Depuis qu’il est apparu sur le champ de bataille [en septembre 1916], voire même avant, le char a régulièrement fait l’objet de débats sur sa pertinence. Surtout depuis la fin de la Guerre Froide, marquée par une réduction des budgets militaires, certains voyant dans leur retrait une source d’économies tout en expliquant qu’il fallait s’adapter en permanence aux « nouvelles menaces », oubliant celles du présent.
En tout cas, les développements récents ont montré que le char de combat reste incontournable [d’ailleurs, les Ukrainiens n’ont cessé d’en réclamer à leurs partenaires occidentaux…]. « Il reste l’un des outils indispensables au combat des trente années à venir » car « utilisé correctement », il « offre des capacités de connectivité et surtout de subsidiarité aux différents niveaux tactiques », a d’ailleurs récemment fait valoir le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], lors d’une audition parlementaire.
Justement, s’agissant des capacités françaises en la matière, il est prévu de remplacer le char Leclerc – dont 200 exemplaires seront portés au standard XLR dans les années à venir – dans le cadre du programme franco-allemand MGCS [Main Ground Combat System / Système principal de combat terrestre], qui se veut un « système de systèmes », à l’horizon 2040 au plus tard.
Or, ce MGCS est actuellement embourbé en raison de désaccords entre les industriels allemands concernés, à savoir Krauss-Maffei Wegmann [associé au français Nexter au sein de la co-entreprise KNDS] et Rheinmetall.
« Je vais devoir avoir une discussion prochainement avec l’Allemagne sur le projet de système de combat terrestre du futur. D’autant plus que nous aurons besoin temporellement de la capacité qui succédera au char Leclerc bien avant le successeur du Rafale, entre 2035 et 2040 », a récemment confié Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, au quotidien Les Échos. Et d’ajouter : « Il y a des enjeux de convergence technologique : je souhaite que le besoin militaire soit la base du cahier des charges industrielles, et non l’inverse. KNDS, entreprise franco-allemande, doit jouer un rôle central dans l’avenir du char de combat ».
Ces tergiversations autour du MGCS ne font pas les affaires de l’armée de Terre… dont le chef d’état-major a évoqué, en novembre dernier, l’éventualité de maintenir les Leclerc jusqu’en 2050, à la condition de revoir « la portée de leur mise à niveau ».
Seulement, et comme l’avait souligné l’ex-député Sereine Mauborgne dans un avis budgétaire remis en octobre 2021, le traitement des obsolescences du char va coûter [très] cher en raison de composants qui ne sont plus produits.
« Aujourd’hui, la résolution de toutes ces ‘obsolescences’ va coûter plusieurs centaines de millions d’euros, en plus des sommes déjà requises pour moderniser une partie du parc au standard XLR, compatible avec le programme Scorpion, en attendant l’aboutissement du programme MGCS », avait avancé Mme Mauborgne. Et de préciser que « lorsqu’une nouvelle obsolescence est répérée », il faut « environ trente-six mois pour y remédier ».
D’où des inquiétudes dont le député Philippe Gosselin [LR] vient de se faire l’écho dans une question écrite adressée au ministère des Armées. Et plus encore, il a suggéré le remplacement du Leclerc par le char E-MBT [Enhanced Main Battle Tank], développé par KNDS.
La nouvelle version de cet E-MBT, présentée lors du dernier salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, est dotée d’une tourelle pouvant accueillir le nouveau canon ASCALON de 140 mm que Nexter est en train de mettre au point, d’une protection active, d’une vétronique basée sur celle de l’EBRC Jaguar [issu du programme Scorpion, ndlr]. En outre, elle pourrait aussi être en mesure de mettre en œuvre des drones terrestres.
« De plus en plus de voix, experts, parlementaires mais aussi au sein du ministère des armées, s’inquiètent […] de l’impossibilité de conserver l’actuel char Leclerc jusqu’aux années 2040. […] Trop de difficultés seraient en effet persistantes. Devant l’impossibilité de relancer une ligne d’assemblage de Leclerc, la production de l’E-MBT permettrait de maintenir les capacités opérationnelles des régiments de cavalerie française tout en intégrant différentes technologies futures », a ainsi avancé M. Gosselin dans sa question écrite.
Évoquant le canon ASCALON mais aussi le recours de « technologies connues et éprouvées », le coût d’un programme basé sur l’E-MBT resterait « maîtrisé », a également souligné le parlementaire, avant d’avancer un autre argument : celui de la nécessité de repondre à la concurrence sud-coréenne [avec le K-2 Black Panther] et américaine [avec le M1A2 Abrams]. En outre, un tel projet permettrait de répondre à Rheinmetall, qui développe le char KF-51 « Panther » en vue de « torpiller » le MGCS [même si son Pdg s’en défend].
Aussi, M. Gosselin a demandé à M. Lecornu s’il « envisage » une solution basée sur l’E-MBT… Et si tel est le cas, d’en préciser « l’échéance » et les « modalités ». Reste à voir si le ministère des Armées sera réceptif aux arguments en faveur du char imaginé par KNDS… La présentation de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 pourrait apporter des éléments de réponse.
J’y écrivais que « Washington a annoncé la livraison de 31 chars Abrams à l’Ukraine pour l’aider à combattre l’invasion russe. Le président Biden a confirmé cette aide mais en précisant que les Etats-Unis achèteront pour l’Ukraine 31 chars Abrams M1. Ils seront achetés dans le cadre de l’Ukraine Security Assistance Initiative (USAI) et pas dans le cadre de la Presidential drawdown authority qui permet de livrer des matériels en parc, voire en ligne. »
Sur MSNBC, ce mardi, John Kirby, le porte-parole du National Security Council, a précisé que cette livraison allait intervenir plus tôt parce que les Etats-Unis ont décidé de fournir des chars d’occasion (d’un modèle plus ancien, le M1-A1, au lieu du M1-A2).
L’intérêt est que la livraison sera plus rapide et qu’elle interviendra à l’automne 2023.
31 Abrams permettront d’équiper un bataillon ukrainien de chars de combat.
Les premiers Leclerc revalorisés sont attendus pour cet été, apprenait-on il y a peu. Restera à concrétiser l’autre pan du programme de rénovation à mi-vie du char français : un effort de pérennisation dont la contractualisation devrait être actée cette année.
Livré en décembre 2022, le premier char XLR sert depuis lors à la poursuite des évaluations technico-opérationnelles et qualifications menées respectivement par la STAT et la DGA. Le volet mobilité s’est achevé autour d’un constat : la prise de masse résultante de l’ajout de blindages n’entraîne aucune régression sur les capacités essentielles du char. Certes, le Leclerc XLR accélère un peu moins vite, mais le niveau de performance reste supérieur au « besoin historique ».
Les travaux se concentrent aujourd’hui sur la capacité d’agression. Une partie des algorithmes a été réécrite pour accompagner l’évolution vers une électronique moderne, le tout entraînant la nécessité de valider à nouveau la conduite de tir. « Au vu des essais réalisés, nous estimons cela très satisfaisant », nous explique-t-on. À terme, cette conduite permettra d’exploiter tout le potentiel de la munition multimode M3M de Nexter Arrowtech, une fois celle-ci développée et acquise par l’armée de Terre. Cette volet se clôturera fin avril par une campagne de tirs majeure à Canjuers (Var).
Les prochaines évaluations porteront sur le comportement en ambiances NRBC et électromagnétique, ainsi que sur la conduite d’attaques cyber afin de vérifier la résistance à une prise de contrôle à distance. Pour l’ensemble des acteurs concernés, il s’agira d’être au rendez-vous de la livraison des quatre exemplaires de pré-série, programmée pour la fin du printemps.
Pourquoi une pré-série ? Parce qu’il faut pouvoir livrer rapidement tout en achevant certaines intégrations. Ainsi, ces quatre chars seront perçus sans le tourelleau téléopéré T2B conçu par le groupe belge FN Herstal à partir de sa solution deFNder medium. Ils seront remis à niveau par la suite. Un décalage sans réel impact pour l’armée de Terre, qui disposera de toute façon de 100 kits de tourelleaux pour l’ensemble du parc et s’attend donc à travailler sur des chars qui, parfois, n’en seront pas équipés. Idem pour le kit anti-IED BARAGE, lui aussi commandé à raison de 100 unités. Deux briques pour lesquelles des tranches optionnelles peuvent être activées si l’opportunité d’équiper tout le parc se présente.
Les exemplaires de série suivront à compter de la fin de l’été pour porter le parc perçu à 18 Leclerc XLR en fin d’année. Le régime ira ensuite croissant pour atteindre le volume d’une trentaine de chars produits par an pour parvenir à un parc de 200 XLR à l’horizon 2029, conformément à la loi de programmation militaire en cours. La vingtaine de chars non revalorisés, mais conservés pour éviter une perte de capacité au cours du programme, devrait être stockée.
Qui en seront les premiers bénéficiaires ? Non pas les quatre régiments de chars de l’armée de Terre, mais l’école de cavalerie de Saumur et les écoles militaires de Bourges pour la formation des futurs cavaliers et des maintenanciers. Suivront les perceptions en unité selon une priorisation qui n’est pas encore arrêtée, celle-ci dépendant essentiellement du rythme opérationnel.
Si la modernisation progresse, la pérennisation du Leclerc doit encore être notifiée. En ligne avec le marché MSS 2 notifié en 2021 et pour 10 ans, le second pilier du programme RMV Leclerc comprend trois axes d’effort : le traitement des obsolescences du groupe motopropulseur, la réindustrialisation du soutien de la turbomachine et le traitement des obsolescences des viseurs. Il s’agira notamment de réinvestir dans une chaîne de MCO au profit de la turbomachine, élément pour lequel les stocks de pièces disponibles arrivent à leur terme.
Quatorze engins blindés AMX-10RC sont en partance pour l’Ukraine, conformément au souhait du ministre des Armées de fournir une première capacité à l’armée ukrainienne « dans les deux mois« , apprend-on de source militaire.
Ces 14 AMX-10RC, les premiers parmi plusieurs dizaines d’exemplaires annoncés début janvier, ce sont autant d’équipages et de cadres formés aux cours des dernières semaines à l’École de cavalerie de Saumur, berceau de l’arme blindée cavalerie française.
Détail intéressant mais qui risque de relancer un débat inutile : le contingent ukrainien envoyé dans le Maine-et-Loire n’était pas uniquement composé de spécialistes de la reconnaissance sous blindage, malgré un cursus français centré sur ce type de mission. De quoi alimenter l’hypothèse d’autres usages potentiellement plus « frontaux » du vénérable engin par les forces ukrainiennes.
Ce renforcement intervient sur fond de nouvelle ministérielle OTAN. Une réunion centrée sur le conflit russo-ukrainien au cours de laquelle le ministre des Armées Sébastien Lecornu a réaffirmé le soutien « total« , « complet« , « opérationnel » et « spécialisé » de Paris envers Kiev, appui notamment focalisé sur « la défense sol-air, l’artillerie et les chars ».
Le président Zelensky a de quoi enrager ! Ses alliés occidentaux ont rétropédalé sur leurs promesses de lui livrer des chars de bataille. Les Abrams américains ne sont même pas encore construits. Quant aux Leopard si médiatisés, hormis un bien solitaire char Leopard 2 livré en Pologne par le Canada, ils sont encore aux abonnés absents.
Pire ! Les Ukrainiens risquent de se voir équiper en Leopard 1. Comme si un automobiliste français achetant une R5 en 1985 se voyait livrer une 4 CV des années 1950 !
En effet, l’Allemagne a donné son feu vert à la ré-exportation de 178 Leopard 1. Un char rustique conçu en pleine Guerre froide pour faire face aux antiques T-62 soviétiques que Moscou a d’ailleurs déstockés l’an dernier pour les envoyer au feu en Ukraine.
Berlin, Copenhague et La Haye pourraient livrer une centaine de Leopard 1 « dans les prochains mois ». Ces chars proviendront de stocks privés. En Allemagne, l’entreprise Rheinmetall dispose de 88 chars Leopard 1 et la société Flensburger Fahrzeugbau Gesellschaft détient un stock de 90 chars de ce type.
La Belgique pourrait se joindre à cette initiative en rachetant les chars qu’elle a déclassés en 2014 ; la société OIP Land Systems en a 50 en stock dont 17 à cannibaliser (photo ci-dessus).
Le nombre et le rythme des livraisons à l’Ukraine dépendent de leur remise en état, voire d’une modernisation rapide.
Malgré tout, Zelensky a peut-être eu de quoi se réjouir, mercredi soir, lors de sa visite au Royaume-Uni (photo Reuters).
Au camp de Lulworth (sud-ouest de Londres), il a assisté à la formation des tankistes ukrainiens qui combattront sur les 14 Challenger que Londres va livrer. Des Challenger 2 conçus il n’y a que 30 ans.
Après de longues tergiversations, Washington a annoncé la livraison de 31 chars Abrams à l’Ukraine pour l’aider à combattre l’invasion russe.
Le président Biden a confirmé cette aide mais en précisant que les Etats-Unis achèteront pour l’Ukraine 31 chars Abrams M1. Ils seront achetés dans le cadre de l’Ukraine Security Assistance Initiative (USAI) et pas dans le cadre de la Presidential drawdown authority qui permet de livrer des matériels en parc, voire en ligne.
Ces 31 chars ne seront pas prélevés sur les stocks de l’US Army; ils ne seront donc disponibles que plus tard. On se souviendra que les Abrams achetés par le Pologne en 2022 seront livrés à partir de 2025.
Phebe Novakovic, la patronne de l’équipementier General Dynamic a confirmé avoir la capacité industrielle et humaine pour fabriquer ces chars. Sur le dernier semestre de 2022, les ventes d’équipements militaires par General Dynamics ont augmenté de 15,5% à 2,18 milliards de dollars.
Pour la Maison-Blanche, la décision de Jo Biden constitue un geste d’accompagnement des Américains en faveur des Européens pour qu’ils débloquent eux immédiatement leurs chars Léopard.
La chancellerie a annoncé la mise à disposition immédiate de 14 chars Leopard 2 A6, issus des stocks de la Bundeswehr. Les pays partenaires vont recevoir l’autorisation de faire de même.
La fin d’un long feuilleton. L’Allemagne a finalement donné son feu vert pour la livraison de chars Leopard à l’Ukraine, a déclaré la chancellerie, ce mercredi 25 janvier. Le gouvernement fédéral a décidé de mettre à disposition des forces armées ukrainiennes ces chars de combat, résultat d’intenses consultations qui ont eu lieu avec les partenaires européens et internationaux les plus proches de l’Allemagne.
«Cette décision suit notre ligne de conduite bien connue, qui consiste à soutenir l’Ukraine de toutes nos forces. Nous agissons de manière étroitement concertée et coordonnée au niveau international», a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz à Berlin. «C’est le résultat d’intenses consultations qui ont eu lieu avec les partenaires européens et internationaux les plus proches de l’Allemagne», a précisé le porte-parole du gouvernement, Steffen Hebestreit.
14 chars issus des stocks de la Bundeswehr
«L’objectif est de constituer rapidement deux bataillons de chars Leopard 2 pour l’Ukraine», a indiqué la chancellerie. Pour ce faire, l’Allemagne mettra dans un premier temps à disposition de l’Ukraine une compagnie de 14 chars Leopard 2 A6, issus des stocks de la Bundeswehr. Ce char est un modèle plus récent et perfectionné que les 2A4, qu’entendent livrer notamment la Pologne et la Finlande.
L’Allemagne donnera d’ailleurs aux pays partenaires qui souhaitent livrer rapidement des chars Leopard-2 de leur stock à l’Ukraine les autorisations nécessaires pour le transfert. Les pays ayant acheté pour leurs forces armées des chars Leopard 2 à l’Allemagne doivent obtenir l’autorisation de Berlin pour les réexporter. Plusieurs pays, dont la Pologne, la Finlande et les Pays-Bas, ont exprimé leur volonté de livrer ces chars lourds, réclamés à cor et à cri par Kiev.
La formation des équipages ukrainiens doit commencer rapidement en Allemagne, selon la chancellerie. Outre la formation, l’Allemagne garantira également la logistique, la fourniture des munitions et la maintenance des systèmes.
Remerciements de la Pologne
Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a remercié mercredi l’Allemagne pour sa décision. «Merci, chancelier Olaf Scholz. La décision d’envoyer des Leopard en Ukraine est un grand pas vers l’objectif d’arrêter la Russie. On est plus forts ensemble», a twitté Mateusz Morawiecki, après le feu vert donné par Berlin à la livraison de ces chards lourds.
Ce 19 janvier, s’exprimant en visioconférence en marge du Forum de Davos, le président ukrainien Volodymyr Zelenski, a une nouvelle exhorté ses partenaires occidentaux à livrer davantage d’armes à ses troupes… non seulement pour mettre en échec l’offensive russe contre son pays… mais aussi pour récupérer la Crimée, annexée en 2014 par Moscou.
« La Crimée est notre terre, notre territoire, notre mer et nos montagnes. Donnez-nous vos armes et nous récupérerons nos terres », a lancé M. Zelenski. Et cela alors que, la veille, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait assuré que les Alliés fourniraient à l’Ukraine des armes « plus lourdes et plus modernes » pour l’aider à se défendre contre la Russie.
Après avoir obtenu des systèmes d’artillerie avancés, comme le M142 HIMARS américain, le PzH2000 allemand ou encore le CAESAr français, ainsi que des batteries de défense aérienne Patriot [et peut-être Mamba], l’Ukraine insiste désormais pour disposer de chars de conception occidentale. Et la France lui a promis de lui livrer, d’ici deux mois, des AMX-10RC… tandis que le Royaume-Uni lui enverra 14 Challenger 2, avec une trentaine d’obusiers automoteurs AS-90 et d’autres véhicules blindés.
Seulement, et au-delà des problèmes logistiques [l’AMX-10 RC et le Challenger 2 n’utilisent pas de munitions aux normes de l’Otan] et de maintien en condition opérationnelle [MCO], cela reste insuffisant… Reste que la Pologne est prête à livrer 14 Leopard 2 [de fabrication allemande] à l’Ukraine. De même que la Finlande, voire le Danemark. Sauf que, pour cela, une autorisation de Berlin est nécessaire. Or, le chancelier Olaf Scholz, n’est pas enclin à la donner… Comme du, reste, 43% des Allemands, à en croire un sondage de la Deutsche Presse-Agentur [cela étant, 37% sont favorables à la livriaosn de Leopard 2 et 16% sont indécis].
D’après le Wall Street Journal, qui cite des responsables allemands, M. Scholz pourrait autoriser l’envoi de Leopard 2 en Ukraine qu’à la condition que les États-Unis livrent également des chars M1 Abrams. Or, pour Washington, il en est hors de question.
« Je ne pense pas que nous en soyons là », a déclaré Colin Kahl, le numéro trois du Pentagone, alors qu’il était interrogé sur ce sujet. « Le char Abrams est un équipement très compliqué. Il est cher, il requiert une formation difficile […]. Je crois qu’il consomme 11 litres de kérosène au km », a-t-il expliqué. « Ce n’est pas le système le plus facile à entretenir », a-t-il ajouté, sans pour autant exclure une évolution de la position américaine.
En attendant, et après les cinquante véhicules de combat d’infanterie [VCI] Bradley promis à Kiev le 5 janvier [en plus des quarante Marder allemands dont la livraison a été annoncée le même jour, ndlr], les États-Unis devraient débloquer une nouvelle tranche d’aide, d’un montant de 2,5 milliards de dollars. Et dans la liste des équipements susceptibles d’être fournis à l’armée ukranienne figureraient une centaine de blindés de transport d troupes Stryker.
Si obtenir des Leopard 2 et des M1 Abrams est difficile pour Kiev, qu’en est-il des chars Leclerc? L’idée d’en livrer à l’armée ukrainienne a été avancée dans une tribune publiée en septembre dernier dans les pages du quotidien Le Monde par Pierre Haroche, un expert en sécurité internationale passé par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire avant d’atterrir à l’Université Queen Mary de Londres.
Depuis, l’ambassadeur de France en Ukraine, Étienne de Poncins, a confirmé l’intérêt de Kiev pour le char Leclerc lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 9 novembre. Puis, un peu plus d’un mois après, alors qu’il était en visite officielle à Paris, le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal, a affirmé que les Ukrainiens seraient « très reconnaissants » si la France leur en livrait…
En tout cas, l’exécutif français examine la question. C’est en effet ce qu’a affirmé Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors de la dernière séance des questions au gouvernement au Sénat, le 18 janvier, dans une réponse au sénateur François Bonneau [Union centriste].
« La France conforte son aide militaire en livrant des chars de combat légers AMX-10 RC. Nous saluons ce geste, mais il est impossible de différer davantage la livraison de matériels blindés plus performants – chars lourds, missiles, lanceurs sol-air – , pour mieux protéger les civils. […] Allez-vous compléter ces livraisons par des chars Leclerc et des systèmes anti-missiles? », avait demandé le parlementaire.
Selon les explications données par M. Lecornu, tout cession éventuelle d’armes à l’Ukraine est évaluée selon trois critères. « Premièrement, qu’elle réponde à une logique défensive, pour maîtriser l’escalade. Deuxièmement, qu’elle ne détériore pas notre modèle de sécurité et de défense […]. Troisièmement, le maintien en condition opérationnelle de ce qui a déjà été livré à l’Ukraine », a-t-il dit, avant de faire observer que la maintenance des Leclerc « est une question très sensible ».
Cela étant, a poursuivi M. Lecornu, « le Président de la République a demandé au Gouvernement de fournir une réponse rapide, d’où la livraison des chars AMX-10, saluée par l’Ukraine », et « il a également souhaité l’instruction de la cession de chars Leclerc à l’aune de ces trois critères ».
Pour rappel, l’armée de Terre ne comptera que 200 chars Leclerc portés au standard XLR à l’horizon 2030, sur les 406 lui ont été livrés à partir des années des 1990. Et ceux qui ont été mis sous cocon ont été « cannibalisés » pour faire fonctionner ceux en première ligne. Qui plus est, les équipages sont loin du compte, s’agissant des heures d’entraînement, avec seulement 54 heures par an alors que l’objectif fixé par la LPM 2019-25 est de 115 heures…
Parmi les nombreux enseignements hérités du conflit en Ukraine, le rôle central du char de combat dans la manœuvre terrestre, qu’elle soit offensive ou défensive, est probablement celle qui prit le plus à contre-pieds de nombreuses certitudes héritées de la fin de la guerre froide, ainsi que des 2 guerres irakiennes. Pour de nombreuses forces armées, jusqu’il y a peu, le char de combat était un héritage en passe d’obsolescence, face à la multiplication et la densifications des menaces avec l’arrivée de systèmes antichars de plus en plus performants, y compris aux mains de l’infanterie. En Ukraine, cependant, comme ce fut le cas dans le Haut Karabakh deux ans plus tôt, il devint rapidement évident qu’en dépit de ces menaces, et du rôle central repris par l’artillerie, le char de combat, et plus globalement les véhicules blindés lourds, avaient conservé cette capacité unique à percer les lignes ennemis, ainsi qu’à repousser les assauts adverses. De fait, et même si le phénomène avait redémarré depuis plusieurs années, toutes les grandes armées mondiales, et européennes en particulier, ont à nouveau remis le char lourd au coeur de leur planification. Ainsi, alors que le marché du char de combat connut une période de calme plat pendant prés de 20 années, celui-ci a connu une croissance fulgurante ces 3 dernières années, y compris pour des armées qui, il y a encore peu, envisageaient très sérieusement de retirer ce type de blindés de leur inventaire.
La France ne fait exception, même si l’Armée de Terre a tout fait pour maintenir une telle capacité, y compris lors des années 2010-2015, les plus critiques en terme budgétaire comme politique. Ainsi, l’Armée de Terre a maintenu 3 régiments cuirassiers armés chacun d’une cinquantaine de chars lourds Leclerc alors que deux régiments blindés disposent d’une compagnie de Leclerc aux cotés de leurs véhicules de combat d’Infanterie, pour un total de 220 Leclerc en service à ce jour. En outre, 200 de ces chars, qui furent livrés au cours des années 90, sont en cours de modernisation, notamment pour intégrer la bulle de combat infocentrée SCORPION aux cotés des Griffon et Serval remplaçant les vénérables VAB, et des Jaguar qui remplacent les AMX10RC et EBC90. Surtout, Paris et Berlin ont lancé, en 2017, un programme conjoint visant à developper à horizon 2035 le remplaçant du Leclerc mais également du Leopard 2. Désigné Main Ground Combat System ou MGCS, ce programme recontre, à l’instar de son pendant SCAF pour le remplacement des avions de combat Rafale et Typhoon, de nombreuses difficultés industrielles et politiques, au point que sa pérenité est aujourd’hui plus que menacée, tout comme le sont les délais visés.
Si la trajectoire suivie par Paris et Berlin etait raisonnable et cohérente en 2017 lorsqu’elle fut entamée, le contexte et la menace ont considérablement évolué depuis, au point qu’il pourrait être pertinent d’envisager une acceleration du programme MGCS pour y répondre. Toutefois, eu égard aux difficultés rencontrées par les deux pays dans leur collaboration, une telle solution semble difficile à mettre en oeuvre, ouvrant la voix à une seconde alternative, la conception et la construction, sur des délais réduits, d’un successeur direct au char Leclerc, que nous appellerons dans cet article « Leclerc 2 » pour en marquer la filiation directe. Et comme nous le verrons, la France aurait, de manière très factuelle, tout intérêt à s’engager dans une telle démarche, tant pour répondre aux besoins à court et moyen terme de l’Armée de terre, que pour disposer d’une plate-forme chenillée polyvalente capable d’accueillir ses besoins émergents en terme de haute intensité, ainsi que pour se saisir de réelles opportunités industrielles en Europe et dans le Monde.
Que pourrait-être le char Leclerc 2 ?
A l’instar du Challenger 3 entamé outre-manche, un programme Leclerc 2 aurait pour objet d’intégrer à la plate-forme Leclerc existante, de nouvelles capacités résultantes des avancées technologiques développées ces dernières années. Il s’agirait, par exemple, de doter le blindé de capacités de communication et d’engagement coopératif avancées, ainsi que d’une vetronique de nouvelle génération, à l’instar de celle qui équipe d’autres programmes de même type, comme le KF-51 Panther allemand. La létalité du char devrait, elle aussi, être étendue, qu’il s’agisse d’embarquer un canon de calibre plus imposant comme l’ASCALON de Nexter de 140mm, ou de doter le char de capacités de frappe supplémentaires en le dotant de missiles antichars à moyenne portée comme l’Akheron MP. La survivabilité du char serait également accrue, avec l’intégration native d’un système de protection soft-kill / hard-kill basé par exemple sur le nouveau APS Prometeus de Nexter qui devrait dejà équiper les Leclerc MLU, Jaguar et Griffon, ainsi que d’un système de camouflage multispectral comme le Salamandre. Cette survivabiltié serait accrue en le dotant d’un tourelleau téléopéré doté d’un canon de petit calibre pour la protection rapprochée, notamment contre les drones et en environnement urbain. Enfin, à l’instar de la trajectoire suivie outre-atlantique avec l’AbramsX, il pourrait être pertinent de doter le char d’une propulsion hybride électrique pour en accroitre l’autonomie au combat, et lui conférant des capacités de déplacement furtifs.
Au delà d’un simple empilement de capacités nouvelles, il s’agirait avant tout d’accroitre l’efficacité du char en se basant sur des technologies effectivement disponibles des à présent ou à court terme, de sorte permettre une mise en production rapide, et une entrée en service avant la fin de la décennie, tout en réduisant au stricte minimum les risques industriels et technologiques, les couts de développement ainsi que les couts de production, de sorte à répondre aux besoins de l’Armée de terre, mais également de disposer d’une offre compétitive et attractive sur la scène internationale, aussi bien face au K2 Black Panther sud-coréen que d’un éventuel KF-51 Panther allemand ou AbramsX américain.
Un besoin critique pour l’Armée de Terre
Pour l’Armée de Terre, un programme Leclerc 2 dont les livraisons pourraient être entamées avant la fin de la décennie, répondrait à de nombreux besoins. En effet, à ce jour, elle ne prévoit que de disposer de 200 chars Leclerc, et ce jusqu’à l’entrée en service du MGCS, avec une capacité à accroitre ce parc très limitée, de l’ordre de 70 chars supplémentaires, du fait du démontage au début de la décennie de la chaine de production du Leclerc en l’absence de commandes et de perspectives. Or, sur la base des pertes enregistrées de part et d’autre en Ukraine depuis le début de cette guerre, un tel format ne permettrait pas de répondre aux besoins d’un engagement de longue durée, même en considérant une intervention en coalition. En outre, même si la trajectoire finale de la future Loi de Programmation Militaire 2024-2030 en cours de préparation est encore inconnue, le ministre des armées à d’ores et déjà annoncé que la réserver opérationnelle serait doublée au cours de cette LPM, avec un effectif porté de 40.000 à 80.000 réservistes, pour l’essentiel au sein de l’Armée de terre.
Or, comme l’a également montré le conflit en Ukraine, le fait de disposer de capacités humaines renforcées permettant un roulement des effectifs en zone de combat, ne vaut que si les Armées disposent également des moyens matériels susceptibles de soutenir cette rotation. En d’autres termes, pour optimiser l’efficacité d’une réserve opérationnelle étendue, il est indispensable de disposer d’une réserve d’équipements au moins équivalente. Or, si Nexter et Arquus, les deux principaux industriels français dans le domaine des blindés, peuvent effectivement fournir davantage de Griffon, Jaguar, Serval, VBCI et autres CAESAR si besoin, la production de nouveaux chars lourds, et plus globalement de blindés lourds chenillés, est à ce jour impossible, ce qui obligerait la France, pour renforcer cette dimension, à se tourner vers des productions étrangères en cas de besoin, un comble sachant que le K2 Black Panther sud-coréen, précisément le char qui aujourd’hui remporte le plus de succès en Europe, est semble-t-il très inspiré du Leclerc lui-même.
Une plate-forme polyvalente pour de nombreux besoins
Au delà de la production de chars lourds modernisés pour renforcer le parc et donc la résilience de l’Armée de Terre, un programme Leclerc 2 permettrait également de répondre à un besoin critique pour celle-ci, à savoir de disposer d’une plate-forme chenillé lourde, susceptible d’être déclinée en de nombreux blindés spécialisés, comme de l’artillerie lourde chenillée sous blindage pour remplacer les AuF1 mais également les Lance-roquettes Unitaires, un système anti-aérien et anti-drones à courte portée SHORAD tout terrain, des véhicules du génie spécialisés, et même la conception d’un véhicule de combat d’infanterie lourd capable d’évoluer en ligne de front de haute intensité. Il s’agirait, en quelques sortes, de s’appuyer sur une stratégie comparable à celle mise en oeuvre par l’allemand Rheinmetall autour de la plate-forme Lynx, déclinée en de multiples versions pour répondre aux besoins des clients potentiels.
Or, qu’il s’agisse de répondre aux besoins de l’Armée de Terre, comme sur la scène internationale, l’offre française en matière de véhicules blindés s’est spécialisée, ces 30 dernières années, sur des blindés sur roues, certes très efficaces, plus économiques et très mobiles sur la plupart des théâtres, mais souffrant de réelles limites, que ce soit en matière de mobilité tout terrain en particulier sur terrain boueux ou enneigés, mais également en terme de masse. En effet, la roue conserve son avantage sur la chenille tant que la masse par essieux l’excède pas les 8 tonnes. De fait, un véhicules 8×8, comme le VBCI, ne peut guère excéder les 32 tonnes, alors qu’un 6×6 doit se maintenir autour des 24 tonnes, des masses relativement légères pour des blindés destinés à la Haute intensité. Rappelons ainsi que le KF-41 Lynx allemand dépasse allègrement les 40 tonnes. De la même manière, la majorité des systèmes d’artillerie chenillés ont une masse très supérieure à 35 tonnes, comme le Pzh2000 allemand et ses 55 tonnes, ou le K9 sud coréen et ses 47 tonnes. De fait, en s’engageant dans un programme Leclerc 2, l’industrie française pourrait retrouver une plateforme susceptible de répondre à de nombreux besoins qu’elle elle est, aujourd’hui, incapable de satisfaire, tant pour l’Armée de terre que pour l’exportation.
Une réponse industrielle à un besoin international pressant
Car en effet, comme le montre le succès des K2, K9 et AS21 sud-coréens sur la scène internationale ces derniers mois, la demande mondiale en matière de blindés lourds est aujourd’hui très importante, en Europe comme sur le reste de la planète. Or, dans les années à venir, le gradient sera très important entre les besoins de modernisation et d’extension des armées, en particulier dans le domaine des blindés lourds et chenillés, et l’offre industrielle effectivement disponible pour produire et livrer ces blindés dans des délais requis. Cette pression industrielle sera en outre largement accentuée par l’affaiblissement notable de l’offre russe dans ce domaine, alors que jusqu’ici, elle couvrait plus de 35% des acquisitions de blindés lourds dans le monde. Cet appel d’air permet à de nouveaux acteurs, comme la Corée du Sud, la Chine et la Turquie, de se positionner et de prendre d’importantes parts de marché, au détriment des acteurs traditionnels russes, européens et américains, tant du fait d’équipements modernes et performants effectivement disponibles, que de prix particulièrement agressifs. Même la puissante industrie allemande, omniprésente sur ce marché en occident du fait du succès de son Leopard puis du Leopard 2, ne dispose aujourd’hui que d’une capacité de production industrielle réduite, en particulier dans le domaine des blindés chenillés lourds, handicapée qu’elle est par la faiblesse des commandes de la Bundeswehr dans ce domaine pendant prés de 30 ans.
De fait, pour l’industrie française, il s’agit d’une opportunité temporelle rare pour revenir sur ce marché très concurrentiel mais également très lucratif, jusqu’ici entre les mains de 3 acteurs majeurs : les Etats-Unis, la Russie et l’Allemagne. L’opportunité est d’autant plus importante que le Leclerc 2 peut s’appuyer, contrairement aux autres modèles, sur une plate-forme parfaitement fiabilisée, et surtout disposant déjà de certains atouts clés comme une masse de 57 tonnes, de 10 tonnes inférieure à celles du Leopard 2 et de l’Abrams M1A2. Or, pour l’industrie allemande comme américaine, le principal enjeux aujourd’hui repose précisément à alléger leurs plate-formes, la masse étant devenu un handicap très sensible sur le champs de bataille, comme l’ont montré les programmes KF-51 sur plate-forme Leopard 2 ou AbramsX sur plate-forme Abrams, tous deux s’enorgueillissant d’une masse inférieure à 60 tonnes.
Réduire la criticité du programme MGCS
Reste que lancer un successeur au Leclerc aujourd’hui, même en dépit des nombreux arguments militant en faveur d’un tel programme, pourrait être perçu comme une menace directe vis-à-vis du programme franco-allemand MGCS, que l’on sait revêtir une dimension politique et symbolique au moins aussi importante qu’opérationnelle et industrielle, en particulier pour l’exécutif français. Pourtant, un tel programme, de manière parfaitement contre-intuitive, pourrait au contraire renforcer sensiblement les chances de succès du programme franco-allemand, sans jamais venir le menacer ni dans ses fondements, ni dans son exécution. En effet, la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur le programme MGCS, tout comme sur le programme SCAF, n’est autre que sa criticité opérationnelle, en particulier pour les questions de calendrier. Ainsi, les difficultés que rencontrent industriels et états en matière de partage industriel induisent aujourd’hui des délais supplémentaires qui viennent directement menacer les capacités opérationnelles des armées à horion 2035 ou 2040, les deux programmes ayant été conçus pour prendre le relais de certains équipements arrivant précisément en limite d’efficacité à ces dates. En d’autres termes, à chaque nouvelle hésitation franco-allemande, les risques augmentent de voir l’un des deux acteurs quitter le programme pour une solution alternative plus en adéquation avec le calendrier de ses besoins. En outre, les tensions autour du partage industriel sont, en partie, liées à la crainte, pour les industriels, de devoir renoncer à certaines compétences clés sur l’autel de la ventilation des sous-programmes entre les différents acteurs européens.
Or, le développement d’un programme comme Leclerc 2, permettrait d’atténuer sensiblement ces deux aspects menaçant l’exécution de MGCS. Ainsi, en disposant d’un parc de transition composé de Leclerc 2, la menace de délais supplémentaires autours du programme franco-allemand serait largement atténuée, comme le serait la menace sur les capacités opérationnelles de l’Armée de terre que représente aujourd’hui les risques d’échec du programme lui-même. De même, les risques sur les savoir-faire industriels et technologiques de la BITD française liée au partage industriel, seraient eux aussi sensiblement atténués par le développement du Leclerc 2, surtout si le char de combat et ses avatars rencontrent un certain succès sur la scène internationale. Enfin, dans une telle hypothèse, il est probable que le succès international du Leclerc 2, en limitant la pénétration du marché par de nouveaux acteurs comme la Corée du Sud, la Turquie ou la Chine, voire en prenant certaines parts de marchés à la Russie, assoirait les chances d’exportation de MGCS dans la durée, comme c’est le cas aujourd’hui du Mirage 2000 vis-à-vis du Rafale.
Conclusion
Comme nous l’avons établi, il existe de nombreux arguments en faveur du développement d’un char de combat Leclerc 2 par l’industrie de défense française, et ce quel que soit l’avenir du programme MGCS. Loin de représenter une menace sur celui-ci, il en renforcerait la pérennité et les chances de succès, en atténuant les pressions industrielles et opérationnelles qui y sont attachées. Il permettrait, en outre, de renforcer le format et la résilience de l’Armée de terre concomitamment à l’extension de la Réserve Opérationnelle, tout en lui permettant de développer certains modèles de blindés spécialisés hors de portée aujourd’hui. Enfin, il prendrait corps sur un marché très dynamique marqué par une forte demande alors que l’offre est limitée. Surtout, il permettrait à la France de garder une présence indispensable sur ce marché en pleine recomposition avec l’apparition de nouveaux acteurs tout à la fois agressifs commercialement et performant du point de vue industriel. De ce point dernier point de vue, on peut même penser qu’un tel programme pourrait être indispensable afin de ne pas être, à moyen terme, marginalisé définitivement sur ce marché.
Ukraine : pourquoi la France ne livre pas ses chars Leclerc
Alors que Londres a donné son feu vert pour fournir des chars de combat à l’Ukraine et que Berlin pourrait s’y résoudre prochainement, la France, elle, refuse.
Par Théo Sauvignet – Le Point – publié le 16 janvier 2023
C’est acté, les Britanniques livreront 14 de leurs chars Challenger 2 à Kiev. La Pologne se tient prête à faire don de ses chars Leopard II allemands, mais doit attendre le feu vert de Berlin pour lancer l’opération. L’Allemagne ne donne pas encore son accord, sans être totalement opposée au fait d’autoriser Kiev à recevoir ses tanks, l’un des meilleurs modèles du marché.
En France, l’idée de céder une partie des plus de 200 chars Leclerc est également d’actualité. Alors que les qualités techniques de ce char sont reconnues à l’international, pourquoi Paris ne prend-elle pas la décision ?
Des stocks inactifs, mais pas inutiles
L’armée de terre a reçu 406 chars Leclerc au total, au début des années 2000. Mais après différentes réductions d’effectifs et de budget, le pays compte aujourd’hui 200 chars Leclerc en ordre de bataille. Le reste, soit environ 200 unités, est stocké, pour servir de réservoir de pièces pour ceux qui sont en service, puisque les lignes de production de Nexter, à Roanne (Loire), ont été reconverties il y a des années.
Le Leclerc est un équipement très complexe qui a vu sa « disponibilité » varier autour de 60 % pendant très longtemps. Le fait de retirer du service actif une partie du parc, conjugué à d’autres réformes du maintien en condition opérationnelle (MCO), a permis d’atteindre plus de 80 % de « disponibilité » de l’engin en 2021. Comprendre : des 200 chars répartis dans les différents régiments, plus de 160 sont capables de servir dans l’immédiat. Ces engins de vingt ans commencent à être modernisés pour durer jusqu’en 2040.
Sur les 200 unités qui sont entreposées, combien sont en ordre de marche ? Combien peuvent être cédées sans influencer négativement la capacité des régiments de cavalerie blindée français à opérer ? La réponse à ces questions n’est pas publique, mais il est probable que la France ne soit tout simplement pas en mesure de céder le moindre exemplaire sans empiéter sur ses capacités militaires, ce qui constitue une ligne rouge pour le ministre des armées Sébastien Lecornu.
Machines très complexes
C’est par ailleurs une des raisons pour lesquelles la France livre comparativement moins d’équipement à Kiev que ses alliés : l’armée française est échantillonnaire – elle dispose de tout, mais en faible quantité –, elle utilise beaucoup ses matériels, et elle fonctionne avec très peu de stocks, en flux tendus.
Outre-Manche, la situation est comparable mais sensiblement différente : l’armée britannique a reçu environ autant de chars Challenger 2 (de la même génération) et a aussi réduit ses effectifs, utilisant les unités en stock pour entretenir celles actives. Mais il n’y a plus que deux régiments de chars de combat au Royaume-Uni, contre quatre en France. Chaque régiment opérant une cinquantaine de tanks, les Britanniques ont un peu plus de marge que les Français pour céder une partie de leur parc.
Les problèmes de disponibilité subis par les armées française ou britannique seront pourtant les mêmes pour Kiev. Les chars occidentaux modernes sont des machines très complexes, qui nécessitent la mise en place d’une logistique particulière. Malgré un nombre très faible, quatorze de ces chars créeront beaucoup de soucis d’entretien et d’approvisionnement en pièces et munitions pour les Ukrainiens, qui disposent uniquement de blindés soviétiques.
Un cadeau empoisonné ?
Multiplier les livraisons d’équipements différents pourrait se révéler au final un cadeau empoisonné pour Kiev. Les Ukrainiens ont d’ailleurs bien anticipé le problème et demandent plutôt des chars Leopard II, dont plus de 2 000 exemplaires ont été produits pour des clients européens.
Avec des chaînes de modernisation actives et quatorze opérateurs différents – donc autant de candidats susceptibles de céder une partie de leur parc –, le char allemand serait une aubaine pour Kiev. L’Ukraine peut espérer obtenir, avec lui, un parc très moderne, compatible avec les standards Otan, et plutôt uniforme.
On peut interpréter la décision britannique sous l’angle politique : il s’agirait plus d’un appel du pied à Berlin pour autoriser la livraison de chars à l’Ukraine que d’un réel coup de pouce capacitaire à Kiev. On peut comparer ce geste à l’annonce de Paris, une semaine plus tôt, de la livraison de blindés de reconnaissance AMX-10RC, qui constituait déjà une montée en puissance dans l’approvisionnement de l’Ukraine.