Les conditions d’une future politique sahélienne

Les conditions d’une future politique sahélienne

Soldats français de l’opération Barkhane en patrouille avec des soldats maliens imbamogoye(Mali) avril 2016 Pascal Guyot/AFP
Editorial de Bernard Lugan publié en janvier 2025

Au Sahel où le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes), la situation est désormais hors contrôle. Face aux massacres de civils les armées locales sont totalement dépassées quand elles ne sont pas complices. Quant aux mercenaires russes, ce n’est pas en multipliant les crimes de guerre qu’ils pourront faire croire aux populations qu’ils sont animés de la « parcelle d’amour » qui était si chère à Lyautey et aux grands coloniaux français…
Il faut bien voir que la catastrophe actuelle résulte de deux principales erreurs de diagnostic faites par les décideurs parisiens : 
1) Avoir cautionné la cuistrerie de ceux de leurs « experts » officiels qui qualifiaient systématiquement de jihadiste tout bandit armé ou même tout porteur d’arme
Alors que nous étions face à un « cocktail » de revendications ethniques, sociales et politiques opportunément habillées du voile religieux, et que le trafic était devenu le poumon économique de populations subissant les effets d’une désertification accélérée par la démographie. D’où la jonction entre trafic et islamisme, le premier se faisant dans la bulle sécurisée par le second.
2) Avoir ignoré les constantes ethno-historico-politiques régionales. 
Un tel refus obstiné de prendre en compte les réalités ethniques s’explique à la fois par l’idéologie et par l’ignorance. Avec pour conséquence que des solutions aussi hors sol que simplistes ont été plaquées sur la complexe, mouvante et subtile alchimie humaine sahélienne. 
En effet, dans ces immensités où le jihadisme surinfecte de vieilles plaies ethno-historiques, présenter comme solution un processus électoral est une farce tragique car il n’aboutit qu’à un sondage ethnique grandeur nature. Quant au discours convenu prônant la nécessité de combler le « déficit de développement » ou encore la « bonne gouvernance », il relève du charlatanisme politique… 
En 2025, si, après avoir été honteusement « éjectée » du Sahel à la suite de l’accumulation des erreurs commises par Emmanuel Macron, la France décidait d’y revenir, ses dirigeants devraient alors bien réfléchir. Ils ne devraient en effet plus voir la question régionale à travers le prisme des idéologies européo-centrées, des automatismes contemporains et des « singularités » LGBT. 
Tout au contraire, il s’agirait pour eux de replacer les évènement dans leur contexte historique régional à travers cette longue durée qui, seule, permet de comprendre qu’ils sont liés à un passé toujours prégnant et qui conditionne largement les choix des uns et des autres. 
Pour le comprendre, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Au Tchad, où la campagne électorale pour les élections législatives et locales prévues le 29 décembre bat son plein, les autorités veulent accélérer le départ des forces françaises.

Selon mon confrère Franck Alexandre, de RFI, des sources proches du gouvernement français indiquent que Paris a bien reçu, jeudi soir 19 décembre, une demande pour un départ de tous les soldats français avant le 31 janvier prochain. Information que RFI a pu confirmer côté tchadien.

« La négociation est toujours en cours », assurent les militaires français cités par mon confrère. Les discussions seraient « techniques, mais se passent bien », précisent-ils. Même son de cloche apparemment à Ndjamena où l’on insiste sur la qualité du partenariat. « La situation n’a rien à voir avec les pays de l’AES », souligne une source proche des autorités tchadiennes, ajoutant qu’un premier calendrier de retrait s’étalant jusqu’en mars a été refusé, car jugé trop long.

« On veut montrer que le désengagement est bien en cours », ont déclaré de hauts responsables militaires français qui confirment aussi que les relèves prévues ont été annulées et le matériel des unités arrivantes a été rappelé en métropole. D’où le départ le 10 décembre du détachement chasse dont les Mirage 2000 stationnaient sur la base aérienne de Ndjamena. D’où aussi l’évacuation en cours des emprises françaises de Faya-Largeau (50 soldats) et d’Abéché (une centaine d’hommes). Deux bases lointaines, à dix jours de piste.

Il faudra ensuite s’occuper du camp Kossei.

Après les redéploiements français du Sahel (du Mali en particulier), les forces françaises ont éprouvé leurs procédures et maîtrisent les étapes des sorties de théâtre. Ce qui ne signifie pas que ce type d’opération est sans risques et sans surprises.

Une partie de matériel prendra certainement la route maritime pour regagner la métropole. Des ports du Cameroun pourraient être utilisés. A moins que les infrastructures portuaires de la Guinée Equatoriale, notamment le port de Bata, ne puissent aussi servir pour ce transit.

Actualisation
Ce vendredi, « 120 soldats français ont décollé de l’aéroport militaire de N’Djamena à bord d’un Airbus A330 Phoenix MRTT, à destination de la France », selon un communiqué publié sur la page Facebook du ministère tchadien des Armées. Interrogée par l’AFP à Paris, l’armée française n’a pas commenté cette annonce. Mais des photos du départ de ces soldats circulent sur les réseaux sociaux:

 

Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024

Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024


En ce jour particulier qui devrait être celui de la paix, de la fraternité et du partage, que vous soyez en famille, en opération, de permanence, seuls ou avec vos frères d’armes, Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024.

Chaque année, il est d’usage d’accompagner ce court message de Noël par un poème. Cette fois, ce sera un texte du commandant Antoine de Saint-Exupéry, tiré de son ouvrage « Citadelle ».

Mais j’ai bâti à l’heure de la garde mes sentinelles. Et il est quelqu’un, ici, pour manger. Leur repas est bien autre chose que soins accordés au bétail pour accroissement du tour du ventre. Il est communion dans le pain du soir des sentinelles. Et certes chacune l’ignore.

Cependant de même que le blé du pain, à travers eux, se fera vigilance et regard sur la ville, il se trouve que la vigilance et le regard qui embrasse la ville, à travers eux, se fait religion du pain. Ce n’est pas le même pain qui est mangé. Si tu désires les lire dans leur secret qu’ils ignorent eux-mêmes, va les surprendre au quartier réservé, quand ils courtisent les femmes. Ils leur disent :

« J’étais là, sur le rempart, j’ai entendu siffler trois balles à mon oreille. Je suis demeuré droit, n’ayant point peur. »

Et ils plantent dans le pain leurs dents avec orgueil. Et toi, stupide, qui écoutes les mots tu confonds avec une vantardise de soudard la pudeur de l’amour. Car si le soldat raconte ainsi l’heure de ronde c’est bien moins pour se faire grandiose que pour se complaire dans un sentiment qu’il ne peut dire. Il ne sait pas s’avouer à lui-même l’amour de la ville. Il mourra pour un dieu dont il ne sait dire le nom. Il s’est déjà donné à lui, mais il exige de toi que tu l’ignores. Il exige de soi-même cette ignorance.

Il lui paraît humiliant de paraître dupe de grands mots. Faute de savoir se formuler il refuse par instinct de se soumettre à ton ironie son dieu fragile. De même qu’à sa propre ironie. Et tu vois mes soldats jouer les matamores et les soudards – et se complaire à ton erreur – pour goûter quelque part, au fond d’eux-mêmes, et comme en fraude, le goût merveilleux du don à l’amour.

Et si la fille leur dit : « Beaucoup d’entre vous – et c’est bien dur – mourront en guerre… », tu les entends approuver bruyamment. Mais ils approuvent par des grognements et des jurons. Cependant elle éveille en eux le plaisir secret d’être reconnus. Ils sont ceux qui mourront d’amour.

Et si tu parles d’amour, alors ils te riront au nez ! Tu les prends pour des dupes dont on tire le sang avec des phrases de couleur ! Courageux, oui, par vanité ! Ils jouent les matamores par pudeur de l’amour. Ainsi ont-ils raison car il arrive que tu les voudrais dupes.

Tu te sers de l’amour de la ville pour les convier au sauvetage de tes greniers. Se moquent bien de tes greniers vulgaires. Te feront croire par mépris pour toi qu’ils affrontent la mort par vanité. Tu ne conçois point véritablement l’amour de la ville. Ils le savent de toi le repu. Sauveront la ville avec amour, sans te le dire, et injurieusement, puisque tes greniers logent dans la ville, ils te jetteront comme un os au chien, tes greniers sauvés.

Illustration : Légion étrangère

Réorganiser la mission Sentinelle

Réorganiser la mission Sentinelle

Soldats en armes de l’Armée de terre en mission de surveillance dans le quartier des affaires de Paris La Défense dans le cadre de l’Opération sentinelle. Au fond, l’Arc de Triomphe.//MASTAR_MASTAR1220002/Credit:M.ASTAR/SIPA/1707151231

 

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 9 décembre 2024

https://www.revueconflits.com/reorganiser-la-mission-sentinelle/


Le 4 novembre 2015 Jean Yves le Drian alors ministre de la Défense s’adresse à des soldats de la toute jeune opération Sentinelle et déclare « Notre engagement s’inscrit dans la durée, aussi longtemps que cette situation l’exigera ». Neuf ans plus tard, le CEMA devant la représentation nationale rajoute « Nous continuons à adapter notre posture sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle. »

Cette opération qui implique 10 000 hommes (sur le terrain ou en alerte) est la plus consommatrice en soldats des 30 dernières années. Elle formate et rythme le quotidien des unités et rares sont les soldats qui n’y ont jamais participé. Pourtant, en 2022, la cour des comptes dans sa recommandation n°2 du document S-2022-1439 Opération Sentinelle conseille de « transférer la mission sentinelle aux forces de sécurité intérieures (FSI) ». Cette recommandation s’appuie sur deux observations la première étant que les résultats obtenus par cette opération sont difficilement quantifiables, la seconde que les soldats n’atteignent plus leurs 90 jours de préparation opérationnelle depuis 2015.

Néanmoins, le climat géopolitique actuel et les attentats encore réguliers en Europe rendent difficilement justifiable devant l’opinion publique l’arrêt de cette opération et aucune déclaration publique de responsable politique ne va dans le sens de la recommandation de la cour des comptes. Ainsi, l’opération devrait se poursuivre.

L’armée française en opération extérieure chez elle

Les unités de Sentinelle sont issues d’une génération de force, comme le modèle « au contact » (datant de 2015) le permettait. Ce sont donc des unités de circonstance qui partent dans des zones éloignées de leurs casernes. Ces unités de combat terrestre issues de l’ensemble des spécialités de l’armée de terre sont constituées pour deux mois sans provenir nécessairement de la même grande unité (brigade ou division). Cette méthode avait déjà permis la constitution d’unités lors de l’opération Serval en 2013.

Les patrouilles sur place sont coordonnées par un état-major tactique constitué par l’ensemble des cellules permettant le commandement d’unités en opération extérieure. Le chef de la compagnie déployée est sous les ordres d’un chef de circonstance, à l’image de ce qui se pratiquait lors de l’opération Barkhane.  Ainsi, la structure hiérarchique est identique à celle utilisée habituellement en opérations.

Le régime de quartier libre est aussi assez strict, un soldat ne peut pas s’absenter plus de trois jours et uniquement pour des raisons impérieuses. Il est fréquemment autorisé par le commandement sur place de faire venir sa famille 24 heures, mais cela reste soumis à une autorisation. Il est donc habituel que les soldats passent 2 mois loin de leurs proches sans possibilité de s’absenter. La vie de famille des militaires de Sentinelle en est fortement impactée comme celle de leurs camarades en mission à l’étranger.

Le départ en mission Sentinelle s’apparente de fait par la durée et l’organisation à une projection sur un théâtre d’opération extérieure. Ainsi, les sacrifices personnels consentis sont semblables. Ces absences régulières, longues et pour réaliser une mission monotone rendent difficile la fidélisation des soldats.

Ainsi, les résultats obtenus dans la lutte antiterroriste sont difficilement quantifiables et les conséquences négatives en termes d’entraînement et de fidélisation sont observable facilement. Pour ces trois raisons, une réorganisation de cette mission est nécessaire.

La régionalisation de Sentinelle

Le format actuel de projection provoque des absences longues du foyer et rend difficile la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Il est néanmoins nécessaire pour des raisons opérationnelles, cette présence prolongée permettant de maitriser l’environnement. Les centres villes, les gares et les cibles potentielles sont tous différents, il faut plusieurs semaines de présence pour s’approprier le terrain et ses contraintes.

Cette méconnaissance du terrain est toutefois provoquée par l’absence de zone attitrée à une unité. En effet, les régions de déploiement sont désignées en fonction de la disponibilité des unités. Les zones changent donc régulièrement et les soldats patrouillent rarement au même endroit de mission en mission.

De 2013 à 2023, les opérations extérieures ont suivi la même logique. L’ensemble des unités de l’armée de terre étaient susceptible de servir sur l’ensemble des théâtres. Désormais, les missions à l’étranger sont réparties en fonction du type de brigade et chacune d’entre elle est envoyée sur son type de théâtre.

L’opération Sentinelle pourrait suivre le même chemin. En effet, cette opération compte actuellement six zones de déploiement avec un effectif variable en fonction de l’importance de la région. L’Île de France contient ainsi un effectif bien plus important que les autres : plus de la moitié des militaires sont prévus pour cette région. Cette régionalisation confierait à chaque brigade une zone déterminée qui deviendrait son théâtre d’opération intérieure.

Cette organisation possèderait plusieurs avantages, tout d’abord la répétition des missions au même endroit permettrait une réelle connaissance de la zone à protéger tout en permettant de se l’approprier sur plusieurs missions. Ensuite le lien avec les FSI serait renforcé. En effet, la répétition des échanges et des patrouilles au long des mandats améliorerait la connaissance mutuelle et fluidifierait les interactions. On obtiendrait ainsi une plus grande efficacité opérationnelle.

De plus, cela renforcerait l’intégration des soldats au sein de la population locale. Les échanges réguliers avec les commerçants locaux, les associations sportives et les écoles provoqueraient la création d’histoires personnelles. Les échanges seraient prolongés sur plusieurs mandats et seraient réalisés par les mêmes personnes. Le lien armée-nation en sortirait renforcé.

La plus-value de réaliser des mandats de deux mois s’en retrouverait ainsi réduite. On raccourcirait alors de plus de moitié la durée des mandats, mais ils devront revenir plus régulièrement. L’impact sur la vie des familles serait alors semblable à celui d’une formation ou d’un exercice. La monotonie de la mission en deviendrait aussi plus supportable.

En adoptant cette organisation, l’armée de terre poursuivrait ses missions de « protection, dissuasion et réassurance » de la population française tout en limitant les conséquences négatives sur la fidélisation.

Un attrait supplémentaire pour la réserve opérationnelle

La transformation actuelle de l’armée de terre a pour objectif de doubler l’effectif de la réserve opérationnelle. De plus, des unités territoriales de réserves sont en création avec la constitution de bataillons de réserves. Ceux-ci seront rattachés à une zone géographique. Si l’idée de régionalisation exprimée ci-dessus était mise en application, les bataillons de réserve, à l’image des brigades, devraient être affectés à une zone Sentinelle de manière permanente. En effet, la mission Sentinelle emploie de nombreux réservistes et l’attrait opérationnel de la réserve s’incarne au travers de cette mission. De plus, les réservistes s’engagent généralement dans les régiments proches de chez eux. Si la zone Sentinelle correspondait à la zone d’implantation des différentes brigades, alors les réservistes participeraient à la protection de leur région. La perspective de participer à la protection de l’école de son enfance ou au clocher de son village aurait sans doute un effet positif sur l’attractivité de la réserve en rendant plus concrète la mission.

Des objectifs de missions

Si ces perspectives apporteraient des améliorations dans le domaine de la fidélisation et de l’attractivité, la monotonie de cette mission resterait forte. Les événements demandant à la force Sentinelle d’intervenir en mettant en œuvre ses savoir-faire militaires demeurent heureusement rares. Une certaine lassitude se fait ainsi sentir au sein de la troupe en fin de déploiement.

Pourtant l’armée française patrouille dans certaines régions de France avec des missions différentes ou supplémentaire à « protéger, dissuader, rassurer ». En Guyane, la mission Harpie utilise des patrouilles de l’armée de terre pour lutter contre les orpailleurs et combattre les trafics d’or et la pollution des sols.

De plus, une partie de la frontière avec l’Italie est également surveillée en coordination avec les forces de sécurité par l’armée de terre pour lutter contre l’immigration clandestine. Cette mission dans les Alpes est l’embryon de la force frontière appelée à se généraliser selon les déclarations du ministère de l’Intérieur.

Ces deux missions reposent sur l’interaction entre les FSI et les forces armées. En effet, un officier de police judiciaire (OPJ) est présent lors des patrouilles évoquées ci-dessus. Le groupe de combat terrestre (patrouille Sentinelle) intégrant un OPJ serait une unité mobile et bien équipée. Elle permettra d’effectuer plus de surveillances et de contrôles dans les zones difficiles.

Un récent sondage indique que 70% des Français sont favorables à la participation de l’armée à la lutte contre le narcotrafic. L’armée de terre a déjà démontré son utilité dans la lutte contre différents trafics, notamment dans les zones difficiles d’accès où la rusticité du soldat se révèle être un atout. Si des objectifs de cet ordre étaient fixés aux patrouilles de Sentinelle, il est certain que la monotonie de cette mission s’en trouverait diminuée.

Conclusion

L’opération Sentinelle opère sur le territoire français depuis bientôt dix ans, cette mission s’est inscrite dans le quotidien des habitants et les hommes en armes passent comme des ombres aux abords des gares et des terrasses des cafés. Les moyens financiers conséquents engagés (plus de 3 milliards d’euros selon la Cour des comptes) doivent contribuer à renforcer l’armée de terre sans diminuer sa capacité d’entraînement ni son taux de renouvellement de contrat. Si ces moyens sont loin d’être gaspillés et que les hommes de Sentinelle ont déjà permis d’éviter le pire, une réorganisation de son dispositif qui correspondait à l’urgence de 2015 devrait être engagée.

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Des soldats devant les bâtiments de l’Assemblée mardi soir. Photo by Jung Yeon-je / AFP

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a créé la surprise en proclamant mardi la loi martiale, avant de la retirer quelques heures plus tard sous la pression des parlementaires et d’une foule de manifestants. Yoon a dit avoir proclamé la loi martiale « pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ».

En ce qui concerne l’armée sud-coréenne, principale partie prenante de la loi martiale d’urgence, que retenir des événements de mardi soir?

D’abord, l’alignement des chefs militaires sur la décision présidentielle. Cet alignement a débouché sur la proclamation d’un décret en six points du nouveau commandant de la loi martiale, le chef des armées, général Park An-su. Ce décret interdisait les activités et les partis politiques, la « fausse propagande », les grèves et les « rassemblements qui incitent à l’agitation sociale ». Yoon s’est entouré d’hommes à sa botte et à nommé des proches dans toute l’infrastructure sécuritaires (armées et renseignement). Mais, comme l’écrivait en septembre l’ancien patron des forces spéciales sud-coréennes, le général Chun in-bum, « pour qu’un coup d’état ou une loi martial réussisse, il faudra plus que des nominations de hauts gradés; ça exigera la complicité de l’institution militaire dans son ensemble et une opinion publique passive ». Et c’est bien ce qui a manqué mardi soir.

Ensuite, l’entrée (plutôt compliquée) des commandos sud-coréen dans un des bâtiments du Parlement, comme le montre cette vidéo où l’on voit le personnel et vraisemblablement des élus s’opposer à la progression des soldats:

Des hélicoptères ont déposé des troupes dans l’enceinte du Parlement, selon des images de vidéosurveillance diffusées mercredi. D’autres soldats, obéissant aux ordres du chef d’état-major conjoint (Joint Chiefs of Staff JCS), l’amiral Kim Myung-soo, ont escaladé les clôtures de l’enceinte gouvernementale après minuit. Quelque 300 militaires ont pris part à cette action au Parlement dont 230 ont été héliportés en 24 rotations. Mais numériquement, ils ont été vite débordés par la foule des opposants.

Enfin, un constat encourageant: les militaires ont fait preuve de retenue et il ne semble, en ce mercredi matin, qu’aucun débordement/dérapages par les forces de l’ordre n’ait été recensé. On a connu (malheureusement) des militaires sud-coréens ayant la main beaucoup plus lourde, comme en 1980 lors de la précédente et dernière en date proclamation de la loi martiale (officiellement 230 morts). D’ailleurs, des photos des soldats à l’Assemblée montrent qu’ils étaient équipés de munitions d’entrainement (voir le chargeur bleu du militaire à droite de la photo):

Photo by YONHAP / AFP

Et maintenant?

Le Joint Chiefs of Staff JCS a, peu après l’annonce de l’imposition de la loi martiale, rassuré les Américains, précisant que les troupes engagées ne venaient pas de la zone frontalière avec la Corée du Nord et que la sécurité du territoire était bien assurée.

A moyen terme, les forces armées sud-coréennes risquent de se retrouver plongées dans les convulsions politiques post-loi martiale, convulsions exacerbées par la « complicité » du ministre de la Défense de Yoon, Kim Yong Hyun, la complaisance de certains chefs militaires et l’assaut très médiatisé mené par des unités contre l’Assemblée nationale.

« Cette situation laissera des séquelles durables dans les relations civiles et militaires délicates de la Corée du Sud. Mais le risque sécuritaire immédiat concerne la défense extérieure, en particulier compte tenu des incertitudes probables autour du commandement et du contrôle militaires au lendemain de la loi martiale. Cela va évidemment inquiéter les États-Unis, allié de la Corée du Sud par traité, et les forces américaines en Corée », estime Euan Graham, un analyste de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Le maillage territorial : colonne vertébrale de la BITD française

04/12/2024

https://aassdn.org/amicale/le-maillage-territorial_colonne-vertebrale-de-la-bitd-francaise/


Pour s’adapter aux bouleversements géopolitiques, la France a dévoilé une nouvelle feuille de route pour son industrie de défense. L’augmentation de la production, la refonte des normes et le développement de pôles d’excellence régionaux sont au cœur de cette stratégie. 

Commentaire AASSDN : L’industrie de Défense française s’articule autour de 9 grands groupes (Thalès, Dassault, Safran, Naval Group, Airbus, KNDS1, MBDA, TechnicAtome, Arquus), reliés à environ 4 000 sous-traitants (ETI,  PME, TPE, laboratoires et centres de recherche). Ce réseau d’entreprises est un atout majeur pour assurer à la France sa souveraineté dans le domaine de la Défense . En outre, ce réseau lui fournit  des outils lui permettant de nouer des partenariats stratégiques avec des pays qui souhaitent ne pas être totalement dépendants de tel ou telle grande puissance (Etats-Unis ou Chine notamment ) tout en disposant de matériels de la meilleure qualité.

Par ailleurs, c’est un atout pour notre économie tant par les exportations qu’elle réalise (la France est 2e ou 3e exportateur mondial selon les années) que par le fait que l’essentiel des armements est produit en France.
Notons que les centres de recherche et les processus de fabrication de certains équipements de haute technologie, sont particulièrement visés par les Services de nos compétiteurs. C’est pourquoi la France se doit de maintenir, voire renforcer son excellence scientifique et d’assurer la meilleure protection contre les ingérences étrangères.

1 En 2015, les sociétés Nexter et Krauss Maffei Wegmann (KMW), respectivement systémier intégrateur du Leclerc et du Leopard, se sont regroupées au sein de KNDS afin de devenir le leader européen de la défense terrestre.

Le 24 octobre 2024, sur le site Maîtrise NRBC de la Direction générale de l’Armement à Vert-le-Petit, le Ministre des Armées Sébastien Lecornu a dressé la feuille de route que tâchera de suivre l’industrie de défense nationale pour les années à suivre. Un mot d’ordre : relancer « l’esprit pionnier ». Une question se pose alors : quelles sont les forces qui motivent la transformation de la base industrielle et technologique de défense (BITD), et comment y parvenir ?

Sommaire [masquer]

  • Impulsions et transformations
  • L’Île-de-France : l’excellence terrestre, spatiale et électronique
  • L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine : le cœur de l’aéronautique
  • La région Provence-Alpes-Côte d’Azur : territoire de l’Aéronavale
  • La Bretagne et la Normandie pour la puissance navale 
  • Des industriels étatiques en recherche d’efficacité
  • L’humain et la formation : moteurs de développement

Impulsions et transformations

D’abord, la priorité est d’augmenter les cadences de production. Depuis février 2022, l’industrie de défense française se prépare à l’éventualité de passer en économie de guerre, avec des mesures concrètes prises par certains des principaux groupes français. Dans cette optique, MBDA a annoncé son intention de produire 40 missiles Mistral-3 par mois à l’horizon 2025, ce qui revient à doubler sa production mensuelle actuelle. De son côté, la DGA apporte une nouvelle forme de support aux entreprises du secteur, avec la création de la Direction de l’industrie de Défense.

L’Île-de-France : l’excellence terrestre, spatiale et électronique

La région parisienne est spécialisée dans les questions spatiales, électroniques et terrestres.  Le plateau de Versailles-Satory est le lieu d’implantation de plusieurs grandes entreprises à la réputation mondiale comme KNDS France (ex-Nexter), Arquus mais aussi des institutions étatiques comme la Section Technique de l’Armée de Terre. Utilisé dès l’entre-deux-guerres comme terrain d’entraînement militaire, le plateau de Satory sera de plus en plus utilisé à partir des années 1960-1970. Le plateau se transforme en 2020 avec la création de nouvelles pistes d’essais destinées aux besoins de R&D de l’Armée de terre et plus généralement de l’industrie de défense française. La région francilienne n’est pas en reste dans le domaine de l’électronique, notamment par le nombre important de clusters et des laboratoires innovants, à l’image de Paris Saclay et de l’École Polytechnique. Le secteur spatial est quant à lui représenté par Ariane Groupe, Thalès, Airbus Defence and Space et Aresia.

L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine : le cœur de l’aéronautique

L’aéronautique est particulièrement bien développée en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, régions qui abritent de nombreux sites et entreprises majeurs, comme Dassault Aviation à Mérignac et Biarritz, ou encore Safran et Airbus Defence & Space à Toulouse. Cette concentration géographique est également le fruit d’une histoire riche. En effet, la création en 1915 du Centre d’Instruction des Spécialistes de l’Aviation à Bordeaux, ainsi que l’établissement de nombreuses bases aériennes dans la région, ont contribué à l’ancrage historique des industriels de l’aéronautique dans cette partie de la France.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur : territoire de l’Aéronavale

L’industrie aéronavale est très présente en PACA, avec des entreprises comme Dassault Aviation à Istres, Airbus Helicopters à Marignane et Naval Group à Ollioules. Cette présence s’explique par le fait que le premier hydroaéroplane a été conçu localement, créant un environnement propice au développement de ce secteur. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, une partie des avions de chasse et des hydravions y a été produite. Post-1945, plusieurs entreprises se sont installées dans la région, notamment la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Est. Aujourd’hui, la région demeure un endroit clé dans la production et la construction d’armement et d’équipements aéronavals, tout en développant régulièrement la recherche et l’innovation.

La Bretagne et la Normandie pour la puissance navale 

Autre pôle d’excellence, les régions bretonne et normande se sont spécialisées dans l’industrie navale, avec des implantations du géant Naval Group à Brest, Lorient, Nantes-Indrets et Cherbourg. L’entreprise emploie plus de 3 000 salariés en région normande, notamment sur le site de Cherbourg.

Cependant, cette territorialité se manifeste également en dehors des principaux pôles. Par exemple, on peut citer Eurenco, spécialiste des poudres et des explosifs, à Bergerac, ainsi que les différents sites de MBDA à Selles-Saint-Denis et à Bourges, sans oublier le site historique de production de KDNS France à Roanne. En plus de dynamiser économiquement des régions parfois en marge, cette territorialité pourrait être renforcée pour constituer une véritable force de production, notamment grâce à l’implantation d’un réseau de réservistes de la DGA.

Des industriels étatiques en recherche d’efficacité

Si les grands maîtres d’œuvre industriels privés sont répartis sur tout le territoire français, c’est également le cas des institutions de l’État chargées des questions d’armement et de sa maintenance. Dispersées dans toutes les régions de France, les industriels d’État sont des exemples du maillage territorial des services publics de l’armement : la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, le Service de la maintenance industrielle terrestre à Versailles ainsi que les 12ème, 13ème et 14ème base de soutien du matériel, le Service de Soutien de la Flotte à Paris, Brest et Toulon, mais aussi la Direction de la Maintenance aéronautique, qui est implantée sur 17 sites différents à travers la France. La DGA est elle aussi répartie sur des centres d’expertises et d’essais dans diverses régions.

Le 2 octobre 2024 paraît le rapport d’information n°4, par la Commission des finances, à propos du maintien en condition opérationnelle des équipements militaires. Cette étude a révélé que, malgré des efforts conséquents, le maintien en condition opérationnelle ne répond pas aux besoins actuels. Les problèmes concernant la disponibilité des matériels et le coût élevé des contrats de maintenance sont trop importants. En outre, il est question de repenser la stratégie de maintenance de l’armement français, en impliquant de façon plus directe les TPE-PME françaises. Il est par ailleurs fait mention de la possibilité de ré-internaliser une partie de la maintenance militaire, ce qui sous-entend de renforcer le maillage territorial de la maintenance. La question de l’état des recrutements a également été mentionnée, notamment la fidélisation et la formation des personnels de la maintenance militaire et du secteur de l’armement en général.

L’humain et la formation : moteurs de développement

Si la voie royale pour devenir ingénieur de l’armement reste Polytechnique et l’École nationale supérieure de techniques avancées, les concours restent ouverts à tous les diplômés d’écoles d’ingénieurs. En dehors des grands corps d’ingénieurs, les universités proposant des maîtrises « Défense et Sécurité » ou des cursus d’intelligence économique intéressent de plus en plus à la fois les entreprises, mais aussi les services de la DGA.

Du point de vue opérationnel, il est tout à fait possible de développer et de renforcer l’intérêt du monde ouvrier et technique pour l’industrie de défense. MBDA et Naval Group l’ont fait, avec respectivement 2 600 et 4 500 recrutements au cours des dernières années. Pour accélérer cette capacité à recruter, il faut également offrir plus de visibilité aux entreprises et aux institutions. Uniquement au travers de la filière de la maintenance en condition opérationnelle, 25 formations certifiantes sont ainsi proposées par le ministère des Armées et des Anciens combattants, dont plusieurs bacs professionnels et un certain nombre de BTS. En renforçant le lien Armée-Nation, voir même BITD-Nation, ainsi que la formation à tous les échelons de la BITD, la France participe à donc sa souveraineté. Ainsi, le secteur de l’armement doit se réformer, recruter et impulser si il veut retrouver son esprit « pionnier ».

La Cour des compte se penche sur les ventes du patrimoine immobilier du ministère des Armées

La Cour des compte se penche sur les ventes du patrimoine immobilier du ministère des Armées

Même si, comme le regrette la Cour des comptes, « les services de l’État ont adopté un positionnement discutable, accordant des dérogations contraires aux dispositions légales et aux engagements contractuels, et faisant preuve d’une inertie générant des retards », la Cour vient de publier un bilan des cessions immobilières réalisées depuis 2008 par le ministère des Armées.

Le patrimoine immobilier du ministère des Armées est l’un des plus importants de l’État avec près de 25 millions de m² de surface utile brute, soit 26 % de celui de l’État et 3,1 millions de m² de bureaux, soit 18 % de la surface de bureaux de l’Etat. Constitué pour répondre à des besoins très divers, ce patrimoine se caractérise par une grande hétérogénéité : espaces d’entraînement, casernes, bases aériennes, infrastructures portuaires, industrielles ou logistiques, logements, immeubles de bureaux, de formation ou d’enseignement, lieux de mémoire. En 2020, sa valeur nette comptable s’élevait à 17 Mds€, soit un quart de celle du parc immobilier contrôlé par l’État.

Avec la dissolution de nombreuses unités à partir de 2008, la réorganisation des fonctions de soutien et la rationalisation des implantations, les restructurations alors engagées ont conduit à libérer beaucoup d’emprises. Entre 2006 et 2022, le montant total des cessions du ministère des Armées s’est élevé à 2 Md€ (dont 1 Md€ pour 16 biens situés à Paris), soit 25 % des ventes de l’État, avec deux années très importantes (2009 et 2019), représentant plus de 65 % du montant total pour l’État. Douze biens du ministère des armées (dix d’entre eux sont situés en Île-de-France), vendus pour au moins 20 M€ chacun, représentent un produit de 1,2 Md€, soit 60 % du montant total des cessions depuis 2006.

Les montants des ventes sont marqués par une très forte dispersion du prix des biens cédés. Entre 2006 et 2022, un quart des ventes du ministère des armées est inférieur à 1 400 € (entre 20 € et 13 154 €, selon les années), la moitié à 50 000 € (entre 17 902 € et 130 300 € selon les années) et les trois quarts à moins de 367 000 € (entre 140 275 € et 628 500 €, selon les années).

Par ailleurs, le montant moyen annuel varie fortement selon les régions, comme en témoigne le tableau ci-dessous (chiffres de la période 2006-2022).

Le prix moyen de vente au m², peu élevé au niveau national (22 €), est donc très variable selon les régions. Il est le plus élevé en Île-de-France (171,7€ du m²), tandis que plusieurs régions se distinguent par un prix moyen très bas (Hauts-de-France, 4,8 € ; Grand-Est, 5,7 € ; Centre-Val-de-Loire, 7,5 € ; Bourgogne-France-Comté, 8,2€ ; Occitanie, 10,7 € et Auvergne-Rhône-Alpes, 11,7 €). L’écart entre le prix au m² de l’évaluation et celui de la vente est très important pour certaines régions (Hauts-de-France – 41 % ; Grand-Est – 43 % ; Normandie – 78 % ; Centre-Val-de-Loire – 46 % ; DOM-COM-TOM – 91 %).

Des problèmes d’organisation

Au-delà de ces chiffres, l’avis de la Cour porte:
– sur les études passées auprès de prestataires extérieurs dont un grand nombre n’ont pas été suivies d’effets, tandis que d’autres se sont avérées inutiles ,
– sur les modalités de vente des biens immobilier du ministère des Armées
– et sur l’organisation du ministère en matière immobilière, organisation « confuse et inefficace », qui n’est plus adaptée.

En 2023, une réforme a permis d’améliorer la lisibilité de l’organisation et de ses actions. Cette nouvelle organisation, plus cohérente, ne constitue toutefois qu’une étape dans un processus plus global, puisque la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées a lancé en novembre 2023 un chantier de modernisation de la fonction immobilière, s’inscrivant dans les orientations gouvernementales et celles qui sont portées par la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030.

Des recommandations 

Recommandation n° 1. (SGA) Recenser régulièrement les biens inutiles et les remettre au service des domaines pour en assurer la cession.
Recommandation n° 2. (SGA et DIE) Mettre en place les outils permettant d’identifier a posteriori l’ensemble des coûts grevant une cession et de disposer à terme d’une évaluation a priori pour chaque projet de valorisation immobilière.
Recommandation n° 3. (DGFiP) Recouvrer les compléments de prix exigés et exigibles au titre des cessions à l’euro symbolique de la caserne Ferrié à Laval et de la citadelle d’Arras.
Recommandation n° 4. (DGFiP, DDT) Tirer les conséquences du non-respect par les acquéreurs de la caserne Beaumont-Chauveau à Tours de leurs engagements au titre du dispositif de décote « Duflot ».
Recommandation n° 5. (DGFiP, DTIE, DIE) Mettre en place un suivi particulier et formalisé pour le contrôle de l’application des clauses sauvegardant les intérêts de l’État.
Recommandation n° 6. (SGA, EMA) Définir une stratégie pour la valorisation des actifs immobiliers du ministère (biens potentiellement frappés d’inutilité, déclarés inutiles, remis au domaine …) et définir à l’échelon ministériel un programme de valorisation pour les 5 ou 10 prochaines années.

Le rapport de la Cour est à consulter ici.

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

En Ukraine, la mobilisation générale se dessine. Et en France, si l’armée professionnelle ne suffit plus, pourriez-vous aller sur le front ?

En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front.
En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front. (©DIEGO FEDELE / AFP)

1 000 et deux nuit dans la guerre. Le 24 février 2022, la Russie envahissait son voisin ukrainien avec des avions de chasse rutilants, des chars d’assauts pétaradants et une armée professionnelle préparée. En face, dans l’urgence, la nation de Volodymyr Zelensky organisait la riposte avec des moyens américains et européens flambants neufs.

Près de trois ans plus tard, c’est l’usure et l’horreur du conflit qui dominent les esprits. Des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés. Le conflit a fait fondre la population du pays d’un quart. Et le bilan des pertes militaires demeure inconnu.

Qu’importe, les volontaires ne suffisent plus à abreuver le front en hommes. Depuis quelques mois, la nation jaune et bleue oblige les citoyens à embrasser l’uniforme de l’armée, au point d’enrôler de force des civils, comme l’ont montré plusieurs vidéos, comme ici sur BFM. En France, dans une situation de guerre, l’État pourrait-il, lui aussi, nous enrôler ?

Aux armes, (tous les) citoyens ? 

En cas de conflit armé dans lequel la France serait impliquée, l’État pourrait donner l’ordre à une partie de sa population de s’engager dans l’armée. « En pratique, le pouvoir en place pourrait abroger la loi de suspension du service national », détaille Annie Crépin, historienne, spécialiste d’histoire militaire et maîtresse de conférences honoraire de l’université d’Artois, à actu.fr. Cette loi du 28 octobre 1997, souhaitée par Jacques Chirac, annonçait la fin du service miliaire obligatoire.

La mobilisation générale, ça n’existe plus. Mais avec cette abrogation, la France (qui, comme l’Ukraine, ne pourrait se suffire de son armée professionnelle pour mener la guerre) envisagerait de compter sur les citoyens. « Après avoir épuisé tous les volontaires et les réservistes, l’État serait enjoint de puiser dans la population. »

Qui serait concerné ? L’âge, le genre et d’autres conditions seraient encore à définir. Les plus fragiles pourraient-ils se retrouver sur le front ? Les femmes ? Si l’on se fie aux conditions d’accès au service militaire volontaire (SMV), tous les jeunes Français, dès 18 ans, est-il écrit sur le site du gouvernement, pourraient être enrôlés dans l’armée. Et ce, jusqu’à 35 ans.

« Les personnes considérées comme pas assez en formes, les plus âgés et d’autres cas seraient sans doute réformés », tempère tout de même Annie Crépin. Autrement dit, si vous êtes majeur, que vous avez la trentaine ou moins, que vous ne présentez aucune comorbidité, vous pourriez vous retrouver avec une arme à la main.

Brève histoire du service militaire

La conscription, appelée aujourd’hui service milliaire obligatoire, a vu le jour sous le directoire en 1789 avec la loi Jourdan-Delbre. Tous les citoyens âgés de 20 à 25 ans pouvaient servir dans l’armée. Au fil des régimes, la conscription s’est allégée. D’abord en termes de durée, puis de devoir, avant d’être définitivement suspendue en 1997.

Ouf, une (petite) armée existe

Autre paramètre à prendre en compte, avant de vous envoyer au front, comme Candide face aux Bulgares : la France possède une armée régulière. Ce sont les forces opérationnelles qui seront mobilisées les premières, en cas de guerre sur le territoire.

C’est-à-dire, comme le rappelle un rapport parlementaire portant sur le budget 2022 de la Défense, 77 000 hommes de l’armée de terre, 34 000 de la marine et 40 000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, avec environ 5 000 réservistes en renfort.

Outre ces prêts, au total, l’armée française, toutes armes, tous métiers confondus, comprenait 269 055 équivalents temps pleins. Trois quarts de ces temps pleins (76,5 %) sont occupés par des militaires, les autres, des civils au service de l’armée.

Côté matériel, la France possède, selon les derniers chiffres disponibles, 222 chars Leclerc, 6 200 blindés à roues et approximativement 3 800 autres véhicules de combat. Avec ceci, 211 avions de combat, 45 avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, la France a, en théorie, de quoi se défendre en cas de conflit.

Cependant, pour combien de temps ? Sur le long terme, cette armée professionnelle suffirait-elle pour tenir les fronts, attaquer l’ennemi, ou encore défendre la population ? « L’armée française est une armée américaine en version bonsaï », rappelait sur France Info, Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

Qui sait recharger un FAMAS ?

Depuis la suspension du service militaire, en 1997, plus personne n’est formé aux maniements des armes, ni à ce que c’est vraiment, une guerre. Avec tout ce qu’elle comporte d’horreur, de froideur et de cynisme. Envoyer un citoyen en première ligne, la fleur fusil, serait considéré comme une hérésie.

« C’est un vrai problème, si on en arrive là », reprend l’historienne, avant d’ajouter : « La Première Guerre mondiale s’est gagnée avec les réservistes. »

Avant de puiser parmi les civils, il existe en effet une réserve militaire constituée de deux composantes. Une réserve citoyenne défense et sécurité (des volontaires agréés par l’armée en raison de leurs compétences et de leur expérience) et une réserve opérationnelle.

En somme, des réservistes avec ou sans expérience militaire, âgés de 17 à 35 ans, qui se sont engagés sur la base du volontariat pour soulager les armées environ 25 jours par an en moyenne, indique le ministère des Armées.

Au total, près de 140 000 personnes sont théoriquement mobilisables, dont 40 000 volontaires de la réserve opérationnelle, peut-on lire sous la plume de Jean de Monicault dans la Revue de Défense Nationale, parue en 2021. Ça en fait du monde, avant de demander aux boulangers, plombiers et banquiers de France de prendre les armes. Mais les chiffres paraissent ridicules face aux 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939 lors de la Seconde Guerre mondiale.

Évidemment, ces scénarios paraissent improbables. La France, avec 31 autres pays, est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’article 5 de cette organisation dispose que si un pays est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres, peut-on lire sur son site.

Le scénario pourrait devenir envisageable, le jour où la France, pour des raisons politiques, se retrouverait sans l’OTAN, isolée du reste du monde.

Le Sahel après le retrait français par Bernard Lugan

par Bernard Lugan – AASSDN – publié le 3 novembre 2024

https://aassdn.org/amicale/le-sahel-apres-le-retrait-francais_par_bernard-lugan/


Après la mort de 52 des meilleurs enfants de France tombés pour défendre des Maliens et des Nigériens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leurs pays respectifs, que devient le Sahel depuis le retrait français des années 2022 et 2023 ? 
La région est en effet sortie de l’actualité française, d’une part parce que l’Ukraine et le Moyen-Orient attirent tous les regards ; d’autre part, en raison de la situation intérieure hexagonale. Or, à bas bruit, se poursuit l’extension des territoires contrôlés par les islamistes, par les trafiquants de drogue et par les passeurs de migrants. 

Avec des moyens dérisoires à l’échelle du gigantesque théâtre d’opérations saharo-sahélien, – plus de 8 000 000 km2 de désert et plus de 3 000 000 km2 de Sahel -, Barkhane, qui n’était que de passage, n’était évidemment pas en mesure de refermer ces plaies ethno-raciales ouvertes depuis la nuit des temps et qui sont à la base des guerres actuelles. 

Aujourd’hui, les Russes comprennent à leur tour qu’ils ne peuvent agir sur les constantes millénaires qui conditionnent les définitions politico-sociales régionales. Ils ne peuvent pas davantage résoudre les problèmes liés à la démographie, à la sous-administration et à l’inexistence d’Etats sans profondeur historique qui associent tout à fait artificiellement des Nord blancs et des Sud noirs immémorialement antagonistes. 

L’ignorance des constantes ethno-historico-politiques régionales et d’un milieu dans lequel les populations ont une tradition de violence en raison de la concurrence pour les maigres ressources en eau ou en pâturages, a fait qu’un conflit localisé à l’origine au seul nord-est du Mali, limité à une fraction touareg, et dont la solution passait par la satisfaction de revendications politiques légitimes de cette dernière, s’est transformé en un embrasement régional échappant désormais à tout contrôle. 

Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation. Comme je n’ai cessé de le dire et de l’écrire depuis au moins deux décennies, le jihadisme saharo-sahélien est en effet, et d’abord, la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires. 

Or, comme il vient d’être dit, nul n’étant en mesure de cautériser ces dernières, les malheureuses populations continueront donc à vivre dans la terreur. 

N’en déplaise aux tueurs de mémoire, nous assistons bien en réalité au retour à la longue durée régionale. Une situation qui avait été mise entre parenthèses entre les années 1890 et 1960, durant la brève parenthèse coloniale, quand la France s’est ruinée avec application pour assurer la paix aux populations, pour les soigner, pour les nourrir, pour tracer des routes, lancer des ponts, bâtir dispensaires, hôpitaux, écoles…

Bernard Lugan
Editorial du 1er novembre 2024
https://bernardlugan.blogspot.com/

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Le SNU, ou Service National Universel, lancé en 2019, a, parmi ses objectifs, d’améliorer la mixité sociale et le sentiment d’engagement auprès d’une jeunesse présentée, à tort ou à raison, comme de plus en plus éloignée de la vie de la Nation.

Celui-ci vient de faire l’objet d’un rapport de la Cour des Comptes du plus préoccupant, jugeant le dispositif onéreux, mal planifié et, surtout, dont les objectifs s’avèrent flous et à géométrie variable selon l’actualité.

Ce constat contraste, presque en tous points, avec les retours élogieux concernant le dispositif de conscription choisie mis en œuvre par la Norvège et d’autres pays scandinaves, qui suscite à la fois l’adhésion de la jeunesse et des armées, au plus grand profit de la résilience nationale.

Se pose alors la question, de l’opportunité de remplacer un SNU peu efficace et onéreux, par un dispositif de conscription choisie, qui permettrait, pour un investissement identique, de renforcer le format des Armées, d’améliorer le recrutement des postes d’active et de la Garde Nationale, et d’accroitre, significativement, la résilience de la Nation, au sens large du terme ?

 

Sommaire

La cour des comptes publie un rapport très critique sur le Service National Universel

Né d’une des promesses de campagne du candidat Macron lors des élections présidentielles de 2017, pour remettre en place un service national, le SNU a été lancé dès 2019, avec l’objectif d’atteindre, pour 2027, son plein potentiel.

SNU armées
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Toutefois, les objectifs de ce service national universel, tels que présentés initialement, se sont rapidement effacés face à la réalité d’intégrer une classe d’âge, soit 850 000 jeunes, à un dispositif général nécessitant des infrastructures, des moyens humains et des crédits qui n’existent pas.

Très tôt, le ministère des Armées a pris ses distances avec cette initiative, mettant en avant ses effectifs trop réduits et ses infrastructures bien trop limitées pour relancer une forme de service national obligatoire, comme durant la guerre froide.

C’est donc le ministère de l’Éducation Nationale qui récupéra la majeure partie du programme, alors que les objectifs évoluaient au gré de l’actualité et des attentes perçues de l’opinion publique. Ceux-ci se composent, aujourd’hui, d’un assemblage hétérogène d’objectifs souvent qualitatifs, comme « promouvoir la mixité sociale« , ou « améliorer la résilience de la Nation« , très difficiles, si pas impossibles, à quantifier.

Dès lors, aujourd’hui, même les personnes impliquées dans ce projet, peinent à en tracer les contours exacts. « Cette diversité d’objectifs a entretenu une incertitude sur l’ambition
et le sens du SNU, se traduisant par des attentes diverses et contradictoires
 » indique ainsi le rapport de la cour des Comptes. En outre, deux des principaux objectifs, la mixité sociale d’une part, et l’engagement de l’autre, ne sont pas atteints, de l’avis de l’institution, alors même que le SNU n’en est qu’à sa forme simplifiée et réduite, uniquement fondée sur le volontariat.

Enfin, la Cour de Comptes interroge sur l’avenir de ce programme, qui couterait aujourd’hui autour de 3 000 € par jeunes pour les seules Phase 1 et 2 (en dehors de la Phase 3 d’engagement, donc), alors que les budgets pour son extension, estimés de 3 à 5 Md€, ne sont pas sécurisés, et que la construction des infrastructures et les recrutements nécessaires, ne sont pas même planifiés.

… pendant que les armées peinent à recruter et fidéliser leurs effectifs

Le rapport de la Cour des Comptes sur le SNU, fait naturellement écho aux difficultés rencontrées par les Armées, non seulement pour accroitre, mais aussi pour simplement maintenir leurs effectifs, y compris pour ce qui concerne la Garde Nationale, ce d’autant qu’il s’agissait d’un de ses objectifs premiers, tel qu’imaginé initialement.

armee de terre odre serre
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En effet, en 2023, alors que les Armées devaient voir leurs effectifs croitre de près de 1.500 militaires d’active, celles-ci les ont vus, en fait, décroître de 2.500 militaires. Comme partout en Occident, les armées françaises souffrent de plusieurs maux concomitants, créant des tensions importantes dans le domaine des ressources humaines.

En premier lieu, elles peinent à recruter ou, plus précisément, à recruter les profils recherchés. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation de la technicité demandée aux militaires, quels qu’ils soient, les armées doivent désormais recruter des profils plus poussés et mieux formés, qui sont aussi activement recherchés par le marché du travail.

En outre, les contraintes de la vie militaire, même si elles se sont sensiblement améliorées ces dernières années, découragent beaucoup de jeunes, qui préfèrent se tourner vers des carrières dans le privé ou vers la fonction publique.

Enfin, la sédentarité croissante des populations, entrainent une nette augmentation des profils inaptes médicaux, même si, là aussi, les armées ont ajusté leurs exigences pour ne pas se retrouver face à un mur, dans certaines spécialités en particulier.

Non seulement ont-elles du mal à recruter, mais les armées voient aussi le taux de renouvellement des contrats baisser ces dernières années, spécialement à l’issue du premier engagement. L’appétence du privé, en particulier de l’industrie, pour les personnes formées par les armées, entraine une certaine hémorragie de certains profils, qu’il est difficile d’endiguer, ce qui fait peser une importante pression sur le format des armées, ainsi que sur les pyramides des grades et des âges, particulièrement difficiles à équilibrer.

Le modèle de la conscription choisie, appliqué par les armées scandinaves, séduit en Europe

Les armées françaises sont loin d’être les seules à rencontrer ces problèmes de ressources humaines. Au contraire, elles sont même parmi les armées européennes et occidentales, qui résistent le mieux à cette menace.

Conscription norvège
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Plusieurs solutions ont été mises en œuvre par celles-ci, comme l’attribution de très fortes primes à la signature d’un nouveau contrat au sein des armées US, en particulier pour les spécialités les plus en tension, comme les codeurs informatiques ou les pilotes.

La Norvège a été la première à mettre en œuvre une nouvelle forme de conscription, répondant précisément aux besoins de ses armées. Pas question, en effet, en Norvège comme ailleurs, de revenir à une conscription obligatoire généralisée, les armées n’ayant ni les moyens humains, ni matériels, et pas davantage les infrastructures et les moyens budgétaires pour cela, qui plus est dans une période de fortes tensions internationales, comme aujourd’hui.

Pour répondre aux besoins de ses Armées, Oslo s’est donc tourné vers une nouvelle forme de conscription, appelée conscription choisie : si la conscription demeure obligatoire pour toute la classe d’âge, comme pendant la guerre froide, elle ne concernera, dans les faits, qu’une partie de celle-ci, en fonction des besoins et des moyens des armées.

La sélection des conscrits ne se fait pas par tirage au sort, comme le Draft américain en temps de guerre, mais directement par les armées elles-mêmes, sur les dossiers scolaires et péri-scolaires des jeunes, ainsi que sur l’acte, ou non, de volontariat.

Boris pistorius en suède mai 2024
Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, s’est rendu en Suède en 2024 pour observer la Conscription choisie mise en oeuvre dans le pays.

Introduite en 2015, cette forme de conscription concerne, en 2024, autour de 9000 jeunes norvégiens, soit 10 % de la classe d’âge, tous ou presque des volontaires. En effet, dans le pays, la conscription est devenue un sésame précieux à la fin des études, pour justifier de son appartenance à une certaine élite, et les volontaires sont plus nombreux que les places disponibles.

La Suède et le Danemark ont mis en place, eux aussi, une forme conscription choisie dans les années ayant suivi l’exemple norvégien, avec des retours tout aussi prometteurs. D’autres pays européens, y compris l’Allemagne, envisagent désormais d’y avoir recours, pour renforcer les effectifs de leurs armées.

Doit-on investir les 3 à 5 Md€ du SNU dans une conscription choisie pour renforcer les effectifs des armées ?

La comparaison des deux modèles, le SNU français, d’un côté, la conscription choisie scandinave, de l’autre, ne plaide évidemment pas en faveur du premier. Non seulement la conscription choisie vise-t-elle des objectifs parfaitement identifiés, au bénéfice des armées et de la résilience nationale, mais elle s’inscrit dans un modèle parfaitement adaptable et maitrisé, qui en garantit la pérennité et l’efficacité, y compris budgétaire.

Se pose, alors, la question du bienfondé du SNU, une fois sa dimension purement symbolique et politique écartée, et surtout, de l’opportunité de le remplacer par une conscription choisie qui, elle, serait performante sur de nombreux aspects, y compris ceux qui, aujourd’hui, sont vaguement identifiés comme étant les objectifs du SNU.

24eme regiment d'infanterie garde nationale
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En effet, le SNU, dans sa forme actuelle, constitue un crible potentiellement efficace pour permettre aux armées de « choisir » les profils à retenir pour cette conscription d’une durée suffisante pour s’avérer efficace du point de vue militaire, c’est-à-dire au moins 10 à 12 mois.

Il constitue, en outre, le cadre adapté pour permettre aux armées de dialoguer avec la jeunesse, et présenter les fonctions du conscrit, une fois choisi, le cas échéant, de façon valorisante, avec l’objectif de créer, rapidement, la même dynamique volontaire que celle observée en Scandinavie.

Enfin, le budget prévu pour le SNU par la Cour des Comptes, de 3 à 5 Md€, s’avère largement suffisant pour le convertir en conscription choisie portant sur plusieurs dizaines de milliers de conscrits chaque année, y compris en tenant compte des infrastructures à construire pour cela, avec une progressivité des dépenses correspondant aux contraintes budgétaires françaises actuelles.

Les 3 atouts de la conscription choisie

Évidemment, un tel basculement ne se ferait pas sans résistance. De la part du ministère de l’Éducation nationale, d’abord, assez peu connu pour sa coopération apaisée avec les armées. Mais aussi de la part des militaires, eux-mêmes, qui, en dépit de leurs difficultés à recruter, expriment souvent leurs fortes réticences à devoir restructurer leurs forces pour former et encadrer des conscrits ne restant qu’une année sous les drapeaux. Ce fut aussi le cas concernant les réservistes pendant longtemps et jusqu’il y a peu, cela dit.

Pourtant, la conscription choisie offre des atouts significatifs, susceptibles de séduire jusqu’aux plus rétifs, une fois correctement définie et bordée.

Progressivité et adaptabilité de la montée en puissance des effectifs

L’atout premier de la conscription choisie, est qu’elle permet une montée en puissance progressive et maitrisée des effectifs, sans remettre en question son propre modèle. Chaque année, en effet, les armées expriment leurs objectifs de conscription en termes de profils quantifiés, en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs moyens, qu’il s’agisse de personnels d’encadrement et de service (administratif, santé…), d’infrastructures, ainsi que de moyens militaires.

recrutement armees
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La conscription choisie vise, en effet, à former des militaires efficaces, susceptibles d’être employés de manière opérationnelle le cas échéant. Les armées doivent donc, comme c’était le cas avec le service militaire historique, être en mesure de former et d’entrainer leurs recrues, ce qui suppose de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à cette mission, y compris les armements et équipements militaires.

Dans un contexte budgétaire contraint, l’acquisition et le déploiement de ces moyens, ne pourra être que progressif, ce qui exige que le nombre de conscrits le soit également, pour en optimiser l’efficacité.

Des volontaires au profil requis pour répondre aux besoins des armées

Le second atout de la conscription choisie, repose précisément sur sa spécificité, la sélection des profils. Cette fonctionnalité permet, aux armées, de retenir les profils qui répondent le mieux à leurs besoins, et qui seront les plus efficaces dans leurs fonctions, notamment en termes d’adaptation aux exigences militaires.

Dans ce domaine, le volontariat jouera un rôle déterminant, sans être absolu. Il convient, ainsi, de garder à l’esprit que le taux d’abandon, lors des premiers jours, ou des premières semaines, des contrats d’engagement dans les armées, sont souvent, si pas élevés, tout au moins significatifs.

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Cette approche permet surtout d’écarter les profils qui poseront des problèmes d’adaptation, de disciplines ou de comportement, et viendront détériorer l’efficacité du dispositif lui-même, comme c’était fréquemment le cas dans les unités constituées de conscrits, dans les années 80 à 90, avant que le Service Militaire soit suspendu.

Renforcer la porosité entre la jeunesse et les armées pour améliorer le recrutement de l’active et de la Garde Nationale

Enfin, cette sélection contribuera, comme en Scandinavie, à créer un sentiment positif vis-à-vis des armées, qui contribuera lui-même à accroitre leur attractivité auprès des jeunes, en amont de la conscription, tout comme en aval, pour rejoindre l’active ou la Garde nationale.

Cette dimension tendra également à améliorer l’image des armées dans la société civile, tout en étendant sensiblement, une fois que le dispositif aura atteint son régime de croisière, la porosité entre ces deux entités qui forment la Nation.

Ce d’autant que, efficacement articulée, la sélection des conscrits pourra participer efficacement à l’objectif de mixité sociale, cher au SNU, tout en conservant une certaine dimension « d’élite », articulée non sur l’origine sociale ni même, exclusivement, sur les résultats scolaires, mais sur l’acte de volontariat, l’implication dans la vie de la société, et dans le respect des institutions.

Conclusion

On le voit, si le SNU, sans grande surprise, s’avère un dispositif décevant, peu efficace et consommateur de deniers publics, il peut, en revanche, être transformé avantageusement pour former le socle d’une conscription choisie qui, elle, répondrait à des besoins bien identifiés, au profit de la résilience des armées, et avec elles, de la Nation, dans un contexte sécuritaire international qui ne cesse de se détériorer.

presentation equipements armees aux jeunes
Le lieutenant Bertrand présente le métier d’opérateur de prise de vue en opération. Stand défense sur le salon européen de l’éducation, les 3 armées sont représentées pour informer ou recruter des étudiants. 21 novembre 2013 à Paris porte de Versailles.

Outre le renforcement immédiat des effectifs des armées, la conscription choisie permettrait, très probablement, d’améliorer le recrutement pour les postes d’active, comme c’était le cas du Service militaire précédent, ainsi que de la Garde Nationale, et ainsi accroitre la sécurité du pays.

Enfin, la conscription choisie peut participer à recréer un lien plus étroit entre les armées et la jeunesse, et après elle, avec une partie significative de la société civile, qui l’aura pratiqué de l’intérieur, pour mieux en comprendre le fonctionnement et les besoins, de sorte à redonner aux questions de Défense, la place qui devrait être la leur, dans le débat public et politique.

Pour autant, la conscription choisie, en ayant perdu son caractère universel faussement égalitaire, aura certainement du mal à convaincre, en France, une classe politique et une opinion publique arcboutée, parfois, sur certains grands principes déconnectés de la réalité, mais dont l’audience publique fait encore recette.

Article du 13 septembre en version intégrale jusqu’au 16 octobre 2024