Pourquoi la technologie du grand drone sous-marin XLUUV est-elle stratégique pour les marines militaires ?

Pourquoi la technologie du grand drone sous-marin XLUUV est-elle stratégique pour les marines militaires ?

Après le succès des phases d’essais de son démonstrateur DDO, un grand drone sous-marin, ou XLUUV, Naval Group s’est vu notifié un contrat pour la conception d’un nouveau système de même type, mais plus imposant, ainsi que de l’ensemble des technologies clés pour équiper et mettre en œuvre ces drones navals.

Dans ce domaine, la France n’est pas en retard, et fait même partie des nations les plus avancées, avec les États-Unis. Elle n’est cependant pas la seule à investir d’importants moyens pour se doter de XLUUV. En effet, savoir concevoir, et mettre en œuvre ces grands drones sous-marins militaires, va rapidement devenir un enjeu stratégique pour de nombreuses marines. Voilà pourquoi…

Sommaire

Si les drones ont fait leur entrée sur les champs de bataille aériens depuis plusieurs décennies, l’arrivée de ces systèmes automatisés est beaucoup plus récente dans les autres espaces de conflictualité, pour des raisons toutefois souvent différentes. Ainsi, le principal obstacle à la conception d’un drone terrestre, réside dans la gestion de sa mobilité sur un terrain par nature chaotique et changeant, comme sur un champ de bataille.

Dans le domaine des drones de surface, ce sont avant tout les contraintes liées à la durée des missions qui concentrent les efforts des chercheurs. En effet, là où un drone de combat va tenir l’air pendant, au mieux, quelques dizaines d’heures, un drone de surface de grande taille va effectuer sa mission sur plusieurs semaines, peut-être même plusieurs mois, avec son lot d’avaries et de fortunes de mer.

XLUUV DDO de Naval group
Le démonstrateur de grand drone sous-marin DDO de Naval group, a terminé son programme d’essais à l’été 2023.

Les drones sous-marins, quant à eux, cumulent les contraintes des unités de surface, avec un impératif fort en matière de discrétion, spécialement dans le domaine électromagnétique et acoustique, alors que très peu de pays ont, effectivement, les compétences pour concevoir un sous-marin conventionnel.

Ainsi, si, pour être opérationnel, un drone de surface peut s’appuyer sur une liaison de donnée avec un centre de contrôle, la discrétion indispensable liée à la mission sous-marine militaire, impose de réduire au maximum ces échanges électromagnétiques, et donc de concevoir un drone disposant d’une autonomie très étendue en matière de pilotage, mais aussi de conduite de mission, voire de décision opérationnelle.

Un nouveau programme français basé sur le démonstrateur DDO de grand drone sous-marin de Naval Group

Dans ce domaine, le français Naval Group a pris les devants de la programmation militaire nationale, en développant, sur fonds propres, un démonstrateur baptisé DDO, pour Démonstrateur de Drone Océanique.

Sa présentation eut lieu, concomitamment à sa première mise à la mer, en octobre 2021, à l’occasion des Naval Group Innovation Days, un événement annuel de l’industriel destiné à promouvoir et présenter ses innovations et avancées technologiques récentes.

Long de 10 mètres pour 10 tonnes de déplacement, le DDO a depuis mené plusieurs campagnes d’essais, tant pour valider les arbitrages et développements des ingénieurs de Naval Group, que pour récolter de nombreuses données et expériences liées à sa mise en œuvre, comme c’est le rôle d’un démonstrateur.

Navl Group Innonvation days 2021 DDO
Le DDO a été présenté lors des Naval Group Innonvation Days en octobre 2021.

Le pari de l’industriel a été payant. En effet, après que des financements de la DGA ont accompagné Naval Group lors des essais de son démonstrateur, et comme planifié par la nouvelle LPM 2024-2030, celui-ci a été notifié d’un contrat de recherche et de développement, de la part de la DGA, pour la conception, la fabrication et les essais d’un nouvel XLUUV, acronyme anglophone pour Très Grand Véhicule Sous-marin sans Équipage, sur la base des acquis du programme DDO.

Le nouveau drone devra être plus grand, et plus lourd, que le démonstrateur initial, sans que ses dimensions aient été spécifiquement définies. Pendant ce temps, le DDO servira, quant à lui, de plateforme pour un ensemble de développements dans le domaine de l’endurance, de la production d’énergie, de l’intégration de senseurs, et surtout de l’automatisation et la prise de décision autonome, sujets mis largement en avant par la DGA et Naval group dans ce dossier.

Les principaux programmes de XLUUV dans le monde

La France, Naval Group, et la Marine nationale, ne sont pas les seuls à s’intéresser de près, et à investir, dans le développement de ce type de technologie. Des programmes similaires, plus ou moins avancés, sont, en effet, en cours dans plusieurs pays, en particulier ceux dotés des compétences en matière de conception et de construction de sous-marins militaires.

C’est le cas des États-Unis et de l’US Navy, avec le programme ORCA, dont la conception a été confiée à Boeing et la construction aux chantiers navals HHI de Lockheed Martin. Le premier prototype a été livré par l’industriel à la fin de l’année dernière, et qui, depuis, multiplie les tests et essais.

XLUUV ORCA Boeing
Boeing va livrer au total six XLUUV ORCA à l’US Navy.

Long de 26 mètres, mais avec un déplacement de seulement huit tonnes, l’ORCA doit être construit à six exemplaires, pour mener l’ensemble des tests et essais, y compris en matière de déploiement opérationnel, afin de pouvoir entamer la conception et la construction d’une classe de grands (Large) et très grands (eXtra Large) drones sous-marins autonomes venant renforcer et étendre les capacités de l’US Navy, à partir de la fin de la décennie.

Plusieurs autres pays, comme le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne et Israël, ont annoncé, ces derniers mois, s’être engagés dans des programmes similaires. Tout comme la Chine, dont on ignore cependant l’état d’avancement dans ce domaine, Pékin étant traditionnellement très discret pour ce qui concerne les développements de technologies sous-marines.

Quoi qu’il en soit, avec un démonstrateur de 10 tonnes ayant déjà effectué plusieurs campagnes d’essais, et un programme ambitieux à suivre, la France est à la pointe dans le domaine des XLUUV, et entend bien le rester.

Des capacités opérationnelles bientôt indispensables pour toutes les marines militaires

Il faut dire que les possibilités promises par l’arrivée des XLUUV dans l’inventaire des grandes marines militaires, ont de quoi aiguiser les appétits des stratèges navals. En effet, par leurs performances, leurs couts réduits, leur mobilité et une empreinte RH limitée, ces drones sous-marins étendent sensiblement les capacités des sous-marins traditionnels, qu’ils soient à propulsion conventionnelle, et même nucléaire.

XLUUV DDO Naval group
Le DDO est un des premiers XLUUV a avoir effectué des essais à la mer, en 2021.

Par leurs prix réduits, on parle de 20 m€ pour la version surveillance (10 tonnes) du DDO, leur panoplie de senseurs, et leur autonomie à la mer, les XLUUV représentent, sans le moindre doute, l’une des solutions les plus efficaces pour surveiller et sécuriser un espace maritime étendu, des côtes, voire des infrastructures navales critiques, comme les ports et arsenaux ou les câbles sous-marins.

Ainsi, la sécurisation d’un arsenal, qui nécessiterait, dans la durée, au moins deux sous-marins nucléaires se passant le relais, ou trois sous-marins à propulsion conventionnelle, pourrait être réalisée par 5 ou 6 XLUUV, tournant par flottille de 2 ou 3, et ne coutant qu’une fraction des couts de construction et de mise en œuvre, de la flottille sous-marine immobilisée pour une telle mission, et par ailleurs, très probablement, plus utile ailleurs.

Les grands drones sous-marins peuvent également s’avérer particulièrement utiles dans les missions trop risquées pour y consacrer un sous-marin, comme le renseignement naval opérationnel à proximité des côtes adverses ou de son dispositif naval, ou la désignation de cible.

Ainsi, un XLUUV peut s’approcher discrètement d’une flotte adverse, en identifier les navires clés, et transmettre les informations à une frégate, un autre sous-marin, ou un stike d’avions de chasse, pour venir les frapper à distance de sécurité, tout en réduisant sensiblement les risques de dégâts collatéraux, et ce bien plus surement qu’avec un sous-marin classique.

XLUUV ORCA Boeing
Les dimensions du XLUUV ORCA américain apparaissent sur cette photo lors de la cérémonie de bapteme du premier prototype.

Enfin, les XLUUV disposent d’une mobilité incommensurable, en particulier face aux sous-marins traditionnels, y compris à propulsion nucléaire. En effet, par ses dimensions, le DDO peut-être transporté par avion A400M partout dans le monde en 24 heures, alors que sa version de combat, de 20 mètres, pourrait l’être avec un C17. Une fois livrés, ils peuvent rejoindre la mer par camion en quelques heures seulement.

Ainsi, un grand drone naval est capable d’être déployé sur des délais très courts, pour répondre à une situation de crise, bien plus rapidement que ne le peut un SNA, pourtant le système naval le plus véloce, avec le porte-avions, aujourd’hui.

L’ensemble de ces capacités, et celles qui restent à imaginer et à appliquer, confère aux XLUUV un potentiel opérationnel très important, agissant tant comme multiplicateur de forces que comme alternative économique spécialisée, précisément pour employer, au mieux de leurs potentiels, les rares et très onéreux sous-marins d’attaque.

Des enjeux technologiques à l’échelle des enjeux militaires

Reste que pour parvenir à s’en doter, les obstacles technologiques à franchir sont particulièrement nombreux et difficiles. Déjà, le ticket d’entrée pour être en mesure de concevoir des XLUUV efficaces, capables d’exploiter le plein potentiel de ce nouvel outil, est particulièrement élevé, puisqu’il nécessite de savoir concevoir et fabriquer des sous-marins militaires conventionnels ou nucléaires.

SNA Suffren
La maintrise des technologies de conception d’un sous-marin miltiaire constitue le tiocket d’entrée pour s’engager dans la conception d’un XLUUV.

En effet, les fonds marins représentent un des milieux, avec l’espace sidéral, les plus hostiles et agressifs adressables par la technologie humaine aujourd’hui. S’il est évidemment possible de bricoler un semi-sous-marin partiellement autonome, potentiellement capable de mener une mission d’attaque suicide, à l’aide d’une liaison satellite qui en annulerait le bénéfice de la discussion, la conception d’un véritable XLUUV, requiert de maitriser l’ensemble des compétences sous-marines militaires, et bien davantage.

Ce n’est visiblement pas un sport de masse. En effet, à ce jour, seuls les cinq membres permanents du conseil de sécurité des nations unis, ainsi que le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne, la Suède, et l’Inde, disposent effectivement de ces compétences.

Le cas d’Israël, et de la Turquie qui ne tardera certainement pas à révéler un programme similaire, est particulier. Si ces deux pays ne conçoivent pas leurs sous-marins, ils en maitrisent cependant la majorité des technologies, et dispose d’un grand savoir-faire dans le domaine des drones et systèmes autonomes. En outre, ni l’un, ni l’autre, n’a d’ambitions océaniques à proprement parler.

Le second enjeu technologique, pour la conception, et surtout la mise en œuvre efficace des XLUUV, englobe les enjeux de discrétion, ainsi que de décision autonome et de conduite de mission. En effet, pour exploiter pleinement le potentiel d’un XLUUV, celui-ci se doit d’être au moins aussi discret, acoustiquement parlant, comme dans le spectre électromagnétique, qu’un sous-marin militaire moderne.

MQ-9B Gardian
Les drones de combat MALE modernes, restent en permanence connecté à la plate-frome de piltoage par laison de données sateliite. Ce n’est pas applicable, ni même souhaitable, pour un XLUUV.

Impossible, dans ces circonstances, de s’appuyer sur une liaison de données permanente avec un poste de pilotage et de contrôle basé à terre, comme c’est le cas des drones de combat aériens aujourd’hui. Cet enjeu est, à ce titre, l’axe prioritaire de recherche et développement identifié par la DGA, dans le contrat passé à Naval group, il y a quelques jours.

Remarque : Notons cependant que d’importants efforts sont produits, en particulier autour des programmes de chasseurs de nouvelle génération comme SCAF, GCAP ou NGAD, pour en accroitre l’autonomie décisionnaire, et réduire autant que possible les émissions, aussi peu discrètes que sensibles au brouillage.

Or, si un drone aérien va évoluer quelques heures au-dessus d’un espace aérien peu évolutif, avant de regagner sa base, les XLUUV vont devoir mener des missions de plusieurs semaines, et donc faire preuve d’une capacité d’adaptation considérablement plus étendue, pour répondre efficacement et de manière normalisée, à l’ensemble des scénarios et situations auxquels il pourrait être confronté. Le tout, évidemment, en conservant, pour certaines décisions clés, l’arbitrage humain comme verrou infranchissable.

Cette durée de mission engendre, elle aussi, des contraintes qu’il conviendra de traiter. En effet, un navire à la mer, qu’il soit ou non autonome, est exposé à des avaries et des fortunes de mer. Le XLUUV devra être en mesure d’encaisser ces avaries, qu’elles soient liées au contexte opérationnel, ou simplement à son utilisation navale, tout en poursuivant sa mission avec efficacité et fiabilité, sur la durée requise.

Il conviendra aussi, certainement, d’imaginer la manière dont les avaries majeures pourraient être réparées par des navires de soutien, sans que le retour au port soit nécessaire.

À ce titre, il faudra, enfin, disposer d’une capacité de soutien adaptée à l’utilisation de ces drones, et surtout veiller à ce que les réparations et interventions pour compenser l’absence d’équipage, ne viennent pas saturer les capacités de maintenance, et au final, créer un embouteillage qui viendrait annuler les bénéfices attendus par l’utilisation de ces systèmes.

Conclusion

On le voit, la conception et la mise en œuvre des grands drones sous-marins, va probablement devenir, si ce n’est pas déjà le cas, l’un des grands enjeux technologiques et opérationnels liés à la guerre navale, dans les années à venir.

DDO Naval Group
L’influence biomimétique des grands cétacées est évidente dans la conception du DDO de Naval Group.

Dans ce domaine, la France n’a pas raté son départ, en particulier grâce à l’initiative de Naval Group, qui a développé, sur fonds propres, avant même que la planification militaire ne s’intéresse au sujet, un démonstrateur très prometteur, le DDO, lui conférant une réelle avance technologique dans ce domaine.

Au-delà des performances et capacités opérationnelles que ces futurs XLUUV vont apporter aux flottes sous-marines, les systèmes auront, également, un important potentiel commercial sur la scène international. Leur prix, en effet, les mettra à la portée de nombreuses marines n’ayant pas les moyens de se doter de véritables sous-marins, ou qui sont dotées d’une flotte sous-marine réduite.

La conjonction de capacités nouvelles, complémentaires ou substitutives des systèmes existants, et d’un marché plus étendu, fait du XLUUV un des futurs systèmes d’arme majeurs, dont toutes les marines devront se doter. Ils constitueront, par ailleurs, un véritable pivot de l’action naval militaire, qu’elle soit offensive ou défensive. Il convient donc, évidemment, de ne pas rater la marche, comme ce fut le cas, en Europe, pour les drones aériens de combat.

Article du 1ᵉʳ février 2024 en version intégrale jusqu’au 14 juillet 2024

Le programme SSN-AUKUS se dirige-t-il vers une impasse industrielle ?

Le programme SSN-AUKUS se dirige-t-il vers une impasse industrielle ?

Présenté officiellement en mars 2023, le programme SSN-AUKUS, qui vise à équiper la Marine australienne de huit sous-marins nucléaires d’attaque, et à developper une nouvelle classe de SNA conjointement entre la Grande-Bretagne et l’Australie, a fait l’objet de plusieurs interrogations depuis son lancement. Mais, l’analyse publiée par le site australien strategicanalysis.org, pourrait bien poser une question incontournable et pourtant sans réponse satisfaisante, concernant sa soutenabilité industrielle.

Sommaire

Qu’il s’agisse de ses couts, directs ou induits, qui pourraient dépasser les 350 Md$ pour Canberra, des effets de captations sur les autres programmes australiens, mais aussi britanniques, engendrés par ces couts exorbitants, ainsi que du retour industriel particulièrement faible pour Canberra, de nombreux sujets ont, tour à tour, défrayés la chronique d’une certaine partie de la presse australienne depuis quelques mois, sans toutefois engendrer de réaction de la part des trois gouvernements concernés.

Mais, un article publié récemment sur le site Strategic Analysis Australia, pourrait être, quant à lui, plus difficile à ignorer. En effet, l’analyse faite par Michael Shoebridge, montre qu’en l’état des annonces, et des réalités industrielles présentes et à venir, il se pourrait bien que ce programme aboutisse, à terme, à une impasse industrielle, venant affaiblir la posture défensive australienne, à un moment où celle-ci sera le plus nécessaire.

L’article australien construit son analyse sur trois rapports dernièrement publiés ces dernières semaines, deux sont américains, le dernier est britannique.

Le rapport du CBO américain sur la soutenabilité du plan d’équipement de l’US Navy

Le premier de ces rapports a été publié par le Congress Budget Office, ou CBO, un organe indépendant dépendant du Congrès, en charge de l’évaluation des requêtes budgétaires transmises au Parlement américain. Rappelons qu’outre-atlantique, c’est le Congrès, et non l’exécutif, qui a le dernier mot en matière de budget de défense, mais aussi de financement des programmes d’armement réclamés par le Pentagone et l’exécutif.

US Navy porte-avions
Le plan d’équipement de l’US Navy, transmis au Congrès dans le cadre de la loi de financement des armées de 2024, repose sur trois options, mais aucune d’elle n’est finançable sans une hausse importante de ses crédits d’équipements.

Ce rapport porte sur l’évaluation du plan, ou plutôt des plans, puisqu’il y en a 3, d’équipements fournis par l’US Navy, dans le cadre de la loi de finance du Pentagone de 2024. Sans entrer dans les détails, celui-ci insiste sur le fait que les trois plans d’équipements produits par l’US Navy, nécessiteraient une hausse considérable du budget d’acquisition de nouveaux navires, sur la base du budget actuellement disponible et planifié, sans qu’aucune solution pour garantir le financement de cette hausse, n’ait été présentée.

Le rapport du CRS américain, sur les possibilités d’évolution de la fabrication de sous-marins nucléaires pour l’US Navy

Le second rapport américain, plus précis sur le sujet des sous-marins nucléaires et de la problématique SSN-AUKUS, a été rédigé par le Congress Research Service, ou CRS, à nouveau un organisme indépendant du Congrès américain, chargé de fournir des conseils sur la législature examinée, en l’occurrence, la loi de financement des armées US pour 2024.

Ce rapport juge comme bien trop ambitieux et optimiste, le plan de l’US Navy qui vise à augmenter de 150 % la production de sous-marins nucléaires d’ici à 2028, comme évoqué, il y a quelques jours, sur notre site. Selon le CRS, l’US Navy a largement sous-évalué les difficultés auxquelles elle sera exposée pour atteindre un tel objectif, qui suppose de passer de la construction de 1,4 sous-marin de la classe Virginia chaque année, à 2 Virginia et un nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engins de la classe Columbia, d’ici à cinq ans.

programme SSN-aukus Classe Virginia
Pour pouvoir vendre les trois SNA classe Virginia à l’Australie dans le cadre du programme SSN-AUKUS, les chantiers navals américains vont devoir augmenter leurs cadences de production de plus de 150 %

S’il sera très difficile d’atteindre cet objectif nécessaire pour exécuter le plan de modernisation de l’US Navy face aux Marines chinoise et russe, la production d’un SNA supplémentaire tous les trois ans, exigée par le Congrès pour autoriser la vente de 3 Virginia à la Marine australienne, dans le cadre du programme SSN-AUKUS, semble quant à elle, pratiquement inaccessible.

Le rapport du NAO sur le financement du plan d’acquisition décennal des armées britanniques

Le troisième rapport, venant parfaire ce tableau déjà bien obscurci, émane pour sa part du National Audit Office britannique, ou NAO, et porte sur l’analyse du plan d’acquisition décennal du ministère de la Défense, équivalent de la LPM française, sur la période 2024-2033. À l’instar du rapport américain du CBO, celui du NAO britannique pointe l’inadéquation entre les couts constatés et les budgets planifiés, en particulier concernant deux programmes, celui des sous-marins nucléaires et celui des frégates.

Ainsi, le cout du programme de conception de sous-marins nucléaires, a augmenté de 62 % ces dernières années sur la période concernée, soit une hausse totale de 38 Md£, alors que le programme de frégates Type 26, qui concerne aussi la Royal Australian Navy, a augmenté pour sa part de 41 % et 16 Md£. Ces hausses sont la conséquence de l’inflation récente, mais aussi des évolutions des besoins exprimés par la Marine britannique pour ses futurs navires.

Astute class SSN Royal Navy
Il va manquer plusieurs dizaines de milliards de Livres Sterling à la Royal Navy pour pouvoir financer ses programmes de sous-marins nucléaires et de frégates d’ici à 2033.

Or, comme dans le cas des plans de l’US Navy, aucun dispositif ou plan susceptible de financer ces surcouts, n’a été présenté à ce jour, laissant donc aux dirigeants des années à venir, la responsabilité de libérer les budgets nécessaires pour y parvenir. Sans être totalement hors de propos, une telle réponse serait, pour ainsi dire, inespérée pour la Royal Navy, surtout que d’autres programmes, tout aussi critiques, comme l’avion de combat Tempest au sein du programme GCAP, vont, eux aussi, réclamer des crédits importants.

De fait, l’hypothèse la plus probable, concernant la conception et la fabrication des SSN-AUKUS qui devront remplacer les Astute de la Royal Navy à partir de 2040, consisterait à un étalement du programme, pour en accroitre la soutenabilité budgétaire. Et c’est bien là que tout le problème réside pour la Royal Australian Navy.

Le rapport bénéfices risques du programme SSN-AUKUS potentiellement très défavorable

En effet, l’action cumulée de ces trois rapports, fait apparaitre un risque que les États-Unis ne soient pas en mesure de livrer les 3 SNA classe Virginia promis à Canberra pour entamer sa transition et faire l’intérim pour remplacer les sous-marins Collins, alors même que l’arrivée des SSN-AUKUS, prévue pour 2040, pourrait être reportée de plusieurs années par Londres, afin de satisfaire aux exigences budgétaires.

En d’autres termes, il se pourrait bien qu’à partir de 2030, la Marine australienne se retrouve sans sous-marin pour protéger ses cotes et sa flotte, sauf à prolonger, une nouvelle fois, des Collins usés jusqu’à l’os et ne représentant plus un adversaire de taille face aux nouveaux sous-marins et navires de lutte ASM chinois, ou à faire l’acquisition, dans l’urgence, d’une solution intérimaire, venant à nouveau alourdir la note déjà considérable pour Canberra de ce programme.

Type 054B marine chinoise
Les risques auxquels le programme SSN-AUKUS expose la Royal Australian Navy, intervient alors que la menace navale chinoise croît très rapidement.

Surtout, cette faiblesse en devenir, interviendrait précisément lorsque les tensions entre la Chine et les États-Unis seront à leur paroxysme, au-delà de 2027, alors que la Marine chinoise disposera de nouvelles capacités faisant, le plus souvent, jeu égal avec les meilleures technologies occidentales du moment.

Bien évidemment, il existe un scénario dans lequel tout pourrait se passer comme prévu, si l’US Navy obtient l’ensemble des financements réclamés de la part de l’exécutif et du congrès américain pour les 20 années à venir, si les chantiers navals américains parviennent effectivement à multiplier par 4 leurs effectifs en seulement sept ans, pour répondre aux ambitions de production, et si Londres venait à apporter son effort de Défense au-delà de 3% de son PIB.

Tout cela, naturellement, si et seulement si, le triptyque USA-UK-Australie évolue avec une parfaite cohésion et une grande stabilité politique et économique pendant, là encore, les 20 années à venir, et même les 30. Reconnaissons que cela fait beaucoup de « si », et que les chances d’y parvenir semblent, aujourd’hui, particulièrement faibles.

Conclusion

La question posée par l’analyse de Michael Shoebridge, est donc de déterminer si le rapport bénéfices risques du programme SSN-AUKUS, demeure suffisant pour justifier sa poursuite, ou s’il est préférable, au contraire, d’y renoncer, tout au moins dans sa forme actuelle, pour prendre une posture plus conservatoire, mais aussi beaucoup plus sûre au regard du développement en cours de la menace.

Pas certain qu’il y ait un responsable politique australien, américain ou britannique, pour poser objectivement la question, face aux enjeux politiques considérables qui entourent ce programme.


Fabrice Wolf

Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.

L’armée américaine mise sur des antennes micro-ondes pour abattre des drones et des missiles

L’armée américaine mise sur des antennes micro-ondes pour abattre des drones et des missiles

L’armée américaine compte développer des antennes micro-ondes à haute énergie pour détruire les drones et les missiles au plus près du champ de bataille.


[EN VIDÉO] Interview : les ondes électromagnétiques sont-elles dangereuses ? Nous sommes perpétuellement exposés à des ondes électromagnétiques de provenances très diverses : lignes à…

Depuis ses débuts, le conflit en Ukraine a démontré que les drones, même bon marché, peuvent devenir une plate-forme de reconnaissance efficace ou une arme permettant de larguer des grenades ou bien encore s’écraser sur leur cible en déclenchant une charge explosive. Il existe également les drones militaires de plus grande taille avec une grande autonomie, comme les drones suicides Shahed-136 utilisés par les Russes ou bien le nouveau Scythe ukrainien.

Face à ces menaces et ces bombes volantes — hormis les brouilleurs qui rencontrent des limites, des DCA, ou bien l’utilisation de très onéreux missiles sol-air pour détruire ces aéronefs bon marché —, les armées imaginent d’autres systèmes de défense. Dans leur cahier des charges, ils doivent être efficaces et peu onéreux au tir pour détruire ces cibles souvent low-cost. Pour minimiser les coûts au tir et maximiser les coups au but, les armées de plusieurs pays, comme les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Japon et d’autres grandes puissances militaires misent sur des canons lasers ou encore des railguns. Pour moins d’un euro le tir, ils font mouche à coup sûr et à la vitesse de la lumière dans le cas du laser.

Sur le sujet, les Américains ont de l’avance. Du côté de leur armée et notamment de l’US Navy et l’US Air Force, en plus des canons laser, les militaires misent également sur des systèmes d’antennes à micro-ondes de haute puissance, pour « brûler » l’électronique de ces aéronefs.

Lors de démonstrations pour l’US Air Force, Raytheon avait pu démontrer l’efficacité de ses systèmes avancés de micro-ondes et de laser mobiles à haute énergie pour détruire des drones. © Raytheon Tech

Lors de démonstrations pour l’US Air Force, Raytheon avait pu démontrer l’efficacité de ses systèmes avancés de micro-ondes et de laser mobiles à haute énergie pour détruire des drones. © Raytheon Tech

Neutraliser un drone ou un missile à la vitesse de la lumière

Les militaires ont fait appel à Raytheon pour concevoir, construire et tester deux systèmes d’antennes micro-ondes. Des prototypes devraient être construits d’ici 2026 dans le cadre d’un programme consistant à développer un système de défense à énergie dirigée (Defend pour Directed Energy Front-line Electromagnetic Neutralization and Defeat). Les faisceaux de ces antennes pourraient couvrir une large plage dans la bande des micro-ondes du spectre électromagnétique. Raytheon n’a pas dévoilé de détails techniques sur ces antennes, mais a précisé que ces prototypes seraient robustes et transportables pour pouvoir être utilisés sur les zones de contact en première ligne contre les drones. La firme n’en est pas à son premier coup d’essai. Elle avait déjà développé un système de contre-mesure électronique par micro-ondes pour protéger les bases aériennes, baptisé Chimera.

Chaque année, le Pentagone dépense en moyenne un milliard de dollars pour développer ce type d’armement à énergie dirigée. Il compte déployer ces systèmes d’armes à bord d’aéronefs, de navires de guerre et de véhicules terrestres pour abattre des drones et des missiles menaçant des positions et des installations.

Trois nouveaux navires-hôpitaux pour l’US Navy

Trois nouveaux navires-hôpitaux pour l’US Navy

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 22 décembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Des navires-hôpitaux? En voilà!

Austal USA va construire trois « expeditionary medical ships » dont on connaît déjà les noms pour les deux premiers: Bethesda ESM1 et Balboa EMS2. Ces bâtiments, livrables d’ici à 2030, ont été développés sur les EPF Expeditionary Fast Transports construits par Austal. Le marché est d’une valeur de 867 millions de dollars.

En voici les spécifications:

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Ces bâtiments, capables d’accueillir des V-22 et des H-53K, sont beaucoup moins grands que les USNS Mercy et l’USNS Comfort. Ces bâtiments de l’USNS font tous les deux plus de 270 mètres de long et pèsent près de 66 000 tonnes. Ils sont équipés d’environ 1 000 lits pour accueillir des patients, dont 80 unités de soins intensifs spécialisées dans la chirurgie et la réanimation. 

Voir l’avis de modification du marché initial des EPF:
Austal USA, Mobile, Alabama, is awarded an $867,666,667 fixed-priced incentive (firm-target), undefinitized contract modification to a previously awarded contract (N00024-19-C-2227) for the detail, design, and construction of three expeditionary medical ships, an Expeditionary Fast Transport variant. Work will be performed in Mobile, Alabama (87%); Chesapeake, Virginia (2%); Newark, Delaware (2%); Mandeville, Louisiana (2%); Spring, Texas (1%); various locations within the U.S., each accounting for less than one percent (5%); and various locations outside the U.S., each accounting for less than one percent (1%). Work is expected to complete by May 2030. Fiscal 2023 shipbuilding and conversion (Navy) funds in the amount of $149,833,000; and fiscal 2022 shipbuilding and conversion (Navy) funds in the amount of $63,667,000 will be obligated at time of award and will not expire at the end of the current fiscal year. Naval Sea Systems Command, Washington, D.C., is the contracting activity.

La production de sous-marins nucléaires pour l’US Navy va augmenter de 150% d’ici à 2028

La production de sous-marins nucléaires pour l’US Navy va augmenter de 150% d’ici à 2028


 

Alors que la production de sous-marins nucléaires américaine n’atteint, aujourd’hui, que 1,3 nouveau sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Virginia chaque année, elle devra, d’ici à 2028, produire 2 SSN classe Virginia et un SSBN classe Columbia par an, et même 2,3 Virginia à partir de 2030, pour absorber les livraisons à l’Australie.

L’industrie navale militaire américaine va devoir, dans les 5 ans à venir, multiplier par 2,5 leur production de sous-marins nucléaires, ce qui engendrera une transformation aussi radicale qu’après l’attaque de Pearl Harbor, pour cette fois relever le défi chinois.

Sommaire

Longtemps victime d’un biais technologiste lié à la perception d’une baisse des tensions navales dans le monde, l’US Navy est désormais engagée dans un très important effort de modernisation de sa flotte, pour relever le défi posé par la Marine chinoise et l’industrie navale de l’empire du milieu.

En effet, si l’US Navy demeure aujourd’hui la plus imposante force navale par son tonnage et la puissance de ses navires, la Marine de Pékin croit et se modernise, en nombre comme en tonnage et en capacités opérationnelles, bien plus rapidement que la Marine américaine ne parvient à se moderniser.

SeaWolf, Zumwalt, LCS : ces programmes qui ont sabordé la modernisation de l’US Navy pendant 25 ans

Il faut dire qu’entre les échecs des programmes SSN Sea Wolf, DDG Zumwalt et LCS Independance et Freedom, elle a connu des pertes de potentiel importantes avec, par exemple, le retrait des frégates anti-sous-marines de la classe O.H Perry non compensé par des LCS manquant de performances, et des pertes de volume.

D’autre part, ces programmes se sont avérés des d’immenses puits sans fonds budgétaires, ayant chacun couté plus de 20 Md$, soit l’équivalent de 5 sous-marins de la classe Virginia, de 7 destroyers Arleigh Burke, de 15 frégates classe Constellation, et même de presque deux porte-avions de la classe Ford, alors qu’ils n’ont produit que trois sous-marins, trois destroyers et une trentaine de LCS presque inutiles.

De fait, aujourd’hui, l’US Navy doit simultanément absorber les conséquences de ces échecs, renouveler sa flotte, et l’augmenter, pour tenir la ligne face à une Marine chinoise qui accueille chaque année une dizaine de destroyers et frégates, ainsi qu’un à deux grands navires amphibies ou aéronavals, et deux à trois nouveaux sous-marins, il est vrai encore majoritairement à propulsion conventionnelle.

Si, ces dernières années, le Pentagone a obtenu de l’exécutif et du Congrès les crédits nécessaires à cet effort qui n’aura probablement rien à envier à celui entrepris dans les années 80 avec le plan Lehman, du nom du Secrétaire à la Navy de Ronald Reagan, John Lehman qui, en 1982, lança une initiative pour amener l’US Navy à 600 navires pour répondre à la modernisation de la flotte soviétique engagée par l’Amiral Gorshkov dans les années 70.

La production de sous-marins nucléaires pour l’US Navy doit augmenter de 150 % en 5 ans

Pour répondre à ce défi, le Pentagone entend considérablement accroitre la production industrielle navale militaire américaine, en passant de la livraison d’un destroyer classe Arleigh Burke et 2 LCS par an, à celle de plus de deux destroyers Burke et une frégate classe Constellation, des navires autrement plus performants et mieux armés que les LCS dont la production va prochainement cesser.

L’effort le plus important portera, quant à lui, sur le domaine de la production des sous-marins nucléaires américains. En effet, aujourd’hui, l’US Navy reçoit, en moyenne, 1,3 nouveau sous-marin nucléaire d’attaque SSN classe Virginia chaque année, une production pas même suffisante pour remplacer le retrait des SSN classe Los Angeles encore en service.

2,3 SSN classe Virginia et un SSBN classe Columbia par an

L’objectif de production, annoncé par le Secrétariat à la Navy à l’occasion d’un témoignage écrit pour le Congrès, est d’atteindre, d’ici à 2028, un format désigné « 1+2 », soit 1 nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engin classe Columbia, pour remplacer les 12 SSBN classe Ohio en fin de vie, ainsi que deux sous-marins nucléaires d’attaque SSN classe Virginia, pour remplacer les SSN classe Los Angeles, et étendre la flotte de l’US Navy au-delà de 60 SSN d’ici à 2035, contre 44 aujourd’hui.

À cet objectif déjà ambitieux, le vice-amiral Bill Houston, qui commande la flotte sous-marine américaine, a ajouté la production de 0,33 SSN classe Virginia supplémentaires par an, pour absorber et remplacer les deux navires de cette classe qui seront prélevés sur l’inventaire de l’US Navy en 2032 et 2035 pour être transférés à la Marine australienne dans le cadre du programme AUKUS, ainsi que le troisième SSN classe Virginia, qui sera construit neuf et livré directement à Canberra en 2038, au standard Block VII.

Au total, donc, la production annuelle de sous-marins nucléaires par les chantiers navals américains, doit passer de 1,3 SSN aujourd’hui, à 2,3 SSN et un SSBN d’ici à 2028, une hausse considérable de 150 % en 5 années seulement.

Le défi est d’autant plus important, qu’un SSBN de la classe Columbia, ses 171 m et 21 000 tonnes en plongée, est beaucoup plus imposant et complexe à construire qu’un SSN classe Virginia, long de 140 m et déplaçant 10 200 tonnes en plongée.

Des effectifs industriels multipliés par 5 en seulement 5 ans

De fait, le Secrétariat à la Navy estime qu’il sera nécessaire, pour relever ce défi très ambitieux, de multiplier non par 2,5, mais par 5, les effectifs industriels dédiés à la construction de ces navires, pour atteindre ces objectifs, par ailleurs indispensables pour soutenir la compétition avec Pékin.

Classe Arleigh Burke
Outre la production de sous-marins, les chantiers navals militaires américains vont aussi devoir accroitre leur production en matière de navire de surface, avec les destroyers Arleigh Burke, les frégates Constellation et les futurs DD(x).

Ce besoin en matière de ressources humaines, ainsi que la construction des infrastructures nécessaires avec un possible 3ᵉ grand chantier naval à l’étude, sont aujourd’hui les principaux sujets de préoccupation de l’US Navy et de son Secrétaire, alors que les chantiers navals Huntington Ingalls Industries de Newport, et General Dynamics de Groton, peinent déjà à remplir les équipes à charge pourtant réduite.

Sur des délais aussi court, et pour un volume de progression aussi important, il est, en effet, illusoire de ne s’appuyer que sur des recrutements traditionnels, d’autant que l’industrie navale américaine est aujourd’hui presque exclusivement militaire, et qu’il n’existe donc aucun réservoir civil mobilisable, comme c’était encore le cas au début des années 80.

Il va donc, aux industriels américains, simultanément falloir recruter, ainsi que former et encadrer ce flux de nouveaux personnels, pour répondre à l’augmentation de la production de sous-marins, ainsi que de navires de surface, et se montrer particulièrement attractif, alors que le chômage aux Etats-Unis demeure sous la barre des 4 %.

L’échec n’étant pas envisageable considérant les enjeux sécuritaires qui en dépendent, la construction navale militaire américaine s’apprête à une transformation profonde, proche de celle qu’elle a connue en 1942, pour faire face à la Marine nippone.

Une fois le point d’équilibre atteint, que l’on peut estimer de 2040 à 2045, Washington disposera alors d’une flotte sans équivalent de 80 à 90 sous-marins nucléaires, et d’une centaine de grands navires de surface océaniques, mais aussi, et surtout, d’un potentiel industriel capable, une nouvelle fois, d’alimenter rapidement ses alliés.

Le retour prévisible de l’industrie navale militaire américaine sur le marché mondial

Il faudra donc, aux industriels navals européens, mais aussi japonais ou sud-coréens, se préparer à encaisser le choc du retour d’une industrie navale américaine sur le marché mondial, après l’avoir presque quitté dans les années 90 avec la fin de la production des frégates O.H Perry.

O.H Perry class Adelaide Australia
Les frégates anti-sous-marines américaines de la classe O.H Perry ont été exportées vers 10 Marines mondiales pour 42 exemplaires, bien davantage que n’importe lequel des modèles européens.

Lorsque l’on voit à quel point les États-Unis sont parvenus à imposer leur F-35 aujourd’hui, leurs F-16, F-18 avant cela, dans toute la sphère occidentale, on peut se faire une idée des effets qu’un retour américain sur le marché militaire naval mondial, pourront induire lorsque cela se produira.

L’action cumulée de l’arrivée de la Corée du Sud, du Japon et de la Turquie à court termes, le retour de la Chine et la montée en puissance chinoise dans les années à venir, et le spectre du grand retour des États-Unis sur le marché au-delà de 2035, il sera indispensable, aux groupes navals européens, de finement planifier leur propre activité, pour ne pas être emporté par les lames de fonds que se rapprochent rapidement.

Article du 8 novembre en version intégrale jusqu’au 9 décembre 2023

Fabrice Wolf:

Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.

L’US Navy parle de réagir au « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale

L’US Navy parle de réagir au « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale

https://www.opex360.com/2023/08/28/lus-navy-parle-de-reagir-au-comportement-agressif-de-pekin-en-mer-de-chine-meridionale


Déjà, la Chine a mis la main sur le récif Mischief, situé dans l’archipel des Spratleys ainsi que sur celui de Scarborough, selon un mode opératoire consistant à déployer une flottille de navires de pêche, appartenant à sa milice maritime [PAFMM – People’s Armed Forces Maritime Militia], sous la protection de sa garde côtière. Ce qui, le temps passant, revient à pratiquer la politique du fait accompli.

Ces derniers mois, d’autres îlots philippins ont été visés de la sorte, dont Pag Asa [encore appelé « Thitu »] et Whitsun [ou Juan Felipe], ce qui a donné lieu à des incidents. Mais c’est le Second Thomas Shoal, un atoll situé à 200 km de l’île philippine de Palawan, qui fait actuellement l’objet de vives tensions entre Manille et Pékin.

Ainsi, début août, usant de canons à eau, la garde côtière chinoise a empêché le ravitaillement du détachement de marines philippins qui tient garnison sur le BRP Sierra Madre, un navire volontairement échoué sur cet atoll afin d’en assurer la garde. Pour la Chine, une telle action était légitime… puisqu’elle considére que le Second Thomas Shoal [qu’elle appelle « Re’nai »] lui appartient. En outre, depuis janvier 2021, ses gardes-côtes sont autorisés à utiliser « tous les moyens nécessaires », y compris les armes, afin d’écarter les navires étrangers naviguant dans les eaux « sous juridiction chinoise ».

Cet incident n’a pas manqué de faire réagir. Ainsi, l’Union européenne a exprimé son « inquiétude » tandis que Tokyo, Ottawa et Washington ont condamné des « agissements dangereux ». Et, justement, pour l’US Navy, le temps est venu d’y répondre. C’est en effet ce qu’a affirmé le vice-amiral Karl Thomas, le commandant de la Septième flotte des États-Unis, dans un entretien à l’agence Reuters.

Le « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale doit être « contesté et contenu », a-t-il en effet déclaré, en prenant l’exemple de l’utilisation de canons à eau par les gardes-côtes chinois contre les navires philippines dans les environs du Second Thomas Shoal. « Il faut défier ces gens […] qui opèrent dans une zone grise. Quand ils prennent le dessus petit à petit et vous repoussent, vous vous devez [aussi] de les repousser et continuer à naviguer », a ajouté le vice-amiral Thomas.

En outre, il a dit être en relation étroite avec le vice-amiral Alberto Carlos, le commandant des forces philippines pour la mer de Chine méridionale. Il s’agit de « comprendre quels sont ses défis et de voir comment il est possible de l’aider », a confié l’officier américain. « Nous avons certaines des défis communs. Je veux donc mieux comprendre comment il envisage les opérations dont il est responsable », a-t-il insisté.

Cela étant, l’US Navy défie régulièrement son homologue chinoise quand elle mène des opérations dites FONOPs [Freedom of Navigation Operations], en envoyant des navires dans les eaux revendiquées par Pékin. Par ailleurs, Washington a également décidé de déployer des patrouilleurs de l’US Coast Guard dans le Pacifique occidental afin d’y mener des missions de surveillance des pêches… dans des secteurs fréquentés par les chalutiers chinois.

Pour rappel, la Septième flotte de la marine américaine dispose de 50 à 70 navires, de 150 avions et plus de 27’000 militaires. Sa zone d’opérations s’étend sur plus de 124 millions de kilomètres carrés.

L’armée américaine reçoit ses premiers canons laser puissant et ultracompact

L’armée américaine reçoit ses premiers canons laser puissant et ultracompact

Futura -Sciences – publié le 29 août 2023https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/guerre-futur-armee-americaine-recoit-premiers-canons-laser-puissant-ultracompact-107306/


[EN VIDÉO] L’US Navy fait une démonstration de son canon laser La marine américaine vient de faire démonstration d’une arme digne des meilleurs films de science-fiction…

Compact, robuste et relativement léger, le canon laser Phantom vient d’être livré par Northrop Grumman à l’armée américaine. L’industriel est parvenu à concentrer une puissance de feu conséquente par rapport aux dimensions de l’appareil.

Dans la foulée de l’annonce par Lockheed Martin, de l’arrivée du canon le plus puissant du monde avec 500 kW, vient maintenant celle de Northrop Grumman. L’industriel vient de livrer au gouvernement américain un laser compact appelé Phantom. Il préfigure ce que devraient être les armes laser du futur en combinant une certaine puissance avec une petite taille, tout en étant suffisamment robuste pour rejoindre les champs de bataille. Il faut dire que pour le moment, les canons laser les plus puissants restent gigantesques et très lourds. Avec le Phantom, on reste certes très loin de la puissance de du canon actuel de 300 kW de Lockheed Martin, puisqu’il reste limité à des tirs de 10 kW. En revanche, l’appareil dispose d’un poids limité à 90 kilos et n’occupe que 0,3 m3, c’est-à-dire pratiquement la taille d’un petit .

 

Carré, ce générateur laser et aussi gros qu’un réfrigérateur. Il peut être transporté par deux personnes. © Northrop Grumman

Carré, ce générateur laser et aussi gros qu’un réfrigérateur. Il peut être transporté par deux personnes. © Northrop Grumman

Un canon laser, petit et costaud

Il pourrait être transporté par deux militaires et sa carcasse renforcée lui permet d’encaisser les chocs. En revanche, ce module laser ne vaut rien s’il n’est pas imbriqué avec d’autres éléments essentiels. Pour que ce soit un système d’arme complet, il faut le brancher à une alimentation électrique et lui ajouter des systèmes optiques pour faire l’acquisition de la cible et l’impacter avec le faisceau laser. Malgré tout, miniaturiser à ce point une arme laser, tout en disposant d’une puissance conséquente est déjà une prouesse. Du côté de Lockheed Martin, l’industriel affirme pouvoir augmenter la puissance de 300 kW à 500 kW dans un système de même . C’est également un exploit, mais ce type d’armement reste gigantesque. Beaucoup moins puissant, le laser de Northrop Grumman pourrait être déployé sur des véhicules rapides ou des positions avancées pour abattre de petits .

Les sous-marins nucléaires d’attaque modernes

Les sous-marins nucléaires d’attaque modernes


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Les sous-marins nucléaires d’attaque modernes


Avec l’épisode de l’annulation du contrat de sous-marins à propulsion conventionnelle Shortfin Barracuda par l’Australie au profit de sous-marins à propulsion nucléaire américano-britanniques, les sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire ont connu, ces derniers mois, une sur-exposition médiatique relativement antinomique avec la mission par nature discrète de ces Léviathans océaniques qui constituent, aujourd’hui encore, parmi les constructions humaines les plus complexes jamais réalisées.

Aussi rapides que furtifs, les sous-marins nucléaires d’attaque oui SNA, dont les missions passent de la collecte de renseignement à la lutte anti-surface, mais également à la chasse des autres sous-marins, sont aujourd’hui l’apanage des marines des cinq grandes puissances nucléaires mondiales membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, qui se livrent une compétition féroce pour prendre l’avantage sur les autres dans ce domaine.

Dans cette synthèse, nous étudierons les cinq classes de sous-marins nucléaires d’attaque actuellement en production dans le Monde, pour en comprendre les atouts et les spécificités propres, et ainsi percevoir la lutte que se livrent, sous les océans, les grandes puissances mondiales dans ce domaine de très haute technologie.

Chine : sous-marins nucléaires d’attaque Type 09-IIIG classe Shang

Si la construction navale et sous-marine chinoise a fait des progrès fulgurants ces 30 dernières années, avec l’arrivée de navires très performants comme les croiseurs Type 055 ou les LHD Type 075, Pékin a longtemps eu la réputation de ne produire que des sous-marins de qualité médiocre au regard des standards occidentaux ou russes.

Cette mauvaise réputation a en partie été balayée par l’arrivée des sous-marins à propulsion anaérobie Type 039 des classes Song et Yuan, des navires ayant fait la démonstration de leur discrétion acoustique et de l’efficacité de leur système propulsif.

Toutefois, dans le domaine des sous-marins à propulsion nucléaire, la production chinoise reste aujourd’hui encore en retrait vis-à-vis des navires de même type américains, russes ou français, même si les SNA de la classe Shang ont montré de réelles avancées dans le domaine.

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Les SNA de la classe Shang sont les premiers sous-marins nucléaires chinoise à atteindre un niveau de qualité proche de celui des autres grandes marines mondiales

Héritiers des premiers Type 09-I de la classe Han, entrés en service au milieu des années 70 et réputés peu performants et particulièrement bruyants, les 3 premiers sous-marins de la classe Shang type 09-III sont entrés en service au début des années 2000, alors que les 3 unités suivantes de la classe Type 09-IIIG améliorée ont, quant à eux, été livrés à la Marine chinoise au cours des années 2010.

Longs de 110 mètres pour un déplacement en submersion de 7.000 tonnes, les Shang et les Shang-G améliorés, ont corrigé une partie des défauts rédhibitoires des Han de première génération, avec notamment deux réacteurs à eau pressurisée de nouvelle génération et une hélice optimisée pour réduire la signature acoustique du navire.

Selon certains spécialistes, les Shang ont désormais une signature acoustique comparable à celle des SNA de la classe Los Angeles ou Akula entrés en service dans les années 80 aux États-Unis et en Union Soviétique, avec un rayonnement sonore inférieur à 110 dB. En outre, le Shang disposerait d’une suite sonar performante en faisant un adversaire parfaitement capable aussi bien dans les missions de lutte anti-sous-marine que dans la lutte anti-surface.

Lancée à partir de 2012, la version modernisée Type 09-IIIG dispose de silos verticaux accueillant 12 missiles de croisière CJ-10 d’une portée estimée à plus de 1.500 km, permettant au navire d’évoluer simultanément dans la classe des sous-marins nucléaires d’attaque et des sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, ou SSGN, à laquelle appartiennent également les Iassen russes et les Virginia de l’US Navy.

La production de Shang est aujourd’hui arrêtée, alors que les chantiers navals chinois semblent se concentrer sur la construction de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 09-IV, ainsi que sur la nouvelle classe de SNA désignée Type 09-V, un navire plus imposant, plus discret et mieux armé qui a pour ambition d’être à niveau des productions actuelles en occident et en Russie, avec une signature acoustique largement réduite vis-à-vis des navires de génération précédente.

Toutefois, pour l’heure, aucune information fiable n’a été communiquée concernant cette future classe de SNA chinois, ni sur le calendrier et les performances réelles de ce programme.

États-Unis : SNA classe Virginia

Au début des années 1990, l’US Navy entrepris de développer le remplaçant de l’excellent SNA classe Los Angeles qui joua un rôle déterminant durant la fin de la Guerre froide pour prendre l’ascendant sur les meilleurs submersibles soviétiques comme les Viktor III, les Alpha et les Akula. Initialement, celle-ci développa la classe Sea Wolf, un SNA à hautes performances conçu pour les missions de lutte anti-sous-marine, ou Hunter-Killer.

Mais le prix unitaire de ces navires, 2,8 Md$ au début des années 90, et la disparition de la menace soviétique, amenèrent rapidement les officiels américains à mettre au fin au programme Sea Wolf au bout de seulement 3 unités, pour se tourner vers un sous-marins plus économique et plus polyvalent, la classe Virginia.

Long de 115 mètres pour un déplacement en plongée de 7.900 tonnes, le Virginia est depuis le remplaçant désigné des Los Angeles de l’US Navy, avec 19 navires en service sur les 66 initialement prévus, pour une production finale aujourd’hui visant les 35 exemplaires.

Moins rapide que le Seawolf avec une vitesse de pointe de seulement 25 noeuds contre 35 pour son ainé, le Virginia est cependant bien plus versatile, notamment avec ses 12 silos verticaux embarquant autant de missiles de croisière Tomahawks.

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L’US Navy vise à disposer de 66 SNA à horizon 2035 dont 35 navires de la classe Virginia

À l’instar des destroyers Arleigh Burke, les Virginia sont produits par block de version, ou Flight, chacun recevant des améliorations itératives vis-à-vis des précédents, tant en matière d’équipements et de performances que de méthode de construction. Ainsi, les couts de production par navire ont été abaissés de 400 m$ entre les 4 premières unités du block I et les six suivantes du block II.

Les 10 navires du Flight III dont la construction débuta en 2009 reçurent pour leur part une suite sonar améliorée, alors que les besoins de maintenance des navires du block IV furent réduits de 25% vis-à-vis des blocks précédents. La construction des deux premiers navires du block V, le plus moderne, débuta en 2019.

Ces nouvelles unités recevront notamment un nouveau système modulaire d’armement permettant de porter le nombre de missiles BGM-109 à 28 exemplaires, contre 12 pour les versions précédentes, entrainant un accroissement de la longueur des navires à 140 mètres, et du déplacement en plongée à 10.200 tonnes.

Bien que réputés très discrets et efficaces, les Virginia restent des sous-marins polyvalents ne répondant pas aux besoins émergents de l’US Navy pour traiter la menace des nouveaux submersibles chinois et surtout russes, comme les nouveaux 885M Iassen.

De fait, un nouveau programme a été lancé, désigné pour l’heure SSN(x), pour but de concevoir un sous-marin reprenant la spécialisation Hunter-Killer des SeaWolf, et devant prendre le relais de la production de Virginia à partir de 2033, date de la livraison du dernier de ces sous-marins.

En particulier, le SSN(X) disposera de performances accrues en termes de vitesse de déplacement et de profondeur de plongée, et de capacités renforcées en matière de lutte anti-sous-marine face aux nouveaux submersibles que les compétiteurs des États-Unis mettront en service à cette date.

France : SNA classe Suffren

À l’instar des SNA de la classe Rubis des années 80, les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque français de la classe Suffren sont les navires les plus compacts de ce type et de cette génération à entrer en service à ce jour.

Même si, avec une longueur de 99,5 mètres et un déplacement en plongée de 5,300 tonnes, ils sont presque deux fois plus imposants que leurs prédécesseurs, ils restent très en deçà des dimensions des navires russes, chinois, américains ou britanniques.

Pour autant, les Suffren sont des SNA très évolués et performants, capables de rivaliser dans tous les domaines avec les autres sous-marins du moment, que ce soit en discrétion grâce notamment à une hélice carénée de type Pump-Jet permettant au navire d’évoluer à vitesse élevée tout en restant discret, à une suite sonar UMS-3000 de Thales très performante, et à sa capacité de mettre en œuvre de nombreux armements y compris le missile de croisière MdCN, bien que le navire soit dépourvu de systèmes de lancement verticaux.

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L’arrivée du Suffren au sein de la Marine Nationale marque une profonde évolution capacitaire

Le Suffren, première unité de la classe éponyme, a été livré à la Marine Nationale en novembre 2020, et devrait rejoindre le service actif au début de l’année 2022. La seconde unité, le Duguay-trouin, entrera en service en 2023, alors que les 4 dernières unités de la classe seront livrées progressivement d’ici à 2030 à la Marine Nationale pour remplacer ses derniers sous-marins de la classe Rubis.

Au-delà des performances et de la discrétion de ces submersibles, la construction de la classe Suffren aura également été particulièrement économique, avec un budget de conception de seulement 5 Md€, et une enveloppe globale de 7,9 Md€ pour la construction des 6 submersibles, moitié moins onéreuse que pour les modèles américains ou britanniques.

Contrairement aux sous-marins américains, britanniques ou russes, les SNA français de la classe Suffren sont propulsés par un réacteur à eau pressurisé K15 employant du combustible nucléaire faiblement enrichi à seulement 6,5%, soit très en deçà du seuil de 20% d’enrichissement employé par la législation internationale pour définir du combustible nucléaire de qualité militaire.

À titre de comparaison, les Virginia américains comme les Astute britanniques emploient, pour leur part, du combustible enrichi à 97%, soit le même que celui utilisé par les bombes nucléaires de très forte puissance. De fait, les Suffren sont aujourd’hui des navires pouvant plus aisément être exportés que leurs homologues américains et britanniques dans le respect de la législation internationale, raison pour laquelle plusieurs pays s’intéressent à cette possibilité.

Il est cependant nécessaire, du fait de cette technologie, de recharger tous les dix ans le combustible nucléaire à bord de ces sous-marins, contrairement aux navires britanniques et US qui eux sont conçus pour durer 30 à 35 ans avec une seule charge de carburant.

En revanche, le rechargement des réacteurs des SNA français est une procédure beaucoup plus aisée que celle d’un SNA américain, raison pour laquelle l‘extension de vie des Los Angeles de l’US Navy est un sujet des plus difficiles aujourd’hui.

Royaume-Unis : SNA classe Astute

Jusqu’à l’entrée en service du Suffren, les sous-marins nucléaires d’attaque britanniques de la classe Astute étaient universellement reconnus comme les plus discrets des SNA de la planète, et en bien des aspects, les plus performants.

Longs de 97,5 mètres pour un tonnage en plongée de 7.800 tonnes, les Astute ont été conçus avant tout pour la même mission que les Seawolf, à savoir la chasse aux sous-marins adverses, et disposent de performances adaptées pour cette mission, notamment une vitesse maximale en plongée de plus de 30 nœuds.

À l’instar des Suffren français, l’Astute ne dispose pas de VLS pour lancer des missiles de croisière, mais il peut mettre en œuvre le missile BGM-109 Tomahawks par ses tubes lance-torpille. Il dispose en outre d’une vaste soute d’armement permettant d’accueillir 38 torpilles lourdes Spearfish et missiles de croisière Tomahawk, soit 13 de plus que ne peut accueillir son homologue français. Enfin, il dispose d’une suite sonar très évoluée, et d’un pump-jet pour les déplacements rapides et discrets.

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Jusqu’à l’entrée en service du Suffren, les SNA de la classe Astute étaient incontestablement considérés comme les navires de ce type les plus performants du moment

Si les Astute sont incontestablement des navires de hautes performances, et des Hunter-killer très capables, leur mise au point connut de nombreuses difficultés et délais nécessitant même l’intervention de l’industrie américaine pour résoudre certains points techniques bloquant outre-manche. Ces délais ont par ailleurs engendré d’importants surcouts dans le programme, les trois premiers navires ayant vu l’enveloppe budgétaire initialement prévue croitre de plus de 50%.

Au final, chaque Astute aura couté 35% de plus aux contribuables britanniques que les Suffren aux contribuables français. Le programme se sera lui étalé sur plus de 26 ans entre la découpe de la première tôle en 2001 et l’entrée en service du dernier des 7 navires prévue pour 2026. Il n’en demeure pas moins que les Astute ont montré de grandes capacités opérationnelles lors des exercices auxquels ils ont participé depuis leur entrée en service en 2014, prenant même l’ascendant sur le Virginia américain.

Russie : SNA projet 885/M Iassen

En de nombreux aspects, les sous-marins de la classe Iassen et leur évolution Iassen-M sont des navires de tous les records. Ce sont notamment les plus imposants des submersibles de ce panel, avec une longueur de 130 mètres et un déplacement de 13.800 tonnes en plongée, ainsi que ceux qui emportent la plus grande puissance de feu, avec 32 missiles antinavires supersoniques P800 onyx ou de missiles de croisière Kalibr mis en œuvre par autant de silos verticaux, en plus des torpilles lourdes mises en œuvre par les 4 tubes lance-torpilles du navire.

C’est enfin le navire dont la construction initiale aura pris le plus de temps, puisqu’il fallut pas moins de 20 ans de décembre 1993 à décembre 2013 pour livrer la première unité de la classe, le Severodvinsk.

Il est vrai que les chantiers navals russes avaient fortement soufferts de l’effondrement du bloc soviétique, et que l’immense majorité des programmes navals du pays connurent des allongements de délais très importants jusqu’à ce que les investissements d’état ne reprennent à partir de 2008, puis ne s’accélèrent en 2012.

Et s’il fallut 20 ans pour terminer le Severodvinsk, il n’aura fallu que 8 ans de 2014 à 2022 pour livrer le Krasnodar, 4ᵉ unité de la classe et 3ᵉ navire de la version modernisée 885-M apparue avec le Kazan livré en 2021.

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alliant une grande puissance de feu, des performances élevées et une importante discrétion, les Iassen-M russes posent une réelle menace aux flottes occidentales.

Au delà des délais pharaoniques et des difficultés rencontrées par les chantiers navals Sevmash pour construire les navires, l’arrivée du premier Iassen, et surtout des premières versions modernisées à partir du Kazan, permettent à la flotte russe de sensiblement faire croitre sa puissance opérationnelle.

En effet, non seulement les Iassen-M sont-ils dotés d’une grande puissance de feu, mais ils sont également très discrets, à niveau des meilleurs sous-marins occidentaux comme le Virginia selon l’US Navy, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes aux marines occidentales et européennes qui devront potentiellement y faire face.

En outre, au-delà des missiles de croisière Kalibr et des missiles antinavires supersoniques P800 Onyx déjà susceptibles de poser d’importantes difficultés aux escorteurs de l’OTAN, les Iassen pourront, selon les dires des ingénieurs russes, mettre en œuvre le nouveau missile hypersonique 3M22 Tzirkon, renforçant la menace que chacun de ces navires peut faire peser sur la flotte occidentale, et ce, d’autant qu’ils peuvent soutenir une vitesse élevée tout en restant discret.

À mi-chemin entre la classification de SNA (sous-marin nucléaire d’attaque) et de SSGN (sous-marin nucléaire lance-missiles de croisière), le Severodvinsk et les 9 Iassen-M qui le suivent et qui seront entrés en service avant la fin de la décennie, modifient profondément le rapport de force existant dans l’Atlantique Nord ainsi que dans le Pacifique, et offrent un puissant outil de contrôle naval à Moscou, alors que les tensions avec l’Europe et les États-Unis ne cessent de croitre.

Une nouvelle classe de sous-marins, la classe Laïka, serait en conception dans les bureaux d’étude Sevmash de Saint-Petersbourg, mais pour l’heure, bien peu d’informations fiables ont pu filtrer quant au devenir de cette classe destinée à remplacer la dizaine de SNA classe Akula encore en service.

Conclusion

Par leur discrétion, leur capacité à se déplacer à grande vitesse sur de très longue distance, et leur puissance de feu, les SNA modernes sont aujourd’hui incontestablement parmi les pièces maitresses que l’échiquier naval des grandes puissances mondiales, au même titre que les porte-avions. Il n’y a donc rien d’étonnant à constater que les cinq grandes puissances nucléaires mondiales ont toutes investi dans ce type de navire, et se livrent à une âpre compétition dans ce domaine en matière de capacités et de performances.

Pour certains d’entre elles, comme les États-Unis, le développement de cette composante est même jugé prioritaire à celui de la flotte de surface, tant elle offre des capacités propres à très forte valeur ajoutée. Rien d’étonnant non plus que plusieurs puissances navales en devenir, comme le Brésil, la Corée du Sud, l’Australie ou l’Inde, s’intéressent de près à cette technologie, et ce, en dépit des contraintes internationales et budgétaires qui entourent de tels programmes.

Pour autant, la suprématie du SNA dans le combat naval est aujourd’hui de plus en plus menacée par plusieurs programmes de recherche visant précisément à supprimer la cape de furtivité conférée à ces navires par l’océan. Ainsi, des équipes américaines comme chinoises développent aujourd’hui activement des détecteurs à Neutrino de plus en plus miniaturisés, susceptibles de capter les particules émises sous l’océan par un réacteur de sous-marin nucléaire fortement sollicité, comme c’est le cas d’un SNA à haute vitesse.

Les avancées enregistrées ces dernières années dans ce domaine, ainsi que dans d’autres technologies visant la détection de submersible, laissent envisager que dans un espace de temps inférieur à 20 ans, de tels dispositifs de détection pourraient effectivement embarquer à bord des navires de combat, et donc neutraliser le principal avantage du SNA, et même réduire l’invulnérabilité supposée des SNLE en charge de la dissuasion nucléaire.

On ne peut exclure, dans ces conditions, que les navires suprêmes que sont les sous-marins nucléaires d’attaque ne deviennent, d’ici à une à deux décennies, si pas obsolètes, en tout cas beaucoup moins performants qu’ils ne sont aujourd’hui.

Le vice-amiral Vaujour succède à l’amiral Vandier comme chef d’état-major de la marine

Le vice-amiral Vaujour succède à l’amiral Vandier comme chef d’état-major de la marine

La vice-amiral Nicolas Vaujour a été nommé chef d’état-major de la marineMinarm

Le vice-amiral d’escadre Nicolas Vaujour a été nommé chef d’état-major de la marine. Il succède à l’amiral Pierre Vandier qui sera dès le 1er septembre major général des armées.

En parallèle du remaniement ministériel, l’état-major de la Marine (CEMM) change de tête. Vendredi, lors du conseil des ministres, la nomination du vice-amiral Nicolas Vaujour a été nommé chef d’état-major de la marine. Il succède à l’amiral Pierre Vandier qui a été nommé major général des armées (MGA).

La carrière militaire du vice-amiral Vaujour a démarré en 1989 avec son entrée à l’Ecole Navale. Elle s’est poursuivie sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, les frégates Ventose, De Grasse, Jean Bart et Cassard. En 2004 il prend le commandement de l’aviso Commandant Biro puis deux ans plus tard il rejoint le Collège interarmées de défense.

L’amiral Vandier devient numéro 2 des Armées

En 2011, il prend les fonctions d’adjoint de l’amiral commandant la force d’action navale puis prend le commandement de la frégate de défense aérienne Chevalier Paul en 2012. 

Il est nommé en août 2017 adjoint au commandant de la Force aéromaritime de réaction rapide française. Promu vice-amiral en 2020, il est nommé en 2021 chef d’état-major « opérations » de l’état-major des armées, avec rang de vice-amiral d’escadre. Il sera élevé au grade d’amiral le 1er septembre 2023 date à laquelle il prendra sces nouvelles fonctions.

L'amrial Pierre Vandier prendra les fonctions de Major général des Armées le 1er septembre 2023
L’amrial Pierre Vandier prendra les fonctions de Major général des Armées le 1er septembre 2023 © Christophe SIMON

Son prédecesseur, l’amiral Vandier, a occupé le poste de CEMM durant trois ans. A compter du 1er septembre, il deviendra major général des armées, succédant au général d’armée aérienne Eric Autellet. Le MGA est l’adjoint du chef d’État-Major des armées, poste occupé par le général Thierry Burkhard (ancien chef d’État-Major de l’armée de Terre). C’est le deuxième militaire le plus gradé de l’armée française.

L’amirale Lisa Franchetti à la tête de l’US Navy

Hasard des calendriers militaires, l’amirale Lisa Franchetti a été proposée par Joe Biden vendredi pour prendre la tête des opérations navales, le plus haut poste au sein de la marine américaine. Cette nomination qui doit être confirmée par le Sénat est historique pour l’US Navy qui aura pour la première fois par une femme à sa tête. À ce titre, elle siégera également à l’état-major interarmées, ce qui sera là aussi une première.

L’amirale Lisa Franchetti est « la deuxième femme aux Etats-Unis à obtenir le rang d’amiral quatre étoiles », a fait valoir le président Biden dans un communiqué, en saluant son parcours. Elle qui a commandé un destroyer à missiles guidés, une escadrille de destroyers et deux groupes d’intervention de porte-avions.

La Marine française appelle les flottes européennes à remplir les espaces laissés par les Etats-Unis

La Marine française appelle les flottes européennes à remplir les espaces laissés par les Etats-Unis

 

Meta Défense – publié le


La Marine française appelle les flottes européennes à remplir les espaces laissés par les Etats-Unis

 

Meta Défense – publié le


On le sait, les chantiers navals chinois lancent, chaque année, prés d’une dizaine de destroyers et frégates, ainsi que de nombreux autres navires y compris les plus imposants et modernes, destinés à venir grossir la flotte de l’Armée Populaire de Libération.

Pour y faire face, l’US Navy peut encore s’appuyer sur la masse et l’efficacité que lui confère sa flotte, ainsi que sur les moyens renouvelés de ses alliés régionaux comme l’Australie, le Japon ou la Corée du Sud.

Toutefois, dans les années à venir, et en dépit de l’augmentation de la production navale US, Washington va devoir concentrer toujours plus de ses moyens dans le Pacifique pour faire face à la montée en puissance de l’APL, réduisant de fait sa présence sur d’autres théâtres, non moins exposés.

C’est précisément pour anticiper ce basculement irrémédiable américain face à la Chine, que l‘Amiral Pierre Vandier, Chef d’état-major de la Marine Nationale, a appelé les Marines européennes à s’organiser pour venir combler les espaces libérés par l’US Navy, à l’occasion de la First Sea Lord’s Seapower Conference 2023 qui s’est tenue à Lancaster House les 16 et 17 Mai dernier.

 

Les marines européennes collaborent fréquemment lors de déploiements

Pour l’amiral français, il est non seulement indispensable que les marines européennes accroissent leur présence en Méditerranée comme dans l’Atlantique nord, leurs théâtres d’opération traditionnels, mais également dans le Golfe Persique et dans le nord de l’Océan indien, précisément pour permettre un désengagement de l’US Navy tout en maintenant une présence importante et dissuasive sur ces théâtres critiques pour l’approvisionnement des européens, notamment en hydrocarbures.

Au delà des déploiements eux-mêmes, l’amiral Vandier a également appelé à accroitre et renforcer l’interopérabilité des flottes européennes, tant au niveau technologique qu’opérationnel, de sorte qu’une flotte multinationale européenne puisse agir comme une flotte unifiée.

En améliorant cette interopérabilité et cette expérience commune, les déploiements européens seront dès lors bien plus efficaces et dissuasifs, en agissant comme une force navale unifiée de sorte à priver un adversaire potentiel d’une quelconque opportunité pouvant le convaincre de passer à l’action.

Reste que, si une telle coopération est évidemment souhaitable, elle sera, dans les faits, complexe à mettre en œuvre, tout au moins pour effectivement remplacer l’US Navy.

En effet, les Marines européennes sont avant tout conçues comme des flottes nationales, répondant à des impératifs de protection qui, s’ils prennent également en compte les besoins de l’OTAN, ne sont pas structurées pour la plupart pour les déploiements distants soutenus.


Si les marines européennes disposent de nombreux sous-marins, seuls la Royal Navy et la Marine Nationale alignent des sous-marins nucléaires d’attaque

Ainsi, si les flottes européennes alignent presque une centaine de frégates et destroyers, autant que l’US Navy, elles ne disposent que de 5 porte-aéronefs, dont seulement 3 véritables porte-avions, et moins d’une dizaine de grands navires amphibies, moins de la moitié de la dotation de l’US Navy.

En matière de sous-marins, la situation est encore plus problématique, puisque sur la cinquantaine de sous-marins d’attaque en service, seuls 11 navires, 6 Astute britanniques, 4 Rubis (en comptant la Perle) et 1 Suffren français, sont à propulsion nucléaire donc adaptés à des déploiements distants et à l’escorte de Groupe aéronaval.

Surtout, les flottes européennes manquent cruellement de grands navires logistiques, capables de soutenir une flotte à la mer sur la durée, même si un effort évident est fait dans ce domaine depuis quelques années.

Qui plus est, chaque classe de navire ayant été construite sur des considérations nationales, leur interopérabilité au delà du partage de renseignement et d’engagement, est souvent faible, que ce soit dans le domaine des munitions, des pièces détachées, du parc aérien ou encore de la coopération électronique, par exemple pour mettre en oeuvre des procédures de détection multi-statiques conjointes.

Enfin, et c’est probablement le problème le plus difficile à résoudre, les marines européennes ne répondent pas à un commandement unifié ayant pour fonction d’en organiser les missions et l’allocation des moyens, chaque mission devenant un patchwork de moyens libérés sur des fenêtres de temps différentes par les Marines de chaque état, en fonction de leurs propres impératifs.

On peut ainsi se rappeler l’échec flagrant des marines européennes quant il fut question de déployer des éléments navals dans le Golfe persique en juillet 2019, après que l’Iran ait tenté d’arraisonner un pétrolier britannique, le British Heritage.

Les Marines européennes manquent cruellement de grands navires logistiques pour soutenir des déploiements distants de longue durée

De fait, et comme l’a indiqué l’Amiral Vandier, les Européens doivent désormais s’organiser non seulement du point de vue opérationnel, mais organique et programmatique, s’ils entendent effectivement remplir les espaces qui seront laissés vaquant par l’US Navy dans les années à venir, y compris en s’engageant dans des programmes structurant permettant de déployer efficacement des forces navales sous commandement européen, au delà de leur périmètre opérationnel traditionnel.

On peut, à ce titre, se demander si le rôle des « grandes marines européennes », notamment britanniques et françaises, ne serait pas de renforcer leurs moyens exclusifs, sous-marins nucléaires d’attaque, porte-avions, grands navires amphibies et navires logistiques, plutôt que d’étendre leurs flottes de frégates et corvettes, laissant ces missions à des marines ne disposant pas de telles capacités ?