Six jours après avoir annoncé la composition du gouvernement, l’Élysée a annoncé vendredi la nomination de Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des Armées et des Anciens combattants.
L’Élysée a annoncé vendredi la nomination d’un nouveau ministre, six jours après avoir annoncé la composition du gouvernement de Michel Barnier. Jean-Louis Thiériot, député Les Républicains de la Seine-et-Marne est nommé ministre délégué auprès du ministre des Armées et des Anciens combattants Sébastien Lecornu.
Passionné des sujets de défense, cet ancien avocat a été réélu en juillet devant un candidat RN grâce au front républicain. Âgé de 55 ans, il est vice-président de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Il écrivait début septembre sur le réseau social X faire « confiance au gaulliste Michel Barnier pour sécuriser les moyens des armes de la France« .
Selon un article publié dans le Figaro en 2022, il a fait partie d’un groupe informel réunissant d’autres députés LR, ayant pour objectif d’œuvrer à un rapprochement avec Emmanuel Macron. Mi-février 2022, quelques jours avant l’invasion russe en Ukraine, Jean-Louis Thiériot avait co-signé un rapport parlementaire remarqué sur la nécessaire adaptation de l’outil de défense français face au risque de conflits de haute intensité.
Ce vendredi, la députée Horizons Charlotte Parmentier-Lecoq a également été nommée ministre déléguée aux Personnes en situation de handicap. « Les deux nouveaux ministres vont rejoindre le séminaire gouvernement » en cours autour du Premier ministre, a précisé Matignon. Avec ces deux nominations, le gouvernement de Michel Barnier compte 41 membres.
Pas à pas, le 9e régiment de soutien aéromobile (9e RSAM) de Montauban progresse dans son objectif de « militarisation ». De la préparation opérationnelle au recrutement en passant par les matériels, les défis à relever ne manquent pas pour ce maillon essentiel de la chaîne de maintenance des hélicoptères de l’armée de Terre.
Les défis de la militarisation
De la Nouvelle-Calédonie au Tchad et du porte-hélicoptères amphibie Mistral à l’exercice Baltops, le 9e RSAM est sur tous les fronts depuis le 1er janvier 2024 et son intégration au sein de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC). Un cycle soutenu et une illustration par le terrain de la transition engagée vers un soutien opérationnel renforcé au profit de l’ensemble de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT), bascule rendue nécessaire par le retour des conflits de haute intensité.
Illustré par une présence dans le dernier défilé aérien du 14 juillet, ce rapprochement avec la 4e BAC est une réponse parmi d’autres au besoin d’autonomisation de la maintenance inscrit dans les réflexions d’une « armée de Terre de combat », explique le colonel Thibaut Ravel, chef de corps du 9e RSAM depuis l’été dernier. « Nous sommes dans une logique de montée en puissance liée à l’intégration dans la brigade, dont la manoeuvre doit pouvoir être suivie par le régiment », poursuit-il à l’occasion des 70 ans de l’ALAT.
Traduit en vocabulaire de maintenancier, cette militarisation « revient à évoluer d’une base de soutien des matériels à un régiment du matériel », nous glisse le colonel Ravel. Pour ses 500 maintenanciers du ciel, il s’agit tout d’abord de continuer à développer l’expérience opérationnelle au gré des déploiements et des exercices. Plutôt que d’assurer un soutien essentiellement à distance, le 9e RSAM est désormais un « joueur » parmi d’autres. Il est donc soumis aux mêmes contraintes de rusticité et devient, de par sa singularité, une cible de choix pour l’adversaire désirant gripper la chaîne de soutien française.
S’il participe activement à une préparation opérationnelle durcie, le 9e RSAM n’a pas vocation à suivre les hélicoptères dans leurs missions de transport ou de destruction de l’adversaire sur ses arrières. Il sera plutôt déployé selon le besoin par le groupement de soutien divisionnaire ou de théâtre vers les trains de combat des groupes aéromobiles. Il pourra continuer de miser sur son atout principal : la flotte de cinq avions à décollage court Pilatus PC-6 qu’il est le seul à opérer au sein de l’armée de Terre.
Après deux éditions absorbées par des manoeuvres de plus grande ampleur, l’exercice Baccarat revient cette année et sera un test majeur pour le régiment. Il y déploiera pour la première fois un centre opération complet, manoeuvre déjà expérimentée sous forme d’embryon en 2022 lors de l’exercice Manticore. Ce CO commandera une escadrille de maintenance et une section approvisionnement, soit 70 personnels présents à Mailly-le-Camp avec un objectif en tête : éprouver les savoir-faire et le dispositif au profit de l’autonomie des régiments d’hélicoptères de combat.
Le défi des ressources humaines ensuite, avec une population également appelée à « se militariser ». Le seul segment logistique aura vu son contingent de 20 militaires du rang quadrupler en l’espace de trois ans. Le 9e RSAM est aujourd’hui composé à 50% de personnel militaire. Demain, ils représenteront 70% de l’effectif. Ce sont autant de départs à la retraite à compenser par l’engagement de spécialistes en treillis. Un enjeu de taille dans une région où la présence de plusieurs géants de l’aéronautique ajoute un surplus de pression aux aléas de recrutement et de fidélisation auxquels sont continuellement confrontées les armées.
Des PC-6 modifiés en attendant un successeur
Se rapprocher de la première ligne implique, enfin, des efforts à court et à plus long termes sur le segment capacitaire. Ce sont des perceptions d’équipements et armements individuels, du matériel de vie en campagne mais aussi des investissements dans les outils de maintenance et les infrastructures associées. C’est aussi une attention apportée à l’avenir du vecteur signature du 9e RSAM, un PC-6 en service depuis les années 1990.
Régulièrement rénové, le PC-6 sort de plus de 10 années d’engagement opérationnel en Mauritanie puis parmi les pays du Sahel relevant de l’opération Barkhane. « Il aura permis d’apporter un appui précieux à la manoeuvre aéroterrestre », observe le colonel Ravel. Rustique, capable de décoller et d’atterrir sur des pistes sommaires, adapté au milieu abrasif sahélien, il aura facilité le transport de fret et de pièces détachées mais pas seulement. Le chef tactique et ses transmissions également, l’autorisant à commander sa manoeuvre depuis les airs en bénéficiant d’une plus grande autonomie et sans toucher au potentiel des hélicoptères.
Le PC-6 est également capable d’emporter des opérateurs spécialisés, à commencer par les spécialistes du renseignement d’origine image (ROIM) du 2e régiment de hussards ou ceux du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) du 54e régiment de transmissions. Deux exemples de synergies qui ont prématurément démontré l’intérêt de réunir le renseignement et l’aérocombat au sein du nouveau Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Et son éventail d’applications s’étend jusqu’au largage de petits colis à basse altitude voire à l’évacuation de blessés assis, un scénario étudié durant la crise sanitaire mais finalement écarté au profit de la médicalisation des hélicoptères Caïman.
Après une décennie dans le ciel africain, il en ressort de nombreux retours d’expérience et certaines « fragilités ». « Certes l’avion n’est plus projeté, mais il se prépare aux combats futurs », indique le colonel Ravel. Une nouvelle refonte est en cours sur trois axes. Hormis quelques évolutions sur l’avionique, les PC-6 français disposeront d’ici peu d’un poste radio PR4G et d’un kit de blindage à demeure, de quoi « mieux sécuriser l’équipage et le fret ou les passagers » et plus particulièrement lors des phases d’approche.
Ce chantier est en cours. Deux des cinq avions ont été transformés. Le reste de la flotte suivra d’ici à l’été 2025. Après 30 années de bons et loyaux services, se pose dès maintenant la question de sa succession. Le PC-6 est néanmoins destiné à prendre sa retraite. Non seulement il commence à dater malgré les refontes successives, mais l’avionneur suisse Pilatus a aussi annoncé l’arrêt de la production de pièces de rechange en 2020 tout en conservant un stock pour 10 ans.
Le potentiel des appareils français s’étalant jusqu’entre 2032 et 2035, il reste moins d’une décennie pour déboucher sur un successeur. Attendu dans la prochaine loi de programmation militaire, celui-ci ce situe au confluent de plusieurs besoins. Celui du 9e RSAM bien entendu, mais aussi celui d’une armée de Terre ayant besoin de faire sauter davantage ses parachutistes avec des moyens patrimoniaux. Combinée au souhait de l’ALAT de pouvoir transporter de plus grandes pièces, la réflexion aboutit à une expression de besoin de l’état-major de l’armée de Terre portant sur « quatre, cinq avions » d’une capacité supérieure à celle du PC-6 et disponibles sur étagère. De quoi faire sauter la 11e brigade parachutiste et certaines unités du Commandement des actions spéciales terre (CAST) tout en pérennisant et en fluidifiant la logistique de l’ALAT. Et un projet qui, à l’instar des autres efforts consentis, permettra au 9e RSAM de continuer à appliquer sa devise : dépasser l’horizon.
D’Adam Smith, on retient l’expression « la main invisible du marché », qu’il n’a pas écrit telle quelle et qui doit être replacée dans le raisonnement de son ouvrage. Retour sur une formule célèbre mais ambiguë.
Ce doit être l’un des passages les plus connus de La Richesse des Nations qu’Adam Smith, figure éminente des Lumières écossaises, publie en 1776. Un passage lu et commenté par des générations de lycéens et d’étudiants et dont on convient communément qu’il synthétise, à travers la métaphore de la « main invisible », le libéralisme de Smith en matière économique. Envisageant la manière dont un individu cherche à employer son capital, Smith observe au chapitre 2 du livre IV :
« En dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il n’aspire qu’à son propre gain et, en cela comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à promouvoir une fin qui n’entrait pas dans ses intentions […]. En poursuivant son intérêt personnel, il contribue souvent plus efficacement à celui de la société, que s’il avait vraiment eu l’intention d’y contribuer. »
Interpréter ces quelques phrases comme l’expression d’une position libérale n’est pas sans arguments. Et les lycéens ou étudiants qui se sont aventurés à la mettre en doute n’ont pas toujours convaincu les correcteurs de leurs copies. En discuter pourtant la pertinence fait écho à un débat public à vrai dire jamais interrompu depuis Smith, dans lequel l’idée selon laquelle un marché libéré de contraintes réaliserait les fins les meilleures pour tous vient buter sur la mise en évidence de ses possibles défaillances et insuffisances, qui exigent d’autres moyens d’action.
La liberté comme agent paradoxal
Un lecteur déjà convaincu retrouvera dans ces quelques lignes sur la main invisible trois ingrédients qu’on reconnaît habituellement au libéralisme économique : d’abord, la référence à la poursuite exclusive et sans entrave de l’intérêt personnel, qui renvoie à un individu égoïste, étranger à toute considération relative au bien public ou à la simple solidarité avec autrui ; ensuite, l’idée d’un mécanisme, que l’on décrira comme un mécanisme de marché, qui fait se combiner ces multiples égoïsmes pour réaliser le bien de la société ; et enfin, la dissociation entre des intentions explicites (les intérêts personnels) et leurs réalisations inintentionnelles (le bien commun) : personne n’a jamais voulu ce qui se produit et pourtant, le bien de la société émerge comme effet inintentionnel des comportements d’individus qui ne se soucient que d’eux-mêmes.
Un pas de plus et nous retrouverions ce qui nous est familier dans le libéralisme économique contemporain, tel qu’il peut être revendiqué par des hommes ou des femmes politiques, ou par des représentants ou représentantes d’institutions nationales ou internationales. Pour que le mécanisme de marché soit effectif et réalise cet optimum économique dont Adam Smith aurait eu l’intuition, encore faut-il que ceux qui en sont les acteurs soient libres d’agir, que rien ne les entrave, ni l’État, ni les syndicats, ni les groupements d’intérêts, ni les traités internationaux. La liberté, ici, apparaît comme une sorte d’agent paradoxal, qui transformerait les appétits triviaux des individus en un bien commun qui n’entrait même pas dans leurs intentions.
Peut-on néanmoins franchir ce pas sans réserve et considérer que c’est Adam Smith qui nous y a conduits, si bien que ces éléments constitutifs du libéralisme aujourd’hui étaient déjà en germe dans son œuvre ? L’importance de ce qu’il désigne comme la « liberté naturelle » est difficilement contestable. Cependant, alors même que son attachement à la dimension politique de la liberté, ce qu’on appellerait le « libéralisme politique », va de soi, sa déclinaison économique, sous forme de « laissez-faire », est beaucoup plus discutable.
Desserrer les contraintes, non s’abstraire des règlementations
Il faut en effet faire preuve de prudence au moment d’aborder la métaphore de la « main invisible » telle qu’Adam Smith l’introduit dans la Richesse des Nations. Elle intervient après deux mentions antérieures dans les deux seules autres œuvres que, parmi tous ses écrits, il jugeait dignes de passer à la postérité.
On la rencontre d’abord dans l’Histoire de l’Astronomie en 1758, où la main invisible de Jupiter vient, chez les Anciens, rendre compte des irrégularités supposées de la nature comme la foudre ou tout ce qui évoque la colère des dieux. Dans la Théorie des Sentiments Moraux de 1759, elle renvoie à une répartition qu’engendre le désir, qu’il juge insatiable, des plus riches pour les mets les plus raffinés. L’effet de ce désir serait, en dépit des inégalités, de remplir les estomacs de chacun, pauvre ou riche.
Dans la Richesse des Nations, elle apparaît à l’occasion de la discussion des restrictions imposées à l’importation de marchandises pouvant faire l’objet d’une production domestique. La liberté qui l’accompagne n’est alors pas celle que dénonceront ceux qui y verront, du milieu du XIXe siècle au début de la Première Guerre mondiale, selon le mot prêté à Marx ou à Jaurès (parmi d’autres), la liberté du « renard libre dans un poulailler libre ». Elle renvoie chez Smith à la fin de prérogatives garanties par la législation qui régit les transactions économiques et les rapports sociaux. Face aux privilèges et aux corporations, face à la persistance du travail asservi, face au repli domestique, il suggère que le démantèlement du système économique qui les autorise n’ouvre la voie à aucune catastrophe, bien au contraire. Ce système, dont on lui doit précisément d’avoir compris la spécificité, sera désigné après lui comme « mercantiliste ».
Il en résulte une compréhension de la liberté en matière économique assez étrangère à sa systématisation libérale. Si elle partage avec son acception contemporaine la reconnaissance de forces puissantes engendrées par la recherche de l’intérêt individuel, elle ne les fétichise pas. La liberté, chez Smith, permet de desserrer certaines contraintes, non de s’abstraire de toute règlementation. Il le montre sur des questions de politique fiscale, de politique monétaire, ou en matière d’éducation. Mais là où c’est le plus visible, c’est lorsqu’il envisage la question des salaires.
Des mécanismes inefficaces avec des individus libres d’agir
L’attention que l’auteur de la Richesse des Nations porte aux inégalités de revenus et aux politiques qui permettraient de les réduire est éloquente. Après avoir examiné les conséquences d’une amélioration de la situation des « plus basses classes » de la société, il conclut au chapitre 8 du livre I :
« Aucune société ne peut être assurément florissante et heureuse lorsque la plus grande partie de ses membres est pauvre et misérable. Ce n’est que justice, d’ailleurs, que ceux qui nourrissent, habillent et logent l’ensemble du peuple, aient une part du produit de leur propre travail telle qu’ils puissent être eux-mêmes décemment nourris, habillés et logés. »
Et lorsqu’il se demande comment ces salaires sont fixés, il ne dissimule pas le peu de confiance qu’il porte aux effets d’un mécanisme de marché non régulé. Non parce que celui-ci serait par nature inefficace, mais parce qu’il peut être entravé par certains de ses acteurs si on les laisse libres d’agir. Aux yeux de Smith, ce ne sont pas les coalitions ouvrières qui sont en cause, mais « les maîtres qui font entre eux des complots particuliers » pour réduire les salaires. Lorsqu’il décrit la réaction, parfois extrême, des salariés, il est là encore difficile de voir dans ses propos l’expression d’un libéralisme sans entrave :
« Ils sont désespérés, et agissent avec la fureur et l’extravagance d’hommes désespérés, réduits soit à mourir de faim, soit à arracher à leurs maîtres, par la terreur, une satisfaction immédiate de leurs exigences. »
Faire plus et mieux
On comprend alors que lire dans la main invisible une apologie du libéralisme n’est pas aussi évident qu’il y paraissait. La liberté qu’elle entend promouvoir est celle qui réduit l’arbitraire et les privilèges. Elle n’empêche pas de légiférer, d’administrer, de mettre en place des mécanismes incitatifs ou de prélever un impôt. Et ceci pour assurer des fonctions régaliennes qui incombent à l’État, corriger des injustices, compenser des handicaps, réduire des distorsions, se garantir contre les positions dominantes, pallier les défaillances du marché ou répondre aux asymétries d’informations. Il ne s’agit pas de dire que les forces engendrées par la poursuite de l’intérêt privé sont systématiquement inefficaces ou perverses – bien qu’elles puissent l’être – mais plutôt qu’il peut être opportun de les réguler ou d’en orienter l’usage, de ne pas en être les serviteurs impuissants et aveugles.
Relire, aujourd’hui, ce que Smith écrivait hier sur la main invisible et sur ce qui l’entoure, ce n’est pas seulement rendre justice à un propos ancien en montrant que la signification de cette métaphore est moins convenue que ce qu’il y paraissait. Depuis le renouveau qui a accompagné il y a une cinquantaine d’années, la première édition scientifique des œuvres complètes d’Adam Smith, dite « Édition de Glasgow », à l’occasion du bicentenaire de la publication de la Richesse des Nations, des générations d’historiennes et historiens de la pensée économique s’y sont employés – comme en témoignent, aujourd’hui encore, les travaux de nombreux chercheurs et chercheuses que j’ai pu rencontrer à PHARE, au sein de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Au-delà des caricatures, ils montrent à quel point elle se distingue, par exemple, de cette sacralisation du laissez-faire que l’on rencontre, au siècle suivant, chez les libéraux français comme Frédéric Bastiat.
Relire Smith, c’est aussi reconnaître que le message qu’on a voulu lui faire transmettre sur notre monde, aujourd’hui, doit être nuancé : la liberté de choisir, d’échanger et d’entreprendre, pourquoi pas ? Sauf lorsqu’elle se fourvoie et que l’on a de bonnes raisons de penser que, pour le bien commun, on peut décidément faire plus et mieux.
André Lapidus, Professeur émérite, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Dans l’édition 2019 de son « Document de référence d’orientation de l’innovation de Défense » [DROID], l’Agence de l’innovation de défense [AID], alors nouvellement créée sous l’égide de la Direction générale de l’armement [DGA], avait annoncé qu’elle allait avoir recours à des auteurs de science-fiction ainsi qu’à des futurologues pour imaginer « des capacités militaires disruptives ». Et cela au sein d’une structure appelée « Red Team ».
L’objectif était alors d’alimenter les réflexions sur les « conséquences stratégiques de l’arrivée de technologies disruptives » et de définir ainsi les « usages asymétriques possibles des technologies par des éléments malveillants étatiques ou non étatiques ».
Depuis, plusieurs travaux de cette « Red Team » ont été rendus publics [d’autres sont restés confidentiels] et ils ont même donné lieu à la parution trois volumes de la série « Ces guerres qui nous attendent ». Le dernier, publié en février dernier, s’intéresse à la militarisation de la société civile et à la « ruée vers l’espace ».
Cet exercice a-t-il atteint ses limites ? Probablement pas, sauf si l’on considère, comme Descartes, qu’imaginer consiste à associer des éléments connus selon sa fantaisie. Toujours est-il que la DGA a l’intention d’aller plus loin en organisant une « journée de prospective et d’anticipation stratégique de défense », le 7 novembre, à la Maison de la Radio.
« Ce projet s’inscrit dans l’élan donné par la Red Team Défense dont les travaux ont été largement salués. Après trois années d’expérimentation réussie au sein de l’Agence de l’Innovation de Défense, [il s’agit de] changer d’échelle avec l’initiative RADAR« , explique la DGA.
Cet évènement, qui s’adresse aux étudiants, aux dirigeants d’entreprise, aux ingénieurs, aux « acteurs du domaine de la culture » mais aussi aux militaires, consistera à réfléchir sur une « crise inédite » susceptible de survenir en 2034. « La Nation tout entière est impactée : santé, production, agriculture, média, commerce, tout semble terrassé… les équilibres géopolitiques vacillent, de nouveaux conflits appellent une mobilisation générale », résume la DGA.
L’enjeu sera donc de trouver des solutions pour surmonter cette crise, en échangeant avec des experts, en soumettant des idées ou encore en identifiant des « fragilités actuelles ».
« À la fin de la journée, on va faire venir des autorités militaires qui vont donner leur avis et qui vont réagir à ce qui aura été produit. Le mot d’ordre est : ‘qui veut la paix prépare l’avenir’ », a résumé Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement.
Venant à la suite du rapport d’Enrico Letta sur l’avenir du marché unique publié en avril dernier, le rapport de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, sur l’avenir de la compétitivité européenne, fait un constat sans complaisance de la situation économique de l’Union européenne (UE). Évoquant le « défi existentiel » auquel est confrontée l’Europe, il propose un ensemble de mesures ambitieuses qui visent à relancer l’investissement et la croissance et impliquent une coopération renforcée entre les États membres, sous l’égide des institutions européennes. Le point avec Pierre Jaillet, chercheur associé à l’IRIS ainsi qu’à l’Institut Jacques Delors.
Mario Draghi, dans cet important rapport, tire la sonnette d’alarme sur l’état de l’économie de l’UE. Quel est son diagnostic ?
Les données étaient déjà connues, mais le rapport en dresse un tableau d’ensemble alarmant pour illustrer le « décrochage » de l’UE. De 2002 à 2023, son produit intérieur brut (PIB) a reculé de plus de 15 % par rapport à celui des États-Unis, du fait de gains de productivité trois fois inférieurs mais aussi du moindre dynamisme de l’emploi. Les parts de l’UE dans le commerce mondial s’effritent régulièrement et ses positions s’affaissent dans le secteur des technologies avancées. Ayant privilégié l’investissement productif dans les industries traditionnelles, les entreprises européennes ont raté le tournant de la dernière révolution industrielle, comme l’illustre le fait que seulement quatre firmes européennes figurent parmi les 50 plus grandes entreprises mondiales du high-tech. Mais ce n’est pas tout. Le rapport met en exergue d’autres handicaps de l’UE dans la compétition mondiale : des coûts de l’énergie très élevés (trois à quatre fois supérieurs à ceux des États-Unis, par exemple) ; une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour certains biens « critiques » (minéraux rares, semi-conducteurs…) ; un marché « unique », en réalité fragmenté, peu propice à l’émergence d’entreprises de taille mondiale ; enfin, une gouvernance économique défaillante inapte à dessiner et mettre en œuvre une stratégie cohérente et ambitieuse.
Que préconise le rapport pour endiguer le déclin économique de l’UE face à la pression concurrentielle des grands blocs dominés par la Chine et les États-Unis ?
Le rapport fixe une stratégie industrielle axée en priorité sur la réduction de l’écart d’innovation, tout en optimisant les efforts de décarbonation (domaine où l’UE dispose encore d’un avantage comparatif) et en sécurisant ses approvisionnements pour limiter ses vulnérabilités stratégiques. Il préconise à cet égard la mise en place d’une « politique économique étrangère » (Foreign economic policy) intégrant des investissements directs concertés et des accords commerciaux préférentiels avec des pays ou zones disposant des ressources qui lui font défaut (idée qui fait écho à l’initiative chinoise des « nouvelles routes de la soie » et pourrait s’appuyer sur le projet de Gateway européen).
La proposition centrale consiste à relever massivement le taux d’investissement annuel de l’UE de près de 5 % pour le porter de 22 % à 27 %, soit un effort de 800 milliards d’euros abondé par trois sources de financement (non réparties ex ante): (1) une hausse des dépenses publiques d’investissement des États membres, dont les marges de manœuvre de la plupart d’entre eux sont réduites du fait de leur endettement élevé et de la nécessité (soulignée dans le rapport) de respecter les règles budgétaires européennes; (2) la mobilisation de l’épargne européenne – abondante mais surtout orientée vers des placements liquides et des supports nationaux – sur des projets d’investissement communs innovants, en réduisant la fragmentation du marché européen des capitaux (Mario Draghi renvoie sur ce sujet aux préconisations du rapport Letta); (3) une nouvelle facilité de financement communautaire alimentée par un emprunt européen (du type de la facilité pour la reprise et la résilience – Next Generation EU (NGEU) – lancée en 2021), qui aurait aussi l’avantage d’offrir un actif sûr et attractif aux investisseurs et accessoirement de conforter le rôle international de l’euro.
S’agissant de la gouvernance, le rapport Draghi avance diverses mesures visant à alléger les procédures de décision de l’UE (revisitant au passage le principe de subsidiarité), qui freinent la mise en œuvre des programmes communautaires. Il propose aussi la création d’un « Cadre de coordination de la compétitivité » ayant une double vocation horizontale et verticale (pilotage d’une douzaine de plans d’action sectoriels dans les domaines prioritaires).
Quelles réactions ce rapport a-t-il suscitées parmi les États membres de l’UE ? Peut-on en attendre des inflexions décisives des politiques communautaires ? Est-il susceptible de relancer le débat sur la question de la dette commune et de l’union budgétaire ?
Ce rapport a d’abord le mérite de sortir du déni de réalité sur « l’état de l’union ». C’est peut-être aussi le premier document européen d’envergure qui s’inscrit dans une perspective éco-géopolitique globale intégrant la dynamique des rapports de force entre les grands blocs et incitant l’UE à développer des alliances stratégiques – commerciales et financières – d’intérêt mutuel avec des pays et des zones d’autres continents. Le rapport, toutefois, ne précise pas les modalités conduisant des entreprises le plus souvent concurrentes à coopérer pour atteindre les objectifs industriels communs. De même laisse-t-il dans l’ombre les implications institutionnelles de propositions qui, pour certaines, impliqueraient probablement une révision des Traités (cf. l’extension du champ de la majorité qualifiée, ou le partage des compétences entre les États et l’UE dans le domaine industriel). Mario Draghi, qui s’est à plusieurs reprises prononcé en faveur d’un « fédéralisme pragmatique », reste à cet égard très prudent et il se garde de remettre en cause la nature intergouvernementale de l’UE ou d’évoquer la possibilité d’une union budgétaire.
La balle est désormais dans le camp des capitales européennes et à Bruxelles, dans le contexte d’une Europe très divisée. Vingt États membres de l’UE ont publié le 20 septembre un non-paper appelant la Commission européenne à mettre en œuvre le rapport Draghi. Le document ne retient pour l’essentiel que les propositions relatives à la simplification et à l’harmonisation des règles européennes, en ignorant celles, plus innovantes ou plus clivantes, comme la création d’une nouvelle facilité communautaire, un marqueur des divergences entre États « frugaux « et « dépensiers ». Or on peut supposer que ces dernières sont précisément celles ayant la préférence des sept États manquant à l’appel (dont l’Espagne, la France et l’Italie…), sans l’exprimer ou disposer de l’influence pour les promouvoir.
Le risque majeur, en fin de compte, est que ce rapport ambitieux, sur fond de désaccord entre États membres et faute d’un leadership européen apte à le porter sur les fonts baptismaux, n’aille rejoindre ses prédécesseurs dans les tiroirs ou soit mis en œuvre a minima, laissant les problèmes fondamentaux non résolus et l’Europe sombrer dans la « lente agonie » qu’appréhende Mario Draghi.
La base historique de la dissuasion nucléaire française a repris son activité au début du mois de septembre 2024.
Le 4 septembre 2024, les militaires et leur famille ont fait leur retour dans le Val d’Oise dans la base aérienne de Taverny (95150). D’une importance capitale, la base militaire reprend donc sa place au cœur du système français de dissuasion nucléaire.
La base était dissoute, mais les bâtiments sont restés debout
En 2011, dans le cadre d’une restructuration des armées, la base de Taverny, comme seize autres bases aériennes entre 2008 et 2014, a fermé ses portes. Et ce, malgré le fait que la BA 921 “Frères Mahé” (Base Aérienne 921) abritait dans son sous-sol une installation stratégique importante : le Centre d’opérations des forces aériennes stratégiques (COFAS), mais aussi le Commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS).
Situé à 50 mètres sous la forêt de Montmorency, ce poste de commandement est notamment équipé d’un abri antiatomique en cas de guerre nucléaire et ce dernier abritera notamment l’État-Major des forces aériennes stratégiques.
Il avait été envisagé que le COFAS soit déménagé à Lyon, mais du fait de la complexité d’un tel mouvement, il n’en fut rien. Ainsi, depuis 2011, seuls les militaires ont quitté la base, les infrastructures, elles, sont restées. L’état-major des forces aériennes précédemment installé à Taverny a donc déménagé à Villacoublay dans les Yvelines (78).
4 septembre 2024, le CFAS et le COFAS à nouveau réunis
Comme le rapporte Opex360, l’organisation entre le CFAS à Villacoublay et le COFAS à Taverny n’était pas des plus efficaces. Ainsi, en 2020, l’idée d’une réunification a émergé. Trois ans plus tard, la décision était actée, il ne restait plus qu’à la mettre en œuvre.
Et il n’aura fallu attendre qu’un an, treize ans après l’annonce de la dissolution, pour voir la base de Taverny redevenir ce qu’elle était. Un événement salué par le maire de la commune du Val d’Oise, comme le rapportait Actu : “Ce retour des Forces aériennes illustre la remontée en puissance de la base aérienne placée au cœur du dispositif de dissuasion nucléaire français.”
Ainsi, depuis le début du mois de septembre 2024, la BA 921 a repris son appellation de Base Aérienne, elle qui avait été rétrogradée en tant que “Élément air rattaché”(EAR) à la base de Creil, dans l’Oise (60). Il s’agit d’une ancienne base qui a dû être “abandonnée” faute de moyens ou de personnels.
Rénovée de fonds en comble, elle pourra accueillir 500 personnes dont 80% de militaires sur son sol.
La France et la dissuasion nucléaire
Depuis que Hiroshima et Nagasaki ont été bombardées atomiquement par l’US Air Force pour mettre un terme aux combats du front du Pacifique entre le 6 et 9 août 1945, les pays du monde entier se sont mis d’accord pour ne plus jamais avoir recours à cette arme destructrice.
Cependant, afin de se préparer à une telle éventualité, quelques pays ont réussi à mettre au point un arsenal nucléaire qui peut être déclenché si nécessaire, uniquement de manière défensive. Ainsi, ces armes nucléaires ne servent pas à être utilisées, sauf en dernier recours, mais à intimider de possibles belligérants quant à leurs actions.
C’est en cela que l’on parle de “dissuasion nucléaire”.
Les plus grandes puissances mondiales, dont la France, ont donc, à leur disposition, tout un arsenal d’armes nucléaires qui peuvent être installées dans des silos disséminés partout sur leur territoire ou depuis des sous-marins constamment en mouvement.
Ainsi, dans le cas extrême où la France devrait répondre nucléairement à une attaque, c’est à Taverny, dans le poste de commandement enterré que l’état-major coordonnerait la réponse nucléaire des forces aériennes françaises.
Des véhicules blindés chinois repérés dans la région de Donetsk en Ukraine
La présence de véhicules blindés chinois sur le champ de bataille ukrainien a récemment été confirmée, avec des images montrant des Tiger 4×4 utilisés par les forces russes. Cette découverte soulève des questions sur l’implication internationale dans le conflit.
Par La rédaction d’Armées.com –Publié le 24 septembre 2024
La présence de véhicules blindés d’origine chinoise sur le champ de bataille ukrainien soulève de nouvelles interrogations sur l’implication internationale dans le conflit. Des images circulant sur les réseaux sociaux russes ont révélé l’utilisation de véhicules blindés Tiger 4×4 par les forces russes dans la région de Donetsk. Cette découverte met en lumière l’évolution du soutien matériel étranger à l’opération militaire de Moscou en Ukraine.
L’arrivée des « Tigres » chinois sur le front ukrainien
Les véhicules Tiger, également connus sous le nom de ZFB-05 Xinxing, ont étérepérés en action aux mains des troupes russes. Ces blindés légers, fabriqués par l’entreprise chinoise Shaanxi Baoji Special Vehicles Manufacturing, témoignent de l’internationalisation croissante du matériel militaire utilisé dans ce conflit. Ramzan Kadyrov, le dirigeant de la région russe de Tchétchénie, a confirmé en juin 2023 la réception d’un premier lot de ces véhicules chinois par les forces russes.
Les Tiger se distinguent par leur polyvalence et leur capacité d’adaptation à diverses missions :
Patrouilles
Postes de commandement mobiles
Ambulances
Transport de troupes
Avec un équipage de deux personnes et la possibilité de transporter neuf fantassins équipés, ces véhicules renforcent considérablement les capacités de mobilité des forces spéciales sur le terrain. Leur présence soulève des questions sur le rôle de la Chine dans le conflit, bien que Pékin ait constamment appelé à une résolution pacifique de la guerre.
Modifications et adaptations pour le théâtre ukrainien
Les images partagées montrent que les Tiger ont subi plusieurs modifications pour s’adapter aux conditions spécifiques du front ukrainien. Ces améliorations incluent :
Ces adaptations démontrent la flexibilité du Tiger et sa capacité à évoluer selon les besoins opérationnels. Elles reflètent également l’expérience acquise par les forces russes face aux tactiques ukrainiennes, notamment l’utilisation intensive de drones.
Implications géopolitiques de l’utilisation de matériel chinois
L’apparition de véhicules blindés chinois dans le conflit ukrainien soulève des questions sur l’équilibre des relations internationales. Bien que la Chine maintienne officiellement une position neutre, la présence de ses équipements militaires sur le champ de bataille pourrait être interprétée comme un soutien tacite à la Russie.
Cette situation met en lumière la complexité des échanges d’armements à l’échelle mondiale. Le Tiger, présenté pour la première fois au salon Eurosatory de Paris en 2012, a depuis été exporté vers plusieurs pays, dont la Bolivie, le Tadjikistan et la Somalie. Son utilisation en Ukraine illustre comment les équipements militaires peuvent circuler à travers différents théâtres d’opérations, parfois de manière inattendue.
L’intégration de ces véhicules dans l’arsenal russe pourrait également influencer les stratégies de défense occidentales. Les alliés de l’Ukraine pourraient être amenés à réévaluer leurs propres fournitures d’équipements pour contrer cette nouvelle menace, potentiellement en accélérant le développement de nouveaux chars de combat ou en renforçant leurs capacités anti-blindés.
Perspectives d’évolution du conflit
L’introduction des Tiger chinois sur le front ukrainien pourrait marquer untournant dans la dynamique du conflit. Ces véhicules offrent aux forces russes de nouvelles options tactiques, notamment pour les opérations de reconnaissance et les assauts rapides. Leur déploiement dans des zones sensibles comme Bucha, Marioupol ou Bakhmut, où les unités tchétchènes ont acquis une réputation controversée, pourrait intensifier les combats.
Face à cette évolution, les forces ukrainiennes et leurs alliés devront probablement :
Adapter leurs stratégies de défense anti-blindés
Renforcer leurs capacités de reconnaissance pour détecter ces nouveaux véhicules
Développer des contre-mesures spécifiques, notamment contre les protections anti-drones
L’utilisation de véhicules blindés chinois en Ukraine souligne la nature globale et complexe des conflits modernes. Elle met en évidence l’interdépendance des industries de défense et la difficulté de maintenir des lignes claires entre les parties impliquées dans un conflit international. Alors que la situation continue d’évoluer, l’impact de ces nouveaux équipements sur le terrain restera un sujet de préoccupation majeur pour tous les acteurs concernés.
Le 10 septembre dernier, soit un peu plus d’un mois après le début de l’offensive spectaculaire de l’armée ukrainienne dans l’oblast de Koursk, les forces armées russes ont déclenché une contre-attaque contre le saillant formé par la pénétration ukrainienne. En dix jours, les Russes ont repris plusieurs localités et menacent désormais d’encercler les formations ukrainiennes présentes dans le saillant.
Après le safari, l’attaque
Le 10 septembre, les Russes ont donc frappé le flanc gauche des forces ukrainiennes dans l’oblast de Koursk, les chassant de Korenevo et rétablissant la connexion terrestre avec la partie sud du district de Glushkovo qui précédemment n’était accessible qu’en traversant la rivière Seim dont les ponts étaient systématiquement détruits par les Ukrainiens. Au cours des jours suivants, les Russes ont repris le contrôle d’environ 20 % du territoire saisi par les forces ukrainiennes depuis le 6 août et ils s’approchent désormais de leur principale ligne de communication principale : la route R200 qui relie Soumy à Soudja. Le 11 septembre, les Ukrainiens ont lancé une contre-attaque, pénétrant en territoire russe en direction de Glushkovo, probablement avec l’intention de prendre les troupes russes attaquantes à revers. Jusqu’à présent, cependant, ils n’ont pas réussi, et les combats se sont arrêtés dans la région du village de Veseloye, situé à 3 km seulement de la frontière. Depuis quelques jours, les forces russes ont également débuté des attaques dans le secteur au sud-est de Soudja. Elles sont parvenues à s’emparer des premières lignes ukrainiennes, notamment dans le district de Belaya. Le 16 septembre, le renseignement militaire ukrainien (GUR) estimait la taille du groupe russe dans la région de Koursk à 38 000 soldats[1] soit quasiment autant que l’effectif engagé par les Ukrainiens dans leur offensive. Il faut rappeler qu’aucune unité d’importance engagée par l’armée russe dans la zone ne provient du front du Donbass mais principalement des unités stationnées dans l’oblast de Belgorod ou des réserves stratégiques russes. Dans le même temps, plusieurs canaux OSINT évoquent plus de 15 000 pertes (tués, blessés, prisonniers, disparus) côté ukrainien depuis le 6 août. Cela confirmerait la supériorité numérique russe dans la zone qui leur a permis de reprendre l’initiative. Par ailleurs, il faut rappeler que sur le plan matériel et notamment en ce qui concerne l’appui feu (artillerie et aviation), les Russes disposent de moyens bien plus importants que les Ukrainiens qui ont perdu beaucoup de matériels depuis le 6 août : plus de 80 chars, au moins 400 véhicules blindés de tout type et plusieurs dizaines de pièces d’artillerie dont des HIMARS déployés dans l’oblast de Soumy.
Se replier ou tenir ?
Aujourd’hui, le généralissime ukrainien Syrski se retrouve face à un nouveau choix cornélien. Soit il tente encore les attaques infructueuses sur le flanc sud de l’attaque russe dans le secteur de Veseloye en espérant ralentir voire arrêter les assauts russes vers l’est, soit il retire rapidement les unités présentes dans le saillant pour éviter qu’elles se retrouvent encercler opérationnellement par les deux pinces que forment désormais les attaques russes à la base du saillant. La R200 n’est plus qu’à 15 kilomètres des premières russes à l’est comme à l’ouest et la menace sur cet axe vital pour la logistique ukrainienne peut s’accroître rapidement à mesure de la progression quotidienne des forces russes. Cependant, au-delà des simples considérations militaires, il est clair que pour des questions politiques les soldats ukrainiens soient contraints de rester dans cette zone encore plusieurs jours voire semaine pour que, médiatiquement, Kiev et ses maîtres puissent revendiquer qu’ils occupent le territoire russe et narguent ainsi le Kremlin. Cette option a déjà fait florès à de nombreuses reprises mais elle a coûté extrêmement cher à l’armée ukrainienne tant en hommes qu’en matériels. La défaite d’Avdiivka en février dernier l’a encore démontrée[2].
Le succès de la stratégie russe
Par ailleurs, l’échec militaire de l’offensive ukrainienne dans la zone qui n’a pas provoqué le redéploiement des forces russes engagées dans le Donbass n’a donc pas ralenti les progrès russes dans cette région. En effet, depuis le 6 août dernier, les Russes ne cessent de gagner du terrain et s’emparent chaque semaine de nouvelles localités que les Ukrainiens n’ont plus les moyens de défendre. L’emploi massif de bombes guidées FAB-3000 de 3 tonnes par l’aviation russe (VKS) interdit désormais aux Ukrainiens de se retrancher dans les bâtiments d’importance au risque d’être pulvérisés par une seule de ces bombes. Les rares contre-attaques locales lancées pour permettre le repli de telle ou telle unités n’aboutit à rien sur le plan opératif. De Koupiansk à Ougledar, les Russes ne cessent de lancer des attaques locales pour fixer les défenseurs tandis qu’ils maintiennent leur effort principal dans le secteur de Pokrovsk où ils menacent d’encercler les éléments de 4 brigades ukrainiennes encore déployées à l’est de la ligne Ukrainsk – Kurakhivka. Là encore, les Ukrainiens s’accrochent sur des positions qui n’ont aucune valeur, même médiatique, pour aucun effet opératif et laissent beaucoup de monde sur le terrain. Cette fin d’été 2024 consacre probablement la fin des capacités offensives de l’armée ukrainienne et le succès de l’approche russe d’une guerre d’attrition en limitant ses propres pertes grâce à une supériorité quasi constante des feux depuis l’automne 2022 sur la quasi-totalité du front.
Ponant, une compagnie de croisière française, a annoncé le 18 septembre que son paquebot brise-glace baptisé “Commandant Charcot” avait atteint le pôle Nord d’inaccessibilité.
Il devient par conséquent le premier bateau à accéder à cet endroit de l’Arctique, connu comme étant le plus éloigné de toutes terres.
20 scientifiques faisaient partie de l’expédition
C’était dans le cadre d’une expédition arctique entre “Nome, en Alaska et Longyearbyen, au Spitzberg” (comme le relaie Mer et Marine), que des passagers et 20 scientifiques internationaux ont embarqué sur le paquebot. Le but des scientifiques était, lors de cette expédition, d’étudier cette zone de l’Arctique particulièrement méconnue.
“Atteindre le pôle Nord d’inaccessibilité est un moment d’une rare intensité. C’est avant tout une aventure collective, rendue possible grâce à la passion et au savoir-faire de PONANT”, s’est exprimé le commandant Étienne Garcia qui était à la barre lors de cette expédition.
Le Commandant Charcot, conçu pour ce type de périple en Arctique
Navire de haute exploration polaire, le Commandant Charcot est spécifiquement conçu pour ce genre d’aventures. D’abord, il est construit avec une coque spéciale, une coque polaire PC2 qui “lui permet de naviguer dans les régions polaires tout en tout en minimisant son impact environnemental grâce à sa propulsion hybride électrique alimentée par du gaz naturel liquéfié (GNL)”, selon le communiqué.
De plus, le Commandant Charcot mesure 149.9 mètres de long pour 28.3 mètres de large. Il est composé d’assez de cabines pour accueillir 245 passagers. En comptant les scientifiques et les autres membres de l’équipage, la capacité totale d’accueil est de 460 personnes.
Les pôles d’inaccessibilité
D’après l’encyclopédie de Techno Science, un pôle d’inaccessibilité est “un endroit éloigné au maximum d’un ensemble de caractéristiques géographiques”. Par conséquent, on peut citer trois pôles d’inaccessibilité : le pôle Sud, le pôle maritime (le célèbre point Némo) et le pôle Nord d’inaccessibilité, qui a été récemment atteint par le Commandant Charcot.
crédit photo : Ponant Le pôle Nord d’inaccessibilité (84°03′N 174°51′W / 84.05, -174.85) est situé à 1 453 km de Barrow en Alaska et à 661 km du pôle Nord. Les terres émergées les plus proches sont distantes de 1094 km. Il s’agit de l’Île d’Ellesmere et de l’archipel François-Joseph.
La première fois que ce point a été survolé par un avion c’était en 1927 par Hubert Wilkins. Certains navigateurs et explorateurs ont revendiqué l’avoir atteint, sans toutefois avoir pu le prouver. D’après le communiqué de Ponant, le commandant Charcot est par conséquent le premier paquebot à l’atteindre. “Ce moment historique a été célébré à bord avec l’ensemble de l’équipage, des scientifiques et des passagers”.
À propos de l’auteur
Diplômée d’une double licence Lettres-Histoire (Université d’Angers) et d’un master de journalisme (CY Université, Gennevilliers)
La dissuasion française constitue, aujourd’hui, l’un des piliers de la posture de défense du pays, tout en conférant à Paris son autonomie stratégique lui garantissant une liberté de position et de ton rare, y compris dans le camp occidental.
Son incontestable efficacité, depuis 1964, sera préservée, pour les quatre décennies à venir, par la modernisation de ses deux composantes stratégiques, avec l’arrivée du nouveau missile de croisière supersonique aéroporté ASN4G, dès 2035, et l’entrée en service des nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins SNLE 3G, à cette même échéance.
C’est, tout du moins, ainsi que la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, présente le sujet, qui va consacrer plus de 50 Md€ à cette mission sur son exécution, avec l’objectif de remplacer, presque à l’identique et à partir de 2035, les moyens actuels, par des capacités largement modernisées, donc plus efficaces.
Toutefois, ces dernières années, les menaces pouvant viser, potentiellement, la France, comme ses intérêts vitaux, censées protéger par la dissuasion nationale, ont considérablement évoluer, dans leur nature, leur origine et leur volume.
Alors que de nombreuses voix s’élèvent, outre-Manche comme outre-Atlantique, appelant à une révision profonde et rapide des postures de dissuasion britanniques et américaines, pour répondre à ces évolutions, il est, peut-être, nécessaire de faire de même en France, sans attendre la fin de la LPM en cours, pour transformer l’outil au cœur de la sécurité stratégique du pays, et de ses intérêts vitaux.
Sommaire
La dissuasion française, sa modernisation et le principe de stricte nécessité
Bâtie sur le principe de stricte nécessité, la dissuasion française a pour fonction de donner aux autorités du pays, les moyens nécessaires et suffisants, pour s’intégrer efficacement dans le discours stratégique mondial, et ce, de manière strictement autonome, tout en assurant la sécurité et l’intégrité du pays.
Celle-ci se décompose, aujourd’hui, en deux forces aux capacités complémentaires. La première est la Force aérienne stratégique, forte de deux escadrons de chasse équipés de chasseurs Rafale et d’une cinquantaine de missiles nucléaires supersoniques ASMPA-R, d’une portée de plus de 500 km, et transportant une tête nucléaire TNA de 100 à 300 kilotonnes.
À cette capacité mise en œuvre par l’Armée de l’air, s’ajoute, ponctuellement, la Force Aéronavale Nucléaire, ou FaNu, permettant à des Rafale M de la flottille 12F, de mettre en œuvre ce même missile ASMPA-R, à partir du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle.
Ensemble, ces deux capacités confèrent aux autorités françaises en vaste champ opérationnel et lexical stratégique, la composante aérienne formant la force visible pour répondre aux déploiements de forces ou à la menace d’un adversaire potentiel, et la composante sous-marine, en assurant l’adversaire d’une destruction presque complète, s’il venait à frapper la France ou ses intérêts vitaux, et ce, même si la France était elle-même frappée massivement par des armes nucléaires.
En outre, cette dissuasion, face à la Russie, toujours, est également suffisante pour être étendue à d’autres pays européens alliés, le cas échéant. Son efficacité est, en effet, liée à sa capacité de destruction chez l’adversaire, et non au périmètre qu’elle protège, même si, dans ce domaine, la perception de la détermination française pour protéger ses alliés, y compris en assumant le risque nucléaire, joue également un rôle déterminant.
De fait, aujourd’hui, la dissuasion française remplie pleinement, et parfaitement sa mission, et peut même, le cas échéant, le faire sur un périmètre plus étendu. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la LPM 2024-2030, sa modernisation, avec l’arrivée du missile ASN4G pour remplacer l’ASMPA-R, et du SNLE 3G pour remplacer les SNLE classe Triomphant, est prévue à partir de 2035, avec un périmètre strictement identique.
L’apparition de nouvelles menaces change les données de l’équation stratégique française
Toutefois, ces dernières années, sont apparues de nouvelles menaces, susceptibles de profondément bouleverser l’équilibre stratégique sur lequel est aujourd’hui bâtie la dissuasion française, et qui est transposé, au travers de la LPM 2024-2030, dans la dissuasion NG française, à partir de 2035.
Ainsi, alors que la menace stratégique pouvant viser la France et ses intérêts vitaux, jusqu’à présent, était avant tout constituée par l’arsenal stratégique russe, d’autres pays, aujourd’hui, se sont dotés de moyens comparables, susceptibles d’atteindre la France, ses territoires ultramarins ou ses intérêts.
C’est en particulier le cas de la Corée du Nord, qui a développé un missile ICBM pouvant atteindre l’Europe, le Hwasong-15, d’une portée de 13.000 km, et qui pourrait, prochainement, être doté de têtes nucléaires à trajectoire indépendante MIRV.
L’Iran, pour sa part, dispose déjà de missiles balistiques susceptibles d’atteindre le sol européen, avec le Shahab-5 d’une portée estimée au-delà de 4500 km. Si le pays ne dispose pas, pour l’heure, d’un arsenal nucléaire, plusieurs services de renseignement, y compris le Mossad israélien, estiment que Téhéran ne serait plus qu’à quelques mois de pouvoir s’en doter.
Dans les deux cas, ces pays pourraient enregistrer, dans les mois et années à venir, des progrès substantiels dans leurs programmes nucléaires et balistiques, avec une aide technologique possible venue de Russie, en échange du soutien de Téhéran et Pyongyang à l’effort militaire russe contre l’Ukraine.
Surtout, les armées russes se dotent très rapidement de nouvelles capacités nucléaires non stratégiques, qu’il s’agisse de missiles balistiques à courte et moyenne portée, ou de missiles de croisières super ou hypersoniques, tous pouvant alternativement être équipés de charges militaires conventionnelles ou nucléaires.
Pékin se dote, notamment, de capacités stratégiques renouvelées, avec le nouveau missile ICBM à carburant solide DF-41, qui existe en version mobile et en silos, et le missile SLBM JL-3 qui arme les nouveaux SNLE Type 09IV chinois. Comme Moscou, toutefois, les forces chinoises s’équipent aussi d’un nombre croissant de vecteurs à plus courte portée, et d’une puissance de destruction non stratégique, à vocation conventionnelle ou nucléaire.
L’émergence de nouvelles menaces stratégiques non nucléaires doit également être considérée et traitée
L’exemple le plus célèbre, pour illustrer ces nouvelles menaces, est l’arrivée des drones d’attaque à longue portée, mis en évidence avec les drones Shahed-136 iraniens et Geran-2 russes, employés par les forces de Moscou pour frapper les installations civiles clés en Ukraine.
Bien que vulnérables et transportant une charge militaire relativement réduite, ces drones disposent de deux atouts les transformants en menace potentiellement stratégique, pour un pays comme la France.
D’abord, leur portée, pouvant dépasser les 2000 km aujourd’hui, probablement davantage demain, leur permet d’atteindre des cibles très distantes, pour mener des frappes destructrices contre les infrastructures civiles d’un pays, comme le réseau de communication, le réseau de transport, les réserves de carburant, les capacités industrielles et énergétiques, voire les centres de commandement et de coordination militaires et civils, y compris politiques.
Or, au-delà de la possibilité d’atteindre dans la profondeur des infrastructures clés, cette portée augmente, au carré, le nombre d’infrastructures potentiellement ciblées, rendant leur protection presque impossible par des moyens antidrones classiques. Ainsi, si un drone d’une portée de 500 km peut atteindre, potentiellement, les cibles présentes sur 200.000 km² du territoire adverse, une portée de 1000 km, porte cette surface à 800.000 km².
Surtout, ces drones sont relativement simples et rapides à concevoir et à construire, et ils sont peu onéreux. Ainsi, un drone de la famille Geran-2, serait produit pour 2 à 3 millions de roubles en Russie, soit 20 à 30 k$. Ce faisant, une flotte de 5000 de ces drones, susceptibles de saturer, endommager ou détruire la plupart des grandes infrastructures d’un pays comme la France, peut-être construire en une année, et pour à peine 150 m$.
Ainsi, certains pays hostiles ou sous influence, peuvent se doter, à moindres frais, et sur des courts délais, de capacités de frappes au potentiel de destruction quasi stratégique, contre un pays très développé, qu’il serait presque impossible de contrer, et ce, sans même devoir franchir le seuil nucléaire.
Cette capacité, et d’autres comme les armes à impulsion électromagnétique, les attaques cyber, voire les moyens chimiques ou biologiques, peuvent engendrer, à relativement court terme, un profond bouleversement de la menace stratégique susceptible de viser, potentiellement, la France, contre laquelle la dissuasion, dans son format actuel, et tel que prévu dans les décennies à venir, pourrait ne pas suffire.
De nombreuses voix appellent à l’extension et la transformation de la dissuasion américaine
Si les questions portant sur la dissuasion, sont très rarement débattues sur la scène publique en France, en particulier par les militaires et les Think Tank qui travaillent pour le ministère des Armées, ce n’est pas le cas, bien au contraire, aux États-Unis.
Ainsi, le think tank conservateur américain Heritage Foundation, vient de publier une analyse stratégique pour anticiper la nouvelle Nuclear Posture Review (NPR), qui doit être rédigée et débattue en 2025, par la nouvelle administration américaine, qui sortira des urnes en novembre 2024.
Comme évoqué ici, la Heritage Foundation porte un regard critique sur le renouvellement, entamé aujourd’hui presque à l’identique des moyens de la dissuasion américaine, avec le développement de l’ICBM Sentinel, du bombardier stratégique B-21 Raider, ainsi que du nouveau SSBN classe Columbia, alors même que la menace, elle, a considérablement évoluée, en volume comme en nature, ces dix dernières années.
Sans surprise, la principale préoccupation du think tank américain, concerne la montée en puissance très rapide des moyens de frappe nucléaire chinois, venant déstabiliser le statu quo russo-américain hérité de la guerre froide.
Toutefois, là aussi, les analystes américains pointent la transformation des moyens stratégiques et nucléaires non stratégiques russes, et l’émergence de nouvelles menaces avérées (ICBM nord coréens), ou en devenir (programme nucléaire iranien), avec le risque d’une propagation rapide des armes nucléaires dans les décennies à venir.
Pour répondre à ces menaces, et bien que d’obédience républicaine, donc proche de Donald Trump, dont le programme Défense demeure très incertain, la Heritage Foundation préconise l’augmentation rapide des moyens de dissuasion américains, avec le retour à une flotte de SNLE à 16 navires, le développement d’une version mobile de l’ICBM Sentinel, et l’augmentation du nombre de B-21 Raider.
Surtout, elle préconise le développement et le déploiement rapide de capacités nucléaires non stratégiques, notamment en Europe, pour contenir l’émergence de ce type de menaces sur les théâtres européens, Pacifiques et, potentiellement, moyen-oriental.
La modernisation itérative de la dissuasion française pour 2035 répond-elle à la réalité de l’évolution de la menace ?
Les arguments avancés par le Think Tank américain, pour appeler à une révision de la dissuasion américaine, dans son format comme dans sa composition, se transposent, évidemment, à la dissuasion française, elle aussi visant une modernisation itérative, des moyens dont elle dispose aujourd’hui.
Ainsi, même si elle intégrera probablement, à l’avenir, des drones de combat de type Loyal Wingmen furtifs pour accompagner les missions Poker, la composante aérienne de la dissuasion française demeurera armée d’un missile sol-air à moyenne portée et forte puissance, comme l’ASMPA-R aujourd’hui, mis en œuvre par des avions de combat tactiques Rafale, comme aujourd’hui, et soutenus par des avions de chasse d’escorte et des appareils de soutien, tanker et Awacs, comme aujourd’hui.
En outre, si les équipements seront beaucoup plus modernes, et performants, le nombre d’appareils, de missiles, et de têtes nucléaires, ne semble pas destiner à évoluer, alors que la répartition de la menace, elle, est appelée à sensiblement s’étendre.
De même, la force océanique stratégique à venir, prévoit toujours de s’appuyer sur 4 SNLE, permettant de disposer d’un navire en patrouille à tout instant, d’un navire en alerte à 24 heures, d’un navire à l’entrainement, mobilisable en quelques semaines, et d’un navire en maintenance.
Pourtant, l’arrivée de la Chine dans l’équation stratégique mondiale, et, dans une moindre mesure, de la Corée du Nord, obligera la FOST à diviser ses moyens, pour contenir simultanément ces menaces à la limite de la portée de ses missiles, notamment en déployant, au besoin, un SNLE dans une zone de patrouille mieux adaptée.
En outre, la montée en puissance des flottes sous-marines russes et chinoises, en particulièrement des flottes de sous-marins nucléaires d’attaque ou lance-missiles, SSN et SSGN, viendra accroitre le risque de compromission de l’unique navire en patrouille français, ce d’autant que le nombre de drones de patrouille sous-marine, conçus précisément pour accroitre les opportunités de détection, va nécessairement bondir dans les années à venir.
Enfin, l’absence de capacités de frappes de basse intensité, dites « Low Yield » en anglais, et de « de frappe nucléaire non stratégique », dans la nomenclature russe et en chinois, pourrait considérablement affaiblir la posture dissuasive française dans les années à venir, qu’il s’agisse de répondre à ce type de déploiement visible, de la part d’un adversaire potentiel, voire de contenir, au besoin, la menace de frappes stratégiques non nucléaires, par l’intermédiaire d’une flotte massive de drones d’attaque, à la portée budgétaire et technologique d’un grand nombre de pays.
Conclusion
On le voit, si la dissuasion française a rempli parfaitement son rôle, jusqu’à aujourd’hui, la trajectoire retenue, pour son évolution, dans les décennies à venir, bénéficierait, très certainement, d’une nouvelle analyse, prenant en considération, non pas le simple remplacement des moyens existants par des équipements plus modernes et performants, mais aussi la transformation qui est à l’œuvre, concernant la menace stratégique dans le monde.
Cet exercice permettrait, sans le moindre doute, de bâtir une vision plus actuelle sur la réalité des menaces, et leur évolution prévisible dans les années et décennies à venir, et ferait émerger une dissuasion française plus homogène, plus résiliente, et donc plus efficace, pour y faire face.
Enfin, cette démarche bénéficierait certainement d’une exposition publique, certes maitrisée pour préserver la nécessaire confidentialité là où elle est requise, mais qui permettrait de mieux cerner la construction de cette dissuasion, les moyens qui lui sont alloués, et donc, l’effort budgétaire et technologique demandé aux concitoyens, pour s’en doter, et pour assurer la sécurité du pays, comme de ses intérêts vitaux.
Faute de quoi, la France pourrait se voir doter, à l’avenir, d’une dissuasion, certes technologiquement très performante, mais incapable d’assurer efficacement sa mission dans sa globalité, avec, à la clé, des risques existentiels non maitrisés sur le pays, lui-même.
Article du 30 juillet en version intégrale jusqu’au 29 septembre