Retour sur la LPM (Loi de programmation militaire)

Retour sur la LPM (Loi de programmation militaire)

 

par Victor Denis (*)
Etudiant en relations internationales
François Chauvancy (*)
Général de brigade (2s)

Esprit Surcouf – publié le 22 septembre 2023

https://espritsurcouf.fr/defense_retour-sur-la-lpm_par_victor-denis-et-general-francois-chavancy/


Quel regard porter sur les besoins de nos armées ? Quels choix budgétaires avons-nous fait ? Qu’est-ce que cette LPM raconte des relations entre politiques et militaires ? L’auteur nous propose quelques éléments de réponse dans son entretien avec le général François Chauvancy (2S).
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Après 90 heures de débat, l’Assemblée nationale s’est prononcée. A une écrasante majorité, les députés ont voté pour la loi de programmation militaire 2024-2030, désormais transmise au Sénat. Cette LPM alloue 413 milliards d’euros au budget des armées, un chiffre en hausse de 40% par rapport à la précédente. La raison ? Une prise de conscience du monde politique devant la montée des périls : retour de la guerre de haute intensité en Ukraine, menace d’escalade nucléaire, menace chinoise dans l’indopacifique, persistance du djihadisme en Afrique et au Levant…

A quoi notre armée est-elle prête ? Quelles sont ses limites et ses besoins ? Pour répondre à ces questions, l’étudiant trouve vite l’interlocuteur : un ancien militaire étoilé qui vient donner des cours dans son université, le général François Chauvancy, dont beaucoup de journalistes se souviennent pour l’avoir connu comme Off-Com (officier communication) hors normes au Sirpa ou en opérations.

Pour quoi faire

La réponse est claire et concise, le général semble rôdé à l’exercice : « Nos armées sont prêtes à intervenir sous des formats réduits, sous format de corps expéditionnaires. Nous pouvons projeter dans la durée environ une force mécanisée importante, interarmes, environ 5 000 hommes, contre un ennemi asymétrique et sous-équipé par rapport à nous. Au niveau aéro-maritime, nous sommes capables de projeter un groupe aéronaval avec une capacité de frappe au sol ou en mer. Nous pouvons contrôler une zone maritime importante ». « Concernant les forces aériennes, nous sommes sous-équipés. L’armée l’air estime qu’il lui faut 180 Rafales pour assurer ses missions, alors qu’elle n’en a que 130 ».

Le général ajoute : « Contre un ennemi peu équipé, ou équipé d’une manière légère, on est capables de faire. Toutefois, face à un ennemi traditionnel, ou conventionnel, comme en Ukraine, on voit qu’on n’a pas tous les équipements militaires adaptés et suffisants ». Il est vrai que nous avons négligé, en France, le retour des guerres conventionnelles. La fin de la guerre froide semblait abolir à jamais la menace d’un conflit symétrique à haute intensité. 

« La 1ère loi de programmation militaire [du président Macron] a été une LPM de réparation. Le chef d’Etat-major a essayé de préserver autant que possible une armée avec toutes ses capacités, même sous forme échantillonnaire ». Nous avons une armée « bonsaï », capable de faire de tout, mais en petite quantité. Là où d’autres pays créent une interdépendance des savoir-faire, ce qui, dans un contexte de coalition, n’est pas illogique, la France préfère quant à elle conserver ses capacités dans tous les domaines, quitte à produire moins.

Regard sur la LPM

Pour le général, « la 2ème LPM dépasse le niveau de la réparation. On en arrive à une forme de reconstruction pour se donner des capacités d’action ». Il met toutefois en avant des choix budgétaires contestables.

 

La loi de programmation prévoie des budgets conséquents pour la cybersécurité. Photo sgt Moreau Sirpa Terre

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Pour lui, il faut apprendre de la guerre en Ukraine. Il rappelle les chiffres : A Bakhmout, le nombre de morts russes est estimé à 20 000, contre 10 à 15 000 côté ukrainien. En France, nous disposons de 12 000 fantassins, ce qui paraît très peu. Quant aux réservistes : « Ce n’est pas parce qu’on nous promet 90 000 réservistes dans la LPM qu’ils sont utilisables en temps de guerre », ajoutant qu’il faut d’abord s’assurer de leur entrainement et de leur capacité opérationnelle.

Au regard de la vitesse de consommation des équipements militaires sur le terrain ukrainien, la question des équipements militaires se pose également : « L’argent qu’on met dans nos chars, qui sont coûteux, font-ils la différence avec des chars beaucoup moins chers et beaucoup plus nombreux ? Cela vaut-il le coup d’avoir des chars à plusieurs millions d’euros, qui peuvent être détruits par des missiles à quelques milliers d’euros ? ». Avec un constat global : nous manquons de chars et de Rafales, même s’il faut souligner la hausse du budget pour le maintien en condition opérationnelle.

Ces « manques » dans la LPM sont rapidement mis en parallèle avec les 13% des crédits alloués à la dissuasion nucléaire. Le général Chauvancy se questionne : « avons-nous besoin de perfectionner l’arme à ce point-là ? Les équipements qu’on met en place sont-ils totalement justifiés ? ». Qualifiés d’« excessifs », ces 13% signifient beaucoup quant à la place que tient le nucléaire dans notre stratégie. L’objectif affiché est de développer cette dissuasion, notamment par une modernisation des composantes aériennes et océaniques, afin de faire appel à moins de forces conventionnelles. Pourtant, pour le général, « nous ne ferons pas la guerre avec le nucléaire ». Il expose le risque de développer cette dissuasion aux dépends de nos capacités militaires. Pour lui, « il faut que les LPM, dans leur conception, montre notre détermination à être capables de se battre. Le fait d’être capable de se battre et de l’exprimer par la LPM et les moyens financiers qu’on y met, doit être capable de dissuader. Là ça a du sens, au même titre que la dissuasion nucléaire ». Et il émet quelques doutes sur la capacité de cette LPM à répondre à cette approche.

Le politique et le militaire

Le général Chauvancy l’affirme : « Je suis très critique sur les relations entre le politique et le militaire sous la Vème République », évoquant notamment les LPM non respectées. Avant 2015, celles-ci étaient systématiquement bafouées. Il y a, dans l’esprit du politique, l’idée que le budget de la défense serait une forme de réserve permettant d’amortir le choc des conjonctures économiques. Les politiques, pensant que la guerre était devenue impossible depuis la chute du mur de Berlin, n’ont pas suffisamment préparé nos armées aux conflits contemporains. Le général met également en cause le rôle du chef militaire, qui est celui d’exprimer clairement les besoins de l’armée aux politiques.

Il revient alors sur la « séquence De Villiers » : « [Avec la démission du Général De Villiers], Emmanuel Macron découvre que l’armée a son mot à dire, lui qui ne connaissait pas le milieu militaire. L’armée attend que le pouvoir politique écoute […], les militaires savent qu’ils servent l’Etat et la nation, et que le politique n’est que l’expression d’une majorité à un moment donné », qualifiant le président de « locataire », à contrario des militaires qui ont une expérience plus longue. L’armée attend donc une forme d’humilité de la part du pouvoir politique.

Aussi, « le président Macron, qui ne connait pas trop le milieu militaire, profite de l’opportunité du 13 juillet 2017 au soir pour se faire le Général de Villiers. Le problème, c’est que ça ne se fait pas ». Alors, quand le général De Villiers quitte son bureau, après avoir démissionné, il est applaudi par le personnel militaire. Loin d’être anecdotique, cette séquence envoie un message fort au président de la République : « la communauté militaire a un sens global de la mission et du devoir et n’a pas du tout accepté le rôle du politique et son comportement vis-à-vis du CEMA », rappelle le général Chauvancy. Ce n’est qu’à la suite de cet épisode, qui frappe l’opinion publique, que les rapports s’améliorent entre politiques et militaires : la première loi de programmation militaire tient la route, et a globalement été respectée.

Le général Chauvancy revient sur les conséquences de la démission : « Le président Macron a découvert que le miliaire était une communauté particulière, où le sens de l’engagement réel, sans contreparties, est un fait. Il peut compter sur les militaires, puisqu’ils sont là pour les missions qu’on leur donne ». Il poursuit : « Les militaires sont le dernier recours de la République face aux menaces et aux extrémismes, face à la déstabilisation de l’Etat, et je reste convaincu que le président Macron l’a bien intégré. D’où la place des militaires, discrètes mais avec une reconnaissance : la LPM est un témoignage de reconnaissance envers les armées. C’est l’expression politique et financière de la reconnaissance du pouvoir politique envers les armées ».


(*) Victor Denis est actuellement étudiant en Master 2 « Conflictualités et médiation » à l’UCO. Il est diplômé d’une Licence d’Histoire avec pour spécialité les sciences politiques. Après de premières expériences en politique et au sein d’ONG, il choisit de s’orienter vers la géopolitique et la sécurité internationale.
(*) François Chauvancy, général de brigade (2S), est Saint-cyrien, breveté de l’Ecole de guerre et Docteur en sciences de l’information et de la communication. Il a servi en opérations au Liban, en ex-Yougoslavie, en Albanie, au Kosovo et en République de Côte d’Ivoire. De 2002 à 2012, il a été représentant français auprès de l’OTAN pour les opérations militaires d’influence, les opérations sur l’information, la communication stratégique et l’environnement humain des opérations. Il est aujourd’hui enseignant, et consultant en géopolitique, notamment sur LCI. Il anime un blog hebdomadaire « Défense et Sécurité ».

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2


 

Depuis près de deux décennies maintenant, les compétitions internationales entre le chasseur Rafale du français Dassault Aviation, et le F-35 de l’américain Lockheed-Martin, ont systématiquement tourné à la faveur de ce dernier, au point que l’appareil américain devient aujourd’hui un véritable standard pour les forces aériennes européennes, au grand damn des avionneurs du vieux continent.

Mais la nouvelle version du Rafale, désignée F5, qui doit entrer en service à partir de 2030, pourrait bien profondément changer le rapport de force opérationnel et commercial entre ces deux appareils pour les années et décennies à venir. Dans la première partie de cet article, nous avons étudié deux critères de cette évolution, la transformation du Rafale en Système de combat aérien avec la version F5 d’une part, et l’arrivée des drones de combat Neuron et Remote Carrier de l’autre, venant gommer les atouts du F-35A tout en exacerbant ceux du chasseur français.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Aviation de chasse | Analyses Défense | Armes nucléaires

Dans cette seconde partie, nous aborderons 3 autres domaines majeurs venant infléchir ce rapport de force : les nouvelles capacités et les nouvelles munitions du Rafale F5; l’apparition du Club Rafale et l’émergence d’une nouvelle stratégie commerciale et industrielle française, et enfin l’influence de la hausse des couts de possession du F-35 sur les compétions à venir.

3- Les nouvelles capacités et de nouvelles munitions du Rafale F5

Outre les drones eux-mêmes, le Rafale F5 sera doté de nouvelles munitions et de nouvelles capacités, qui lui permettront de combler certaines faiblesses relatives vis-à-vis du F-35. C’est notamment le cas dans le domaine de la suppression des défenses anti-aériennes adverses, à laquelle il est commun de faire référence par l’acronyme SEAD qui, comme nous nous en étions plusieurs fois fait l’écho depuis 2018, représentait un manque important dans la panoplie opérationnelle du Rafale jusqu’ici.

Si la composition de cette capacité dont sera doté le Rafale F5 n’a pas encore été officiellement présentée, on peut supposer qu’elle reposera sur l’utilisation conjointe de brouilleurs radar venant s’ajouter aux systèmes d’autodéfense de l’appareil, pour lui donner la possibilité d’englober d’autres appareils dans sa bulle de protection, ainsi qu’une ou plusieurs munitions anti-radiations, conçues pour remonter le faisceau radar de l’adversaire pour venir le détruire.

Rafale.SCALP EG AdlA 1068x710 Aviation de chasse | Analyses Défense | Armes nucléaires
Le FMC doit remplacer le missile croisière SCALP qui équipe les Rafale de l’Armée de l’Air et de l’espace et de l’Aéronautique navale aujourd’hui

Le Rafale F5 sera également conçu pour mettre en oeuvre les nouveaux missiles franco-britanniques FMC (Futur Missile de Croisière) et FMAN (Futur Missile Anti-Navire) qui devront respectivement remplacer les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow d’une part, et AM39 Exocet de l’autre.

Ces deux munitions de précision à longue portée en cours de conception, seront dotées de caractéristiques évoluées, comme la furtivité ou une vitesse hypersonique, pour défier les systèmes de défense anti-aériens modernes comme des systèmes de brouillage et de leurrage, et conféreront à l’appareil des capacités de frappe à longue distance très avancées dans les décennies à venir.

L’appareil se verra également doté d’un pod fusionnant les capacités des nacelles de désignation de cible Talios et de la nacelle de reconnaissance RECO NG en un unique équipement, conférant au chasseur une vision tactique air-sol, air-surface et même air-air d’une grande précision, et ainsi de multiples options opérationnelles tout en restant en mode non-émitif.

Enfin, le Rafale F5 sera conçu pour mettre en œuvre le nouveau missile de croisière hypersonique ASN4G à charge nucléaire, qui doit remplacer l’ASMPA au sein des deux escadrons de l’Armée de l’Air et de l’Espace et des flottilles de la Marine nationale formant la composante aérienne de la dissuasion française. Toutefois, cette capacité, bien que critique pour la défense française, n’aura probablement que très peu d’influence sur le marché international.

BAT 120LG Aviation de chasse | Analyses Défense | Armes nucléaires
La BAT-120LG est une bombe légère planante de précision adaptée aux théâtres de moindre intensité pour éviter les dégâts collatéraux, mais également aux engagements de haute intensité pour saturer les défenses adverses

D’autres munitions et capacités pourraient être intégrées au Rafale F5 d’ici 2030. On pense notamment à des munitions air-sol de précision légères comme la BAT-120 LG de Thales, ainsi que des munitions rôdeuses à moyenne portée, d’autant que ces armes légères trouveraient naturellement leur place à bord des drones de combat épaulant l’appareil, y compris des Remote Carrier. En outre, il bénéficiera de l’arsenal actuel du Rafale F4, à savoir les missiles air-air Meteor et MICA NG, ou encore des bombes planantes propulsées ASSM particulièrement efficaces.

Dès lors, en 2030, le Rafale F5 disposera d’une panoplie opérationnelle globale et très moderne, parfaitement à niveau voire supérieure en certains points de celle proposée par le F-35, privant ce dernier d’un des atouts clés sur lequel il battit son succès commercial.

4- La révolution du Club Rafale


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L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?

L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?


 

L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?


Dans son nouveau rapport au sujet des armements, du désarmement et de la Sécurité international, le Stockholm International Peace Research Institute, ou SIPRI, l’institut suédois faisant référence dans ce domaine, trace un instantané du rapport de force mondial en matière de forces armées. Cette année, celui-ci montre, entre autre, une progression inédite depuis plusieurs décennies des systèmes d’arme nucléaires et des têtes en service dans le monde.

En effet, entre 2022 et 2023, le nombre total de têtes nucléaires opérationnelles est passé de 9.490 à 9.576, soit une hausse de 0,9% au global. Toutefois, cette variation faible au demeurant cache d’importantes disparités, alors que les pays occidentaux (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Israel) ont maintenu des stocks strictement identiques, là ou la Chine (410 vs 350) a connu une hausse de plus de 17%, et la Corée du Nord (30 vs 25) de 20%. Quant à la Russie (+0,2%), l’Inde (+2,5%) et le Pakistan (+3%), leurs stocks ont augmenté de manière plus modéré.

Pour autant, cette hausse rapide des stocks chinois et nord-coréens, n’a pas donné lieu à une quelconque réponse marquée par les autorités des pays occidentaux dotés.

Cette absence de réaction est à chercher dans la certitude partagée par les chancelleries occidentales, selon laquelle le seuil nucléaire ne pourrait être franchit par les autorités de Moscou, Pékin ou Pyongyang, sachant que le cas échéant, cela déboucherait probablement sur un conflit nucléaire généraliser duquel personne ne sortirait vainqueur.

La Russie mettra en oeuvre une flotte de 12 SNLE Borei/ Borei-A soit autant que la flotte de sous-marins de la classe Columbia de l’US Navy

Cette théorie de la destruction mutuelle assurée a été au coeur de nombres de décisions ces derniers mois, qu’il s’agisse du soutien occidental à l’Ukraine face à la Russie, ou du soutien américain à Taïwan face à la Chine dans le Pacifique.

De toute évidence, européens et américains n’ont jamais vraiment pris au sérieux les menaces du Kremlin dans ce domaine, pas davantage que le réarmement massif en cours de ces pays dans le domaine nucléaire.

Rappelons en effet que ces dernières années, la Russie a considérablement accru ses efforts dans ce domaine, avec la production intensive des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Borei, la reprise de la construction de bombardiers stratégiques Tu-160M2 et l’entrée en service prochaine du système ICBM Satan potentiellement équipé de planeurs hypersoniques Avangard.

La Chine, de son coté, a admis au service 3 SNLE Type 09IV(A) ces 3 dernières années, poursuivi le développement du bombardier stratégique furtif H-20, et surtout a entrepris la construction de 3 nouveaux sites destinés à accueillir des missiles ICBM en silo, pouvant potentiellement amener Pékin à parité avec les Etats-Unis et la Russie dans ce domaine dans les années à venir.

La Corée du Nord, enfin, a procédé à de nombreux essais de nouveaux vecteurs balistiques, y compris un missile à changement de milieux qui armera le prochain sous-marin lanceur d’engins à propulsion conventionnelle de la Marine nord-coréenne.

L’absence de réponse occidentale à ces programmes chinois et nord-coréens, et la certitude des chancelleries européennes et américaines que la Russie n’emploiera jamais l’arme nucléaire en Ukraine, ont été au coeur des préoccupations exprimées par le docteur Francesca Giovannini, la directrice du Harvard Research Network on Rethinking Nuclear Deterrence, à l’occasion du NATO’s Riga StratCom Dialogue qui s’est tenu les 7 et 8 juin dans la capitale lettone.

La Chine a entreprit la construction de 3 sites destinés à accueillir jusqu’à 300 missiles ICBM en silo, contre 399 Minuteman III américains en service

Pour cette spécialiste reconnue de la dissuasion nucléaire, les certitudes occidentales dans le domaine de la dissuasion nucléaire, sont bien trop optimistes. D’une part, Pékin, Moscou et Pyongyang n’ont montré, ces dernières années, aucune volonté pour réduire et contrôler les armes nucléaires, les leurs comme celles de leurs compétiteurs, ce qui démontrerait une stratégie et une doctrine pleinement basée sur le rapport de force nucléaire.

Surtout, aucun de ces pays n’adhère au principe d’inefficacité des armes nucléaires dans un conflit limité, du fait des risques d’escalade et de destruction mutuelle assurée. Au contraire, ils ont développé des doctrines employant les armes nucléaires dans une approche se voulant maitrisée pour obtenir un avantage militaire ou politique circonscrit au théâtre d’opération.

La directrice du Harvard Research Network on Rethinking Nuclear Deterrence n’est d’ailleurs pas la seule à exprimer des inquiétudes motivées dans ce domaine. Ainsi, dans un article publié le 17 Mai par le belier Center de Harvard, le général de brigade en retraite de l’US army Kevin Bryan, a lui aussi expliqué que l’utilisation de l’arme nucléaire en Ukraine par la Russie avait été encadrée depuis plusieurs mois par le Kremlin, notamment si les armées russes venaient à s’effondrer face aux coups de boutoir ukrainiens.

Bien évidemment, les positions exprimées par le docteur Giovanni ou par le général Bryan, ne doivent nullement être considérées comme des prédictions inévitables, mais davantage comme des arguments en faveur d’une évolution des postures occidentales dans ce domaine.

On doit se rappeler, en effet, que jusqu’à quelques jours avant l’offensive russe contre l’Ukraine, l’immense majorité des chancelleries occidentales, ainsi que de leurs services de renseignement, convergeait sur la certitude que la Russie ne commettrait pas l’erreur d’attaquer son voisin.

La Russie comme la Chine et la Corée du nord disposent de vecteurs adaptés aux armes nucléaires de faible intensité, contrairement aux pays occidentaux dotés de l’arme nucléaire

Il est également important de prendre conscience que si la Chine, la Russie ou la Corée du nord, et peut-être bientôt l’Iran, disposent ou disposeront bientôt de vecteurs adaptés à la posture ou a la frappe nucléaire de faible intensité, parfois désignée comme tactique, ce n’est plus le cas aujourd’hui des pays occidentaux dotés, tous n’ayant dans leur arsenal que des armes stratégiques pouvant, éventuellement, voir leur capacité de destruction réduite.

Or, s’il est possible d’identifier un missile balistique Iskander ou DF-21 comme une arme balistique nucléaire de faible intensité, il n’existe aucun moyen de savoir si l’ASMPA, la bombe nucléaire B61 ou les véhicules de rentrée atmosphérique lancés par des ICBM ou des SLBM sont de faible, moyenne ou forte intensité.

De fait, on peut se demander si, aujourd’hui, il ne manquerait aux pays occidentaux dotés de l’arme nucléaire, toute une partie de l’alphabet nécessaire à l’inévitable dialogue stratégique qui fut au coeur du rapport de force face à l’Union Soviétique au cours de la guerre froide, au risque de ne pouvoir contenir les risques de dérapages potentiels qui se dessinent ?

OTAN, Grande-Bretagne : les voies de la souveraineté de la France (2/2)

OTAN, Grande-Bretagne : les voies de la souveraineté de la France (2/2)

OPINION- Quelles leçons la France devra-t-elle tirer de la guerre en Ukraine au moment où l’étau financier se resserre autour des finances publiques françaises. Plutôt qu’un Frexit, le groupe de réflexions Mars préconise le renforcement de la France dans l’OTAN, d’un axe franco-britannique quand Londres sera en mesure de l’entendre et la refonte de ses alliances. Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 sera examiné en séance publique au Sénat à compter de mardi 27 juin. Par le groupe de réflexions Mars*.

« Nos transferts de compétence vers l'Allemagne en aéronautique et en matière de matériel terrestre depuis vingt ans sont édifiants. Il est d'ailleurs permis de penser que la DGA n'a pas joué tout son rôle en matière de préservation de la BITD française ». (Le groupe de réflexions Mars)
« Nos transferts de compétence vers l’Allemagne en aéronautique et en matière de matériel terrestre depuis vingt ans sont édifiants. Il est d’ailleurs permis de penser que la DGA n’a pas joué tout son rôle en matière de préservation de la BITD française ». (Le groupe de réflexions Mars) (Crédits : DR)


Peu d’observateurs avisés croient que l’offensive ukrainienne en cours emporte la moindre décision opérative. Elle peut connaître des succès tactiques limités, mais un effondrement du front russe reste peu probable, même de l’avis des Américains, qui pourtant ne mégotent pas leur aide à l’Ukraine. L’échec de « la marche sur Moscou » de Wagner le 24 juin envoie des signaux contradictoires, mais la preuve est faite que le pouvoir de Poutine n’est pas près de tomber comme un fruit mûr. Il est d’ailleurs probable que Prigojine, criminel notoire dont Poutine a fait son obligé en le sortant des griffes de la justice et en lui accordant des dérogations légales aussi exorbitantes qu’inconstitutionnelles, ne soit qu’une marionnette du Kremlin.

En revanche, en termes politico-stratégiques, la victoire ukrainienne est certaine et éclatante, au prix de souffrances indicibles pour la population et d’une saignée démographique qui ne se compare qu’aux années trente. Au fond, la seule question qui reste sans réponse est celle de l’étendue des pertes territoriales que l’Ukraine devra finalement consentir pour prix de sa victoire. C’est à cette condition que le Kremlin pourra accepter une défaite stratégique sans perdre la face. En échange de gains territoriaux dans le Donbass et la rive gauche du Dniepr, la Russie devra accepter l’inacceptable : l’intégration de l’Ukraine dans le « bloc occidental », et donc à terme dans l’OTAN et l’UE.

Europe : quelles leçons de la guerre en Ukraine ?

Que signifie la défaite russe et la victoire ukrainienne pour nous, Français ? C’est cela qui aurait dû être discuté en préalable d’une vraie LPM de « transformation ». Au lieu d’une vision stratégique, on nous a infligé une affligeante « revue stratégique » qui se résume à un catalogue de menaces et un slogan inepte (« puissance d’équilibres ») pour surtout ne rien changer à notre défense quand tout est bouleversé autour de nous.

Car l’admission de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’UE sera un bouleversement stratégique comparable à la fin de l’URSS. Savoir si nous, Européens, avons été manipulés à cette fin n’a plus aucune importance. C’est désormais une réalité à laquelle il va falloir s’adapter, voire un « défi » (pour reprendre les termes de la ministre française chargée de l’Europe) auquel il faudra faire face.

En premier lieu, quelle sera l’attitude de la Russie ? Il est impossible de répondre à ce stade, tout dépendra in fine de ses gains territoriaux. Si le Kremlin sort de cette guerre sans perdre la face vis-à-vis de sa population, il sera sans doute possible de négocier avec la Fédération de Russie une nouvelle architecture de sécurité européenne. Notons que, dans leur confrontation géopolitique à venir avec la Chine, les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à s’aliéner complètement la Russie. Obtenir sa neutralité dans un futur conflit serait une grande victoire stratégique.

C’est pourquoi les Américains font tout leur possible pour éviter une montée aux extrêmes en Ukraine. Il est significatif à cet égard que c’est dans la presse mainstream (Washington Post, New York Times, Foreign Affairs) que sont publiées des « révélations » ou des tribunes d’opinion (« op ed ») pour le moins embarrassantes pour le pouvoir ukrainien. La moins sensationnelle n’est pas, ces derniers jours, la révélation que la CIA avait été avertie dès juin 2022 par les services néerlandais que les services secrets ukrainiens préparaient la destruction du gazoduc Nordstream, ce que la CIA désapprouvait. Fâcheux en effet de soutenir un État qui pratique ce type d’activités que d’aucuns pourraient qualifier de terroriste, alors qu’il s’agit simplement d’un acte de guerre, comme la destruction par les Russes d’infrastructures civiles utilisées par les forces ukrainiennes. La prudence des occidentaux à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka est dans la même logique.

Exigence de justice ou realpolitik ?

Ouvrons une parenthèse à propos de « l’exigence de justice » de certaines belles âmes, dont la faculté d’indignation sélective est inversement proportionnelle au discernement stratégique, comme le montrent tous les jours (par exemple au Soudan) les conséquences de l’intervention occidentale en Libye. Des crimes de guerre sont commis tous les jours en Ukraine, la plupart du temps du fait de la soldatesque russe, voire du haut commandement russe lui-même. Faut-il pour autant poser comme préalable à la paix la traduction en justice de leurs auteurs et commanditaires ? Chacun sait que la paix, dès lors qu’elle résulte d’une négociation et donc d’un compromis, doit prévaloir sur l’exigence de justice.

En dépit de sa responsabilité manifeste dans le déclenchement de la Première guerre mondiale et de la commission de crimes contraires au « droit des gens » dans les territoires occupés, l’Allemagne n’a jamais payé. Et l’on sait à quel point le « Diktat » de Versailles a été le terreau de l’idéologie hitlérienne. Même après la capitulation du 9 mai 1945, une fraction non négligeable des criminels de guerre allemands n’ont jamais été inquiétés (notamment les responsables du massacre d’Oradour), soit qu’ils aient réussi à se faire oublier en Amérique du Sud, soient qu’ils aient été « recyclés » en Amérique du Nord, par exemple dans les réseaux de renseignement comme l’organisation Gehlen. Qui est assez naïf pour croire que la grande Amérique renonce cette fois à la raison d’État au profit de la justice ?

La France veut-elle investir dans l’OTAN ?

En termes de programmation militaire, le pire doit toujours être envisagé. Il est donc parfaitement justifié, pour nous Français, d’investir en priorité dans la crédibilité de notre dissuasion nucléaire. Il est de même parfaitement inutile de prétendre rivaliser avec l’armée polonaise (dont l’équipement est en grande partie financé par le contribuable franco-allemand via la facilité européenne de paix et autres fonds européens), voire l’armée ukrainienne, en termes de capacités d’agression terrestre.

Finalement, face à une Russie aux capacités amoindries mais tentée de prendre sa revanche, une OTAN fragilisée par l’intégration de l’Ukraine devra être capable de défendre chacun de ses quelques 34 ou 35 membres conformément à l’article 5 du traité fondateur (même s’il convient de le relire attentivement pour en saisir toutes les subtilités). Il en résultera nécessairement un nouveau concept stratégique, une organisation plus intégrée (pour être plus réactive), et sans doute un partage des tâches plus poussé. La France y est-elle prête ?

Qui en France se souvient que le premier commandant opérationnel en Centre-Europe fut le Maréchal Juin ? Il disposait alors de la plénitude du commandement en cas de conflit contre l’URSS et ses alliés, à l’exception de l’utilisation des armes nucléaires tactiques qui restaient sous le contrôle de SHAPE, fonction nécessairement tenue pour cette raison par un Américain.

Aujourd’hui, plus modestement, la France va-t-elle finalement armer tous ses postes à l’OTAN ? Après l’augmentation des effectifs de l’organisation qui sera décidée à Vilnius en juillet, on parle d’au moins 150 postes supplémentaires. Où va-t-on les trouver ? En Afrique ? Ne serait-il pas plus raisonnable de retirer nos officiers des instances de l’UE, où ils ne servent à rien, pour travailler notre influence à l’OTAN ? Car, plus que jamais depuis 60 ans, « c’est là que ça se passe ». La France veut-elle s’y investir à la hauteur de son rang et de ses moyens militaires, ou bien laisser la préséance à d’autres alliés (allemands, britanniques, polono-ukrainiens…) ? C’est cela que l’on aurait aimé trouver dans le rapport annexé à la LPM, avec les choix capacitaires et de politique RH (comment fidéliser les cadres qualifiés ?) qui en découlent.

Défense de l’Europe versus Europe de la défense

En même temps, il est parfaitement illusoire de penser que la défense de l’Europe se fasse ailleurs qu’au sein de l’OTAN. Si autonomie stratégique européenne il y a, elle s’exercera dans le cadre de l’OTAN, la seule question étant celle du degré d’implication des Américains. Question cruciale au demeurant, mais une chose est certaine : le renforcement du pilier européen ne se fera ni sans eux, ni contre eux. Sur ce point, nos alliés ont parfaitement raison et la France a tort de porter un discours de « souveraineté européenne » qui ne fait que semer la confusion et nous aliéner nos propres alliés.

De toute façon, le concept même de « souveraineté européenne » est une dangereuse ineptie. Si les Français ont fait la Révolution et transféré à la Nation la souveraineté confiée jusque-là au monarque de droit divin, ce n’est pas pour la donner à une « Sainte Alliance » renouvelée. La souveraineté n’est pas un luxe dont le Prince peut se priver en vue d’un bien prétendu meilleur ; c’est la condition même de la survie de la France, qui s’est constituée autour d’un État dirigé par un monarque qui a créé de toutes pièces sa légitimité en inventant la théorie du « roi empereur en son royaume ».

Revenir sur cet acquis fondamental de l’histoire de France, que la Révolution n’a fait que modifier sans y renoncer, relève d’une idéologie réactionnaire d’autant plus illégitime que la construction européenne se fait, depuis vingt ans, au détriment des intérêts de la France et des Français. Les gouvernements français successifs ont sans doute cru bien faire en transférant de plus en plus de compétences à Bruxelles afin d’imposer des réformes à un pays réputé difficile à réformer.

C’est typiquement le cas de la politique de « l’euro fort », pensée pour améliorer la compétitivité de l’économie française, et qui a finalement précipité sa désindustrialisation. Mais le référendum de 2005 a montré que l’électeur n’était pas dupe. Et l’on voudrait à présent transférer à l’UE la souveraineté, c’est-à-dire non plus certaines compétences, régaliennes ou non, mais « la compétence de la compétence » ? Au moins peut-on en l’occurrence compter sur l’opposition de nos alliés pour nous ramener à la raison.

L’UE pour Berlin est un démultiplicateur de puissance

Reste à mesurer les conséquences pour la France d’une intégration de l’Ukraine dans l’UE (qui finira par se faire, même si ce n’est pas immédiat), y compris si l’Union européenne reste un simple marché intérieur, sans prétentions politiques, ce qui est hautement souhaitable. Le processus de marginalisation de la France en sera accéléré. Le centre de gravité de l’Union, qui était proche du territoire français jusqu’au début des années 2000, s’ancrera désormais au cœur de la Mitteleuropa. Compte tenu des besoins de rattrapage d’une économie ukrainienne dévastée, la saignée financière pour la France sera dramatique, sans contreparties notables dans le marché intérieur, contrairement à l’Allemagne.

En effet, au contraire de l’Allemagne, la France n’a jamais profité de l’élargissement de l’UE vers l’Est. L’Allemagne réunifiée a connu un essor économique en investissant en Europe de l’Est à l’aide des fonds européens payés par les États contributeurs nets pour tous les Européens. Ainsi, l’Allemagne a augmenté sa capacité de production, sans en supporter l’essentiel des coûts d’investissement, au service de sa compétitivité mondiale et d’exports florissants qui n’enrichissent qu’elle. L’UE pour Berlin est un démultiplicateur de puissance. Ce n’est plus le cas pour Paris depuis plus de vingt ans.

Les relations financières avec l’UE étaient quasiment à l’équilibre en 1999, les dépenses de l’UE en France étant équivalentes au montant de la contribution française au budget communautaire. 25 ans plus tard, la saignée financière est de 10 milliards d’euros par an et elle augmente encore chaque année. Dix milliards de moins pour la défense, ou d’autres politiques publiques ! En 25 ans de dégradation continue du solde financier, notamment depuis l’élargissement de 2004, le transfert net de richesses est de 120 milliards d’euros. Dans le même temps, le solde commercial de la France dans le marché intérieur (donc au seul bénéfice de ses partenaires européens) n’a cessé également de se détériorer, pour atteindre aujourd’hui les profondeurs abyssales que nous connaissons.

Mais cela n’empêchera pas Bruxelles de placer Paris sous surveillance pour déficits excessifs. Et quel budget servira de variable d’ajustement d’après vous ?

Repenser les alliances de la France

Politiquement, face à l’absence totale de projet national en Europe, en dehors d’un discours mièvre et creux sur l’UE (pale reprise du projet Mitterrand qui n’a pas survécu faute d’avoir conduit les rapports de force nécessaires avec les Allemands), la tentation du Frexit sera de plus en plus forte. Est-ce cela que nous voulons ? A la base du Brexit, le constat a été fait que les Britanniques ne trouvaient pas dans le marché intérieur assez de contreparties à leur contribution financière nette, en dépit du fameux « chèque britannique ». Les mêmes causes produiront-elles le même effet ? Est-ce que le risque est mesuré ? Est-ce que quelqu’un y réfléchit ? Existe-t-il quelque part un plan B ?

N’est-il pas temps de préparer un rapprochement avec les Britanniques (quand ils seront plus réceptifs) afin de proposer de refonder le projet européen afin d’éviter une partition douloureuse ? Pour convaincre les Britanniques d’un projet avec la France, il nous faudrait aussi retrouver une pensée autonome et une capacité d’actions pour défendre les intérêts de la France. D’autres États, membres ou non de l’UE, ont cessé de porter attention aux attentes de la France tout simplement parce que nos dirigeants n’en n’ont plus. A ce titre, nos transferts de compétence vers l’Allemagne en aéronautique et en matière de matériel terrestre depuis vingt ans sont édifiants. Il est d’ailleurs permis de penser que la DGA n’a pas joué tout son rôle en matière de préservation de la BITD française.

Les conséquences en matière de défense seraient majeures. Alors que la conflictualité multi-milieux et multi-champs impose de repenser l’organisation de la défense nationale (le ministre chargé de la Défense n’étant compétent que dans le cadre de la mise en œuvre des moyens militaires), n’est-il pas temps de repenser nos alliances ? Il ne s’agit évidemment pas de changer d’alliés mais de redéfinir les modes opératoires concrets de nos alliances, bien au-delà de l’interopérabilité otanienne. La défense aérienne et anti-missiles constitue une priorité. Mais dans l’espace extra-aérien, le milieu sous-marin, le cyber, le champ informationnel, comment la sécurité collective s’organise-t-elle ? La LPM actuelle reste peu diserte sur le sujet.

Allié au sein de l’OTAN sans devenir dépendant

Un autre domaine majeur sur lequel la LPM ne propose pas grand-chose est notre politique de voisinage, c’est-à-dire vis-à-vis de nos voisins d’Afrique et du Proche-Orient. On peine à trouver une vision renouvelée apte à surmonter les défis présents et à venir, au-delà du constat que les toutes dernières années ont été désastreuses. On n’ose de même évoquer nos ambitions dans la vaste zone indopacifique, les référendums calédoniens et les élections polynésiennes ayant envoyé au reste du monde un signal pour le moins ambigu que la programmation in extremis de deux petits navires amphibies peine à contrecarrer.

Au lieu d’avancées dans l’utilisation de nos alliances, la coopération européenne sur les programmes d’armement est toujours présentée comme une martingale capacitaire, en dépit des évidences. Mais est-il raisonnable de confier les clés de nos futurs chars aux héritiers de Krupp et celles de nos avions à ceux de Messerschmidt ? On peut rester alliés au sein de l’OTAN sans devenir dépendants. Cela s’appelle la souveraineté.

                     ———————————————————————————–

(*) Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

Nucléaire: moins de têtes mais plus de dépenses des 9 puissances détentrices d’armes atomiques

Nucléaire: moins de têtes mais plus de dépenses des 9 puissances détentrices d’armes atomiques

 

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 13 juin 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Selon Dan Smith, Directeur de l’Institut international de recherche sur la paix à Stockholm (SIPRI, Stockholm International peace research institute), le nombre total de têtes nucléaires parmi les neuf puissances nucléaires (Grande-Bretagne, Chine, France, Inde, Israël, Corée du Nord, Pakistan, Etats-Unis et Russie) est tombé à 12 512 début 2023, contre 12 710 début 2022. Cependant, 9 576 se trouvent dans “des stocks militaires pour une utilisation potentielle”, soit 86 de plus qu’un an auparavant.

“Nous avons eu plus de 30 années de chute (de la quantité) d’ogives nucléaires et nous voyons maintenant ce processus toucher à sa fin”, a commenté Dan Smith. Les dépenses plus élevées signalées par la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) , qui s’est vu décerner le prix Nobel de la paix 2017, semblent confirmer ce constat.

Les dépenses mondiales en matière d’armes nucléaires ont augmenté pour la troisième année consécutive avec le montant de 78,84 milliards € ; soit 3 % de plus qu’en 2021. “Cela représente 149 938 € par minute ! Les neuf puissances nucléaires continuant en effet à moderniser, renouveler et à développer leurs arsenaux”, selon l’ICAN qui vient de publier son nouveau rapport 2022 “Wasted: 2022 Global Nuclear Weapons Spending“. 

 

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La France poursuit la très forte augmentation de son budget dissuasion, avec une dépense par minutes de 10 083 € (500 € de plus qu’en 2021) en 2022, soit un budget de 5,3 milliards d’euros. Avec le vote de la Loi de programmation militaire, cette dépense passera annuellement de 2024 à 2030 à 7,69 milliards € et dépassera alors de loin les dépenses du Royaume-Uni. 

Les chiffres clés par pays

États-Unis : 41,55 Mds €, soit 79068 €/min, (43,7 Mds $, soit 83 143 $/min).
Les États-Unis possèdent 5 244 armes nucléaires utilisables à travers ses composantes terrestres, sous-marines et aériennes. Cet État est celui qui dépense le plus par rapport à tous les autres États disposant d’armes nucléaires et ce malgré une baisse de ses dépenses de 500 millions de dollars. Avec une dépense de 41,55 milliards d’euros, cela représente environ 5 % des dépenses militaires totales de ses en 2022.

Chine : 11,12 Mds €, soit 21 130 €/min, (11,7 Mds $, 22 219 $/min).
La Chine possèderait 410 armes nucléaires réparties à travers ses composantes terrestres, sous-marines et aériennes. Il n’existe pas d’informations publiques fiables sur les dépenses nucléaires de la Chine. ICAN estime que la Chine consacre 4% de ses dépenses militaires totales (soit 292 milliards de dollars s selon le SIPRI) pour son arsenal nucléaire. La Chine aurait ainsi augmenté ses dépenses par rapport à 2021 de 710 millions de dollars.

Russie : 9,12 Mds €, soit 17 334 €/min (9,6 Mds $, 18 228 $/min)
La Russie possède 5 889 armes nucléaires utilisables via ses composantes terrestres, sous-marines et aériennes. En 2018 le SIPRI a révélé que les dépenses nucléaires représentaient environ 13 % des dépenses totales de défense au cours des dernières années (2010 et 2016). ICAN estime que les dépenses militaires russes en 2022 pour son arsenal nucléaire représentent environ 11 % des dépenses totales liées à la défense. La Russie a dépensé en 2022 « seulement » 22 % de ce que les États-Unis ont dépensé et Moscou a augmenté ses dépenses de 551 millions de dollars par rapport à 2021.

Royaume-Uni : 6,46 Mds €, soit 12 339 €/min (6,8 Mds $, 12 975 $/min)
Le Royaume-Uni dispose de 225 armes nucléaires utilisables à partir de son unique composante sous-marine. Le Royaume-Uni ne publie pas de coûts détaillés officiels pour son programme d’armes nucléaires. Un rapport de 2016 de la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND) a calculé que le coût total du remplacement du programme de sous-marins nucléaires (nouvelle classe Dreadnought) serait de 205 milliards de livres sterling (soit 284 milliards de dollars). Nous pouvons observer une augmentation des dépenses pour les armes nucléaires de 614 millions de livres sterling (757 millions de dollars) par rapport à 2021.

Inde : 2, 56 Mds €, soit 4 927 €/min, (2,7 Mds $, 5 181 $/min)
Sur une base de devise constante, l’Inde a augmenté ses dépenses en armes nucléaires de 590 millions de dollars (46 milliards de roupies indiennes) en 2022. *

Israël : 1,14 Mds €, soit 2 116 €/min, (1,2 Mds $, 2 226 $/min)
Israël possèderait 90 armes nucléaires et serait en mesure de les lancer à partir de missiles terrestres, sous-marins et via sa force aérienne. En raison de l’absence de reconnaissance par Israël de la possession d’un arsenal nucléaire, ICAN a utilisé un pourcentage moyen des dépenses consacrées aux armes nucléaires parmi les pays dotés, par rapport aux dépenses militaires totales pour évaluer les dépenses nucléaires d’Israël. Le SIPRI estime qu’en 2022, Israël a dépensé 23,4 milliards de dollars pour sa défense, ICAN estime que les dépenses pour le nucléaire militaire sont équivalentes à 5% de celles-ci.

Pakistan : 951 Mds €, soit 1 870 €/min, (1 Mds $, 1 967 d $/min)
Le Pakistan possèderait 170 armes nucléaires qui peuvent être lancées depuis des missiles terrestres, sa force aérienne et une capacité de frappe via des sous-marins est en cours de développement. Le Pakistan consacrait environ 10% de ses dépenses militaires à son arsenal nucléaire.

Corée du Nord : 560 millions €, soit 2 116 €/min, (589 millions de dollars, 1 161$/min)
La Corée du Nord possèderait 30 armes nucléaires et développerait des missiles capables de transporter des charges nucléaires, pouvant être lancés depuis la terre ou les sous-marins. L’estimation est réalisée sur la base d’une estimation équivalente à 35 % de son budget national consacré à son arsenal nucléaire.

Le centre de commandement du nucléaire disparaît

Le centre de commandement du nucléaire disparaît

 

par Bertrand Prevost – Tahiti Infos – publié le Lundi 5 Juin 2023

Tahiti, le 5 juin 2023 – Une page d’histoire de la ville de Pirae se tourne. Les anciens bâtiments du Commandement supérieur des forces armées en Polynésie française auront disparu mercredi.
 
C’est avec une certaine émotion et un peu de gravité que le maire de Pirae, Édouard Fritch, en compagnie de quelques membres de son conseil municipal, est venu assister, lundi, aux premiers coups de godet des engins de chantier qui mettront par terre, en l’espace de trois jours, tout un pan de l’histoire de la commune, de l’armée française en Polynésie et du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP).
 
Le site, rétrocédé au franc symbolique en juin 2020 à la commune de Pirae par l’Armée dans le cadre du Contrat de redynamisation des sites de défense (CRSD), est amené à devenir un centre qui accueillera le futur marché de Pirae, un parking, des espaces verts et peut-être aussi quelques implantations d’entreprises privées.
 
La parcelle concernée de 1,5 hectare abritait quatre grands bâtiments de près de 5 000 mètres carrés de surface au sol (emprise au rez-de-chaussée sur le terrain). Des travaux de désamiantage de ces bâtiments ont été réalisés par la municipalité en janvier 2022 (phase 1) pour convenir de la déconstruction des ouvrages de l’ancien État-major interarmées du Comsup et de la dépollution des VRD (voiries réseaux divers) (phase 2 actuellement).

 

Futur marché de Pirae

À la suite de l’appel d’offres des travaux lancé en février 2023, les offres des lots 1 et 2 de la phase 2 ont été revues à la baisse. Le prix de la dépollution des VRD, déjà entreprise, est de 12,5 millions de francs. Celui de la déconstruction des bâtiments est de près de 64 millions de francs pour des travaux qui devraient s’étaler sur trois mois. La phase 1, relative au désamiantage des bâtiments réalisée en janvier 2022, a été opérée pour un coût global de 270 millions de francs et a été prise en charge à 63% par la municipalité de Pirae et 37 % via le CRSD rassemblant l’État et le Pays.
 
Dès ce mercredi, les bâtiments n’existeront plus. Et la vue sera, pour un temps, à nouveau dégagée sur la baie de Taaone. Dans les deux ans qui viennent, la mairie de Pirae prévoit d’installer sur ce terrain le futur marché de Pirae, des aires de jeux et des espaces pour les entreprises privées. Une route de contournement afin d’alléger la circulation aux abords de l’hôpital et du lycée Diadème est aussi en préparation.

 

Le Comsup de Pirae, c’était…

 

  • Une installation en 1966 pour y piloter le Centre d’expérimentation du Pacifique

  • 4 835 mètres carrés pour une valeur estimée à 773,3 millions de francs

  • 1 200 militaires et civils qui y travaillaient

 

Édouard Fritch “C’est une page d’histoire qui se tourne”

Aujourd’hui, c’est la suite des travaux de déconstruction…
“Oui, nous sommes dans la phase 2 de la déconstruction. La phase 1 a consisté à nettoyer le bâtiment à cause de l’amiante notamment. La phase 2 va faire disparaître complétement les installations de l’ancien Comsup ici, à Pirae. Cela va libérer une emprise foncière de l’ordre de 1,5 hectare.”
 
C’est une page d’histoire qui se tourne pour la commune…
“Effectivement. C’est une page d’histoire qui se tourne pour la commune et pour l’État. Tout partait d’ici. C’est une phase nouvelle qui nous a poussés à créer ce nouveau centre-ville que nous avons souhaité pour Pirae pour essayer de regrouper de l’activité sur la commune et son développement. Cela va créer de l’emploi.”
 
Quels sont les projets qui vont naître ici ?
“Cet emplacement va être réservé pour la future construction du nouveau marché de Pirae. Celui actuel est vieillissant. Ce nouveau marché sera le nouveau cœur de ville qui va se construire à côté de Aorai tini hau. C’est un beau projet. La partie centrale sera construite par la commune elle-même. C’est un projet qui va nous coûter beaucoup d’argent puisque l’on prévoit de construire, sous le marché, un vaste parking qui va permettre de desservir les activités adjacentes. Ce sera surtout une grande place publique. Nous avons 1,5 hectare, cela fait beaucoup de places pour recevoir du public. Vraisemblablement, nous allons mettre en place, à côté du marché, une maison pour tous qui pourra accueillir les jeunes, les personnes qui voudront se réunir.”
 
Il est question d’une déviation aussi pour désengorger le quartier ?
“Quand nous avons construit la partie parc, nous avions pensé à mettre en place une déviation qui partira du rond-point (de l’hôpital de Taaone), qui passera la rivière Hamuta et rejoindra l’autre embranchement du rond-point du lycée Taaone. On aura une desserte tout autour de ce marché. Il faut que cela respire.”
 
Quand les projets sortiront-ils de terre ?
“C’est un centre d’activités. Nous espérons donner les premiers coups de pioche dans le courant 2024 avec un début de chantier prévu fin 2024 pour la partie centrale. Pour la partie développement autour, ce sera une association avec des opérateurs privés parce que la commune ne pourra pas investir.”

 

Cédric Pujol “Ces bâtiments auraient pu encore durer 50 ans”

La première phase de ce chantier était un peu délicate…
“Tout à fait. Nous avons procédé au désamiantage du bâtiment l’année dernière entre janvier et septembre 2022. Aujourd’hui que les bâtiments sont dépollués, on peut procéder à la déconstruction. On estime ces travaux à environ un mois. Par la suite, il y aura le retrait des canalisations antérieures. Une fois terminé, on procédera à la démolition finale des bâtiments.”
 
Ces bâtiments ont été construits à l’époque du CEP. Ils ont l’air constitués d’un béton très costaud. Cela va être plus difficile à démolir ?
“On est sur des bâtiments qui sont quand même très résistants. Ils sont faits pour durer longtemps et auraient pu encore durer pendant 50 ans. La principale difficulté, c’est d’assurer la sécurité des ouvriers.”
 
En 24-48 heures, les bâtiments seront par terre. Ensuite, ce sera le déblayage ?
“On pense que d’ici mercredi, on pourra commencer l’évacuation des déchets. Un premier curage a été fait, celui des déchets électroniques, envoyés vers Technival. Ensuite, les éléments en bois ont été envoyés à Paihoro. Enfin, il y a tous les éléments inertes qui partent au CET de Hitia’a. Ils vont essayer de les disséquer au plus fin possible pour que cela rentre dans les bennes des camions. Après, les retransformer en agrégat, cela me semble compliqué. Le béton est bien trop armé pour être réutilisé.

Lida, base avancée des forces nucléaires russes en Biélorussie

Lida, base avancée des forces nucléaires russes en Biélorussie

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 29 mai 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Selon le président de Biélorussie Alexandre Loukachenko, Vladimir Poutine aurait signé, le 24 mai, le décret permettant le transfert d’armes nucléaires de la Russie vers son pays. Moscou disposerait de 300 armes nucléaires tactiques larguables par avion. Et quelques-unes seraient destinées à être déployées chez l’allié du président russe.

Ce dernier avait annoncé le 25 mars que Moscou entendait déployer des armes nucléaires « tactiques » sur le territoire biélorusse, exacerbant les craintes d’une d’escalade du conflit en Ukraine.

Le 3 avril, la Russie avait indiqué avoir commencé à former les militaires biélorusses à l’utilisation d’armes nucléaires “tactiques”. Elle avait aussi précisé que dix avions de combat biélorusses avaient déjà été équipés pour l’emport de telles armes et qu’un entrepôt spécial serait terminé d’ici au 1er juillet.

Ces appareils, des Su-25, sont déployés sur la base aérienne de Lida, à une quarantaine de kilomètres de la frontière avec la Lituanie et à 120 km de la Pologne. Une vidéo diffusée le 14 avril par le ministère biélorusse de la Défense confirmait tant le stationnement sur cette base d’un escadron de Su-25 de la 116e unité de l’aviation d’assaut, que la fin de la phase d’entraînement des pilotes.

Pendant la Guerre froide, cette base avait abrité la 49e division de la Garde équipée de missiles balistiques. Elle  disposait d’un entrepôt pour le stockage et d’une aire de tir. Même si le site a été en partie abandonné depuis 1997, c’est bien que là que les Russes pourraient construire “l’entrepôt spécial” mentionné. Une construction qui pourrait prendre du temps.

Ensuite, ce sera certainement la 12e GUMO (Glavnoye Upravleniye Ministerstvo Oborony), unité spécialisée dans le transport des munitions nucléaires, qui interviendra pour préparer l’arrivée éventuelle d’armes nucléaires tactiques.

Loi de programmation militaire : la grande escroquerie (1/2)

Loi de programmation militaire : la grande escroquerie (1/2)

Le groupe Vauban livre une analyse très critique sur le projet de loi de programmation militaire en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Un projet qui propose une enveloppe budgétaire de 400 milliards d’euros en faveur des armées. Dans un premier volet, le groupe Vauban décortique la dramatisation précédant la présentation du projet de la LPM, sa mise en scène politique et ses erreurs doctrinales.

La constitution d'une force de frappe s'est traduite par une véritable économie de moyens, n'en déplaise à ceux qui dénoncent le coût de la dissuasion.
La constitution d’une force de frappe s’est traduite par une véritable économie de moyens, n’en déplaise à ceux qui dénoncent le coût de la dissuasion. (Crédits : Reuters)

 

L’académicien Alfred Capus disait que « l’escroquerie était une bonne affaire qui a rencontré une mauvaise foi » : après beaucoup d’entretiens et de lectures de documents, d’auditions et de rapports, notre groupe n’hésite pas dire que la loi de programmation militaire (LPM) est « une mauvaise affaire qui a trahi une bonne foi ».

La théâtralisation d’une dramatisation inutile

Dans un mouvement de précipitation brownien, le pouvoir a décidé dès sa formation de mettre sur le métier une nouvelle loi de programmation militaire et de la faire précéder d’une revue nationale stratégique. L’urgence qui a motivé cet empressement, s’appelle l’Ukraine. La méthode qui justifie ce réarmement précipité, s’appelle dramatisation. Ce sont deux erreurs fondamentales.

Sur le fond, rien ne justifiait l’urgence politique : tout incitait au contraire à la patience stratégique afin d’étudier ce conflit, le premier de ce type depuis 1945 sur le sol européen. Tirer des leçons d’un conflit sans fin apparente est une illusion : le directeur de l’IFRI l’a dit clairement devant les sénateurs le 8 mars dernier : « Au fond, tout se passe comme si cette guerre d’Ukraine devait se finir rapidement, ce qui ne sera pas le cas ». Son collègue de la FRS, Bruno Tertrais, le même jour et devant le même public, le dira autrement : « J’en viens aux conséquences de la guerre en Ukraine. Évoquer ces conséquences impliquerait que nous sommes déjà dans l’après. Or, nous ne savons pas quand sera cet après, ni même s’il y en aura un. Le scénario d’une Russie en guerre permanente, pour très longtemps, nous interdirait de nous projeter après la fin de la guerre en Ukraine. Dans le meilleur des cas, la Russie serait affaiblie militairement mais elle serait encore revanchiste et constituerait toujours un problème stratégique pour l’Europe ».

A cet égard, la revue nationale stratégique, censée éclairer les choix, est apparue pour ce qu’elle est : un catalogue poussif et non un décalogue impératif. Pour nombre d’observateurs [1] passablement usés par ce type d’exercices, le ratio entre stratégie et applications concrètes n’est pas le bon : n’est pas le général de Gaulle qui veut. Par un seul discours, le 3 novembre 1959, le fondateur de la Vème République aura plus marqué de son empreinte indélébile le système de défense français que ces 52 pages hâtivement rédigées et sans ligne d’action. C’était déjà mal parti.

Sur la forme, le président a pris le parti politique, comme au temps du Covid, de dramatiser la situation (discours d’Eurosatory le 18 juin 2022, puis de Mont-de-Marsan le 20 janvier 2023). Pourtant, dès le mois de mars 2022, la Russie avait manqué ses objectifs stratégiques, trop ambitieux déjà (tenir un pays comme l’Ukraine avec 150.000 hommes était un pari insensé), et a dû se replier sur les fronts secondaires qu’elle a déjà dû céder en partie, ce qui menace désormais la Crimée et met son territoire à la portée de frappes ou d’attentats dans une guerre hybride. C’était mobiliser sans urgence.

Sur le fond comme sur la forme, cette précipitation a des conséquences : ainsi les coquilles sur le nombre de systèmes de drones, erreur de forme certes mais révélatrice de cet empressement à boucler une LPM au plus vite ; ainsi, plus dommageable à l’analyse de fond, la comparaison des tableaux capacitaires entre les deux LPM n’est-il plus possible. C’est une bien curieuse manière d’éclairer le débat parlementaire et public que de ramener toute explication détaillée à la séance ou par le biais de notes envoyées aux parlementaires ; ainsi, on y reviendra, un rapport annexé six fois moins épais que le précédent !

Non, rien ne justifiait l’urgence ni la dramatisation du contexte. La France, puissance dotée, pouvait sans risque et avec profit prendre le temps de la réflexion : sa LPM 2019-2025 pouvait courir jusqu’en…2025 sans difficulté, ce qui aurait laissé le temps aux services de renseignement, aux armées, aux industriels, aux think-tanks et accessoirement à l’économie française laminée par le Covid puis par le choc énergétique et de l’inflation, de bâtir un cadre stratégique et financier cohérent et à la hauteur de la seule boussole qui soit : l’ambition que la France souhaite avoir en propre pour défendre sa souveraineté et ses intérêts mondiaux.

La LPM actuelle pouvait sans difficulté se suffire à elle-même jusqu’à son terme, à la condition de protéger les marches de 3 milliards d’euros par an, prévues dans l’actuelle LPM, des effets déstabilisateurs de l’inflation, du cours du Brent et éventuellement d’une évolution défavorable de la parité dollar/euro. Le pouvoir n’y a pas consenti et a pris le parti de présenter au Parlement et aux Français des marches budgétaires devenues négatives par l’inflation : par une très prévisible transmutation, l’or budgétaire se transforme en plomb pour le pouvoir d’achat des armées.

Après tant de dramatisations et de théâtralisations, le pouvoir a donc fait « beaucoup de bruit pour rien » : la LPM 2024-30, que l’on ne considère ici que jusqu’en 2027 par honnêteté intellectuelle (voir infra), loin d’être une loi de transformation, ne fait que poursuivre, en moins bien, la réparation des armées. L’escroquerie de ce spectacle accouche au final d’une déception terrible dans les milieux militaires et industriels, et d’une interrogation, non moins cruelle pour le pouvoir, chez les alliés de la France sur la sincérité politique de cette LPM [2].

Engranger le bénéfice politique sans en assumer les charges

La deuxième escroquerie est politicienne. Après avoir dramatisé le contexte international et l’avoir théâtralisé, le pouvoir laisse de manière irresponsable à la prochaine majorité le soin de monter l’escalier des fameuses marches budgétaires avec le boulet au pied de l’envolée spectaculaire de la dette publique (11,6% du PIB !). Les Ponce-pilate du gouvernement s’arrogent ainsi le monopole de la conscience sans assumer la responsabilité financière, et donc politique, de leurs actes.

Or, on le sait depuis Max Weber, l’éthique de conscience n’est qu’une escroquerie intellectuelle : seule l’éthique de responsabilité est morale car elle confronte un idéal politique au réel. Lors de son audition du 5 avril, à l’Assemblée Nationale, le ministre des Armées s’en est sorti par une pirouette politicienne qui ne le grandit pas : au lieu de douter des intentions d’une candidate, passée et future, à la présidentielle, qui prenait l’engagement public d’une LPM coïncidant à son mandat, il ferait mieux de convaincre les futurs candidats à la présidentielle de Renaissance et d’Horizons du bien-fondé d’un effort de réarmement car le moins que l’on puisse en dire est qu’ils n’en sont pas convaincus du tout ! Ceux qui en doutent peuvent relire certains passages du livre écrit à quatre mains par MM. Philippe et Boyer (Impressions & lignes claires, pages 225 et 226, notamment sur les questions relatives au porte-avions), qui laissent plus de place aux doutes qu’aux certitudes sur des points pourtant essentiels du système de défense national.

Il aurait dû surtout convaincre Elisabeth Borne de consentir à des marches supérieures jusqu’en 2027, mais l’attitude du ministre et de son cabinet a largement contribué à bloquer Matignon sur ce sujet avec le résultat que l’on connaît.

Que l’effort de défense soit une œuvre de longue haleine qui dépasse dans leur durée les mandats ridiculement courts des présidents, est une chose entendue, mais que l’effort principal financier soit placé au-delà de sa propre responsabilité politique, c’est signer un chèque sans provision sur un avenir politique incertain, y compris au sein de l’actuelle majorité. En termes bancaire comme en politique, cette méthode a un nom : escroquerie. On note d’ailleurs que lors de ses auditions, Pierre Moscovici a pris le soin de s’en tenir à la date de 2027 et non de 2030 : « le projet de loi de programmation des finances publiques couvre la période 2023-2027 alors que le projet de loi de programmation militaire s’étend de 2024 à 2030. L‘examen de la compatibilité de ces deux trajectoires doit donc uniquement porter sur la période 2024-2027». Nulle surprise que les groupes d’opposition aient déposé des amendements visant à rétablir la sincérité financière de la LPM : « les députés LR appellent ainsi à une montée en puissance plus rapide, avec une augmentation de 4,3 milliards par an dès 2025, jusqu’à 2027. Le groupe LFI a déposé un amendement similaire, qui prévoit des marches annuelles de 4,3 milliards d’euros dès 2024 jusqu’à 2026, avant de retomber à 3 milliards de 2027 à 2030 » [3].

L’escroquerie est également manifeste sur le plan politique : pour forcer l’adhésion parlementaire de tous les partis d’opposition – singulièrement ceux de droite dont le vote lui est nécessaire -, le président comme son gouvernement ont recours régulièrement au terme de « souveraineté » : or, tant dans la RNS que dans la LPM, la stratégie du « en même temps » vient casser ces élans nationaux, à coups de zèle otanien et européen.

Le groupe Vauban a déjà eu l’occasion de dénoncer en juillet 2020 la confusion du débat stratégique [4] : « le discours prononcé à l’École de guerre le 3 novembre 1959 donnait à la France les trois orientations cardinales qui demeurent encore : la souveraineté intégrale, la force de frappe indépendante et le modèle d’armée autonome au seul service des intérêts de la France. Ce triptyque gaullien, toujours officiellement honoré, souffre cependant d’une confusion savamment entretenue par la doctrine du “en même temps” qui, appliquée à la défense et, pour paraphraser le général de Gaulle, devient “un cadre mal bâti où s’égare la nation et se disqualifie l’État” (discours de Bruneval, 30 mars 1947). (…) Or, le discours ambiant relativise cette souveraineté en la galvaudant. C’est ainsi qu’ont été évoquées “en même temps” que la souveraineté nationale, “une armée européenne”, “une souveraineté européenne”, une “co-souveraineté” sur notre domaine ultra-marin, et enfin, confusion des confusions, “une mutualisation de notre dissuasion”. Ces concepts-là sont aussi irresponsables qu’anticonstitutionnels. (…) De l’adage médiéval qui affirmait que le “roi de France est empereur en son royaume” au discours du 3 novembre 1959, il y avait là une verticalité historique de cette souveraineté nationale qui lui conférait une légitimité naturelle mais que la doctrine, volontairement confuse, du “en même temps” veut briser au profit d’une conception vague, moderniste et utopiste sans racines historiques et sans avenir. L’indépendance nationale est ainsi devenue, au fil de la dérive sémantique, “autonomie stratégique française”, elle-même devenue “autonomie stratégique européenne“.

Le ministre aurait peut-être convaincu certaines oppositions s’il avait réfuté les fumées doctrinales de l’autonomie stratégique européenne dont personne ne veut, à commencer par nos alliés européens proches mais c’eût été renier les fondements mêmes de la stratégie présidentielle depuis 2017.

L’inarticulation de la haute intensité et de l’hybridité avec la dissuasion

Lors des « débats » de la LPM, il a été peu souligné combien les thèmes de la « haute intensité » et de « l’hybridité » sont inarticulés avec la doctrine de dissuasion. Si la dissuasion n’est plus contestée comme elle a pu l’être il y a peu par d’anciens hauts responsables politiques et si pouvoir a enfin cessé de déstabiliser le jumeau du nucléaire militaire, le nucléaire civil, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas articulé la dissuasion avec ces deux thèmes à la mode.

Une haute intensité en contradiction avec la dissuasion. La constitution d’une force de frappe s’est traduite par une véritable économie de moyens, n’en déplaise à ceux qui dénoncent le coût de la dissuasion. Par construction, les forces conventionnelles qui en constituaient la capacité complémentaire pour assurer la cohérence stratégique et la liberté politique, n’ont jamais en effet « été conçues ni déployées pour survivre à un conflit majeur prolongé : tel n’est pas leur fonction stratégique » [5]. Ce concept, théorisé par le général Beaufre et qui demeure la clé de voûte du système de défense français, contredit la notion de haute intensité théorisée, vulgarisée et imposée dans le débat stratégique français par les mêmes responsables politiques et militaires [6].

De quoi « la haute intensité » est-elle en effet le nom ? Parle-t-on de la haute intensité des technologies (voir et frapper plus vite, plus loin et plus précisément) afin de conserver une certaine forme de supériorité sur le terrain (de plus en plus contestée par l’irruption des Chinois, Turcs, Iraniens dans des zones étendues) ? Parle-t-on de la haute intensité d’un conflit ou d’une opération, c’est-à-dire de sa violence, de sa rapidité et de sa durée ?

Si ces deux sujets résument la formule choc de « la haute intensité », alors rien de nouveau sous le soleil stratégique. Le premier débat relève de l’effort normal, permanent et responsable d’armement des forces par rapport aux évolutions technologiques dans une logique à la fois de souveraineté et de supériorité, ce qui suppose une dynamique politique de recherches et de développement, de démonstrateurs et de commandes garanties dans la durée pour conforter une base industrielle et surtout la maintenir avec des capitaux français.

Le second débat relève d’une adéquation entre analyse géopolitique et ambition politique. Si l’analyse géopolitique proposée par la RNS (articles 53 à 59) paraît saine, il y manque l’ambition politique sur des théâtres d’opérations et scenarii types, qui empêche de passer au format (on intervient pourquoi, jusqu’à quand et, éventuellement, avec qui ?) sur les théâtres définis (fronts de l’Est, du Sud et du Pacifique). En bref, l’étape opérationnelle, plus capacitaire, manque toujours à l’appel pour définir les conséquences pratiques des 4 « S » : souveraineté, sécurité, stabilité et soutenabilité.

Si l’on parle d’un engagement majeur conventionnel auquel la France doit se préparer, le débat entre alors en contradiction frontale avec la dissuasion puisque c’est tout le modèle d’armée qu’il faut rebâtir en le taillant à la manière polonaise : soit, en clair, faire comme si la dissuasion n’existait plus ou n’agissait plus.

C’est d’ailleurs ce pour quoi militent certains responsables militaires, principalement dans l’armée de Terre, armée non dotée depuis les années 90 et privée désormais d’OPEX majeures justifiant budget et équipement en forte hausse. Un intéressant article, publié dans Méta-défense, le 7 mai chiffrait le coût pour l’armée de Terre d’un alignement sur l’effort de réarmement terrestre polonais actuel : « Sur la seule prochaine LPM à venir, il serait donc nécessaire d’augmenter la dotation de 30 milliards d’euros sur sept ans pour financer la mesure ». L’article ne mentionne nulle part l’articulation de cette super-armée française avec la dissuasion existante dont l’existence semble totalement occultée (ce que démontre l’absence du mot dans l’article) ; pire, il dévoie l’objectif même du système de défense français – une armée au service des intérêts de défense de la France – en justifiant cet effort irrationnel par un rôle illusoire de pivot « central de toute la défense européenne, et [qui] donnerait une légitimité incontestable à Paris pour soutenir l’autonomie stratégique européenne, puisqu’avec un tel modèle, le soutien militaire des Etats-Unis dans le domaine conventionnel face, par exemple, à la Russie, serait tout simplement superfétatoire »…

Que la Pologne emprunte le chemin d’un réarmement massif conventionnel, se comprend : le souvenir toujours douloureux de sa propre histoire, sa proximité géographique avec le conflit, et l’absence de force de frappe nucléaire, ne lui laissent tout simplement pas d’autre choix pour sa défense. Mais la France n’est pas la Pologne. Quant à penser que cet effort national et européen puisse remplacer la puissance militaire américaine en Europe ou décider les Etats-Unis à mettre un terme à leur imperium diplomatique et militaire à travers l’OTAN, c’est une illusion d’une naïveté confondante.

Si notre groupe ne méconnaît pas l’effort immense de rattrapage dans des domaines criants – formats des unités, des équipements et des stocks de munitions et de pièces, réalisme et régularité de l’entraînement, Maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements et état des infrastructures technico-opérationnelles -, thèmes largement traités déjà en 2020 dans notre trilogie [7], il estime qu’à partir du moment où la dissuasion est modernisée de manière incrémentale au niveau nécessaire, rien ne justifie que les forces conventionnelles soient portées au niveau que certains voudraient les voir atteindre dans une OTANISATION toujours plus profonde.

En ce sens, il est heureux que le président ait stoppé net ces élans de constitution de divisions lourdes à l’allemande ou à la polonaise, stationnées l’arme au pied aux frontières de la Russie. Le modèle d’armée 2030 dessine une défense de stricte suffisance par rapport aux objectifs stratégiques français : encore faut-il s’y tenir avec constance et honnêteté. Ce n’est pas le cas puisque ce modèle, nous le verrons, glisse allègrement sur 2035.

L’impasse doctrinale des nouveaux domaines de lutte. Le fameux dilemme « qualité contre quantité » est un faux débat masquant le vrai débat stratégique futur : l’articulation de la dissuasion avec les nouveaux domaines de lutte.

Ce sujet n’est pas nouveau : le général Poirier dans sa crise des fondements (1994) en parlait déjà ; plus récemment, l’amiral Lozier, ancien chef de la division Forces Nucléaires de l’Etat Major des Armées (2012-2014) et inspecteur des armements nucléaires (2014-2015), en posait les termes de manière claire et concise dans sa remarquable analyse de la dissuasion intégrée américaine (IFRI, 11 avril 2023) : « c’est bien la nature des nouveaux domaines de lutte, en particulier dans l’espace et le cyber, potentiellement aggravés par le recours à l’intelligence artificielle, et la compréhension des notions classiques de signalement stratégique, d’escalade et de désescalade, qui restent à préciser. Ce problème n’est pas spécifique aux Américains et à la dissuasion intégrée. Il se pose également en France, où la notion d’épaulement de la dissuasion nucléaire par les forces conventionnelles doit être élaboré plus précisément [8] ».

Force est de constater que la RNS et la LPM n’ont apporté à ce vrai débat qu’une solution facile de saupoudrage de moyens sans fil doctrinal repensé. Or, le conflit ukrainien en créait l’occasion : les Ukrainiens, avec l’appui opérationnel anglo-saxon, ne cessent en effet de tester, par une guerre hybride, le seuil de déclenchement des forces nucléaires russes.

Comme nous y invite l’amiral Lozier, il faut donc travailler à ce fameux « épaulement de la dissuasion par les forces conventionnelles », car les nouveaux domaines de lutte testeront non seulement le seuil de déclenchement du nucléaire français mais également les capacités des armées à le reculer… ou à le permettre. Ce chantier reste ouvert : c’est une escroquerie doctrinale que de faire croire qu’il a été résolu par un essaimage de moyens ou qu’il se limite à la seule capacité d’entrer en premier sur un théâtre d’opération plus ou moins durci.

Confuse hybridité.  Comme sa consœur, la haute intensité, l’hybridité est tout aussi mal définie : quels sont les domaines de lutte identifiés ? Comment articuler ces domaines entre eux et avec quels outils militaires ? La Revue Nationale Stratégique n’a pas apporté, tous les analystes l’ont dit (voir les auditions de MM. Gomart et Tertrais devant le Sénat le 8 mars dernier), une réponse claire : elle s’est contentée d’une photo à l’instant T sans conclusions opératives, ce que reconnaît d’ailleurs in petto le rédacteur de la RNS.

La LPM consacre pourtant des moyens lourds à ce sujet émergent mais sans que l’on sache à ce stade, si cela relève de l’incantation politique ou de l’application d’une stratégie ordonnée autour de moyens financés à hauteur des ambitions. Le risque stratégique existe ainsi que ce thème ne contribue encore davantage « à créer de nouvelles branches qui seront tout aussi faméliques et qui vampiriseront d’autant les autres branches » (Léo Péria-Peigné, IFRI, Le Monde, 5 avril 2023). Ces moyens lourds se font en effet au détriment de capacités opérationnelles existantes et déjà insuffisantes : ainsi, chaque régiment d’infanterie perdra-t-il une compagnie de combat pour que les effectifs ainsi libérés fassent de l’influence ou de la guerre hybride…domaines couverts en théorie (en pratique) par le renseignement et ses moyens spéciaux ou clandestins.

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[1] Voir audition de M. Thomas Gomart, directeur de l’IFRI devant le sénat, le 8 mars 2023 : « Il est frappant de constater le décalage entre les sommes considérables en jeu et l’effort analytique pour les concevoir et les justifier ».

[2] Entretiens des auteurs de cette tribune avec quelques ambassadeurs et militaires étrangers.

[3] Vincent Lamigeon, Challenges, 10 mai.

[4] https://www.latribune.fr/opinions/la-france-et-son-epee-1-3-851724.html.

[5] Revue de défense nationale, « La pensée stratégique du général Beaufre Une lecture américaine d’aujourd’hui », Michael Shurkin, 12 novembre 2020, page 5.

[6] Lire ainsi l’article de Meta-Defense du 7 mai 2023 : « combien coûterait aux contribuables français l’alignement des capacités de haute intensité de l’armée de terre sur la Pologne ».

[7] Tribunes des 6, 9 et 13 juillet 2020.

[8] C’est nous qui soulignons.

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

Le signalement stratégique : un levier pour la France dans la compétition entre puissances ? Focus stratégique, n° 114, mai 2023

Le signalement stratégique : un levier pour la France dans la compétition entre puissances ? Focus stratégique, n° 114, mai 2023

 

De l’exercice interarmées et interallié Orion 2023 au déploiement de chars Leclerc en Roumanie, en passant par les tirs de qualification de nouveaux missiles, les armées françaises conduisent de nombreuses manoeuvres et activités qui sont aujourd’hui décrites comme relevant du « signalement stratégique ».

 

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par Jérémy BACHELIER, Héloïse FAYET, Alexandre JONNEKIN, François RENAUD – IFRI – publié le 17 mai 2023

Ce concept, issu de la dissuasion nucléaire, décrit une façon de diffuser un message stratégique conçu au plus haut niveau de l’État, et ce au travers de plusieurs leviers, dont l’action militaire est l’un des principaux. Bien manié, le signalement stratégique permet ainsi de démontrer la volonté et la crédibilité de la France à défendre ses intérêts et ceux de ses partenaires. Il permet aussi de moduler l’action et la réaction du compétiteur en évitant de franchir le seuil de la conflictualité, et s’inscrit dans une démarche plus large d’influence, indispensable dans une perspective d’action « multi-milieux multi-champs ». 

Cependant, pour être efficace, c’est-à-dire correctement perçu par les alliés comme les adversaires, ce signalement stratégique doit être en adéquation avec les moyens dont dispose la France, et avec une stratégie cohérente qui peine encore à être définie sur le long terme. De plus, il convient de renforcer la fluidité dans la conception et la conduite du signalement, qui souffre encore parfois d’une confusion avec la simple communication opérationnelle. Enfin, pour vérifier que le message a été compris et a eu un impact, il est indispensable d’engager une réflexion sur le feedback, notamment au travers des services de renseignement. 

Lire et télécharger l’étude de l’IFRI

IFRI Le signalement stratégique un levier pour la France dans la compétition entre puissances

Dissuasion : Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins « Le Terrible » a tiré un missile M51 avec succès

Dissuasion : Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins « Le Terrible » a tiré un missile M51 avec succès

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 19 AVRIL 2023

https://www.opex360.com/2023/04/19/dissuasion-le-sous-marin-nucleaire-lanceur-dengins-le-terrible-a-tire-un-missile-m51-avec-succes/


Quatrième et dernier sous-marin nucléaire lanceur d’engins [SNLE] de la classe « Le Triomphant » à avoir été admis au service [en 2010], le « Terrible » n’a plus effectué de patrouille opérationnelle depuis janvier 2021, date de son transfert au bassin 8 de la base navale de Brest pour son « grand carénage » [*] [ou « Indisponibilité périodique pour entretien et réparation » – IPER].

D’une durée de 14 mois, ces travaux, réalisés sous la maîtrise d’ouvrage du Service de soutien de la Flotte [SSF], ont concerné « l’entretien de la coque et des structures, l’énergie et la propulsion, la sécurité plongée, les systèmes de conduite et d’exploitation de la plate-forme, les servitudes liées à la vie à bord, la détection et la lutte contre les menaces et enfin le Système d’armes de dissuasion [SAD], selon Naval Group, désigné maître d’oeuvre de ce chantier. En outre 300 modifications étaient au programme, afin d’améliorer « la conduite et les performances » du sous-marin.

Cette IPER étant sur le point de se terminer, il était nécessaire de vérifier le système d’arme du « Terrible » avant son retour dans le cycle opérationnel. Ce qui a été fait ce 19 avril.

En effet, la Direction générale de l’armement [DGA] et la Marine nationale ont indiqué que le SNLE « Le Terrible » venait de tirer avec succès un missile balistique mer-sol M-51 [M51.2?] depuis la baie d’Audierne, au large du Finistère.

« Le missile a été suivi tout au long de sa phase de vol par les moyens de DGA Essais de missiles et ceux du bâtiment d’essais et de mesures Monge. La zone de retombées se situe en Atlantique Nord à plusieurs centaines de kilomètres de toute côte. Cet essai a été effectué sans charge nucléaire et dans le strict respect des engagements internationaux de la France », a expliqué la DGA.

Et celle-ci d’ajouter : « Ce tir valide la capacité opérationnelle du système d’armes global du SNLE Le Terrible et démontre à nouveau l’excellence de la haute technologie que les industries françaises mettent en œuvre dans ce domaine ».

Il s’agit du sixième tir d’un missile M51 effectué par un SNLE de la classe Triomphant. Le dernier jusqu’ici en date avait été réalisé par le SNLE « Le Téméraire », en juin 2020. Mais c’est surtout le premier depuis le début de la guerre en Ukraine… « Le succès de ce tir d’essai […], sans charge militaire, matérialise la crédibilité et la robustesse de notre dissuasion nucléaire », s’est félicité Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.

Pour rappel, les missiles M51.2 emportent de nouvelles têtes océaniques [TNO] d’une puissance de 100 kilotonnes. La version suivante, appelée M51.3, est en cours de développement. Elle aura une portée plus élevée ainsi que de meilleures capacités de pénétration des défénses antimissiles adverses.

[*] Selon Naval Group, 30 mois de travail sont nécessaires à la réalisation de chaque IPER d’un SNLE, répartis entre l’Ile Longue et le bassin 8 de la base navale de Brest.FOSTIPER, SNA, Sous-marin, Le Terrible, M51, M51.2, Marine Nationale, Monge, SNLE, dissuasion,