Des contractions répétées du cercle des poètes revendicatifs par Michel Goya

Des contractions répétées du cercle des poètes revendicatifs


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des contractions répétées du cercle des poètes revendicatifs


Pour eux qui ne s’intéressent qu’à la crise du moment [la démission du général de Villiers ] ou qui ont perdu l’habitude de lire des textes un peu longs, vous pouvez aller directement à la fin. 

Je me suis engagé comme élève sous-officier en 1983. Le chef d’état-major de l’armée de Terre venait alors de démissionner pour protester contre la baisse du budget de Défense qui passait brutalement de l’équivalent d’environ 36 milliards d’euros (si, si, vous avez bien lu) à 30 (pour des chiffres voir ici). Le major général des armées avait démissionné aussi pour protester contre les intrusions permanentes du ministre dans la conduite des opérations mais ceci est une autre histoire. Étrangement, le budget remontait tout aussi rapidement l’année suivante.

Il est vrai que l’époque était très tendue en Europe. L’horloge du destin de l’université de physique de Chicago, qui mesurait l’approche vers un conflit nucléaire (minuit), marquait minuit moins sept en 1984. L’invasion de l’Europe occidentale par les forces du Pacte de Varsovie était alors presque un genre littéraire. Aussi, malgré les difficultés économiques, un effort très conséquent fut fait pour renforcer notre outil de défense. Cela fluctuait au gré des changements de pouvoir et des lois de programmation militaires (trois de 1984 à 1993) et si l’effort diminuait (de presque 3 % du PIB à 2,5 % en 1990) le volume était soutenu par l’augmentation du PIB. Le budget de la défense atteignait ainsi 39 milliards d’euros en 1990.

Si cet effort avait perduré à 2,5 % du PIB, le budget actuel (2017) serait 55 milliards d’euros. Nous aurions investi entre 100 et 200 milliards d’euros dans l’industrie française (soit bien plus que les 50 milliards du programme présidentiel, dont on n’entend d’ailleurs plus parler) dont les retombées auraient affecté toute l’économie et même in fine les recettes budgétaires (pour mémoire c’est comme cela que les États-Unis sont sortis de la crise de 1929 avec le 3e New Deal). Nous aurions modernisé depuis longtemps nos armées et serions en pointe dans de nombreux domaines. Notre armée serait la 3e du monde en puissance, ce qui garantirait un peu plus à la fois notre indépendance et la défense de nos intérêts.

Je m’égare mais dans les années 1980 on escomptait que l’effort de défense continuerait et c’est la raison pour laquelle on lançait aussi à l’époque un très ambitieux programme d’équipements qui portait d’abord sur le nucléaire (renouvellement des sous-marins lanceurs d’engins, nouveaux missiles de tous types, etc.) mais aussi sur toute une génération conventionnelle (Rafale, porte-avions nucléaire, véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI), char Leclerc, missiles Eryx, hélicoptères Tigre et Caïman, etc.). Ne cherchez pas, tout notre arsenal qualifié de moderne aujourd’hui a été conçu dans cette période 1985-1995 et il était destiné au grand combat contre l’Union soviétique en Europe centrale.

L’effort était aussi louable qu’indispensable. Il était aussi très cher, chaque matériel nouveau coûtant à l’achat plusieurs fois le prix de la précédente. On ne pouvait donc remplacer les matériels précédents nombre pour nombre et on ne pouvait donc conserver aussi autant d’unités de combat. Cela tombait bien car en supprimant ces unités et en économisant sur le budget de fonctionnement, on pouvait trouver des crédits supplémentaires pour financer l’équipement. L’habitude fut donc prise dès cette époque de supprimer les humains d’abord pour pouvoir mieux acheter les équipements ensuite. L’expérience montrera que si la suppression des hommes était facile, surtout dans un univers discipliné et (heureusement par ailleurs) non syndiqué, la seconde partie s’avèrera toujours plus compliquée. Au bilan, en trois réformes (une tous les trois ans en moyenne), l’armée de Terre perdait 17 % de ses effectifs et les autres armées 4 %. Neuf bases aériennes étaient fermées, l’aviation de combat passait de 450 à 400 appareils, la Marine nationale perdait 13 bâtiments et l’armée de Terre 6 (petites) divisions.

Et puis il y eut guerre du Golfe en 1990-91 qui témoignait à la fois de la nécessité de poursuivre la recapitalisation technique des armées et de nos faibles capacités de projection à partir du moment où on persistait (depuis les maladies de l’expédition de Madagascar en 1895) à n’engager hors de France et d’Allemagne que des soldats professionnels. Il y eut surtout la fin de l’URSS, cet ennemi gigantesque, ce qui nous laissait presque désemparés.

On s’empressa alors et très vite (et partout) de toucher les « dividendes de la paix », c’est-à-dire de ponctionner le plus possible le budget de la défense. Celui-ci dégringola de 39 milliards en 1990 à 30 milliards en 2002. Vous noterez au passage que ni les attentats de 1986 ni même ceux de 1995 à Paris n’ont jamais alors influé la politique de Défense de l’époque. 

Élément essentiel à retenir pour la suite, malgré cette chute des budgets on persista à maintenir les grands programmes de la génération 1985-1995. Ces programmes n’étaient pas forcément adaptés au nouveau contexte stratégique mais personne n’eut ni la volonté, ni l’imagination de proposer autre chose (ou au moins de l’imposer). Le slogan de l’époque était « qui peut le plus (la guerre conventionnelle brève et massive) peut le moins (tout le reste) », ce qui restait à démontrer et ne le fut d’ailleurs pas complètement.

On décida ensuite en 1996 assez logiquement de suspendre le service national et de professionnaliser entièrement les armées. On rappellera pour les débats en cours aujourd’hui que cette décision n’avait alors suscité guère de réticences et que le « service militaire » est mort (ou tombé en léthargie) sans avoir été beaucoup défendu. Toutes les vertus dont on semble le parer actuellement n’étaient donc pas si évidentes à l’époque mais nous y reviendrons une autre fois.

Cette décision mettait évidemment à bas les conclusions du Livre blanc de 1994 et rendait caduque la LPM 1994-2000. A la place on définit un « modèle d’armée 2015 ». Les soldats professionnels coûtant évidemment plus chers que les appelés et le surcoût des opérations extérieures (opex) dépassant le milliard d’euros depuis 1990, on considéra qu’à budget décroissant le volume des forces ne pouvait vraiment pas être le même. La nouvelle coupe fut sévère. L’armée de Terre perdait 40 % de ses effectifs (pour atteindre le chiffre de 136 000), la Marine nationale et l’armée de l’Air environ 30 %. Cela suscita évidemment des réorganisations profondes et surtout de nouvelles suppressions de bases (7 pour l’armée de l’air) ou de régiments (44 pour l’armée de terre qui n’en conserverait plus que 85). Bien sûr, comme à chaque fois, cela provoquait mutations et blocages d’avancement de cadres devenus trop nombreux pour une armée qui fondait. Cela signifiait surtout un nouveau « plan social » de 15 000 postes à supprimer parmi le personnel d’active. Pourquoi se priver ? Ce sont les plans sociaux les plus faciles à réaliser en France. On sacrifiait par ailleurs définitivement toute idée de remontée en puissance en réduisant massivement les réserves.

Bien évidemment, cette réduction de format et de budget entraînait aussi celle des équipements, les anciens dont on se débarrassait mais aussi les nouveaux dont on réduisait les commandes. Cela a eu pour effet immédiat de faire augmenter leur prix unitaires (soit au bout du compte environ + 20 millions d’euros pour un Rafale, + 30 millions pour un hélicoptère Tigre, + 180 millions pour une frégate multi-missions (Fremm), + 1 million pour chaque véhicule blindé de combat d’infanterie, etc.), ce qui incitait à, budget constant, à réduire encore les commandes ou à les reporter une nouvelle fois. Certains programmes finiront par coûter finalement plus cher que prévu initialement pour moins d’exemplaires livrés. L’armée de Terre perdait la moitié de ses chars et de ses hélicoptères et la marine encore 20 bâtiments sur 101, l’armée de l’air ne devait plus disposer à terme que de 300 avions de combat au lieu de 400 en 1995 et passer de 80 avions de transport tactique à 50.

Ce fut dur à vivre mais au moins le slogan d’« une armée plus ramassée, modernisée et entièrement projetable » signifiait peut-être quelque chose à l’époque. Le projet était mobilisateur et mettait fin au syndrome des deux armées, celle qui « avait tout » (les vieilles unités professionnelles de la Force d’action rapide) et celle qui montait la garde à l’Est. On envisageait alors pour 2015 de pouvoir déployer 60 000 soldats n’importe où (spoil : depuis 2013 le contrat est de 15 000, histoire de décrire le déclin de capacités en une phrase).  

Sans dévoiler de secret vous avez bien compris que ce modèle qui devrait être en place depuis deux ans était visiblement encore trop pour certains, non pas selon une grande vision à long terme d’affaiblissement de la France mais plutôt selon une série de petits plans mesquins d’économies à court terme. Le modèle d’armée 2015 ne fut jamais financé. Il manquait ainsi à force de gels, rabotages, reports, suppressions sèches, plus de 13 milliards à la LPM 1997-2002. Celle de 2003-2008 fut, en apparence, plus respectée par le gouvernement de l’époque.  En réalité les surcoûts opex (vous savez ces choses systématiquement sous-évaluées au départ et qu’il faut quand même financer à la fin) et les surcoûts des programmes (voir plus haut) ont fait qu’il manquait encore 11 milliards pour les équipements. 

On conserva donc bien au-delà de ce qui était prévu des matériels anciens et, oh surprise, cela a coûté très cher puisque les chaînes de fabrication n’existaient plus depuis longtemps. Dans le même temps, on s’apercevait que le « coût de possession » (ou d’emploi) des matériels nouveaux était bien plus important que celui de ceux qu’il remplaçait surtout lorsqu’ils étaient employés dans des théâtres d’opérations lointains beaucoup plus « abrasifs » que le centre de l’Europe pour lequel ils avaient été conçus. Cette période peu glorieuse fut ainsi marquée à la fois par l’effondrement de la disponibilité technique des matériels et l’envolée des coûts de maintenance.

En 2008, on revint à l’idée géniale de financer les programmes en sacrifiant d’abord ceux qui les utilisent. La conjonction de la Revue générale des politiques publiques (RGPP) et du nouveau Livre blanc (rappelez-vous : 1ère partie : « Le monde est plus dangereux » ; 2e partie : « Il faut donc réduire les moyens ») aboutit à la volonté de supprimer à nouveau 54 000 postes. Exit donc le modèle 2015 et bienvenue à l’horizon 2020, forcément plus ramassé, plus moderne, plus performant, etc.. C’était donc reparti pour un tour : l’armée de Terre perdait 20 régiments de plus, l’armée de le l’air 30% de ses effectifs et supprimait à nouveau 11 bases et la marine perdait 11 % de ses effectifs, deux bases aéronavales et 10 bâtiments. Ces nouvelles réductions et le mot d’ordre de faire payer le « back office » (oui, la terminologie et les méthodes de management du moment étaient très en vogue, on parlait alors de « réserves de productivité » pour parler du nombre de soldats) ont incité nos gestionnaires internes à imaginer des concepts nouveaux comme les bases de défense (BDD) ou à rationaliser le paiement des soldes, avec le succès que l’on sait. Non seulement on exerçait une nouvelle pression sur les hommes et les femmes (qui, en plein engagement en Afghanistan et ailleurs, n’avaient par ailleurs pas que ça à faire) avec ce plan social massif et unique en France, mais en plus on y ajoutait le désordre administratif. Bien entendu tout cela s’accompagnait à nouveau d’une réduction équivalente d’équipements. Il n’était plus question que de 250 chars Leclerc (puis 200, alors que le programme initial en prévoyait 1 600), de 80 hélicoptères de combat au lieu de 200, de 240 avions de combat au lieu de 300. Nos capacités de transport aérien ou de ravitaillement en vol poursuivaient leur déclin, etc. Le contrat opérationnel majeur parlait alors de 30 000 hommes à déployer.

Cela fut encore plus dur à vivre qu’au moment de la professionnalisation qui, au moins, avait un objectif autre que le simple fait d’économiser de l’argent public et n’avait pas introduit les BDD. Et bien vous savez quoi : malgré une embellie réelle sur un an (mais surtout due au grand plan de relance), cela n’a pas marché. Les 4 % de LPM économisés par les suppressions d’effectifs ont d’autant moins permis de sauver les meubles que la crise financière faisait exploser la dette publique. Le budget de la défense redevenait la « dinde rôtie » dès lors qu’il fallait faire des économies à court terme, même si elles s’accompagnent de dépenses supplémentaires à long terme. Après la saignée, la bosse de 40 à 50 milliards d’euros nécessaires pour payer la génération d’équipements 1985-1995, restait finalement la même qu’avant (et c’est d’ailleurs sensiblement toujours la même aujourd’hui). La désorganisation et l’affaiblissement des armées, sans même parler des coûts humains, n’avaient donc servi à rien. On s’est même retrouvé dans une situation pire qu’avant.

On décida donc d’en remettre une couche en 2013. La nouvelle LPM 2014-2019 prévoyait de supprimer 23 500 postes de plus (soit un total de 78 000 depuis 2008). C’était reparti pour de nouvelles dissolutions de régiments et de bases. Au nouvel horizon 2025, la force opérationnelle terrestre perdait 22 000 hommes et l’armée de terre passait sous la barre des 100 000, l’aviation de combat passait de 240 à 185 avions et ainsi de suite. Le contrat opérationnel majeur n’était plus que de 15 000 soldats et 40 avions à déployer (avec le groupe aéronaval), sans se demander combien la France seule pouvait gagner de guerres avec des forces aussi réduites.

Cela ne paraissait pourtant pas encore suffisant à Bercy qui lançait sa guérilla habituelle pour raboter encore quelques centaines de millions chaque année. L’opposition politique (à l’époque le ministre menaçait de démissionner, accompagné de tous les chefs d’état-major) était alors suffisamment forte pour résister à cette guérilla mais le nouveau déclin était acté. Pour schématiser, le budget de la défense est depuis 1980 d’environ 34 milliards d’euros constants, plus ou moins 10 %. A la fin des années 1980, on avait brièvement percé le plafond. Avec la LPM 2014-2019, on était certain d’en crever le plancher et revenir en plein XXIe siècle aux ressources des années 1970.

Et puis il y eut les frères Kouachi et Amédy Coulibaly, trois salopards qui eurent plus d’influence sur la politique de Défense que tous les citoyens honnêtes qui faisaient remarquer depuis des années que nos armées craquaient de tous les côtés. Presque magiquement (car on ne voit pas très bien entre le lien entre leurs crimes et la politique de Défense), la LPM fut légèrement modifiée. Premier résultat heureux, la politique suicidaire de suppression d’effectifs fut freinée (mais non compensée, il y aura quand même 7 000 postes de moins en 2019 qu’en 2014) et 3,8 milliards d’euros supplémentaires furent affectés à la LPM, dont notez-le bien pour la suite, + 1 en 2018 (budget total de 32,77 milliards) et encore +1,5 en 2019 (34,02 milliards), hors pensions et hors OPEX et surtout au-delà du quinquennat en cours.

Si la crise perdurait, on avait au moins le sentiment d’une accalmie et les programmes des différents candidats à la présidentielle incitaient presque à de l’espoir. On avait, semblait-il dans les discours, enfin compris qu’il était urgent d’arrêter la politique à la petite semaine qui permettait de présenter tout de suite des lois de finance un petit moins déficitaires au prix de lois futures qui le seraient plus. On avait enfin réalisé surtout qu’il était vital pour les armées de financer enfin le programme de modernisation lancé il y a 30 ans et d’arrêter cette spirale d’effondrement. On avait remarqué que même s’il était toujours possible de lancer des opérations (une section d’infanterie et/ou un avion de combat suffisent après tout pour annoncer pompeusement une « opération »), il était difficile d’y obtenir des résultats stratégiques (rappelez vous l’envoi de 1 650 soldats pour sécuriser toute la Centrafrique ou la fierté de réaliser 5 % des frappes de la coalition en Irak et en Syrie).

Tout cela était donc une illusion puisque le premier budget présenté n’annonçait pas une recapitalisation d’urgence (celle-ci fut surtout réservée à Areva), autre en tout cas que celle déjà prévue avec la modification de la LPM (et dont le gouvernement actuel n’hésite pas une seconde à s’attribuer la paternité) mais au contraire une facture de 900 millions d’euros dont 850 du reliquat impayé (et par ailleurs totalement prévisible) du surcoût des opérations extérieures.

Ce ne serait que provisoire assurait on et dès l’année prochaine les choses iraient mieux avec 1,6 milliard d’euros supplémentaires dont 650 millions d’euros pour les opex. On notera que ce budget opex apparaît désormais comme adossé à celui des armées alors qu’il faisait l’objet jusque-là d’un collectif interministériel. A la limite pourquoi pas, à partir du moment où il n’est pas mensonger, ce qui est manifestement le cas. Sur ces 650 millions d’euros, 200 seront consacrés à la « protection des forces » et là on ne voit pas très bien en quoi cela regarde spécifiquement les opérations (c’est la raison pour laquelle par exemple on achète des équipements blindés et non en carton). On voit très bien en revanche qu’annoncer un budget opex réel de 450 millions, comme cette année, c’est se condamner au même psychodrame que maintenant puisqu’il faudra trouver encore à la fin les 300 à 800 millions, peut-être plus, qui manqueront nécessairement (et on ne parle pas du surcoût si peu utile par ailleurs de l’opération Sentinelle). On tapera donc encore en cours d’année sur l’entrainement et pour la Xfois on reportera des commandes, forcément urgentes, d’équipement (ce que les fournisseurs apprécient aussi beaucoup).

Au bilan, et en admettant que des décisions « courageuses » (qui sont en fait surtout des décisions de facilité) n’aient pas encore à être prises, le 1,6 milliard d’euros supplémentaire risque fort de fondre. En réalité, jusqu’à présent les augmentations fièrement annoncées correspondent sensiblement à ce qui était prévu par le gouvernement précédent. On est loin en tout cas, de 2,25 milliards supplémentaires prévus d’ici à 2025 pour réaliser le programme présidentiel, augmentation qui elle-même ne serait pas forcément suffisante tant la crise est grande. On rappellera au passage que les coûts relatifs au simple arsenal nucléaire, à moins d’y renoncer complètement ou en partie, impliqueront à eux seuls environ 2 milliards d’euros par an en plus à partir de 2021 ou 2022. Le moins que l’on puisse dire est que l’on est mal parti pour sortir de la crise.

On peut donc concevoir au final que ce sentiment de « dindonisation » permanente puisse un petit peu exaspérer, surtout quand on y ajoute le mépris pour le premier des militaires, dont on rappellera au passage qu’il n’enfreint en rien le devoir de réserve en expliquant une situation que par ailleurs tout le monde peut constater ouvertement. Il n’y a dans le fond guère de surprise, la politique du gouvernement se fondant pour l’instant intégralement dans celle des précédents, mais sans doute quand même un peu de déception tant est grand le décalage entre les promesses ou la posture et la médiocrité de la réalité.

La défense française en 2025

La défense française en 2025

par Alain RODIER – CF2R – Tribune libre N°175 / mars 2025

https://cf2r.org/tribune/la-defense-francaise-en-2025/


 

 

Un ancien haut diplomate qui a été ambassadeur de France, en Israël puis aux États-Unis, écrit sur X : « L’Europe assiégée[1] ». Le ton catastrophique adopté provoque la question suivante : par qui ?[2]

Dans son intervention télévisée du 5 mars, le président Emmanuel Macron s’est fait plus précis : «La menace russe est là, et touche les pays d’Europe. La Russie a fait du conflit ukrainien un conflit mondialen violant les frontières, manipulant l’information, les opinions (…)  Qui peut croire que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? Elle est devenue une menace pour la France et pour l’Europe. »

Certes la situation mondiale est chaotique et les évolutions à venir sont imprévisibles – les analystes n’ayant jamais rien prévu de correct -, mais à priori personne ne veut aujourd’hui envahir l’Europe.

Qu’en est-il de la menace russe ?

Il est vrai que Moscou lorgne sur les pays baltes qui commandent l’accès à l’enclave de Kaliningrad considérée comme vitale par le Kremlin, un peu comme le port de Sébastopol en mer Noire. Enfin, toujours traumatisée par l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale et 45 années de servitude, la Pologne continue à fantasmer le danger que la Russie ferait peser sur elle. Il y a également le problème de la Transnistrie qui souhaite son détachement de la Moldavie pour rejoindre la Russie.

Bien logiquement les dirigeants de ces pays en appellent à la solidarité de l’OTAN (les États baltes et la Pologne en sont membres et peuvent bénéficier de l’article 5) et de l’Europe car ils savent que la Russie – malgré les grandes déficiences de son armée constatées lors de l’« opération militaire spéciale » menée en Ukraine – peut les agresser et qu’il leur sera impossible d’y répondre seuls – d’autant que les pays baltes ont des armées lilliputiennes.

Si Moscou décide de passer à l’action, cela risque plus de ressembler à la conquête de la Crimée par les « petits hommes verts » en 2014 qu’à une offensive généralisée de grande ampleur. En effet, la Russie peut compter sur les populations russophones et russophiles nombreuses dans ces États (sauf pour la Pologne) pour lui apporter leur soutien du type « cinquième colonne. »

Mais une fois énoncées ces problématiques, il n’en reste pas moins que l’armée russe n’a ni la puissance ni la volonté d’envahir l’Allemagne, la France, ni d’autres pays européens.). La Russie n’est pas l’URSS d’autrefois et, en dehors de sa puissance nucléaire, elle n’a pas les moyens humains et matériels pour constituer une menace classique pour la vieille Europe – ni d’ailleurs la volonté. Qu’est qu’elle ferait de ces pays et de leyr citoyens pour le moins « ingérables » ?.

Au demeurant, durant la Guerre froide, la puissance militaire de l’URSS et du Pacte de Varsovie avaient été volontairement surévaluées par les Américains pour des questions de présence en Europe de l’Ouest. Bien sûr, elles n’étaient pas négligeables mais la « fable » des chars russes atteignant les côtes atlantiques de l’Europe en trois jours a été de mise jusqu’à ce que les faiblesses de l’Armée rouge n’aient été dévoilées lors de la guerre en Afghanistan (1979-1989) : matériels rustiques mais dépassés, valeur combative de la troupe sujette à caution, encadrement insuffisant, corruption endémique, etc.

Toujours est-il que la situation globale est très instable et la menace peut venir de là où ne l’attend pas. Il faut donc consacrer plus de moyens à la défense mais en déterminant une priorité dans les menaces.

La menace intérieure

La menace est d’abord intérieure, provenant des nombreux activistes de toutes tendances – et plus particulièrement ceux qui se revendiquent du salafisme/djihadisme – qui n’attendent que l’occasion de passer à l’action.

Les forces de sécurité intérieures doivent être beaucoup plus nombreuses et bien formées et disposer d’un renseignement adapté. Leurs unités (gendarmerie mobile, CRS, groupes d’intervention spécialisés) doivent être bien réparties sur le territoire pour pouvoir intervenir le plus rapidement possible afin d’empêcher qu’une situation violente ne dégénère en insurrection.

Des mesures ont déjà été prises avec la « recréation » la montée en puissance des anciens RG (Direction nationale du renseignement territorial/DNRT), l’implantation des d’antennes du GIGN en région, etc. Il convient encore de renforcer les effectifs de la gendarmerie et de la police et de développer une réserve opérationnelle plus active.

La menace sur l’Europe

Il n’y a pas de corps blindé-mécanisé russe prêt à fondre sur les pays de l’Union européenne, ni de forces de quadrillage pouvant être déployées pour le contrôle des terrains conquis comme du temps du Pacte de Varsovie. S’il y a une menace conventionnelle, elle est surtout aérienne. La défense de l’espace aérien ne commence pas aux frontières de l’hexagone. Elle devrait être intégrée au niveau européen, ce qui est déjà grandement le cas.

En revanche, il existe des affrontements d’influence – en particulier grâce à la guerre cybernétique – où les amis d’hier peuvent être les adversaires du jour. S’il y a eu une prise de conscience des autorités l’insuffisance de moyens humains et techniques est toujours d’actualité.

La menace sur l’Europe est donc totalement hybride et peut alimenter les mouvements activistes intérieurs. D’où l’importance de renforcer la défense des points sensibles comme les centrales nucléaires contre des actions de type terroriste pouvant être menée par tout idéologue radicalisé.

Par ailleurs, la guerre est aussi économique et a besoin de renseignements. Il convient de développer donc les services d’acquisition du renseignement offensif et le contre-espionnage défensif, bien que beaucoup d’efforts dans ces domaines aient été consentis ces dernières années. 

Les menaces hors d’Europe

Hors d’Europe, la principale menace concerne les voies de circulation maritime par lesquelles passent nos approvisionnements et nos possessions ultramarines.

Là, ce sont les frégates multi-missions qui manquent ainsi que des moyens aériens projetés à l’extérieur (un nouveau porte-avions pourrait être utile.). Pour élargir le rayon d’action de la Marine, les drones aériens navalisés doivent être considérablement développés.

La Russie constitue un redoutable adversaire hors d’Europe – comme cela a été constaté sur le continent africain – et dans les territoires d’outre-mer, parfois via des pays tiers comme l’Azerbaïdjan. Mais les dangers à venir pourront venir d’autres acteurs comme la Chine en mal d’expansion. Il ne faut pas oublier non plus les États-Unis qui sont de redoutables prédateurs économique.

La dissuasion nucléaire

La dissuasion nucléaire reste l’ultime garde-fou qui assure l’indépendance de la France et garantit sa place de membre permanent au Conseil de Sécurité. Bien sûr, le flou doit être maintenu concernant les conditions d’emploi afin qu’un adversaire éventuel ne puisse penser les contourner.

Il convient aussi de conserver les deux composantes : l’une aéroportée, pouvant servir aussi pour une éventuelle frappe de « dernier avertissement » et l’autre sous-marine pour déclencher « ‘l’apocalypse. ». L’arme aéroportée (actuellement le missile de croisière air-sol moyenne portée amélioré ASMP-A) n’est en aucun cas une arme « tactique » destinée à emporter une décision sur un champ de bataille. Elle fait partie de la doctrine stratégique de la France[3].

En Europe, les Britanniques ne sont pas libres de mettre en œuvre les armes nucléaires stratégiques embarquées sur leurs SNLE sans l’autorisation de Washington. Par ailleurs, ils n’ont plus d’armes aéroportées. Les bombes nucléaires B-61 armant certaines forces de l’OTAN (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Italie, Turquie[4]) ne sont destinées qu’à un emploi stratégique et le décideur final reste Washington. La question qui s’est toujours posée est : les États-Unis sont-ils prêts à sacrifier des villes américaines pour tenter de sauver l’Europe ? Le général de Gaulle était persuadé du contraire d’où sa décision de développer une force de frappe totalement indépendante.

Dans le domaine nucléaire, la menace est constituée par tous les pays qui la détiennent ou qui pourraient l’avoir. Il est donc essentiel de moderniser en permanence la force de dissuasion pour qu’elle reste « crédible. »  

Tout cela coûte cher. Les responsables politiques doivent donc faire des choix. Plus on dépense pour la défense (intérieure et extérieure), moins on en fait pour l’action sociale, ce qui risque de poser des problèmes sociétaux générateurs de désordres intérieurs, pouvant être exploités ou initiés par des adversaires étatiques étrangers. C’est le serpent de mer qui se mord la queue…


[1] https://x.com/GerardAraud

[2] Plus globalement, les discours des politiques et des groupes de pression divers et variés, amplifiés à souhait par les médias en mal d’audience, sont catastrophiques pour le moral des populations, en particulier pour la jeunesse. Ils promettent un réchauffement climatique qui va causer une sorte de fin de monde (grillé ou/et noyé), des épidémies dévastatrices de type Covid, des guerres meurtrières (aujourd’hui russe, demain chinoise), des mouvements de populations apocalyptiques, un chômage endémique et le rétablissement du service militaire obligatoire… Après, on se désole que la jeunesse n’ait pas le moral !

[3] Par contre, l’emploi d’armes nucléaires « tactiques » fait partie des doctrines américaine, russe et chinoise.

[4] Qui ne possède pas d’avions capables de les emporter.

Défense européenne : effort de guerre, budgets… le plan européen à 800 milliards d’euros de l’Europe suffira-t-il face à la menace russe ?

Défense européenne : effort de guerre, budgets… le plan européen à 800 milliards d’euros de l’Europe suffira-t-il face à la menace russe ?

L’essentiel

En s’alignant sur Moscou pour régler la guerre en Ukraine, Donald Trump bouleverse les alliances. L’Europe est forcée de se réarmer mais son plan à 800 milliards d’euros suffira-t-il ? La France, qui envisage de continuer à muscler son budget de la Défense, doit réfléchir à l’évolution de son armée et se préparer aux choix douloureux qu’impose une économie de guerre.

Après la spectaculaire volte-face de Donald Trump qui se range désormais aux arguments de Moscou contre Kiev dans la guerre en Ukraine et, ce faisant, bouleverse les alliances entre les États-Unis et ses alliées forgées depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est au pied du mur.

L’Union européenne et le Royaume-Uni doivent s’organiser urgemment pour poursuivre l’aide militaire à l’Ukraine et compenser – si c’est possible – celle des États-Unis mise sur pause par Donald Trump, et, surtout, bâtir cette Europe de la Défense pour laquelle Emmanuel Macron plaide depuis 2017, mais qui joue l’arlésienne depuis des décennies. Cette fois, les Européens n’ont plus le choix et vont devoir concrétiser en acte « l’économie de guerre » qu’ils appelaient de leurs vœux au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Un plan européen « ReArm » à 800 milliards d’euros

Cela passe en premier lieu par une capacité à se réarmer et à financer ce réarmement. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ainsi dévoilé mardi un plan pour « réarmer l’Europe » qui doit lui permettre de mobiliser près de 800 milliards d’euros pour sa défensedont 150 milliards de prêts à disposition des 27 – et fournir une aide immédiate à l’Ukraine.

« Le moment est venu pour l’Europe. Et nous sommes prêts à nous renforcer », a dit Ursula Von der Leyen, ancienne ministre de la Défense allemande. Mais au-delà des prêts, le premier « pilier » de ce plan baptisé « ReArm » repose essentiellement sur les dépenses nationales dans chaque État membre, que la Commission européenne veut faciliter. Ainsi, la présidente de la Commission a confirmé sa volonté d’encourager les États à dépenser plus pour leur défense, sans être contraints par les règles budgétaires qui les obligent à limiter leur déficit public à 3 % de leur Produit intérieur brut (PIB).

Cette dérogation aux règles de Maastricht résonne agréablement aux oreilles de la France, qui doit maintenir sa dissuasion nucléaire – la seule de l’UE – et a rehaussé fortement son budget de la Défense ces dernières années.

La France doit-elle aller à 3 ou 3,5 % du PIB ?

Dans le dernier projet de loi de finances des Armées 2025, l’augmentation de l’effort de la Nation pour la Défense a acté une hausse de +3,3 milliards d’euros, portant la mission Défense à 50,5 milliards d’euros hors pensions. Le budget des armées augmente ainsi de 56 % sur la période entre 2017 et 2025. Les crédits votés dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 se montent à 413 milliards d’euros.

Faut-il aller plus loin ? Presque tous les pays de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses militaires en 2024, une majorité atteignant l’objectif fixé en 2014 d’accorder 2 % de leur PIB à la Défense, objectif qui n’était atteint que par 11 des 30 États de l’organisation en 2023. La France est à 2,06 % du PIB.

« Depuis trois ans, les Russes dépensent 10 % de leur PIB dans la défense. On doit donc préparer la suite, en fixant un objectif autour de 3, 3,5 % du PIB », a déclaré Emmanuel Macron au Figaro le 2 mars, rajoutant qu’il voulait remettre sur le métier la LPM. « On devra réviser à la hausse. La question, c’est : est-ce qu’on aura besoin de plus de financements nationaux ? Comment on mobilise mieux les financements européens ? »

 

Les dépenses militaires des pays de l’OTAN en fonction de leur proximité avec la Russie.
Les dépenses militaires des pays de l’OTAN en fonction de leur proximité avec la Russie. DDM

 

« Les Américains représentent 30 % de l’OTAN. Cela va nous prendre dix ans pour nous désensibiliser, en investissant massivement au niveau national et européen », analysait encore Emmanuel Macron.

Reste une question capitale : aller à 3 ou 3,5 % du PIB de dépenses militaires – soit 70 milliards d’euros par an – changerait-il réellement la donne ? Les équipements militaires possèdent des technologies toujours plus avancées et forcément très coûteuses ; la hausse du coût des équipements est donc plus rapide que les budgets, ce qui conduit à jouer sur les quantités.

L’autre écueil est que « l’industrie de défense française demeure dans une logique d’arsenal, très dépendante de l’État, et manque de souplesse », expliquait au Figaro Élie Tenenbaum, directeur du Centre des Études de Sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Un investissement sûr et dans la durée est donc indispensable. Ce qui n’empêche pas la France d’avoir été le 2e pays exportateur d’armes majeures dans le monde derrière les États-Unis entre 2019 et 2023 et de voir certains de ses champions tricolores afficher de très bons résultats comme Dassault, concepteur du Rafale, qui a annoncé un chiffre d’affaires de 6,2 milliards d’euros en 2024 contre 4,8 milliards d’euros en 2023.

Des choix douloureux pour financer l’effort

Mais la question clé en cas de désengagement des États-Unis et même s’il y a plus d’argent consacré à la Défense est de savoir s’il faut changer le modèle d’organisation des Armées françaises : passer d’un modèle d’armée complète, multitâche, mais de taille réduite et limitée – certains parlent d’un corps expéditionnaire ou d’une armée « bonsaï » – à une armée plus spécialisée sur certaines menaces seulement alors que la guerre en Ukraine a mis en évidence le retour de la guerre à haute intensité et la guerre hybride avec une forte dimension cyber

Enfin, la hausse des budgets militaires imposera de faire des choix douloureux, des arbitrages politiquement sensibles et explosifs entre dépenses de défense et dépenses sociales pour être réellement en économie de guerre…

Un débat qui concerne tous les pays européens, le Danemark envisage de reculer l’âge de départ à la retraite de 67 à 70 ans pour, entre autres, financer la défense du pays. Une telle option serait volcanique en France, d’où d’autres idées pour trouver de l’argent comme mobiliser une partie de l’épargne des Français ou lancer un grand emprunt national.

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Emmanuel Macron a rappelé jeudi le danger que représenterait, pour le reste de l’Europe, une victoire russe en Ukraine. Que se passerait-il si la guerre venait à s’étendre ? On fait le point.

Le président de la République a longuement échangé avec des internautes sur les réseaux sociaux, ce jeudi 20 février 2025.

Il a notamment évoqué «la menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », indiquant qu’elle allait « nous imposer des choix très forts pour nous-mêmes, pour notre défense et notre sécurité ». Il a également donné des détails sur les arguments qu’il comptait présenter à Donald Trump, le mettant en garde contre toute « faiblesse » face à Vladimir Poutine.

« Si tu laisses l’Ukraine prise » par la Russie, elle sera « inarrêtable pour les Européens », puisqu’elle « récupérerait » l’armée ukrainienne « qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains ». Dans ce scénario du pire, en cas d’invasion de la Russie sur le territoire hexagonal, que se passerait-il alors ? Qui serait mobilisé ? On vous explique.

La mobilisation générale quasi impossible

Avec la fin du service militaire, la France possède ce qu’on appelle une armée de métier. On compte environ 200 000 militaires d’active dans l’armée française. Ce sont eux qui seraient envoyés en priorité sur le front. Environ 40 000 volontaires âgés de 17 à 35 ans constituent également ce que l’on appelle la réserve de sécurité nationale.

Dans ses vœux aux armées, en janvier, Emmanuel Macron avait à ce sujet évoqué un projet, encore flou, pour « mobiliser » davantage de jeunes volontaires « en renfort des armées » en cas de besoin. « Aujourd’hui, nous nous contentons d’un recensement, d’une journée défense et citoyenneté », « c’est trop peu », avait-il dit, demandant au gouvernement et à l’état-major des propositions d’ici au mois de mai pour « mieux détecter », « former » et « être capable de mobiliser » des volontaires « le jour venu ».

La France vise ainsi 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes à l’horizon 2030.

La mobilisation générale serait utilisée en dernier recours mais elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir en raison de capacités logistiques insuffisantes. La dernière date de 1939, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. 4,5 millions de Français avaient alors été appelés sous les drapeaux

Transformation de l’armée de Terre. Que signifie la réorganisation « vers une armée de Terre de combat » ?

Transformation de l’armée de Terre. Que signifie la réorganisation « vers une armée de Terre de combat » ?

En juillet 2023, le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), a lancé une transformation des forces terrestres françaises intitulée « Vers une armée de Terre de combat ».

Soldat de l'armée de Terre
Soldat de l’armée de Terre – Yann DUPUY/armée de Terre/Défense

Prenant acte de l’avènement d’une « nouvelle ère stratégique » d’une part, et de l’opportunité de consolidation offerte par la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 de l’autre, le CEMAT entend faire évoluer le modèle « Au contact » de 2015 selon trois axes : « la modernisation des équipements, la refonte de l’organisation et l’adaptation du fonctionnement »

À travers cette « plus importante réforme de l’armée de Terre depuis la fin de la conscription  », l’intention du CEMAT est de libérer l’armée de Terre de la norme et des modalités, en plaçant la performance et l’efficacité au cœur de son fonctionnement par un modèle qui favorise la prise d’initiative et la responsabilisation des niveaux subordonnés. Comment cette réorganisation s’incarne-t-elle concrètement après un an de mise en œuvre ?


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Edito Transformation de l’armée de Terre

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Transformation de l’armée de Terre. Que signifie la réorganisation « vers une armée de Terre de combat » ?

« La seule armée taillée pour la haute intensité » : comment la Pologne devient la première armée d’Europe

« La seule armée taillée pour la haute intensité » : comment la Pologne devient la première armée d’Europe

Avec près de 5 % de son PIB consacré à la défense et des milliers de commandes de chars, lance-roquettes et avions de combat, Varsovie devient le géant militaire de l’Europe sur le segment terrestre. Mais cette montée en puissance va se heurter à quelques écueils.

La Pologne, première armée d’Europe ? Il y a dix ans, le simple énoncé aurait fait sourire le microcosme de la défense. En ce début d’année, plus personne ne rit. Depuis 2014, le budget de défense polonais a triplé, à 44,2 milliards d’euros en 2025, selon les chiffres du gouvernement. Il dépasse désormais celui de l’Italie et n’est plus devancé, au sein de l’UE, que par l’Allemagne et la France. Et la part du PIB consacrée aux armées est passée de 1,88 % en 2014 à 4,7 % en 2025, le chiffre le plus élevé de tous les pays de l’Otan, Etats-Unis compris. Quant aux effectifs militaires, ils ont plus que doublé en dix ans : avec plus de 216 000 soldats, l’armée polonaise devance désormais son homologue française (204 000).

La Pologne ne fait pas mystère de ses ambitions. « Aujourd’hui, nous construisons l’armée la plus moderne d’Europe, expliquait le premier ministre Donald Tusk en septembre lors d’un déplacement à Gdansk, dans le nord du pays. La Pologne réalise un effort extraordinaire pour développer ses capacités de défense. Le monde entier commence à s’en apercevoir. » Varsovie veut désormais atteindre un effectif de 300 000 militaires à l’horizon 2035, dont 250 000 soldats d’active et 50 000 soldats rattachés aux forces de défense territoriale (opérations défensives, contre-insurrection, gestion de crise…).

Cette montée en puissance, inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, est en train de bousculer les équilibres traditionnels. « La Pologne sera la première armée terrestre et aéroterrestre à la fin de la décennie, avec une puissance de feu unique en Europe », résume Léo Péria-Peigné, auteur, avec Amélie Zima, d’un rapport du think tank Ifri publié le 5 février, intitulé « Pologne, première armée d’Europe en 2035 ? ».

40 fois plus de lance-roquettes que la France

Pour mener à bien cet objectif, Varsovie a multiplié les contrats d’armement ces dernières années. Le pays a commandé un millier de chars sud-coréens K2 (dont 380 fermes), 366 chars américains Abrams, mais aussi 672 obusiers coréens K9 Thunder et environ un millier de lance-roquettes multiples (Himars américain, K239 Chunmoo sud-coréen). « L’objectif est de construire une dissuasion conventionnelle crédible pour pallier l’absence de dissuasion nucléaire indépendante face une Russie plus agressive que jamais », résument Léo Péria-Peigné et Amélie Zima dans leur note.

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 1er février 2025

https://www.revueconflits.com/larmee-francaise-de-demain-specialisation-ou-conscription/


Alors que les conflits récents rappellent l’importance des stratégies classiques de terrain, l’armée française entame une mutation profonde pour répondre aux défis de la guerre moderne. Entre la numérisation des systèmes, la montée en puissance des spécialistes et la nécessité de s’intégrer dans des alliances multinationales, les forces terrestres réinventent leur organisation tout en restant attachées à des tactiques éprouvées. Ce paradoxe reflète une constante : si les technologies évoluent, la nature de la guerre, elle, demeure.

L’armée française a hésité longtemps entre un modèle reposant sur la conscription, et un autre bâti sur la professionnalisation. Lorsque de Gaulle publia Vers l’armée de métier (1934), l’état-major et les politiques ont encore en tête la défaite de 1870, quand l’armée était professionnelle, et la victoire de 1918, où la demande d’immenses réserves d’hommes avait imposé la conscription. De l’apparition de la bombe nucléaire naquit la création d’une de force d’action rapide professionnelle au sein de l’armée de conscription jusqu’à la fin de la guerre froide. C’est avec Jacques Chirac et l’abolition du service militaire que la professionnalisation est devenue le modèle de l’armée française. Devant les besoins techniques de la guerre moderne, la multiplication des réservistes ne pourra pas changer ce modèle.

Martin Anne

Une armée de terre en transformation

La modification profonde de l’organisation de l’armée de terre, qui bascule du modèle « au contact » à « l’armée de terre de combat », vise à répondre aux transformations induites par la multiplication des outils numériques. Cette réforme repose sur trois grands axes : une logique d’employabilité des unités, une décentralisation du commandement et une présence accrue de spécialistes au sein des forces terrestres. L’objectif est de répondre aux défis posés par la numérisation, qui exige des profils plus techniques.

La numérisation a refondu les systèmes informatiques et de communication des unités de combat. Désormais, chaque unité est équipée de serveurs informatiques intégrés à leur système de communication radio. Ces systèmes permettent d’obtenir des informations telles que la position GPS, la quantité de munitions tirées et de transmettre des ordres numériques. Le concept de combat collaboratif, développé par Thales, renforcera encore ces capacités en automatisant la transmission de données tactiques grâce à l’intelligence artificielle. Les opérateurs chargés de gérer ces systèmes devront posséder des compétences avancées en informatique pour paramétrer et exploiter ces technologies complexes.

Le renseignement tactique a également gagné en importance. Autrefois concentrés dans deux régiments spécialisés, les moyens de renseignement en images (drones) et en électronique (interception d’émissions électromagnétiques) étaient déployés sur les théâtres d’opérations pour appuyer les groupements tactiques. Désormais, les régiments d’infanterie intégreront des capacités de guerre électronique, tandis que l’utilisation de drones sera généralisée à l’ensemble des armes. Les régiments spécialisés subsistent néanmoins, pour répondre aux besoins en renseignement opératif et stratégique. Cette évolution, réalisée à effectif constant, entraîne une substitution progressive des combattants d’infanterie traditionnels par des spécialistes du renseignement. La mise en œuvre de ces équipements complexes nécessitera également des soldats mieux formés techniquement.

Cependant, l’augmentation des outils de renseignement et de communication entraîne une multiplication des réseaux, et donc des failles potentielles en matière de sécurité. Si le chiffrement des communications est une pratique ancienne, illustrée par des exemples tels que la machine Enigma ou les Windtalkers navajos, les réseaux numériques modernes exigent des solutions de protection toujours plus avancées. La cyberguerre est devenue un enjeu clé, impliquant des actions visant à couper les réseaux de communication ennemis et à accéder à leurs données sensibles. Pour y faire face, l’armée de terre a créé un bataillon cyber, regroupant des unités spécialisées. Cette évolution s’inscrit dans un contexte où les effectifs globaux restent constants, ce qui accroît mécaniquement la proportion de spécialistes dans les rangs.

Ainsi, le nombre de spécialistes augmentera fortement dans l’armée de terre pour relever ces défis technologiques. Intuitivement, on pourrait en conclure que les clés de la victoire résident désormais dans des opérations ciblées, comme la prise de contrôle des réseaux informatiques ennemis, plutôt que dans la conquête traditionnelle de territoires. Pourtant, les conflits récents en Ukraine et au Proche-Orient démontrent que la conquête physique reste un élément central des affrontements.

Des fondamentaux qui demeurent

Dans le conflit ukrainien, le contrôle du terrain demeure un objectif politique central. Vladimir Poutine, en 2014, déclarait que « la Crimée et Sébastopol sont rentrés au port », affirmant ainsi ses visées territoriales. Reflétant l’assertion de Clausewitz selon laquelle « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », la conquête du terrain constitue l’objectif militaire principal de ce conflit. Celle-ci s’appuie sur le déploiement de troupes au sol, suivant des tactiques classiques.

Par exemple, l’offensive ukrainienne vers Koursk a été menée par des brigades mécanisées dont l’organisation reste comparable à celle de la Deuxième Guerre mondiale. Les chars de bataille y jouent toujours un rôle central, en perçant le front ennemi pour permettre à l’infanterie de progresser. Les appuis en génie et artillerie conservent leur fonction traditionnelle : préparer le terrain en vue de sa prise. Ainsi, un général ukrainien pourrait aujourd’hui, à l’instar du maréchal de Lattre de Tassigny, déclarer au sujet de l’une de ses brigades mécanisées : « C’était mon élément de décision. » La rupture du front, obtenue par une concentration de moyens blindés dans une zone favorable, reste une méthode privilégiée pour remporter la victoire.

Dans cette organisation conventionnelle, les technologies dites « de rupture » sont intégrées au sein des brigades, mais leur utilisation demeure confiée à des unités spécialisées. Ces technologies participent au nouveau combat interarmes sans pour autant remplacer les équipements traditionnels. Par exemple, le drone ne remplace pas le char, comme le char avait autrefois remplacé le cheval. La guerre moderne ne peut donc être menée exclusivement derrière un écran : elle reste un affrontement terrestre, où la quantité d’hommes engagés demeure un facteur clé pour obtenir l’avantage. Une armée négligeant ce rapport de force risquerait rapidement d’être surpassée. En Europe, les armées prises individuellement ne disposent pas des effectifs suffisants pour répondre à ces exigences, à l’exception notable de l’armée américaine, qui combine haute technologie et armée de masse.

La réserve : une alternative à l’armée permanente

Les guerres au Proche-Orient et en Ukraine, bien que différentes — asymétrique pour l’une, symétrique pour l’autre —, ont toutes deux nécessité la mobilisation de réservistes. Tsahal, l’Ukraine et la Russie peuvent compter sur des centaines de milliers de réservistes ayant récemment effectué leur service militaire. Ces derniers possèdent les qualifications nécessaires pour utiliser du matériel moderne, permettant d’augmenter rapidement et efficacement les effectifs des armées régulières.

En comparaison, les forces opérationnelles terrestres françaises comptent 77 000 soldats, et l’armée de terre 120 000, avec 25 000 réservistes. Ces chiffres soulignent les limites du modèle d’une armée réduite. Pour y remédier, la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) prévoit une augmentation significative de la réserve opérationnelle, visant le recrutement d’un réserviste pour deux soldats d’active. L’objectif est d’atteindre 100 000 réservistes d’ici 2030.

Cependant, ce modèle présente des faiblesses. Les réservistes français, formés comme généralistes, ne reçoivent pas de formation spécialisée. Par exemple, un réserviste d’un régiment de cavalerie peut remplacer un collègue d’un régiment de transmissions, mais aucun des deux n’atteint le niveau de compétence de son homologue d’active. Contrairement à Tsahal, où les réservistes peuvent être mobilisés pour opérer des chars Merkava, les réservistes français ne sont pas qualifiés pour utiliser les Leclerc. Ce déficit de spécialisation, combiné à la complexité croissante des équipements, allongerait le délai de mobilisation des unités de réserve en cas de conflit.

La doctrine actuelle exclut l’emploi des réservistes dans des missions de combat face à une armée moderne. Leur rôle se limiterait à des missions sur le territoire national, tandis que l’active serait déployée en opération. Ainsi, en cas de guerre, l’armée conventionnelle française ne pourrait compter que sur ses effectifs permanents.

Face à ces défis, la France mise sur son intégration dans des alliances multinationales, seule solution pour compenser le manque d’effectifs. Dans son modèle actuel et futur, l’armée française doit accepter sa dépendance envers ses alliés pour garantir une capacité d’intervention suffisante en cas de conflit.

Une armée numérisée aux tactiques traditionnelles

L’armée française reste attachée à son modèle « d’armée complète », qui vise à maintenir un éventail complet de capacités militaires. Ce modèle est adapté aux effectifs qui lui sont alloués, mais il permettrait également de transmettre, conserver et développer ses savoir-faire si une augmentation rapide des effectifs devenait nécessaire. En revanche, un manque d’adaptation risquerait de conduire à ce que l’on appelle le syndrome de la « guerre de retard », où une armée nombreuse et expérimentée, mais utilisant des technologies et des méthodes dépassées, se verrait surpassée par une force plus jeune et agile, équipée des dernières avancées technologiques.

Bien que les nouvelles technologies aient modifié certains aspects de la micro-tactique et contribué à dissiper le « brouillard de la guerre » en offrant une meilleure visibilité des situations, elles n’ont pas transformé la nature même du conflit. Le champ de bataille en 2024 reste marqué par la présence de chenilles de chars, de tranchées et de troupes massées aux frontières. Ainsi, malgré l’introduction massive de composants électroniques dans les équipements militaires, les éléments fondamentaux de la guerre demeurent inchangés.

Les conditions d’une future politique sahélienne

Les conditions d’une future politique sahélienne

Soldats français de l’opération Barkhane en patrouille avec des soldats maliens imbamogoye(Mali) avril 2016 Pascal Guyot/AFP
Editorial de Bernard Lugan publié en janvier 2025

Au Sahel où le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes), la situation est désormais hors contrôle. Face aux massacres de civils les armées locales sont totalement dépassées quand elles ne sont pas complices. Quant aux mercenaires russes, ce n’est pas en multipliant les crimes de guerre qu’ils pourront faire croire aux populations qu’ils sont animés de la « parcelle d’amour » qui était si chère à Lyautey et aux grands coloniaux français…
Il faut bien voir que la catastrophe actuelle résulte de deux principales erreurs de diagnostic faites par les décideurs parisiens : 
1) Avoir cautionné la cuistrerie de ceux de leurs « experts » officiels qui qualifiaient systématiquement de jihadiste tout bandit armé ou même tout porteur d’arme
Alors que nous étions face à un « cocktail » de revendications ethniques, sociales et politiques opportunément habillées du voile religieux, et que le trafic était devenu le poumon économique de populations subissant les effets d’une désertification accélérée par la démographie. D’où la jonction entre trafic et islamisme, le premier se faisant dans la bulle sécurisée par le second.
2) Avoir ignoré les constantes ethno-historico-politiques régionales. 
Un tel refus obstiné de prendre en compte les réalités ethniques s’explique à la fois par l’idéologie et par l’ignorance. Avec pour conséquence que des solutions aussi hors sol que simplistes ont été plaquées sur la complexe, mouvante et subtile alchimie humaine sahélienne. 
En effet, dans ces immensités où le jihadisme surinfecte de vieilles plaies ethno-historiques, présenter comme solution un processus électoral est une farce tragique car il n’aboutit qu’à un sondage ethnique grandeur nature. Quant au discours convenu prônant la nécessité de combler le « déficit de développement » ou encore la « bonne gouvernance », il relève du charlatanisme politique… 
En 2025, si, après avoir été honteusement « éjectée » du Sahel à la suite de l’accumulation des erreurs commises par Emmanuel Macron, la France décidait d’y revenir, ses dirigeants devraient alors bien réfléchir. Ils ne devraient en effet plus voir la question régionale à travers le prisme des idéologies européo-centrées, des automatismes contemporains et des « singularités » LGBT. 
Tout au contraire, il s’agirait pour eux de replacer les évènement dans leur contexte historique régional à travers cette longue durée qui, seule, permet de comprendre qu’ils sont liés à un passé toujours prégnant et qui conditionne largement les choix des uns et des autres. 
Pour le comprendre, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Au Tchad, où la campagne électorale pour les élections législatives et locales prévues le 29 décembre bat son plein, les autorités veulent accélérer le départ des forces françaises.

Selon mon confrère Franck Alexandre, de RFI, des sources proches du gouvernement français indiquent que Paris a bien reçu, jeudi soir 19 décembre, une demande pour un départ de tous les soldats français avant le 31 janvier prochain. Information que RFI a pu confirmer côté tchadien.

« La négociation est toujours en cours », assurent les militaires français cités par mon confrère. Les discussions seraient « techniques, mais se passent bien », précisent-ils. Même son de cloche apparemment à Ndjamena où l’on insiste sur la qualité du partenariat. « La situation n’a rien à voir avec les pays de l’AES », souligne une source proche des autorités tchadiennes, ajoutant qu’un premier calendrier de retrait s’étalant jusqu’en mars a été refusé, car jugé trop long.

« On veut montrer que le désengagement est bien en cours », ont déclaré de hauts responsables militaires français qui confirment aussi que les relèves prévues ont été annulées et le matériel des unités arrivantes a été rappelé en métropole. D’où le départ le 10 décembre du détachement chasse dont les Mirage 2000 stationnaient sur la base aérienne de Ndjamena. D’où aussi l’évacuation en cours des emprises françaises de Faya-Largeau (50 soldats) et d’Abéché (une centaine d’hommes). Deux bases lointaines, à dix jours de piste.

Il faudra ensuite s’occuper du camp Kossei.

Après les redéploiements français du Sahel (du Mali en particulier), les forces françaises ont éprouvé leurs procédures et maîtrisent les étapes des sorties de théâtre. Ce qui ne signifie pas que ce type d’opération est sans risques et sans surprises.

Une partie de matériel prendra certainement la route maritime pour regagner la métropole. Des ports du Cameroun pourraient être utilisés. A moins que les infrastructures portuaires de la Guinée Equatoriale, notamment le port de Bata, ne puissent aussi servir pour ce transit.

Actualisation
Ce vendredi, « 120 soldats français ont décollé de l’aéroport militaire de N’Djamena à bord d’un Airbus A330 Phoenix MRTT, à destination de la France », selon un communiqué publié sur la page Facebook du ministère tchadien des Armées. Interrogée par l’AFP à Paris, l’armée française n’a pas commenté cette annonce. Mais des photos du départ de ces soldats circulent sur les réseaux sociaux:

 

Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024

Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024


En ce jour particulier qui devrait être celui de la paix, de la fraternité et du partage, que vous soyez en famille, en opération, de permanence, seuls ou avec vos frères d’armes, Zone Militaire vous souhaite un joyeux Noël 2024.

Chaque année, il est d’usage d’accompagner ce court message de Noël par un poème. Cette fois, ce sera un texte du commandant Antoine de Saint-Exupéry, tiré de son ouvrage « Citadelle ».

Mais j’ai bâti à l’heure de la garde mes sentinelles. Et il est quelqu’un, ici, pour manger. Leur repas est bien autre chose que soins accordés au bétail pour accroissement du tour du ventre. Il est communion dans le pain du soir des sentinelles. Et certes chacune l’ignore.

Cependant de même que le blé du pain, à travers eux, se fera vigilance et regard sur la ville, il se trouve que la vigilance et le regard qui embrasse la ville, à travers eux, se fait religion du pain. Ce n’est pas le même pain qui est mangé. Si tu désires les lire dans leur secret qu’ils ignorent eux-mêmes, va les surprendre au quartier réservé, quand ils courtisent les femmes. Ils leur disent :

« J’étais là, sur le rempart, j’ai entendu siffler trois balles à mon oreille. Je suis demeuré droit, n’ayant point peur. »

Et ils plantent dans le pain leurs dents avec orgueil. Et toi, stupide, qui écoutes les mots tu confonds avec une vantardise de soudard la pudeur de l’amour. Car si le soldat raconte ainsi l’heure de ronde c’est bien moins pour se faire grandiose que pour se complaire dans un sentiment qu’il ne peut dire. Il ne sait pas s’avouer à lui-même l’amour de la ville. Il mourra pour un dieu dont il ne sait dire le nom. Il s’est déjà donné à lui, mais il exige de toi que tu l’ignores. Il exige de soi-même cette ignorance.

Il lui paraît humiliant de paraître dupe de grands mots. Faute de savoir se formuler il refuse par instinct de se soumettre à ton ironie son dieu fragile. De même qu’à sa propre ironie. Et tu vois mes soldats jouer les matamores et les soudards – et se complaire à ton erreur – pour goûter quelque part, au fond d’eux-mêmes, et comme en fraude, le goût merveilleux du don à l’amour.

Et si la fille leur dit : « Beaucoup d’entre vous – et c’est bien dur – mourront en guerre… », tu les entends approuver bruyamment. Mais ils approuvent par des grognements et des jurons. Cependant elle éveille en eux le plaisir secret d’être reconnus. Ils sont ceux qui mourront d’amour.

Et si tu parles d’amour, alors ils te riront au nez ! Tu les prends pour des dupes dont on tire le sang avec des phrases de couleur ! Courageux, oui, par vanité ! Ils jouent les matamores par pudeur de l’amour. Ainsi ont-ils raison car il arrive que tu les voudrais dupes.

Tu te sers de l’amour de la ville pour les convier au sauvetage de tes greniers. Se moquent bien de tes greniers vulgaires. Te feront croire par mépris pour toi qu’ils affrontent la mort par vanité. Tu ne conçois point véritablement l’amour de la ville. Ils le savent de toi le repu. Sauveront la ville avec amour, sans te le dire, et injurieusement, puisque tes greniers logent dans la ville, ils te jetteront comme un os au chien, tes greniers sauvés.

Illustration : Légion étrangère