Le débat sur le possible rétablissement du service militaire prend de l’ampleur en Allemagne
Mais c’est sans doute en Allemagne que la question sur l’éventuel rétablissement du service militaire, suspendu en 2011, se pose avec d’autant plus d’acuité que la Bundeswehr [forces fédérales allemandes] peine à recruter, alors qu’elle doit porter ses effectifs à 203’000 militaires, contre 183’000 actuellement.
Dans un entretien récemment accordé au quotidien Die Zeit, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a de nouveau estimé que la suspension du service militaire était une « erreur ». Et d’ajouter que son rétablissement était possible « compte tenu de la situation actuelle en matière de sécurité ». Cependant, il a également admis qu’une telle décision entraînerait « d’importants problèmes constitutionnels et structurels ». En tout cas, a-t-il prédit, le « débat sur ce sujet va prendre de l’ampleur ».
« D’une manière générale, les Allemands doivent être prêts à un changement de mentalité. L’époque des dividendes de la paix […] est révolue. Nous devons désormais être à nouveau capables de dissuader un éventuel agresseur. Et la Bundeswehr doit être à la hauteur, que cela plaise ou non », a insisté M. Pistorius.
En attendant, la structure de la Bundeswehr va être modifiée « afin de lui permettre de remplir au mieux » ses missions. « Ensuite, nous verrons ce que cela signifie pour son format et tout le reste », a dit le ministre allemand.
Quoi qu’il en soit, ces derniers jours, et comme M. Pistorius l’avait prédit, le débat sur le retour du service militaire a effectivement pris de l’ampleur outre-Rhin. Pourtant à l’origine de sa suspension, le Parti chrétien-démocrate [CDU/CSU] est sans doute le plus enclin à le rétablir.
Ainsi, le vice-président de son groupe parlementaire au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], Johann Wadephul, a plaidé pour un « service général obligatoire », qui, en plus de satisfaire les besoins de la Bundeswehr, permettrait de répondre à ceux exprimés par d’autres services publics, comme, par exemple, la sécurité civile.
Cela étant, la question divise le Parti social-démocrate [SPD], dont M. Pistorius est issu.
« Je suis favorable à ce que la Bundeswehr devienne plus attractive. Mais je considère que le service obligatoire est très discutable. Et pas seulement d’un point de vue constitutionnel. Je ne pense pas que mon parti soutienne un tel modèle », a déclaré Kevin Kühnert, le secrétaire général du SPD, dans les pages du Rheinische Post.
La co-présidente de ce parti, Saskia Esken, est sur la même ligne. « Réintroduire un devoir ou une obligation pour les adultes est fondamentalement en dehors de ma vision de l’humanité », a-t-elle dit. « Je pense que la Bundeswehr est désormais bien positionnée en tant qu’armée professionnelle et qu’elle doit être développée davantage », a-t-elle ajouté.
Seulement, également membre du SPD, la commissaire parlementaire de la Bundeswehr, Eva Högl, s’était prononcée en faveur d’un service militaire inspiré du modèle suédois. Et c’est cette solution qu’étudie M. Pistorius, comme il l’a confié dans un entretien publié par l’édition dominicale du quotidien Die Welt, la semaine passée.
En Suède, « tous les jeunes hommes et femmes sont concernés, et seul un nombre restreint d’entre eux finissent par effectuer un service militaire. La question de savoir si quelque chose comme cela serait également envisageable ici se pose », a-t-il en effet déclaré, avant de rappeler que, quel que soit le modèle retenu, une majorité politique sera nécessaire.
Pour rappel, les jeunes suédois aptes au service militaire ne peuvent pas se dérober à leurs obligations s’ils sont retenus par une sorte de conseil de révision. Le nombre de conscrits – environ 4000 par an – est déterminé en fonction des besoins exprimés par les forces suédoises.
Photo : Ministère allemand de la Défense