Plus de 40 000 sous-officiers dans l’armée de Terre (voir les chiffres ci-dessus)! Une école créée en 1881, installée depuis 1883 à Saint-Maixent, désormais maison-mère du corps des sous-officiers… et qui va désormais accompagner la transformation de l’armée de Terre.
L’Ecole nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) va effectivement se transformer pour accompagner l’augmentation des flux de sous-officiers à former.
Quelques chiffres pour illustrer ces évolutions: – former davantage, en passant de 6 300 stagiaires en 2022 à 6 800 en 2023 et 7 500 en 2028, – doper l’encadrement avec 560 cadres-formateurs en 2023 et plus de 600 en 2024 (avec un recours aux innovations pédagogiques, par exemples : musette numérique sur tablette, tests via IA, etc), – une réduction de la durée des formations à partir de 2024: de 8 à 6 mois pour les recrutements directs (1640 en 2023), de 4 à 3 mois pour les semi-directs (1061 en 2023) et de 17 à 12 jours (451 sous-officiers formés en 2023).
Le général Didier, le commandant de l’ENSOA, revient sur ces chiffres: “Augmentation et réduction ne sont pas antinomiques. Il faut une augmentation de l’encadrement surtout dans les domaines émergents (cyber, drone) à consolider“, explique -t-il, ajoutant que l’EMPT (l’École militaire préparatoire technique) de Bourges où sont formés des semi-directs contribue à cette augmentation du nombre de personnels qualifiés.
Au terme de réduction, le général préfère celui de dynamisation” du parcours “pour répondre aux attentes des stagiaires qui veulent rejoindre leurs unités et poursuivre leur formation, le côté expertise se faisant ailleurs”. A Saint-Maixent, la formation réduite dans le temps continuera de porter sur “les forces morales, le combat et le tir, l’entraînement physique militaire et sportif… Et s’il y a moins d’anglais, ce n’est pas trop grave” (sachant que les militaires peuvent se perfectionner en langues tout au long de leur carrière).
L’objectif reste de former, toujours au sein des cinq bataillons et du groupement de perfectionnement des sous-officiers (GPSO), de futurs sous-officiers “confiants, crédibles et légitimes vis-à-vis de leurs subordonnées”.
Lors de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, le chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE], le général Stéphane Mille, avait évoqué le possible déploiement du futur EuroMale, le drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen, dans les territoires et collectivités d’outre-Mer. Comme, du reste, la force aérienne royale néerlandaise [KLu], qui exploite des MQ-9 Reaper depuis l’île de Curaçao, dans les Antilles néerlandaises.
Cependant, dans son rapport sur la LPM 2024-30, le député Jean-Michel Jacques avait livré quelques précisions sur les projets de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE], actuellement dotée de 12 MQ-9 Reaper, dont certains ont été portés au standard Block 5.
« Les conditions d’emploi du Reaper pourraient évoluer, puisque des réflexions sont en cours sur le déploiement d’un drone Reaper en Polynésie, ainsi que l’a souligné le général Yves Métayer, chef de la division emploi à l’état-major des armées, lors de son audition », rapporta M. Jacques.
Étant donné que l’opération Barkhane est terminée et que les forces françaises vont quitter le Niger, les MQ-9 Reaper de la 33e Escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque [ESRA] ont désormais une activité moindre que par le passé. D’où l’idée d’en déployer dans les territoires d’outre-Mer, d’autant plus que de tels appareils pourraient également être engagés dans des missions de surveillance maritime, des « évaluations opérationnelles » ayant été menées en ce sens par l’AAE.
Mais en attendant, le prochain théâtre d’opérations des MQ-9 Reaper français pourrait être le Levant, afin d’y mener des missions ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] au profit de l’opération Chammal. L’un d’eux aurait même déjà été déployé sur la base aérienne projetée [BAP] H5 en Jordanie. C’est en effet ce qu’avance le dernier numéro de Raids Aviation. « Le premier drone doit être opérationnel dans le courant de l’été et un deuxième pourrait suivre », écrit le magazine. Pour le moment, l’État-major des armées [EMA] n’a fait aucune communication à ce sujet, pas plus que l’AAE.
Quoi qu’il en soit, l’envoi d’au moins un drone Reaper dans le Pacifique [Papeete ou Nouméa?] n’est pas pour tout de suite. Toujours selon Raids Aviation, qui tient l’information de l’AAE, il serait question d’y déployer des avions légers de surveillance et de renseignement [ALSR] « VADOR » [pour « Vecteur aéroporté de désignation, d’observation et de reconnaissance »].
« Les Reaper nécessitent un minimum d’infrastructures pour les héberger ainsi qu’une bonne couverture satellitaire. Ces contraintes sont moins fortes pour les VADOR, dont la projection, par contre, est plus complexe car elle se fait par une série de sauts de puce [à moins de passer par la voie maritime] », explique Raids Aviation.
Par ailleurs, au regard des espaces immenses à couvrir dans le Pacifique, le VADOR dispose d’une autonomie limitée, celle-ci étant – si l’on se base sur celle du Beechcraft King Air 350 dont il est dérivé – de 2600 km.
Pour rappel, en août, les deux VADOR de l’AAE [un troisième a été commandé en 2020] ont rejoint la base aérienne de Cognac, où ils ont été affectés à l’escadron 4/33 « Périgord ». L’objectif « est de créer un pôle ‘renseignement’ en temps réel, favorisant ainsi la synergie et le partage d’expérience avec les équipages de drone Reaper de la 33ème Escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque », avait-il été expliqué à l’époque.
Initialement, l’AAE devait disposer de huit VADOR… Mais cette cible a été réduite à seulement trois unités dans la LPM 2024-30.
Mission accomplie pour la vingtaine d’entreprises de défense française conduite cette semaine à Kyiv par le GICAT. Accompagnée du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, cette délégation y a jeté les bases d’une coopération de long terme avec la filière industrielle ukrainienne. Autant de partenariats bilatéraux officialisés en marge d’un premier Forum international des entreprises de défense et dont l’objectif commun sera d’ancrer l’appui aux force ukrainiennes dans la durée.
« Il n’y a pas de défense sans industrie de défense », rappelait le secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, lors d’un forum qui aura attiré plus de 160 entreprises de 26 nationalités différentes dans la capitale ukrainienne. L’enjeu partagé par tous ? Participer à l’émergence d’une base industrielle et technologique de défense robuste, innovante et dimensionnée pour appuyer une armée engagée dans un conflit appeler à durer.
En amorçant cette démarche, la France souhaite miser autant, voire davantage, sur les acquisitions et le partage des savoir-faire que sur les dons de matériels. « Nous allons passer d’une logique de cessions à partir de nos stocks, à celle de partenariats industriels», affirmait le ministre des Armées. « Nous avons une grande industrie de défense, qui peut aider les Ukrainiens à être endurants pour assurer des livraisons dans la durée. Ce n’est pas une question de profits, mais bien d’assurer une aide directe et durable », complétait-il lors d’un entretien accordé au Parisien.
Si elle implique de rivaliser avec des mastodontes mieux implantés comme les États-Unis et l’Allemagne, l’initiative se concluait par une première salve de succès. « Près de 16 accords ont été signés entre les industriels français et les industriels ukrainiens », annonçait hier le ministère des Armées.
Nexter décrochait ainsi une commande pour six CAESAR supplémentaires, en plus des 18 donnés par les armées françaises et des 12 acquis auparavant par l’Ukraine. La maison-mère, KNDS, a quant à elle signé un accord pour l’intégration en territoire ukrainien d’armements sur les véhicules des forces armées. Déjà mobilisé pour la fourniture de 150 drones, le toulousain Delair remportait un nouveau contrat pour la livraison d’exemplaires supplémentaires.
D’autres partenariats relèvent du soutien d’équipements en service et de perspectives de productions locales. Ainsi, si Nexter et de Delair assureront la maintenance des CAESAR, AMX-10 RC et drones en service au travers de sociétés ukrainiennes, Arquus fera de même pour les VAB cédés par la France via la production par un partenaire local de pièces de rechange. Le groupe français et son nouvel associé se sont également engagés à étudier la perspective d’une production de VAB neufs en Ukraine.
Spécialiste de l’impression 3D, Vistory s’est rapproché d’une société ukrainienne pour déployer des ateliers mobiles de fabrication de pièces de rechange sur le théâtre d’opérations, contribuant par là à accélérer et à rapprocher du front certaines opérations de maintenance. Enfin, Thales et Turgis & Gaillard ont chacun signé un accord avec un acteur ukrainien « pour co-développer des drones, avec comme perspective de les fabriquer localement ».
Cette approche au cas par cas s’entoure par ailleurs de deux accords ratifiés par la Direction générale de l’armement (DGA) et le GICAT, tous deux visant à renforcer la coopération franco-ukrainienne en matière d’armement. Pour perdurer, elle devra également trouver une base financière solide. « Il y aura, pour accompagner cela, des fonds français, européens et des fonds souverains ukrainiens », indiquait Sébastien Lecornu à ce titre dans Le Parisien.
Lancer une attaque par saturation est sans doute la première application à laquelle on pense quand il est question de faire voler un essaim de drones. Mais d’autres usages sont possibles… Et c’est ce qu’ont démontré Nexter et Naval Group, avec l’entreprise girondine Icarus Swarms, qui a développé un logiciel permettant de faire évoluer plusieurs mini-drones, généralement fournis par le constructeur Parrot, qui équipe par ailleurs les forces françaises.
Ainsi, lors de cette démonstration, organisée avec l’appui de la Section technique de l’armée de Terre [STAT], Nexter et Naval Group ont d’abord insisté sur la fonction « saturation », en faisant voler un essaim de cent mini-drones. Ce qui est autant spectaculaire qu’impressionnant, la scène semblant être tirée d’un épisode de la série télévisée Black Mirror… Disposer d’une telle capacité pourrait permettre d’infliger des dommages « considérables » à « moindre coût » laisse entendre Nexter/KNDS. Tout dépend, en réalité, des contre-mesures mises en place par l’adversaire…
Un autre fonction explorée est la reconnaissance, avec une formation de six micro-drones mis en oeuvre depuis un véhicule blindé multi-rôle léger [VBMR-L] Serval. En fonction de la charge utile emportée, ces appareils peuvent faire de la cartographie en temps réel, détecter des menaces potentielles ou bien encore marquer une cible. Cela étant, la vidéo diffusée par Nexter/KNDS n’évoque pas d’autres capacités intéressantes, comme celles consistant à leurrer une force adverse ou brouiller [ou relayer] les communications.
« Nexter et Naval Group ont pris l’initiative d’expérimenter des solutions afin d’amorcer des études sur ce sujet avec les Armées et la Direction générale de l’armement. Nous avons choisi de présenter différentes fonctions : auto-géolocalisation des véhicules, scan du terrain en temps réel, géolocalisation et agression de cibles. À terme, cela permettra d’augmenter les capacités des systèmes de Nexter et de Naval Group [afin] de donner à nos clients un avantage tactique sur leur adversaire », explique l’industriel.
« Nos essaims continuent de se développer… Nous n’avons pas l’habitude de communiquer sur notre travail mais quand nos clients le font nous en sommes très contents », a commenté Icarus Swarms.
Cela étant, la DGA, via l’Agence de l’innovation de Défense [AID], a déjà lancé, dans ce domaine, le programme TAMOS [pour « Tactical Multi-Objectices Swarming UAVs], confié à Safran Electronics & Defense et Squadrone-System.
Ce « projet prévoit la mise en œuvre d’essaims de drones pour permettre la réalisation d’une ou plusieurs missions, avec la capacité d’adapter et de reconfigurer les flottes dynamiquement, le tout contrôlé par un superviseur intelligent», avait expliqué l’AID, dans son bilan d’activités pour l’année 2022, publié en juin dernier. Si elles sont susceptibles d’être intégrées au Système de combat aérien du futur [SCAF], les solutions développées dans le cadre de TAMOS pourraient aussi avoir des applications terrestres et maritimes… ou même rendre possible la coordination entre des robots de différents types.
Plutôt que de développer un nouveau char de combat, l’US Army a annoncé, il y a quelques semaines, se tourner vers une évolution radicale de son M1 Abrams, pour donner naissance au M1E3 Abrams d’ici à la fin de la décennie.
À l’instar de l’Allemagne et de son Leopard 2AX, il s’agit pour les États-Unis de répondre au mieux, face aux contraintes de temps et de technologies, aux enseignements de la guerre en Ukraine, et notamment à l’arrivée massive des drones à tous les échelons du combat.
Cette approche, qui s’oppose aux objectifs d’un programme MGCS menacé de toutes parts, se veut pragmatique pour répondre aux enjeux opérationnels, mais aussi commerciaux, qui se présentent aujourd’hui.
Dans ce contexte, la France, sur la base d’une évolution radicale du char Leclerc basée sur la tourelle EMBT, doit-elle, elle aussi, s’inviter dans cette course contre-la-montre qui s’est engagée des deux cotés de l’Atlantique ?
La transformation robotique du champ de bataille est en marche
S’il est un enseignement crucial à retenir des 19 mois de guerre en Ukraine, c’est incontestablement le rôle désormais central que les technologies robotisées, plus particulièrement les drones, ont pris sur le champ de bataille.
Ceux-ci interviennent dans la presque totalité des espaces de conflictualité, qu’il s’agisse de frapper les unités sur la ligne de front, de diriger le tir de l’artillerie à longue et très longue portée, de mener des raids aériens ou navals contre les bases arrière de l’adversaire, et même pour mener des campagnes de terreur contre les populations civiles.
L’arrivée de ces drones et autres munitions rôdeuses, influence à présent la réflexion opérationnelle des stratèges militaires, au point de modeler, avec d’autres facteurs souvent connexes, la conception même des nouveaux équipements militaires.
C’est ainsi que les Loyal Wingmen et autres Remote Carrier sont aujourd’hui au cœur de la conception des avions de combat de nouvelle génération comme les NGAD aux Etats-Unis, le GCAP britannique (Italie/Japon), et le SCAF européen.
Ils influencent aussi la conception des nouveaux navires militaires, qu’il s’agisse des unités de surface combattantes comme les destroyers et frégates, les grands navires aéronavals et d’assaut, les bâtiments de guerre des mines et même les sous-marins.
C’est aussi le cas dans le domaine des armements terrestres, qu’il s’agisse de l’artillerie, des blindés de combat et de soutien, et désormais du seigneur du champ de bataille, le char de combat.
En effet, les programmes de chars de combat de nouvelle génération, ou devons-nous dire plutôt de génération intermédiaire, comme le K2 Black Panther, le T14 Armata, le Leopard 2A8 ou le récemment annoncé, Abrams M1E3, sont conçus autour de cette révolution robotique.
Ils intègrent ainsi des drones de reconnaissance pour une perception étendue de leur environnement, des systèmes antidrone et APS pour engager et détruire les drones de reconnaissance et les munitions rôdeuses,
La robotique entre aussi dans l’habitacle, pour remplacer le poste de chargeur par un système automatisé, même au sein des armées attachées à l’équipage à quatre traditionnels jusqu’ici.
Cette influence dépasse même ce cadre direct, en imposant, par exemple, des chars plus légers et plus mobiles, avec une empreinte logistique plus faible, de sorte à préserver les flux logistiques des frappes indirectes menées, là encore, avec l’aide ou par des drones.
Avions, hélicoptères, chars : leur rôle va évoluer dans les années à venir
Au-delà de ces aspects déjà appliqués au combat aujourd’hui, notamment en Ukraine, il apparait surtout que la révolution robotique des armées en cours, va considérablement influencer le rôle même des piliers de l’action militaire.
Ainsi, les avions de chasse, mais aussi, les frégates, destroyers et sous-marins, les hélicoptères et les chars, voient leur rôle opérationnel évolué d’une mission de type vecteur/effecteur, c’est-à-dire de transport et de mise en œuvre des munitions et des systèmes d’armes, à celui de coordinateur de drones jouant précisément ce rôle de vecteur/effecteur.
Dit autrement, là où aujourd’hui un avion de combat comme le Rafale transporte lui-même ses bombes et ses missiles, ou un char comme le Leclerc emploie son canon de 120 mm, les équipements qui devront les remplacer s’appuieront avant tout sur les munitions et capacités de leurs drones, pour frapper l’adversaire.
En effet, les systèmes d’armes sont désormais à ce point efficaces et précis, et les moyens de communication performants et réactifs, qu’exposer un avion de combat de 100 m€ ou un char lourd de 20 m€, ainsi que leurs précieux et rares équipages, ne peut se faire que parcimonieusement, avec un temps d’exposition le plus réduit possible.
Quelle influence sur les nouveaux chars de combat ?
Si la révolution drone et robotique s’était déjà invitée depuis plusieurs années dans la conception des systèmes de combat aériens de nouvelle génération, et dans la guerre navale, son intégration aux véhicules blindés, et notamment aux chars de combat, était en revanche plus timide (en dehors des systèmes de chargement automatique en Russie, France ou encore Corée du Sud).
Ainsi, à l’occasion de la Defense Warfighter Conference, le général de brigade Geoffrey Norman, directeur de la Next-Generation Combat Vehicle Cross Functional Team de l’US Army, a donné des précisions sur le nouveau char à l’étude, dont l’existence fut dévoilée il y a tout juste une semaine.
Comme anticipé, le nouveau char sera conçu sur la base des avancées développées dans le cadre de la version SEPv4 du M1A2 Abrams, finalement annulée au profit du nouveau programme.
Il intégrera de fait de nouveaux équipements de vetronique, comme un système infrarouge de nouvelle génération 3GEN FLIR, un détecteur de menace laser, un système de gestion thermique et d’autres nouvelles capacités.
En revanche, celui-ci sera entièrement repensé pour absorber les enseignements de la guerre en Ukraine, et intégrer la révolution robotique en cours. Il disposera de cette manière d’un système de protection actif passif, soft et hard-kill intégré nativement, et non ajouté comme c’est le cas du Trophy sur le M1A2 SEPv3.
Son équipage sera, lui, ramené à trois membres, avec la suppression du poste de chargeur, et l’intégration d’un système de chargement automatique du canon principal.
Surtout, le char sera considérablement allégé, de sorte à en réduire l’empreinte logistique et doté d’une propulsion hybride, tant pour réduire sa consommation que pour en améliorer au besoin la furtivité.
Si la masse au combat du M1E3 n’est pas encore révélée, le General Norman a toutefois précisé qu’il s’agissait notamment de lui permettre d’employer certaines infrastructures de transport civiles, comme les ponts, aujourd’hui interdits au M1A2 et à ses 73 tonnes.
Abrams M1E3, Leopard 2AX : Pourquoi l’option du reboot générationnel a beaucoup d’intérêt ?
Il est toutefois intéressant de remarquer qu’à l’instar du Leopard 2AX allemand, l’US Army privilégie dans ce programme une évolution de l’Abrams, même si celle-ci est radicale, au développement d’un nouveau char, comme envisagé par le désormais moribond MGCS franco-allemand. Ce choix s’explique par plusieurs facteurs concomitants.
La pression du calendrier géopolitique et commercial
Que ce soit pour mener des frappes ciblées via des munitions télé-opérées [MTO], collecter des renseignement sur les positions ennemies, mener des opérations de déception, chercher des effets psychologiques chez l’adversaire ou bien encore prendre des images qui iront ensuite alimenter les réseaux sociaux à des fins de « lutte informationnelle » [ou de propagande], les drones aériens ont pris une place prépondérante dans la guerre en Ukraine.
Et ils participent à la « transparence du champ de bataille » qui, associée à « l’hyper-destructivité assurée par la quantité disponible, la précision et la létalité des armements de tout type » que possèdent les forces ukrainiennes et russes, expliquerait en partie le « blocage tactique » que l’on observe en Ukraine depuis plusieurs mois. En tout cas, telle est l’appréciation de la situation que le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], a livrée via Linkedin.
« L’association de ces deux effets, schématiquement d’une détection simplifiée et d’une destruction facilitée, génère des pertes élevées au moindre mouvement, incitant les belligérants à privilégier la défensive », a expliqué le CEMAT. Aussi, a-t-il continué, « pour les limiter, les combattants recherchent une protection accrue via la dispersion tactique et le recours aux fortifications de campagne ». Ce qui fait que les « gains territoriaux sont rares » et que la « progression tactique est très lente ».
Quelques semaines plus tôt, le général Schill avait estimé que « si l’hélicoptère et le drone ne sont pas l’alpha et l’oméga du combat aéroterrestre », faire l’impasse sur de telles capacités serait « rédhibitoire ». Et que, par conséquent, une « armée de Terre de premier rang » se devait d’être « à la pointe de leur développement et de leur intégration dans la manœuvre ».
Seulement, l’armée de Terre a encore du chemin à faire pour s’approprier pleinement les capacités offertes par les drones, même si elle en comptera environ 4000 à l’horizon 2025 [SDT Patroller, SMDR, Anafi, NX-70, Black Hornet 3, etc.]. En effet, le retour d’expérience du récent exercice interarmées Orion, a révélé « d’importantes disparités d’utilisation » de ces appareils « entre les régiments ».
C’est en effet le constat que le général Schill a fait dans une lettre adressée en juillet aux commandeurs de l’armée de Terre pour y détailler ses priorités pour le second semestre 2023. Aussi leur demande-t-il d’accentuer la préparation opérationnelle en matière d’utilisation des drones. « Le virage de leur emploi régulier par nos unités, en exercice comme en mission, doit être pris sans délai au risque d’un retard qu’il deviendra difficile de combler », écrit-il.
Seulement, la réglementation en matière de sécurité aérienne ne facilite pas forcément les choses.
« Les aspects de la procédure ou de formation sont parfois contraignants mais ne peuvent constituer des obstacles rédhibitoires », estime le CEMAT, qui dit avoir « rappelé l’impératif de lever les freins inutiles dès lors qu’il ne sont pas directement liés à la sécurité », lors d’assises dédiées à cette question, le 5 juin dernier.
« Faire voler des drones ne doit pas être plus compliqué qu’une sortie terrain ou une séance de tir » et les « drones doivent voler dans les unités en 2023 », a conclu le général Schill.
[EN VIDÉO] L’US Navy fait une démonstration de son canon laser La marine américaine vient de faire démonstration d’une arme digne des meilleurs films de science-fiction…
Compact, robuste et relativement léger, le canon laser Phantom vient d’être livré par Northrop Grumman à l’armée américaine. L’industriel est parvenu à concentrer une puissance de feu conséquente par rapport aux dimensions de l’appareil.
Dans la foulée de l’annonce par Lockheed Martin, de l’arrivée du canon laser le plus puissant du monde avec 500 kW, vient maintenant celle de Northrop Grumman. L’industriel vient de livrer au gouvernement américain un laser compact appelé Phantom. Il préfigure ce que devraient être les armes laser du futur en combinant une certaine puissance avec une petite taille, tout en étant suffisamment robuste pour rejoindre les champs de bataille. Il faut dire que pour le moment, les canons laser les plus puissants restent gigantesques et très lourds. Avec le Phantom, on reste certes très loin de la puissance de feu du canon actuel de 300 kW de Lockheed Martin, puisqu’il reste limité à des tirs de 10 kW. En revanche, l’appareil dispose d’un poids limité à 90 kilos et n’occupe que 0,3 m3, c’est-à-dire pratiquement la taille d’un petit réfrigérateur.
Il pourrait être transporté par deux militaires et sa carcasse renforcée lui permet d’encaisser les chocs. En revanche, ce module laser ne vaut rien s’il n’est pas imbriqué avec d’autres éléments essentiels. Pour que ce soit un système d’arme complet, il faut le brancher à une alimentation électrique et lui ajouter des systèmes optiques pour faire l’acquisition de la cible et l’impacter avec le faisceau laser. Malgré tout, miniaturiser à ce point une arme laser, tout en disposant d’une puissance conséquente est déjà une prouesse. Du côté de Lockheed Martin, l’industriel affirme pouvoir augmenter la puissance de 300 kW à 500 kW dans un système de même volume. C’est également un exploit, mais ce type d’armement reste gigantesque. Beaucoup moins puissant, le laser de Northrop Grumman pourrait être déployé sur des véhicules rapides ou des positions avancées pour abattre de petits drones.
Si on connaissait le score des matchs à l’avance, il n’y aurait strictement aucun intérêt à les jouer. Il en est de même pour les batailles et même encore moins, car on y meurt. Sauf à constater un rapport de forces initial écrasant en faveur d’un camp au départ d’une opération militaire, il n’est pas possible de prédire ce qui va se passer ensuite, ne serait-ce que parce que les moyens engagés sont énormes et que les interactions entre les différentes forces amies et ennemis relèvent rapidement du problème à trois corps de la science complexe. Décréter dès maintenant le succès de l’échec final d’une opération en cours est donc comme décider qu’une équipe a gagné ou perdu à 30 minutes de la fin du match alors que le score est toujours nul et qu’il n’y a pas de domination outrageuse d’un camp.
Et bien évidemment ces opérations-matchs, sanglantes, ne sont-elles même que des affrontements isolés dans la cadre d’une confrontation-compétition de longue haleine, ce qui implique une réflexion en trois étages, qui forment aussi trois niveaux d’incertitude : la stratégie pour gagner la compétition, l’art opérationnel pour gagner les matchs de différente nature, la tactique pour gagner les actions à l’intérieur des matchs. Ces opérations-matchs, il y a plusieurs et de nature différente en cours dans la guerre russo-ukrainienne et on assiste donc aussi à beaucoup d’indécisions, au sens de sort hésitant et non de manque de volonté. Faisons-en rapidement le tour, en se concentrant aujourd’hui, pour respecter un format de fiche à 3 pages, seulement sur les « opérations de coups ».
J’avais utilisé initialement l’expression « guerre de corsaires » pour désigner les opérations en profondeur. C’était une expression du général Navarre, commandant le corps expéditionnaire français dans la guerre en Indochine, pour désigner le mode opératoire qu’il souhaitait initialement appliquer contre le corps de bataille Viet-Minh à base de guérilla, de frappes aériennes, d’opérations aéroportées et de camps temporaires. L’idée était bonne mais l’application fut déficiente. Le principe général est de donner de multiples petits « coups » : raids au sol, frappes aériennes ou navales, sabotages, etc. afin d’affaiblir l’ennemi. On peut espérer que cet affaiblissement suffise par cumul à faire émerger un effet stratégique, une reddition par exemple – ce qui arrive rarement – ou une neutralisation de l’ennemi, réduit à une menace résiduelle. Le plus souvent cependant cet affaiblissement est surtout destiné à faciliter les opérations de conquête, l’autre grand mode opératoire où on cherche à occuper le terrain et disloquer le dispositif ennemi.
Les opérations de coups relèvent d’abord des forces des espaces communs, la marine, l’armée de l’Air, la cyber-force, et des Forces spéciales, de manière autonome ou parfois combinée.
Passons rapidement sur les cyber-opérations, non parce que ce ne soit pas intéressant mais parce qu’il y a peu d’éléments ouverts sur cette dimension, dont on avait fait grand cas avant-guerre et dont on est obligé de constater que cela n’a pas eu les effets spectaculaires attendus. Peut-être que ce n’est plus un « océan bleu », une zone vierge dans laquelle les possibilités sont considérables, mais un océan très rouge occupé maintenant depuis longtemps, car l’affrontement n’y connaît ni temps de paix ni temps de guerre, et où les parades ont désormais beaucoup réduit l’efficacité initiale des attaques. Peut-être aussi que cet espace n’est simplement pas vu, et donc abusivement négligé par les commentateurs comme moi, d’autant plus que ce n’est pas leur domaine de compétences. On pressent néanmoins qu’il y a là un champ où les Ukrainiens, avec l’aide occidentale qui peut s’exercer à plein puisqu’elle y est peu visible, peuvent avoir un avantage et donner des coups importants aux réseaux russes.
Le champ aérien est beaucoup plus visible. On peut y distinguer le développement d’une opération ukrainienne spécifique anti-cités, que l’on baptisera « opération Moscou » car la capitale en constitue la cible principale. Sa première particularité est de n’être effectuée, désormais presque quotidiennement, qu’avec des drones aériens à longue portée made in Ukraine, les alliés occidentaux interdisant aux Ukrainiens d’utiliser leurs armes de pour frapper le sol russe. Des drones donc, et pour rappel entre trois types de campagnes aériennes utilisant uniquement avions, missiles et drones, la diminution de puissance projetée est quasiment logarithmique. Autrement dit, avec les seuls drones on fait très peu de dégâts. Un seul avion Su-30SM russe peut porter la charge utile de 400 drones ukrainiens Beaver, avec cette particularité qu’il pourra le faire plusieurs fois.
Qu’à cela ne tienne, l’opération Moscou introduit des nuisances – la paralysie des aéroports par exemple – mais fait peu de dégâts et c’est tant mieux puisque cette opération a un but psychologique. Elle satisfait le besoin de réciprocité, sinon de représailles et vengeance, de la population ukrainienne frappée par les missiles russes depuis le premier jour de guerre, et vise également à stresser la population russe, notamment celle de la Russie préservée, urbaine et bourgeoise de Moscovie, en faisant entrer la guerre chez elle.
Sa deuxième particularité est qu’elle est peut-être la première campagne aérienne « non violente » de l’histoire, hormis les bombardements de tracts de la drôle de guerre en 1939-1940, puisqu’il y une volonté claire de ne pas faire de victimes en frappant de nuit des objectifs symboliques (bureaux de ministères ou d’affaires en particulier, voire le Kremlin) vides. Cela le mérite aussi de satisfaire le troisième public : le reste du monde et en particulier l’opinion publique des pays alliés de l’Ukraine qui accepterait mal que celle-ci frappe sciemment la population des villes russes. Il n’est pas sûr que les Ukrainiens y parviennent toujours. Il y a déjà eu des blessés par ces attaques de drones et on n’est statistiquement pas à l’abri d’une bavure qui ferait des morts. Cela aurait pour effet à la fois d’écorner l’image de la cause ukrainienne – et cette image est essentielle pour le maintien ou non du soutien occidental – et de provoquer une réaction anti-ukrainienne de cette population russe que l’on présente surtout comme apathique.
Toutes ces attaques par ailleurs sont autant de défis à la défense aérienne russe qui peut se targuer de petites victoires et de protéger la population lorsqu’elle abat des drones mais se trouve aussi souvent prise en défaut. Dans tous les cas, elle est obligée de consacrer plus de ressources à la défense des villes et donc moins sur le front, et cette présence physique dans les villes contribue encore à faire « entrer la guerre » dans la tête des civils russes, un des buts recherchés par les Ukrainiens.
En bon militaire, je préfère les actions anti-forces aux actions anti-cités et l’opération Bases consistant à attaquer les bases aériennes russes dans la profondeur me paraît beaucoup plus utile que de détruire des bureaux d’affaires. Sur 85 avions et 103 hélicoptères russes identifiés comme détruits ou endommagés par Oryx, respectivement 14 et 25 l’ont été, au minimum, dans les bases. Ces attaques ont surtout eu lieu dans les territoires occupés, dont la Crimée, mais aussi en Russie, près de Rostov le 26 février et le 1er mars avec deux missiles OTR-21 Tochka. Le 30 octobre, c’est un sabotage au sol qui détruit ou endommage dix hélicoptères dans la région d’Ostrov très près de la Lettonie. En septembre 2022, ce sont deux bombardiers qui sont touchés (un Tu-95 et un Tu-22) lors de deux attaques au drone Tu-141 semble-t-il (des vieux drones de reconnaissance à longue portée modifiés) et plus récemment le 19 août près de Novgorod (un Tu-22) de manière plus mystérieuse. On peut rattacher à cette opération, le raid d’hélicoptères Mi-24 du 31 mars 2022 sur un dépôt de carburant à Belgorod, l’attaque aux drones de la raffinerie de Novochakhtinsk le 22 juin 2022. Toute cette campagne anti-forces en profondeur n’est encore qu’une série de coups d’épingle, mais ce sont les coups d’épingle les plus rentables qui soient.
Les Ukrainiens ont tout intérêt à développer encore cette campagne en profondeur avec une force de sabotage, autrement dit clandestine. C’est plus difficile à organiser que des frappes aériennes mais les effets sont peut-être plus forts. Comme les alunissages, la présence d’humains provoque plus d’impact psychologique dans les opérations militaires que celle de simples sondes et machines. Savoir que des hommes ont pénétré, violé presque, l’espace national en l’air et plus encore au sol pour y provoquer des dégâts provoque plus de choc que si les mêmes dégâts avaient été faits par des drones. Si en plus on ne sait pas qui a effectué ces actions et c’est la paranoïa qui se développe, dans la société et le pouvoir russes plus qu’ailleurs. Les Ukrainiens ont tout intérêt surtout à développer encore leur force de frappe à longue portée au-delà des drones, qui apportent surtout le nombre, avec des missiles à portée de plusieurs centaines de kilomètres. C’est ce qu’ils sont en train de faire avec plusieurs projets qu’il ne s’agit simplement d’inventer mais surtout de produire en masse. S’ils y parviennent, la campagne de frappes en profondeur prendra une tout autre dimension, qu’elle soit anti-cités avec les risques évoqués ou préférentiellement anti-forces. Peut-être par ailleurs qu’à partir d’un certain seuil, disons si tous les jours le sol russe est attaqué par des drones, missiles ou commandos, l’interdiction d’emploi des armes occidentales n’aura plus de sens et que les Ukrainiens pourront aussi les utiliser, ce qui augmentera les capacités d’un coup.
Si la capacité ukrainienne d’agir dans la profondeur russe n’a cessé d’augmenter, celle de la Russie en Ukraine n’a cessé au contraire de se réduire. Entre une puissante force aérienne, un arsenal imposant de missiles et une dizaine de brigades de forces spéciales, on pouvait imaginer l’Ukraine ravagée dans toute sa profondeur dès le début de la guerre.
L’emploi de tous ces moyens n’a duré en fait que quelques semaines et à un niveau très inférieur à ce à quoi on pouvait s’attendre, la faute à une doctrine incertaine en la matière et surtout à une défense aérienne ukrainienne solide. Les Russes ont donc descendu très vite l’échelle logarithmique de la puissance projetée, en commençant par réduire l’activité de leurs aéronefs pilotés au-dessus du territoire ukrainien pour les consacrer à la ligne de front, puis en réduisant rapidement la cadence de tir de missiles modernes, en leur substituant ensuite de plus en plus d’autres types de missiles aussi dévastateurs mais de moindre précision et souvent de moindre portée, et enfin à utilisant de plus en plus à la place des drones Shahed et des lance-roquettes multiples pour les villes à portée de tir.
Le tonnage d’explosif lancé par les Russes n’a cessé de se réduire, tout en se concentrant sur les villes assez proches de la ligne de front et en faisant quasiment tout autant de victimes civiles par moindre précision. On ne voit d’ailleurs plus désormais de ligne directrice dans ces frappes hormis le besoin de répondre par des représailles aux coups ukrainiens. C’est d’autant plus absurde que cela contribue à dégrader l’image russe, ce dont ils semblent se moquer à part que cela joue sur le soutien de l’opinion publique occidentale à l’Ukraine, une donnée stratégique pour eux. Bien entendu, cela ne diminue en rien la détermination ukrainienne, bien au contraire.
La campagne aérienne en profondeur russe pourrait être relancée par une production accrue de missiles et/ou leur importation cachée auprès de pays alliés, mais surtout par l’affaiblissement soudain de la défense aérienne ukrainienne en grande tension de munitions. Une défense aérienne sans munitions et ce sont les escadres de chasseurs-bombardiers russes qui pourraient pénétrer dans le territoire ukrainien et faire remonter d’un coup le logarithme de la puissance. Un des intérêts des avions F-16, qui sont avant tout des batteries air-air volantes à 150 km de portée, est de pouvoir contribuer à empêcher cela.
Un des mystères de cette guerre est l’emploi étonnant des Forces spéciales par les Russes. Le ministère de la Défense russe avait pris de constituer une solide armée. Chaque service de renseignement russe, FSB, SVR, GRU, dispose de ses Spetsnaz (spetsialnoe naznachenie, emploi spécial). Les deux unités du FSB, Alfa and Vympel, totalisent peut-être 500 hommes. Zaslon, l’unité du SVR à vocation internationale en représente peut-être 300. Le gros des forces est évidemment constitué par les sept brigades Spetsnaz à 1 500 hommes du GRU, le plus souvent rattachés à des armées, et les bataillons à 500 hommes affectés à chacune des flottes, soit avec le soutien peut-être 12 000 hommes. Les troupes d’assaut aérien (VDV) ont également formé un régiment puis une brigade spéciale, la 45e, enfin, un commandement des opérations spéciales (KSO) de peut-être 1500 hommes, a été rattaché directement au chef d’état-major des armées, à la grande colère du GRU. Bref, il y avait là, avec l’appui des VDV, de quoi mener constituer une force de sabotage dans la grande profondeur, ou même de guérilla, par exemple le long de la frontière polonaise en s’appuyant sur la base biélorusse de Brest.
Il n’en a rien été, la défense aérienne ukrainienne empêchant les opérations héliportées et la défense territoriale ou les forces de police ukrainiennes maillant bien le terrain. Les Forces spéciales, 45e brigade et brigades GRU ont d’abord été utilisées en avant, clandestinement ou non, des opérations terrestres, puis de plus en plus en remplacement d’une infanterie de l’armée de Terre totalement déficiente. Une 22e brigade Spetsnaz très réduite et ce qui reste de la 45e brigade sont ainsi actuellement en train de combattre en première ligne devant Robotyne. Des occasions ont très certainement été gâchées en la matière par les Russes et on ne voit pas comment il pourrait y remédier. Sans doute y songent-ils mais on n’improvise pas une force d’action en profondeur.
Au bilan et il faut le rappeler, les opérations en profondeur apportent rarement seules des effets stratégiques, mais elles contribuent à l’affaiblissement de l’ennemi à condition de ne pas coûter plus cher qu’elles ne « produisent ». À ce titre, les opérations russes ne produisent plus grand-chose, à mort des morts et des blessés et des destructions de cathédrale, ou tout ou plus un affaiblissement économique en s’attaquant par exemple aux infrastructures de commerce de céréales. Dans un croisement des courbes stratégiques, selon l’expression de Svetchine, les Ukrainiens montent au contraire en puissance, mais les effets matériels restent minimes au regard de ce qui se passe sur le front et il s’agit surtout d’effets psychologiques, assez flous mais pourtant certains. En 2024, il en sera sans doute autrement.
La prochaine fois on parlera de guérilla d’État terrestre ou navale.
Sur les 12 drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], seuls les trois laissés au standard Block 1 ont obtenu un certificat de navigabilité auprès de la Direction de la sécurité aéronautique de l’État [DSAE], ce qui leur permet d’évoluer dans l’espace aérien français et d’être, par exemple, engagés dans des Dispositifs particulier de sûreté aérienne [DPSA].
Quant aux neuf autres drones Reaper, ils ont été – ou sont sur le point de l’être – portés au standard Block 5. Et au regard des modifications induites par cette modernisation [nouveau système électrique, suite logicielle et capteurs plus performants, etc.], il s’agit quasiment de nouveaux appareils… Ce qui nécessite un nouveau certificat de navigabilité pour les faire voler en France. Faute de quoi, ceux qui n’ont pas été déployés sur un théâtre d’opérations extérieur seront condamnés à rester dans les hangars de la base aérienne 709 de Cognac.
Le problème est que, depuis deux ans, et en raison d’une « incertitude » concernant leur nouvelle suite logicielle, la Direction générale de l’armement [DGA] n’a pas encore été en mesure de garantir la sécurité des vols de ces Reaper Block 5.
« En France, nous avons trois Block 5 mais nous n’avons pas encore l’autorisation de les faire voler : nous sommes en attente de l’accréditation du certificat de navigabilité pour opérer dans l’espace aérien en métropole. Une nouvelle version logicielle doit être intégrée sur ces appareils, puis être testée et validée par la DGA», a a effet récemment expliqué le commandant de l’escadron de drones 2/33 Savoie au magazine spécialisé Raids Aviation.
Cependant, cette situation ne devrait pas tarder à évoluer. En effet, le 4 août, via Twitter, la DGA a fait savoir qu’elle venait de superviser les premiers vols d’essais du Reaper Block 5 « dans sa version logicielle dit ‘2408’ au-dessus du territoire » national.
« Ces premiers essais vont permettre la réalisation des vols d’expérimentation par le Centre d’expertise aérienne militaire [CEAM] au profit de l’armée de l’Air & de l’Espace », a-t-elle ajouté. À noter que deux Rafale ont également été impliqués dans ces tests, en raison de leur « complexité ».
« L’étude des résultats des expérimentations permettra la mise en service du Reaper dans sa version logicielle 2408 », ce qui permettra à l’AAE « à s’entraîner sur le territoire français avec des contraintes limitées, tout en assurant la sécurité de la population survolée », a conclu la DGA.
Mais la nouvelle version du Rafale, désignée F5, qui doit entrer en service à partir de 2030, pourrait bien profondément changer le rapport de force opérationnel et commercial entre ces deux appareils pour les années et décennies à venir. Dans la première partie de cet article, nous avons étudié deux critères de cette évolution, la transformation du Rafale en Système de combat aérien avec la version F5 d’une part, et l’arrivée des drones de combat Neuron et Remote Carrier de l’autre, venant gommer les atouts du F-35A tout en exacerbant ceux du chasseur français.
Dans cette seconde partie, nous aborderons 3 autres domaines majeurs venant infléchir ce rapport de force : les nouvelles capacités et les nouvelles munitions du Rafale F5; l’apparition du Club Rafale et l’émergence d’une nouvelle stratégie commerciale et industrielle française, et enfin l’influence de la hausse des couts de possession du F-35 sur les compétions à venir.
3- Les nouvelles capacités et de nouvelles munitions du Rafale F5
Outre les drones eux-mêmes, le Rafale F5 sera doté de nouvelles munitions et de nouvelles capacités, qui lui permettront de combler certaines faiblesses relatives vis-à-vis du F-35. C’est notamment le cas dans le domaine de la suppression des défenses anti-aériennes adverses, à laquelle il est commun de faire référence par l’acronyme SEAD qui, comme nous nous en étions plusieurs fois fait l’écho depuis 2018, représentait un manque important dans la panoplie opérationnelle du Rafale jusqu’ici.
Si la composition de cette capacité dont sera doté le Rafale F5 n’a pas encore été officiellement présentée, on peut supposer qu’elle reposera sur l’utilisation conjointe de brouilleurs radar venant s’ajouter aux systèmes d’autodéfense de l’appareil, pour lui donner la possibilité d’englober d’autres appareils dans sa bulle de protection, ainsi qu’une ou plusieurs munitions anti-radiations, conçues pour remonter le faisceau radar de l’adversaire pour venir le détruire.
Le Rafale F5 sera également conçu pour mettre en oeuvre les nouveaux missiles franco-britanniques FMC (Futur Missile de Croisière) et FMAN (Futur Missile Anti-Navire) qui devront respectivement remplacer les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow d’une part, et AM39 Exocet de l’autre.
Ces deux munitions de précision à longue portée en cours de conception, seront dotées de caractéristiques évoluées, comme la furtivité ou une vitesse hypersonique, pour défier les systèmes de défense anti-aériens modernes comme des systèmes de brouillage et de leurrage, et conféreront à l’appareil des capacités de frappe à longue distance très avancées dans les décennies à venir.
L’appareil se verra également doté d’un pod fusionnant les capacités des nacelles de désignation de cible Talios et de la nacelle de reconnaissance RECO NG en un unique équipement, conférant au chasseur une vision tactique air-sol, air-surface et même air-air d’une grande précision, et ainsi de multiples options opérationnelles tout en restant en mode non-émitif.
Enfin, le Rafale F5 sera conçu pour mettre en œuvre le nouveau missile de croisière hypersonique ASN4G à charge nucléaire, qui doit remplacer l’ASMPA au sein des deux escadrons de l’Armée de l’Air et de l’Espace et des flottilles de la Marine nationale formant la composante aérienne de la dissuasion française. Toutefois, cette capacité, bien que critique pour la défense française, n’aura probablement que très peu d’influence sur le marché international.
D’autres munitions et capacités pourraient être intégrées au Rafale F5 d’ici 2030. On pense notamment à des munitions air-sol de précision légères comme la BAT-120 LG de Thales, ainsi que des munitions rôdeuses à moyenne portée, d’autant que ces armes légères trouveraient naturellement leur place à bord des drones de combat épaulant l’appareil, y compris des Remote Carrier. En outre, il bénéficiera de l’arsenal actuel du Rafale F4, à savoir les missiles air-air Meteor et MICA NG, ou encore des bombes planantes propulsées ASSM particulièrement efficaces.
Dès lors, en 2030, le Rafale F5 disposera d’une panoplie opérationnelle globale et très moderne, parfaitement à niveau voire supérieure en certains points de celle proposée par le F-35, privant ce dernier d’un des atouts clés sur lequel il battit son succès commercial.