle est actuellement en cours de révision au sein du Bureau of Industry and Security du Département du Commerce >>> https://www.bis.doc.gov/index.php/other-areas/strategic-industries-and-economic-security-sies/defense-priorities-a-allocations-system-program-dpas ; https://www.bis.doc.gov/index.php/documents/federal-register-notices-1/3446-clarif-and-updates-dpas-proposed-ruleaj15-as-pub-ofr-272024/file

 

Photo : contrôle des stocks de missiles moyenne portée au dépôt de munitions du camp de Cincu en Roumanie dans le cadre de la mission AIGLE © CABCEMACOM (photo diffusée en ligne le 30 mai 2023 >>> https://www.defense.gouv.fr/terre/actualites/roumanie-service-interarmees-munitions-au-coeur-du-soutien-operationnel)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal – OPS – publié le 15 avril 2024

https://operationnels.com/2024/04/15/la-maintenance-dans-une-operation-denvergure-enjeu-majeur-de-leconomie-de-guerre-i-de-iii/

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre –  Partie I :

 

Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le commandant Thomas Arnal est saint-cyrien (promotion CES Francoville) et officier de l’arme du Matériel. Il a servi successivement au 3e régiment du Matériel, au 2e régiment de parachutistes d’Infanterie de marine, au 8e puis au 6e régiment du Matériel. Il a été projeté au Tchad, au Mali et au Liban. Affecté en 2020 au centre opérationnel de la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT), il a développé les échanges et la coordination avec les industriels de défense pour le soutien MCO-T des opérations et de l’hypothèse d’un engagement majeur.

Dans cet article rédigé dans le cadre de la formation qu’il effectue actuellement au sein de l’Ecole de guerre-Terre et que nous diffusons en trois parties, il décrit la fragilisation du niveau de soutien nécessaire à la conduite d’une opération d’envergure contre un ennemi à parité et le « manque d’épaisseur logistique de l’armée de Terre ». Ainsi, « la maintenance des matériels militaires en constitue un des aspects essentiels pour hausser la disponibilité des équipements majeurs et régénérer pour pallier l’attrition. Composante essentielle d’une économie de guerre, la constitution de stocks de pièces et l’anticipation des montées en cadence doivent être initiées dès maintenant et soutenues dans la durée par un effort financier à la hauteur de l’enjeu. »

Une stratégie que le gouvernement français a commencé à mettre en œuvre sous l’appellation générale d’« économie de guerre » depuis près de deux ans – avec en particulier le décret récemment adopté « relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées »1 – et dont les initiatives commencent à porter leurs fruits, si l’on en juge par exemple par le triplement des cadences de production chez Nexter (pour le canon Caesar) ou Dassault Aviation (pour le Rafale).

De nombreux événements récents ont mis en exergue le manque de profondeur logistique de l’armée de Terre, qu’il s’agisse de la crise du COVID, de l’exercice de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) organisé en mai 2022, de notre projection de force en Roumanie, de l’exercice ORION 2023, ou encore des désengagements successifs du continent africain. Le domaine du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T) – que l’on peut définir comme étant une sous-fonction logistique ayant pour but la conservation ou le rétablissement du fonctionnement nominal d’un matériel et incluant l’entretien et la réparation des matériels, l’approvisionnement, la livraison et la distribution des rechanges, la récupération et l’évacuation des chutes tactiques et techniques amies, ainsi que l’élimination de certains matériels – est de fait particulièrement concerné.

Dans le cadre d’une opération d’envergure, il s’agit de relever l’ambition opérationnelle fixée pour 2027 : la constitution, la projection et l’entretien dans la durée d’une division (avec ses appuis et soutiens) en trente jours. Pour rappel, l’opération d’envergure, encore récemment décrite comme hypothèse d’engagement majeur (HEM), définit un engagement terrestre volumineux (niveau division, voire au-delà) en coalition internationale face à un ennemi à parité. Un tel scénario est caractérisé par une forte attrition (matérielle et humaine) lors des phases de combat de haute intensité.

Après des décennies de réductions budgétaires et de politique logistique de flux plutôt que de stock, il semble difficile sur le court terme de satisfaire cette ambition. Pour autant, les crises multiples auxquelles le pays est confronté ont fait réémerger le concept d’économie de guerre. En juin 2022, le Président Macron expliquait que la France et l’Union européenne étaient entrées dans « une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser »2. Cette déclaration appelait au renforcement de l’industrie de défense tant française qu’européenne au regard des besoins militaires accrus mis en lumière par la guerre russo-ukrainienne. Cette prise de conscience politique fait écho au constat logistique fait par l’armée de Terre.

L’économie de guerre désigne une situation dans laquelle l’appareil productif national est dédié en priorité aux besoins de la guerre, possiblement par prélèvement autoritaire (réquisitions, livraisons obligatoires, etc.). Dans ce contexte, le MCO-T est déterminant, car il permet d’agir sur l’endurance industrielle, indispensable au soutien d’une opération d’envergure sur la durée.

 

I – Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le MCO-T fait face à trois défis : générer la force, la soutenir et la régénérer :

• La génération de force implique de nombreuses actions : identifier les matériels à projeter, les affecter aux unités concernées, remonter la disponibilité des parcs, constituer les stocks de pièces de rechange et éventuellement une réserve de maintenance, regrouper les ressources, contrôler/réparer les matériels avant leur projection, désigner et équiper les maintenanciers projetés sur le théâtre (outillage technique notamment).

• Le soutien de l’engagement consiste à réparer les matériels indisponibles (pannes techniques et destructions par l’ennemi) dans les différentes zones d’opération. Cela concerne également le remplacement des matériels endommagés par des matériels en bon état en provenance de la zone arrière (réserve de maintenance de théâtre).

• La régénération de la force est un défi industriel national qui se joue principalement sur le territoire national. Il englobe les actions de production, de réparation lourde et d’acheminements (boucles arrière et avant). Elle concerne des acteurs tant étatiques que privés et relève directement de la Base industrielle technologique de défense (BITD) et de l’économie de guerre.

Ces trois défis se fondent sur plusieurs constats : le retour d’expérience (RETEX) des exercices récents MEPAT 2022 et ORION 2023, ainsi que sur l’écart entre la facture logistique d’une « division engagement majeur » et l’état réel des stocks détenus.

 

MEPAT : le retour d’une véritable planification de la montée en puissance

L’Etat-major de l’armée de Terre (EMAT) a organisé en mai 2022 une simulation de la manœuvre de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) pour répondre au défi d’un engagement majeur. Le scénario faisait de la France la nation cadre d’une coalition. Le RETEX démontre un défaut de profondeur logistique, accentué par des fragilités capacitaires. Cela se traduit par une armée de Terre à la fois limitée par un format strictement adapté à la gestion de crise, par des stratégies d’externalisation notamment en matière d’acheminement stratégique, (c’est-à-dire l’ensemble des actions de transport entre le territoire national et le théâtre d’opération) et la concurrence économique internationale en situation de crise (rareté des ressources et prédations).

L’enjeu principal de la MEPAT est la réactivité. L’armée de Terre doit disposer au bon moment des bonnes ressources en quantité suffisante, ce qui implique anticipation et souplesse. Pour le MCO-T, les stratégies de soutien actuelles semblent trop rigides pour remplir cet objectif (format, délais, volume financier alloué). Les procédures dérogatoires et les contrats de soutien doivent donc gagner en souplesse. Les mécanismes actuels de mobilisation et de réquisition ne sont en outre pas assez performants. Pourtant, le recours impératif à des moyens extérieurs est l’un des premiers enseignements du wargame.

Enfin, la MEPAT est subordonnée à la remontée de la disponibilité technique des matériels. Cela implique une remontée en puissance préalable de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Mais elle ne vit pas au même rythme que l’armée de Terre. La réactivité est donc un des enjeux de l’économie de guerre. Il s’agit de constituer des stocks préalables et de réaliser des réquisitions planifiées. Cette anticipation ne doit pas attendre le « top départ » d’une montée en puissance à six mois au déclenchement d’une crise.

C’est pourquoi le nouveau référentiel opérationnel (NRO) fixé par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 établit un délai de trente jours pour déployer une division à horizon 2027. L’armée de Terre doit donc disposer de leviers successifs pour chaque étape de ce scénario. Chaque levier serait caractérisé par des budgets dédiés, des commandes industrielles, des réquisitions de moyens privés et par l’abaissement de blocages juridiques ou administratifs propres au « temps de paix ». Le travail du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) sur les stades de défense (STADEF) va dans ce sens.

 

ORION 2023 : un rééquilibrage entre soutien et besoins opérationnels à revisiter

Concrétisation d’un entraînement d’envergure, l’exercice ORION fut l’un des évènements majeurs de 2023 pour l’armée de Terre. Il visait plusieurs objectifs : entraînement des forces terrestres, intégration de nations alliées, démonstration capacitaire dissuasive et établissement d’une « photographie instantanée » de nos capacités opérationnelles. S’il a confirmé la pertinence du modèle complet de l’armée de Terre, ORION en a aussi illustré certaines insuffisances capacitaires. Ces fragilités entraînent une autonomie limitée et une dépendance envers les nations alliées. Elles sont à même de fragiliser l’ambition nationale d’assumer le rôle de cadre dans un engagement en coalition.

ORION a également démontré les limites de la politique des parcs et des stratégies actuelles de soutien des matériels terrestres. La logique de densification des parcs régimentaires initiée en 2020 va dans le sens de l’ambition haute intensité. Le choix français d’une armée de Terre « échantillonnaire » permet en théorie de disposer d’une base de départ polyvalente avant une phase de massification par montée en puissance (sous réserve de délais, de financement et d’atouts industriels préalables).

Pour autant, les matériels majeurs du segment de décision (VBCI et char LECLERC) sont contraints par des impératifs liés aux marchés de soutien en service (MSS), ce qui implique le maintien d’un parc d’entraînement (PE) conséquent. Le principe du PE est de fournir aux unités en préparation opérationnelle dans les camps de manœuvre des matériels majeurs dédiés afin de conserver le potentiel de leurs propres matériels régimentaires. Ces marchés s’avèrent rigides dans l’anticipation de la consommation annuelle.

Pour l’armée de Terre, il s’agit donc de revoir ces stratégies et de définir l’équilibre entre socle de soutien industriel, niveaux des stocks et évolution du besoin en potentiels. Illustration de la limitation actuelle des ressources, la phase 4 d’ORION a non seulement vu le déploiement de vingt-trois XL et quarante-cinq VBCI, soit quatre fois moins que l’effectif théorique d’une division blindée, mais il faut garder à l’esprit que ledit déploiement des XL pendant deux semaines a à lui-seul représenté 40% des heures de potentiel annuel prévues en métropole par la Loi de programmation militaire (trois mille deux-cent-vingt-cinq heures sur huit mille).

Enfin, ORION a souligné l’impératif de consolider les données logistiques en haute intensité. Les limites de l’exercice n’ont pas permis l’emploi massif des ressources « consommables » d’une division (notamment les pièces de rechange pour le MCO-T). Pour autant, cet exercice a confirmé la nécessité de réévaluer les lois de consommation, ainsi que de constituer une base de données unique, partagée et accessible. Celle-ci est primordiale pour la constitution de stocks logistiques adaptés à une opération d’envergure.

 

L’état des stocks face à la « facture logistique » d’une division HEM

En avril 2023, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a mené un exercice de planification avec les acteurs étatiques et privés (notamment les entreprises ARQUUS, NEXTER, THALES et NSE) du MCO-T. Il s’agissait d’une réflexion commune sur la montée en puissance industrielle nécessaire à un conflit de haute intensité, sur le scénario de la MEPAT.

Ces travaux mettent en lumière des stocks limités à la gestion de crise et difficiles à reconstituer. Sans entrer dans le détail de données classifiées, les taux de réalisation des stocks nécessaires à une division à une opération d’envergure, donc calculés à partir du contrat opérationnel fixé à l’armée de Terre, demeurent faibles. La reconstitution de stocks pour le MCO-T représente un effort élevé sur les plans budgétaires et logistiques. Cet investissement permettrait pourtant d’augmenter la capacité de production de la BITD et de gagner des délais sur la MEPAT en cas d’opération d’envergure. Ces besoins demeurent semble-t-il sous financés à ce stade par la LPM 2024-2030.

Au-delà du coût, les délais de production semblent également incompatibles avec l’ambition opérationnelle fixée pour 2027. Dans l’éventualité d’un déblocage en urgence de budgets dédiés, les délais de constitution des stocks s’avèreraient à ce jour inadaptés à l’objectif de projection en trente jours. Les délais de constitution de lots de rechanges de projection (LRP) par les industriels se comptent en effet en mois, un minimum de deux années étant généralement de mise et ce, sans compter avec les aléas dûs aux obsolescences de rechanges ou aux éventuels problèmes d’approvisionnement côté fournisseurs.

La BITD terrestre, actuellement structurée pour répondre aux justes besoins de la situation opérationnelle de référence (SOR), ne semble pas en mesure de soutenir une opération d’envergure, et encore moins dans la durée. Ce constat posé, il est intéressant d’étudier les premières mesures concrètes permettant potentiellement de dépasser ce blocage et de façonner une industrie de défense « prête à la guerre ».


Notes de bas de page :

1 Décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 >>> https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049339435

2 Voir par exemple : article du Monde du 13/06/2022 : « Economie de guerre » : Emmanuel Macron demande une réévaluation de la loi de programmation militaire.

Photo © formation des rames pendant Orion 2023, armée de Terre, 16 février 2023 (https://www.defense.gouv.fr/operations/actualites/orion-2023-montee-puissance-unites.

Les États arabes se rendent à l’évidence : seuls les États-Unis et leurs alliés occidentaux peuvent dissuader les Iraniens d’étendre leur influence au Moyen-Orient

Les États arabes se rendent à l’évidence : seuls les États-Unis et leurs alliés occidentaux peuvent dissuader les Iraniens d’étendre leur influence au Moyen-Orient

Après des années de flottement, de tentatives d’établir de nouvelles alliances, de recherche d’une plus grande autonomie vis-à-vis de l’Occident, les pays du Golfe semblent se rendre à l’évidence : les tentatives de rapprochement avec l’Iran n’ont pas permis de contenir la menace de Téhéran que ce soit au Yémen, en Syrie ou en Irak. Au moment des choix cruciaux, les pays de la région se sont rangés du côté des États-Unis et de leurs alliés pour faire échec à l’attaque aérienne de l’Iran contre Israël.

Le pragmatisme qui guide la prise de décision des principaux dirigeants du Golfe a été le moteur de cette décision. Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre contre Israël, les États de la région, à l’exception d’Oman très en pointe dans la dénonciation d’Israël, ont été très peu vocaux dans la condamnation de la riposte massive d’Israël. Ils se sont contentés pour la plupart à lancer des appels au cessez-le-feu, certains comme le Qatar se sont engagés dans la médiation entre Hamas et Israël pour l’instauration d’une cessation des combats et un échange des otages contre des prisonniers palestiniens, tous ont envoyé des aides humanitaires pour soulager la population de Gaza mais peu de voix se sont élevées pour condamner Israël.

Les attaques en mer Rouge, une menace prise au sérieux

L’entrée en action des Houthis en mer Rouge contre les navires supposés appartenir à des pays soutenant Israël a suscité de graves inquiétudes chez les Saoudiens qui ont concentré tous leurs projets futuristes sur cette façade maritime. Il en va de même pour les Égyptiens qui subissent des pertes considérables. L’une des principales sources de revenus du pays réside dans les droits de passage par le canal de Suez (8 milliards de dollards). La Chine non plus n’a pas réagi à ces actions qui entravent leurs échanges commerciaux.  Ce silence est dû pour l’essentiel, côté saoudien, à la volonté de ne pas rompre le fragile équilibre de la trêve au Yémen et pour l’Égypte au désastreux souvenir de son engagement au Yémen dans les années 60.

Seules les marines occidentales et l’Inde ont permis tant bien que mal d’assurer la continuité de la navigation en mer Rouge. C’est une évidence et un signal fort envoyé aux alliés de la région, tentés un moment d’aller voir ailleurs.

Les limites de la diplomatie

La diplomatie a démontré ses limites. L’accord signé à Pékin en avril 2023 entre les Saoudiens et les Iraniens a permis certes de normaliser les relations entre les deux pays mais la méfiance est restée de mise. Aucun des problèmes liés à l’ingérence de Téhéran dans la région n’a été réglé. L’influence iranienne est patente auprès des Houthis du Yémen, comme elle l’est en Syrie, en Irak ou au Liban que ce soit directement ou au travers des différentes milices qu’il y a créées et qui sont sous le commandement de la force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens.

Un des exemples les plus notables est la Syrie. La Jordanie qui a beaucoup œuvré avec l’Arabie de Mohammed Bin Salman pour la réintégration de Damas dans le giron arabe dans l’espoir de limiter les trafics de drogues (Captagon) et d’armes s’est rendue à l’évidence. Le régime de Bachar Al-Assad n’a tenu aucune de ses promesses et les milices proches du cercle familial du dirigeant syrien et de ses alliés iraniens ont même accentué leur trafic ce qui a nécessité l’intervention de l’armée jordanienne en territoire syrien.

La présence de Téhéran est partout dans l’arc de cercle qui va du Liban à l’Irak et au Yémen au sud. Dans ces conditions les craintes saoudiennes sont justifiées et ses espoirs de neutraliser l’influence iranienne déçus. De plus, les importantes capacités en termes de missiles et de drones développées par l’Iran ces dernières années et dont l’Arabie saoudite a subi les effets lors des attaques revendiquées par les Houthis en 2019 contre les installations pétrolières d’ARAMCO sont une source d’inquiétude. Les pays de la région souhaitent installer un système de protection antiaérien que seuls les Américains ou les Israéliens seraient capables de fournir.

Les Américains reprennent la main

De leur côté les Américains n’ont pas ménagé leurs efforts pour regagner l’influence perdue ces dernières années. Les visites à Riyad d’Anthony Blinken, Lloyd Austin, du Général Erik Kurilla, commandant du Central command, et d’autres hauts responsables américains se sont multipliées depuis le 7 octobre. Riyad est (re)devenu un interlocuteur majeur de Washington et a retrouvé sa place d’allié privilégié. Ce qui flatte l’ego de Mohammed Ben Salmane qui a avait été meurtri par le fait d’être traité en paria après l’assassinat de Jamal Khashoggi. La pusillanimité des Chinois réticents à s’engager en mer Rouge où pourtant leurs intérêts sont en jeu a fait le reste.

Dans ce contexte de fortes tensions, il n’est pas étonnant que les pays de la région aient choisi leur camp. Il est vrai que Washington dispose de trente mille militaires dans la région. L’aide non négligeable en termes d’engagement direct pour la Jordanie, d’autorisations de survols pour les aviations occidentales dans les autres pays, les renseignements fournis par les pays de la région traversés par les drones et missiles iraniens lors de leur attaque du 13 avril ont été d’une aide précieuse même si ces États se sont abstenus de tout commentaire sur l’aide fournie aux alliés occidentaux y compris Israël.

En participant activement à l’opération, la Jordanie a pris un risque important en allant à contre-courant de la majorité de sa population qui manifeste massivement devant l’ambassade d’Israël à Amman. Le Royaume hachémite avance l’argument de la défense de son espace aérien mais l’a autorisé aux chasseurs israéliens qui ont abattu un grand nombre de missiles et de drones au-dessus de la Jordanie.

Pour les pays de la région, la menace iranienne pèse très lourd dans la balance et les capacités ou la volonté d’action de la Russie et de la Chine sont encore loin de répondre aux attentes et aux impératifs de sécurité que ces pays attendent de leurs alliés.

La stratégie de dissuasion nucléaire (SDN). Un pense-bête

La stratégie de dissuasion nucléaire (SDN). Un pense-bête

Par François Gere  Diploweb – publié le 17 avril 2024    

https://www.diploweb.com/La-strategie-de-dissuasion-nucleaire-SDN-Un-pense-bete.html


Agrégé et docteur habilité en histoire (Paris 3 Sorbonne nouvelle). Président du Cercle des amis du général Lucien Poirier (2019 – ). F. Géré a présenté l’ouvrage posthume du Général Lucien Poirier, « Éléments de stratégique ». , éd. Economica, Ministère des Armées, 2023. François Géré a consigné avec Lars Wedin, L’Homme, la Politique et la Guerre, éd. Nuvis, 2018. François Géré a publié, « La pensée stratégique française contemporaine », Paris, Economica, 2017.

La menace d’un recours à l’arme nucléaire est un discours récurrent de V. Poutine depuis sa relance de la guerre russe en Ukraine, le 24 février 2022. La France est un des pays dotés de l’arme nucléaire mais la stratégie de la dissuasion nucléaire (SDN) reste relativement peu expliquée sur la place publique. François Géré fait œuvre de pédagogue avec ce document qui en explique les cinq grands principes.

Antécédents

LA DISSUASION est un mode d’action à but négatif aussi ancien que la guerre. Visant à interdire les velléités d’action d’un adversaire, il a été pratiqué avec plus ou moins de succès en raison de son caractère aléatoire. Il repose sur le calcul des probabilités connu dès le XVIIème siècle. En 1800, le mathématicien Pierre-Simon Laplace remarquait : « dans la conduite de la vie…il convient d’égaler au moins le produit du bien que l’on espère par sa probabilité, au produit semblable de la perte. »

Auparavant si un agresseur prenait le risque de transgresser la dissuasion et que son entreprise tournait mal… il se prenait une raclée mais n’en mourait pas. Avec l’atome, la dissuasion revêt désormais une toute autre dimension car la probabilité d’occurrence de la riposte nucléaire comporte le risque d’une perte exorbitante, dite insupportable, dépassant la valeur de l’enjeu.

 

La stratégie de dissuasion nucléaire (SDN). Un pense-bête
François Géré
Professeur agrégé, docteur habilité en Histoire des relations internationales et stratégiques contemporaine, président de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS). Crédit photo : Diploweb.com
Herbert/Diploweb.com

Domaine de validité

La stratégie de dissuasion nucléaire (SDN) n’apporte pas la paix absolue.

Elle ne peut en effet s’exercer que dans le cas d’une attaque massive, quelle qu’en soit la nature, contre les intérêts vitaux du pays agressé.

Le périmètre du « vital » ne doit pas être défini restant à l’appréciation du chef de l’État de manière à placer le candidat agresseur dans l’incertitude.

Ainsi la stratégie de dissuasion nucléaire repose-t-elle sur cinq principes.

. Principe de crédibilité

La dissuasion nucléaire exige la création et la démonstration de capacités techniques. C’était le rôle des essais qui ne sont plus nucléaires depuis leur suspension pour une durée indéterminée en 1994 ou leur interdiction par un traité (TICE).

. Principe de permanence : la SDN est assurée par le chef de l’État, seul décideur, disposant 24h/24 des codes électroniques et des moyens de transmission aux forces stratégiques aériennes en veille et aux sous-marins en patrouille. La robustesse des communications est vitale.

. Principe d’incertitude

« l’effet dissuasif résulte de la combinaison d’une certitude et d’incertitudes dans le champ mental d’un candidat agresseur : certitude quant à l’existence d’un risque inacceptable… incertitudes sur les conditions exactes d’application du modèle en cas d’ouverture des hostilités. »

. Principe de suffisance pour une puissance moyenne comme la France en quantité et en qualité ni trop, ni trop sophistiqué.

C’est ce que l’on nomme parfois « dissuasion du faible au fort » (c’était l’Union Soviétique). Il est inutile et ruineux de se lancer dans une course aux armements, il faut et il suffit :

a) de disposer d’une force nucléaire invulnérable capable de riposter en cas d’agression (les SNLE sous-marin nucléaires lanceurs d’engins sont durablement indétectables). Il est indispensable de prévoir une redondance en cas de défaillance humaine ou technique. En janvier 2024, la Royal Navy a enregistré deux tirs ratés du Trident, missile de conception américaine pourtant éprouvé de longue date.

b) de passer les défenses adverses.

L’interception à 100% n’existe pas. Le dommage reste tolérable si les charges explosives sont classiques mais si elles sont nucléaires le problème change complètement. Une salve de SNLE envoie 96 charges pouvant « vitrifier » potentiellement autant de cibles. Aucune défense ne parviendrait à les intercepter quels que soient les progrès réalisés. D’autant plus que ces têtes sont environnées de leurres, manoeuvrantes (changement de trajectoire) et furtives (faible signature radar). Cette supériorité durable de l’agression sur la protection fait donc de la SDN l’unique parade.

. Principe de proportionnalité

Le volume des destructions dites « insupportables » est rapporté à la valeur de l’enjeu ; en l’occurrence l’invasion et la conquête de la France valent-elles l’anéantissement d’un ou deux ou trois centres vitaux de l’agresseur ?

Dès lors que cibler ? Anticités ou antiforces ? Les progrès de la précision permettent un ciblage plus fin sur des surfaces réduites. Le discours officiel quelque peu jésuitique affiche que la France ne vise plus les villes mais les centres de commandement des forces nucléaires et les centres décisionnels, en l’occurrence les dirigeants politiques. Toutefois, on relèvera que de telles cibles se situent rarement au cœur des déserts mais ont le mauvais goût de se trouver au beau milieu de zones densément peuplées.*

In Cauda

La création d’une dissuasion stratégique nucléaire européenne (UE) devra souscrire à l’ensemble de ces principes. Toutefois, la valeur de l’enjeu pour l’agresseur changerait de dimension. Des intérêts vitaux de la France seule, on passerait à ceux de l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Le calcul de la proportionnalité s’en trouverait affecté.

Copyright Avril 2024-Géré/Diploweb.com


Plus

Vidéo et résumé de la conférence Eric Danon : La dissuasion nucléaire a-t-elle un avenir ?

Éric Danon, diplomate, spécialiste des questions de sécurité internationale et de prospective stratégique s’interroge dans cette passionnante conférence (2018) : La dissuasion nucléaire a-t-elle un avenir ? Une heure de réflexion partagée pour nourrir le débat citoyen.

Bonus : le résumé par Estelle Ménard pour Diploweb.com

Que pèse la France en Indo-Pacifique ?

Que pèse la France en Indo-Pacifique ?

OPINION. Dans la région indo-pacifique, la présence française, ancienne et multiforme, reste souvent méconnue et sous-estimée. Par Benjamin Blandin, Institut catholique de Paris (ICP)

Déploiement du groupement aéronaval français dans l’Océan indien dans le cadre de l’opération Antares, février 2023.
Déploiement du groupement aéronaval français dans l’Océan indien dans le cadre de l’opération Antares, février 2023. (Crédits : marine nationale)

La stratégie indo-pacifique française est souvent incomprise et parfois méconnue. Dans cette immense région à l’importance cruciale, la France est fréquemment perçue comme une ancienne puissance coloniale amenée à jouer, au mieux, un rôle secondaire.

Il est vrai que la France a connu une longue présence coloniale dans la région, pendant environ trois siècles, de 1674 à 1954, notamment à Madagascar, à Djibouti, à Mayotte, en Inde, en Indochine et dans le Pacifique Sud. En outre, elle a également eu recours de manière immodérée à la politique de la canonnière face au Siam, au Vietnam, à la Chine et à la Corée. Aujourd’hui, du fait de cette histoire, elle se trouve en conflit avec l’île Maurice pour l’île de Tromelin, avec les Comores pour Mayotte et les îles Glorieuses, et avec Madagascar pour les îles Éparses. Dans l’océan Pacifique, la France est également confrontée à un mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie et sa possession de Clipperton a été ouvertement remise en question par le Mexique.

Outre les questions historiques, plusieurs événements survenus plus récemment ont également contribué à cette perception : les essais nucléaires effectués par la France jusqu’en 1995, les scandales liés aux contrats de défense signés avec Taïwan, ainsi qu’avec l’Arabie saoudite et le Pakistan dans les années 1990 et au début des années 2000, et plus près de nous l’annulation par Canberra du contrat de sous-marins au profit de l’accord AUKUS et l’abandon par l’Australie de contrats de défense avec la France (hélicoptères d’attaque Tigre, hélicoptères de transport NH90).

Par ailleurs, l’appareil de sécurité régionale français a été considérablement réduit, passant de 8 500 à 7 000 hommes au cours des dix dernières années. Sans parler des coupes budgétaires post-crise des subprimes (les redoutables LOLF et RGPP) dans la diplomatie française qui ont entraîné une réduction d’effectifs dans un certain nombre d’ambassades. Tous ces facteurs ont clairement eu un impact sur l’image de la France dans la région et ont contribué à une opinion contrastée auprès du public, comme des experts et des autorités politiques et militaires.

En outre, la stratégie indo-pacifique de la France, publiée en 2019, reste floue pour nombre de nos voisins, partenaires et alliés. La France gagnerait certainement à améliorer sa communication autour de ses initiatives et de ses résultats concrets, pour les faire mieux connaître et apprécier. Une meilleure coopération serait également nécessaire entre ses (trop) nombreuses agences, régulièrement en concurrence les unes avec les autres.

Un pays singulier parmi les nations européennes en Indo-Pacifique

La France n’est certes pas le pays le plus puissant opérant dans la zone indo-pacifique, mais elle n’est ni une petite puissance ni une puissance lointaine dans la région, où sa présence a été continuellement maintenue depuis la première moitié du XVIe siècle.

Il est également important de noter que même si la France a été une puissance coloniale, elle a établi son influence par divers moyens, notamment l’échange d’envoyés diplomatiques et l’établissement d’alliances avec les dirigeants locaux, l’implication directe dans divers conflits, la présence des érudits jésuites à la cour de l’empereur Qianlong en Chine, la construction de forteresses de style Vauban au Siam et au Vietnam ou encore la création d’un arsenal naval moderne à Yokosuka, au Japon. Un grand nombre de Français de tous métiers ont également apporté leurs connaissances et leurs compétences aux dirigeants locaux.

Aujourd’hui encore, la présence de la France dans la zone constitue une singularité majeure puisqu’elle est le seul pays de l’UE à être membre du Conseil de Sécurité de l’ONU et à être une puissance résidente à la fois dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien, sur un ensemble de territoires qui représente 25 810 kilomètres carrés pour une population de près de 2 millions de Français, et 93 % de la zone économique exclusive (ZEE) française, la deuxième au monde, juste après celle des États-Unis. Ses principales entreprises y sont très présentes, notamment dans le secteur de la défense, où la France se classe au troisième rang des fournisseurs, avec des coopérations fructueuses en cours avec l’Inde, Singapour, la Malaisie et l’Indonésie (peut-être prochainement aux Philippines) et des succès plus anciens en Australie et à Taïwan.

En termes d’influence et de diplomatie, Paris bénéficie d’une position unique avec un ensemble à la fois très dense et diversifié d’outils de soft power et de coopération. Cela comprend d’abord, son réseau d’ambassades et de consulats, l’un des plus importants au monde ; deuxièmement, les écoles et centres culturels français (réseau Alliance française) implantés dans toutes les grandes villes ; troisièmement, ses chambres de commerce et d’industrie reliant les entreprises françaises et locales ; quatrièmement, les institutions françaises de coopération internationale telles que l’Agence française de développement (AFD) et Expertise France ; cinquièmement, un réseau de 18 attachés militaires en plus des officiers de liaison dans les centres régionaux de fusion d’informations à Madagascar, New Delhi et Singapour, coordonnant la coopération en matière de défense et maritime et menant la diplomatie militaire. Cet outil diplomatique unique, envié par de nombreux pays européens, permet à la France d’être un membre actif des plus importants forums et mécanismes de coopération régionale.

Des moyens limités mais une approche innovante

Pour autant, les observateurs jugent souvent que la France « manque de muscles » en Indo-Pacifique.

Une telle affirmation n’est pas dénuée de fondement. Il est vrai que le nombre de troupes dans la zone a été réduit de 20 % au cours des 10 dernières années et que la présence navale a fortement diminué depuis les années 1990, mais en tout état de cause la France n’a ni l’ambition ni les moyens d’être une puissance militaire majeure dans l’Indo-Pacifique. Ses partenaires et alliés dans la région n’attendent ni ne demandent qu’elle prenne parti dans la rivalité États-Unis/Chine ou s’interpose entre eux. Forte de son héritage historique d’autonomie stratégique et d’indépendance politique, la France souhaite ouvrir une troisième voie, ni pro-États-Unis ni anti-Chine, qui résonne avec la posture stratégique de non-alignement des « Perspectives sur l’Indo-Pacifique » de l’Asean. À ce titre, Paris privilégie une posture de facilitateur, de bon voisinage et de partenaire de confiance qui promeut l’état de droit et démontre son engagement en faveur de la sécurité régionale et de la liberté des mers.

L’architecture de défense française dans la zone comprend deux commandements sous-régionaux – ALINDIEN pour l’océan Indien et ALPACI pour l’océan Pacifique, en complément des forces de souveraineté positionnées à La Réunion, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie – et suit un axe en forme de « S ». Cet axe relie le cœur métropolitain à ses territoires d’outre-mer à travers un réseau d’alliés et de partenaires stratégiques dont les Émirats arabes unis, l’Inde, Singapour, l’Indonésie et l’Australie (mais aussi le Vietnam, la Corée du Sud et le Japon). Avec certains d’entre eux, la France a établi un dialogue stratégique de défense innovant, comme les dialogues stratégiques trilatéraux « France-EAU-Inde » et « France-Inde-Australie ».

Cet axe comprend également cinq bases militaires situées à Abu Dhabi, Djibouti, La Réunion, Nouméa et Papeete. Dans ces bases, 7 000 militaires et divers équipements sont positionnés en permanence pour protéger les intérêts de la France. Il convient également de noter que depuis la publication de sa stratégie Indo-Pacifique, la France a considérablement renforcé sa présence dans la région. Cela comprend des déploiements réguliers de moyens navals majeurs tels que son groupement tactique aéronaval, ses sous-marins nucléaires d’attaque et ses porte-hélicoptères. Paris a aussi mené des « raids aériens », déployant chaque année des avions de combat Rafale, des A330 MRTT et des A400M depuis la France, Djibouti et le porte-avions Charles de Gaulle jusqu’en Inde, en Asie du Sud-Est, en Australie et en Nouvelle-Calédonie – et cela, en des temps records, permettant de démontrer les capacités de nos derniers équipements et de s’entraîner avec nos alliés.

À la lumière d’une architecture de sécurité américaine qui ne cesse de se renforcer et d’une présence européenne globalement absente, il a fallu du temps pour que le positionnement singulier français gagne en visibilité et soit pleinement compris. Certains pays de la région se sont même demandé si la France ne faisait pas, par nature, partie d’un « Occident global » et donc un partenaire de facto du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD), mais la perte de l’accord sur les sous-marins avec l’Australie au profit de l’AUKUS a grandement contribué à repositionner la France « sur le radar » de nombreux pays, notamment de l’Asean. Les entreprises françaises occupent désormais la position de troisième exportateur d’armes dans la région.

Une puissance stabilisatrice ?

Sur le plan diplomatique, la France a su établir des relations apaisées avec ses anciennes colonies. Elle a trouvé un accord avec le Mexique sur Clipperton en 2007 et a signé un accord-cadre sur l’île Tromelin avec Maurice en 2010. Elle a également renforcé sa présence au sein de l’Asean et se montre davantage présente au Shangri-La Dialogue. D’autres options ont été envisagées pour renforcer son statut, comme l’extension de ses bases, le positionnement d’une flotte permanente et d’un escadron de Rafale, ou encore une européanisation de son architecture de sécurité (même si elle représente 90 % de la présence de l’UE), mais toutes sont économiquement ou politiquement sensibles et Paris semble pour le moment privilégier une modernisation de ses atouts existants.

De manière plus pratique, la France met à profit sa vaste expertise maritime pour approfondir ses liens avec toutes les parties intéressées, à travers le concept d’« action de l’État en mer », la conception et la construction de systèmes navals complexes, la création et la préservation de zones marines protégées, la conduite d’opérations de recherche et de sauvetage en mer, la lutte contre la pollution marine, la lutte contre la criminalité maritime et les activités illégales et l’application du droit maritime.

La France est aussi l’un des pays les plus impliqués en matière de lutte contre le changement climatique. Elle a notamment apporté une contribution significative au récent traité international améliorant la protection de la haute mer. La taille de la ZEE française, les connaissances apportées par ses territoires d’outre-mer à travers le monde et la diversité de son domaine maritime placent la France à l’avant-garde des pays qui peuvent agir comme une nation-cadre dans des domaines variés et de plus en plus cruciaux pour la région : protection des biens communs mondiaux ; résilience face au changement climatique ; protection de l’environnement et de la biodiversité ; préservation du patrimoine culturel ; aide humanitaire et réponse aux catastrophes ; économie bleue ; sécurité maritime, la gouvernance des océans et la protection des ressources marines ; et renforcement de la connectivité.

On le voit, la France ne manque ni d’atouts ni d’initiatives et a véritablement transformé sa politique et sa stratégie dans la région ces dernières années. De nombreux projets ont été lancés et des résultats encourageants ont été observés. Reste désormais à mieux valoriser les fruits de cette démarche unique.

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Par Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)

Gil Mihaely : « La République islamique souhaitait que sa riposte reste sous un certain seuil »

Gil Mihaely : « La République islamique souhaitait que sa riposte reste sous un certain seuil »

The photo released by the Israel Defense Forces (IDF) on April 14th, 2024 shows photos of the return of the planes after the interception mission. Last night, Iran initiated an attack against Israel, launching over 300 threats of various types. The Iranian threat met the aerial and technological of the IDF, along with a strong fighting coalition – which together intercepted the overwhelming majority of the threats. 99% of the threats launched towards Israeli territory were intercepted.
(Israel Defense Forces / Handout via SIPA PRESS)//04SIPA_sipa.08843/Credit:IDF/GPO/SIPA/2404141726

 

par Gil Mihaely – Revue Conflits – publié le 15 avril 2024


En lançant une attaque inédite contre Israël, l’Iran a créé une incertitude majeure au Moyen-Orient. Téhéran a rompu le cadre des relations internationales, tout en cherchant à minorer cette attaque puisque les services américains en furent prévenus. Entretien avec Gil Mihaely.

Propos recueillis par la rédaction.

Dans la nuit du 13 au 14 avril, 185 drones kamikazes, 110 missiles balistiques et 38 missiles de croisière ont été tirés par l’Iran sur Israël. Ce qui est inédit. Même si le dôme de fer a une fois de plus montré son efficacité et que les Occidentaux ont aidé à déjouer l’attaque, il semblerait que l’Iran ne voulait pas faire de dégâts sur le sol israélien. Est-ce vrai ?

Non. L’objectif iranien était double : tout d’abord riposter à l’attaque israélienne du 1er avril à Damas (assassinat ciblé de sept hauts responsables des gardiens de la révolution islamique dans une annexe du consulat iranien à Damas) de manière à rétablir un équilibre de dissuasion entre Tel-Aviv et Téhéran. Ensuite, la République islamique souhaitait que sa riposte reste sous un certain seuil dont le franchissement entraînerait quasi obligatoirement des représailles israélo-américaines d’envergure. Cela ne veut pas dire que l’Iran ne voulait ou ne planifiait pas une opération avec des conséquences plus graves pour Israël. Pour preuve, les Iraniens ont choisi de lancer de très nombreux (entre 110 et 130) missiles balistiques très difficiles et coûteux à intercepter (plus que les drones Shahed, même pour le modèle 238 le plus récent). Les Iraniens souhaitaient très probablement détruire complètement la base aérienne de Nevatim dans le sud d’Israël (dont le périmètre a été touché par 7 missiles qui ont causé des dégâts mineurs). Protéger la base aérienne a exigé un effort considérable et un très haut niveau technologique et opérationnel. 

À cela on peut ajouter le fait que, selon les Américains, jusqu’à 50% des missiles lancés ont soit échoué, soit sont tombés trop court (en territoire iranien et irakien), ce qui veut dire que le planificateur attendait un effet encore plus important sur les cibles. On estime que les Iraniens ont lancé 130 missiles alors qu’on a constaté 70 interceptions et une poignée de missiles ayant atteints le sud d’Israël, notamment la base de Nevatim. 

Ma conclusion est donc que les Iraniens souhaitaient pouvoir montrer des images des destructions matérielles conséquentes et ne s’attendaient pas à une victoire aussi complète de la coalition dirigée par les États-Unis.

Cette attaque n’était qu’une opération de communication ? Pourquoi l’Iran cherche-t-il à éviter l’escalade ?

Le terme de communication est juste, mais ne résume pas l’idée stratégique iranienne. Beaucoup est en jeu pour l’Iran. Il s’agit d’un régime dont les intérêts divergent de ceux de la nation et de la majorité de la population. Ainsi, les décideurs à Téhéran ont un problème : si le peuple et l’État-nation de l’Iran sont quasiment invincibles dans une guerre qu’on peut envisager, le régime quant à lui est fragile et ne tient que par la répression et la loyauté de quelques millions de personnes plus ou moins privilégiées (Pasdaran, Bassidji, clergé, une partie des fonctionnaires, profiteurs de corruption et de sanctions). Le reste de la population souffre des effets des sanctions ainsi que la gestion calamiteuse de l’économie et des services publics. À titre d’exemple, le taux de change de la devise iranienne, le rial, est passé de 500k pour un dollar américain le 6 octobre à 700k hier. Pour presque 70 millions d’Iraniens faisant déjà face à un chômage très élevé et un pouvoir d’achat très faible et qui n’appartiennent pas aux privilégiés du régime, c’est une catastrophe.  Or, selon certaines estimations (comme celles de l’Emirati arab strategy forum) l’effet conjugué des sanctions et du projet nucléaire imputerait à l’Iran 5-10% de son PIB annuel.         

Quand le régime fait face aux dangers extérieurs, il doit également se protéger contre sa population qui pose la principale menace. Dans ces conditions, avec des forces armées très faibles (à l’exception de missiles) et mal équipées, la stratégie iranienne est d’éviter le contact. 

Ensuite, l’Iran des Mollahs parasite les États faillis de la région (Liban, Syrie, Irak, Yémen et parfois le Soudan), les transformant en armes à distance (difficilement contrôlables au demeurant, car les forces locales ont leurs propres « agendas »). Pour pallier les tensions inhérentes entre sunnites et chiites, la République islamique a adopté une politique anti israélienne aux relents antisémites, négationnistes et de manière perverse pro palestinienne (ils empêchent toute initiative de paix et soutiennent les plus radicaux et intransigeants, comme le Hamas). Une idéologie leur permettant de créer des alliances au sein du « Sud global » et des sociétés musulmanes.

Quand le régime fait face aux dangers extérieurs, il doit également se protéger contre sa population qui pose la principale menace. Dans ces conditions, avec des forces armées très faibles (à l’exception de missiles) et mal équipées, la stratégie iranienne est d’éviter le contact.

Enfin, pour sanctuariser le régime, l’Iran mène depuis trente ans un projet nucléaire avec une forte dimension militaire. Ce projet est suffisamment avancé pour que le régime puisse déjà voir la terre promise de l’immunité géopolitique… dans ce contexte, à l’approche de la dernière ligne droite nucléaire, le régime ne souhaite pas la guerre sur son territoire.

Les Occidentaux peuvent-ils empêcher l’escalade qu’ils redoutent ? Comment ?

Connaissant les faiblesses et les craintes des Mollahs et ayant des canaux de communication ouverts avec Téhéran, les Américains (et les Français) ont des moyens déjà éprouvés permettant de maîtriser (plus ou moins) les crises. C’est évidemment loin de la perfection surtout que les intérêts des deux côtés sont globalement divergents, mais ils s’avèrent presque aussi efficaces que pendant la guerre froide.

Comment pourrait réagir Israël ? Fera-t-il le choix de la guerre frontale ?

Israël réagit déjà et continuera à réagir de manière clandestine. Quant aux actions bruyantes et « signées », le problème est que la grande offensive appuyée par les États-Unis n’est pas à l’ordre du jour. Israël peut choisir une cible sur le territoire national qui fait mal (dégâts importants, pénétration, humiliation) dans le domaine de l’infrastructure, l’énergie, les gardiens de la révolution ou l’État. Israël pourrait alternativement augmenter la pression sur le Hezbollah au Liban et les Iraniens en Syrie pour démontrer que Téhéran ne veut ou ne peut pas protéger ceux à qui il demande de se sacrifier pour lui. La question est donc de savoir ce qui est possible sans la participation des forces américaines.

Après l’échec sahélien, repenser le logiciel de la politique française en Afrique Briefings de l’Ifri, 10 avril 2024

Après l’échec sahélien, repenser le logiciel de la politique française en Afrique Briefings de l’Ifri, 10 avril 2024

par l’IFRI – publié le 10 avril 2024

https://www.ifri.org/fr/publications/briefings-de-lifri/apres-lechec-sahelien-repenser-logiciel-de-politique-francaise


Les condamnations de la politique française ont pris de l’ampleur ces dernières années en Afrique francophone[1]. Les griefs évoqués sont multiples (interventions militaires, persistance du franc CFA, politique d’aide au développement, politique des visas restrictive, etc.) et la contestation raisonnée, qui portait sur les éléments objectifs de la politique française en Afrique qualifiée par certains de « néocoloniale », s’est transformée en diatribe anti-française sur les réseaux sociaux et dans les propos simplistes des néo-panafricanistes[2].

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Dans ce contexte, les relations entre la France et trois pays sahéliens ont été remises en cause en l’espace de deux ans (2021-2023). Au Mali, Burkina Faso et Niger – trois pays qui faisaient partie de la coalition anti-djihadiste du G5-Sahel et accueillaient des forces françaises et européennes dans le cadre de la lutte anti-djihadiste –, des militaires ont pris le pouvoir et rompu le partenariat sécuritaire avec Paris (dénonciation des accords de défense les liant à Paris et demande de départ des troupes françaises stationnées sur le territoire). Ils ont non seulement mis fin à l’engagement militaire de la France au Sahel mais aussi à la présence militaire de l’Union européenne (UE)[3] et à celle des Nations unies à travers sa Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)[4]. Il n’y a plus d’ambassadeur de France ni de troupes françaises dans ces trois pays et Paris a fermé son ambassade à Niamey le 2 janvier 2024. L’aide publique au développement (APD) française a été suspendue ainsi que les délivrances de visas. En rupture avec la France, les Européens puis les organisations régionales (CEDEAO et UEMOA) qui ont mis en place des sanctions, les trois pays sont en quête de nouvelles alliances et ont envoyé des messages en ce sens à plusieurs pays (Pays du Golfe, Turquie, Iran, Chine, Corée du Nord, etc.) avec plus ou moins de succès pour l’instant. Les juntes malienne et burkinabée se sont également tournées vers la Russie en tant que nouveau partenaire de sécurité, la junte nigérienne l’a fait au début de l’année 2024[5]. Cette rupture brutale et ce revirement d’alliance sont d’autant plus surprenants qu’ils sont le fait d’officiers qui coopéraient avec l’armée française dans le cadre de la lutte contre le djihadisme et avaient, pour certains, été en formation en France.

Malgré les déclarations de la diplomatie française tendant à minimiser ce revers, ce retournement brutal constitue bel et bien une crise. Mais de quelle crise s’agit-il exactement ? S’agit-il d’une crise franco-sahélienne, d’une crise franco-africaine ou d’une crise de la politique africaine de la France ?

La perception d’une crise franco-sahélienne peut se justifier par le fait que, sur 49 pays d’Afrique subsaharienne, seuls trois d’entre eux ont décidé de rompre avec Paris. Au-delà du populisme et du néo-souverainisme affichés par les juntes, censés leur apporter une base sociale, les raisons de ces ruptures avec Paris sont plus complexes. Après une opération Serval au Mali unanimement saluée et la mise en place de l’opération Barkhane en bonne intelligence avec les pays qui formaient, dans le même temps, le G5-Sahel, les divergences politiques et sécuritaires entre Paris et certaines capitales sahéliennes se sont progressivement développées[6]. Si, bien sûr, chaque relation bilatérale avait sa spécificité, notamment du fait que l’essentiel de l’action de l’armée française concernait le territoire malien, deux divergences se sont accentuées : une divergence sur les causes du conflit ; une autre sur la conduite de la guerre. Dans un premier temps, nous reviendrons sur la nature du conflit sahélien et sur ces divergences pour aborder ensuite les conséquences plus larges, pour Paris, de cet échec sahélien et des réflexions préalables à l’établissement d’une nouvelle politique.


[1]. A. Antil, T. Vircoulon et F. Giovalucchi, « Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone », Études de l’Ifri, Ifri, juin 2023.

[2]. A. Mbembe, « Quand le panafricanisme devient sectarisme », Jeune Afrique, 23 janvier 2023.

[3]. Fin de la Mission d’entraînement de l’Union européenne (EUTM) au Mali (formation de l’armée), fin de la task force Takuba (forces spéciales européennes placées sous le commandement de la force française Barkhane et des Forces armées maliennes), fin de la Mission EUCAP Sahel Niger (formation des forces de sécurité intérieures).

[4]. Les dernières bases de la MINUSMA ont été remises aux autorités maliennes en décembre 2023.

[5]. Au moment où nous écrivons ces lignes, plusieurs rencontres ont déjà eu lieu entre autorités russes et nigériennes (tant à Niamey qu’à Moscou) pour dessiner les contours d’un nouveau partenariat. En ce qui concerne le déploiement de forces russes, il semble que la junte soit divisée sur ce point, voir : « La perspective d’un déploiement de militaires russes au Niger divise la junte », Jeune Afrique, 1er février 2024.

[6]. Sur ce sujet, on lira entre autres avec profit : Emmanuel R. Goffi, « Opération Barkhane : entre victoires tactiques et échec stratégique », Université du Québec à Montréal, juin 2017 ; Rapport d’information sur l’opération Barkhane, Commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 14 avril 2021 ; F. Galois, « Fin de l’opération Barkhane : réflexions sur sept ans et demi d’engagement militaire », Institut Rousseau, 16 mars 2022 ; J. Guiffard, « Barkhane : échec, réussite ou bilan nuancé », Institut Montaigne, 23 mars 2023.

Après l’échec sahélien, repenser le logiciel de la politique française en Afrique

Où en est la souveraineté européenne ? par Y. Doutriaux, M. Lefebvre, J-L Bourlanges

Où en est la souveraineté européenne ? Y. Doutriaux, M. Lefebvre, J-L Bourlanges

 

Par Arthur DESCAZAUD , Jean-Louis BOURLANGES, Justine PERIES , Mario MARONATI, Maxime LEFEBVRE, Yves DOUTRIAUX  – Diploweb – publié le 10 avril 2024 

https://www.diploweb.com/Video-Ou-en-est-la-souverainete-europeenne-Y-Doutriaux-M-Lefebvre-J-L-Bourlanges.html


Avec Yves Doutriaux, Conseiller d’État honoraire ; Maxime Lefebvre, professeur à l’ESCP Business School ; et Jean-Louis Bourlanges, Président de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale.
Yves Doutriaux et Maxime Lefebvre sont co-auteurs avec Florence Chaltiel de « Propos sur la souveraineté européenne. Défis sanitaires, sécuritaires, démocratiques », éd. Dalloz, 2024. Jean-Louis Bourlanges en a rédigé la préface.
Présentation de la conférence par l’étudiant et directeur des partenariats de l’ESCP International Politics Society, Mario Maronati. Synthèse rédigée par Mario Maronati, Justine Peries et Arthur Descazeaud, étudiants à l’ESCP Business School, membres de l’ESCP International Politics Society.

D’où provient le terme de souveraineté européenne ? Quelle impulsion a-t-il connu à partir de 2017, sous la première présidence d’Emmanuel Macron en France ? Comment les multiples crises que l’Union européenne a traversées ont progressivement donné vie à ce concept initialement peu accepté parmi les États membres ? En quoi s’agit-il d’un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024 ? Yves Doutriaux, Maxime Lefebvre et Jean-Louis Bourlanges en débattent. Avec une synthèse rédigée, validée par M. Lefebvre.

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Synthèse rédigée par Mario Maronati, Justine Peries et Arthur Descazeaud, étudiants à l’ESCP Business School, membres de l’ESCP International Politics Society

ALORS QUE que les élections européennes approchent, la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont relancé les débats autour de la souveraineté européenne. C’est dans ce contexte que l’ESCP Business School a accueilli le 29 février 2024 une conférence pour faire le point sur ce concept encore peu clair et objet de nombreuses controverses : la souveraineté européenne. À l’occasion de la parution du livre « Propos sur la souveraineté européenne » (Dalloz, 2024), deux des trois auteurs ainsi que le préfacier sont venus apporter leur point de vue sur la situation dans cet événement co-organisé par l’ESCP International Politics Society, association étudiante visant à promouvoir les enjeux de politique internationale au sein de cette institution.

D’où provient ce terme de souveraineté européenne ? Quelle impulsion a-t-il connu à partir de 2017, sous la première présidence d’Emmanuel Macron en France ? Comment les multiples crises que l’Union européenne a traversées ont progressivement donné vie à ce concept initialement peu accepté parmi les États membres ? En quoi s’agit-il d’un enjeu majeur des élections européennes prochaines, en juin 2024 ? Ce sont ces questions qui ont rythmé les quelque deux heures et demie d’échanges menés par Yves Doutriaux, Maxime Lefebvre et Jean-Louis Bourlanges, respectivement conseiller d’État honoraire, professeur à l’ESCP Business School et Président de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

Le ton fut rapidement donné au terme d’une introduction effectuée par l’étudiant et directeur des partenariats de l’ESCP International Politics Society, Mario Maronati. Les États membres sont peut-être traversés par des sentiments contraires quant à leur conception de l’Union européenne, mais un impératif subsiste en ce moment si particulier de crise militaire à nos frontières : il ne faut pas s’abandonner à l’immobilisme.

Là réside la marque de fabrique de l’Union. Maxime Lefebvre nous le rappelle en s’intéressant à l’origine et au développement du concept de souveraineté européenne au fil des années. Il revient sur ce terme qui fait directement écho à celui d’autonomie stratégique, lui-même issu de la politique de défense française et qui a trouvé une déclinaison économique dans l’UE depuis 2020 (énergie, santé, électronique, matières premières, etc.). Ainsi, lorsque le président Emmanuel Macron lance le slogan de la souveraineté européenne au cours de son discours de la Sorbonne en 2017, l’ambition est tout sauf neutre. C’est bien de quelque chose de plus important que les domaines aujourd’hui de compétence exclusive de l’union (commerce, concurrence, monnaie, pêche), qu’il s’agit.

Vidéo – Yves Doutriaux, Mario Maronati, Maxime Lefebvre
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Si le contenu de ce discours fut loin de faire l’unanimité au sein des pays membres à l’époque, Yves Doutriaux souligne l’importance de l’agression de l’Ukraine par la Russie en février 2022 dans le processus de prise de conscience d’une souveraineté européenne. En effet, si les crises précédentes telles que la guerre en Géorgie en 2008 ou l’annexion de la Crimée et la sécession d’une partie du Donbass en 2014, n’avaient pas toujours engendré des prises de position unanimes de la part des membres de l’Union européenne, la guerre en Ukraine marque un tournant majeur. C’est la première fois que les 27 membres vont mettre à profit tous leurs instruments disponibles, de concert. Sanctions, politique d’accueil massive de réfugiés ukrainiens, soutien humanitaire et macroéconomique, et mobilisation d’un budget pour financer l’envoi d’armes et former les soldats ukrainiens : jamais l’Union européenne n’avait réagi aussi fermement et avec un éventail aussi vaste de mesures face à un conflit international.

Yves Doutriaux rappelle aussi que tout ceci doit être remis dans le contexte de membres de l’Union réticents à l’idée de mettre en avant une Défense européenne différente du bouclier apporté par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). En effet, s’il existe bien quelques opérations menées par des troupes européennes dans le monde, la défense des pays membres repose essentiellement sur cette organisation de 32 Etats. Cependant, le blocage aux États-Unis par les républicains d’une aide supplémentaire de 60 milliards de dollars à l’Ukraine ainsi que les multiples déclarations de l’ancien président et désormais candidat Donald Trump, ne permettent guère de rassurer les Européens. Dans ce cadre, il est évident que le concept de souveraineté européenne a pris une nouvelle dimension. D’ailleurs, Maxime Lefebvre liste une potentielle nouvelle élection de Donald Trump parmi les grands défis auxquels risque de faire face l’Union européenne pendant la période législative 2024-2029. Selon lui, cette éventualité conjuguée à d’autres enjeux tels qu’une relation complexe entre l’Union et ce que l’on appelle le “Sud Global”, ou la question d’un élargissement de l’UE à 36 membres, invitent les pays membres à mieux réfléchir à ce qu’ils entendent par souveraineté et à aller au-delà de la forme, en avançant sur le fond.

Sur cette problématique de définition, Jean-Louis Bourlanges ne peut qu’être d’accord. De fait, il considère qu’il y a une contradiction originelle à parler de “souveraineté” dans un cadre européen. Comment cela pourrait-il être alors que Jean Bodin définit classiquement ce terme comme caractérisant un pouvoir qui n’est lié que par lui-même ? Cela est impossible dans la mesure où l’intégralité de la construction européenne repose sur la délégation de pouvoirs de la part d’États souverains à une autorité commune. Cependant, Jean-Louis Bourlanges explicite une condition à laquelle les mots prononcés par le président Emmanuel Macron en 2017 peuvent être acceptables : s’il ne se réfère pas à un concept juridique, mais plutôt à une notion proche de l’indépendance européenne prônée par le Général de Gaulle en son temps. Si l’idée n’est pas forcément de promouvoir un projet fédéral, mais davantage d’appeler l’Union à organiser son indépendance sur tous les plans afin de constituer une entité politique capable de ne pas subir la loi d’autrui, alors le terme de “souveraineté” est justifié.

La souveraineté européenne doit être au cœur des débats compte tenu de la situation géopolitique mondiale, et tout candidat devrait d’abord commencer par expliciter son positionnement sur ce sujet.

Pourtant, Maxime Lefebvre comme Jean-Louis Bourlanges déplorent le manque de clarté des décideurs politiques et l’absence de réflexion profonde sur la réalité que nous souhaitons attacher au terme de souveraineté européenne. D’abord parce que sans cela, l’Union européenne ne pourra répondre efficacement aux défis géopolitiques prochains, mais aussi parce qu’il s’agit d’un des enjeux les plus importants des élections européennes de juin 2024. En effet, Jean-Louis Bourlanges estime qu’il est impératif de consacrer une partie prépondérante des débats à cette notion, et qu’il est urgent que les différents pays membres répondent à trois questions au sujet de l’union : qui, quoi et comment ? Qu’est-ce qui fait que l’on peut devenir membre de l’Union européenne et qu’est-ce qui ne fait que cela peut nous être refusé ? Qu’est-ce que les pays veulent mettre en commun et qu’est-ce qu’ils souhaitent réaliser individuellement ? Et enfin, comment organiser une vie démocratique entre plusieurs États souverains ?

En fin de compte, toute l’Union européenne découle des réponses à ces trois questions. Il faut arrêter de se dissimuler derrière des idées floues et clarifier le propos. Sans quoi, il est impossible de prétendre vouloir mobiliser plus de 400 millions d’électeurs en juin 2024. La souveraineté européenne doit être au cœur des débats compte tenu de la situation géopolitique mondiale, et tout candidat devrait d’abord commencer par expliciter son positionnement sur ce sujet. Il en va du succès de ces élections et de la légitimité des futurs élus.

Copyright pour la synthèse Avril 2024-Descazeaud-Maronati-Périès/Diploweb.com


Plus

. Florence Chaltiel, Yves Doutriaux et Maxime Lefebvre, « Propos sur la souveraineté européenne. Défis sanitaires, sécuritaires, démocratiques », préface de Jean-Louis Bourlanges, éd. Dalloz, 2024.

4e de couverture

À la veille d’élections décisives, l’Union européenne apparaît comme une puissance en devenir. L’affirmation progressive de sa souveraineté ne saurait faire abstraction ni des souverainetés nationales ni des défis qu’elle doit encore relever. Face aux crises nombreuses de ces dix dernières années, sanitaire, géopolitique, financière, les États-membres et les institutions européennes ont chaque fois tenté de réagir avec unité et fermeté. Cependant les divergences d’intérêts et de vue sont autant d’obstacles sur le chemin de l’Union politique européenne. Cet essai propose une réflexion sur le chemin parcouru et dessine des perspectives pour l’Europe du XXIe siècle.

Pour la première fois dans l’histoire, des soldats français vont monter la garde au palais de Buckingham

Pour la première fois dans l’histoire, des soldats français vont monter la garde au palais de Buckingham

À l’inverse, des soldats britanniques vont garder les portes du palais de l’Élysée.

8 avril 2024 
https://www.leparisien.fr/international/pour-la-premiere-fois-dans-lhistoire-des-soldats-francais-vont-monter-la-garde-au-palais-de-buckingham-08-04-2024-MOLSW7IYNNDNNMLTJTHQY44C7U.php

Un membre de la Garde républicaine française échange son chapeau avec un membre de la F Company Scots Guards de l'armée britannique après une répétition en vue d'une cérémonie spéciale de relève de la garde, à Wellington Barracks, à Londres, le 5 avril 2024. AFP/Benjamin Cremel
Un membre de la Garde républicaine française échange son chapeau avec un membre de la F Company Scots Guards de l’armée britannique après une répétition en vue d’une cérémonie spéciale de relève de la garde, à Wellington Barracks, à Londres, le 5 avril 2024. AFP/Benjamin Cremel
Une première historique. Ce lundi 8 avril, à 10h45 pétante, une trentaine de soldats de la Garde Républicaine française participeront à la traditionnelle cérémonie de relève de la garde devant Buckingham Palace, à Londres. La France est le premier pays non-membre du Commonwealth à participer à cette véritable institution britannique qui attire chaque jour de très nombreux touristes.

Cette grande première a été décidée à l’occasion du 120e anniversaire de l’Entente cordiale. La France et le Royaume-Uni, longtemps frères ennemis, ont signé une série d’accords de coopération le 8 avril 1904 à Londres pour améliorer leur relation ponctuée de nombreuses guerres.

« L’exercice militaire entre la France et la Grande-Bretagne n’est pas le même, les espaces non plus », relève le Lieutenant-colonel Nicolas Mejenny dans une vidéo de Force news. Les soldats français se sont entraînés aux côtés leurs camarades britanniques vendredi 5 avril pour être prêts le jour J.

Sur le parvis du palais de Buckingham, les 32 soldats français de la Garde républicaine seront rejoints par 40 gardes de la compagnie F Scots Guards, précise le Dailymail. Ils seront inspectés par le duc et la duchesse d’Édimbourg, le chef d’état-major général du Royaume-Uni (CGS), le général Sir Patrick Sanders, le chef d’état-major de l’armée française, le général Pierre Schill, et l’ambassadrice de France au Royaume-Uni, Hélène Duchene.

« Un symbole de la force de la relation entre nos deux pays »

Pendant ce temps, à Paris, 16 soldats de la 7e compagnie Coldstream Guards, coiffés de leur traditionnel bonnet à poil, le bearskin, vont rejoindre la Garde Républicaine pour assurer la garde présidentielle à l’extérieur du palais de l’Élysée. La aussi, il s’agit d’une première.

« Je suis extrêmement fier d’avoir été invité à partager ce moment avec nos amis britanniques, a commenté le chef d’escadron Guillaume Dewilde. Nous sommes comme des frères et sœurs, et célébrer ce moment ensemble est un symbole de la force de la relation entre nos deux pays. »

Même son de cloche côté britannique. « C’est un signe de la force de nos relations. Les Français font partie de nos amis les plus proches. Et qui sait quand nous pourrions avoir besoin l’un de l’autre ? », a déclaré le lieutenant-colonel James Shaw.