L’armée de l’air brouille les signaux GPS en France pour un exercice
Les brouillages n’ont pas de conséquence pour le grand public. En revanche, ils perturbent les aéronefs civils et militaires, qui ont été prévenus. Explications.
Dans le cadre de l’exercice Black Crow 24, qui se déroule en France du 27 mai au 7 juin, l’armée de l’air et de l’espace brouille les signaux GPS sur le territoire métropolitain afin de plonger les militaires dans des conditions opérationnelles réalistes. Des pilotes français, allemands et américains participent à cet exercice dans une zone d’entraînement très vaste.
Au sein d’un cercle centré sur le Puy-de-Dôme, des perturbations sont perceptibles par les aéronefs civils et militaires. La zone brouillée augmente avec l’altitude : à 1 200 mètres, le cercle a un rayon de 185 km (ce qui représente un diamètre allant d’Angoulême à Lyon), alors qu’à 12 000 mètres d’altitude la zone de perturbations couvre la quasi-totalité de l’Hexagone.
« Il est important que l’on s’entraîne »
Selon une note de l’armée de l’air, les militaires français mettent en œuvre à cette occasion des Neptune, des véhicules brouilleurs de signaux de géolocalisation par satellite (GNSS), qui sont efficaces contre le GPS (États-Unis), Galileo (UE), Glonass (Russie) et Beidou (Chine).
L’objectif de ces outils est de perturber les instruments des pilotes, mais aussi ceux des armements, dont les bombes guidées et les missiles. « Il est important que l’on s’entraîne à utiliser des solutions de géolocalisation alternatives, tout comme il est important pour un marin de naviguer parfois au sextant, sans GPS », résume un pilote de chasse français.
Les avions modernes utilisent le GPS comme principal système de navigation, en croisière et pour l’approche finale : son brouillage, en particulier dans des conditions de faible visibilité, peut avoir des conséquences dangereuses », explique Renaud Feil, PDG de l’entreprise de sécurité Synacktiv, selon lequel « il est prévisible que ce type d’exercices se multiplie étant donné le rôle désormais prépondérant de la location GNSS ».
Des notices d’information diffusées
« L’impact de cet exercice est circonscrit aux aviateurs sur la fréquence du GPS seulement », nous assure l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le gendarme des ondes en France. « L’armée de l’air et la Direction générale de l’aviation civile se coordonnent et rendent l’opération publique pour que tous les aéronefs soient au courant afin que les utilisateurs aéronautiques du GPS (avions, hélicoptères, mais aussi drones) soient bien au courant, ce qui permet d’éviter tout incident », plaide-t-on encore à l’ANFR.
Des notices d’information ont été diffusées par l’armée de l’air et relayées par les autorités civiles et les associations. C’est le cas, par exemple, de la Fédération française de vol libre (FFVL), qui informe ses licenciés d’une « notification de dernière minute concernant une opération militaire susceptible de générer un brouillage GPS ».
Conditions dégradées
De l’Ukraine à la Syrie, en passant par l’Afrique, le brouillage des GNSS, les systèmes de géolocalisation satellitaire, est devenu un classique de la guerre électronique, parfois entre des pays qui ne sont pas en guerre. Il est donc crucial pour les armées, et en particulier pour les pilotes, de s’entraîner à poursuivre les missions dans des conditions dégradées.
La guerre électronique est un aspect méconnu de l’entraînement des pilotes de l’armée de l’air, car largement couvert par le secret des opérations. Néanmoins, le Rafale est conçu pour mener des missions cruciales sans GPS. Dans le cadre de la dissuasion nucléaire, les appareils des forces aériennes stratégiques s’entraînent à voler avec d’autres systèmes.
Les centrales inertielles, par exemple, sont des équipements embarqués qui, une fois calés sur leur position précise de départ, peuvent trouver un point d’arrivée sans GPS. Les outils de reconnaissance et de suivi de terrain peuvent aussi aider les pilotes à s’orienter alors qu’ils volent au plus près du sol pour échapper à la couverture radar.