La prise de décision opérationnelle dans l’Armée de terre (Revue militaire générale N°53)

La prise de décision opérationnelle dans l’Armée de terre (Revue militaire générale N°53) – Publiée le 1er février 2019

 

Éditorial du directeur du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement

Le Général de division Pascal Facon

https://www.penseemiliterre.fr/-editorial-du-directeur-du-centre-de-doctrine-et-d-enseignement-du-commandement_720_1013077.html


« Nourris, gavés parfois, pendant les premières années de notre vie dans nos familles et dans les écoles civiles puis militaires, nous sommes ensuite entraînés dans la “vie active” sans plus guère prendre le temps de penser. Paresse ? Inertie? Habitude ? Conformisme ? Sans doute tout cela à la fois. Mais l’action souffre de cette indigence car le monde est mobile, les hommes changent, les techniques évoluent ; aucun problème où l’humain a une part ne se repose jamais dans les mêmes termes que la veille, aucune recette n’est applicable à coup sûr en guise de solution. Il faut penser l’action. »

C’est en ces termes que le général de corps d’armée Dominique Chavanat introduit son ouvrage Pour réflagir, diffusé à tous les élèves-officiers à partir de 1984 aux écoles de Coëtquidan, dans le cadre de leur formation à l’exercice de l’autorité. La réflexion se définit comme un retour de la pensée sur elle-même en vue d’examiner plus à fond une idée, une situation. L’action désigne en philosophie un mouvement corporel volontaire et intentionnel. Penser en vue de l’action. Penser pendant l’action… Il ne peut y avoir d’action efficace, d’autant plus lorsqu’elle est complexe et collective, sans réflexion préalable, sans l’élaboration d’une intention préparant sa conduite. Cette réflexion-action, exprimée par une idée de manœuvre, est la quintessence même du commandement. C’est au travers d’elle qu’un chef, quel que soit son niveau, imprime sa véritable marque. Dans son expression la plus sobre, elle se traduit dans l’armée de Terre française par un « En vue de…, je veux…, à cet effet… ».

Ainsi que le soulignait Jean Guitton lors d’une conférence donnée à l’école de Guerre en 1952, intitulée L’Art de penser et la conduite de la guerre, les méthodes de l’homme de guerre et celles de l’homme de pensée sont intimement liées, rappelant au passage que Descartes fut à la fois un philosophe et un soldat. Les échanges entre les philosophes, les stratégistes, le monde de l’entreprise et le milieu militaire, dans le domaine de la compréhension et la formalisation de la prise de décision, ont beaucoup contribué à faire évoluer la nature, l’organisation et les modes de fonctionnement de nos systèmes de commandement, en particulier ces dernières décennies. Ces évolutions visent en principe à en améliorer l’efficacité. L’expérience montre néanmoins que parfois, loin de réduire la complexité des opérations, ces structures de commandement peuvent contribuer à l’accroÎtre. La prise en compte de nouvelles données technologiques, socio-culturelles et géopolitiques, portant sur les formes aujourd’hui prises par la conflictualité, celles qu’elles prendront probablement demain, conduisent le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement à s’interroger sur la meilleure manière de contribuer à l’accroissement de la performance du commandement opérationnel.

Les travaux de l’armée de Terre et du Centre portent ainsi sur toutes les dimensions du commandement en opérations. La sélection et la formation des chefs opérationnels, le renforcement de la culture de la décision au combat, l’amélioration des outils d’aide à la décision, le décloisonnement inter-milieux et interprofessionnel, constituent les axes principaux des études en cours. Le champ des possibles est large, évolutif et s’accroÎt de façon exponentielle au gré des progrès scientifiques. Il implique donc une veille doctrinale et technologique permanente visant à nourrir nos réflexions et conserver un temps d’avance. Les publications sur le sujet sont abondantes, parfois polémiques et contradictoires. Se garder des effets de mode, ne pas raisonner selon de seules logiques de milieu ou de métier et ne pas se laisser entraîner vers des mirages technologistes, sans toutefois nier leurs apports potentiels. Voilà ce qui prévaut dans les réflexions en cours au Centre.

C’est donc une réflexion sur le cadre et la finalité des travaux traitant de l’amélioration de la performance du commandement en opérations qui lance le nouveau format de la revue dédiée à la recherche et à la prospective. Il s’agit de considérer la capacité de mobiliser de façon optimale toutes les ressources disponibles pour penser en vue de l’action aéroterrestre, puis la conduire en vue de vaincre au combat.

Bonne lecture !

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La prise de décision opérationnelle dans l’Armée de terre – Revue militaire générale N°53 2019