Depuis maintenant plusieurs années, les tensions entre Manille et Pékin sont récurrentes en mer de Chine méridionale, la souveraineté des Philippines sur certains îlots et atolls y étant contestée par les autorités chinoises, malgré un avis rendu en juillet 2016 par la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye, selon lequel leurs revendications n’ont « aucun fondement juridique ».
Déjà, la Chine a mis la main sur le récif Mischief, situé dans l’archipel des Spratleys ainsi que sur celui de Scarborough, selon un mode opératoire consistant à déployer une flottille de navires de pêche, appartenant à sa milice maritime [PAFMM – People’s Armed Forces Maritime Militia], sous la protection de sa garde côtière. Ce qui, le temps passant, revient à pratiquer la politique du fait accompli.
Ces derniers mois, d’autres îlots philippins ont été visés de la sorte, dont Pag Asa [encore appelé « Thitu »] et Whitsun [ou Juan Felipe], ce qui a donné lieu à des incidents. Mais c’est le Second Thomas Shoal, un atoll situé à 200 km de l’île philippine de Palawan, qui fait actuellement l’objet de vives tensions entre Manille et Pékin.
Ainsi, début août, usant de canons à eau, la garde côtière chinoise a empêché le ravitaillement du détachement de marines philippins qui tient garnison sur le BRP Sierra Madre, un navire volontairement échoué sur cet atoll afin d’en assurer la garde. Pour la Chine, une telle action était légitime… puisqu’elle considére que le Second Thomas Shoal [qu’elle appelle « Re’nai »] lui appartient. En outre, depuis janvier 2021, ses gardes-côtes sont autorisés à utiliser « tous les moyens nécessaires », y compris les armes, afin d’écarter les navires étrangers naviguant dans les eaux « sous juridiction chinoise ».
Cet incident n’a pas manqué de faire réagir. Ainsi, l’Union européenne a exprimé son « inquiétude » tandis que Tokyo, Ottawa et Washington ont condamné des « agissements dangereux ». Et, justement, pour l’US Navy, le temps est venu d’y répondre. C’est en effet ce qu’a affirmé le vice-amiral Karl Thomas, le commandant de la Septième flotte des États-Unis, dans un entretien à l’agence Reuters.
Le « comportement agressif » de Pékin en mer de Chine méridionale doit être « contesté et contenu », a-t-il en effet déclaré, en prenant l’exemple de l’utilisation de canons à eau par les gardes-côtes chinois contre les navires philippines dans les environs du Second Thomas Shoal. « Il faut défier ces gens […] qui opèrent dans une zone grise. Quand ils prennent le dessus petit à petit et vous repoussent, vous vous devez [aussi] de les repousser et continuer à naviguer », a ajouté le vice-amiral Thomas.
En outre, il a dit être en relation étroite avec le vice-amiral Alberto Carlos, le commandant des forces philippines pour la mer de Chine méridionale. Il s’agit de « comprendre quels sont ses défis et de voir comment il est possible de l’aider », a confié l’officier américain. « Nous avons certaines des défis communs. Je veux donc mieux comprendre comment il envisage les opérations dont il est responsable », a-t-il insisté.
Cela étant, l’US Navy défie régulièrement son homologue chinoise quand elle mène des opérations dites FONOPs [Freedom of Navigation Operations], en envoyant des navires dans les eaux revendiquées par Pékin. Par ailleurs, Washington a également décidé de déployer des patrouilleurs de l’US Coast Guard dans le Pacifique occidental afin d’y mener des missions de surveillance des pêches… dans des secteurs fréquentés par les chalutiers chinois.
Pour rappel, la Septième flotte de la marine américaine dispose de 50 à 70 navires, de 150 avions et plus de 27’000 militaires. Sa zone d’opérations s’étend sur plus de 124 millions de kilomètres carrés.
[EN VIDÉO] L’US Navy fait une démonstration de son canon laser La marine américaine vient de faire démonstration d’une arme digne des meilleurs films de science-fiction…
Compact, robuste et relativement léger, le canon laser Phantom vient d’être livré par Northrop Grumman à l’armée américaine. L’industriel est parvenu à concentrer une puissance de feu conséquente par rapport aux dimensions de l’appareil.
Dans la foulée de l’annonce par Lockheed Martin, de l’arrivée du canon laser le plus puissant du monde avec 500 kW, vient maintenant celle de Northrop Grumman. L’industriel vient de livrer au gouvernement américain un laser compact appelé Phantom. Il préfigure ce que devraient être les armes laser du futur en combinant une certaine puissance avec une petite taille, tout en étant suffisamment robuste pour rejoindre les champs de bataille. Il faut dire que pour le moment, les canons laser les plus puissants restent gigantesques et très lourds. Avec le Phantom, on reste certes très loin de la puissance de feu du canon actuel de 300 kW de Lockheed Martin, puisqu’il reste limité à des tirs de 10 kW. En revanche, l’appareil dispose d’un poids limité à 90 kilos et n’occupe que 0,3 m3, c’est-à-dire pratiquement la taille d’un petit réfrigérateur.
Il pourrait être transporté par deux militaires et sa carcasse renforcée lui permet d’encaisser les chocs. En revanche, ce module laser ne vaut rien s’il n’est pas imbriqué avec d’autres éléments essentiels. Pour que ce soit un système d’arme complet, il faut le brancher à une alimentation électrique et lui ajouter des systèmes optiques pour faire l’acquisition de la cible et l’impacter avec le faisceau laser. Malgré tout, miniaturiser à ce point une arme laser, tout en disposant d’une puissance conséquente est déjà une prouesse. Du côté de Lockheed Martin, l’industriel affirme pouvoir augmenter la puissance de 300 kW à 500 kW dans un système de même volume. C’est également un exploit, mais ce type d’armement reste gigantesque. Beaucoup moins puissant, le laser de Northrop Grumman pourrait être déployé sur des véhicules rapides ou des positions avancées pour abattre de petits drones.
Avec l’épisode de l’annulation du contrat de sous-marins à propulsion conventionnelle Shortfin Barracuda par l’Australie au profit de sous-marins à propulsion nucléaire américano-britanniques, les sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire ont connu, ces derniers mois, une sur-exposition médiatique relativement antinomique avec la mission par nature discrète de ces Léviathans océaniques qui constituent, aujourd’hui encore, parmi les constructions humaines les plus complexes jamais réalisées.
Aussi rapides que furtifs, les sous-marins nucléaires d’attaque oui SNA, dont les missions passent de la collecte de renseignement à la lutte anti-surface, mais également à la chasse des autres sous-marins, sont aujourd’hui l’apanage des marines des cinq grandes puissances nucléaires mondiales membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, qui se livrent une compétition féroce pour prendre l’avantage sur les autres dans ce domaine.
Dans cette synthèse, nous étudierons les cinq classes de sous-marins nucléaires d’attaque actuellement en production dans le Monde, pour en comprendre les atouts et les spécificités propres, et ainsi percevoir la lutte que se livrent, sous les océans, les grandes puissances mondiales dans ce domaine de très haute technologie.
Chine : sous-marins nucléaires d’attaque Type 09-IIIG classe Shang
Si la construction navale et sous-marine chinoise a fait des progrès fulgurants ces 30 dernières années, avec l’arrivée de navires très performants comme les croiseurs Type 055 ou les LHD Type 075, Pékin a longtemps eu la réputation de ne produire que des sous-marins de qualité médiocre au regard des standards occidentaux ou russes.
Cette mauvaise réputation a en partie été balayée par l’arrivée des sous-marins à propulsion anaérobie Type 039 des classes Song et Yuan, des navires ayant fait la démonstration de leur discrétion acoustique et de l’efficacité de leur système propulsif.
Toutefois, dans le domaine des sous-marins à propulsion nucléaire, la production chinoise reste aujourd’hui encore en retrait vis-à-vis des navires de même type américains, russes ou français, même si les SNA de la classe Shang ont montré de réelles avancées dans le domaine.
Héritiers des premiers Type 09-I de la classe Han, entrés en service au milieu des années 70 et réputés peu performants et particulièrement bruyants, les 3 premiers sous-marins de la classe Shang type 09-III sont entrés en service au début des années 2000, alors que les 3 unités suivantes de la classe Type 09-IIIG améliorée ont, quant à eux, été livrés à la Marine chinoise au cours des années 2010.
Longs de 110 mètres pour un déplacement en submersion de 7.000 tonnes, les Shang et les Shang-G améliorés, ont corrigé une partie des défauts rédhibitoires des Han de première génération, avec notamment deux réacteurs à eau pressurisée de nouvelle génération et une hélice optimisée pour réduire la signature acoustique du navire.
Selon certains spécialistes, les Shang ont désormais une signature acoustique comparable à celle des SNA de la classe Los Angeles ou Akula entrés en service dans les années 80 aux États-Unis et en Union Soviétique, avec un rayonnement sonore inférieur à 110 dB. En outre, le Shang disposerait d’une suite sonar performante en faisant un adversaire parfaitement capable aussi bien dans les missions de lutte anti-sous-marine que dans la lutte anti-surface.
Lancée à partir de 2012, la version modernisée Type 09-IIIG dispose de silos verticaux accueillant 12 missiles de croisière CJ-10 d’une portée estimée à plus de 1.500 km, permettant au navire d’évoluer simultanément dans la classe des sous-marins nucléaires d’attaque et des sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, ou SSGN, à laquelle appartiennent également les Iassen russes et les Virginia de l’US Navy.
La production de Shang est aujourd’hui arrêtée, alors que les chantiers navals chinois semblent se concentrer sur la construction de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 09-IV, ainsi que sur la nouvelle classe de SNA désignée Type 09-V, un navire plus imposant, plus discret et mieux armé qui a pour ambition d’être à niveau des productions actuelles en occident et en Russie, avec une signature acoustique largement réduite vis-à-vis des navires de génération précédente.
Toutefois, pour l’heure, aucune information fiable n’a été communiquée concernant cette future classe de SNA chinois, ni sur le calendrier et les performances réelles de ce programme.
États-Unis : SNA classe Virginia
Au début des années 1990, l’US Navy entrepris de développer le remplaçant de l’excellent SNA classe Los Angeles qui joua un rôle déterminant durant la fin de la Guerre froide pour prendre l’ascendant sur les meilleurs submersibles soviétiques comme les Viktor III, les Alpha et les Akula. Initialement, celle-ci développa la classe Sea Wolf, un SNA à hautes performances conçu pour les missions de lutte anti-sous-marine, ou Hunter-Killer.
Mais le prix unitaire de ces navires, 2,8 Md$ au début des années 90, et la disparition de la menace soviétique, amenèrent rapidement les officiels américains à mettre au fin au programme Sea Wolf au bout de seulement 3 unités, pour se tourner vers un sous-marins plus économique et plus polyvalent, la classe Virginia.
Long de 115 mètres pour un déplacement en plongée de 7.900 tonnes, le Virginia est depuis le remplaçant désigné des Los Angeles de l’US Navy, avec 19 navires en service sur les 66 initialement prévus, pour une production finale aujourd’hui visant les 35 exemplaires.
Moins rapide que le Seawolf avec une vitesse de pointe de seulement 25 noeuds contre 35 pour son ainé, le Virginia est cependant bien plus versatile, notamment avec ses 12 silos verticaux embarquant autant de missiles de croisière Tomahawks.
À l’instar des destroyers Arleigh Burke, les Virginia sont produits par block de version, ou Flight, chacun recevant des améliorations itératives vis-à-vis des précédents, tant en matière d’équipements et de performances que de méthode de construction. Ainsi, les couts de production par navire ont été abaissés de 400 m$ entre les 4 premières unités du block I et les six suivantes du block II.
Les 10 navires du Flight III dont la construction débuta en 2009 reçurent pour leur part une suite sonar améliorée, alors que les besoins de maintenance des navires du block IV furent réduits de 25% vis-à-vis des blocks précédents. La construction des deux premiers navires du block V, le plus moderne, débuta en 2019.
Ces nouvelles unités recevront notamment un nouveau système modulaire d’armement permettant de porter le nombre de missiles BGM-109 à 28 exemplaires, contre 12 pour les versions précédentes, entrainant un accroissement de la longueur des navires à 140 mètres, et du déplacement en plongée à 10.200 tonnes.
Bien que réputés très discrets et efficaces, les Virginia restent des sous-marins polyvalents ne répondant pas aux besoins émergents de l’US Navy pour traiter la menace des nouveaux submersibles chinois et surtout russes, comme les nouveaux 885M Iassen.
De fait, un nouveau programme a été lancé, désigné pour l’heure SSN(x), pour but de concevoir un sous-marin reprenant la spécialisation Hunter-Killer des SeaWolf, et devant prendre le relais de la production de Virginia à partir de 2033, date de la livraison du dernier de ces sous-marins.
Même si, avec une longueur de 99,5 mètres et un déplacement en plongée de 5,300 tonnes, ils sont presque deux fois plus imposants que leurs prédécesseurs, ils restent très en deçà des dimensions des navires russes, chinois, américains ou britanniques.
Pour autant, les Suffren sont des SNA très évolués et performants, capables de rivaliser dans tous les domaines avec les autres sous-marins du moment, que ce soit en discrétion grâce notamment à une hélice carénée de type Pump-Jet permettant au navire d’évoluer à vitesse élevée tout en restant discret, à une suite sonar UMS-3000 de Thales très performante, et à sa capacité de mettre en œuvre de nombreux armements y compris le missile de croisière MdCN, bien que le navire soit dépourvu de systèmes de lancement verticaux.
Le Suffren, première unité de la classe éponyme, a été livré à la Marine Nationale en novembre 2020, et devrait rejoindre le service actif au début de l’année 2022. La seconde unité, le Duguay-trouin, entrera en service en 2023, alors que les 4 dernières unités de la classe seront livrées progressivement d’ici à 2030 à la Marine Nationale pour remplacer ses derniers sous-marins de la classe Rubis.
Au-delà des performances et de la discrétion de ces submersibles, la construction de la classe Suffren aura également été particulièrement économique, avec un budget de conception de seulement 5 Md€, et une enveloppe globale de 7,9 Md€ pour la construction des 6 submersibles, moitié moins onéreuse que pour les modèles américains ou britanniques.
Contrairement aux sous-marins américains, britanniques ou russes, les SNA français de la classe Suffren sont propulsés par un réacteur à eau pressurisé K15 employant du combustible nucléaire faiblement enrichi à seulement 6,5%, soit très en deçà du seuil de 20% d’enrichissement employé par la législation internationale pour définir du combustible nucléaire de qualité militaire.
À titre de comparaison, les Virginia américains comme les Astute britanniques emploient, pour leur part, du combustible enrichi à 97%, soit le même que celui utilisé par les bombes nucléaires de très forte puissance. De fait, les Suffren sont aujourd’hui des navires pouvant plus aisément être exportés que leurs homologues américains et britanniques dans le respect de la législation internationale, raison pour laquelle plusieurs pays s’intéressent à cette possibilité.
Il est cependant nécessaire, du fait de cette technologie, de recharger tous les dix ans le combustible nucléaire à bord de ces sous-marins, contrairement aux navires britanniques et US qui eux sont conçus pour durer 30 à 35 ans avec une seule charge de carburant.
Jusqu’à l’entrée en service du Suffren, les sous-marins nucléaires d’attaque britanniques de la classe Astute étaient universellement reconnus comme les plus discrets des SNA de la planète, et en bien des aspects, les plus performants.
Longs de 97,5 mètres pour un tonnage en plongée de 7.800 tonnes, les Astute ont été conçus avant tout pour la même mission que les Seawolf, à savoir la chasse aux sous-marins adverses, et disposent de performances adaptées pour cette mission, notamment une vitesse maximale en plongée de plus de 30 nœuds.
À l’instar des Suffren français, l’Astute ne dispose pas de VLS pour lancer des missiles de croisière, mais il peut mettre en œuvre le missile BGM-109 Tomahawks par ses tubes lance-torpille. Il dispose en outre d’une vaste soute d’armement permettant d’accueillir 38 torpilles lourdes Spearfish et missiles de croisière Tomahawk, soit 13 de plus que ne peut accueillir son homologue français. Enfin, il dispose d’une suite sonar très évoluée, et d’un pump-jet pour les déplacements rapides et discrets.
Si les Astute sont incontestablement des navires de hautes performances, et des Hunter-killer très capables, leur mise au point connut de nombreuses difficultés et délais nécessitant même l’intervention de l’industrie américaine pour résoudre certains points techniques bloquant outre-manche. Ces délais ont par ailleurs engendré d’importants surcouts dans le programme, les trois premiers navires ayant vu l’enveloppe budgétaire initialement prévue croitre de plus de 50%.
Au final, chaque Astute aura couté 35% de plus aux contribuables britanniques que les Suffren aux contribuables français. Le programme se sera lui étalé sur plus de 26 ans entre la découpe de la première tôle en 2001 et l’entrée en service du dernier des 7 navires prévue pour 2026. Il n’en demeure pas moins que les Astute ont montré de grandes capacités opérationnelles lors des exercices auxquels ils ont participé depuis leur entrée en service en 2014, prenant même l’ascendant sur le Virginia américain.
Russie : SNA projet 885/M Iassen
En de nombreux aspects, les sous-marins de la classe Iassen et leur évolution Iassen-M sont des navires de tous les records. Ce sont notamment les plus imposants des submersibles de ce panel, avec une longueur de 130 mètres et un déplacement de 13.800 tonnes en plongée, ainsi que ceux qui emportent la plus grande puissance de feu, avec 32 missiles antinavires supersoniques P800 onyx ou de missiles de croisière Kalibr mis en œuvre par autant de silos verticaux, en plus des torpilles lourdes mises en œuvre par les 4 tubes lance-torpilles du navire.
C’est enfin le navire dont la construction initiale aura pris le plus de temps, puisqu’il fallut pas moins de 20 ans de décembre 1993 à décembre 2013 pour livrer la première unité de la classe, le Severodvinsk.
Il est vrai que les chantiers navals russes avaient fortement soufferts de l’effondrement du bloc soviétique, et que l’immense majorité des programmes navals du pays connurent des allongements de délais très importants jusqu’à ce que les investissements d’état ne reprennent à partir de 2008, puis ne s’accélèrent en 2012.
Et s’il fallut 20 ans pour terminer le Severodvinsk, il n’aura fallu que 8 ans de 2014 à 2022 pour livrer le Krasnodar, 4ᵉ unité de la classe et 3ᵉ navire de la version modernisée 885-M apparue avec le Kazan livré en 2021.
En effet, non seulement les Iassen-M sont-ils dotés d’une grande puissance de feu, mais ils sont également très discrets, à niveau des meilleurs sous-marins occidentaux comme le Virginia selon l’US Navy, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes aux marines occidentales et européennes qui devront potentiellement y faire face.
En outre, au-delà des missiles de croisière Kalibr et des missiles antinavires supersoniques P800 Onyx déjà susceptibles de poser d’importantes difficultés aux escorteurs de l’OTAN, les Iassen pourront, selon les dires des ingénieurs russes, mettre en œuvre le nouveau missile hypersonique 3M22 Tzirkon, renforçant la menace que chacun de ces navires peut faire peser sur la flotte occidentale, et ce, d’autant qu’ils peuvent soutenir une vitesse élevée tout en restant discret.
À mi-chemin entre la classification de SNA (sous-marin nucléaire d’attaque) et de SSGN (sous-marin nucléaire lance-missiles de croisière), le Severodvinsk et les 9 Iassen-M qui le suivent et qui seront entrés en service avant la fin de la décennie, modifient profondément le rapport de force existant dans l’Atlantique Nord ainsi que dans le Pacifique, et offrent un puissant outil de contrôle naval à Moscou, alors que les tensions avec l’Europe et les États-Unis ne cessent de croitre.
Une nouvelle classe de sous-marins, la classe Laïka, serait en conception dans les bureaux d’étude Sevmash de Saint-Petersbourg, mais pour l’heure, bien peu d’informations fiables ont pu filtrer quant au devenir de cette classe destinée à remplacer la dizaine de SNA classe Akula encore en service.
Conclusion
Par leur discrétion, leur capacité à se déplacer à grande vitesse sur de très longue distance, et leur puissance de feu, les SNA modernes sont aujourd’hui incontestablement parmi les pièces maitresses que l’échiquier naval des grandes puissances mondiales, au même titre que les porte-avions. Il n’y a donc rien d’étonnant à constater que les cinq grandes puissances nucléaires mondiales ont toutes investi dans ce type de navire, et se livrent à une âpre compétition dans ce domaine en matière de capacités et de performances.
Pour certains d’entre elles, comme les États-Unis, le développement de cette composante est même jugé prioritaire à celui de la flotte de surface, tant elle offre des capacités propres à très forte valeur ajoutée. Rien d’étonnant non plus que plusieurs puissances navales en devenir, comme le Brésil, la Corée du Sud, l’Australie ou l’Inde, s’intéressent de près à cette technologie, et ce, en dépit des contraintes internationales et budgétaires qui entourent de tels programmes.
Pour autant, la suprématie du SNA dans le combat naval est aujourd’hui de plus en plus menacée par plusieurs programmes de recherche visant précisément à supprimer la cape de furtivité conférée à ces navires par l’océan. Ainsi, des équipes américaines comme chinoises développent aujourd’hui activement des détecteurs à Neutrino de plus en plus miniaturisés, susceptibles de capter les particules émises sous l’océan par un réacteur de sous-marin nucléaire fortement sollicité, comme c’est le cas d’un SNA à haute vitesse.
Les avancées enregistrées ces dernières années dans ce domaine, ainsi que dans d’autres technologies visant la détection de submersible, laissent envisager que dans un espace de temps inférieur à 20 ans, de tels dispositifs de détection pourraient effectivement embarquer à bord des navires de combat, et donc neutraliser le principal avantage du SNA, et même réduire l’invulnérabilité supposée des SNLE en charge de la dissuasion nucléaire.
On ne peut exclure, dans ces conditions, que les navires suprêmes que sont les sous-marins nucléaires d’attaque ne deviennent, d’ici à une à deux décennies, si pas obsolètes, en tout cas beaucoup moins performants qu’ils ne sont aujourd’hui.
Le vice-amiral d’escadre Nicolas Vaujour a été nommé chef d’état-major de la marine. Il succède à l’amiral Pierre Vandier qui sera dès le 1er septembre major général des armées.
En parallèle du remaniement ministériel, l’état-major de la Marine (CEMM) change de tête. Vendredi, lors du conseil des ministres, la nomination du vice-amiral Nicolas Vaujour a été nommé chef d’état-major de la marine. Il succède à l’amiral Pierre Vandier qui a été nommé major général des armées (MGA).
La carrière militaire du vice-amiral Vaujour a démarré en 1989 avec son entrée à l’Ecole Navale. Elle s’est poursuivie sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, les frégates Ventose, De Grasse, Jean Bart et Cassard. En 2004 il prend le commandement de l’aviso Commandant Biro puis deux ans plus tard il rejoint le Collège interarmées de défense.
L’amiral Vandier devient numéro 2 des Armées
En 2011, il prend les fonctions d’adjoint de l’amiral commandant la force d’action navale puis prend le commandement de la frégate de défense aérienne Chevalier Paul en 2012.
Il est nommé en août 2017 adjoint au commandant de la Force aéromaritime de réaction rapide française. Promu vice-amiral en 2020, il est nommé en 2021 chef d’état-major « opérations » de l’état-major des armées, avec rang de vice-amiral d’escadre. Il sera élevé au grade d’amiral le 1er septembre 2023 date à laquelle il prendra sces nouvelles fonctions.
Son prédecesseur, l’amiral Vandier, a occupé le poste de CEMM durant trois ans. A compter du 1er septembre, il deviendra major général des armées, succédant au général d’armée aérienne Eric Autellet. Le MGA est l’adjoint du chef d’État-Major des armées, poste occupé par le général Thierry Burkhard (ancien chef d’État-Major de l’armée de Terre). C’est le deuxième militaire le plus gradé de l’armée française.
L’amirale Lisa Franchetti à la tête de l’US Navy
Hasard des calendriers militaires, l’amirale Lisa Franchetti a été proposée par Joe Biden vendredi pour prendre la tête des opérations navales, le plus haut poste au sein de la marine américaine. Cette nomination qui doit être confirmée par le Sénat est historique pour l’US Navy qui aura pour la première fois par une femme à sa tête. À ce titre, elle siégera également à l’état-major interarmées, ce qui sera là aussi une première.
L’amirale Lisa Franchetti est « la deuxième femme aux Etats-Unis à obtenir le rang d’amiral quatre étoiles », a fait valoir le président Biden dans un communiqué, en saluant son parcours. Elle qui a commandé un destroyer à missiles guidés, une escadrille de destroyers et deux groupes d’intervention de porte-avions.
On le sait, les chantiers navals chinois lancent, chaque année, prés d’une dizaine de destroyers et frégates, ainsi que de nombreux autres navires y compris les plus imposants et modernes, destinés à venir grossir la flotte de l’Armée Populaire de Libération.
Pour y faire face, l’US Navy peut encore s’appuyer sur la masse et l’efficacité que lui confère sa flotte, ainsi que sur les moyens renouvelés de ses alliés régionaux comme l’Australie, le Japon ou la Corée du Sud.
Toutefois, dans les années à venir, et en dépit de l’augmentation de la production navale US, Washington va devoir concentrer toujours plus de ses moyens dans le Pacifique pour faire face à la montée en puissance de l’APL, réduisant de fait sa présence sur d’autres théâtres, non moins exposés.
Pour l’amiral français, il est non seulement indispensable que les marines européennes accroissent leur présence en Méditerranée comme dans l’Atlantique nord, leurs théâtres d’opération traditionnels, mais également dans le Golfe Persique et dans le nord de l’Océan indien, précisément pour permettre un désengagement de l’US Navy tout en maintenant une présence importante et dissuasive sur ces théâtres critiques pour l’approvisionnement des européens, notamment en hydrocarbures.
Au delà des déploiements eux-mêmes, l’amiral Vandier a également appelé à accroitre et renforcer l’interopérabilité des flottes européennes, tant au niveau technologique qu’opérationnel, de sorte qu’une flotte multinationale européenne puisse agir comme une flotte unifiée.
En améliorant cette interopérabilité et cette expérience commune, les déploiements européens seront dès lors bien plus efficaces et dissuasifs, en agissant comme une force navale unifiée de sorte à priver un adversaire potentiel d’une quelconque opportunité pouvant le convaincre de passer à l’action.
Reste que, si une telle coopération est évidemment souhaitable, elle sera, dans les faits, complexe à mettre en œuvre, tout au moins pour effectivement remplacer l’US Navy.
En effet, les Marines européennes sont avant tout conçues comme des flottes nationales, répondant à des impératifs de protection qui, s’ils prennent également en compte les besoins de l’OTAN, ne sont pas structurées pour la plupart pour les déploiements distants soutenus.
Ainsi, si les flottes européennes alignent presque une centaine de frégates et destroyers, autant que l’US Navy, elles ne disposent que de 5 porte-aéronefs, dont seulement 3 véritables porte-avions, et moins d’une dizaine de grands navires amphibies, moins de la moitié de la dotation de l’US Navy.
En matière de sous-marins, la situation est encore plus problématique, puisque sur la cinquantaine de sous-marins d’attaque en service, seuls 11 navires, 6 Astute britanniques, 4 Rubis (en comptant la Perle) et 1 Suffren français, sont à propulsion nucléaire donc adaptés à des déploiements distants et à l’escorte de Groupe aéronaval.
Surtout, les flottes européennes manquent cruellement de grands navires logistiques, capables de soutenir une flotte à la mer sur la durée, même si un effort évident est fait dans ce domaine depuis quelques années.
Qui plus est, chaque classe de navire ayant été construite sur des considérations nationales, leur interopérabilité au delà du partage de renseignement et d’engagement, est souvent faible, que ce soit dans le domaine des munitions, des pièces détachées, du parc aérien ou encore de la coopération électronique, par exemple pour mettre en oeuvre des procédures de détection multi-statiques conjointes.
Enfin, et c’est probablement le problème le plus difficile à résoudre, les marines européennes ne répondent pas à un commandement unifié ayant pour fonction d’en organiser les missions et l’allocation des moyens, chaque mission devenant un patchwork de moyens libérés sur des fenêtres de temps différentes par les Marines de chaque état, en fonction de leurs propres impératifs.
De fait, et comme l’a indiqué l’Amiral Vandier, les Européens doivent désormais s’organiser non seulement du point de vue opérationnel, mais organique et programmatique, s’ils entendent effectivement remplir les espaces qui seront laissés vaquant par l’US Navy dans les années à venir, y compris en s’engageant dans des programmes structurant permettant de déployer efficacement des forces navales sous commandement européen, au delà de leur périmètre opérationnel traditionnel.
On peut, à ce titre, se demander si le rôle des « grandes marines européennes », notamment britanniques et françaises, ne serait pas de renforcer leurs moyens exclusifs, sous-marins nucléaires d’attaque, porte-avions, grands navires amphibies et navires logistiques, plutôt que d’étendre leurs flottes de frégates et corvettes, laissant ces missions à des marines ne disposant pas de telles capacités ?
Dans un post du 9 janvier 2019, j’écrivais que « l’US Navy pourrait s’installer dans le détroit de Béring ».
Les choses évoluent: le 17 mai, l’US Army Corps of Engineers, a organisé une réunion publique d’information sur le projet d’agrandissement du port de Nome, en Alaska.
La ville fondée après la découverte d’or en 1898, compte 3 500 habitants. Son port est situé à 545 miles d’Anchorage et il n’est relié à aucune infrastructure autoroutière.
Actuellement, le port de Nome, un petit hub régional qui dessert une soixantaine de villages, ne peut pas accueillir de navires de fort tonnage.
Mais un nouveau bassin de 12,2 mètres de profondeur et de nouvelles digues permettront aux grands navires de croisière (qui actuellement doivent jeter l’ancre devant le port), aux cargos et à tous les navires militaires américains (à l’exception des porte-avions) d’accoster.
Pourquoi un tel projet?
D’abord parce que le réchauffement climatique change la donne en mer de Béring où les voies de navigation sont devenues plus fréquentées depuis 2009, permettant un accroissement du transit (262 mouvements de navires en 2009 et 509 en 2022). L’Arctique pourrait être privé de glace de mer en été dès les années 2030, soit bien plus tôt qu’estimé jusqu’à présent, et même dans un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre, affirment des chercheurs dans un article très récemment publié dans la revue Nature Communications. Pour sa part, Nome connaît des hivers de plus en plus chauds.
Ensuite parce que l’accès désormais plus aisée aux eaux arctiques attisent les appétits russes et chinois. Et leurs marines ont accru leur présence dans cette zone.
Plus grande présence militaire.
D’où la décision du Pentagone de doper ses moyens dans cette zone.
En 2019, le DoD avait présenté sa stratégie globale dans l’Arctique. L’US Air Force, la Navy, les Coast Guards et l’armée de Terre US avaient publié des déclinaisons de ce rapport, précisant leurs ambitions et leurs besoins spécifiques (voir mon post du 17 mars 2021).
Depuis 20019, plusieurs initiatives ont été lancées. En 2020, le président Trump a signé un « Memorandum on Safeguarding U.S. National Interests in the Arctic and Antarctic Regions ». Donald Trump y annonçait son souhait de voir les USA et leurs alliés « garder une présence significative dans l’Arctique » (cette présence est aussi décrite comme « constante ») et de « disposer d’une flotte de brise-glaces opérationnelle et déployée d’ici à l’année fiscale 2029 ».
Côté US Army, les choses bougent. En 2022, le Pentagone a décidé de créer une 11e division parachutiste à partir des 1ere et 4e brigades de combat de la 25e division d’infanterie. Ces deux BCT (brigade combat team) étaient déployées en Alaska. La 1ere BCT est une unité mécanisée sur Stryker et la 4e BCT une unité parachutiste.
On attend que la Navy annonce ses propres projets.
Les États-Unis renforcent leur présence militaire en Europe de l’Ouest.
« Ce déploiement est l’occasion de faire progresser nos capacités opérationnelles et démontrer les avantages que ces armements apporteront à l’aviation navale, à la région et à nos alliés et partenaires », explique l’amiral américain Greg Huffman, cité par le UK Defence Journal.
« Aujourd’hui plus que jamais, ajoute-t-il, il est primordial pour la marine américaine de renforcer nos relations avec nos alliés et partenaires pour contribuer à promouvoir une région atlantique et pacifique, stable et sans conflit. » Sans évoquer la guerre en Ukraine et les menaces russes de recours à des frappes nucléaires tactiques.
Le groupe aéronaval américain, mené par le porte-avions à propulsion nucléaire USS Gerald Ford, arrivera en Europe à la mi-novembre, selon le média britannique.
Opérations maritimes conjointes
Il devrait participer, avec ses alliés de l’Otan, à des exercices de formation, notamment des frappes maritimes à longue portée, à la défense aérienne, à la guerre anti-sous-marine et à des opérations maritimes conjointes.
Le porte-avions devrait faire escale à la base navale de Portsmouth dans le sud de l’Angleterre, mais sa date exacte d’arrivée n’a pas été communiquée. Et aucune confirmation officielle n’est venue de l’état-major américain.
Ce vendredi, l’USS Gerald Ford mouillait au port d’Halifax au Canada, selon le service de presse de la deuxième flotte de la marine américaine.
Jusqu’ici, un seul groupe aéronaval américain naviguait dans les eaux européennes, celui du porte-avions USS George Bush.
L’USS Gerald R. Ford (CVN-78) est un porte-avions de même type que les bâtiments de classe Nimitz, lancé en 2017. Il embarque 90 avions, hélicoptères et drones, dont des chasseurs F-35C de cinquième génération.
Soucieux de protéger l’indépendance de Taïwan, les Etats-Unis travaillent sur un Taïwan policy act destiné à se doter des moyens juridiques de protéger l’île. Cela révèle les liens compliqués entre les Etats-Unis et la Chine et la position particulière de Washington sur ce dossier.
La commission des affaires étrangères du Sénat américain a laissé passer le 14 septembre Taiwan Policy Act [1]avec une majorité de 17 voix pour et 5 contre après avoir introduit quelques modifications par rapport à la version présentée. La Chambre a fait sa lecture avec quelques remarques différentes de celle du Sénat. Pour l’instant, l’examen conjoint et la mise en cohérence des textes puis le vote par le Sénat et la Chambre des députés ne sont pas encore programmés. Il sera remis sur les métiers après les élections de mi-novembre.
Que signifie ce document destiné à devenir une loi s’il reçoit le feu vert des deux Chambres ? Quelle est la réelle intention des US ? Quels seraient ses impacts ?
Faisons une lecture analytique d’abord avant d’évaluer ses impacts / sa portée et d’analyser l’intention et les visées américaines.
Un rappel historique
Un court rappel nous paraît nécessaire pour comprendre les relations complexes et compliquées sino-américaines et la portée du Taiwan Policy Act.
En Chine, les nationalistes et les communistes ont longtemps été confrontés dans une série de guerres civiles ponctuées de périodes de collaboration. Ensemble, ils ont renversé la dernière dynastie pour fonder la République de Chine en 1912. Puis, les nationalistes ont attaqué les communistes dans l’intention de les éliminer afin de devenir la seule force gouvernante. L’invasion de la Chine par le Japon les ont poussés de nouveau dans une collaboration patriotique anti japonaise. Une fois les envahisseurs boutés hors du pays, ces deux forces se sont jetées de nouveau dans une lutte à mort qui aboutit à la victoire des communistes sur le continent et à la fuite des nationalistes qui se réfugièrent sur l’île de Taiwan.
Juridiquement parlant, ils sont toujours et encore dans cette guerre civile. Aucun cessez-le-feu ou aucun traité de paix n’a été signé entre les deux rives du détroit. Dans les Constitutions respectives en vigueur, nous pouvons constater que les deux côtés réclament le contrôle de toute la Chine y compris Taiwan.[2] Un courant à tendance indépendantiste s’est développé à Taiwan ; encouragé par les Etats-Unis ces dernières années, il limite sa réclamation à la dimension de l’île.
Les Etats-Unis ont maintenu des relations non officielles avec le Gouvernement nationaliste à Taiwan après la guerre civile jusqu’à ce qu’ils effectuent, pour leurs propres intérêts, réajustement stratégique pro Chinois / anti soviétique. Dans les années 1970, les US ont normalisé ses relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine. Au travers des trois communiqués conjoints sino-américains,[3] le Gouvernement américain a reconnu la République Populaire de Chine en tant que seul représentant légitime de la Chine et Taiwan comme partie inséparable de la Chine.
En 1978, le gouvernement américain de Jimmy Carter a accepté les trois principes que la Chine avait formulés pour établir les relations diplomatiques entre les deux pays : 1/ le retrait total des forces armées américaines de Taiwan ; 2/ l’annulation de tous les traités signés entre les Etats-Unis et l’Autorité de Taiwan ; 3/ la rupture des relations diplomatiques avec Taiwan et la reconnaissance de la République Populaire de Chine.
La RPC et les USA ont publié conjointement le « Communiqué sur l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et les Etats-Unis » le 12 décembre 1978. Selon le communiqué, les deux pays sont convenus de se reconnaître mutuellement et d’établir des relations diplomatiques entre eux, ceci à compter du 1er janvier 1979.
Les Etats-Unis reconnaissent le gouvernement de la République populaire de Chine comme l’unique gouvernement légal de la Chine. Dans ce contexte, le peuple américain maintiendra des relations culturelles, commerciales et autres relations non officielles avec la population de Taiwan.
Bien que mis en service en 2017, l’USS Gerald R. Ford [CVN78], qui inaugure une nouvelle classe de porte-avions américains, n’a jamais été encore déployé. Et pour cause : il n’était pas encore prêt au combat. En effet, durant ces cinq dernières années, le navire a subi une batterie de tests visant à éprouver la fiabilité de ses nombreux nouveaux systèmes, dont ses catapultes électromagnétiques [EMALS], son dispositif AAG [Advanced Arresting Gear] pour la récupération des aéronefs, ou encore ses ascenceurs.
En outre, l’USS Gerald R. Ford a fait l’objet d’une ultime mise à niveau – appelée PIA, pour planned incremental availability – effectuée par le chantier naval Huntington Ingalls Industries [HII]. Commencée en septembre 2021, après des « essais de choc » pour vérifier son aptitude à résister aux conditions de combat les plus éprouvantes, celle-ci a été achevée en mars 2022.
Et ce n’est qu’en septembre que l’US Navy a prononcé la capacité opérationnelle initiale de son nouveau porte-avions. Ce qui signifie qu’il est désormais prêt à effectuer sa première mission. C’est ainsi que l’USS Gerald R. Ford appareillera de Norfolk, le 3 octobre, pour se déployer dans la zone de responsabilité de la 2e Flotte de la marine américaine, réactivée en 2018 [après avoir été mise en sommeil sept ans plus tôt, ndlr] afin de répondre aux activités navales croissantes de la Russie et de la Chine dans l’océan Atlantique ainsi que dans la région de l’Arctique.
Ce premier déploiement de l’USS Gerald R. Ford devrait être court, par rapport à ceux qu’effectuent les porte-avions américains. Cependant, il comptera huit phases distinctes ayant chacune leur propre thème [frappe longue portée, lutte anti-sous-marine, défense aérienne, etc]. Et il donnera surtout l’occasion de mettre l’accent sur la coopération avec les forces navales alliées, dont celles de la France, du Danemark, de la Finlande, de la Suède, des Pays-Bas, de l’Allemagne, du Canada et de l’Espagne.
« L’Atlantique est une zone d’intérêt stratégique. Notre objectif principal est de faire en sorte qu’elle soit stable et sans conflit grâce à la puissance navale combinée de nos alliés et partenaires », a fait valoir le vice-amiral Dan Dwyer, commandant de la 2e flotte américaine.
Le groupe aéronaval formé autour de l’USS Gerald R. Ford, appelé « Carrier Strike Group 12 », comprendra les « destroyers » USS Thomas Hudner, USS Ramage et USS McFaul [de type Arleigh Burk], ainsi que le croiseur USS Normandy [classe Ticonderoga] et les navire de soutien USNS Joshua Humphreys et USNS Robert E. Peary.
Quant à au groupe aérien embarqué [GAé], il sera fourni par le Carrier Air Wing 8 [CVW-8]. Il sera constitué de F/A-18 Super Hornet, de E/A-18G Growler, de E-2D Hawkeye et d’hélicoptères MH-60R/S Seahawk.
« Certains des escadrons [du CVW-8] ne seront pas au complet. Mais le nombre d’aéronefs embarqués se rapproche de celui d’une dotation complète », a précisé le capitaine de vaisseau Paul Lanzilotta, le « pacha » de l’USS Gerald R. Ford.
Pour rappel, avec ses 97’000 tonnes à pleine charge pour une longueur de 337 mètres et un maître-baau de 78 mètres, l’USS Gerald R. Ford est le plus grand navire militaire jamais construit à ce jour. Doté de quatre catapultes électromagnétiques, de chaufferies nucléaires A1B trois fois plus puissantes que celles de la classe Nimitz, d’un blindage électromagnétique [DAPS, Dynamic Armor Protection System], il est mis en oeuvre par un équipage « réduit » de 4.460 marins.
Équipé d’un radar à antenne active multifonction bande-X Raytheon AN/SPY-3, qui lui permettant d’assurer une surveillance permanente à 360 degrés, l’USS Gerald R. Ford est armé de missiles RIM-162 ESSM et RIM-116 Rolling Air Frame, du système Phalanx CIWS et de missiles anti-navire.
Sa construction, qui n’aura pas été épargnée par les retards [son premier déploiement opérationnel était attendu en 2018…], a coûté 12,6 milliards de dollars [sans compter les coûts de recherche et de développement].
D’ailleurs, le chef d’état-major de l’US Navy, l’amiral Michael Gilday, a admis que l’intégration de trop de nouvelles technologies [23 au total] constituait un risque de retards et de surcoûts. « Nous ne devrions vraiment pas introduire plus d’une ou deux nouvelles technologies sur une plate-forme complexe comme celle-ci afin de nous assurer que nous maintenons le risque à un niveau gérable », avait-il en effet déclaré, en août 2021.
Camerone pour les légionnaires, Bazeille pour les marsouins et les bigors, ou encore Sidi-Brahim pour les Chasseurs… Chaque année, ces batailles, quelle que soit leur issue [victoire ou défaite] sont commémorées au sein de la Légion étrangère, des Troupes de Marine [qui viennent de fêter leur 400e anniversaire] et certaines unités d’infanterie car elles illustrent les qualités et les vertus [courage, esprit de sacrifice, la combativité, etc] qui fondent leur identité tout en étant une source d’inspiration pour le présent et l’avenir.
C’est donc pour de telles raisons que la Marine nationale a décidé de célébrer, chaque année, une bataille décisive et emblématique de sa longue histoire, en l’occurrence celle de la baie de Chesapeake, qui, conduite le 5 septembre 1781, par le comte de Grasse, alors lieutenant général des armées navales, se solda par une victoire éclatante contre la Royal Navy.
« Bataille de référence, succès tactique ayant conduit à une victoire stratégique, Chesapeake rappelle le rôle décisif du combat naval dans un conflit d’ampleur. Elle incarne une Marine victorieuse, grâce à la préparation de ses équipages, à leur combativité et aux qualités tactiques et de commandement de ses officiers », explique la Marine nationale, via un communiqué.
Pour rappel, la bataille de la baie de la Chesapeake fut décisive pour la suite de la guerre d’Indépendance américaine. Alors qu’un débarquement de troupes et de canons était en cours en vue de préparer une offensive des insurgés en direction de Yorktown, l’amiral de Grasse engagea le combat contre la flotte britannique de l’amiral Thomas Graves, avec des navires aux équipages réduits.
Bien que plus homogène et imposante [avec vingt navires de ligne et sept frégates], l’escadre de la Royal Navy dut battre en retraite, avec six vaisseaux gravement endommagés et des pertes s’élevant à 300 tués, avec presque autant de blessés.
Pour la Marine nationale, commémorer cette bataille permet de rappeler « l’actualité des facteurs ayant permis la victoire : événement tactique ayant induit une bascule stratégique, innovation tactique, importance de l’entraînement, prise de décision rapide dans l’incertitude, courage physique, conditions dégradées, etc ». Et, conformément au souhait de l’amiral Pierre Vandier, son chef d’état-major, elle fera donc l’objet, tous les ans, de « cérémonies » et d’ »activités collectives » au sein de l’ensemble des unités de la Marine.
« Cette première commémoration et celles qui suivront doivent être une source d’inspiration forte pour chaque marin », fait valoir l’amiral Vandier.
Cela étant, la bataille de la baie de Cheasapeake a d’autres dimensions symboliques. Tout d’abord, elle illustre les liens historiques et opérationnels de la Marine nationale avec l’US Navy qui, malgré les aléas politiques et diplomatiques, ne cessent de se renforcer.
Et puis, surtout, elle renvoie à une époque où la marine française rayonnait sur tous les océans du monde, Louis XVI, et avant lui, Louis XV, n’ayant pas oublié l’enseignement de Richelieu [« Les larmes de nos souverains ont souvent le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée », ndlr]. En témoignent les noms de ses amiraux, dont les noms ont traversé le temps : La Pérouse, Suffren, Latouche-Tréville, Bougainville, La Motte-Picquet, d’Entrecasteaux ou encore, et bien évidemment, de Grasse.