En 2035, les quatre avions E-3F SDCA [Système de Détection et de Commandement Aéroporté], communément appelés AWACS, totaliseront près de 45 ans de service au sein du 36e Escadron de détection et de commandement aéroportés [EDCA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].
Or, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas de lancer un programme pour leur trouver des successeurs dans les années qui viennent. « Le remplacement de quatre systèmes de détection et de contrôle aéroporté [AWACS] pourrait reposer sur la capacité aérienne de surveillance et de contrôle de l’Alliance [AFSC] », précise seulement le texte.
Pour rappel, en novembre 2023, l’Otan a indiqué qu’elle remplacerait les 14 E-3A Sentry de sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] par six E-7A Wedgetail, acquis auprès de l’américain Boeing, d’ici 2030.
Quoi qu’il en soit, pour le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion », le remplacement des E-3F SDCA ne doit pas attendre 2035, même si ceux-ci ont été régulièrement modernisés depuis leurs entrée en service.
« L’avion radar E-3F est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. [Il] permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations », a d’abord rappelé le rapporteur.
Mais étant donné que le tableau capacitaire mis en annexe de la LPM 2024-30 n’évoque pas leur remplacement, il est logique que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoie pas d’autorisations d’engagement de crédits pour lancer un programme afin d’acquérir de nouveaux avions d’alerte avancée. Ce qui est une erreur pour M. Cormier-Bouligeon.
« Repousser la durée de vie de nos AWACS actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie », a-t-il fait valoir.
Aussi, a-t-il continué, il « semble donc urgent de décider du successeur de l’AWACS, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire ».
Visiblement, le député a une idée précise de la solution qu’il conviendrait à adopter. Malgré la référence faite implicitement à l’E-7A Wedgetail par la LPM 2024-30, le meilleur choix, selon lui, serait le système GlobalEye, développé par le suédois Saab [et écarté par l’Otan au profit de l’avion de Boeing].
« Les premiers essais du système GlobalEye de Saab par l’armée de l’Air et de l’Espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail […], constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède [acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW] », a fait valoir M. Cormier-Bouligeon.
L’hypothèse d’un achat de systèmes GlobalEye pour remplacer les E-3F SDCA circule déjà depuis plusieurs mois. Elle a notamment été évoquée par Intelligence OnLine et le quotidien Les Échos, pour qui le Falcon 10X de Dassault Aviation serait pressenti pour mettre en œuvre cette capacité.
Pour rappel, la solution de Saab repose actuellement sur l’avion d’affaires Bombardier Global 6000. Ce dernier est doté de capteurs résistants au brouillage électronique, d’un radar à longue portée Erieye ER, d’un radar à antenne active SeaSpray [fourni par Leonardo] et d’une boule optronique. Les données qu’il collecte dans une rayon de 400 km sont ensuite fusionnées au sein d’un système de commandement et de contrôle [C2] multi-domaines.
L’Europe coalisée contre la France : l’Allemagne, l’âme des coalitions de revers (2/2)
Après avoir exploré les pièges de la résurrection de la Communauté européenne de défense de 1952, le groupe Vauban décrypte la stratégie de marginalisation de la France par l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne avec l’alliance entre Berlin et Rome dans le domaine terrestre et l’accord de Trinity House avec Londres.
L’âme de la deuxième coalition est, sans surprise, à Berlin même. Poursuivant sa politique de champions nationaux (Diehl dans les missiles ; OHB dans le spatial ; Rheinmetall plus que KMW, dans les blindés ; Hensoldt dans l’électronique de défense ; TKMS dans le naval ; Renk et MTU dans la propulsion) et de récupération des compétences qui lui font encore défaut (propulsion spatiale, satellites d’observation et aéronautique de combat et missiles), l’Allemagne a compris depuis les années 90 qu’elle obtiendrait beaucoup plus d’une France récalcitrante en faisant des alliances de revers que par la négociation directe.
En ce sens, l’actualité récente est la réédition des années 1997 à 2000, années où Berlin a proposé à Londres des fusions de grande ampleur : Siemens avec BNFL, bourse de Francfort avec celle de Londres, DASA avec British Aerospace. A chaque fois, il s’agissait moins de forger des alliances de revers que de faire pression sur la France. Trop faible pour voir clair dans ses intérêts et le jeu de ses concurrents, trop altruiste pour voir toute la naïveté et la portée de ses actes, la France de Lionel Jospin a offert la parité à l’Allemagne dans le domaine de l’aéronautique, elle qui n’en demandait au mieux que le tiers (qu’elle pesait au demeurant très justement…).
L’Allemagne, l’âme des coalitions de revers
Avec ses alliances en Italie (dans le domaine des blindés) et au Royaume-Uni (sur l’ensemble des segments), Berlin tend à Paris de nouveau le même piège : « cédez sur le MGCS et le SCAF ou nous actionnons l’alliance de revers ». L’Europe de l’industrie d’armement qui se prépare, n’est en réalité qu’une coalition contre les thèses françaises dans la défense et son indispensable corolaire, l’armement. Nulle surprise dans ce constat : dominant ses concurrents militaires et industriels grâce à l’héritage gaullien, possédant le sceptre nucléaire qui lui ménage une place à part dans le concert des grandes nations, influente par son siège au Conseil de sécurité aux Nations-Unies et ses exportations d’armement, la France est le pays à ramener dans le rang des médiocres aigris et jaloux et de la petite bourgeoisie de la défense européenne.
Rien de nouveau sous le soleil européen puisque, si l’on en croit Alain Peyrefitte, le général De Gaulle faisait déjà cette analyse : « Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. » (13 mai 1964).
La menace Rheinmetall
Marginalisée depuis la création de KANT puis de KNDS, méprisée voire sacrifiée en France même par le gouvernement de François Hollande en 2015 avec la complicité des députés UMP,l’industrie terrestre nationale ne vit que par des îlots (canons, tourelles, obus), ayant abandonné les chars (sans que la DGA ne réagisse en 2009 lors de la suppression de la chaîne Leclerc par Luc Vigneron), les véhicules blindés chenillés (choix très contestable du tout-roues), l’artillerie à longue portée et saturante ; écrasée par la férule de Frank Haun, désormais noyé dans KNDS France sans trop oser se défendre lui-même, Nexter est menacé de disparition par la double alliance KMW/Rheinmetall au sein du MGCS et Rheinmetall/Leonardo dans l’ensemble des segments.
Aveuglé par le couple franco-allemand, Paris n’a pas accordé assez d’attention à la montée en puissance de Rheinmetall, vrai champion du terrestre allemand, qui, par commandes et acquisitions, se retrouve enraciné en plein milieu du jeu allemand (comme future actionnaire de TKMS et bras armé de la politique ukrainienne de Berlin), et de la scène européenne qu’il a conquise pas à pas : en Hongrie d’abord, puis au Royaume-Uni, en Lituanie, en Roumanie, en Ukraine, en Croatie et désormais en Italie, sans oublier d’établir la relation transatlantique (avec Lockheed Martin sur le F-35, avec Textron sur la compétition Lynx et en achetant le constructeur Loc Performance Products). La toile tissée par Rheinmetall en Europe est une véritable coalition contre les positions françaises.
Un partage de l’Europe sans la France
Le même coup de faux se prépare avec l’accord germano-britannique de Trinity House qui, même s’il ne réalisera pas toute ses prétentions faute de compétences et de moyens, érige un axe concurrent durable et redoutable dans des domaines clés pour la France : le nucléaire, les systèmes de missile à longue portée, les drones d’accompagnement des avions de combat de future génération, la robotique terrestre, la patrouille maritime.
Fidèles serviteurs de l’OTAN et de Washington, animés d’un désir de mettre la France en position d’infériorité militaire et industrielle, les coalisés se sont partagés l’Europe : à l’Allemagne, la défense du flanc Nord de l’OTAN ; à l’Italie, la défense du flanc Sud joignant théâtre de la Méditerranée orientale à l’Asie-Pacifique ; au Royaume-Uni, la Turquie, la Pologne et les pays baltes en liaison avec l’Allemagne. Les contrats industriels suivent les diplomates, avec une moisson gigantesque de chars de combat Leopard, de véhicules blindés Boxer, de l’artillerie RCH-155, de véhicules blindés de combat d’infanterie Lynx et de chars Panther et de systèmes sol-air (22 pays membres de l’initiative allemande ESSI).
La France nulle part dans l’Europe qu’elle prétend bâtir
Au bilan, la France est nulle part dans cette Europe qu’elle prétend pourtant bâtir ; elle n’a pas eu le courage politique de s’opposer aux dérives illégales de la Commission européenne en pratiquant la politique de la chaise vide ; son gouvernement est un mélange instable de fédéralisme affirmé, d’atlantisme assumé et de gaullisme à éclipses : comment pourrait-il mener une autre politique que celle « du chien crevé au fil de l’eau » (De Gaulle) consistant à se couler avec facilité et confort dans le mainstream institutionnel otanien au nom de l’Ukraine ? Comme lors de la IVème République, ses partis politiques sont occupés à la tambouille politicienne et ne pensent plus le monde selon les intérêts nationaux mais selon les intérêts de l’OTAN, de l’Ukraine et d’Israël.
Alors que la France s’épuise en débats stériles politiciens dans un régime devenu instable (les deux vont de pair), ses positions stratégiques en Europe se dégradent :
La cohérence de son système de défense reposant sur la souveraineté nationale et la défense des intérêts nationaux, au profit d’un fédéralisme européen sous tutelle américaine décrété urgent par la guerre en Ukraine et la menace russe ;
Sa dissuasion nucléaire, au profit d’un projet de missile conventionnel à très longue portée et d’une défense anti-missile germano-américano-israélienne à vocation européenne, deux projets promus, comme par hasard, par l’Allemagne ;
Son modèle d’industries nationales, monopolistiques, seules capables de concevoir, développer, produire et maintenir des systèmes d’armes souverains, au profit de fusions industrielles européennes qui placeront les armées et l’industrie françaises en position de dépendance complète des deux Bruxelles (OTAN et Union européenne) ;
La conduite de ses programmes d’armement, réalisée par ses ingénieurs de l’armement dont c’est le métier et la vocation, au profit de bureaucrates européens ne connaissant rien aux domaines de l’armement mais ayant le pouvoir juridique et financier ;
Sa liberté souveraine d’exporter de l’armement à qui elle l’entend et sans frein autre que ses intérêts et sa morale à elle, au profit de règlements européens, spécialement édictés pour la restreindre, autre projet porté par l’Allemagne.
Le pire est que ces développements ont été portés par la classe politique elle-même qui les a encouragés à coup de proposition de « dialogue sur la dissuasion », « d’autonomie stratégique européenne » ou de programmes en coopération mal négociés, en mettant de côté les aspects gênants comme les divergences de doctrine, de niveau technologique et d’analyses sur les exportations.
Le pire est également que ces développements se profilent au moment même où la France, faute de limiter son gouvernement aux seuls domaines régaliens et de créer la richesse au lieu de la taxer et de la décourager, n’a plus les moyens de sa défense : comment celle-ci pourrait-elle en effet continuer de résister à la dérive des finances publiques, à la sous-estimation systématique de tous ses besoins (des capacités négligées aux infrastructures délaissées en passant par les surcoûts conjoncturels prévisibles mais ignorés) et à la mauvaise gestion de ses finances propres (comme en témoigne le montant faramineux des reports de charges) ?
Si la LPM est officiellement maintenue en apparence, ses fondements financiers, déjà minés dès sa conception par un sous-financement général, apparaissent pour ce qu’ils sont : insuffisants à porter le réarmement national de manière durable et soutenu. Faudra-t-il comme Louis XIV vendre l’argenterie royale ? Faudra-t-il vendre des biens nationaux comme la Révolution le fit dans son incurie ? Ou lui faudra-t-il écraser d’impôts les Français comme le Premier Empire s’y est résigné pour éviter l’emprunt ?
Une révision drastique de ses alliances
La rupture avec les deux Bruxelles est la double condition de la renaissance nationale. Face à l’Europe coalisée contre son système de défense, la France n’aura pas d’autre choix qu’un sursaut passant par une révision fondamentale du rôle de l’État, c’est-à-dire la réduction drastique de ses interventions sociales et économiques ruineuses et inefficaces, et d’une révision complète de son cadre d’alliances, afin que celles-ci la fortifient au lieu de l’atrophier.
La guerre froide n’a pas empêché ni la politique de la chaise vide ni le retrait du commandement intégré de l’OTAN, c’est-à-dire de quitter les deux Bruxelles au profit d’une politique du grand large, et pourtant le général de Gaulle qui a pris ces deux décisions majeures, n’était ni irresponsable ni irréfléchi. Les fruits de la grande politique qu’il a voulue, sont connus : un rayonnement considérable de sa diplomatie et de ses exportations d’armement.
Avec la professionnalisation des armées, la Révision générale des politiques publiques [RGPP] et les contraintes budgétaires, le format des forces dites de souveraineté, car affectées dans les territoire d’outre-Mer, a été réduit d’environ 20 % entre 2000 et 2015. Et cela s’est également traduit par des ruptures capacitaires temporaires, voire définitives.
Aussi, ces dernières années, plusieurs rapports parlementaires ont établi le constat que, malgré leurs contributions aux principales fonctions stratégiques [connaissance et anticipation, protection et intervention], voire leur appui à la dissuasion, les forces de souveraineté n’avaient pas les moyens suffisants pour mener l’ensemble des missions qui leur sont assignées.
Cependant, les deux dernières Lois de programmation militaire [LPM] ont acté une remontée en puissance des forces de souveraineté, avec, par exemple, le renouvellement des patrouilleurs de la Marine nationale. Il est aussi question qu’elles bénéficient d’un investissement de 13 milliards d’euros pour la période 2024-30. En outre, des déploiements aériens comme « PEGASE » [Projection d’un dispositif aérien d’EnverGure en Asie du Sud-Est] permettent de renforcer ponctuellement la posture des forces françaises dans les territoires ultramarins de la zone Indopacifique.
«Il s’agit d’améliorer notre contribution à la protection du territoire national, singulièrement de nos territoires d’outre-mer et de nos zones économiques exclusives, où l’accumulation des tensions stratégiques et les stratégies hybrides – sans oublier les effets liés au changement climatique, à la prédation sur les ressources naturelles et aux flux migratoires illégaux – nous obligent à revoir notre dispositif », avance la LPM 2024-30.
Or, en 2021, alors chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier avait dit ne pas exclure un « coup de force » contre un territoire français ultramarin. « Des affrontements violents en mer sont possibles, y compris de la part d’adversaires qui pourraient agir de manière à défier notre détermination et tester l’articulation de notre capacité de réponse conventionnelle sous le seuil nucléaire », avait-il confié à Mer & Marine, en prenant l’exemple de la guerre des Malouines / Falklands.
« De la même manière, on pourrait imaginer à l’avenir une tentative d’éviction de la France de certaines régions du monde, notamment celles où nous avons des territoires. Nous devons pouvoir décourager et si nécessaire empêcher de telles initiatives », avait ajouté l’amiral Vandier, avant de souligner la nécessité pour la Marine nationale d’aligner des « équipements répondant à la hausse du niveau de menace ».
Parmi les territoires d’outre-mer susceptible de faire l’objet d’un éventuel coup de force, la Nouvelle-Calédonie arrive en tête de liste, en raison de la position stratégique qu’elle occupe. Dans un volumineux rapport publié en 2021, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire [IRSEM] avait expliqué que l’éventuelle indépendance de l’archipel ne pourrait que servir les intérêts de Pékin.
« Une Nouvelle-Calédonie acquise à la Chine deviendrait la clé de voûte de la stratégie d’anti-encerclement chinoise, tout en isolant l’Australie puisqu’en plus de Nouméa, Pékin pourra s’appuyer sur Port Moresby, Honiara, Port-Vila et Suva », avait avancé l’IRSEM. D’où l’intérêt que porte Pékin aux mouvements indépendantistes néo-calédoniens.
« La Chine fonctionne en noyautant l’économie, en se rapprochant des responsables tribaux et politiques parce que c’est la méthode la plus efficace et la moins visible. Sa stratégie est parfaitement rodée et elle a fonctionné ailleurs dans le Pacifique », avait souligné le rapport.
Pour autant, faut-il redouter un coup de force militaire contre le « Caillou » ? Le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, n’y croit pas. D’ailleurs, même si cela devait arriver, la France n’aurait pas les moyens de s’y opposer…
« Bien sûr, nous devons assurer la souveraineté de nos territoires d’outre-mer, mais soyons clairs : la France n’a pas l’ambition d’aller faire la guerre dans la zone indo-pacifique ! », a en effet affirmé le CEMA, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 25 septembre dernier [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].
« Ce qui menace la Nouvelle-Calédonie n’est pas une invasion par la Chine. [Si] celle-ci cherche probablement à y étendre son influence, l’armée française n’est pas taillée pour aller faire la guerre à 17 000 kilomètres d’ici. La menace qui s’exerce sur notre souveraineté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française aujourd’hui n’est pas stricto sensu une menace militaire qui nécessite des installations et un outil de combat », a conclu le général Burkhard.
En attendant, la situation en Nouvelle-Calédonie, en proie à de vives tensions d’une ampleur inédite depuis les années 1980, inquiète l’Australie ainsi que, dans une moindre mesure, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.
Deux amendements au budget 2025 des armées ont été adoptés cette semaine en commission défense de l’Assemblée nationale, l’un visant à accélérer sur les munitions téléopérées et l’autre à favoriser le développement d’un drone MALE souverain.
Colibri, Larinae, Toutatis, Veloce 330, etc. : la filière industrielle nationale et les armées françaises avancent à marche forcée sur la question des munitions téléopérées (MTO). Pour une frange non négligeable de la commission défense, « il convient de mobiliser les moyens adéquats pour accélérer et amplifier cette tendance ». En résulte cet amendement cherchant à abonder le programme le programme 146 « Équipement des forces » de 10 M€ supplémentaires en 2025, des moyens ponctionnés sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
Près de 50 M€ ont été engagés cette année dans l’opération « drones de contact » pour progresser sur le sujet. De quoi soutenir un effort de rattrapage marqué par la commande d’une solution de courte portée souveraine, une MTO conçue par Delair et KNDS France et héritée de l’appel à projet Colibri. Après le succès des premiers tests réalisés dernièrement par la DGA, l’année 2025 sera celle de la livraison des premières MTO CP commandées cette année via l’incrément 1 du programme.
Ces fonds additionnels contribueraient à « augmenter les ressources en munitions téléopérées », un atout « incontournable » selon un récent rapport parlementaire. L’ajout proposé par les parlementaires viendrait rehausser la ligne de 150 M€ affectée l’an prochain à l’opération mais essentiellement dévolue au lancement en réalisation de l’incrément 2, celui consacré à l’achat de systèmes de drones tactiques légers (SDTL).
Si la première proposition consiste à accentuer l’existant, la seconde implique un surplus d’audace. Dans un autre amendement adopté en commission, une quarantaine de députés proposent d’allouer 40 M€ au programme 146 pour donner sa chance au drone MALE Aarok dévoilé en juin 2022 par Turgis & Gaillard. Là aussi, la démarche exigera de prélever des crédits et autorisations d’engagement sur le programme 144.
« Le coût unitaire estimé entre 5 et 10 millions d’euros, il conviendrait de doter nos armées de quatre de ces appareils, investissement relativement peu important au vu des gains capacitaires et des retombées économiques pour le pays que l’acquisition de tels appareils engendrerait », commentent les auteurs du texte.
Derrière les objectifs chiffrés, il s’agit surtout de créer l’occasion de « payer pour voir ». Un souhait exprimé en octobre 2023 par l’ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, le général Stéphane Mille, et qui fournirait l’amorce nécessaire pour avancer dans le développement de l’appareil, en vérifier la pertinence opérationnelle et, surtout, s’assurer de ne pas rater un autre virage technologique important.
Ne pas s’interdire de donner sa chance à d’autres idées, qu’elles soient souveraines ou non, n’est pas sans rappeler cette logique de captation accélérée de l’innovation promue depuis peu par les armées. Une mécanique incrémentale d’achats rapides mais limités en volume dont les effets bénéfiques se font déjà ressentir dans l’armée de Terre. Reste que, si ces amendements cherchent à stimuler l’activité dans un domaine majeur sans grever lourdement le budget, tous deux restent des propositions qui doivent encore franchir l’essentiel du processus d’adoption du projet de loi de finances.
Conflit en cours : malgré le vote de l’Assemblée nationale et du Sénat en faveur de la suppression du SNU le 30 octobre 2024, le gouvernement reste ferme. Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a réaffirmé la volonté de l’exécutif de maintenir ce programme.
Le gouvernement défend le SNU
Le Service National Universel (SNU), un programme lancé en 2019 par le gouvernement d’Emmanuel Macron, fait aujourd’hui face à une résistance marquée au sein de la chambre basse et de la chambre haute. Malgré les votes de suppression du budget alloué au SNU par l’Assemblée nationale et le Sénat, mercredi 30 octobre 2024, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a déclaré, à la suite du Conseil des ministres que le gouvernement « ne souhaite pas supprimer le service national universel ».
Celle-ci a néanmoins reconnu, au nom du gouvernement les limitations budgétaires qui empêchent sa généralisation prévue pour 2026. « Il y a probablement nécessité de réinterroger le dispositif tel qu’il est conçu aujourd’hui. Il y a une partie du dispositif qui fonctionne très bien, d’autres qui peuvent peut-être être remis sur la table », précise la porte-parole du gouvernement.
Un « gadget présidentiel » trop couteux
C’est surtout le coût du service national universel qui est à l’origine des réticences des députés et des sénateurs, mais aussi ses résultats. Selon les estimations du rapport de la Cour des comptes de septembre 2024, la généralisation du SNU, soit pour 850 000 jeunes chaque année, coûterait entre 3,5 et 5 milliards d’euros annuellement.
Des projections qui ont suscité de vives critiques de la part de certains parlementaires, et cela, d’autant en raison du contexte d’austérité auquel doit faire face la France. Le Pierrick Courbon (socialiste) notamment, dénonce pour sa part une « hérésie budgétaire ». Même tonalité du côté du sénateur socialiste Éric Jeansannetas qui considère qu’après cinq ans d’expérimentation, «il n’apparaît pas que le SNU apporte une plus-value suffisante […] pour justifier la poursuite de son déploiement ». La critique se fait encore plus vive pour Jean-Claude Raux, député écologiste, qui voit le SNU comme un « gadget présidentiel » qui « ne marche pas » et « coûte cher ».
Vers un abandon de la généralisation prévue pour 2026
Malgré les promesses faites par Gabriel Attal, ex-Premier ministre, de généraliser le SNU d’ici à 2026, les résultats du programme sont en deçà des attentes gouvernementales : en 2023, celui-ci affiche 28 % de désistements. Gil Avérous, ministre des Sports et de la Jeunesse, l’avait d’ailleurs admis, lundi 28 octobre 2024, au micro de Sud Radio : « En 2025, il ne le sera pas, en 2026 j’imagine mal qu’il puisse l’être. »
Les chiffres le confirment : bien que l’objectif pour 2025 soit de 66 000 jeunes, seuls 35 700 se sont engagés dans le programme jusqu’à présent.Les crédits budgétaires, initialement fixés à 130 millions d’euros, ont été ramenés à 80 millions d’euros en raison des contraintes financières. Discutés dans les deux chambres, les votes des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le 30 octobre 2024, ont pourvu de réaffecter les 130 millions d’euros initialement prévus pour le SNU vers le secteur du sport.
Axelle Ker
Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.
L’exercice est devenu récurrent. Chaque discussion budgétaire est propice à la remise en cause du projet franco-allemand de système de combat terrestre principal (MGCS) et aux interrogations quant à la pérennité du char Leclerc. L’examen du budget 2025 par la commission défense de l’Assemblée nationale n’y fait pas exception, nouvelle salve d’amendements infructueux à la clef.
Caramba, encore raté. Une poignée d’amendements portant sur l’avenir de la fonction char ont été déposés par des groupes parlementaires n’ayant jamais fait mystère de leur opposition vis-à-vis des projets capacitaires franco-allemands. Si tous ont été rejetés, certains avaient au moins le mérite de dépasser l’habituel abandon du MGCS ou l’adoption de l’EMBT – un objet… franco-allemand – pour miser davantage sur l’évolution du char Leclerc.
Entre autres tentatives, celle proposée par le Rassemblement national pour une solution de transition basée sur le Leclerc Evolution, une variante embarquant un canon ASCALON de 120 mm et plusieurs nouvelles briques de protection. L’acquisition en 2025 de six exemplaires, au coût unitaire estimé à 8 M€, aurait permis selon le RN « de consacrer l’évolution du Leclerc et son exportation, au même titre que l’évolution du char allemand Leopard, dont les nouveaux modèles sont déjà exportés en Europe, en attendant que le MGCS ne les remplace tous les deux ».
L’ambition était moindre dans des socialistes focalisés sur la survivabilité du Leclerc rénové face aux armements antichars, à commencer par les munitions téléopérées. « La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative et pourrait entrainer, sans une réponse matérielle adaptée, une incapacité opérationnelle de nos unités blindées », ont observé les députés LFI-NFP. Essentiellement symbolique, la proposition trouve en réalité un écho dans une double démarche conduite de longue date par la Direction générale de l’armement. Ce sont les programmes d’auto-protection soft-kill et hard-kill PRONOÏA et PROMETEUS portés par Lacroix Defense d’un côté et par Thales et KNDS France de l’autre.
« Les besoins militaires de l’armée de Terre nous ont bien indiqué lors des auditions que les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré », rappelait Isabelle Santiago, rapporteur pour avis sur la préparation et l’emploi des forces terrestres. Si « il faut redonner les moyens de pérenniser, de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040-2045 », la députée socialiste rappelle que « l’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire».
« Nous sommes un certain nombre à partager un intérêt pour soutenir les évolutions du char Leclerc, notamment pour que nos industriels soient en capacité de proposer des solutions innovantes mais plutôt en vue du char MGCS », relativisait pour sa part le rapporteur pour avis du programme 146, François Cormier-Bouligeon. « Ce qui compte, c’est d’investir dans les briques », des briques aujourd’hui conjointes mais qui pourront aussi venir alimenter un éventuel programme alternatif, notait-il.
Surtout, certaines idées se heurtent désormais au mur de l’austérité budgétaire. « Je ne suis pas certain que nous soyons en capacité les uns et les autres, mais à commencer par nous, de développer des solutions souveraines », admettait le député Renaissance. Les crédits prévus en loi de programmation militaires se concentrent, du moins en surface, sur les études relatives au MGCS et sur les efforts de rénovation et de pérennisation du Leclerc, tous deux lancés en amont. Et si le ministère des Armées envisageait sa trajectoire budgétaire comme un socle éventuellement renforcé par des crédits nouveaux, ce scénario paraît maintenant bien moins probable au vu de l’état de santé des finances publiques et des restrictions imposées à d’autres. À enveloppe fermée, tout changement de direction risquera de peser sur d’autres lignes tout autant urgentes. La coopération européenne reste donc le seul horizon, en attendant le point d’étape sur le projet franco-allemand promis par le ministre des Armées pour l’an prochain.
La suppression des crédits alloués au Service National Universel (SNU) dans le cadre du budget 2025 est un signal fort qui marque une rupture nette dans les ambitions initiales du gouvernement. Créé pour renforcer la cohésion nationale, ce dispositif, pourtant inscrit dans les promesses de campagne d’Emmanuel Macron, semble aujourd’hui pris dans les mailles de l’austérité. Le SNU, critiqué pour son coût et son efficacité limitée, pourrait bien disparaître.
Le SNU : un projet qui n’a jamais fonctionné
Le Service National Universel est né en 2019, conçu comme un prolongement du service militaire traditionnel, bien que strictement civil et volontaire dans sa forme initiale. Structuré autour d’un séjour de cohésion et d’une mission d’intérêt général, le SNU vise à inculquer aux jeunes des valeurs de discipline, de solidarité et de respect de l’autorité. Dans cette logique, le port de l’uniforme et la levée des couleurs, éléments symboliques du dispositif, se veulent un écho à l’héritage militaire et républicain français.
Cependant, la Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2024, pointe une série d’écueils : un coût sous-évalué, estimé entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an, et des objectifs flous qui mettent en question sa légitimité. Ces critiques posent une question essentielle : dans quelle mesure le SNU peut-il véritablement combler le fossé entre les aspirations civiques et les exigences budgétaires de l’État ?
L’austérité face au SNU : une question de priorités financières
Le ministre des Sports et de la Jeunesse, Gil Avérous, a admis le 28 octobre 2024 l’impossibilité de généraliser le SNU pour des raisons budgétaires, soulignant ainsi les limitations financières d’un projet ambitieux mais coûteux. Cette déclaration trouve écho dans le contexte actuel, où le budget fait face à une pression accrue, alors que les priorités stratégiques se tournent vers la modernisation des forces et la préparation aux défis géopolitiques.
En comparaison, l’efficacité perçue du SNU semble décalée des besoins opérationnels et de la formation civique des jeunes, d’autant plus que les bénéfices attendus sont jugés insuffisants. « Pour l’instant, en 2025, j’ai les crédits du même montant que 2024 », déclarait Gil Avérous sur Sud Radio, traduisant une vision de plus en plus restrictive de l’État vis-à-vis de ce dispositif. Des crédits qui ne permettent d’accueillir que 64.000 jeunes… niveau jamais atteint par le simple volontariat.
La suppression des crédits par le Sénat : vers une fin du SNU ?
La commission des Finances du Sénat a acté, le 30 octobre, une décision plutôt attendue en faveur de la suppression des crédits du SNU. Les sénateurs, parmi lesquels Éric Jeansannetas, rapporteur des crédits de la Jeunesse, remettent en question la pertinence d’un programme jugé trop onéreux et peu efficace. Dans le cadre du projet de loi de finances 2025, un amendement visant à réduire les crédits alloués au SNU de 100 millions d’euros a ainsi été adopté à une large majorité.
Pour les sénateurs, le dispositif peine à démontrer sa valeur ajoutée par rapport aux autres politiques d’engagement des jeunes. Jeansannetas a notamment déclaré : « Les objectifs font du surplace », ajoutant que le projet de généralisation du SNU à une classe d’âge entière paraît désormais « hors d’actualité ».
La fin du SNU : quelles conséquences pour l’engagement civique et la Défense ?
Si la suppression du SNU devient définitive, ce sera la fin d’un projet d’éducation civique, pourtant perçu comme un pont entre les valeurs militaires et civiques. Le retrait du SNU soulève de fait des questions sur la manière dont la France compte renforcer l’engagement de ses jeunes en l’absence de cet outil. Le service civique, bien qu’efficace, suffira-t-il pour combler les attentes des jeunes et des responsables politiques ?
Reste que le vote en Commission pourrait être contrebalancé lors des votes définitifs, surtout si Michel Barnier déclenche un 49.3 pour faire adopter le Budget 2025 par la force. Un scénario qui devient chaque jour plus plausible…
Paolo Garoscio
Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
Notre défense ne doit pas être sacrifiée sur l’autel des économies budgétaires !
OPINION – Dans un monde où les tensions géopolitiques se multiplient et où la violence de certains États (Russie, Azerbaïdjan, Israël… ) est complètement désinhibée, le président de la commission de la défense nationale Jean-Michel Jacques recommande de de « respecter à l’euro près la trajectoire actée par la LPM 2024-2030 ». Renoncer menacerait l’outil militaire de la France et aurait pour conséquence aussi de fragiliser l’Europe toute entière. Par Jean-Michel Jacques, député du Morbihan, président de la commission de la défense nationale et des forces armées et rapporteur de la loi de programmation militaire 2024-2030.
par Jean-Michel Jacques – La tribune – publié le
« L’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi » : le Premier ministre Michel Barnier l’a rappelé lors de son discours de politique générale le 1er octobre dernier, et s’est par ailleurs engagé à mettre en œuvre la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. Cette exigence est avant tout une preuve de lucidité au regard du contexte géostratégique. Cela implique de respecter à l’euro près la trajectoire actée par la LPM 2024-2030, c’est-à-dire de consentir à 413 milliards d’euros de besoins programmés sur la période, à un budget de la défense de 50,5 milliards d’euros pour l’an prochain et porter ce budget à 2% du PIB d’ici à 2025.
Si l’équilibre budgétaire de notre pays implique une réduction de certaines dépenses publiques, cela ne doit pas se faire au détriment de notre outil militaire et de notre autonomie stratégique. Il en va de notre sécurité, de la place de la France dans le monde mais aussi, en partie, de celle de l’Europe.
Pour un respect de la trajectoire financière de la LPM
Face au retour de la guerre en Europe, à la multiplication des menaces hybrides, à la fragmentation de l’ordre international ou au recours assumé à la violence par de trop nombreux acteurs, la France doit pouvoir compter sur des forces armées solides, réactives et cohérentes, prêtes à répondre à un brusque changement de notre situation sécuritaire, en Europe comme dans nos outre-mer ou auprès de l’un de nos partenaires stratégiques. C’est le cap fixé pour la transformation des armées par la loi de programmation militaire 2024-2030.
C’est le prix de notre liberté et la garantie de notre souveraineté. Cela a un coût, qui se matérialisera par une augmentation progressive du budget de la défense, lequel passera de 47,2 milliards d’euros en 2024 à 67,4 milliards d’euros en 2030. Un coût que les Français doivent savoir taillé au plus juste : il n’y a « aucun gras » dans cette trajectoire. Croire que la paix serait mieux assurée en baissant nos efforts et en pariant sur la bonne volonté d’États aux politiques révisionnistes ou expansionnistes déclarées serait une dangereuse illusion.
Comme l’a rappelé le Chef d’état-major des armées encore récemment : « Ne croyons pas que nous allons revenir au monde d’avant. Ce qui se met en place, nous allons devoir vivre avec ». Il n’y a pas de meilleure manière de le faire qu’en respectant à l’euro près la trajectoire fixée pour que les armées françaises soient prêtes à s’engager s’il le faut dans des guerres de haute intensité et à combattre dans tous les champs de conflictualité qu’on pourrait lui imposer, qu’ils soient physiques (terre, air, mer, spatial…) ou immatériels (cyber, informationnel…).
Un renoncement menacerait la défense nationale
L’effort français n’est pas isolé et de lui dépend la place qu’aura demain la France dans le monde. La France n’est pas la seule à constater le besoin d’un réarmement affirmé. Tous ses voisins le font : c’est vrai de la Grande-Bretagne à la Pologne en passant par l’Allemagne et la Lituanie. Soyons les fervents défenseurs de l’autonomie d’analyse, de décision et d’action qui fait la puissance de nos armées. Assumons la modernisation de notre dissuasion, clé de voûte de notre défense, dans toutes ses composantes et dans une logique de stricte suffisance. Conservons à la France son statut de puissance d’équilibres et de Nation-cadre.
N’oublions jamais que tout renoncement menacerait notre défense nationale mais remettrait aussi en jeu la place singulière que la France a su bâtir au profit d’une Europe plus forte et plus autonome. Trahir les engagements que nous avons consenti en faveur de nos armés serait une erreur d’appréciation qui aurait pour conséquence aussi de fragiliser l’Europe toute entière.
Un budget vital pour la France
Le budget des armées est un budget vital pour la Nation aux retombées économiques importantes pour nos territoires. Après des décennies de sous-investissement, l’impulsion donnée depuis 2017 a eu non seulement un impact positif sur la modernisation de nos capacités et le quotidien de nos militaires, mais également sur les entreprises et les emplois dans nos territoires. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une base industrielle et technologique parmi les plus larges d’Europe dont les savoir-faire sont reconnus et qui contribue positivement à notre balance commerciale tous les ans.
Gardons à l’esprit que chaque denier investi dans notre défense est créateur de croissance pour notre pays à court et à long terme ! Un euro pour notre défense aujourd’hui, ce sont deux euros de richesse créés dans dix ans : force est de constater qu’il s’agit donc là d’un retour d’investissement gagnant ! En ces temps troubles, l’enjeu est grand pour notre pays. Pour garantir la sécurité des Français, l’intégrité de notre territoire et de notre place dans le monde, continuons sur le cap tracé par la LPM 2024-2030 : oui, prolongeons l’engagement politique exigeant que nous avons pris pour nos armées et, oui, garantissons sa concrétisation par un respect à l’euro près de la trajectoire budgétaire décidée.
Le SNU, ou Service National Universel, lancé en 2019, a, parmi ses objectifs, d’améliorer la mixité sociale et le sentiment d’engagement auprès d’une jeunesse présentée, à tort ou à raison, comme de plus en plus éloignée de la vie de la Nation.
Celui-ci vient de faire l’objet d’un rapport de la Cour des Comptes du plus préoccupant, jugeant le dispositif onéreux, mal planifié et, surtout, dont les objectifs s’avèrent flous et à géométrie variable selon l’actualité.
Ce constat contraste, presque en tous points, avec les retours élogieux concernant le dispositif de conscription choisie mis en œuvre par la Norvège et d’autres pays scandinaves, qui suscite à la fois l’adhésion de la jeunesse et des armées, au plus grand profit de la résilience nationale.
Se pose alors la question, de l’opportunité de remplacer un SNU peu efficace et onéreux, par un dispositif de conscription choisie, qui permettrait, pour un investissement identique, de renforcer le format des Armées, d’améliorer le recrutement des postes d’active et de la Garde Nationale, et d’accroitre, significativement, la résilience de la Nation, au sens large du terme ?
Sommaire
La cour des comptes publie un rapport très critique sur le Service National Universel
Né d’une des promesses de campagne du candidat Macron lors des élections présidentielles de 2017, pour remettre en place un service national, le SNU a été lancé dès 2019, avec l’objectif d’atteindre, pour 2027, son plein potentiel.
Toutefois, les objectifs de ce service national universel, tels que présentés initialement, se sont rapidement effacés face à la réalité d’intégrer une classe d’âge, soit 850 000 jeunes, à un dispositif général nécessitant des infrastructures, des moyens humains et des crédits qui n’existent pas.
Très tôt, le ministère des Armées a pris ses distances avec cette initiative, mettant en avant ses effectifs trop réduits et ses infrastructures bien trop limitées pour relancer une forme de service national obligatoire, comme durant la guerre froide.
Dès lors, aujourd’hui, même les personnes impliquées dans ce projet, peinent à en tracer les contours exacts. « Cette diversité d’objectifs a entretenu une incertitude sur l’ambition
et le sens du SNU, se traduisant par des attentes diverses et contradictoires » indique ainsi le rapport de la cour des Comptes. En outre, deux des principaux objectifs, la mixité sociale d’une part, et l’engagement de l’autre, ne sont pas atteints, de l’avis de l’institution, alors même que le SNU n’en est qu’à sa forme simplifiée et réduite, uniquement fondée sur le volontariat.
Enfin, la Cour de Comptes interroge sur l’avenir de ce programme, qui couterait aujourd’hui autour de 3 000 € par jeunes pour les seules Phase 1 et 2 (en dehors de la Phase 3 d’engagement, donc), alors que les budgets pour son extension, estimés de 3 à 5 Md€, ne sont pas sécurisés, et que la construction des infrastructures et les recrutements nécessaires, ne sont pas même planifiés.
… pendant que les armées peinent à recruter et fidéliser leurs effectifs
Le rapport de la Cour des Comptes sur le SNU, fait naturellement écho aux difficultés rencontrées par les Armées, non seulement pour accroitre, mais aussi pour simplement maintenir leurs effectifs, y compris pour ce qui concerne la Garde Nationale, ce d’autant qu’il s’agissait d’un de ses objectifs premiers, tel qu’imaginé initialement.
En effet, en 2023, alors que les Armées devaient voir leurs effectifs croitre de près de 1.500 militaires d’active, celles-ci les ont vus, en fait, décroître de 2.500 militaires. Comme partout en Occident, les armées françaises souffrent de plusieurs maux concomitants, créant des tensions importantes dans le domaine des ressources humaines.
En premier lieu, elles peinent à recruter ou, plus précisément, à recruter les profils recherchés. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation de la technicité demandée aux militaires, quels qu’ils soient, les armées doivent désormais recruter des profils plus poussés et mieux formés, qui sont aussi activement recherchés par le marché du travail.
En outre, les contraintes de la vie militaire, même si elles se sont sensiblement améliorées ces dernières années, découragent beaucoup de jeunes, qui préfèrent se tourner vers des carrières dans le privé ou vers la fonction publique.
Enfin, la sédentarité croissante des populations, entrainent une nette augmentation des profils inaptes médicaux, même si, là aussi, les armées ont ajusté leurs exigences pour ne pas se retrouver face à un mur, dans certaines spécialités en particulier.
Non seulement ont-elles du mal à recruter, mais les armées voient aussi le taux de renouvellement des contrats baisser ces dernières années, spécialement à l’issue du premier engagement. L’appétence du privé, en particulier de l’industrie, pour les personnes formées par les armées, entraine une certaine hémorragie de certains profils, qu’il est difficile d’endiguer, ce qui fait peser une importante pression sur le format des armées, ainsi que sur les pyramides des grades et des âges, particulièrement difficiles à équilibrer.
Le modèle de la conscription choisie, appliqué par les armées scandinaves, séduit en Europe
Les armées françaises sont loin d’être les seules à rencontrer ces problèmes de ressources humaines. Au contraire, elles sont même parmi les armées européennes et occidentales, qui résistent le mieux à cette menace.
Plusieurs solutions ont été mises en œuvre par celles-ci, comme l’attribution de très fortes primes à la signature d’un nouveau contrat au sein des armées US, en particulier pour les spécialités les plus en tension, comme les codeurs informatiques ou les pilotes.
La Norvège a été la première à mettre en œuvre une nouvelle forme de conscription, répondant précisément aux besoins de ses armées. Pas question, en effet, en Norvège comme ailleurs, de revenir à une conscription obligatoire généralisée, les armées n’ayant ni les moyens humains, ni matériels, et pas davantage les infrastructures et les moyens budgétaires pour cela, qui plus est dans une période de fortes tensions internationales, comme aujourd’hui.
Pour répondre aux besoins de ses Armées, Oslo s’est donc tourné vers une nouvelle forme de conscription, appelée conscription choisie : si la conscription demeure obligatoire pour toute la classe d’âge, comme pendant la guerre froide, elle ne concernera, dans les faits, qu’une partie de celle-ci, en fonction des besoins et des moyens des armées.
La sélection des conscrits ne se fait pas par tirage au sort, comme le Draft américain en temps de guerre, mais directement par les armées elles-mêmes, sur les dossiers scolaires et péri-scolaires des jeunes, ainsi que sur l’acte, ou non, de volontariat.
Introduite en 2015, cette forme de conscription concerne, en 2024, autour de 9000 jeunes norvégiens, soit 10 % de la classe d’âge, tous ou presque des volontaires. En effet, dans le pays, la conscription est devenue un sésame précieux à la fin des études, pour justifier de son appartenance à une certaine élite, et les volontaires sont plus nombreux que les places disponibles.
La Suède et le Danemark ont mis en place, eux aussi, une forme conscription choisie dans les années ayant suivi l’exemple norvégien, avec des retours tout aussi prometteurs. D’autres pays européens, y compris l’Allemagne, envisagent désormais d’y avoir recours, pour renforcer les effectifs de leurs armées.
Doit-on investir les 3 à 5 Md€ du SNU dans une conscription choisie pour renforcer les effectifs des armées ?
La comparaison des deux modèles, le SNU français, d’un côté, la conscription choisie scandinave, de l’autre, ne plaide évidemment pas en faveur du premier. Non seulement la conscription choisie vise-t-elle des objectifs parfaitement identifiés, au bénéfice des armées et de la résilience nationale, mais elle s’inscrit dans un modèle parfaitement adaptable et maitrisé, qui en garantit la pérennité et l’efficacité, y compris budgétaire.
Se pose, alors, la question du bienfondé du SNU, une fois sa dimension purement symbolique et politique écartée, et surtout, de l’opportunité de le remplacer par une conscription choisie qui, elle, serait performante sur de nombreux aspects, y compris ceux qui, aujourd’hui, sont vaguement identifiés comme étant les objectifs du SNU.
En effet, le SNU, dans sa forme actuelle, constitue un crible potentiellement efficace pour permettre aux armées de « choisir » les profils à retenir pour cette conscription d’une durée suffisante pour s’avérer efficace du point de vue militaire, c’est-à-dire au moins 10 à 12 mois.
Il constitue, en outre, le cadre adapté pour permettre aux armées de dialoguer avec la jeunesse, et présenter les fonctions du conscrit, une fois choisi, le cas échéant, de façon valorisante, avec l’objectif de créer, rapidement, la même dynamique volontaire que celle observée en Scandinavie.
Enfin, le budget prévu pour le SNU par la Cour des Comptes, de 3 à 5 Md€, s’avère largement suffisant pour le convertir en conscription choisie portant sur plusieurs dizaines de milliers de conscrits chaque année, y compris en tenant compte des infrastructures à construire pour cela, avec une progressivité des dépenses correspondant aux contraintes budgétaires françaises actuelles.
Les 3 atouts de la conscription choisie
Évidemment, un tel basculement ne se ferait pas sans résistance. De la part du ministère de l’Éducation nationale, d’abord, assez peu connu pour sa coopération apaisée avec les armées. Mais aussi de la part des militaires, eux-mêmes, qui, en dépit de leurs difficultés à recruter, expriment souvent leurs fortes réticences à devoir restructurer leurs forces pour former et encadrer des conscrits ne restant qu’une année sous les drapeaux. Ce fut aussi le cas concernant les réservistes pendant longtemps et jusqu’il y a peu, cela dit.
Pourtant, la conscription choisie offre des atouts significatifs, susceptibles de séduire jusqu’aux plus rétifs, une fois correctement définie et bordée.
Progressivité et adaptabilité de la montée en puissance des effectifs
L’atout premier de la conscription choisie, est qu’elle permet une montée en puissance progressive et maitrisée des effectifs, sans remettre en question son propre modèle. Chaque année, en effet, les armées expriment leurs objectifs de conscription en termes de profils quantifiés, en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs moyens, qu’il s’agisse de personnels d’encadrement et de service (administratif, santé…), d’infrastructures, ainsi que de moyens militaires.
La conscription choisie vise, en effet, à former des militaires efficaces, susceptibles d’être employés de manière opérationnelle le cas échéant. Les armées doivent donc, comme c’était le cas avec le service militaire historique, être en mesure de former et d’entrainer leurs recrues, ce qui suppose de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à cette mission, y compris les armements et équipements militaires.
Dans un contexte budgétaire contraint, l’acquisition et le déploiement de ces moyens, ne pourra être que progressif, ce qui exige que le nombre de conscrits le soit également, pour en optimiser l’efficacité.
Des volontaires au profil requis pour répondre aux besoins des armées
Le second atout de la conscription choisie, repose précisément sur sa spécificité, la sélection des profils. Cette fonctionnalité permet, aux armées, de retenir les profils qui répondent le mieux à leurs besoins, et qui seront les plus efficaces dans leurs fonctions, notamment en termes d’adaptation aux exigences militaires.
Dans ce domaine, le volontariat jouera un rôle déterminant, sans être absolu. Il convient, ainsi, de garder à l’esprit que le taux d’abandon, lors des premiers jours, ou des premières semaines, des contrats d’engagement dans les armées, sont souvent, si pas élevés, tout au moins significatifs.
Cette approche permet surtout d’écarter les profils qui poseront des problèmes d’adaptation, de disciplines ou de comportement, et viendront détériorer l’efficacité du dispositif lui-même, comme c’était fréquemment le cas dans les unités constituées de conscrits, dans les années 80 à 90, avant que le Service Militaire soit suspendu.
Renforcer la porosité entre la jeunesse et les armées pour améliorer le recrutement de l’active et de la Garde Nationale
Enfin, cette sélection contribuera, comme en Scandinavie, à créer un sentiment positif vis-à-vis des armées, qui contribuera lui-même à accroitre leur attractivité auprès des jeunes, en amont de la conscription, tout comme en aval, pour rejoindre l’active ou la Garde nationale.
Cette dimension tendra également à améliorer l’image des armées dans la société civile, tout en étendant sensiblement, une fois que le dispositif aura atteint son régime de croisière, la porosité entre ces deux entités qui forment la Nation.
Ce d’autant que, efficacement articulée, la sélection des conscrits pourra participer efficacement à l’objectif de mixité sociale, cher au SNU, tout en conservant une certaine dimension « d’élite », articulée non sur l’origine sociale ni même, exclusivement, sur les résultats scolaires, mais sur l’acte de volontariat, l’implication dans la vie de la société, et dans le respect des institutions.
Conclusion
On le voit, si le SNU, sans grande surprise, s’avère un dispositif décevant, peu efficace et consommateur de deniers publics, il peut, en revanche, être transformé avantageusement pour former le socle d’une conscription choisie qui, elle, répondrait à des besoins bien identifiés, au profit de la résilience des armées, et avec elles, de la Nation, dans un contexte sécuritaire international qui ne cesse de se détériorer.
Outre le renforcement immédiat des effectifs des armées, la conscription choisie permettrait, très probablement, d’améliorer le recrutement pour les postes d’active, comme c’était le cas du Service militaire précédent, ainsi que de la Garde Nationale, et ainsi accroitre la sécurité du pays.
Enfin, la conscription choisie peut participer à recréer un lien plus étroit entre les armées et la jeunesse, et après elle, avec une partie significative de la société civile, qui l’aura pratiqué de l’intérieur, pour mieux en comprendre le fonctionnement et les besoins, de sorte à redonner aux questions de Défense, la place qui devrait être la leur, dans le débat public et politique.
Pour autant, la conscription choisie, en ayant perdu son caractère universel faussement égalitaire, aura certainement du mal à convaincre, en France, une classe politique et une opinion publique arcboutée, parfois, sur certains grands principes déconnectés de la réalité, mais dont l’audience publique fait encore recette.
Article du 13 septembre en version intégrale jusqu’au 16 octobre 2024
Epargné par les coupes, même si des inconnues demeurent, le ministère des Armées va voir son budget augmenter de 3,3 milliards d’euros en 2025, conformément à la loi de programmation militaire. Futur porte-avions, drone de combat UCAV, Rafale… Gros plan sur les équipements livrés et commandés.
Vue d’artiste du porte-avions de nouvelle génération (PANG). Le lancement officiel de ce programme de plus de 10 milliards d’euros est prévu en 2025 – Naval Group / Chantiers de l’Atlantique / TechnicAtome
L’essentiel est sauf. C’est le sentiment largement partagé dans les armées à l’annonce des arbitrages du projet de loi de finances (PLF) 2025. Comme prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM), le budget de défense, si le PLF est adopté, va augmenter de 3,3 milliards d’euros l’année prochaine, à 50,5 milliards d’euros. Un effort conséquent, d’autant plus marquant qu’il tranche avec le régime sec imposé à d’autres ministères. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu assume sans ciller. « Pourquoi la défense ne fait-elle pas l’objet de coups de rabot ? Les efforts ont déjà eu lieu, assurait le ministre le 14 octobre devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale.Je rappelle les chiffres : 54.000 postes supprimés [de 2008 à 2013, NDLR], un régiment sur deux de l’armée de terre et 11 bases aériennes fermées. »
Comment vont se répartir ces milliards de la défense ? Les deux tiers de l’effort (31,3 milliards) portent sur les équipements. La masse salariale représente 27 % du budget (13,6 milliards). Le reste se répartit entre les coûts de fonctionnement (4,8 milliards) et la provision destinée à financer les opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (Missint). Cette dernière passe de 800 millions d’euros en 2024 à 750 millions en 2025.
Près de 6 milliards pour la dissuasion
Comme chaque année, la dissuasion reste un des postes majeurs de dépenses. L’investissement dans le nucléaire atteindra 5,8 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 500 millions d’euros. L’année 2025 verra notamment le lancement du programme de la nouvelle version du missile nucléaire stratégique M51 embarqué sur les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), dite M51.4, prévue pour le milieu des années 2030.
L’investissement dans la future génération de sous-marins lanceurs d’engin, dite SNLE 3G, monte également en puissance. La première tôle du premier exemplaire a été découpée en mars dernier sur le site Naval Group de Cherbourg. Le ministère des Armées a prévu d’investir 752 millions d’euros en 2025 sur ce programme, vers lequel sont fléchés 12.9 milliards d’euros en tout. Le premier SNLE 3G, qui pourrait atteindre 150m de long et un poids de 15.000 tonnes (trois fois le poids des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Suffren), doit entrer en service en 2035. La livraison du dernier des quatre engins est prévue en 2050.
821 millions d’euros fléchés vers le drone de combat
2025 sera également l’année du lancement officiel du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG), un géant de 75.000 tonnes qui doit succéder au Charles de Gaulle (42.000 tonnes) à l’horizon 2038. Selon les annexes du PLF 2025, 10,9 milliards d’euros doivent être investis dans ce projet, dont 224 millions sur l’année 2025.
L’année 2025 va aussi la montée en puissance de l’investissement dans le Rafale F5, la future version connectée du chasseur français, et du drone de combat qui l’accompagnera à l’horizon 2030. Ce drone va faire l’objet, selon les annexes du projet de loi de finances, d’un investissement de 821 millions d’euros, qui s’étalera sur les prochaines années avec une montée en puissance progressive (55 millions en 2025, 190 en 2026).
500 millions pour le système sol-air SAMP/T NG
Les autres grands agrégats du budget de défense reflètent les priorités du ministère : 1,9 milliard d’euros dédié aux munitions, un chiffre en hausse de 400 millions ; 700 millions d’euros pour le spatial, avec notamment la mise en orbite, prévue en décembre, du satellite espion CSO-3 ; 450 millions d’euros pour les drones et robots ; 400 millions d’euros pour les forces spéciales ; 500 millions d’euros pour la défense sol-air (système SAMP/T NG), 500 millions pour le renseignement, 300 millions pour l’IA, 300 millions pour le cyber, et 265 millions pour la fidélisation des militaires et civils du ministère, un des chantiers majeurs de l’hôtel de Brienne.
Ces investissements importants se retrouvent dans les livraisons d’équipements attendues en 2025. Parmi les principales, le ministère attend la livraison de la frégate FDI Amiral Ronarc’h, 2 Atlantique 2 rénovés, de 14 Rafale et 12 Mirage 2000D rénovés, d’un ravitailleur A330 MRTT et un avion de transport A400M, de 6 hélicoptères Tigre HAD, mais aussi de 308 véhicules Scorpion (Serval, Griffon, Jaguar), 28 véhicules légers et 30 poids lourds dédiés aux forces spéciales, de 8.000 fusils d’assaut HK416, ainsi que de lots de torpilles lourdes F21, des missiles Exocet, Scalp et Akeron MP.
Côté commandes, outre le contrat pour le porte-avions de nouvelle génération, le PLF prévoit la commande d’une frégate FDI, de missiles Mistral, Scalp, Mica, Meteor, Akeron MP mais aussi de camions-citernes et de bâtiments hydrographiques de nouvelle génération.
700 créations de postes
L’entraînement et la maintenance bénéficient également largement de la hausse des crédits. 7,8 milliards d’euros seront consacrés à la préparation et l’emploi des forces (+ 364 millions), et 5,9 milliards d’euros au maintien en condition opérationnels des matériels.
Les RH montent également en puissance : le ministère prévoit de créer 700 postes sur l’année 2025, dont 194 dans l’IA et le numérique, 119 dans les fonctions de soutien, 170 pour la DGSE, et une soixantaine pour la dissuasion (Direction des applications militaires du CEA). Les effectifs devraient atteindre 271.100 agents, dont trois quarts de militaires et un quart de civils.
OPEX et gels de Bercy, les deux inconnues
Dans ce panorama plutôt réjouissant pour les armées subsistent quand même quelques incertitudes majeures. La première, c’est le sort des quelque 2,6 milliards d’euros de crédits gelés par Bercy sur l’exercice 2024. Sébastien Lecornu a souligné, devant le Sénat et l’Assemblée nationale, que les crédits mis en réserve avaient toujours été dégelés les années précédentes. Si ce n’était pas le cas cette année, l’hôtel de Brienne entamerait 2025 avec une sorte de déficit de 2,6 milliards d’euros, qui obérerait d’autant la hausse prévue du budget.
L’autre incertitude réside dans le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et intérieures de l’année 2024. La provision de 800 millions d’euros destinée à financer ces opérations sera, à l’évidence, insuffisante pour couvrir tous les coûts assumés par l’armée. Les déploiements en Roumanie (mission Aigle) et en Estonie (Lynx) coûtent cher : le coût de la mission Aigle avait été estimé à 700 millions d’euros en 2022 par le sénateur Dominique de Legge, rapporteur spécial des crédits de défense.
L’effort financier des armées pour la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris était quant à lui estimé entre 300 et 400 millions d’euros par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense le 15 octobre.
300 millions d’avoirs russes récupérés
Selon la LPM, le surcoût OPEX, s’il dépasse la provision annuelle inscrite en loi de finances, est pris en charge par un effort interministériel, à due proportion des budgets respectifs des ministères. Si cet engagement n’était pas tenu, ce sont plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses imprévues que devrait honorer le ministère.
Ce dernier bénéficie certes de la baisse de l’inflation, qui lui permettra d’économiser 400 à 600 millions d’euros sur l’année 2024, selon Sébastien Lecornu. Mais cette somme a été fléchée, de même que les 300 millions d’euros issus des intérêts des avoirs russes gelés, vers l’aide à l’Ukraine. En cas de mauvaise surprise, l’hôtel de Brienne devra trouver les fonds ailleurs.