L’un des objectifs de l’armée de Terre est d’avoir une brigade « bonne de guerre » en 2025

L’un des objectifs de l’armée de Terre est d’avoir une brigade « bonne de guerre » en 2025


L’an passé, dans le cadre de son nouveau plan stratégique, intitulé « armée de Terre de combat », l’armée de Terre s’est concentrée sur la réorganisation de ses grands commandements, désormais au nombre de quatre, avec le commandement de la force opérationnelle terrestre [CFOT], la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre [DRHAT], la Direction centrale de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [DCSIMMT] et le Commandement du combat futur [CCF].

En outre, elle a créé quatre nouveaux commandements dits « Alpha » [CAPR, CALT, CAST, CATNC] lesquels sont chargés de « mettre en synergie et de préparer les forces placées sous leurs ordres ».

Désormais, il est question de décliner ce plan stratégique au niveau des brigades. Pour rappel, ce dernier fait du principe de subsidiarité une « ligne directrice forte de la transformation de l’armée de Terre », l’idée étant de passer de la « culture de la norme à celle de l’intention, de la responsabilité et du résultat ».

En clair, il s’agit de donner plus d’autonomie aux « brigadiers » [c’est-à-dire les généraux commandant ces brigades] dans plusieurs domaines définis [gestion du personnel, soutien, infrastructures, etc.], dans la limite des « directives et du cadre fixé par les contrats opérationnels ». Ce qui suppose qu’ils aient la main sur les moyens financiers nécessaires.

Dans la dernière Lettre du CEMAT, qui vient d’être diffusée, l’armée de Terre indique ainsi que 2025 sera « l’année des brigades ». Concrètement, celles-ci auront plus de latitude dans quatre domaines.

Ainsi, détaille le document, la « subsidiarité » sera « renforcée en matière RH [ressources humaines], dans l’attribution de primes individuelles [prime de lien en service, prime du combattant terrestre, prime de commandement et de responsabilité militaire] et l’adaptation de la dotation ‘habillement’ des soldats au moyen d’une enveloppe financière ». En outre, le « plan de subsidiarité budgétaire permettant de marquer les efforts vers les unités » sera reconduit, que ce soit pour l’entretien des infrastructures, la condition du personnel, la préparation opérationnelle ou encore la communication.

Ainsi, précise la Lettre du CEMAT, la « mise en place d’enveloppes de ressources liées à l’activité et à l’entraînement permettront au brigadier de définir la meilleure ambition opérationnelle » en fonction des moyens qui lui auront été alloués.Par ailleurs, l’objectif de l’armée de Terre est de confier, là où c’est possible, les « prérogatives du soutien local », qui relèvent de Bases de défense, à ses commandants de brigades.

« Ce double casquettage doit fournir les leviers favorables à la coordination des effets des soutiens, sans remise en cause des prérogatives des chaînes de soutien. Cette évolution s’accompagne d’un regroupement des Bases de défense pour atteindre une taille critique d’environ 10 000 personnes » [soutenues], explique-t-elle.

Enfin, les brigades interarmes verront leurs « capacités de soutien propre accrues » avec la montée en puissance des « compagnies de commandement de transmission et de soutien » [CCTS].

Quoi qu’il en soit, ces mesures doivent permettre d’atteindre l’un des objectifs de l’armée de Terre pour 2025 : celui de disposer d’une brigade « bonne de guerre ». C’est le « premier jalon opérationnel de la remontée en puissance vers une composante terrestre réactive, puissante et endurante », souligne la Lettre du CEMAT.

Et d’ajouter : « Véritable échelon de cohérence, la brigade doit concilier l’exigence d’une réactivité accrue et la nécessaire amélioration du fonctionnement au quotidien de l’armée de Terre en opération permanente ».

La paix et l’épée par Michel Goya

La paix et l’épée

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 9 janvier 2025

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Tout est affaire de rapport de forces à la guerre. Pour les Ukrainiens en guerre, la seule perspective d’obtenir une « meilleure situation à la fin » est de modifier le rapport de forces militaires en 2025 afin de reprendre l’offensive en fin d’année et de libérer le plus possible de territoire occupé. À défaut de pouvoir modifier ce rapport de force, il n’y aura sans doute pas d’autre option stratégique pour Kiev que de limiter les dégâts en négociant la moins mauvaise paix possible.

Partisan affiché d’un règlement rapide du conflit ou du moins d’un arrêt prolongé des combats, Donald Trump a clairement indiqué son intention de forcer l’exécutif ukrainien à privilégier la mauvaise paix immédiate à la possible victoire lointaine. Les États-Unis fournissant environ la moitié de tous les équipements et munitions qu’utilisent les soldats ukrainiens, il lui suffira de réduire cette aide pour rendre la victoire impossible pour eux. Les États européens, qui tous ensemble ne fournissent qu’environ 30 % de l’aide militaire à l’Ukraine et sans grande possibilité d’en augmenter le volume, sont quant à eux plus ou moins obligés de suivre le mouvement quel qu’il soit. Tout en donnant toujours l’image d’un soutien ferme à l’Ukraine dans la poursuite de son combat, ils anticipent déjà d’avoir à jouer un rôle dans l’application d’une forme de paix possible.

À travers plusieurs déclarations de son entourage, la forme de paix envisagée par le nouveau président des États-Unis semble être un armistice sur les positions actuelles en Ukraine. Il n’est pas du tout évident que Vladimir Poutine accepte cette idée alors que ses troupes ont l’initiative des opérations et que rien ne l’oblige vraiment à s’arrêter là, mais Volodymyr Zelensky a déjà commencé à y préparer son opinion publique en évoquant la fin possible de la « phase chaude » de la guerre, remettant à une phase « diplomatique » (entendre « hypothétique ») la libération des territoires occupés.

Tout en continuant le combat afin au moins d’arrêter l’avancée russe, le président ukrainien s’efforce désormais d’obtenir en échange de l’arrêt éventuel des combats de véritables garanties de sécurité contre la Russie là où Donald Trump et son entourage n’envisagent que des garanties de respect de l’armistice et sans participation américaine. On a vu rétrospectivement la valeur des garanties de sécurité purement théoriques données à l’Ukraine en échange de son renoncement à son arsenal nucléaire dans le mémorandum de Budapest en 1994. Il ne peut y avoir de vraies garanties de sécurité sans soldats présents sur le territoire. Alors même que les éventuelles négociations ne sont pas commencées, on explore donc déjà l’hypothèse d’un déploiement de forces en Ukraine tout de suite après l’arrêt des combats et on voit déjà assez clairement les fortes limites de l’exercice.

Le premier problème est celui du volume de forces nécessaire, sachant que là encore les États-Unis, qui ont fourni 80 % des moyens des coalitions sous leur direction depuis 1990, ne veulent pas en être. L’entourage de Donald Trump évoquait 200 000 soldats déployés le long du front en Ukraine et de la frontière avec la Russie. C’est évidemment irréaliste, mais il faudra sans doute réunir une masse d’environ 40 à 50 000 hommes, compte tenu de l’immensité de l’espace à couvrir, ce qui nécessitera la constitution d’une force coalisée, soit onusienne afin de faire venir des contingents du monde entier, soit européenne avec une large participation des membres de l’Union et peut-être quelques États extérieurs. Le plus important n’est cependant pas de réunir ces hommes mais bien de savoir à quoi ils serviront.

La première idée serait de « maintenir la paix » en s’interposant entre les belligérants, à la manière de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) depuis 1978. Une mission onusienne serait forcément de ce type, avec la formation par exemple d’une Mission des Nations Unies en Ukraine (MINUKR), mais pourrait être également européenne, le point commun étant de toute façon qu’elle ne servirait à rien, comme effectivement toutes les autres missions évoluant dans le cadre du chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Quand on n’a pas le droit de combattre sauf en légitime défense, on ne protège rien d’autre que soi-même (au mieux) et une telle force n’empêcherait pas plus les Russes de pénétrer en Ukraine que la FINUL avec les Israéliens au Liban. Cette force inutile pourrait donc recevoir l’aval de la Russie, et de toute façon on n’imagine pas le déploiement d’une force en Ukraine sans l’accord des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la Russie. Cela pourrait satisfaire aussi les États-Unis, qui de toute façon ne participent jamais à ce genre de force, ainsi que les États européens, comme l’Allemagne ou l’Italie, qui eux au contraire aiment bien y participer lorsqu’ils veulent montrer qu’ils font quelque chose « pour la paix » mais sans prendre de risques, même si tout déploiement militaire prolongé, même le plus inoffensif – à tous les sens du terme – implique des pertes. La mise en place d’une telle force n’offrirait en revanche aucun intérêt pour les Ukrainiens. On ne voit pas dès lors pourquoi ils l’accepteraient.

Les Ukrainiennes préféreraient, et de loin, une force de protection, autrement dit une force qui combattrait en cas d’attaque russe, à la manière des bataillons déployés dans le cadre de la présence avancée renforcée de l’OTAN sur son flanc Est. Notons dans ce cas que les pays volontaires seraient beaucoup moins nombreux. Il s’agirait sensiblement des mêmes qui envisageaient il y a peu d’envoyer éventuellement des soldats en soutien à l’arrière des forces ukrainiennes. On aurait ainsi probablement une brigade française de quelques milliers de soldats, peut-être une britannique et des brigades multinationales avec des bataillons baltes, scandinaves et polonais, peut-être canadiens. Il n’y aurait sans doute pas de quoi réunir 40 000 hommes, mais à la limite peu importe puisque cela signifierait surtout que les États fournisseurs s’engageraient de fait à entrer en guerre avec la Russie si celle-ci attaquait et tuait leurs soldats. Ce serait effectivement pour le coup très dissuasif, et les Ukrainiens ne manqueraient pas de rappeler qu’un tel déploiement réalisé avant février 2022 aurait sans doute empêché la guerre. On imagine cependant les débats internes difficiles dans les pays européens avant de s’engager dans ce qui serait une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN de fait, sinon en droit. Inutile de préciser que si l’Ukraine serait sans doute très heureuse de cette solution, il n’en serait pas de même de la Russie et on ne voit pas très bien dans ce cas comment Vladimir Poutine l’accepterait.

En conclusion, on est encore loin d’un armistice quelconque en Ukraine et encore plus loin d’un déploiement de forces étrangères visant à le faire respecter.

Présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne : quelles implications pour la défense de l’Europe ?

Présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne : quelles implications pour la défense de l’Europe ?

La Pologne a succédé à la Hongrie à la tête de la présidence du Conseil de l’Union européenne ce 1er janvier, pour une durée de six mois. Ce mandat intervient alors que la guerre en Ukraine et la menace russe perdurent, et que le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche plonge l’Europe dans l’incertitude. Varsovie, qui renoue avec Bruxelles depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Tusk, entend donc faire de cette présidence une opportunité pour faire valoir ses positions sur ces sujets à l’échelle du continent, notamment en matière de défense et de sécurité. Quels seront les grands axes de la présidence polonaise du Conseil de l’UE ? Comment ses relations avec Bruxelles ont-elles évolué depuis la crise de 2021 ? La Pologne est-elle en mesure d’impulser un véritable leadership sur le continent ? Les réponses de Louise Souverbie, chercheuse à l’IRIS, spécialisée sur les questions de défense européenne et sur l’industrie de l’armement.

La Pologne vient d’accéder à la présidence du Conseil de l’Union européenne, succédant à la Hongrie. Quelles sont les grandes orientations stratégiques envisagées sous la présidence et les priorités en matière de défense ?

La présidence polonaise est placée sous le signe de la sécurité, une thématique qui sera déclinée en sept dimensions au cours des prochains mois : extérieure, intérieure, économique, énergétique, sanitaire, alimentaire et informationnelle. Dans un environnement sécuritaire dégradé et face à la multiplication des menaces hybrides, Varsovie entend contribuer au renforcement de la résilience et de la préparation de l’Union européenne (UE) par une approche holistique de la sécurité.

En ce qui concerne la défense, les efforts porteront notamment sur la poursuite du renforcement de l’industrie de défense et de la montée en puissance des capacités militaires européennes. La question du financement des initiatives pour atteindre ces objectifs constituera par conséquent le cœur du débat européen au cours de la présidence polonaise. Varsovie soutient en effet une prise de responsabilité européenne en matière de défense passant par un accroissement significatif des fonds investis dans ce domaine, tant au niveau des États membres qu’à celui de l’UE. Les autorités polonaises sont ainsi favorables à un endettement européen commun pour soutenir la relance du secteur européen de la défense et le financement de projets conjoints dans le domaine de l’armement, ainsi que la construction d’infrastructures militaires ou duales. La Pologne est notamment préoccupée par la protection de la frontière orientale de l’UE et porte ainsi le projet East Shield, un bouclier d’infrastructures composé de fortifications militaires et de systèmes technologiques (radars, systèmes anti-drones, etc.). Varsovie souligne l’intérêt que présente ce projet pour l’ensemble de l’Union et souhaite donc pouvoir utiliser les instruments de l’UE pour le soutenir.

Justement, l’identification d’une série de « projets d’intérêt commun en matière de défense européenne » devrait être abordée dans le cadre des négociations sur le futur programme pour l’industrie de défense européenne (EDIP). À la tête du Conseil, la Pologne jouera un rôle clé dans les discussions sur ce texte proposé par la Commission européenne en mars 2024. La présidence hongroise n’étant pas parvenue à boucler les discussions au Conseil avant la fin de l’année pour ensuite transférer le texte au Parlement, c’est donc la Pologne qui prend le relais et aura pour tâche de faire émerger la position des États membres sur ce dossier crucial pour la défense européenne.

Alors que la Pologne avait frôlé le « Polexit » en 2021, l’arrivée au pouvoir de Donald Tusk semble avoir permis de meilleures relations entre Bruxelles et Varsovie. Comment la relation entre la Pologne et l’Union européenne a-t-elle évolué, notamment depuis la guerre en Ukraine ?

Les politiques du précédent gouvernement polonais, dirigé par Mateusz Morawiecki, et de la Diète dominée par le parti Droit et Justice (PiS) ont en effet été marquée par un fort euroscepticisme et une remise en cause de l’État de droit en Pologne. Ce positionnement a logiquement tendu les relations entre Bruxelles et Varsovie et a notamment conduit à une suspension du versement des fonds du plan de reprise et de résilience post-Covid à la Pologne, conditionné à la mise en œuvre de réformes sur l’indépendance du pouvoir judiciaire. Néanmoins, l’attachement à l’UE – majoritaire au sein de la population polonaise – et surtout la situation de premier bénéficiaire net du budget européen de la Pologne ont toujours permis de limiter la crédibilité d’un éventuel « Polexit ».

Depuis le 24 février 2022, alors que le PiS était toujours au pouvoir, le rôle clé de la Pologne dans le soutien à l’Ukraine a contribué à faire passer au second plan les problématiques d’État de droit dans les relations entre Varsovie et Bruxelles, même si Mateusz Morawiecki ne manquait pas de dénoncer « une guerre sur deux fronts » et une stigmatisation de la Pologne. À l’automne 2023, la victoire électorale de la coalition menée par Donald Tusk – ancien président du Conseil européen – a donc marqué un basculement majeur du positionnement de Varsovie vis-à-vis de l’UE.

En outre, la Commission européenne est en passe de devenir un acteur incontournable dans le domaine de l’industrie de défense. Cette montée en puissance s’est notamment traduite par le déblocage de financements (limités pour l’instant) pour soutenir l’accroissement des capacités de production et les acquisitions communes d’armement. Les autorités polonaises ont ainsi témoigné leur intérêt pour ces initiatives qui représentent aussi une opportunité pour leur industrie de défense de monter en puissance, dans un contexte où celle-ci représente désormais un pilier de la sécurité nationale.

Ce recalibrage de la position polonaise vis-à-vis de la Commission européenne et des initiatives européennes en matière de défense s’est également manifesté à travers une initiative polono-grecque sur un « bouclier anti-aérien européen ». Les chefs de gouvernement des deux pays ont en effet envoyé conjointement une lettre à la présidente de la Commission européenne – prenant donc acte du rôle nouveau de l’exécutif européen – pour appeler au développement de cette nouvelle capacité en se basant sur les compétences de l’industrie européenne, ainsi qu’à l’émergence d’une « Union de la défense ».

Alors que les meneurs traditionnels, la France et l’Allemagne, sont très fragilisés sur le plan intérieur, dans quelle mesure la Pologne est-elle en mesure d’imposer son leadership sur l’Union européenne, notamment en matière de défense ?

Varsovie est effectivement devenue un centre de gravité géographique et politique dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie, dont les pays du flanc oriental ont toujours craint qu’elle ne redevienne une menace. Plaque tournante du soutien à l’Ukraine et puissance militaire émergente, la Pologne a rapidement construit une crédibilité sur laquelle fonder son leadership, déjà reconnu dans la région de la Baltique et sur le flanc oriental.

En 2024, la Pologne a consacré 4,1 % de son PIB aux dépenses de défense et ce chiffre pourrait atteindre 4,7 % en 2025 – en comptabilisant un fonds extra-budgétaire mis en place en 2022 et doté de 8 à 12 milliards d’euros par an. En 2025, les dépenses de défense polonaises pourraient ainsi s’élever en tout à 41 milliards d’euros, dont 29 milliards d’euros de budget – contre un peu moins de 13 milliards en 2021 – rattrapant ainsi peu à peu les principales puissances militaires européennes. Ces investissements visent à renforcer rapidement les capacités militaires polonaises à travers d’importants contrats d’armement avec les États-Unis, la Corée du Sud ou encore le Royaume-Uni.

Forte de cette légitimité nouvelle et du retour d’un gouvernement pro-européen au pouvoir, Varsovie entend désormais s’affirmer sur la scène européenne et renforcer son influence au sein de l’UE (et de l’OTAN). La Présidence du Conseil représente donc une opportunité pour l’affirmation de ce leadership, alors que l’UE se prépare au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Dans ce contexte, l’atlantisme historique de la Pologne serait susceptible de représenter un atout pour les relations avec Washington, à condition que Varsovie et les autres capitales européennes ne cèdent pas à l’approche transactionnelle renforcée souhaitée par le nouveau président américain, et à la division interne de l’UE qui en découlerait.

France-Philippines : renforcer la coopération maritime

France-Philippines : renforcer la coopération maritime

par Céline PAJON et Jose Renan SUAREZ – IFRI – publié le 7 janvier 2025

Une coopération maritime renforcée entre la France et les Philippines, deux nations de l’Indo-Pacifique, pourrait s’appuyer sur leurs intérêts communs, leurs besoins et leur expertise en matière de sécurité et de gouvernance maritimes, tout en ouvrant la voie à un rapprochement stratégique.

Vue aérienne de plage avec des bateaux de pêche. Elnido, Philippines, 2018.
Vue aérienne de plage avec des bateaux de pêche. Elnido, Philippines, 2018. © Shutterstock.com

La France et les Philippines sont deux nations maritimes de l’Indo-Pacifique, ou « nations bleues ». La France possède la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde, dont 90 % se trouvent dans l’Indo-Pacifique, tandis que les Philippines, un archipel stratégiquement situé au barycentre de cette vaste région, comptent 36 000 kilomètres (km) de côtes, ce qui les place au sixième rang mondial en termes de ZEE. Les Philippines possèdent la troisième plus vaste superficie de récifs coralliens au monde, tandis que la France se classe au quatrième rang. Enfin, acteurs majeurs du secteur de la pêche, les deux pays partagent des enjeux communs liés à la gestion durable des ressources marines et au renforcement de la sécurité maritime.

Les auteurs de ce Briefing proposent des pistes pour renforcer la coopération maritime entre la France et les Philippines, qui s’appuierait sur leurs valeurs communes, telles que la défense de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), l’engagement en faveur de la liberté de navigation et le soutien à un ordre international multilatéral fondé sur des règles. Ce Briefing présente les enjeux stratégiques justifiant cette coopération et en identifie les domaines opérationnels les plus porteurs. Cette initiative est particulièrement opportune, alors que la France s’apprête à accueillir la troisième Conférence des Nations unies sur les océans à Nice en juin 2025.

L’axe stratégique Russie-Corée du Nord : une évaluation

L’axe stratégique Russie-Corée du Nord : une évaluation

Publication générique pour un programme/observatoire n°00/2025
par Valérie Niquet – Fondation pour la recherche stratégique – publié le 7  janvier 2025

Le 23 octobre 2024, lors du premier sommet des ministres de la Défense des pays du G7, le Secrétaire d’État à la Défense, Lloyd Austin, a confirmé que la Corée du Nord se préparait à envoyer plusieurs milliers de soldats en Russie

. D’après le ministère sud-coréen de la Défense, 3 000 soldats nord-coréens seraient déjà présents sur le territoire russe

. Cet envoi de troupes représente une étape supplémentaire dans la coopération militaire entre Moscou et Pyongyang, laquelle a été officialisée par la signature d’un partenariat stratégique au cours de la visite de Vladimir Poutine en Corée du Nord en juin 2024. Ce tournant dans les relations bilatérales s’accompagne d’une intensification des tirs de missiles par la Corée du Nord à l’approche des élections présidentielles aux États-Unis. En particulier, le 30 octobre 2024, la Corée du Nord a procédé à l’essai d’un missile intercontinental, le premier depuis décembre 2023

. Ce missile à carburant solide, qui a parcouru une distance de 7 000 kilomètres – supérieure à celle des tirs précédents –, pourrait indiquer un renforcement de la coopération technologique avec la Russie, impliquant un progrès significatif en matière de motorisation

Un partenariat stratégique en action…

Depuis 2022, la Corée du Nord a fourni une aide matérielle importante à la Russie, lui permettant dans un premier temps de combler les manques de l’industrie russe de défense. Pyongyang aurait fourni près de trois millions d’obus et plusieurs dizaines de missiles balistiques à la Russie transportés depuis le port de Rason en Corée du Nord

. La France, comme le Japon, a dénoncé l’utilisation de ces missiles contre l’Ukraine aux côtés de 47 autres pays. Au mois de juin 2024, Vladimir Poutine s’est rendu en Corée du Nord où un partenariat stratégique comportant une clause d’assistance mutuelle a été signé

. Le traité prévoit que « en cas de guerre résultant d’une invasion armée, les deux parties offriront une assistance mutuelle militaire ou d’autre type »

. Ce cadre pourrait justifier l’envoi de forces coréennes d’appoint dans la région de Koursk ou dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. 

La coopération pourrait également s’étendre au domaine spatial. Le directeur de l’agence spatiale russe faisait partie de la délégation accompagnant Vladimir Poutine en Corée et Pyongyang pourrait être intéressé par le développement d’un système de surveillance spatial sous l’égide de la Russie.

… répondant à divers objectifs

Une aide économique cruciale

Plusieurs ministres en charge de l’économie faisaient partie de la délégation russe en visite à Pyongyang en juin 2024. Pour la Corée du Nord, le soutien à la Russie revêt un intérêt économique crucial, surtout pour un pays toujours soumis aux sanctions internationales. Cette assistance comprendrait l’approvisionnement en énergie, notamment en charbon – essentiel à l’approche de l’hiver –, en pétrole, indispensable au bon fonctionnement des forces armées, ainsi qu’en produits alimentaires, qui continuent de manquer. La Russie aurait également accepté de transférer à la Corée du Nord 9 millions de dollars en devises, sur un total de 30 millions de dollars gelés dans les banques russes

. Ces éléments – énergie, nourriture et devises étrangères – sont vitaux pour la survie du régime nord-coréen.

Un soutien militaire renforcé

Un soutien militaire accru à la Corée du Nord constitue également un volet important des échanges entre Moscou et Pyongyang. Cette coopération permet à la Corée du Nord de tester ses capacités militaires en situation de guerre, en particulier dans le domaine balistique, et d’améliorer les performances de ses missiles, qui semblent encore limités en termes de précision. En apportant un soutien militaire à la Corée du Nord, la Russie renforce sa capacité à mener et potentiellement remporter un conflit dans l’éventualité d’une offensive contre la Corée du Sud. La participation de soldats et d’officiers nord-coréens aux combats en Ukraine offre également au régime l’opportunité d’évaluer les compétences opérationnelles de ses troupes, qui n’ont plus combattu depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.

Les informations restent cependant divergentes concernant le degré d’intégration des troupes et officiers nord-coréens et leur niveau d’autonomie opérationnelle. D’après certaines sources nord-coréennes, six officiers auraient été tués dans une zone sous contrôle russe, à l’est de l’Ukraine.

Pour le Japon et ses partenaires, une question essentielle réside dans l’ampleur et la nature de l’aide que la Russie pourrait fournir à la Corée du Nord sur le développement de son programme balistique et nucléaire, ce qui pourrait l’accélérer et renforcer sa crédibilité. Contrairement à la Russie, la Corée du Nord n’a jamais effectué d’essai nucléaire atmosphérique, et Moscou pourrait transmettre à Pyongyang des informations précieuses à ce sujet. Cette assistance pourrait également concerner les capacités de ciblage des missiles, voire la production d’armes nucléaires tactiques et de torpilles dotées d’une charge nucléaire.

La position de la Russie sur la question nucléaire nord-coréenne a en effet connu une évolution significative. Après avoir longtemps soutenu, au Conseil de sécurité, les résolutions visant à sanctionner la Corée du Nord, Moscou a opposé, en mars 2024, son veto au renouvellement du mandat du groupe d’experts chargé de surveiller l’application des sanctions prévues par la résolution 1718. En juin 2024, lors de sa visite à Pyongyang, Vladimir Poutine a également plaidé en faveur d’une révision du régime de sanctions imposé par le Conseil de sécurité, y compris celles visant la Corée du Nord.

L’impact diplomatique de l’engagement nord-coréen aux côtés de la Russie

L’implication de la Corée du Nord aux côtés de la Russie dans le conflit en Ukraine consolide sa position diplomatique sur la scène internationale. Le rapprochement entre Moscou et Pyongyang accroît également la marge de manœuvre et le potentiel de pression de la Corée du Nord vis-à-vis de la Russie, du Japon, ainsi que de la Chine. Pyongyang cherche ainsi à retrouver une position stratégique comparable à celle qu’elle occupait avant la chute de l’URSS, lorsque le conflit sino-soviétique permettait un jeu triangulaire plus favorable aux intérêts nord-coréens.

Ainsi, le déplacement de Vladimir Poutine à Pyongyang, ainsi que sa visite au Vietnam, n’ont probablement pas satisfait Pékin, qui privilégie des relations massivement asymétriques, où la République populaire de Chine occupe une position dominante. Il est par ailleurs douteux que la Russie ou la Corée du Nord aient informé le Parti communiste chinois de l’envoi de troupes nord-coréennes en Russie. Bien que la Chine entretienne un « partenariat sans limites » avec la Russie et soit liée à la Corée du Nord par un traité militaire, les intérêts de ces trois acteurs divergent, notamment en ce qui concerne la péninsule coréenne. Si la RPC n’est pas prête à abandonner son allié nord-coréen, qui constitue un État-tampon face à la Corée du Sud et à la présence américaine, Pékin est défavorable à tout ce qui pourrait encourager les dirigeants nord-coréens à l’escalade dans la péninsule. Confrontée à des difficultés économiques croissantes, et à l’élection d’un président américain imprévisible, la RPC recherche avant tout l’absence de tensions non maîtrisées dans son environnement immédiat.

Les bénéfices stratégiques pour la Chine

Dans le même temps, la Chine pourrait voir d’un bon œil la prolongation du conflit en Ukraine, que la participation accrue des forces nord-coréennes pourrait favoriser si celles-ci devenaient plus nombreuses. Cette guerre accentue la pression sur l’Europe et contribue à diviser les alliés, surtout avec le retour au pouvoir de Donald Trump. Elle pourrait également détourner l’attention des Européens de la question de Taïwan et de la stabilité dans le détroit, bien que le Japon insiste régulièrement sur l’existence d’un lien direct, en raison de cette coopération renforcée avec Moscou, entre la guerre en Ukraine et un risque potentiel de conflit en Asie. 

Un autre avantage de la continuation de la guerre en Ukraine pour Pékin réside dans l’affaiblissement de la Russie à mesure que le conflit se prolonge, rendant ainsi le partenariat sino-russe sans limites toujours plus asymétrique en faveur de la Chine.

Les limites de la coopération russo-nord-coréenne

Plusieurs facteurs pourraient toutefois peser sur la poursuite de l’engagement de la Corée du Nord aux côtés de la Russie. L’envoi de troupes, dont la supposée qualité d’élite reste à prouver, pourrait au contraire révéler des faiblesses dans la préparation au combat des forces nord-coréennes. Si cet engagement implique une réelle participation aux combats, il offrirait à la Corée du Sud l’occasion d’analyser et de mieux comprendre les modes d’action des forces nord-coréennes, notamment le rôle des commissaires politiques et des officiers, surtout si ces troupes bénéficient d’une autonomie opérationnelle — ce qui reste incertain.

Par ailleurs, la Corée du Sud pourrait saisir cette occasion pour mener des opérations de guerre psychologique à l’encontre des soldats nord-coréens, dont la plupart n’ont aucune expérience du combat. Leur motivation pourrait être sujette à caution, et l’épreuve du feu pourrait engendrer un choc psychologique, favorisant ainsi des défections.

Des risques accrus pour la stabilité stratégique régionale

Si l’entrée de troupes nord-coréennes ne signe sans doute pas une internationalisation massive de la guerre en Ukraine, cette escalade peut avoir des conséquences sur la stabilité stratégique en Asie, dont le maintien constitue une préoccupation commune pour le Japon et la France. 

Forte de sa nouvelle expérience du combat, la Corée du Nord pourrait se montrer plus agressive, multipliant les provocations contre la Corée du Sud, au risque d’un dérapage

La question de la prolifération des armes de destructions massive est également posée. Selon des sources sud-coréennes, la Corée du nord aurait achevé les préparatifs pour procéder à un nouvel essai nucléaire, qui pourrait toutefois attendre l’« intronisation » du nouveau président américain Donald Trump et une évaluation de l’évolution des relations entre Pyongyang et Washington sous la nouvelle administration, la Corée du Nord n’étant en tout état de cause pas prête à abandonner sa capacité nucléaire acquise

Une inquiétude immédiate pour le Japon

Le renforcement des capacités nord-coréennes et la menace potentielle d’un conflit dans la péninsule réveille au Japon la crainte d’un conflit sur deux fronts, l’autre front étant le détroit de Taïwan, auquel l’alliance nippo-américaine devrait faire face. Face à cette possibilité de deux théâtres d’opérations intégrés en Asie, la réponse pour Tokyo ne peut être que le renforcement de cette alliance, ainsi que celui de ses propres capacités de défense, avec notamment l’acquisition de capacités de frappe à longue portée censées avoir un effet dissuasif. Au lendemain de l’élection de Donald Trump, le Premier ministre japonais Ishiba a immédiatement réaffirmé le caractère central de l’alliance nippo-américaine, pierre angulaire de la sécurité en Asie. A l’occasion du sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) qui s’est tenu à Lima au mois de novembre 2024, le Premier ministre Ishiba, le Président Yoon et le président Biden ont réaffirmé l’importance stratégique, dans la durée, de la coopération trilatérale entre le Japon, la Corée du sud et les États-Unis. Les trois alliés ont rappelé que les enjeux de sécurité européens et asiatiques, avec l’envoi de troupes nord-coréennes en Russie, étaient de plus en plus indissociables. 

Toutefois, en Asie comme en Europe, sur la péninsule coréenne comme en Ukraine, la principale interrogation porte – pour le moment sans réponse – sur les choix qu’effectuera la nouvelle administration Trump en matière de défense et de sécurité. La Corée du Nord, contrairement aux attentes, pourrait se satisfaire de l’élection d’un président qui avait accepté de rencontrer le leader nord-coréen, même si la rencontre n’avait débouché sur aucune avancée en matière de prolifération nucléaire

Par ailleurs, en soutenant éventuellement un accord  sur l’Ukraine prenant en compte les exigences de Moscou, les États-Unis pourraient offrir de nouvelles marges de manœuvre à la Russie, qui serait alors moins dépendante de la Chine et – dans une moindre mesure – du « Sud global ». On peut alors s’interroger sur un éventuel retour à une relation moins tendue avec le Japon, également préoccupé par la montée en puissance de la Chine et par la volonté de gérer au mieux la question des territoires du nord (Kouriles).

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

– Forces opérations Blog – publié le

L’année 2025 sera synonyme de « ruptures puissantes », assurait hier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Parmi ces axes d’effort, une montée en cadence de la production d’armement qui exigera de gagner en audace, en simplification, en agilité et en compétitivité tout en restant vigilant face à certaines entraves persistantes ou potentielles notamment à l’échelle européenne. 

« Nous ne devons pas faiblir ». Le ton adopté lors des traditionnels voeux aux armées aura été clair, direct, parfois tranchant. Sébastien Lecornu avait fixé un cap en 2024, celui d’un réarmement devenu nécessaire « alors que le monde devient de plus en plus désordonné et brutal, alors que la course aux technologies est de plus en plus rapide et dérégulée, alors que les menaces se cumulent pour notre sécurité ». 

De ce constat découlent des lignes directrices pour les 12 prochains mois. Ou, plutôt, des « ruptures puissantes pour nous donner des capacités militaires concrètes et efficaces que l’histoire décidera ou non de mettre à l’épreuve », annonçait le ministre des Armées depuis la cours des Invalides. L’une d’entre elles consistera à accélérer encore sur la production de matériels militaires, une dynamique appelant à la prise de risque « pour faire plus, pour faire mieux et pour faire plus vite » et dans laquelle certaines grandes nations alliées ou concurrentes à l’exportation ont pris de l’avance. 

Cette rupture, c’est le fondement d’une économie de guerre présentée en juin 2022, largement théorisée depuis lors mais seulement partiellement mise en œuvre aujourd’hui. Le doublement de production d’obus de 155 mm et de missiles MISTRAL, ou encore le nouvel outil de production qu’EURENCO inaugurera à Bergerac au printemps en sont de trop rares exemples. « Soyons lucides, nous ne sommes qu’au début de ce que nous devons accomplir pour être au niveau d’une véritable économie de guerre », admettait Sébastien Lecornu tout en déplorant des freins « encore trop nombreux ». 

Parmi les chantiers à poursuivre, un agenda européen de soutien à l’industrie de défense « utile » mais dont la construction n’exclut pas, du moins pour l’instant, le spectre d’un cheval de Troie américain. Effort principal, le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP), vise certes à muscler l’autonomie mais pose la question de l’appui financier à la production d’équipements sous licence américaine. Un hiatus dont la France s’est emparée de longue date et qui se maintient à l’heure où la Pologne prend la tête du Conseil européen pour les six prochains mois. 

« Nous ne céderons rien », assure le ministre des Armées. Il est désormais impératif, pour ce dernier, que le pilotage des priorités reste dans les mains des États membres, que les autorités européennes participent à accélérer et simplifier le fonctionnement de la filière plutôt que de se substituer aux États par de nouvelles contraintes. Garantir l’équilibre des pouvoirs dans un secteur régalien, « c’est tout l’enjeu de la négociation en cours sur EDIP ». Et « en la matière, il vaut mieux ne rien faire que de faire mal », martelait Sébastien Lecornu. 

Autre chantier majeur, le financement des entreprises de défense s’avère plus que jamais nécessaire pour « investir dans de nouvelles machines, dans des stocks plus importants, dans la formation et, bien sûr dans les recrutements ». Ici aussi, l’Europe s’expose au tacle ministériel. « La taxonomie européenne actuelle génère encore un effet d’éviction au financement de nos entreprises de défense. Cela n’est pas acceptable ». Derrière ce combat mené à l’Europe, le degré national fera l’objet d’une réunion au premier trimestre 2025 des acteurs du financement et de l’industrie pour préciser les modalités de mise en oeuvre de nouvelles mesures incitatrices. 

L’export, parallèlement, « est vital pour développer notre base industrielle et technologique de défense ». Celle-ci s’en est bien sortie l’an dernier, avec plus de 18 Md€ de prises de commandes dont près de 10 Md€ pour des plateformes emblématiques. Si 2024 restera la deuxième meilleure année de l’histoire de la BITD française, « l’année 2025 s’annonce comme une excellente année », poursuivait Sébastien Lecornu avant de confirmer l’achat par l’Irak de 14 hélicoptères Caracal. 

Une nouvelle année record doit se profiler à l’horizon selon le ministre, à condition de transformer les essais sur les bâtiments de surface – « de frégates de défense et d’intervention en particulier » -, l’artillerie, les radars, les hélicoptères. L’effort portera également sur un système SAMPT NG « qui répond fondamentalement aux prochaines menaces balistiques notamment venues d’Iran et de Russie ». Pour s’en assurer, la BITD doit néanmoins gagner en compétitivité. L’exigence matérielle des clients s’assortit en effet de nouveaux critères de contraction des prix et des délais. Ce à quoi, justement, l’accélération visée pour l’an prochain tend à répondre. 

Crédits image : X/Sébastien Lecornu

Conférence d’Alain Juillet : “Fondements et frontières de la souveraineté numérique”

AASSDN – publié le 1er janvier 2025

https://aassdn.org/amicale/conference-d-alain-juillet_fondements-et-frontieres-de-la-souverainete-numerique/


Le monde est en train de changer en passant de la domination des occidentaux à celle des BRICS. Parallèlement après avoir cru à la mondialisation depuis 1990 nous rentrons dans la multipolarité dans laquelle chaque groupe de pays veut affirmer sa spécificité et recouvrer une souveraineté mise à mal par le système occidental.

La souveraineté c’est le droit absolu d’exercer une autorité législative, judiciaire ou exécutive sur une région, un pays ou un peuple. Comme l’a défini le général De Gaulle : Tout système qui consisterait à transmettre notre souveraineté à des aéropages internationaux serait incompatible avec les droits et devoirs de la république française.

Au niveau d’un pays elle peut être politique, territoriale, économique, militaire et, pour ce qui nous intéresse, numérique.

A ce stade il faut rappeler la définition du numérique : c’est une information qui se présente sous forme de nombres, associés à une indication de la grandeur physique à laquelle ils s’appliquent, permettant les calculs, les statistiques, et la vérification des modèles.

La souveraineté numérique c’est donc tout ce qui permet à un état ou une organisation d’établir son autorité, pour exercer ses pouvoirs dans le cyberespace, en couvrant des domaines comme le contrôle des données personnelles ou la dépendance technologique.

Pour aller plus loin il faut se souvenir qu’elle est de deux ordres :

  • La souveraineté numérique proprement dite concerne la propriété et fait référence à la capacité de gouverner l’infrastructure numérique. Elle permet de donner confiance aux citoyens, aux entreprises et aux administrations en contribuant à la protection de leurs données personnelles, professionnelles ou étatiques. On la mesure en identifiant au niveau des fournisseurs, des technologies, et des personnes, les endroits où un effet de verrouillage ou d’autres problèmes affectent ou peuvent affecter la souveraineté numérique
  • La souveraineté des données concerne le contrôle. Elle fait référence aux lois et à la gouvernance entourant la collecte et le stockage des données. Elle repose sur l’autorité permettant de détenir des données et sert en droit générique au service des nombreux aspects liés au traitement des données numériques entre protection chiffrement transmission et stockage. 

En France la RGPD établit ce qui est acceptable en matière de collecte de traitement et de stockage des données personnelles. On attend des entreprises qu’elles respectent la vie privée, qu’elles soient transparentes sur la manière de collecter et d’utiliser les données, et qu’elles leurs fournissent les outils dont elles ont besoin pour gérer leurs données.

Au niveau de l’UE dans le cadre du Digital Cyber Act mis en marche le 6 mars 2024, le commissaire européen Thierry Breton a fait adopter 3 textes : le Digital Operational Resilience Act (DORA) pour les financiers, le Digital Service Act (DSA) pour les contenus illégaux , et le Digital Market Act (DMA) pour protéger les utilisateurs européens et leurs données.

Cette souveraineté des données de l’UE est garantie par l’application de ces réglementations assurant leur protection quel que soit leur lieu de traitement ou de stockage. 

Elle développe la concurrence sur les marchés numériques avec les géants du secteur. Sa mise en œuvre au niveau des enquêtes qui démarrent va permettre des sanctions réelles : ainsi Apple risque 6% d’amendes sur son CA mondial pour abus de monopole. Mais les capacités de remplacement des GAFAM par des acteurs européens est loin d’être évidente d’autant que la commission se mobilise peu pour y contribuer comme on l’a vu par exemple pour Nokia.

En complément de la souveraineté numérique et des données, il faut évoquer l’IA souveraine qui est la capacité d’une nation à développer l’IA avec des talents locaux à différents niveaux, en fonction de sa stratégie nationale en matière d’IA. Elle fait référence au contrôle exercé par un gouvernement ou une organisation sur les technologies d’IA et les données pour l’adapter à ses besoins locaux en vue de préserver ses valeurs et sa surveillance réglementaire.

Comme l’a dit Joseph Wehbe au World Economic Forum de Davos : Tous les gouvernements devraient travailler à lancer et développer des ecosystèmes d’IA locaux pour piloter la compétitivité économique et préserver leurs propres valeurs.

Selon la définition de Francois Jolain, la souveraineté numérique repose sur 3 piliers :

– l’électronique que l’on fabrique (hardware) 
– les logiciels qui tournent (software),
– les logiciels qui offrent un service en ligne sur internet (cloud)

Le Hardware :

C’est la filière des infrastructures commençant par les serveurs dans les datacenters reliés par des câbles de fibres optiques à travers le monde et se terminant en périphérie par tous les appareils connectés.

Les GAFAM et les BATX investissent dans les infrastructures. Les câbles sont surveillés et interceptés non seulement par les pays traversés mais aussi sur leur parcours sous-marins.

L’ensemble repose sur l’utilisation massive de semi-conducteurs. Il y a quelques années Intel contrôlait la chaine avec un quasi-monopole. Aujourd’hui c’est très fragmenté mais la majeure partie de la fabrication se concentre sur l’Asie, principalement à Taiwan avec TSMC, Foxcom, et Mediatel mais il y en a aussi en Corée, au Japon, et en Chine avec Huawei.

La clé du process est dans la réalisation des puces. Les schémas de base sont vendus par ARM ou RISC-V en open source. La fabrication passe par un producteur sélectionné pour sa capacité selon l’épaisseur en nanomètre sachant que plus les transistors du circuit électronique sont fins plus on peut densifier le circuit et dissiper la chaleur. La plupart des producteurs font des puces de 7nm, soit environ 10.000 fois moins que l’épaisseur d’un cheveu, qui répondent à des besoins courants.

Les Hollandais d’ASML sont les seuls à faire des machines de gravure de 5nm. En position quasi monopolistique puisqu’elle est la seule capable de fabriquer des puces de 5nm, TSMC  est localisée dans la zone conflictuelle de Taiwan. Pour préserver la souveraineté numérique des occidentaux, les Américains ont obtenu la création de deux usines dans l’Arizona qui seront opérationnelles fin 2026. l’UE a également obtenu qu’une usine soit construite en Allemagne. Parallèlement on est obligé de constater que, depuis l’interdiction d’achat de puces taiwanaises et de machines ASML imposée par les Américains, la Chine rattrape son retard plus vite que prévu grâce à de très gros investissement dans la recherche avec l’aide de l’espionnage technologique.

Dépendre de puissances étrangères pour le hardware ouvre la porte à la surveillance et aux interceptions. On l’a vu avec Cisco pour la 4G et Huawei pour la 5G. Pour limiter le risque il faut avoir des entreprises capables de concevoir et de produire en France, comme ST Micro appuyé par des labos de recherche comme le CEA Tech à Grenoble qui intéresse nos concurrents. 

Le Software :

Il existe autant de logiciels tournant sur le hardware que d’usage, les plus critiques étant les systèmes d’exploitation (OS). Chacun crée une sorte de monopole car leurs applications sont conçues pour cet OS. De surcroit, plus il y a d’utilisateurs plus il y a d’applications ce qui attire plus d’utilisateurs. Le meilleur exemple est Microsoft qui propose un OS avec son ensemble d’applications permettant de répondre à tous les besoins.

Tout OS permet d’espionner son utilisateur directement ou par des back doors. C’est dans le software qu’apparaissent chaque semaine 5 000 virus nouveaux qui peuvent piller, détourner, copier ou détruire les données, ou encore organiser des demandes de rançons. Leur capacité peut aller jusqu’aux destructions massives avec des virus type Scada  comme Stuxnet et Olympic Games qui peuvent détruire des usines iraniennes ou couper des sources d’énergies comme la lumière de villes ukrainiennes.

D’un autre côté l‘exploitation des failles des OS et des applications ouvre des possibilités qui justifient les travaux de recherche pour les détecter et les éliminer.  L’open source qui réduit une partie du danger et de la dépendance est devenue la norme la plus utilisée. La Gendarmerie française qui utilise un OS, basé en open source, sur Linux en est un bon exemple.  

Le Cloud

Les Américains ont été les premiers à créer des clouds pour stocker des datas et créer nombre de services et logiciels en ligne. Le problème est venu des lois extraterritoriales des Etats-Unis qui permettent aux Services et administrations de pouvoir consulter et copier tout ce qui passe à travers ou utilise un élément américain.

De surcroit les différences de conception de la donnée, protégée en Europe mais commercialisée aux USA fait que des opérateurs comme, par exemple, Facebook, Tik tok ou Waze aspirent les données quand on les utilise.

Au-delà de son utilité indiscutable, le cloud est donc un endroit dangereux pour la sécurité des données si l’on n’y prend pas garde. Il faut toujours vérifier où sont localisés les datacenters et connaitre l’origine et les fonds du propriétaire du cloud. Ce risque réel a provoqué la création de clouds souverains européens et nationaux aux résultats variables car la concurrence est rude avec ceux d’outre atlantique qui sont en général moins coûteux et plus performants.

En réalité, si l’on veut vraiment sécuriser ses données, la solution passe par une évaluation hiérarchisée des données mises dans le cloud. On peut confier à un cloud américain ou international celles dont la diffusion ne représente aucun risque, à un cloud national celles qui sont très importantes ou essentielles, et à un cloud européen celles qui sont entre les deux.

La pratique montre que nous en sommes loin pour deux raisons ;

  •  Après l’échec du projet Andromède, la France ne dispose que d’un nombre très restreint de clouds souverains performants. De plus on est obligé de constater que les tentatives d’entrées en bourse d’OVH  pour se renforcer ont été perturbées selon un processus que l’on a déjà connu chaque fois que cela pouvait pénaliser des entreprises américaines.
  • En dépit des alertes et sensibilisations l’État et de nombreuses grandes entreprises continuent à traiter avec des clouds et des sociétés américaines dans des domaines variés comme la santé les impôts ou les énergies.

Au-delà du législatif, incluant la certification et les réglementations en vigueur, de l’optimisation de la chaine opérationnelle, et de la protection des données, le maintien de la souveraineté numérique implique l’utilisation de la cyberdéfense défensive et offensive face aux prédateurs de toute sortes et de toutes origines. Face à une évolution continue des technologies et des modes d’actions utilisés par les Etats, certaines entreprises et les groupes criminels, c’est un complément indispensable pour sécuriser sa position, qui utilise des outils conçus pour cette mission.

L’efficacité de la cybersécurité suppose une définition des objectifs à atteindre, un cadrage du périmètre et une identification préalable des vulnérabilités de l’entreprise. A ce stade il faut viser large en commençant par les modes de travail, les outils et leur utilisation, les bonnes pratiques, sans oublier les actions de prévention. Il ne faut jamais oublier que sans une politique de prévention on subit. Ajoutons que le développement de la mobilité et des outils nomades renforce l’importance des communications sécurisées et les risques d’interceptions.

 Vouloir une souveraineté numérique demande non seulement d’anticiper mais aussi de répondre aux attaques qui se multiplient. Ainsi en 2023 :

  • 69% des attaques ciblaient des entreprises
  • 20% des collectivités territoriales
  • 11% des établissements de santé

Sommes-nous numériquement souverains quand :

– en janvier 2024 l’hôpital Simone Veil de Cannes est attaqué par un ransomware et le groupe Ramsay santé subit une attaque conjointe dans deux établissements

– en février France Travail subit un malware infiltré ses systèmes informatiques

– en avril Saint-Nazaire subit une attaque qui paralyse les systèmes d’information et les services municipaux tandis qu’à Pont-à-Mousson la communauté de communes doit faire face à un cryptovirus

– en mai Engie subit une cyberattaque du groupe Lapsus tandis qu’Intersport se fait voler 52 Go de données sensibles.

– et pendant tout ce temps la SNCF et la Société générale affrontent des actions de pishing sur les clients qui continuent encore aujourd’hui

Les fondements et les frontières de la souveraineté numérique concernent aussi bien la data que la régulation, l’innovation que la cyberdéfense, sans oublier la puissance numérique dans tous les domaines que nous venons d’évoquer. Leur énumération et les problèmes rencontrés démontre qu’il est impossible pour un pays comme la France mais également pour l’Europe de contrôler toute la chaine. Notre souveraineté ne peut donc être totale. Elle ne peut être que partielle et sélective car certaines composantes doivent être partagées ou transférées. C’est à travers la liberté de choisir ce qui est transférable que s’exerce la véritable souveraineté. Le but ultime étant la protection du pays et la capacité d’assurer les fonctions essentielles à son bon fonctionnement. Cette option est donc réalisable en se focalisant sur certains niveaux et certains domaines comme les logiciels dans le software et dans le cloud ou sur des secteurs stratégiques.

Mais n’oublions pas l’évolution permanente des techniques et outils. L’arrivée du quantique risque de remettre en cause toute une partie de notre analyse et des éléments potentiels de souveraineté. Pouvant gérer d’énormes ensembles de données beaucoup plus efficacement, il va changer notre futur technologique dans de nombreux secteurs. De surcroit, il faut être conscient que ces innovations et leurs applications variées vont être amplifiée par l’intelligence artificielle.

Alain JUILLET
Conférence prononcée par le président de l’AASSDN
Producteur de la chaine Open Box TV

http://openboxtv.fr/emissions/

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone vient de dévoiler ses priorités d’investissement pour l’année suivante. Sans surprise, il se tourne vers des technologies de pointe pour assurer un approvisionnement suffisant aux États-Unis.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – publié le

pentagone-programme-investissement-2025
Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025 | Armees.com

En 2025, le Pentagone va continuer d’investir dans de nombreuses technologies, ciblant celles jugées vitales pour les États-Unis.

Le Pentagone lève le voile sur son programme d’investissement pour 2025

Une fois de plus, il s’agit d’une stratégie ambitieuse et minutieusement élaborée pour renforcer la sécurité nationale des États-Unis, sans oublier de stimuler l’innovation technologique. Cette initiative est orchestrée par le Bureau du Capital Stratégique (OSC), créé en 2022 sous l’impulsion du secrétaire à la Défense Lloyd Austin. Son objectif est clair : canaliser les ressources du secteur privé vers des technologies de pointe essentielles à la défense nationale et à l’avantage stratégique des États-Unis.

Le programme d’investissement 2025 du Pentagone cible principalement quinze segments industriels jugés critiques pour la sécurité nationale. Il inclut donc des domaines comme la fabrication de microélectronique, la biomanufacture, les technologies spatiales et les capteurs avancés. Ces priorités reflètent une vision stratégique à long terme visant à réduire les dépendances, à renforcer les chaînes d’approvisionnement et à anticiper les besoins de défense à l’échelle mondiale, mais surtout aux États-Unis.

Selon le rapport, l’investissement dans l’espace est considéré comme crucial pour maintenir un avantage concurrentiel face aux autres puissances mondiales. L’accent est mis sur le développement de vaisseaux spatiaux et de systèmes associés, qui joueront un rôle central dans la surveillance, la communication et la sécurité globale. Parallèlement, la biochimie, notamment la biomanufacture, est identifiée comme une industrie clé pour produire des solutions innovantes dans de nombreux domaines.

Le secteur privé mis à contribution

Depuis sa création, l’OSC déploie plusieurs outils financiers pour dynamiser les investissements dans ces secteurs critiques. Parmi les initiatives phares figure le programme SBICCT (Small Business Investment Company for Critical Technology), visant à attirer des capitaux privés vers les entreprises spécialisées dans les technologies de défense. En 2024, l’OSC a approuvé 13 fonds privés dans le cadre de ce programme. En octobre dernier, l’organisation a également annoncé un programme de prêts directs de 1 milliard de dollars destiné aux entreprises engagées dans la fabrication de composants de défense stratégiques. Cette initiative vise à surmonter les « points de strangulation » des chaînes d’approvisionnement et à accélérer la production dans 31 technologies critiques.

La stratégie du Pentagone s’étend sur plusieurs strates, des investissements immédiats à ceux s’échelonnant sur quinze ans. À court terme, l’objectif est de réduire les dépendances stratégiques et de sécuriser les approvisionnements essentiels. À moyen terme, soit entre deux et sept ans, l’OSC prévoit de renforcer la production américaine et alliée dans les technologies clés, notamment par des collaborations internationales. Enfin, à long terme, l’accent sera mis sur la commercialisation et la durabilité des innovations technologiques, permettant aux avancées de s’imposer durablement sur le marché.

Un rapport met en garde contre un possible conflit entre Israël et la Turquie

Un rapport met en garde contre un possible conflit entre Israël et la Turquie

https://www.opex360.com/2025/01/07/un-rapport-met-en-garde-contre-un-possible-conflit-entre-israel-et-la-turquie/


Le 6 janvier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a mis en garde contre toute partition de la Syrie, où Ahmad el-Chareh [alias Abou Mohammed al-Joulani], le chef de l’organisation Hayat Tahrir al-Cham [HTS, ex-Front al-Nosra, autrefois lié à al-Qaïda], a pris le pouvoir avec l’appui de groupes armés pro-turcs réunis au sein de l’Armée nationale syrienne.

« Nous ne pouvons permettre sous aucun prétexte que la Syrie soit divisée et si nous constatons le moindre risque nous prendrons rapidement les mesures nécessaires. […] Nous en avons les moyens », a en effet déclaré M. Erdogan.

A priori, cet avertissement concerne les Forces démocratiques syriennes [FDS], constituées essentiellement de combattant kurdes qu’Ankara accuse d’être en relation avec le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], considéré comme étant une formation terroriste. Et, au-delà, aux États-Unis, qui les soutiennent.

« Il n’y a pas de place pour la terreur et ceux qui soutiennent le terrorisme seront enterrés avec leurs armes », a précisé le président turc. « Si le risque se précise, nous pouvons intervenir soudainement, en une nuit », a-t-il ajouté, reprenant ainsi l’une de ses formules usuelles. « Nous en avons la capacité », a-t-il insisté.

Cette déclaration a été faite alors que des affrontements entre les combattants kurdes syriens et les groupes armés affiliés à Ankara venaient de faire une centaine de tués dans les environs de la ville de Manbij.

Cela étant, la mise en garde de M. Erdogan pourrait aussi s’adresser à Israël qui, à la suite de la chute du régime de Bachar el-Assad, a lancé une incursion armée dans la partie syrienne du plateau du Golan. Or, pour le moment, les intentions israéliennes demeurent floues.

Il s’agit d’une « mesure limitée et temporaire prise pour des raisons de sécurité », avait assuré Gideo Saar, le ministre des Affaires étrangères de l’État hébreu. Sauf que, de son côté, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou a promis que le « Golan ferait parti de l’État d’Israël pour l’éternité ».

Quoi qu’il en soit, cette incursion ne va pas améliorer les relations entre Israël et la Turquie, celles-ci étant à couteaux tirés depuis que M. Erdogan a menacé d’intervenir contre Tsahal, en juillet dernier.

« Nous devons être très forts pour qu’Israël ne puisse pas faire ces choses ridicules à la Palestine. Tout comme nous sommes entrés au Karabakh, tout comme nous sommes entrés en Libye, nous pourrions faire la même chose. Il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas le faire… Nous devons être forts pour pouvoir prendre ces mesures », avait-il affirmé, lors d’une réunion de l’AKP, le parti dont il est issu. En clair, il suggérait l’envoi de mercenaires, recrutés parmi les groupes rebelles syriens alignés sur les intérêts turcs.

Visiblement, les propos de M. Erdogan ont été pris au sérieux par la commission Nagel, laquelle réunit douze experts des questions militaires et sécuritaires [dont l’ex-général Jacob Nagel, qui lui a donné son nom]. Sa mission est de conseiller le gouvernement israélien en formulant des recommandations sur les orientations en matière de défense.

Ainsi, dans le dernier rapport sur le budget de la défense et la stratégie de sécurité qu’elle a remis le 6 janvier, et selon le résumé qu’en a fait le Jerusalem Post, la commission Nagel estime qu’Israël doit se préparer à une « confrontation directe avec la Turquie ».

« L’ambition de la Turquie de restaurer l’influence qu’elle avait à l’époque ottomane pourrait conduire à des tensions accrues avec Israël, ce qui pourrait dégénérer en conflit », estime la commission Nagel. En outre, le fait qu’il y ait des factions syriennes alignées sur Ankara est de nature à « créer une menace nouvelle et puissante pour la sécurité d’Israël ». Une menace qui pourrait même être encore « plus dangereuse » que celle incarnée par l’Iran.

Aussi, la commission Nagel recommande d’augmenter le budget de la défense de 15 milliards de shekels [3,98 milliards d’euros] par an au cours des cinq prochaines années afin de s’assurer que les forces israéliennes « soient équipées pour faire face aux défis posés par la Turquie et à d’autres menaces régionales ».

La 155e brigade mécanisée ukrainienne a égaré ses soldats entre la France et le front

La 155e brigade mécanisée ukrainienne a égaré ses soldats entre la France et le front

Un canon Caesar de la 155e brigade en action (photo E. CHAZE)

La saga de la brigade mécanisée ukrainienne « Anne de Kiev » (155e brigade) n’est pas aussi glamour qu’escomptée. Baptisée du nom de l’épouse du roi de France Henri Ier, cette brigade en partie équipée et formée en France par l’armée française s’est donné pour devise le mot d’ordre de la bataille de Verdun : « Ils ne passeront pas ».

Or, selon Yurii Butusov, rédacteur en chef du média ukrainien Censor.net, il y a loin de la coupe aux lèvres. En effet 1 700 de ses 4 500 soldats auraient déserté. Sa dotation en drones, en munitions, en moyens de guerre électronique serait largement insuffisante. Ses pertes, dès son déploiement près de la ville de Pokrovsk (sud du Donbass) que les Russes menacent depuis des mois, ont été conséquentes.

« Des personnes, de l’argent et du temps ont été consacrés à la formation de cette unité. Mais elle ne peut en fait pas être utilisée en raison de sa faible efficacité au combat »résume Butusov qui blâme le président Zelensky, son ministre de la Défense Oumerov et le commandant en chef des forces armées ukrainiennes Syrsky. Dans un article du 1er janvier, le journaliste dénonce un fiasco notoire qui a poussé, en décembre, le Bureau du procureur national ukrainien à ouvrir une procédure pénale concernant les circonstances de la formation de la 155e brigade mécanisée dont l’état-major, trois bataillons d’infanterie et leurs appuis (génie, artillerie, défense sol-air et reconnaissance) ont été formés en France, soit environ 2 000 hommes, à 90 % des conscrits sans expérience du combat. Le reste de l’unité a été formé en Pologne et en Ukraine.

Des soldats reconnaissants

Sur le front du Donbass, les soldats du bataillon d’artillerie de la brigade, équipés de canon Caesar, se confondent en remerciements envers la France.

Le chef du bataillon d’artillerie, dit « Apôtre » (photo Emmanuelle Chaze)

Le commandant du bataillon, nom de code «Apôtre», s’agace même des accusations de Butusov : « Mon boulot, ce n’est pas de commenter les décisions des politiques, de me plaindre de ce qu’on a ici ou pas. Mon boulot, c’est de faire un bon travail avec mes hommes. En attendant tout de l’armée et en se plaignant: du genre «Ils ne nous ont pas donné de téléphone satellitaire Starlink» etc…, ça ne marche pas! Moi j’ai eu mon Starlink grâce à des bénévoles. L’État ne peut pas tout, l’Etat saigne: les gens doivent comprendre ça! ».

Kiev prend des mesures

Les révélations de Butusov ont fait réagir jusqu’au sommet de l’État. Face aux révélations, décision a été prise par le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Sirskiy, d’approvisionner immédiatement la 155e brigade en drones supplémentaires, afin de pallier tout déficit en systèmes cruciaux.

Lundi, il a aussi dépêché le tout nouveau commandant de l’armée de Terre Mykhailo Drapatyi près de la ligne de front, à la rencontre de la 155e et d’un groupe de journalistes français dont la correspondante d’Ouest-France, Emmanuelle Chaze.

Mykhailo Drapaty lors du point presse de lundi avec des journalistes français (Photo by Genya SAVILOV / AFP)

Malgré sa bonhomie, le major général Drapatyi a concédé, lundi, des problèmes structurels au sein de l’armée ukrainienne : « Il y a des problèmes de personnel, de préparation et de composition des unités. Nous les analysons, nous en tirons des conclusions. Et ce qui ressort de la négativité nous sert d’expérience. Soyons francs, il n’y a pas d’autre exemple actuellement de brigade bâtie de zéro, et dont on attend de bons résultats à chaque étape, sans qu’elle rencontre certains problèmes. Ces problèmes, ils sont en passe d’être résolus. »

Le commandant de l’armée de Terre ne nie pas non plus des désertions  (une cinquantaine en France selon une source militaire française, le reste en Ukraine selon Butusov). Mais il refuse de commenter leur nombre, tout en distinguant entre les abandons de postes à l’arrière ou à l’entraînement et la désertion qui voit l’abandon par un soldat de ses camarades sur une position de combat. « Il existe plusieurs formes d’abandon dans les unités militaires, mais il y a aussi des raisons à cela, dont la peur, et un manque d’expérience pratique dans la conduite des hostilités. C’est à cela que nous devons travailler, et je suis certain que ce qui a été dit sur la brigade sera bientôt réfuté. »