Les valeurs françaises et l’Islam

Les valeurs françaises et l’Islam

Par le Colonel (er) Gilles Lemaire le 13/02/2018

 

lejdd.fr/societe/pour-56-des-francais-lislam-est-compatible-avec-les-valeurs-de-la-societe-francaise-3570902

Selon un sondage de l’IFOP paru dans la presse dernièrement, 56 % des Français jugeraient l’Islam compatible avec les valeurs françaises. La mesure envisagée par nos autorités de taxer la viande hallal afin d’en subventionner le culte et ainsi de le soustraire au radicalisme des imans dépêchés depuis les pays d’origine serait même refusée par 70 % des personnes interrogées.

Il s’agit là d’un retournement de l’opinion puisqu’en 2016, selon un sondage comparable, on obtenait des résultats exactement inverses. L’opinion semble donc démobilisée après les graves agressions dont le pays a été l’objet. Ces dernières semblent avoir cessé, Daesh est vaincu au Proche-Orient, la France est moins Charlie. Toujours selon la presse du même jour, ce sondage intervient à un moment où le président de notre république réfléchirait à un nouveau cadre juridique favorisant l’éclosion d’un « Islam de France », éclosion sollicitée au travers de nombreuses démarches infructueuses depuis de nombreux lustres maintenant. A ce constat, les commentaires des réseaux optent donc pour une nouvelle manœuvre de désinformation vouée à faciliter l’action de nos gouvernants. « L’islam compatible avec nos valeurs », s’agit-il d’une « Fake-new », une des nombreuses fausses nouvelles contre lesquelles on annonçait il y a très peu la rigueur de nouvelles lois ?

L’opinion est-elle manipulée?

Sans pouvoir se prononcer sur ce point sans doute très technique car remettant en cause la validité du sondage, observons que son objet est l’Islam et non l’Islamisme. Une approche conciliante qui consiste pour certains à différencier Islam et Islamisme en feignant d’ignorer que le second est partie du premier. Or, l’Islamisme rassemble les activistes de l’Islam dont ces derniers se réclament ardemment. En se référant spécifiquement à l’Islam, le sondage le présente, à l’instar de tous ses défenseurs, comme une « religion de paix ». Ils lui accordent un caractère de respectabilité, alors que ses textes fondateurs mentionnent à l’évidence son caractère prosélyte pouvant s’exprimer par la violence.

Qu’en est-il de ses valeurs ? De fait, le Coran s’oppose, dans sa lecture littérale, à notre conception des droits de l’Homme, notamment à celle des sourates qui infériorisent la Femme et promettent le pire aux apostats. L’islam est par ailleurs une religion intégrant les champs politique et religieux. Il refuse le principe de séparation entre Etat et religion. Il s’oppose au principe de laïcité qui considère que la Loi commune s’impose à tous. L’islam ne respecte donc en soi aucunement les valeurs démocratiques de l’Etat moderne. Les musulmans qui veulent s’y soumettre doivent accepter un accommodement et donc se départir d’une lecture littérale des textes fondateurs. Ils sont des musulmans imparfaits, ce que leur reprochent les vrais musulmans, les fondamentalistes, les hommes pieux qui veillent à ne pas s’écarter de la voie de Dieu, parmi lesquels se recrutent les radicaux Islamistes qui prônent le Djihad pour qu’Allah le miséricordieux accorde aux croyants la victoire sur le peuple des infidèles.

Si le sondage s’avère exact, c’est donc que l’opinion des Français est abusée.

Il est sûr que nos compatriotes connaissent peu la réalité de l’Islam. Ils pensent que la force de la démocratie, l’attractivité de notre société d’abondance amènent naturellement à l’accommodement sus évoqué. « Cela passera » pensent-ils, « ils feront comme les autres », la France a été à toute époque une terre d’immigration et les immigrés se sont dissous naturellement au sein de la nation française. Or, ce n’est pas ce que l’on observe : la France semble bien en voie de communautarisation avec ses quartiers sensibles, ses pans de territoire qui se referment devant l’autorité de la Loi. Toujours selon un sondage antérieur du même organisme[1], 28 % des musulmans français ont ainsi « adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République », s’affirmant « en marge de la société ». De fait, la génération actuelle semble moins accepter l’accommodement des générations des premiers arrivants qui considéraient, à la sortie du bled, comme un progrès le fait d’embrasser les mœurs et les habitudes des Français. Ceci résulte de la pression fondamentaliste face à laquelle aucun discours contradictoire ne donne prise.

Allons-nous vers le schéma décrit par Michel Houellebecq dans son ouvrage « Soumission », ouvrage prédictif qui semble faire référence ?

Des projections démographiques évoquent un basculement vers le milieu du siècle où les Français d’origine musulmane seraient majoritaires dans la population. Qu’en sera-t-il si cette fraction maintient son refus de la Loi ?

L’affaire semble entendue : l’intimidation des croyants par la fraction fondamentaliste est malheureusement relayée par l’indifférence d’une opinion publique inscrite dans « le désenchantement du monde »[2], qui refuse ainsi toute préhension du religieux. On esquive l’analyse pour éviter tout affrontement, on se retranche derrière une volonté de pacification, de construction d’un monde idéal voué à s’imposer à tous, satisfaisant aux voix de la Raison. A ceci s’ajoute l’invention du terme d’islamophobie par les derniers néo-marxistes qui veulent opportunément faire des musulmans leurs alliés en les proclamant nouveaux damnés de la terre. Il faut bien recruter pour continuer à exister. Le sempiternel conflit entre liberté et égalité perturbe la prise en compte de l’évolution présente.

Au total, la présentation de ce sondage tend à masquer la menace touchant l’existence même de notre société, dans un contexte démographique qui lui est défavorable. L’Histoire a le plus souvent été écrite par des minorités agissantes plutôt que par des majorités passives. Pour le cas cette minorité est en passe de devenir majorité.  

Que faire ?

Démarche élémentaire : il faut faire évoluer la pensée profonde de la population d’origine musulmane. La voie actuellement explorée est d’expurger le Coran et les textes de référence de cette religion des scories incompatibles avec notre modernité en générant enfin « l’Islam de France » déjà évoqué, animé par des imans formés dans l’hexagone.

Est-ce possible ?

C’est pour l’heure une tâche complexe et ardue puisque le Coran, universellement reconnu par toutes les obédiences, est intouchable. Il est considéré comme la voix de Dieu, incréé, transporté par le prophète qui l’a rapporté passivement. Ce texte a été arrêté définitivement à la fin du VIIIème siècle et les tentatives d’exégèse postérieures ont été condamnées[3]. Cet exercice reste pour l’heure très limité dans le monde sunnite étymologiquement fondé sur la tradition. Elle est réservée aux savants diversement reconnus pour établir les principes de la loi coranique. Elle est envisageable dans le monde chiite qui s’avère plus monolithique au travers de l’existence d’un clergé formé dans des universités islamiques, clergé disposant d’une audience reconnue par tous indistinctement, alors que les imams sunnites sont cooptés par diverses communautés de croyants souvent opposées. Ceci induit une multiplicité des interprétations qui est à l’origine de l’éclatement de cette religion en fractions irréconciliables, éclatement qui explique les conflits en cours, notamment au Proche Orient. Il n’y a pas un Islam mais des Islams. Au total, aucune autorité ne peut être clairement désignée pour opérer cette grande transformation vouée à être considérée de tous bords comme apostasie. Vouloir régler au sein des limites hexagonales le dilemme en aboutissant à la réconciliation des différentes sensibilités, essentiellement sunnites pour ce qui concerne notre pays, sensibilités réagissant aussi au sentiment national des pays d’origine, est un projet très utile, mais sans doute hors de portée.

Faut-il désespérer et accepter la voie de l’abandon ?

Il reste l’outil du système éducatif dont dispose notre république, sous réserve de ne pas limiter son action du fait de l’inhibition présente. Il faut fermement soutenir les enseignants lorsqu’ils explorent avec leurs élèves les voies de la Raison. Il faut favoriser la voie de la connaissance plutôt que celle du divertissement et du sensationnel dans nos bien nombreux médias, notamment publics. Il faut aider à la compréhension et à l’ouverture des esprits sur les réseaux sociaux et dans le champ de la culture. Il faut enfin et surtout affirmer que la Loi qui s’impose à tous, et à toutes les religions. C’est une question de volonté et de fermeté. C’est notre dernière ligne d’arrêt.

Ces actions ne peuvent être validées que par une prise de conscience résolue de l’opinion publique, prise de conscience que ne conforte pas ce dernier sondage, en lui donnant une interprétation sans doute faussée par sa présentation sous un titre réducteur.  

 

[1] IFOP, paru dans le JDD du 16 septembre 2016

[2] L’expression « désenchantement du monde » a été définie en 1917 par le sociologue Max Weber pour désigner le processus de recul des croyances religieuses et magiques au profit des explications scientifiques. Le concept est étroitement lié aux idées de sécularisation et de modernité. Formule reprise en 1985 par le sociologue Marcel Gaucher dans son analyse du fait religieux au XXème siècle.

[3] Notamment le courant Mutazilite qui réfutait le caractère incréé du Coran. Apparu dès le VIII siècle, donc dès l’apparition de l’Islam, il a disparu au XIIIème siècle. « Les portes de l’Ijtihâd (interprétation) sont fermées depuis le quatrième siècle de l’Hégire ».