Le SSA veut s’équiper en Modules MEDEVAC Tactique Terrestre (MMTT)

Le SSA veut s’équiper en Modules MEDEVAC Tactique Terrestre (MMTT)

Photo ECPAD

Pour renforcer la mobilité du soutien médical en opération et « se préparer à un soutien médical opérationnel d’un engagement majeur ou de haute intensité, dans un contexte tactique complexe » (voir les 4 chantiers de l’axe opérationnel du document Ambitions SSA 2030), le Service de santé des armées voudrait disposer de nouvelles capacités de prise en charge et d’évacuation des blessés graves.

Il a donc lancé une consultation sur le développement d’un module MEDEVAC Tactique Terrestre » (MMTT) basé sur un conteneur 20 pieds protégé et compatible avec les moyens logistiques de l’armée de Terre, dont le porteur PPLOG. Ce module pourra être déployé en phase statique à bord d’un bâtiment de la Marine nationale

Le futur MMTT doit pouvoir accueillir quatre brancards (donc quatre patients couchés nécessitant des soins critiques) et des moyens de déchocage, de chirurgie de sauvetage et de soins critiques issus du rôle 2, de même que divers espaces de rangement et surfaces de travail pour les soignants. L’objectif est de pouvoir prendre en charge jusqu’à quatre blessés graves pendant huit heures. L’aménagement doit par ailleurs permettre d’y stocker l’armement et les protections balistiques du personnel ainsi que l’eau et les vivres nécessaires pour tenir 48h en autonomie.

Voici une description fonctionnelle générique du MMTT:

Le programme, actuellement en phase d’appel à candidature, se subdivise en quatre postes: développement puis acquisition de MMTT, maintien en condition opérationnelle et évolutions du système. Selon l’appel d’offres, ce projet pourrait nécessiter une enveloppe maximale de 180 M€ sur 10 ans.

Rapport de la Cour des comptes sur les zones de compétences : l’analyse du général (2S) Bertrand Cavallier

Rapport de la Cour des comptes sur les zones de compétences : l’analyse du général (2S) Bertrand Cavallier


Le général de division (2s) de Gendarmerie Bertrand Cavallier, expert en sécurité intérieure, consultant pour plusieurs médias, dont la Voix du Gendarme, réagit au rapport de la Cour des Comptes consacré aux zones de compétences de la Gendarmerie et de la Police.

LVDG : le ministre de l’Intérieur doit-il suivre les recommandations de la cour des comptes du sujet des zones de compétences ?

Général (2S) Bertrand Cavallier : la Cour des comptes formule des pistes de réflexion intéressantes qui ne sont cependant pas nouvelles. Mais elle ne prend pas, à mon avis, suffisamment en considération, deux éléments essentiels qui renvoient au principe de redevabilité envers la population.

Tout d’abord, le service de sécurité concret rendu tant dans la mission du quotidien que dans la capacité de montée en puissance en cas de crise ponctuelle ou généralisée, au profit des populations. En la matière, il suffit de se poser de façon non exhaustive quelques questions incontournables :

– le nombre de patrouilles à un instant T (notamment la nuit), par rapport à l’effectif d’une unité donnée ;

– les chiffres de la délinquance, sachant que les phénomènes nouveaux qui touchent la Gendarmerie – principalement le trafic de stupéfiants – sont générés à partir de zones devenues de non droit qui ne relèvent pas de sa compétence;

– la réponse à l’évènement. Comme le révèle la Cour des comptes, le protocole CORAT (Coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires) est quasi exclusivement dans un sens unique, alors même que très souvent, l’unité de Police bénéficiaire compte plus d’effectifs que l’unité de Gendarmerie fournisseuse de renforts, et que celle-ci est déjà en charge d’une circonscription peuplée mais également très étendue ( la Gendarmerie assure la sécurité au profit de 55% de la population sur 95% du territoire national).

Ensuite, mais adossée à ce concept de redevabilité, la productivité d’un service donné, par rapport à la dotation budgétaire allouée. Ce critère prend tout son sens dans un contexte budgétaire dégradé et incertain, dans lequel d’aucuns souhaiteraient recourir encore plus à l’impôt, c’est-à-dire demander plus encore aux citoyens, sans garantir en retour une amélioration significative du service rendu.

LVDG : au delà des seuls transferts de zones de compétence, quelles sont les mesures à adopter d’urgence selon vous pour répondre aux attentes des Français en matière de sécurité ?

Général (2S) Bertrand Cavallier : je me suis déjà exprimé dans ce même média sur certains grands axes autour desquels pourraient s’articuler l’action du ministre de l’Intérieur. Sachant que la situation est grave et, comme l’a indiqué le préfet des Alpes-Maritimes, va empirer. Je constate cependant une rupture au sens positif du terme dans la politique sécuritaire initiée depuis septembre dernier.

L’arrêt des surenchères catégorielles

S’agissant des mesures d’urgence, j’en identifie quatre, qui participent évidemment d’une dynamique inter-ministérielle :

– d’une part, au travers d’une démarche globale, et de remise à plat du système (attendue notamment par Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats FO), pouvoir réamorcer la logique du procès pénal, c’est-à-dire la cohérence entre le constat d’une infraction, l’identification de son auteur, et son renvoi effectif devant une juridiction avec le restauration de la peine d’emprisonnement (même très court, voir l’exemple danois). Or les prisons sont pleines, et l’augmentation des infractions graves, notamment les violences de toute sorte, va accentuer l’absurde auxquels sont confrontés gendarmes et policiers dans l’exercice de leur mission, sans évoquer le désarroi de la population. En conséquence, l’expulsion des étrangers (plus de 20% des personnes détenues) à l’issue de leur emprisonnement est un impératif majeur qui ne saurait être subordonné à de quelconques arguties diplomatiques. La France doit redevenir souveraine. Cette mesure aura de surcroît un effet dissuasif s’agissant du comportement d’individus d’orgine étrangère, tout en confortant l’immense majorité des étrangers qui respecte les lois de la République. Par ailleurs, la construction de nouvelles prisons (15 000 places) est incontournable, et devrait permettre, de créer notamment des établissements dédiés aux courtes peines, comme l’envisage le garde des sceaux, Gérald Darmanin.

la reconquête effective de certains quartiers, devenus des centres de gravité des organisations criminelles, selon une logique de concentration des efforts et d’approche globale, en s’appuyant sur l’ensemble des capacités dont dispose l’Etat, y compris de renseignement et de services spécialisés, en agissant tant sur les filières étrangères (narco-trafic) que sur les mouvances de blanchiment. La République doit démontrer qu’elle est forte. La sixième puissance mondiale doit prouver qu’elle est capable de maintenir l’ordre sur son propre territoire. Cette reconquête doit être adossée à un véritable contrôle des frontières intérieures et extérieures de l’Union européenne, tant les flux d’immigration massifs déstabilisent aujourd’hui de façon globale le corps social.

– l’arrêt des surenchères catégorielles qui ont été dominantes depuis trente ans, au point, sur fond de budget qui ne saurait être illimité, de fragiliser le fonctionnement et surtout de sacrifier les investissements.

La réalité budgétaire s’impose aujourd’hui à une France qui doit redécouvrir le sens de l’effort, qui doit refaçonner une fonction publique trop longtemps dominée par le fameux “Toujours plus”, titre d’un livre de François de Closets paru en 1984 et, force de le constater, toujours d’actualité!

Le toujours plus de moyens n’est plus acceptable. Doivent être évoqués, d’ailleurs pointées du doigt à plusieurs reprises par la Cour des comptes, la complexité et la réalité des règles de fonctionnement des forces de sécurité intérieure. Doit être notamment clarifiée la question du temps de travail effectif (sans évoquer les abus d’arrêt de travail qui atteignent des proportions inégalées dans la fonction publique). S’agissant de la Gendarmerie, cette question du temps de travail renvoie bien évidemment au maintien de sa pleine appartenance aux forces armées, tel que voulu par la représentation nationale par la loi du 4 août 2009. (*)

Réformer le cadre juridique de l’usage des armes

La dernière mesure mais qui appellera un développement particulier, porte sur la réforme du cadre juridique de l’usage des armes par les forces de sécurité intérieure, défini par l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure. Ce cadre qui, est notamment devenu plus restrictif pour la Gendarmerie, n’est manifestement pas adapté à l’évolution de la délinquance.

Il met en insécurité physique et juridique les membres des forces de l’ordre dans de nombreuses situations où ils devraient intervenir, y compris par le recours à l’usage des armes.

(*) Général Cavallier : “la directive temps de travail est une menace inacceptable pour la protection des Français”

L’ Ukraine et la GRH de guerre par Michel Goya

L’ Ukraine et la GRH de guerre

par Michel Goya – La Voix de l’épée – publié le  15 janvier 2025

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Les nations anticipent rarement avoir à mener des guerres longues et s’obligent donc, le plus souvent, à improviser la manière de gérer les hommes qui la font. La réussite de cette gestion des ressources humaines « de guerre » conditionne ensuite largement celle des forces armées sur le front. Une des infortunes de l’Ukraine est qu’elle n’a pas réussi à dépasser les dysfonctionnements de son État pour instaurer une GRH de guerre aussi efficace qu’elle aurait dû et pu être. Il est désormais bien tard, mais tout n’est pas perdu pour autant, à condition de prendre des mesures fortes.

Maintenir le capital humain dans le chaos

Le but premier de la GRH de guerre est de maintenir le capital humain des grandes unités sur le front. Il ne s’agit pas simplement de remplacer « homme pour homme » toutes les pertes, mais uniquement celles qui sont définitives : tués, prisonniers, disparus et blessés graves. Pour le reste, plus de la moitié des absents des unités sont des blessés légers, qui sont normalement destinés à revenir dans les rangs, en permissions ou en formation si la situation le permet, ou enfin des déserteurs de plus ou moins longue durée. Les unités sur le front, comme les brigades ukrainiennes, sont donc déjà systématiquement en sous-effectif par rapport à leur structure réglementaire, censée représenter l’organisation tactique optimale. On peut imaginer, comme dans certaines armées du passé, faire appel à un pool d’ « intérimaires » pour combler, au moins temporairement, ces trous. Cependant, outre que c’est un exercice très délicat sous le feu, les unités ukrainiennes n’ont pas le luxe de ce surplus.

Une fois que l’on a une idée des besoins humains, il faut ensuite s’efforcer d’envoyer les bons individus au bon endroit, et donc associer des compétences à des postes, avec cette difficulté supplémentaire que les postes peuvent aussi changer au cours d’une guerre longue. De nouvelles spécialités peuvent émerger, comme l’emploi des drones, qui nécessitent de plus en plus de personnel. D’autres peuvent au contraire décliner, car devenues moins utiles ou simplement parce qu’à effectifs constants ou croissants faiblement, on ne peut satisfaire tout le monde. On assiste donc le plus souvent à une bataille des spécialités pour obtenir la meilleure part possible d’une ressource humaine presque toujours insuffisante à toutes les satisfaire en volume et en qualité.

Il s’agit de mettre en place ensuite une structure de recrutement et de formation à l’arrière capable de satisfaire ces besoins humains changeants et cette structure elle-même a besoin de ressources matérielles, des camps et des équipements d’instruction, et surtout humaines, des cadres en particulier. Cette structure arrière entre donc elle-même dans l’équation complexe de l’allocation des ressources humaines en compétition avec toutes les autres. Elle s’efforce ensuite de « produire » des soldats au cours de formations plus ou moins longues, avec cette contradiction permanente entre l’urgence et la qualité, et dans le cas ukrainien avec la menace permanente de frappes aériennes dès qu’une concentration d’hommes peut être repérée par l’ennemi. Par principe ces formations arrière se trouvent presque toujours en décalage avec les évolutions très rapides sur le front et nécessitent des formations complémentaires assurées par les grandes unités réceptrices. On s’efforce alors de transformer des bleus en individus capables d’assurer un nouveau métier dans les dangers du front. L’affaire est donc extrêmement complexe et d’autant plus délicate que l’on traite là non seulement de métiers et de compétences mais aussi de la vie et de la mort. Elle nécessite donc un réseau particulier permettant d’ajuster le moins mal possible la demande du front et l’offre de l’arrière. La forme idéale que doit prendre ce réseau est bien connue depuis la Première Guerre mondiale et disons-le tout de suite, l’armée ukrainienne en est très éloignée.

La meilleure manière de gérer ce désordre obligatoire est de disposer d’état-major intermédiaires entre les unités engagées directement sur le front et l’état-major général ou le ministère à l’arrière, et qui servent de relais et de transformateurs. Ces états-majors, de division ou de corps d’armée dans le cas ukrainien, doivent gérer simultanément les opérations des brigades qu’elles commandent et en même temps s’efforcer d’assurer leurs besoins dans tous les domaines. Ces états-majors permanents connaissent les unités qu’ils commandent, d’autant plus que les officiers qui les arment en sont issus ou y sont affectés. Ils connaissent donc leurs besoins et sont capables de les traduire à l’arrière, dans leur province d’affectation, en recrutements et formations les plus adaptés possibles, car c’est aussi leur intérêt à l’avant d’avoir des brigades efficaces. Rien de tel en Ukraine, où la plupart des brigades sont commandées par des états-majors ad hoc, dont les officiers, tournants pour quelques mois, ne connaissent rien des unités qu’ils commandent et sont surtout là pour éviter les problèmes. Le soutien, et notamment la GRH, leur échappe complètement, étant géré par l’administration centrale et les provinces. Circonstance très aggravante : dans ce système encore très soviétique, où l’aveu d’une erreur, d’une faiblesse ou d’un échec est synonyme de sanction, l’information remontant la hiérarchie est très souvent fausse, ce qui est source à la fois de nombreux problèmes opérationnels et d’un accroissement du désordre dans la gestion. La confiance n’excluant pas le contrôle, l’armée française de la Première Guerre mondiale doublait le processus normal de comptes rendus du bas en haut par un service de contrôle du haut en bas assuré par des inspecteurs généraux ou de spécialités et des officiers de liaison du Grand Quartier Général. Ce n’est pas le cas en Ukraine.

Au bout du compte, on demande aux provinces ukrainiennes de remplir des quotas de recrutement mais elles ne sont pas directement concernées par le résultat final de leur recrutement. Le problème premier consiste donc à réaliser ces chiffres avec des volontaires et des conscrits. Les premiers sont évidemment beaucoup plus rares qu’en 2022 et, au-delà d’un patriotisme toujours évident, sont largement motivés par la possibilité de choisir leur affectation, qui se trouve rarement en première ligne dans l’infanterie. Le choix des seconds ressemble beaucoup à la conscription par tirage au sort du XIXe siècle, où on ne retient finalement que les « mauvais numéros », ceux qui ne peuvent pas payer. On envoie ensuite ces mauvais numéros dans les centres de formation de base plus ou moins actifs cette population de pauvres et de « vieux », puisqu’il s’agit aussi des conscrits en moyenne les plus âgés de l’histoire. Les plus qualifiés sont plutôt envoyés dans les armes les plus techniques, tandis que les moins qualifiés apprennent qu’ils vont rejoindre l’infanterie, là où l’on meurt ou où l’on se fait mutiler en masse. Comme la surveillance et la coercition sont assez faibles en Ukraine, on comprend qu’il puisse y avoir une certaine évaporation avant d’arriver dans les bataillons d’infanterie, qui restent ainsi toujours aussi désespérément usées et en sous-effectif et c’est bien le problème majeur.

La crise de l’infanterie ukrainienne

Le triple problème de l’infanterie ukrainienne, comme beaucoup d’autres infanteries dans l’histoire, est qu’elle est à la fois indispensable, négligée et mortelle. Indispensable, car ce sont les fantassins qui assurent la principale charge de la conquête, du contrôle et de la tenue du terrain. Négligée, car les fantassins sont souvent considérés comme les ouvriers non qualifiés du combat — grave erreur — et sont les derniers servis dans les programmes d’équipement ou les affectations de recrues. Mortelle enfin, car l’infanterie subit environ 70 % des pertes en Ukraine (comme dans pratiquement toutes les guerres modernes), ce qui rend l’apprentissage sur le terrain difficile et l’ensemble de la tâche peu attractif. Les unités d’infanterie ont ainsi beaucoup plus de mal à monter en gamme que les autres, car pour capitaliser sur l’expérience, il est préférable de survivre.

En résumé, l’armée sur le front demande surtout des fantassins il en manque peut-être 80 000 en Ukraine – alors que l’arrière a beaucoup de mal à lui en envoyer. Les besoins sont tels que les brigades d’infanterie – c’est-à-dire majoritairement composées de fantassins – doivent de plus en plus faire appel à des artilleurs, logisticiens ou autres non-fantassins pour combler les trous dans les compagnies d’infanterie. C’est une triple catastrophe. Cela affaiblit d’autant les indispensables unités d’appui et de soutien autour des bataillons d’infanterie, cela réduit la confiance des volontaires dans le système puisqu’ils peuvent être finalement affectés à des unités où ils ne veulent pas aller. Surtout, cela produit plus de pertes et de désertions que de bons fantassins.

Engagés sans compétences – et le combat d’infanterie en exige beaucoup – et sans confiance réciproque avec des camarades de combat qu’ils ne connaissent pas, les bleus envoyés directement sur le front meurent ou s’effondrent en moyenne quatre fois plus que les anciens placés dans les mêmes conditions. On avait compris cela dès le début de la Première Guerre mondiale, où les divisions d’infanterie françaises avaient mis en place des bataillons de dépôt à l’arrière pour apprendre progressivement le front aux nouveaux. Les Ukrainiens ont mis du temps à retrouver ces principes, ce qui témoigne encore du problème du retour d’expérience et de la circulation de l’information. Ils n’en ont pas encore forcément tiré toutes les conclusions. De leur propre initiative, plusieurs brigades ukrainiennes ont créé leur propre bataillon de formation, mais il faudrait que cela puisse se passer un peu plus en arrière, au niveau des divisions ou des corps d’armée permanents, qui comme on l’a vu n’existe pas à quelques exceptions près comme celui des marines.

L’Ukraine a par ailleurs fait le choix de former 14 brigades d’infanterie nouvelles plutôt que de renforcer les anciennes. Cela peut s’expliquer par la nécessité de disposer d’une réserve stratégique permettant de faire face aux problèmes urgents, de saisir éventuellement des opportunités offensives ou simplement de permettre aux brigades de se reposer et se reconstituer à l’arrière. Il s’agit aussi de constituer des produits d’appel à l’aide matérielle occidentale. C’est probablement une erreur. Le combat est avant tout une affaire de qualité humaine. Même si, sur le papier, les choses peuvent apparaître semblables, une brigade d’infanterie expérimentée l’emportera toujours sur une brigade constituée à partir de rien, avec, comme pour la brigade de Kiev, seulement 150 hommes sur les 2 400 déployés en France avec plus d’un an d’expérience militaire (et encore, pas d’expérience du combat). Quitte à créer de nouvelles brigades, autant les former à partir d’anciennes qui seront doublées et dont on tirera les cadres parmi les anciens.

Une bureaucratie qui doit se transformer en méritocratie

Sans grande surprise, on s’aperçoit historiquement qu’une armée encadrée par des gens qui ont fait leurs preuves au feu est plus efficace qu’une armée encadrée uniquement par des gens qui ont réussi un concours à vingt ans et ont ensuite monté mécaniquement la hiérarchie. Trois des plus belles armées de la France, sous le 1er Empire, en 1918 ou à la Libération, sont des armées qui ont fait exploser le carcan administratif pour faire place à des hommes souvent jeunes et toujours courageux, énergiques et excellents tacticiens. Cela ne s’est pas fait sans douleur, mais cela s’est avéré indispensable et très efficace.

L’armée ukrainienne comme l’armée russe ont commencé la guerre avec des cadres supérieurs issus du monde post-soviétique, avec son mélange de rigidité à l’ancienne et de clientélisme nouveau, la pire combinaison possible. Il a manqué ensuite à l’Ukraine un Joffre remplaçant 40 % des généraux en exercice en 1914 par des officiers ayant réussi l’épreuve initiale du feu. Il est vrai que Joffre, contrairement à Zaloujny ou Syrsky, avait une vue à peu près claire de ce qui se passait sur le front. Aussi l’Ukraine compte-t-elle toujours dans ses rangs des commandants de brigades ou de bataillons incompétents mais qui parviennent à le cacher. Il faut là encore imaginer les ravages opérationnels et psychologiques d’une telle situation à l’intérieur même des brigades mal commandées ou dans celles d’à côté, qui découvrent par exemple que leur voisine a soudainement décroché de sa position sur le front, parfois parce que les hommes en ont marre de leur chef imbécile et se sont repliés d’eux-mêmes. Une bonne partie des quelques succès russes d’importance est le résultat de tels problèmes de mensonges et de mauvaise coordination par des états-majors qui ont une connaissance très imparfaite de ce qui se passe réellement.

En résumé, il est probable que le principal gisement de ressources pour les Ukrainiens ne soit pas forcément l’aide occidentale, mais bien la gestion de leurs hommes et de leurs femmes sous l’uniforme. Quand on voit le courage de l’immense majorité des soldats ukrainiens et l’ingéniosité de certaines unités, on se plaît à imaginer ce que donnerait la même armée avec une structure de commandement bien organisée et transparente, mais aussi des décideurs politiques courageux capables de prendre des mesures impopulaires dans l’opinion et douloureuses dans l’administration. Le chantier est déjà engagé, mais l’inertie et les résistances sont telles que les progrès sont très lents alors que les hommes tombent et que les Russes pressent sur le front.

Ajoutons pour conclure qu’il serait bon aussi que les forces armées françaises et la nation dans son ensemble se posent quelques questions sur ce qui se passerait si nous étions placés devant la même situation.

LA CIA ET LA GUERRE EN UKRAINE : Savoir jusqu’où ne pas aller trop loin

aassdn – publié en janvier 2025

Commentaire AASSDN : Le rapport joint est particulièrement intéressant pour mieux comprendre la complexité de ce conflit qui fait l’objet en France de prises de position quasi unilatérales et souvent radicales.
Il est vrai que les commentateurs qui interviennent quotidiennement sur les plateaux des médias français n’ont pas tous, loin s’en faut, une expérience d’officiers de renseignement.
La diffusion et la lecture de ce rapport, dont nombre d’informations proviennent pourtant de la presse anglo-saxonne, serait de nature à donner aux citoyens français une vision plus complète et davantage équilibrée sur les réalités et les perspectives de ce conflits aux conséquences désastreuses pour les nations européennes.

Depuis le début de « l’Opération militaire spéciale russe » de février 2022, les États-Unis ont fait le choix d’un engagement majeur aux côtés de l’Ukraine : formation, assistance, livraison d’armes, aide financière, mais aussi fourniture de renseignements et conduite d’opérations clandestines.

Dans une longue enquête publiée lundi 23 octobre 2023, The Washington Post a révélé l’ampleur de l’aide apportée par l’agence de renseignement américaine aux services spéciaux ukrainiens. Des opérations qui vont de l’infiltration en territoire ennemi au sabotage, en passant par les assassinats ciblés.

Le média a ainsi porté à la connaissance du public que depuis 2014, année du coup d’État de Maïdan et du début de la guerre dans le Donbass, la CIA a dépensé des dizaines de millions de dollars pour réorganiser les services ukrainiens, former de nouvelles unités d’action clandestine, fournir des systèmes de surveillance avancés et construire de nouvelles infrastructures afin d’espionner la Russie. L’Agence a également livré à son allié – mais aussi reçu de lui – une quantité impressionnante de renseignements.

Parallèlement à cet engagement massif et sans ambiguïté aux côtés de Kiev pour repousser l’invasion russe, The Washington Post, comme l’hebdomadaire Newsweek avant lui en mai 2023, insistent néanmoins sur l’autre préoccupation qui animerait la CIA : limiter les actions trop offensives de Kiev contre la Russie et faire en sorte que « la défaite de Moscou ne soit pas trop marquée » afin d’éviter que le conflit ne s’étende au-delà des frontières de l’Ukraine ou ne provoque une escalade pouvant conduire à un affrontement nucléaire. Le défi est donc de savoir jusqu’où ne pas aller trop loin…

Afin de mieux mesurer l’ampleur de l’engagement de la CIA en Ukraine, il est utile d’en rappeler les origines historiques et les étapes depuis la Guerre froide, puis à l’occasion de la Révolution orange (2004), jusqu’au coup d’État de Maïdan (2014).
Il convient ensuite d’analyser ces opérations à partir des sources disponibles – nécessairement partielles –, évaluation qui permettra de déterminer si l’agence essaie paradoxalement de limiter les dérapages du conflit… ou s’attache à le faire croire. Car c’est bien à une très intense guerre secrète contre la Russie à laquelle elle se livre.

Toutefois, écrire sur les activités d’un service spécial est un exercice audacieux et risqué, car les informations relatives à ses opérations sont toutes secrètes, hors quelques rares fuites dans la presse ou révélations opportunes. L’auteur est donc conscient des limites de cet exercice.
Le présent rapport n’est fondé que sur des sources secondaires qui doivent par principe être considérées comme sujettes à caution, soit qu’elles attaquent la CIA, soit au contraire qu’elles aient été communiquées par elle à des journalistes pour la protéger, faire diversion ou entraîner délibérément les services adverses sur de fausses pistes.

Il convient de toujours garder à l’esprit que la CIA s’est fait une spécialité de mentir, de tromper et de dissimuler. Le cas du sabotage des gazoducs Nord Stream est à ce titre particulièrement édifiant. Il n’y a cependant rien d’anormal à cela, car c’est là l’un des aspects de sa vocation, quoi que ces mensonges aient à plusieurs reprises largement dépassé, ces dernières années le cadre de la mission de l’Agence.

Il n’en demeure pas moins que les articles publiés depuis deux ans outre-Atlantique concernant l’action de la CIA en Ukraine méritent d’être pris en considération, car ils rendent compte d’événements ayant pu – en partie le plus souvent – être vérifiés par ailleurs.

Aussi, il nous faut apprendre à naviguer dans ses arcanes obscurs où la réalité est rarement ce qu’elle parait être et nous risquer à dresser un tableau de la situation aussi cohérent et plausible que possible.

Éric DENÉCÉ*
Directeur du CF2R
mai 2024

Pour télécharger le rapport en version PDF, cliquez ICI


*Éric DENÉCÉ , Docteur en Science Politique, habilité à diriger des recherches (HdR), est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) et de sa société de conseil en Risk Management (CF2R SERVICES).

Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Par Sabine Ortega – aerocontact.com – publié le 14 Jan 2025
Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l'armée de l'air française
© Babcock

Le 10 janvier dernier, Babcock International a annoncé avoir signé un nouveau contrat de 17 ans pour la fourniture et le soutien de solutions de formation aérienne militaire pour l’armée de l’air et de l’espace française et la marine française.

Ce contrat de 795 millions d’euros, attribué par la Direction Générale de l’Armement (DGA), permettra aux élèves pilotes de s’entraîner sur 22 nouveaux avions PC-7 MkX Pilatus et sur 12 simulateurs de formation fournis par Babcock sur la base aérienne de Salon-de-Provence, avant de se spécialiser en tant que pilotes de chasse ou de transport.

En plus de la fourniture des avions et des simulateurs, ce contrat comprendra le support tout au long de la vie des avions, des infrastructures et des équipements pilotes.

Création de 100 postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures

Ce contrat permettra de créer plus de 100 nouveaux postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures, parmi lesquels des ingénieurs, techniciens, chefs de projet et administrateurs, qui contribueront à dispenser près de 11 000 heures de vol et 6 500 heures de formation sur simulateur à environ 120 élèves par an.

Pierre Basquin, directeur général de Babcock Aviation et directeur général France, a déclaré à ce propos : « L’Armée de l’air et de l’espace et la Marine française jouent un rôle majeur dans la sécurité nationale et internationale. Nous sommes ravis de soutenir notre client dans ses besoins de formation aérienne, lui permettant ainsi de se concentrer sur la satisfaction des besoins critiques de l’aviation militaire. Ce nouveau contrat à long terme renforce notre solide relation avec l’Armée de l’air et de l’espace et nous positionne comme son principal partenaire de soutien capacitaire dans les programmes de formation des pilotes de chasse. »

 Depuis 2018, Babcock collabore aux côtés de l’Armée de l’Air et de l’Espace pour fournir des systèmes de formation modernes sur simulateurs de vol et 26 avions PC-21 existants sur la base aérienne de Cognac-Châteaubernard.

Sabine Ortega Sabine Ortega
Journaliste emploi, formation, et nouvelles technologies

Grâce à Strava, il serait possible d’anticiper les départs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de l’Île-Longue

Grâce à Strava, il serait possible d’anticiper les départs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de l’Île-Longue

https://www.opex360.com/2025/01/13/grace-a-strava-il-serait-possible-danticiper-les-departs-des-sous-marins-nucleaires-lanceurs-dengins-de-lile-longue/


En 2018, alors que la Délégation à l’information et la communication de la Défense [DICoD] avait publié un guide sur l’utilisation des réseaux sociaux à l’intention des militaires, auxquels il était d’ailleurs demandé de désactiver la fonction « géolocalisation » de leurs téléphones portables au titre de la sécurité opérationnelle [SECOPS], le ministère des Armées dut faire une piqûre de rappel après que des informations potentiellement sensibles furent révélées par l’intermédiaire de l’application Strava.

Développée par l’entreprise californienne Strava Labs et utilisant la fonctionnalité GPS des téléphones mobiles et des montres connectées, cette dernière permet de suivre à la trace les activités sportives de ses abonnés. Se présentant comme étant le « réseau social des sportifs », ce service permet aux utilisateurs de se suivre mutuellement, d’évaluer leurs performances respectives et de se lancer des défis.

Or, il y a maintenant sept ans, il fut constaté que l’on pouvait assez facilement localiser et suivre les militaires français abonnés à cette application, via la carte « Global Heat Map », publiée par Strava Labs. Évidemment, cela ne pouvait que soulever des problèmes en termes de sécurité, voire de confidentialité, certains endroits [ou zones de déploiement] n’ayant pas vocation à être connus du public.

« Les données que Strava collecte sont un cauchemar sécuritaire pour les gouvernements du monde entier. Les données collectées pourraient permettre à toute personne ayant accès à cette carte de créer un modèle de carte de vie pour les utilisateurs individuels, dont certains peuvent être très intéressants », avait résumé The Daily Beast, à l’époque.

Pour autant, malgré les mises en garde et les rappels à l’ordre, l’utilisation de Strava par les militaires demeure problématique.

Ainsi, selon une enquête publiée par le quotidien Le Monde, ce 13 décembre, il serait possible d’anticiper les départs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la base de l’Île-Longue où, pourtant, toutes les précautions sont prises pour éviter toute fuite préjudiciable. Ainsi, dans la plupart des endroits de ce haut-lieu de la dissuasion nucléaire, les téléphones portables sont proscrits… Mais pas, apparemment, les montres connectées, qui stockent les données avant de les transmettre en bloc à un smartphone dès que cela est possible.

En outre, certains marins abonnés à Strava n’utilisent pas de pseudonymes et disposent d’un profil public.

Résultat : quand plusieurs sous-mariniers – identifiés comme tels – effectuent quotidiennement une séance de sport le long des quais où sont amarrés les SNLE et qu’ils arrêtent brusquement ce type d’activité, on peut éventuellement en déduire qu’ils sont partis en mission. Et qu’ils en sont revenus dès qu’ils communiquent leurs données à Strava.

Or, c’est là que le bât blesse : théoriquement, en suivant leur activité sportive, notamment le long des quais, il est possible d’anticiper le départ en mission d’un SNLE… alors que, justement, tout est fait pour le maintenir confidentiel, le goulet de Brest [lieu de passage obligé des « bateaux noirs », ndlr] étant même sous une surveillance étroite afin d’empêcher les curieux d’en savoir plus qu’ils n’ont à en connaître. Reste qu’une telle information est susceptible d’intéresser une puissance étrangère, laquelle pourrait chercher à « pister » le sous-marin après sa dilution ou à obtenir des renseignements à son sujet.

Quand un SNLE part en patrouille, « il faut s’assurer que l’espace sous-marin et en particulier les fonds marins sont exempts de tout capteur acoustique étranger. En effet, la présence d’un dispositif d’écoute, disposé sur le fond et exploité par un compétiteur, pourrait mettre en péril la discrétion de nos SNLE, par la captation de leur empreinte acoustique, élément essentiel pour une identification ultérieure, et affecter in fine la posture de dissuasion », avait en effet expliqué le capitaine de vaisseau Jean-Christophe Turret dans la Revue Défense nationale, rappelle Le Monde.

Quoi qu’il en soit, s’il reconnaît des « négligences » parmi ses marins [les sous-mariniers ne sont pas les seuls en cause, ndlr], la Marine nationale estime que la sécurité des activités opérationnelles de la base de l’Île-Longue n’est pas fondamentalement remise en cause. L’une des sources du journal parle d’une « situation problématique » mais pas d’un « risque majeur ».

Un Moyen-Orient en recomposition politique accélérée

Un Moyen-Orient en recomposition politique accélérée

Tribune
Par Didier Billion – IRIS – publié le 13 janvier 2025

Le Moyen-Orient est traditionnellement une région de forte intensité événementielle, mais les mois écoulés sont singulièrement denses et marqués par une recomposition accélérée des rapports de force géopolitiques. Les conséquences politiques et militaires du 7 octobre constituent en effet une véritable onde de choc qui modifie radicalement la situation régionale.

Génocide à Gaza

Parce qu’elle reste centrale, il faut commencer par la situation des territoires palestiniens. Devant ce qui est qualifié de génocide par des personnalités et des organismes internationaux de plus en plus nombreux, le pudique détournement du regard par une grande partie des États composant ladite communauté internationale restera comme une tache indélébile de l’histoire contemporaine.

Jour après jour, les bombardements continuent à s’abattre massivement sur le territoire gazaoui. De rares images qui nous en parviennent, on est en droit de se demander les raisons d’une telle frénésie destructrice puisque visiblement la grande majorité du bâti a d’ores et déjà été réduit en miettes ou est devenu impropre à toute forme de vie sociale. Alors que près de 50 000 morts sont annoncées, que la famine s’est durablement installée, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) nous apprend, début janvier, que huit nourrissons sont morts de froid au cours du mois de décembre 2024, ce qui donne une idée assez précise de la situation dans laquelle sont réduits les Gazaouis. Aussi, la seule raison de l’acharnement mortifère du gouvernement israélien est de rendre toute vie impossible à Gaza, d’en chasser ses habitants et de recoloniser ce territoire, voire l’annexer purement et simplement. Projet qui constitue aussi le but ultime des plus ultras du gouvernement Netanyahou pour ce qui concerne la Cisjordanie, voire Jérusalem-Est.

Ces faits constituent l’inquiétante confirmation que les instances de régulation internationale sont en situation de déshérence et que le système onusien tel qu’il s’était édifié après 1945 est devenu obsolète justifiant par la même sa complète refondation. Heureusement, dans ce contexte désastreux, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale sauvent l’honneur en tentant de faire appliquer vaille que vaille ce qui subsiste du droit international et les mobilisations citoyennes à travers le monde sont pour leur part multiples et souvent massives.

Ce n’est au demeurant pas l’apathie qui prévaut, mais en réalité la complicité active des alliés de Tel-Aviv. Ainsi nous apprenons, le 4 janvier, que l’administration Biden a donné son autorisation pour une livraison d’armes à Israël d’un montant de 8 milliards de dollars. La décision doit être approuvée par le Congrès – ce qui ne fait guère de doutes –, ainsi la machine de guerre continuera à être alimentée et le massacre pourra continuer. Dans ce contexte, le sentiment d’impunité du gouvernement israélien ne connait pas de limite ce qui explique son refus obstiné d’envisager une quelconque forme de solution politique dont nous savons qu’elle reste pourtant impérative.

L’émiettement de l’« axe de la résistance »

L’hubris de la victoire des dirigeants israéliens est par ailleurs nourrie par de multiples autres opérations militaires. Benjamin Netanyahou – prétendant pour le coup incarner le « peuple de l’éternité » (sic) – se vante de diriger Israël sur sept fronts simultanés de guerre : Gaza, Cisjordanie, Liban, Iran, groupes chiites en Irak et en Syrie, Yémen. Le danger principal maintes fois évoqué restant pour lui la République islamique d’Iran. On ne peut qu’être interpellé par la manière méthodique dont Israël, s’affranchissant systématiquement du respect du droit international, a organisé le combat contre ses adversaires.

Le Hezbollah en premier lieu : en tuant ou estropiant des centaines de ses cadres par l’activation de bipeurs piégés, puis en éliminant son chef charismatique, Hassan Nasrallah, en septembre 2024. Autant de préludes à l’invasion terrestre du Liban, le 30 du même mois, et à une campagne de bombardements indiscriminés sur les populations civiles libanaises perdurant jusqu’au cessez-le-feu, le 27 novembre. Pour Netanyahou, cette campagne de terreur a pour but de pousser les Libanais à se débarrasser du Hezbollah comme il l’explique doctement dans une allocution télévisée début octobre 2024. Mais comment imaginer une seule seconde que le peuple libanais écrasé par les bombes puisse obtempérer aux désidératas du Premier ministre israélien ? La vision développée par ce dernier confirme néanmoins que pour les dirigeants de Tel-Aviv seule la force brute peut régir les rapports de voisinage et qu’ils n’ont que faire d’hypothétiques solutions politiques.

Posture aussi illustrée en Syrie puisque les dirigeants israéliens profitent de la courte période de flottement du pouvoir au moment de la fuite de Bachar Al-Assad pour opérer plus de 300 bombardements sur des objectifs militaires syriens et pour occuper le versant syrien du mont Hermon, foulant aux pieds l’accord de cessez-le-feu de 1974. À nouveau, il a fallu avoir l’ouïe particulièrement fine pour entendre les timides condamnations de ces agressions à répétition qui n’ont évidemment aucunement dissuadé Netanyahou. Ainsi donc la guerre préventive devient la norme pour les dirigeants israéliens. En d’autres termes, l’affirmation de la loi du plus fort, celle de la jungle.

Pour autant cette politique est plus compliquée à mettre en œuvre contre l’Iran. Comme il a été constaté à deux reprises, en avril puis octobre 2024, les bombardements croisés entre la République islamique et Israël sont restés sous contrôle, chacun des protagonistes sachant jusqu’où ne pas aller et ne franchissant donc pas la ligne rouge tacite. Probablement le cabinet Netanyahou aurait voulu frapper plus fort, mais, c’est à souligner, l’administration Biden a su pour une fois se montrer dissuasive pour empêcher des frappes israéliennes sur les installations nucléaires ou pétrolières iraniennes. Pour autant, ces opérations ont souligné l’asymétrie militaire entre les deux protagonistes ce qui ne manque pas d’inquiéter les dirigeants de Téhéran, d’autant que le retour de Donald Trump au pouvoir risque d’affaiblir encore leur situation.

Le bilan de l’ensemble de ces éléments brièvement rappelés ici montre l’affaiblissement de cet « axe de la résistance » patiemment mis en place depuis plusieurs décennies par la République islamique d’Iran au profit de l’affirmation de la supériorité militaire de l’État hébreu. C’est en ce sens qu’il est possible d’évoquer l’hubris israélienne, ce qui néanmoins risque d’être, à terme, un leurre si des solutions politiques ne sont pas mises en œuvre sur les différents dossiers évoqués. Dans ce contexte régional très dégradé, il est remarquable de constater qu’au-delà des communiqués et des déclarations lénifiantes, la majorité des États arabes fait preuve d’une grande discrétion et ne manifeste aucune volonté de peser véritablement sur la situation.

L’émergence d’une nouvelle Syrie

Le dernier élément marquant des derniers mois de l’année 2024 réside bien sûr dans la chute du régime de Bachar Al-Assad. L’offensive foudroyante de Hayat Tahrir Al-Cham partant de la province d’Idlib et parvenant à Damas en douze jours sans rencontrer guère de résistance a surpris y compris les analystes les plus avertis. Cela révèle la sous-estimation de l’état de déliquescence du régime syrien et son isolement total puisque même ses troupes prétendument d’élite se sont débandées sans opposer la moindre résistance.

Du point de vue géostratégique cette nouvelle situation renforce les remarques formulées précédemment puisque la Syrie de Bachar Al-Assad était la ligne d’approvisionnement principale entre l’Iran et le Hezbollah. Celle-ci est désormais rompue.

La question est désormais l’appréciation de la trajectoire possible des nouveaux responsables de Damas. Leur passé djihadiste est connu, mais leur évolution politique ne l’est pas moins. Incarnant une forme d’islamo-nationalisme, ils ne renieront pas leur appartenance à la mouvance islamiste. Dans le même mouvement, ils sont profondément syriens et leur préoccupation est de reconstruire et de préserver l’unité du pays. Pour ce faire, l’enjeu est de parvenir à mettre en place un régime de type inclusif et de reconstituer de solides relations avec le maximum de pays à l’international. Au vu des défis de toutes sortes – politiques, géopolitiques, sociétaux et socio-économiques – le besoin est impératif de retisser ces liens intérieurs et extérieurs. Nul ne peut écrire l’histoire à l’avance, mais force est d’admettre qu’à ce stade la nouvelle équipe incarnée par Ahmed Al-Charaa n’a guère commis de faux pas. Il lui faudra aussi compter avec le peuple syrien qui, en dépit des quatorze dernières années vécues, est resté debout et manifeste à la fois un énorme soulagement et des espoirs raisonnés.

Parmi bien d’autres, un test crucial concerne la gestion des minorités confessionnelles et/ou ethniques, au premier rang d’entre elles celle constituée par les Kurdes. C’est la question du statut et du degré de décentralisation dont pourrait bénéficier la région où ils se trouvent en grand nombre qui se pose désormais. Pour autant, la reconstitution de l’unité du pays d’une part et la nécessité de ne pas irriter la Turquie – qui s’affirme à ce jour comme une des principales bénéficiaires de la situation au vu des étroits liens tissés avec Hayat Tahrir Al-Cham – particulièrement attentive au traitement du sujet, d’autre part, constituent des défis majeurs pour les nouveaux dirigeants du pays.

Carte commentée. Les intérêts stratégiques de la France en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

Carte commentée. Les intérêts stratégiques de la France en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

Par Institut FMES, Pascal Orcier -publié le 10 janvier 2025

https://www.diploweb.com/Carte-commentee-Les-interets-strategiques-de-la-France-en-Afrique-du-Nord-et-au-Moyen-Orient.html


L’institut Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) est un centre de recherches qui décrypte les questions géopolitiques et stratégiques de la zone couvrant le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient, de même que les recompositions entre acteurs globaux.
Pascal Orcier, professeur agrégé de géographie, docteur, cartographe, auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages.

Comment qualifier les relations de la France avec chacun des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Quels sont les échanges commerciaux, les foyers d’instabilité, les routes des flux migratoires ? Où se trouvent les soldats français ? Cette carte commentée apporte des réponses.

La France, puissance européenne au bord de la Méditerranée, marquée par une histoire coloniale au Maghreb, abritant une forte population musulmane issue de la région et ayant la singularité d’être également une puissance de l’Océan indien, a des intérêts stratégiques dans le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, de l’OTAN et de l’Union européenne, elle cherche à s’ériger en puissance d’équilibre capable de développer une stratégie régionale indépendante visant la stabilisation de la région. La France est aujourd’hui confrontée à l’impact des déstabilisations dans la bande Sahélo-soudanaise sur ses voisins de la rive sud. Le chaos croissant se matérialise aujourd’hui par des flux migratoires, criminels et terroristes mais pourraient également déstabiliser demain les sociétés et les pouvoirs en place. Les conséquences du conflit israélo-palestinien et ses risques d’extension au Liban transformé en Etat quasi failli la concernent fortement, d’autant plus qu’elle abrite la plus grande communauté juive en Europe et qu’elle maintient un important contingent au Sud-Liban dans le cadre de la FINUL II. Elle subit l’instrumentalisation de certaines minorités musulmanes par des acteurs régionaux tels que l’Algérie, la Turquie et le Qatar. La France a choisi de s’opposer aux régimes iraniens et syrien (NDLR de B. Al Assad) et entretient une ambiguïté sur la position marocaine vis-à-vis du Sahara occidental [1].

Carte commentée. Les intérêts stratégiques de la France en Afrique du Nord et au Moyen-Orient
Carte. Les intérêts stratégiques de la France en Afrique du Nord et au Moyen-Orient
Réalisation P. Orcier. Copyright 2024 Institut FMES-Orcier
Orcier/FMES

Pour défendre ses intérêts (notamment en termes économiques) et contribuer aux efforts de stabilisation de la région, la France mise sur des partenariats privilégiés avec l’Egypte, la Jordanie, l’Irak, les Emirats arabes unis et dans une moindre mesure avec l’Arabie saoudite et le Maroc, ancien partenaire privilégié.

Pour faire face à ses obligations internationales et défendre ses intérêts au Moyen-Orient, la France y maintient un dispositif permanent d’environ 4 000 militaires, 30 chars, 18 chasseurs et 5 frégates. Disposant de bases bien situées offrant une profondeur stratégique, elle se tient prête à y engager des renforts et à envoyer sur place son groupe aéronaval si nécessaire. Fortes d’une réelle expérience opérationnelle couplée à une excellente connaissance et compréhension de la région, ses forces armées professionnelles souffrent néanmoins de contraintes logistiques et budgétaires et d’une hostilité latente de certains Etats (Algérie, Turquie, Syrie, Iran) envers la présence française, renforcée par le poids des diasporas sur le territoire national.

Sur les façades maritimes du bassin méditerranéen et de la péninsule Arabique, l’objectif de la France est de défendre la liberté des mers et de maintenir ouvert l’axe maritime reliant la Méditerranée à l’océan Indien, et ainsi permettre la projection de puissance et empêcher un blocage du commerce international. Les forces navales françaises sont engagées dans plusieurs opérations européennes d’envergure dans cette région :

. Aspides (1 frégate) : protection des navires en transit contre les attaques houthies en mer Rouge, depuis février 2024 ;

. Atalanta (1 frégate) : lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden, depuis 2008 ;

. Irini (1 frégate) : surveillance de l’embargo sur les transferts d’armes à la Libye, depuis 2021 ;

. Agenor (1 frégate et patrouilleur maritime, ponctuellement) : surveillance du détroit d’Ormuz, depuis 2019.

Les forces terrestres sont quant à elles déployées dans le cadre de la coopération internationale, notamment pour combattre les groupes armés djihadistes afin d’éviter de nouveaux attentats en Europe :

. Chammal : soutien militaire aux forces irakiennes engagées dans la lutte contre Daech, depuis 2014 ;

. FINUL II : contrôle de la cessation des hostilités au Liban entre Israël et le Hezbollah.

Si la France veut sortir de son isolement en Afrique du Nord, regagner des positions en Afrique et améliorer sa visibilité au Moyen-Orient, elle devra faire des choix car la période actuelle ne favorise pas ceux qui privilégient le statu quo.

Copyright juin 2024-Institut FMES-Orcier


Attaque dans la Pendjari : comment le Bénin résistera à la poussée djihadiste 

Attaque dans la Pendjari : comment le Bénin résistera à la poussée djihadiste

par Pierre d’Herbès – Revue Conflits – publié le 11 janvier 2025

https://www.revueconflits.com/attaque-dans-la-pendjari-comment-le-benin-resistera-a-la-poussee-djihadiste/


Coup de tonnerre dans le Sahel, dans la zone trifrontalière (Burkina Faso, Niger, Bénin), après l’attaque, mercredi 8 janvier, d’un site militaire béninois par des djihadistes. La violence du combat accrédite la persistance de la pression djihadiste importée depuis le Burkina-Faso et le Niger. Si pour de nombreuses raisons, il n’y a pas de risque de déstabilisation du pays, la menace est prise très au sérieux par Porto-Novo.

Difficile de ne pas voir dans cette attaque la conséquence directe de la dégradation sécuritaire totale dans les pays de l’AES (Mali, Niger, Burkina-Faso). Les groupes armés, terroristes ou non, y circulent désormais librement ou presque, au nez et à la barbe des forces de défenses locales et des mercenaires russes. Dorénavant confinés dans les grandes métropoles — par ailleurs de moins en moins sûres – les juntes nigériennes, burkinabés et maliennes font subir l’indigence de leur politique à leurs voisins, dont les pays du golfe de Guinée.

La confrontation entre les Djihadistes et les Forces armées Béninoises (FAB) se situe en effet au cœur du parc de la Pendjari, dans la région trifrontalière avec… le Niger et le Burkina-Faso. Comme toutes les agressions contre le Bénin depuis 2021, les attaques des groupes armés djihadistes sont importés. Ces derniers ne sont pas parvenus à s’ancrer dans les populations locales. À ce stade, pour ces groupes armés, la région joue surtout un rôle de base arrière ou de zone de transit pour leurs trafics (or, armes, stupéfiants, etc). Pour autant, les autorités locales sont bien conscientes du caractère métastatique de leur présence ; d’où une riposte musclée via le redéploiement des FAB dans le nord du territoire et le lancement de l’opération anti-terroriste Mirador.

Réarmement général

Face à la multiplication des attaques depuis 2021, le gouvernement béninois a considérablement renforcé sa stratégie de défense, initiée dès 2017-2018 par une politique de réarmement ambitieuse. Cette montée en puissance s’inscrit dans une réponse globale à la menace djihadiste, devenue pressante dans les zones frontalières avec le Burkina Faso et le Niger. Ainsi, les effectifs des Forces armées béninoises (FAB) ont augmenté de manière significative, passant de 7 500 hommes en 2022 à 12 300 en 2024[1], tandis que le budget de défense a bondi de 60 milliards à 90 milliards de FCFA (environ 130 millions d’euros) sur la même période, avec une projection de hausse supplémentaire de 18 % pour 2025.

Cette montée en puissance s’accompagne d’achats de matériels tels que des véhicules blindés, des drones, des hélicoptères, la modernisation des capacités de renseignement aérien, etc. De nombreux opérateurs français, comme Delair pour les drones, participent à cet effort. En 2023, la France a également fourni au Bénin 26 véhicules blindés de transport de troupe VAB, des protections balistiques et d’autres équipements essentiels. Des contributions similaires de la Chine et des États-Unis permettent de diversifier et d’enrichir les capacités opérationnelles des FAB.

Enfin, le renforcement des capacités des FAB s’accompagne de partenariats internationaux. Des formations assurées par des instructeurs français et américains, ainsi que par des sociétés privées comme Amentum, visent à professionnaliser les nouvelles recrues et à optimiser l’utilisation des matériels sophistiqués récemment acquis. De plus, un contingent rwandais est attendu pour appuyer la Garde nationale, une unité d’élite anti-terroriste récemment créée​. La consolidation de l’appui de la France est appréciée, à tel point que Paris est désormais considéré comme un “partenaire stratégique”.

Mirador veille

L’opération Mirador, lancée en 2021, représente la réponse opérative du Bénin à la menace. Destinée à sécuriser les zones sensibles du nord du pays, elle déploie environ 3 000 soldats dans des zones clefs telles que le parc de la Pendjari et ses environs. Les FAB y ont fortifié des positions stratégiques comme Porga et Koualou, depuis lesquelles elles patrouillent et interceptent et neutralisent les infiltrations djihadistes. Objectif : maintenir une pression sur les groupes armés afin d’empêcher leur implantation durable sur le territoire. Comme le soulignait au Monde le colonel Raoufou Assouma, commandant du groupe tactique interarmées du fuseau ouest : « (…) notre mission n’est pas d’attendre que la menace arrive, il faut aller la débusquer et la neutraliser là où elle se trouve ».

En parallèle, depuis leur arrivée en 2020, les Rangers d’African Parks Network (APN) jouent un rôle déterminant dans la gestion des parcs de la Pendjari et du W. Bien que leur mission première soit la préservation de la biodiversité, les Rangers sont désormais en première ligne face aux incursions terroristes. Armés et formés à intervenir dans des environnements difficiles, ils effectuent des patrouilles de jour comme de nuit et utilisent des moyens technologiques avancés pour surveiller les zones sensibles. Lorsqu’une menace est identifiée, les informations sont immédiatement transmises aux FAB, ce qui permet des interventions rapides et ciblées​.

Tenir la distance

L’attaque du 8 janvier montre que la détermination des GAT n’a pas diminuée. Dans cette optique, le dispositif béninois garde toute sa pertinence et se renforce tous les ans. Le partenariat stratégique avec la France, pour la formation et la modernisation des FAB va donc s’avérer d’autant plus crucial dans la durée.

Quid des risques de contamination “interne” par les GAT ? Les tensions ethno-sociales sont en effet un terreau qu’ils exploitent systématiquement dans tout le Sahel. En 2022, le porte-parole du gouvernement déclarait :“Le Bénin n’a pas attendu le phénomène djihadiste pour moderniser les pratiques agropastorales, même si ce phénomène nous conforte à poursuivre nos efforts”. Le gouvernement a depuis intégré les volets socio-économiques et des relations inter-communautaires à leur stratégie. Le processus sera nécessairement long, mais de facto, on n’observe toujours pas de recrutement des GAT à l’intérieur des frontières du Bénin.

La riposte va s’ancrer dans la durée puisque le chaos régional et l’effondrement en cours des pays de l’AES profite directement aux groupes armés et favorise mécaniquement leur poussée vers le golfe de Guinée. En face, le Bénin est armé pour y riposter.

[1] IISS, Military Balance 2024

Défense : l’Allemagne se réorganise pour contrer la Russie

Défense : l’Allemagne se réorganise pour contrer la Russie

L’Allemagne annonce une nouvelle réorganisation de son armée, une manière de consolider sa défense face aux nouvelles menaces, comme celle de la Russie.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – Publié le
allemagne-defense-reorganisation-armee-russie
Défense : l’Allemagne se réorganise pour contrer la Russie | Armees.com

Dans un contexte très tendu avec la Russie, l’Allemagne se montre active en matière de défense. L’armée allemande annonce une réorganisation de ses forces pour contrer les attaques russes sur son sol.

L’Allemagne réorganise sa défense intérieure

Dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées en Europe, l’Allemagne s’engage dans une réorganisation majeure de ses forces armées. Cela marque un tournant stratégique vers la défense territoriale. Cette initiative répond à des défis sécuritaires importants, notamment face à la menace potentielle de la Russie.Le gouvernement allemand vient d’annoncer la création d’une division entièrement dédiée à la défense territoriale. Cette réforme prévoit l’intégration des unités de réserve existantes sous le commandement direct de l’armée. Cette structure vise à renforcer la coordination et l’efficacité en cas de crise. Selon le ministre de la Défense, Boris Pistorius, cette décision s’inscrit dans une stratégie à long terme, cherchant à anticiper les scénarios les plus critiques pour garantir la sécurité du territoire.

D’ici avril 2025, le nombre de divisions opérationnelles passera de trois à quatre, tandis que les effectifs totaux resteront stables à 180 000 soldats. Cette nouvelle configuration met l’accent sur la protection des infrastructures essentielles, notamment les ports, les voies ferroviaires et les routes d’approvisionnement, des cibles potentielles en cas de conflit. Selon le gouvernement, cette réorganisation est considérée comme un « élément clé de la posture de défense allemande et européenne« .

Une réponse aux tensions régionales et au renforcement de l’OTAN

L’escalade des tensions avec la Russie remet au premier plan les questions de défense territoriale au sein des pays européens. L’Allemagne, en tant que plaque tournante logistique pour l’OTAN, joue un rôle critique dans l’architecture de sécurité collective du continent. La réorganisation des forces armées allemandes intervient dans un contexte d’alerte élevé, rappelant des pratiques de la guerre froide.La nouvelle division militaire, composée initialement de 6 000 soldats dès l’été prochain, se concentrera sur la protection intérieure. Sa mission inclut la défense des infrastructures critiques contre d’éventuels sabotages et attaques hybrides, un danger de plus en plus évoqué par les analystes de la sécurité. Ce renforcement des capacités nationales complète les efforts déployés par l’OTAN pour dissuader toute agression dans la région.

La restructuration des forces armées allemandes ne s’arrête pas à la création d’une nouvelle division. Elle implique également une rationalisation des structures de commandement pour améliorer la réactivité et la coordination. Cette centralisation de la défense territoriale sous l’autorité directe de l’armée vise à répondre de manière plus ciblée aux menaces, notamment celles posées par des acteurs étatiques et non étatiques.