Iran, Russie… Voici les 10 armées les plus grandes au monde en 2024
Pays le plus peuplé du monde, la Chine possède également le plus grand nombre de soldats actifs. [Pedro PARDO / AFP]
Par Dylan Veerasamy- CNews- Publié le
Après la pluie de missiles iraniens envoyée vers Israël mardi, et depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le terme de «troisième guerre mondiale» occupe les esprits. Et en termes de soldats, l’Iran et la Russie figurent tous deux parmi les 10 armées les plus grandes au monde.
Alors que l’escalade de la guerre au Proche-Orient semble hors de contrôle et que l’invasion russe en Ukraine s’éternise, la crainte d’une généralisation des conflits à l’échelle mondiale se fait sentir, chaque pays usant de sa force militaire pour intimider son adversaire.
Le nombre, une force de dissuasion majeure lors de conflits entre pays frontaliers. La majorité des pays de la planète possèdent une armée, avec un nombre de soldats plus ou moins actifs. Mais certaines nations ont développé leurs rangs.
Voici les 10 armées possédant le plus grand nombre de soldats actifs en 2024, selon une étude menée par Statista.
Chine
Avec 2 millions de soldats actifs au sein de son armée, pour une population qui dépasse 1,4 milliard d’habitants, la Chine possède le plus grand effectif militaire au monde. Egalement connue sous le nom d’Armée populaire de libération depuis la fin de la guerre sino-japonaise, l’armée chinoise est composée de plusieurs branches, dont une force des fusées, une force de soutien stratégique et une force de soutien logistique interarmées propres à elle.
Inde
L’armée indienne compte près de 1,45 million de soldats actifs dans ses rangs selon les dernières données disponibles. Une force militaire considérable pour le pays qui est devenu le pays le plus peuplé au monde avec plus d’1,45 milliard d’habitants. Cette force militaire humaine, également appuyée par le soutien d’1,15 million de soldats réservistes, est l’une des plus importantes au sein des opérations de maintien de la paix de l’ONU.
États-Unis
Troisième pays le plus peuplé au monde avec plus de 340 millions d’habitants, les États-Unis disposent de forces armées qui comptent 1,39 million de soldats actifs, répartis au sein de l’US Army, de l’US Navy, de l’US Air Force, de l’US Marine Corps et de l’US Space Force. Les militaires évoluent sous les ordres du général Charles Q. Brown Jr, second afro-américain au poste de chef d’Etat-Major des armées des Etats-Unis.
Corée du Nord
Quatrième armée la plus importante au monde, l’armée nationale de Corée du Nord, connue sous l’appellation officielle d’Armée populaire de Corée, possède près d’1,2 million de soldats actifs dans ses rangs, pour une population totale d’environ 26 millions d’habitants, sous les ordres du commandant suprême, du chef de l’Etat Kim Jong-un, qui possède aussi le grade de maréchal. La Corée du Nord est également le pays avec le service militaire le plus long au monde (10 ans pour les hommes, 8 pour les femmes).
Russie
Depuis son invasion entamée en Ukraine il y a plus de deux ans, l’armée russe ne cesse de faire parler d’elle. Le pays dispose de 831.000 soldats actifs, pour une population totale de plus de 145 millions d’habitants, épaulés par de nombreux réservistes et hommes réquisitionnés pour la guerre en Ukraine. Trois branches principales la composent : les forces terrestres, les forces aérospatiales et la marine.
Pakistan
Voisin important de l’Inde avec qui il possède des relations diplomatiques parfois tendues, le Pakistan dispose de la 6e force armée mondiale en termes de soldats actifs, avec 654.000 soldats prêts à partir au combat, sur une population totale qui approche les 240 millions d’habitants.
Iran
Au coeur de l’actualité ces derniers jours après une attaque massive contre Israël, l’armée iranienne dispose d’un nombre de soldats plus que conséquent. Composées de l’Artesh, armée régulière, et des Gardiens de la Révolution, armée idéologique du régime, les forces armées de la République islamique d’Iran sont composées de 575.000 soldats actifs, principalement présents à l’intérieur du pays et dans le golfe persique, sur une population totale estimée à près de 89 millions d’habitants.
Corée du Sud
Voisin de Pyongyang, la Corée du Sud est dotée d’une armée comptant près de 555.000 soldats parmi son effectif actif, sur un total de près de 52 millions d’habitants. Grandement employée lors de mission de l’ONU, l’armée sud-coréenne participe à de nombreuses manœuvres avec les militaires américains, afin de se préparer à toute attaque nord-coréenne.
Vietnam
Fondée le 22 décembre 1948 dans le cadre de l’indépendance du Vietnam, l’armée populaire vietnamienne dispose d’environ 470.000 soldats actifs dans ses rangs, pour une population totale qui approche les 100 millions d’habitants. Elle est connue pour avoir été présente dans les plus grands conflits du sud-est de l’Asie dans les années 1970 et 1980.
Egypte
Avec 440.000 soldats actifs en permanence pour environ 105 millions d’habitants dans le pays, l’armée égyptienne est la 10e plus importante à l’échelle mondiale sur le plan humain. Les soldats des forces armées égyptiennes se sont fait remarquer lors de la révolution égyptienne en 2011, en refusant de suivre les ordres de l’ancien président Hosni Moubarak, le contraignant à démissionner.
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Par Laurent Derouet – Le Parisien/Eure – publié le 2 octobre 2024
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a été tué dans une frappe israélienne à Beyrouth le 27 septembre. La milice et son dirigeant étaient considérés comme le fer de lance de l’Axe de la Résistance, cette coalition de groupes miliciens majoritairement chiites qui sont au coeur de la stratégie régionale de l’Iran.
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Rencontre entre l’ayatollah Khamenei et Hassan Nasrallah en 2019
Après l’attaque sur le consulat iranien à Damas le 1er avril et la mort d’Ismail Haniyeh, chef politique du Hamas, dans une opération attribuée à Israël au centre de Téhéran fin juillet, il s’agit donc d’un nouveau coup dur pour l’Iran, qui ne parvient plus à protéger ses atouts à l’étranger et maintenir une dissuasion crédible vis-à-vis de l’État hébreu. Comment le régime peut-il réagir à cette nouvelle donne, entre restauration d’un équilibre et prévention de l’escalade ?
Une vulnérabilité grandissante
« Nous appelons les musulmans à soutenir […] le fier Hezbollah par tous les moyens dont ils disposent. » C’est par ces termes plutôt modérés que le Guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a réagi à la mort du commandant du Hezbollah, qui ne « restera pas impunie ». Si le texte contient les références habituelles à l’« entité sioniste » à l’origine de tous les maux du Moyen-Orient, le vocabulaire est bien moins martial et décisif que pour venger les précédents assassinats de dignitaires iraniens ou des groupes proches de Téhéran dans les derniers mois.
L’attaque du 1er avril sur le consulat iranien à Damas avait ainsi fait l’objet d’une riposte à la fois verbale et cinétique, en affirmant que tous les intérêts iraniens ciblés à l’étranger (même en dehors du territoire de l’Iran) feraient désormais l’objet de représailles directes contre Israël. Cette promesse s’est incarnée par une salve de près de 300 drones, missiles de croisière et missiles balistiques tirés depuis l’Iran vers l’État hébreu dans la nuit du 13 au 14 avril. Si les intentions profondes de cette attaque, entre réelle volonté de nuire et simple démonstration de force entourée de précautions, font encore débat aujourd’hui, elle a été présentée comme une victoire à Téhéran, fausses images d’explosion à l’appui, permettant de préserver l’image de la République islamique auprès de ses affiliés. La réponse israélienne sous forme de frappe ciblée près des installations nucléaires de Natanz le 19 avril a quant à elle été largement minimisée par le régime.
Si l’Iran pensait avoir alors « restauré la dissuasion » vis-à-vis d’Israël, la mort d’Ismail Haniyeh au cœur de la capitale le 31 juillet a porté un premier coup à cette crédibilité. Malgré un ton martial mettant en garde l’État hébreu contre une « riposte imminente », le gouvernement iranien, divisé entre un Massoud Pezeshkian relativement modéré, conseillé par des réformateurs tels que l’ancien ministre des Affaires étrangères Javad Zarif, et les conservateurs plus extrêmes menés par les Gardiens de la Révolution, s’est retrouvé dans l’incapacité de « venger » cet affront à la réputation de l’Iran. En effet, il aurait été inutile, voire contre-productif, de réitérer l’attaque sur le même mode opératoire qu’en avril, sauf à augmenter le nombre de projectiles afin de saturer les défenses israéliennes – ce qui aurait d’autant réduit les stocks iraniens – et réduire le préavis d’alerte, sans garantie de succès. De plus, contrairement à la nécessité de venger la mort de Qassem Soleimani en janvier 2020, le besoin de réagir à la mort d’Ismail Haniyeh est moins pressant : en tant que chef politique d’un groupe sunnite, allié de l’Iran par opportunisme, son rôle dans la stratégie régionale du régime était moindre.
La réaction iranienne est encore plus modérée lors de la mort de Fouad Shukr, commandant de la branche militaire du Hezbollah, lors d’une frappe israélienne au Liban le 30 juillet, puis au fur et à mesure des frappes de « décapitation » de la milice en août et en septembre, qui culmine par l’opération des « bipeurs » le 19 septembre et enfin la mort de Nasrallah le 27. Cette prudence est compréhensible : en effet, le régime n’avait pas ouvertement soutenu l’engagement du Hezbollah dans la guerre vis-à-vis d’Israël le 8 octobre 2023, au lendemain des massacres commis par le Hamas et dans lesquelles la milice chiite libanaise n’avait aucune responsabilité. Téhéran avait à plusieurs reprises démenti toute connaissance de l’attaque et il est possible que le régime ait tenté de décourager Nasrallah de s’engager, considérant que les risques d’une riposte israélienne et donc d’une mise en danger de cette stratégie de glacis de protection du territoire iranien au travers de ses milices étaient trop élevés. Force est de constater que les actions israéliennes ont donné raison à cette frange plus prudente du gouvernement iranien, laissant présager une absence de réaction à la mort de Nasrallah.
Vers une recomposition de l’Axe de la Résistance ?
Si le Hezbollah est désormais privé de commandement opérationnel et sérieusement décrédibilisé dans la région, il n’est cependant pas totalement mis hors d’état de nuire. Les caches d’armes, notamment de systèmes capables de frapper le territoire israélien dans la profondeur, demeurent nombreuses dans le Sud-Liban, tout comme la capacité du groupe à se camoufler au sein de la population. Une opération israélienne au sol, dont l’ampleur reste à déterminer, est probablement nécessaire pour réduire encore les capacités de nuisance de la milice et donc permettre à moyen terme le retour des Israéliens déplacés dans le nord du pays, un nouvel objectif de guerre déclaré par Netanyahou le 19 septembre dernier.
Reste que le groupe qui offrait un débouché à l’Iran sur la Méditerranée, une plateforme pour ses trafics et un moyen de pression continu sur Israël n’est probablement plus en mesure d’assurer un rôle de coordinateur et de représentant de l’Axe. Plusieurs groupes peuvent désormais prétendre au poste.
Les Houthis, bien qu’historiquement moins proches de Téhéran et promouvant leurs intérêts propres au Yémen, apparaissent aujourd’hui comme le principal facteur de nuisance contre les intérêts occidentaux dans la région. Leurs capacités n’ont quasiment pas été affectées par les frappes anglaises et américaines conduites depuis décembre 2023 et ils sont toujours en mesure de frapper directement l’État hébreu, exerçant ainsi la vengeance au nom de l’Axe, bien que leur puissance de feu soit inférieure à celle du Hezbollah. L’armée israélienne a bien compris leur potentiel destructeur et a ainsi conduit des frappes contre le port d’Hodeïda et d’autres installations militaires houthies le 29 septembre. Cependant, du fait d’un éloignement géographique et idéologique du reste des groupes composant l’Axe de la Résistance, il est peu probable qu’ils exercent un rôle majeur dans cette alliance à moyen terme.
À l’inverse, les milices irakiennes proches de l’Iran se sont montrées relativement modérées depuis le 7 octobre. Les quelques tentatives d’attaques par drone en direction d’Israël ont toutes été interceptées, avec un soutien principalement verbal de la cause palestinienne et de l’Axe de la Résistance. Les milices étaient en effet concentrées sur leur objectif local : le départ des forces occidentales présentes dans le cadre de la coalition contre Daech. Avec un sens remarquable du timing, un accord a été annoncé le soir même de la mort de Nasrallah, prévoyant le départ partiel des troupes américaines dès 2025. Les réjouissances locales que l’on aurait pu attendre ont été quelque peu gâchées par l’attaque israélienne sur Beyrouth, et de nombreuses manifestations violentes ont éclaté dans Bagdad au cours du week-end, dont certaines à proximité de la « Zone verte » abritant les ambassades. Bien que cet accord puisse évidemment être renégocié en fonction des besoins opérationnels américains ces prochains mois, cela donne une nouvelle respectabilité aux milices irakiennes, qui pourraient s’en servir comme levier pour gagner une place plus importante au sein de l’Axe de la Résistance.
La voie du nucléaire ?
Les deux composantes de la « dissuasion conventionnelle » iranienne – son arsenal de missiles balistiques, de croisière et de drones, et ses relais régionaux – se retrouvent donc affaiblies dans la configuration actuelle. Bien qu’il conserve de nombreux leviers relevant de la « guerre hybride », le régime pourrait donc être tenté de se tourner vers l’arme ultime : la bombe nucléaire. La prolifération iranienne semble en effet hors de contrôle depuis la sortie par les États-Unis de l’accord de Vienne en 2018 : les rapports trimestriels de l’Agence internationale de l’énergie atomique font état de quantités croissantes d’uranium enrichi – et donc d’un temps réduit pour fabriquer un engin explosif –, bien qu’aucun signe d’arsenalisation du programme ne soit visible. La parole iranienne est également plus ouverte qu’avant sur ces perspectives, rappelant que des attaques israéliennes contre des installations du programme de Téhéran pourraient pousser le régime à franchir le seuil.
Cependant, la voie de l’acquisition d’une arme fonctionnelle reste aujourd’hui peu probable pour l’Iran. En effet, bien que ses réseaux aient été attaqués, et le territoire iranien frappé par Israël, les intérêts vitaux du pays ne sont pas menacés. Or, face à un État nucléaire, lui-même soutenu par la plus grande puissance atomique du monde, une arme nucléaire à vocation offensive serait inutile, voire dangereuse. De plus, ni la communauté occidentale ni les soutiens régionaux de l’Iran ne pourraient accepter une crise de prolifération dans une région déjà extrêmement tendue. Soucieux de poursuivre des efforts de désescalade, le président Pezeshkian a au contraire affirmé vouloir reprendre le dialogue et les négociations sur le désarmement en marge de sa venue à l’Assemblée générale annuelle des Nations unies. Même privé d’une stratégie régionale durable, l’Iran se satisfait donc pour le moment de son statut d’État du seuil nucléaire pour maintenir la dissuasion, se sachant capable de le franchir en quelques semaines sur une décision politique. Mais jusqu’à quand ?
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Après la mort de Nasrallah, quelle stratégie régionale pour l’Iran ?
Les tentatives de séduction, les portes qui claquent et les accusations d’infidélité, dignes de Feydeau, qui ont caractérisé le choix du Premier Ministre puis la formation du gouvernement, ont éclipsé l’annonce de la composition de la nouvelle Commission européenne : celle-ci a été à peine évoquée dans la presse et est restée absente des déclarations des responsables politiques. Elle est pourtant riche d’enseignements sur l’influence que la France a désormais au sein de l’Union Européenne et vis-à-vis de la Commission.
Quatre faits sont troublants.
1/ Thierry Breton a eu l’élégance de déclarer qu’il n’était plus candidat, ce qui a arrangé tout le monde, mais en précisant qu’Ursula von der Leyen avait réclamé son départ ; il a ensuite affiné son propos en indiquant que celle-ci avait placé Emmanuel Macron devant un choix : « ou bien c’est Thierry Breton mais avec un plus petit portefeuille, ou bien c’est un autre, mais avec un plus gros portefeuille ». Une forme de chantage, donc. Le propos n’est pas ici de dire qui, d’Ursula von der Leyen ou de Thierry Breton, avait raison dans les différents débats qui les ont opposés ces derniers mois ; il est de remarquer que la présidente de la Commission s’est permise de récuser un candidat présenté par la France et que le président de la République s’est plié à cette étrange initiative. On peut en déduire que le rapport de forces entre ladite présidente et ledit président n’est pas en faveur de ce dernier, à qui pourtant elle doit son poste, et que le poste de président de la Commission a pris une stature nouvelle, qui le place au-dessus des chefs d’Etat, ces derniers fussent-ils d’un grand pays.
2/ La « grosseur » du portefeuille alloué au commissaire français peut être discutée. Celui-ci est en charge de « la prospérité et la stratégie industrielle » : « vaste programme ! », pourrait-on s’exclamer, tant ces deux thèmes, et surtout le premier, sont vastes. Mais ils sont aussi bien vagues ! Cette imprécision autorise tous les débordements mais permet aussi une « cornérisation ». D’ailleurs, d’autres commissaires ont en charge « la transition » (climatique, peut-on supposer), « la souveraineté technologique », « l’économie et la productivité », « l’énergie », « la recherche et l’innovation », concepts qui sont beaucoup plus précis ; peut-on agir pour « la prospérité » et définir la stratégie industrielle de l’Union sans s’intéresser à ces domaines qui sont en d’autres mains ? L’action de « notre » commissaire sera donc conditionnée par celle de ses collègues compétents pour les mêmes problématiques.
On pourrait se rassurer en notant que le commissaire français fait partie des quatre « vice- présidents exécutifs » de la Commission. Mais le titre est plus honorifique que fonctionnel (la précédente Commission comportait huit vice-présidents exécutifs, chiffre élevé qui amène à relativiser l’importance du rôle) car leurs titulaires ne bénéficient d’aucun pouvoir hiérarchique sur les commissaires « de base » ; il ne peut d’ailleurs pas en être autrement puisque les décisions de la Commission sont collectives et que, juridiquement, chaque commissaire dispose du même poids que les autres. En outre, les trois autres vice-présidents exécutifs sont les commissaires présentés par l’Espagne, la Finlande et la Roumanie : difficile d’en déduire que le titre reflète l’importance du pays au sein de l’UE.
Le portefeuille confié au commissaire français est-il vraiment « un plus gros portefeuille » comme l’avait promis Ursula von der Leyen ?
3/ Le choix de Stéphane Séjourné peut surprendre. Il ne s’agit pas ici de discuter des mérites et des limites d’une personne mais seulement de noter que le nouveau commissaire français n’a ni la personnalité, ni l’expérience longue et multiple de son prédécesseur. Il est peu probable qu’il ait rapidement le même poids que lui au sein des instances européennes.
Les mauvais esprits pourraient penser qu’au moment où, en France, se met laborieusement en place une vraie-fausse cohabitation, son choix résulte avant tout de la volonté du président de la République d’avoir à Bruxelles un commissaire qui lui sera personnellement fidèle, de montrer que le choix du commissaire et les relations avec la Commission font partie du « domaine réservé » qu’il n’entend pas partager. Si cela était vrai, il faudrait en déduire que les vicissitudes de la politique intérieure ont le pas sur la défense des intérêts du pays au sein de la Commission.
4/ Le choix des commissaires et la répartition des rôles entre eux ne sont pas toujours favorables aux intérêts français. Ainsi, les deux commissaires qui seront en première ligne sur les questions énergétiques sont de fervents adversaires du nucléaire : l’Espagnole Teresa Ribera Rodriguez,
« vice-Présidente exécutive à la transition juste, propre et compétitive », et le Danois Dan Jorgenson, « commissaire à l’énergie et a au logement ». Il est étrange que, s’agissant d’un sujet aussi important et sensible, qui fait l’objet de fortes oppositions au sein de l’Union, la France n’ait pas pu éviter que les deux commissaires en charge de cette politique fassent l’un et l’autre partie du camp hostile aux orientations qu’elle défend.
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ce rapide examen :
1/ Le poids de la France dans l’UE se réduit. L’époque où les pays fondateurs pilotaient le processus est bien fini, la France n’est plus qu’un pays comme un autre, l’élargissement a fait son œuvre. La Commission s’est émancipée et le « couple franco-allemand » n’est qu’un souvenir.
2/ Le Commissaire français aura bien des difficultés à défendre, dans le cadre des orientations communautaires, nos intérêts nationaux. Il disposera de bien peu de leviers pour son action au sein des institutions communautaires.
3/ Alors que chaque renouvellement de la Commission est toujours l’occasion, pour chaque pays, de pousser ses pions, les dirigeants français ont fait preuve d’une grande légèreté (naïveté ou impuissance ?). Ils n’ont pas cherché à, ou su, résister aux pressions de leurs homologues ou de la présidente de la Commission. C’est surprenant compte tenu de l’importance que tient l’Europe dans leurs discours.
Tout se passe donc comme si la France se désengageait involontairement du pilotage des institutions européennes, Une sorte de Frexit institutionnel, en quelque sorte. Etonnant !
L’effort envers les armées françaises est nécessaire et sera poursuivi, a défendu hier le nouveau Premier ministre Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale.
« Face à ces conflits, face à l’instabilité persistante et grave tout autour de nous, face à toutes les menaces hybrides, l’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi », déclarait Michel Barnier dans une sortie concise mais à première vue encourageante sur la trajectoire budgétaire des armées.
« Poursuivre cet effort de défense et de solidarité, c’est aussi exprimer la reconnaissance de la nation aux militaires en pensant aux 26 000 hommes et femmes déployés sur tous les théâtres d’opérations (…) C’est le sens de la loi de programmation militaire pour les années 2024-2030 que nous mettrons en œuvre », poursuivait-il sans davantage de détails. Adoptée l’an dernier, cette LPM dite « de transformation » établit à 400 Md€ le besoin en ressources budgétaires sur sept ans, un socle financier d’emblée considéré comme un minimum.
Finalement publiés le 19 septembre, les plafonds de dépenses proposés par le gouvernement précédent fixent à 50,5 Md€ les crédits alloués à la mission Défense pour l’an prochain. Soit une hausse de 3,3 Md€ conforme à la trajectoire inscrite dans la LPM. De quoi garantir la poursuite d’un réarmement et d’un développement de l’investissement militaire qui « s’inscrivent dans la situation internationale et les différentes menaces auxquelles le pays doit faire face ».
« À la suite de la loi de programmation militaire 2024-2030, le plafond prévisionnel des dépenses du ministère des Armées augmenterait en 2025. Cet investissement supplémentaire assurerait les dépenses d’investissement et les commandes de matériel nécessaires à la modernisation de nos armées», complète un texte désormais caduc.
Si les signaux positifs se succèdent, le couperet de la dette reste omniprésent. Le nouveau gouvernement s’y est engagé, il compte ramener le déficit à 5% en 2025 et sous la barre des 3% en 2029. Estimée à plus de 40 Md€, l’économie exigée proviendrait pour deux-tiers d’une réduction des dépenses. Le reste sera généré par de nouveaux impôts. « Ce sera très difficile », concède Michel Barnier. Le PLF devrait être adopté le 10 octobre en Conseil des ministres en vue d’une discussion engagée le 21 octobre pour la première partie du texte, le 5 novembre pour la seconde.
C’est en 2014 que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], via son chef d’état-major, qui était alors le général Denis Mercier, leva le voile sur un projet visant à développer un successeur au missile ASMP-A rénové, sur lequel repose la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française [Forces aériennes stratégiques et Force aéronavale nucléaire]. Deux projets étaient en balance : l’un privilégiant la furtivité, l’autre mettant l’accent sur le l’hypervélocité.
Dans un cas comme dans l’autre, le développement de ce nouveau missile, appelé ASN4G [Air-Sol Nucléaire de 4e génération] allait poser plusieurs défis, comme le souligna l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] dans son plan stratégique pour la période 2015-25.
Ainsi, la furtivité exigeait de mener à bien des travaux sur des matériaux aux « caractéristiques pérennes et compatibles avec la sévérité des environnements subis » ainsi que sur des « systèmes de préparation de mission optimisés pour la réactivité et la pénétration maximisée des défenses ». Même chose pour l’hypervélocité, qui supposait de faire appel à un « très grand nombre de disciplines », comme la propulsion, l’aérodynamique, les matériaux, etc.
En 2021, aucun choix n’était encore arrêté définitivement. Dans un avis budgétaire, l’ex-député Christophe Lejeune avait expliqué que deux Plans d’études amont [PEA] avaient été lancés. Ainsi, le PEA « Camosis » s’intéressait à la furtivité tandis que le PEA Prométhée se concentrait sur l’hypervélocité, avec des études sur un statoréacteur mixte [c’est-à-dire un moteur effectuant successivement une combustion subsonique et supersonique].
Même s’il n’y a pas eu de confirmation officielle, tout laisse à penser que le futur ASN4G sera un missile hypersonique. En tout cas, conseiller « défense » du PDG de MBDA, l’amiral [2S] Hervé de Bonnaventure l’avait suggéré lors d’une audition parlementaire en 2023. « Il apparaît que la très haute performance en vitesse et en manœuvre est la meilleure méthode pour parvenir à être détecté le plus tardivement possible, et compliquer la tâche de suivi d’un radar, voire, d’accrochage, et, enfin, à désorganiser une attaque d’un missile antimissile », avait-il en effet expliqué.
Le marché « MIHYSYS » que vient de notifier la Direction générale de l’armement [DGA] à l’ONERA et à MBDA le confirme.
« Le programme MIHYSYS permet de poursuivre l’amélioration continue des connaissances, des moyens de prévision et de briques technologiques, y compris alternatives, pour les chambres de combustion des propulseurs aérobies supersoniques et hypersoniques », explique en effet l’ONERA, via un communiqué publié le 30 septembre. En clair, ces travaux porteront sur un statoréacteur mixte, pour lequel une expérimentation visant à « recaler des modèles de simulation » a été récemment menée dans le cadre du projet ASTREE.
Il s’agit d’une « contribution majeure […] à la composante nucléaire aéroportée sur le long terme », précise l’ONERA.
Et d’ajouter : Ce « programme prévoit notamment le développement de nouvelles capacités et de nouveaux modèles pour la simulation numérique des chambres de combustion avec le code de calcul CEDRE. Des simulations confrontées à l’expérimentation grâce aux moyens dédiés de l’ONERA ».
Pour rappel, CEDRE est un logiciel de simulation multi-physique pour l’énergétique et la propulsion.
Le marché MIHYSYS aura d’autres implications. Il va permettre aussi de développer des capacités en calcul quantique, « au potentiel de rupture considérable » [dixit l’ONERA] pour la mécanique des fluides et l’énergétique.
Dans le domaine des armes de guerre, certaines ont été largement utilisées par le passé, dont la fameuse mitrailleuse M60. Elle n’est plus en service depuis plusieurs décennies au sein de l’armée des États-Unis. Pourtant, une nouvelle commande vient d’être passée.
Une nouvelle commande de M60 de la part des États-Unis
Le Pentagone vient de signer un contrat d’une valeur de près de 15 millions de dollars avec U.S. Ordnance pour fournir un nombre non spécifié de mitrailleuses M60E4 et M60E6 de calibre 7.62x51mm. Mais aussi, des kits de conversion pour mettre à jour d’anciens modèles de M60. Cette commande inclut également des pièces détachées, des accessoires, ainsi qu’une formation pour les utilisateurs.
Ce contrat doit s’étendre jusqu’en septembre 2029. Cependant, le projet a été annoncé sans préciser à qui les armes étaient destinées. Pourtant, ces mitrailleuses ne sont plus utilisées massivement par les forces armées américaines, ce qui soulève des questions quant aux bénéficiaires potentiels de ces nouvelles armes. Certains analystes spéculent que ces M60 pourraient être envoyées à un allié étranger, peut-être dans le cadre d’une assistance militaire à un pays comme l’Ukraine.
Pourquoi relancer la production d’une arme déclassée ?
La M60, surnommée la « Pig » pour son poids et sa cadence de tir, a été l’une des armes de prédilection des troupes américaines durant la guerre du Vietnam. Toutefois, elle a progressivement été remplacée par des systèmes plus modernes, notamment le M240. Alors, pourquoi une nouvelle commande pour une arme vieillissante ?
Les experts suggèrent que les M60E4 et M60E6, bien que dérivées du modèle original, sont des versions améliorées, offrant une meilleure ergonomie, une fiabilité accrue, et un poids réduit, ce qui pourrait les rendre attractives dans des théâtres d’opérations spécifiques ou pour des alliés moins équipés. La commande pourrait également répondre à des besoins opérationnels spécifiques, notamment dans le cadre de tests, d’évaluations ou de formations.
Bien que les responsables américains restent discrets, les circonstances de cette commande coïncident avec le soutien militaire accru apporté à Kiev. Depuis le début de la guerre avec la Russie, les États-Unis ont envoyé de nombreuses armes et équipements militaires à l’Ukraine. La M60, malgré son âge, pourrait jouer un rôle en tant qu’arme d’appui légère dans les forces ukrainiennes, notamment dans le cadre de la défense territoriale ou de certaines unités non frontalières.
Cédric Bonnefoy est journaliste en local à la radio. À côté, il collabore depuis 2022 avec Économie Matin.
En 1978, le ministère néerlandais de la Défense confia au constructeur naval RDM [Rotterdamsche Droogdok Maatschappij] le soin de mener à bien le programme Walrus II, lequel devait permettre de doter la marine royale des Pays-Bas de quatre nouveaux sous-marins.
Depuis, l’industrie navale néerlandaise a perdu ses savoir-faire dans ce domaine, RDM ayant dû baisser le rideau en 1996. Et, faute d’avoir pu lancer un nouveau programme dans les délais, un premier sous-marin de type Walrus a été retiré du service en octobre 2023, afin de pouvoir continuer à mettre en œuvre les trois exemplaires restants jusqu’à la réception de leurs successeurs.
Cela étant, en mars dernier, soit quarante-six ans après le lancement du programme Walrus, le gouvernement néerlandais annonça qu’il avait finalement retenu le français Naval Group pour lui fournir quatre sous-marins à propulsion classique de type Black Sword Barracuda. Et cela, aux dépens du tandem formé par Damen et Kockhums ainsi qu’à ceux de ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS]. Seulement, il fallait encore transformer l’essai.
Un premier obstacle fut franchi en juin, quand les députés néerlandais, malgré une campagne de presse ayant critiqué les modalités de l’appel d’offres, approuvèrent le choix de Naval Group et celui de son partenaire IHC Royal pour ce programme de sous-marins, désormais appelé « Orka ». Un second le fut après que le tribunal de La Haye rejeta un recours qui avait été déposé par TKMS.
Pour autant, avant de notifier officiellement le contrat, il restait encore à trouver un accord sur l’organisation industrielle du programme. Ce qui fut fait le 10 septembre, avec la signature d’un « Accord de coopération industrielle obligatoire » [ICA], d’une valeur d’un milliard d’euros.
« Cet accord définit la stratégie de coopération industrielle de Naval Group avec le secteur maritime et de défense néerlandais, impliquant des industries et des centres d’excellence, dans le but de maximiser l’autonomie stratégique », avait alors précisé l’industriel français.
Quoi qu’il en soit, la voie étant ouverte, plus rien n’empêche la signature du contrat. Selon La Presse de la Manche, la Tribune et le site spécialisé MarineSchepen, elle devrait avoir lieu ce 30 septembre. Quant à son montant, il serait de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros. Du moins, est-ce la « fourchette » la plus fréquemment évoquée.
Par la suite, Naval Group et ses partenaires auront dix ans pour construire et livrer les deux premiers sous-marins [l’Orka et le Zwaardvis] à la marine royale néerlandaise. Suivront ensuite le Barracuda et le Tijgerhaai, avant 2039. Pour rappel, les quatre unités seront produites à Cherbourg.
Les Airbus A380 reprennent leur envol après quatre ans d’hibernation.
C’est un des modèles les plus iconiques de l’histoire de l’aviation et le 13 septembre 2024 a marqué un petit « chamboulement » dans l’aéronautique avec le retour inattendu de deux Airbus A380, qui avaient été mis en sommeil pendant quatre ans dans un cimetière d’avions en Espagne. Ces géants des cieux, laissés pour obsolètes, retrouvent le ciel et réaffirment leur place dans l’aviation commerciale.
A380 : Le réveil des géants à Teruel
L’aéroport de Teruel, connu pour sa maintenance et son recyclage d’avions, a été le théâtre d’un événement remarquable ce vendredi 13 septembre 2024. Deux Airbus A380, appartenant à Lufthansa et Etihad Airways, ont quitté simultanément ce site après une pause de quatre années. Le premier, immatriculé A6-APE et appartenant à Etihad, a pris son envol vers Abu Dhabi, tandis que son homologue de Lufthansa, immatriculé D-AIMA, a pris la direction de Francfort.
De la remise en service à la modernisation
Ces deux avions ne se contentent pas de reprendre les airs ; ils subissent également des opérations de maintenance ou de modernisation pour répondre aux exigences actuelles. Par exemple, l’A380 de Lufthansa s’est dirigé vers Manille deux jours après son départ d’Espagne pour des travaux spécifiques, signe que le retour n’est pas seulement opérationnel mais aussi stratégique.
L’A380 plébiscité des passagers et des équipages
« Les passagers et les équipages l’adorent », a souligné Carsten Spohr, PDG de la Lufthansa, sur CNBC, révélant l’affection profonde et continue pour ce modèle. L’A380 reste prisé pour son confort et sa capacité, des traits qui continuent de séduire malgré un contexte économique et écologique changeant.
Investissements et plans futurs
Emirates, par exemple, investit environ 2 milliards de dollars dans la rénovation de 120 appareils, dont 67 Airbus A380. Ce programme de remise à neuf illustre l’engagement des compagnies aériennes à maintenir en service ce modèle emblématique, malgré l’arrêt de sa production annoncé en 2019.
La persévérance du « paquebot des airs »
L’Airbus A380 était destiné à une retraite anticipée après la décision d’Airbus d’arrêter sa production. Cependant, la demande persistante et le besoin de capacité élevée sur des routes très fréquentées permettent à cet avion de continuer à voler. Aujourd’hui, dix compagnies aériennes utilisent l’A380 pour leurs routes les plus longues, montrant que l’appétit pour ce gros-porteur n’a pas diminué.
Une longévité surprenante
Avec une histoire qui pourrait se prolonger de deux décennies supplémentaires, selon un responsable d’Airbus, le A380 pourrait continuer à façonner l’avenir du transport aérien. Sa capacité à évoluer et à s’adapter aux nouvelles normes pourrait lui permettre de rester un acteur majeur dans les cieux du monde entier.
Cet article explore la reprise inattendue du service des Airbus A380, soulignant la fidélité des compagnies aériennes et des passagers pour ce modèle. Malgré des défis économiques et environnementaux, l’A380 continue de voler haut, promettant de rester un pilier de l’aviation commerciale pour les années à venir.
Adulé par les uns, honnis par les autres, le défunt secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah ne laisse pas indifférent. Retour sur sa jeunesse, son activisme au sein du parti chiite et son implication pour faire de son organisation une puissance régionale. Amputé de son leader charismatique, quel est l’avenir du mouvement libanais ? Analyse.
En fin d’après-midi le 27 septembre peu après 18h30, les F-35 israéliens pilonnent un quartier de la banlieue sud de Beyrouth, véritable fief du Hezbollah. Selon les dires de Tsahal, «le quartier général souterrain» du mouvement chiite libanais, «situé sous un immeuble résidentiel» a été visé, tout en affirmant que le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah a été éliminé. Pendant plusieurs heures, la rue libanaise et tout le Moyen-Orient attendaient impatiemment le communiqué officiel du parti. Il est arrivé en fin de matinée le 28 septembre précisant que « son Éminence, le Sayyed, le chef de la Résistance, le serviteur vertueux, a rejoint la demeure de son Seigneur ». Le texte précise également que le mouvement chiite promet « plein de sacrifices et de martyrs, de poursuivre son djihad en affrontant l’ennemi sioniste ».
Aux quatre coins du Moyen-Orient, cette annonce fait office d’un séisme politique. A Idlib, dans le dernier bastion djihadiste syrien, dans certains quartiers chrétiens libanais et en Israël, la nouvelle donne lieu à des scènes de liesses. Les chiites d’Irak, d’Iran, du Liban ainsi que plusieurs villes syriennes sont sous le choc, entre tristesse et désespoir.
L’éveil politique
Hassan Nasrallah est né le 31 août 1960 dans le quartier de la Quarantaine, non loin du port de Beyrouth. À l’époque, des masures de bois et de tôle abritaient là un extraordinaire melting-pot de la misère. Les chiites pauvres venus du Liban-Sud se mêlaient aux réfugiés palestiniens, à des Kurdes et à des Arméniens, qui se partageaient ce bidonville aux portes de la capitale. Dès son plus jeune âge, Hassan Nasrallah s’est imprégné des petites histoires de « ces peuples sans terre » que sont les Palestiniens, les Kurdes et les Arméniens. Son père Abdel Karim s’est installé à Beyrouth, comme de nombreux chiites de l’époque, pour trouver un travail dans la capitale.
Très vite, son adolescence est marquée par le début de la guerre civile libanaise qui débute en 1975. L’enfance et l’adolescence du Sayyed sont rythmées par ce conflit, dont une partie de la communauté chiite considère qu’il ne la concerne pas. Le futur leader du Hezbollah se prend d’admiration pour Moussa Sadr, l’imam chiite qui prônait la fin de l’injustice sociale et économique pour les déshérités. Sa famille s’installe à Sin el-Fil, quartier chrétien de Beyrouth avant d’être chassé par les milices chrétiennes en 1975. Le clan Nasrallah rejoint finalement le village d’origine de son père d’al-Bazouryié.
Mais le jeune Nasrallah a d’autres projets en tête. Il rejoint Najaf, la ville sainte du chiisme arabe en Irak, pour y poursuivre des études de théologie. Il a 16 ans à peine quand il rencontre, là-bas, le grand imam Mohammed Baker al-Hakim, fondateur du parti al-Daawa, qui lui donne comme tuteur un étudiant libanais, Abbas Moussaoui, prédécesseur de Hassan Nasrallah à la tête du Hezbollah.
En raison de la situation politique en Irak et de la répression des milieux religieux chiites par Saddam Hussein, il retourne au Liban en 1978 en rejoignant les rangs du nouveau parti chiite de l’époque Amal. Lors de son retour, le sud du pays du Cèdre est en proie aux opérations de l’armée israélienne qui intervient jusqu’au fleuve Litani, à 40 kilomètres de la frontière. Hassan Nasrallah décide donc de rejoindre la plaine de Békaa ou il va gravir les échelons au sein du mouvement politique. Toutefois, il fait partie d’un courant de plus en plus sensible aux idées défendues par l’ayatollah Khomeiny qui vient de renverser le shah d’Iran.
Propulsé à la tête du Hezbollah
L’invasion israélienne de 1982 marque un tournant dans la vie de la communauté et de l’homme. Alors que Nabih Berry, chef du parti depuis 1980, choisit de participer au comité de salut national aux côtés de Bachir Gemayel, une branche de l’appareil partisan menée par Hussein al-Moussaoui fait sécession pour fonder avec le soutien de la République islamique d’Iran ce qui deviendra deux ans plus tard le « Hezbollah ». La même année, il intègre la première cohorte de jeunes chiites formés au camp de Janta, dans la Békaa, sous supervision des pasdarans iraniens. Téhéran avait envoyé de nombreux conseillers militaires, avec l’aval de la Syrie, à la frontière syro-libanaise.
Les années au sein du mouvement avant sa prise de fonction en tant que secrétaire général du parti sont mal documentées. En 1987, à 27 ans, Hassan Nasrallah est nommé président du conseil exécutif au sein de la plus haute autorité de l’organisation – le Conseil consultatif (Choura). L’homme se consacre pleinement à l’action politique et à la théologie et ne se consacre aucunement aux actions militaires du mouvement.
L’assassinat du deuxième secrétaire général du parti, Abbas el-Moussaoui, par un raid israélien en février 1992 le propulse du jour au lendemain au sommet de l’appareil politique. Les cadres du Hezbollah, qui ne veulent pas donner à l’ennemi l’impression d’une victoire, précipitent l’élection d’un successeur. Certains ne sont pas convaincus par ce jeune d’à peine 31 ans, compagnon de route de longue date du chef défunt, qui semble être le favori à Téhéran. Mais le temps presse : Hassan Nasrallah est élu secrétaire général. Il le restera, créant au fil des ans une stature de leader rarement égalée dans la région. Le 24 février 1992, une semaine après l’assassinat du précédent leader du parti, il affirme face à la foule que son mouvement est prêt à « venger » la mort de l’ancien dirigeant. Il appelle « le peuple et les partis politiques libanais, notamment chrétiens, à se joindre à la résistance ».
La même année, il intègre le parti dans l’échiquier politique libanais avec l’élection de plusieurs députés et normalise peu à peu ses relations avec l’ancien frère-ennemi Amal avec lequel ils ont eu de nombreux contentieux sur la question palestinienne. D’un point de vue opérationnel, l’aile militaire se professionnalise et délaisse le mode opératoire terroriste du début des années 1980. Compte tenu du harcèlement constant des troupes israéliennes et de l’Armée du Liban Sud, le Hezbollah obtient le retrait des forces de Tsahal en mai 2000.
2006, le paroxysme de sa gloire
Outre cette victoire militaire historique, le parti obtient ses premiers ministres en 2005. L’assassinat de Rafik Hariri le 14 février 2005 et le retrait des forces syriennes du pays mettent le mouvement en difficulté sur le plan interne. Toutefois, Hassan Nasrallah confirme sa volonté de libaniser et de nationaliser son mouvement. Le mouvement cherche à sortir de son tropisme pan-chiite en scellant une alliance qui fera date avec le Courant patriotique libre du général Michel Aoun le 6 février 2006. L’accord est signé entre les deux hommes à l’église de Mar Mikhaël dans la banlieue sud de Beyrouth. La consécration pour le parti intervient lors de la guerre dite de 33 jours en juillet 2006 contre les forces israéliennes. Embourbées dans le sud du pays du Cèdre, les forces israéliennes n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs militaires.
Hassan Nasrallah est même comparé à Gamal Abdel Nasser au lendemain de la nationalisation du canal de Suez en 1956. Des portraits du secrétaire général du Hezbollah étaient présents dans toutes les villes du Moyen-Orient. Des manifestations sont organisées du Maroc au Golfe, aussi bien par des leaders nationalistes, socialistes que par les islamistes des frères musulmans. A Tripoli, des milliers de libyens descendent dans les rues pour exprimer leur soutien et inciter le mouvement chiite à attaquer Tel-Aviv. Une étude du Centre Ibn Khaldoun, réalisée au lendemain du conflit, place Hassan Nasrallah comme personnalité préférée des Egyptiens. En 2006, le Hezbollah était au paroxysme de sa gloire.
Sur la scène libanaise, le Hezbollah passe d’un parti minoritaire à un mouvement omnipotent dans les affaires étatiques. Le coup de force de 2008 face au clan sunnite est un premier indicateur du changement de paradigme du parti au Liban. En 2011, le dirigeant apparaît dans la liste du magazine Times des 100 personnalités les plus influentes au monde. À partir de 2011 et jusqu’à aujourd’hui, les bouleversements régionaux induits par les soulèvements des printemps arabes modifient l’ordre des priorités pour Téhéran et pour le leader du Hezbollah. Les combattants du parti interviennent en Syrie dès les premières années pour aider les troupes de Bachar el-Assad. Sanctuariser le régime de Damas permettait d’assurer la fonctionnalité du corridor terrestre allant de Téhéran à la Méditerranée, en passant par l’Irak et la Syrie.
Un pion lâché par Téhéran ?
La popularité de Hassan Nasrallah est en baisse dans le monde sunnite du fait de son implication sur le territoire syrien, accusé d’avoir commis plusieurs crimes de guerre. Il jouit néanmoins d’une profonde admiration auprès des Chrétiens syriens dont les villages ont été libérées des mains des djihadistes par le Hezbollah. La ville emblématique de Maaloula, ou l’on parle encore l’araméen, a été reprise grâce aux combattants chiites libanais. Sous son impulsion, le Hezbollah a également défendu le territoire libanais contre les incursions djihadistes entre 2015 et 2017.
En interne, les corps de « martyrs » qui reviennent du front syrien par centaines, voire plus, embarrassent le mouvement. Les critiques sont émises sur l’abandon de l’ADN du parti, répondant maintenant aux ordres de Téhéran pour satisfaire son agenda géopolitique régional. En effet, le Hezbollah des années 2010 tisse des liens aux quatre coins du Moyen-Orient, de l’Irak au Yémen, agissant sous la tutelle des Gardiens de la révolution.
La crise politique de 2019, l’explosion du port de Beyrouth en 2020 et l’assassinat de Lokman Slim viennent ternir encore un peu plus l’image du Hezbollah sur la scène libanaise. Faisant parti de l’establishment libanais, rien est fait sans l’aval du mouvement, bloquant ou imposant les réformes au gré de son agenda.
Prenant fait et cause pour le Hamas pour diviser les troupes israéliennes, le Hezbollah a été pris à son propre jeu. Alors que le parti guerroyait, l’armée israélienne préparait sa riposte depuis sa défaite de 2006. En l’espace d’une semaine elle a montré qu’elle avait des dizaines de coups d’avance sur son ennemi. Elle semble tout connaître du parti chiite : ses planques, ses cadres, ses commandants, ses dépôts de missiles, ses moyens de communication.
Alors que beaucoup d’experts et de journalistes le croyaient en Iran ou à l’étranger, Hassan Nasrallah était bel et bien dans un souterrain de la banlieue sud de Beyrouth. Son parrain iranien l’a-t-il abandonné sur l’autel de la realpolitik pour assurer son programme nucléaire et la levée des sanctions ? Est-ce que son parti, qu’il a réussi à modeler à son image, survivra à son élimination ? Une chose est sûre, le mouvement va connaître une période délicate de transition pour remodeler sa hiérarchie politique et militaire. Plusieurs noms circulent déjà pour le remplacer à l’instar de Naïm Qassem, le numéro 2 du parti, Mohammed Yazbek, qui dirige le conseil religieux de l’organisation et enfin Hashem Safieddin, chargé des affaires politiques et économique et cousin de Hassan Nasrallah.
Hassan Nasrallah par le biais de ses discours enflammés aura marqué des générations de partisans qui seront ou non reprendre le flambeau. En décapitant l’exécutif du Hezbollah et en éliminant son ennemi numéro 1, Israël a porté un coup fatal mais a peut-être ouvert la porte au retour d’une forme de djihadisme erratique.