DECES : Mort du capitaine Mathieu GAYOT du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales lors d’un exercice
Paris, le 12 novembre 2023
Samedi 11 novembre 2023, le capitaine Mathieu GAYOT du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales est décédé lors d’un exercice dans le cadre de la préparation opérationnelle de son unité.
Désigné comme coordinateur d’un exercice dédié à l’instruction des nouveaux arrivants au quartier Guynemer à Uzein (64), le capitaine GAYOT a été mortellement blessé en soirée.
Les secours sont intervenus très rapidement et ont constaté son décès peu de temps après.
S’inclinant avec une profonde tristesse devant la mémoire de ce militaire mort en service dans l’accomplissement de sa mission, le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, s’associe à l’immense douleur de sa famille. Ses pensées accompagnent tous ses proches ainsi que ses frères d’armes.
Hormis quelques publications, parfois récentes, comme « Les tueurs de la République » de Vincent Nouzille ou « Les guerriers de l’ombre » de Jean-Christophe Notin, la « littérature » sur le Service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] est peu abondante. Et quand la presse en parle, c’est qu’une opération [ou un entraînement] a mal tourné [ce qui arrive rarement] ou que le débat sur son éventuel rapprochement avec les forces spéciales a été relancé…
Par ailleurs, le ministère des Armées n’évoque pratiquement jamais le Service action… sauf dans les pages du Journal Officiel. Et, ces dernières années, seul Bernard Bajolet, alors à la tête de la DGSE, a confié qu’il était utilisé « au plein de ses capacités », à l’occasion d’une audition parlementaire réalisée peu après les attentats commis en France par l’État islamique [EI ou Daesh].
Cela étant, on sait que le Service Action se compose de trois unités chapeautées par le Centre d’instruction des réserves parachutistes [CIRP] de l’armée de Terre, du Groupe aérien mixte 56 « Vaucluse » de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] et du navire Alizée de la Marine nationale.
Quoi qu’il en soit, pour le lancement de Terre Mag, son nouveau magazine d’informations, l’armée de Terre a fait le choix de braquer les projecteurs sur l’une des trois unités du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’instruction spécialisée [CPIS] établi à Perpignan… et dont le DGSE ne parle même pas sur son site Internet.
Ainsi, on apprend que cette unité prépare « des dizaines » de militaires « triés sur le volet » à des « actions clandestines de coercition et à la guérilla » dans les zones de crise, en particulier « là où les forces spéciales ne sont pas autorisées à opérer ». Ces activités peuvent conduire à « exercer une pression ou une influence sur un individu, une organisation ou un État » et inclure « du renseignement, des cyberattaques, des campagnes de désinformation, etc. ».
« Nos agents agissent hors du cadre législatif. C’est la principale différence avec les forces spéciales ou armées en général », rappelle le chef de corps du CPIS dans les pages de Terre Mag.
L’une des spécificités de cette unité [mais qui doit valoir aussi pour les deux autres du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes et le Centre parachutiste d’entraînement spécialisé] est que les opérationnels disposent « d’une autonomie incomparable dans la préparation et la conduite » de leurs missions. « Chacune est unique et les équipes projetées changent en permanence, selon les besoins », explique Terre Mag.
Visiblement, l’activité du CPIS est intense. « Les agents cumulent en général plusieurs spécialités. Leur rythme de projection s’élève à environ 200 jours par an », apprend-on en effet.
Aussi, la sélection est impitoyable… et pour le chef de corps du CPIS, « présenter son dossier est déjà un acte de courage ». Ainsi, un candidat fera d’abord l’objet d’une enquête de sécurité, qui s’intéressera aussi à son entourage. Puis il aura à passer des entretiens, des tests psychotechniques et une évaluation de « mise en situation sur le terrain ». À noter que Terre Mag ne parle pas de tests sportifs mais sans doute que cela va de soi…
Une fois ces étapes passées, le volontaire va suivre une formation de dix-huit mois, laquelle alterne des phases d’apprentissage et de restitution. Et l’échec est interdit. Mais d’après Terre Mag, très peu de candidats échouent, en raison notamment de la solidité du processus de sélection, lequel met l’accent sur l’expérience opérationnelle, la capacité à se fondre dans la population, la rusticité, l’honnêteté intellectuelle ainsi que la capacité à gérer la tension nerveuse et à supporter l’isolement.
« Les personnes qui se présentent veulent donner un sens plus grand à leur engagement. Elles ne cherchent ni la reconnaissance, ni les médailles. Il n’y a pas de place pour l’ego chez nous », résume le chef de corps du CPIS.
Même si le califat qu’il avait autoproclamé en 2014 a été défait, l’État islamique [EI ou Daesh] demeure une menace et le dernier rapport des Nations unies sur l’activité des organisations jihadistes a mis en garde contre un « risque de résurgence bien réel » du groupe « en cas de relâchement de la pression antiterroriste. D’où les opérations régulièrement menées contre lui par les forces locales ainsi que par les forces spéciales, notamment américaines, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve [OIR].
Cela étant, des commandos français, affectés à la « task force » Hydra [qui relève de la force Chammal, ndlr], sont également engagés, généralement en toute discrétion, dans de telles missions contre l’EI. Et c’est au cours de l’une d’elles, menée en appui des forces de sécurité irakiennes que le sergent Nicolas Mazier, du Commando Parachutiste de l’Air n°10 [CPA 10] a été mortellement blessé, le 28 août.
« Hier, en fin d’après-midi, une unité de militaires français a été engagée dans une opération de reconnaissance en appui des forces irakiennes, à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad. Un groupe de terroristes retranchés a vivement pris à partie les forces irakiennes. Les militaires français ont immédiatement riposté pour le partenaire, infligeant de sérieuses pertes à l’ennemi », a expliqué l’État-major des armées [EMA], dans un communiqué.
Malheureusement, lors de cet échange de tirs, le sergent Mazier a été mortellement touché et quatre de ses camarades ont été blessés. Ils ont depuis été transférés vers un hôpital militaire américain à Bagdad.
« Issu du CPA 10, le sergent Nicolas Mazier était déployé en opération extérieure depuis le 19 juillet 2023 dans le cadre de l’opération Chammal. Il contribuait à la formation et à l’appui de nos partenaires irakiens dans le domaine de la lutte anti-terroriste », a précisé l’EMA.
« C’est avec une très vive émotion que le président de la République a appris la mort du sergent Nicolas Mazier du commando parachutiste de l’air n°10, tué hier en Irak alors que son unité appuyait une unité irakienne en opération antiterroriste », a fait savoir l’Élysée. « La Nation pleure de nouveau aujourd’hui l’un de ses fils […] J’adresse mes condoléances à sa famille, ses proches et à ses frères d’armes. Face au terrorisme, la France ne reculera pas », déclaré Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.
« Je m’incline avec tristesse devant l’engagement du sergent Nicolas Mazier, CPA 10, mort le 29 août en Irak dans le cadre de l’opération Chammal. Un Aviateur remarquable aux qualités reconnues de tous. Mes pensées vont vers sa famille, ses camarades blessés, ses frères d’armes », a réagi le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE].
« D’abord engagé comme militaire du rang, le sergent Mazier était un sous-officier perfectionniste et d’une motivation sans faille. Cet aviateur aguerri a très rapidement démontré son sens de l’engagement et ses compétences, que ce soit lors de ses différentes OPEX ou en métropole », a-t-il précisé.
Après l’adjudant Nicolas Latourte et le sergent Baptiste Gauchot, de l’armée de Terre, le sergent Mazier est le troisième militaire français à avoir perdu la vie en Irak au cours de ces deux dernières semaines. Pour rappel, les forces spéciales françaises avaient été endeuillées pour la première fois au Levant en septembre 2017, avec la perte de l’adjudant-chef Stéphane Grenier, du 13e Régiment de Dragons Parachutistes [RDP], lors d’une mission de combat contre l’EI.
En novembre dernier, le Pentagone a annoncé qu’il livrerait à l’armée ukrainienne des systèmes de lance-roquettes à guidage laser VAMPIRE [Vehicle-Agnostic Modular Palletized ISR Rocket Equipment] dans le courant de l’année 2023. Une commande de 14 exemplaires, d’une valeur de 40 millions de dollars, a ensuite été notifiée à L3Harris en janvier.
Se composant d’un panier de quatre roquettes à guidage laser AGR-20 APKWS [Advanced Precision Kill Weapon System], d’un système de visée modulaire WESCAM MX-10 RSTA-D et de différents capteurs, ce dispositif a la particularité de pouvoir être installé en moins de deux heures sur n’importe quel véhicule 4×4 de type pick-up, qu’il soit militaire ou civil. Destiné aux forces spéciales et à l’infanterie légère, il permet d’engager des cibles terrestres et aériennes, dont les drones.
Visiblement, le système VAMPIRE a donné des idées aux forces françaises… puisqu’un projet similaire a été dévoilé lors d’une journée dédiée à l’innovation organisée par l’École des troupes aéroportées [ETAP] de Pau, dont « Qui Ose Gagne« , le bulletin de l’amicale du 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa], s’est fait l’écho dans son dernier numéro.
Cependant, celui-ci n’a pas donné de détails sur ce projet encore en cours de développement, si ce n’est qu’il a été baptisé « BUTHUS » [du nom d’un scorpion que l’on trouve surtout dans le sud de la France] et qu’il repose sur un « panier lance-roquettes à guidage laser, d’une précision métrique et d’une portée utile de 7 km» pouvant être installé sur un… fardier.
Pour rappel, le ministère des Armées a commandé un total 300 véhicules de type fardier [avec 172 remorques] auprès de l’entreprise française UNAC. D’une masse de 2 tonnes, ces engins peuvent être soit parachutés par un avion de transport tactique, soit transportés sous élingue par un hélicoptère NH-90 ou Caracal. Leur armement se compose de deux mitrailleurs de 7,62 mm et ils sont capables de tracter un mortier de 120 mm ou de transporter jusqu’à 400 kg d’équipements grâce à leur remorque.
Cela étant, il n’est pas non plus impossible que ce panier lance-roquettes soit intégré sur le Grizzly, le nouveau « véhicule de reconnaissance et d’avant-garde aéroportée » de la 11e Brigade Parachutiste [BP].
Quant à la roquette que le système BUTHUS est susceptible d’utiliser, la description donnée par le bulletin de l’amicale du 1er RPIMa fait penser à la FZ275 LGR de 70 mm qui, selon Thales, est « la plus légère et la plus compacte du marché », tout en ayant une précision métrique et une portée de 7 km.
Le putsch militaire au Niger — troisième du genre au Sahel ces dernières années — est un nouveau revers pour la France en Afrique de l’ouest, sa zone de prédilection. Et surtout pour ses forces militaires, restées présentes sur le continent plus de soixante ans après la vague des indépendances, et de moins en moins supportées par les populations et les classes politiques locales.
par Philippe Leymarie – Le Monde diplomatique – publié le 2 août 2023
Depuis la défection du Mali, puis du Burkina Faso, le Niger était — avec le Tchad, également gouverné par un régime de type militaire — le seul pays sahélien à accueillir, et même à demander le secours de forces étrangères. Le président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet dernier par le général Abdourahamane Tchiani, chef de sa garde présidentielle, était un allié fidèle et assumé de la France, même s’il connaissait depuis longtemps les limites de ce pari risqué (1).
La présence renforcée des éléments militaires français avait été assortie de conditions qui en faisaient le « laboratoire » d’un nouveau « partenariat de combat » : une empreinte « modulable et légère » — avec le désir de « ne plus être visible sur le temps long », et une action de terrain placée exclusivement sous commandement nigérien, soulignait en mai dernier (2) le général Bruno Baratz, chef des forces françaises au Sahel, pour qui il fallait « reformater les esprits de nos militaires. On a beaucoup d’unités qui sont passées au Mali et ont connu l’opération Barkhane. Or, ce que font les forces françaises au Niger et au Tchad aujourd’hui n’a rien à voir. On se met vraiment à la disposition des partenaires, on se cale sur leur rythme opérationnel. C’est un changement culturel ».
Montée en puissance
Contrainte en 2022 d’évacuer ses bases au nord et au centre du Mali, puis au début de cette année son emprise de « forces spéciales » au Burkina Faso, et de renoncer à l’ambition régionale incarnée côté français par l’opération Barkhane, et côté africain par le G5-Sahel, Paris avait replié une partie de ses effectifs au Niger, atteignant 1500 hommes, pour mettre en œuvre des moyens essentiellement aériens — chasseurs et drones —, tandis que mille hommes sont restés stationnés au Tchad, ancien centre de commandement de l’opération Barkhane. Au total, les effectifs des troupes françaises au Sahel auront déjà été divisés par deux en quelques mois. Il était prévu qu’ils soient à nouveau réduits d’ici 2025, parallèlement à la montée en puissance de l’armée nigérienne — un pays qui a mis en place « une stratégie de contre-insurrection particulièrement efficace », reconnaissait le général Baratz.
Ce « partenariat de combat » d’un type nouveau, qui s’appliquait notamment dans la zone irrédentiste des « trois frontières », aux limites du Niger, du Mali et du Burkina Faso, où sévissent des groupes armés, et qui semblait fonctionner plutôt bien, ne paraît pas pouvoir être reconduit sous le nouveau régime, qui n’a pas supporté la condamnation immédiate du putsch par Paris, ainsi que la suspension des aides financières, et a accusé la France « d’ingérence », laissant des manifestants dans la capitale s’en prendre à des symboles français et brandir des drapeaux russes. Les incidents du dimanche 30 juillet avaient conduit l’Élysée à menacer la junte d’une « réplique immédiate et intraitable », en cas de menace sur ses ressortissants, militaires, diplomates au Niger ; ils ont motivé la décision le 1er août de rapatrier par voie aérienne militaire les Français et Européens qui le souhaitaient. L’étape suivante devrait être au minimum la suspension, voire l’arrêt de toute coopération militaire avec le Niger.
Les relations avec le gouvernement américain, qui dispose d’une base de drones au nord du pays mais a rapidement condamné le putsch, s’annoncent également problématiques. La solitude militaire à laquelle le Niger risque ainsi de s’astreindre pourrait être périlleuse pour un pays qui est défié sur deux fronts « djihadistes » : au nord-ouest, les attaques dans la zone des « trois frontières » ; au sud-est, les mille deux cents kilomètres de frontière avec le Nigeria, où sévissent les sectes armées de Boko Haram.
Utilité technique
Côté français, la nouvelle formule de coopération militaire avec le Niger faisait partie d’une réforme plus large du dispositif français sur le continent, avec le souci d’alléger encore les effectifs permanents — actuellement près de 6000 hommes — et de transformer le rôle des bases d’Abidjan, Dakar et Libreville : dans ce schéma, elles deviendraient des centres de formation militaire et non plus des points d’appui pour des interventions. La diminution des effectifs en Côte d’Ivoire, et l’accent mis sur l’affectation de coopérants militaires en longue durée — notamment d’enseignants dans les écoles militaires nationales à vocation régionale (ENVR) que Paris soutient depuis leur création — rendront difficile à l’avenir des opérations offensives, comme Serval au Mali, en 2013.
L’heure était, ces derniers mois, à l’africanisation, à la mutualisation de ces emprises qui remontent pour la plupart aux années soixante, voire plus avant… et ont souvent concentré les contestations ou protestations africaines. Aucune ex-puissance coloniale autre que la France n’a ainsi conservé un tel réseau et des capacités militaires aussi étendues sur le continent. L’efficace évacuation en mai dernier de plusieurs centaines de ressortissants français ou européens du Soudan, et l’actuelle opération du même genre au Niger, démontrent l’utilité technique — à défaut de politique — de ce réseau d’implantations.
Dans Afrique XXI, Raphaël Granvaud, de l’association Survie, invitait — avant même ce putsch — à ne pas se laisser abuser par le « trompe-l’oeil » de la « ré-articulation » du dispositif français dans le Sahel, décidée par le président Emmanuel Macron après la dissolution de l’opération Barkhane, et qu’illustraient les nouvelles pratiques militaires au Niger. Il s’agit, selon cet analyste, d’un « ravalement de façade » ; il rappelle que les gouvernements des dernières décennies ont tous promis la fin de la françafrique, la réduction des effectifs militaires, le changement de vocation des bases… et voulu déchirer l’image de « gendarme de l’Afrique » qui a longtemps collé à la peau des Français.
Survivances de la colonisation
Même si les modalités d’un retrait plus que probable des soldats français (et sans doute américains, et autres) du Niger ne sont pas encore détaillées, le putsch de Niamey signe sans doute la fin de l’aventure de l’armée française au Sahel, qui remonte aux temps coloniaux. Et aussi le déclin quasi total d’une arme originale au sein des forces françaises : l’infanterie de marine. Ces troupes, survivantes de la colonisation, sont détentrices d’un savoir-faire acquis dans les interventions outre-mer. Elles revendiquent leur origine populaire, le goût du voyage et de l’aventure, et défendent l’idée d’un soldat attentif aux besoins des populations, comme d’une certaine rusticité (3).
Elles ont été l’ossature des expéditions au Mexique, à Tahiti, en Chine et Cochinchine, en Crimée, Tunisie, à Madagascar, et en Afrique de l’ouest et centrale au XIXe siècle. Renforcés par des unités de spahis et tirailleurs recrutés sur place, les régiments de « marsouins » et « bigors » ont été engagés dans les combats de 14-18, puis en Rhénanie, en Syrie, au Maroc, dans les Balkans. Ils ont formé le gros des volontaires de la France libre, à la fin de la seconde guerre mondiale, puis participé — avec la Légion étrangère — aux opérations de « pacification » à Madagascar, en Indochine, en Algérie.
On les retrouvera, dans la seconde moitié du siècle dernier, et au début du siècle en cours en « forces de souveraineté » dans les départements et territoires d’outre-mer, en « forces de présence » dans les bases militaires en Afrique, et comme fer de lance des interventions extérieures (« opex ») au Tchad, Liban, Nouvelle Calédonie, Djibouti, Afghanistan, et en Europe de l’est ainsi qu’au Sahel — que les forces françaises n’avaient jamais vraiment quitté, avec notamment une présence quasi-permanente au Tchad depuis les débuts de la colonisation.
Omniprésence militaire
Pour la France, déjà évincée de fait en République centrafricaine avant de l’avoir été dans plusieurs pays du Sahel, et dont les principaux alliés en Afrique de l’ouest et du centre (Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Sénégal) risquent d’être confrontés à des contextes difficiles de succession, le putsch au Niger fait figure de nouvel échec politique, après plusieurs autres dans les parages. Aucun bilan de la « guerre perdue » au Mali, par exemple, n’a été mené jusqu’ici, à l’échelon militaire comme politique.
Et la réflexion sur le maintien ou non d’un dispositif militaire qui paraît de plus en plus insupportable aux opinions publiques des pays africains n’a pas été entamée au Parlement ou dans d’autres enceintes de débat, alors même que le poids, l’influence diplomatique, économique et culturelle de la France sur le continent sont sans commune mesure aujourd’hui avec son omniprésence militaire, pour le coup, très « visible », et que les résultats — notamment au Sahel — n’ont pas été à la hauteur des attentes. Trop axée sur le militaire (alors que gendarmes et policiers auraient parfois été plus adaptés), à la recherche d’un ennemi aux contours flous (le « terrorisme »), sur un temps trop long finissant en « occupation » de fait, la stratégie politico-militaire française dans cette région a été victime aussi de ses rigidités « éthiques » : « Jamais avec les djihadistes… Jamais avec Wagner… »
Autres fronts
Même si cette accumulation de déconvenues a l’allure d’une défaite (4), l’armée française ne quittera pas complètement le terrain africain : outre une coopération plus étendue en matière de formation, plus bilatérale et sur mesure, il reste une demande de certains pays en appui à l’antiterrorisme, notamment dans le golfe de Guinée ; et toujours, des ressortissants à exfiltrer dans tel ou tel pays : et, dans les deux cas, du travail pour les forces spéciales » — les moins « visibles » justement.
Pour les militaires français, il reste surtout du grain à moudre sur les autres fronts : déjà, ces derniers mois, il y avait plus d’hommes mobilisés à l’est européen, aux frontières de l’Ukraine, ou en Méditerranée orientale que sur le continent africain. Des forces restent déployées au Proche-Orient, au Liban, en Jordanie, dans les Émirats, à Djibouti, en Irak. Et l’exécutif souhaite développer une stratégie de présence dans l’Indo-Pacifique, et renforcer les emprises dans les départements et territoires d’outre-mer, notamment sur le plan aérien et naval. Mais l’adieu croissant à l’Afrique sera, de fait aussi, un sacré « changement culturel »…
(3) Cf, Michel Goya, « Les troupes de marine, les conquérants de l’outre-terre », Guerres et Histoire n° 33.
(4) Et d’une autre, passée inaperçue : la fin prématurée de l’opération Tabuka, au Mali, dans laquelle Paris avait entraîné plusieurs pays européens, et qui n’a pas survécu l’an dernier au désengagement français.
Bien qu’admis officiellement au service en juin 2022, le sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Suffren, premier d’une série qui comptera six unités, ne dispose pas encore de toutes les capacités pour lesquelles il a été conçu : il lui manque en effet celle devant lui permettre de déployer des commandos via le Propulseur sous-marin de 3e génération [PSM3G], grâce à un hangar de pont amovible [encore appelé Dry Dock Shelter, ou DDS] placé derrière son kiosque.
Confidentialité des opérations spéciales oblige, les détails sur ce nouveau matériel sont rares. On sait seulement qu’il est produit par Exail [ex-ECA Group], dans le cadre d’une collaboration avec le Commando Hubert, et qu’il peut emporter une dizaine de nageurs de combat. « C’est un véritable outil anti-déni d’accès. […] Il y a très peu de nations qui possédent ce type de vecteur et maîtrisent la capacité globale du triptyque PSM-DDS-SNA. Les capacités opérationnelles du PSM3G sont révolutionnaires par rapport à l’actuel PSM2G », explique seulement la Marine nationale.
Cela étant, pour le moment, le Suffren n’est pas en mesure de mettre en oeuvre ce PSM3G en opération [ni même éventuellement des drones, ndlr] étant donné que son hangar de pont n’a pas encore été qualifié par la Direction générale de l’armement [DGA]. Mais ce ne serait qu’une question de temps.
En effet, selon le dernier numéro du magazine RAIDS, le Suffren a entamé une campagne d’essais avec son hangar de pont amovible en juin dernier. L’un des enjeux est de voir dans quelle mesure sa présence dégrade ses performances.
« Les essais menés sur le Suffren […] doivent permettre d’aboutir à la mise en service du DDS, dont la présence sur le pont du sous-marin dégrade légèrement les performances, dans une mesure qui n’est pas connue », écrit en effet RAIDS.
Au passage, on apprend que le PSM3G a été utilisé par le commando Hubert lors de la phase 4 de l’exercice interarmées et interalliés Orion… mais depuis un navire de surface.
En septembre 2022, la Direction générale de l’armement [DGA] a annoncé qu’elle venait de prononcer la qualification partielle du Système de mise à terre des chuteurs opérationnels [SMTCOPS], destiné aux forces spéciales et aux groupements de commandos parachutistes.
Ce dispositif permet des sauts à partir d’une altitude supérieure à 9’000 mètres et offre la possibilité de parcourir une cinquantaine de kilomètres sous voile, avec une charge de 200 kg [chuteur et équipement compris]. Cela étant, la qualification du SMTCOPS ne portait alors que sur le parachute, l’emport de charge sous gaine et les équipements de sécurité… mais pas sur le système de communication et de navigation ainsi que sur la capacité d’emport de colis autoguidée.
Cela étant, il n’est pas impossible que cette dernière bénéficie à l’avenir d’une technologie reposant sur des algorithmes d’intelligence artificielle [IA] dits « d’Apprentissage par Renforcement ». Tel est, en tout cas, le sens du projet Colibot, qui vient de faire l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par IDEA3, le Pôle innovation de défense de la DGA « Techniques Aéronautiques », dédié à l’aéromobilité.
S’adressant aux entreprises et aux centres de recherche spécialisés, ce projet vise en effet à mettre au point un prototype de « colis autoguidé »par des algorithmes d’Apprentissage par Renforcement [RL pour Reinforcement Learning] ayant la capacité d’effectuer un vol autonome tout en étant évidemment plus performant en précision et douceur de posé que les systèmes actuellement disponibles.
Ce prototype de colis autoguidé reposera sur un boîtier de navigation autonome [BNA] doté d’un « logiciel de vol à base d’IA permettant de manœuvrer un parachute aile d’une surface de voile d’environ 50m² ».
Deux configurations sont prévues. Ainsi, s’agissant de la première, appelée MANPACK, ce BNA sera « placé sur le buste » d’un parachutiste tout en étant « fixé sur son harnais, de sorte à ne pas altérer ses mouvements » afin de permettre une « reprise en main du vol à à tout moment, en cas de vol en perdition ».
Quant à la seconde, appelée PADS, elle prévoit de placer le BNA entre la charge utile et le parachute, au moyen d’un harnais adapté ». Selon la fiche du projet, la masse totale de l’ensemble [c’est à dire le parachute, le BNA et la charge utile] devra être comprise entre 150 et 250 kg.
Cela étant, la DGA explique que le projet Colibot s’inscrit dans une démarche plus large.
« L’augmentation de l’autonomie et des performances des systèmes dans le domaine des drones, de la robotique ou encore des missiles représente un enjeu majeur pour le ministère des Armées », souligne-t-elle. Aussi, poursuit la DGA, « l’Intelligence Artificielle appliquée à la thématique du guidage/contrôle de tels systèmes est perçue comme une piste prometteuse mais nécessite de monter en maturité et d’être évaluée de façon concrète sur des systèmes réels et non seulement en simulation ». D’où le projet Colibot, qui intéresse les forces spéciales… mais aussi l’armée de Terre ainsi que l’armée de l’Air & de l’Espace.
« De par sa facilité à répondre aux contraintes d’expérimentation aérienne et son intérêt opérationnel pour les Forces, le développement d’un prototype de ‘Colis autoguidé’ par des algorithmes RL est un candidat idéal pour expérimenter et progresser dans le domaine de l’IA embarquée », conclut la DGA.
En janvier 2016, la Direction générale de l’armement [DGA] notifia à Arquus le programmes PLFS [Poids Lourd des forces spéciales] afin de remplacer les véhicules légers de reconnaissance et d’appui [VLRA] utilisés par les unités mises à la disposition du Commandement des opérations spéciales [COS].
Seulement, les 25 premiers exemplaires livrés dans un « premier standard pour répondre aux besoins les plus urgents » ne répondirent pas aux attentes exprimées par le COS, celui-ci ayant fait état de « dysfonctionnements » pouvant contrarier leur emploi en opération. Et ils furent donc renvoyés à l’industriel.
Pour autant, les modifications apportées à ces 25 PLFS au standard 1 ne donnèrent toujours pas satisfaction au COS. « Ces véhicules ont montré trop de limites d’emploi », résuma le magazine spécialisé RAIDS, en 2022. Finalement, il fut décidé de les livrer aux groupements de commandos de la 27e Brigade d’infanterie de montagne [BIM] et de la 11e Brigade parachutiste [BP] pour leurs patrouilles motorisées.
Cela étant, le ministère des Armées a visiblement décidé d’aller plus loin… En effet, lors de son dernier point presse, le 29 juin, il a annoncé que le 1er Régiment de Hussards Parachutistes [RHP] venait de recevoir ses premiers « véhicules de reconnaissance et d’avant-garde aéroportée » appelés « Grizzly ».
« Développé par Arquus et dérivé de la gamme Sherpa, le Grizzly est conçu pour fournir des capacités d’infiltration/exfiltration de renseignements d’intérêt majeur en totale autonomie pendant plusieurs jours, dans un environnement dégradé et hostile », a expliqué Olivia Penichou, la Déléguée à l’information et à la communication de la Défense [DICoD]. Aucune précision sur le coût de ce programme n’a été donnée.
D’ici 2030, la 11e BP recevra une quarantaine de Grizzly… alors que ce nouveau véhicule ne figure pas dans le tableau capacitaire du rapport mis en annexe de la Loi de programmation militaire [LPM]. Et, a priori, il ne sera destiné qu’aux troupes aéroportées puisque le 2e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa] en sera également doté, une dizaine d’exemplaires devant être envoyés à La Réunion.
Une dizaine de véhicules Armure seront livrés aux forces spéciales françaises par Technamm. Leur future mission ? L’extraction d’urgence sous blindage d’un blessé, capacité pour l’instant inexistante parmi les unités du Commandement des opérations spéciales.
Une fois livrés, les huit véhicules Armure commandés seront rebaptisés « VOS-MED », nous expliquait cette semaine un représentant de Technamm. Ils auront vocation à accompagner une patrouille et à permettre la stabilisation et l’évacuation d’un blessé vers l’échelon médical supérieur. Une nouveauté pour des unités qui, jusqu’alors, misaient en premier lieu sur l’une de leurs grandes forces : la débrouille.
Exit la version 4×4 d’origine, le VOS-MED reposera sur le châssis 6×6 rallongé et renforcé du Masstech T6 (VOS-APP). De quoi rajouter le bon mètre de longueur nécessaire pour l’emport d’un blessé. Le VOS-MED constituera aussi un embryon de capacité sous blindage en propre au sein de forces spéciales qui ont longtemps misé sur les Aravis empruntés au 13e régiment du génie.
Seul véhicule entièrement blindé de la gamme défense, l’Armure offre une protection balistique de niveau B6, de quoi arrêter une munition d’AK-47 tout en conservant une certaine légèreté chère aux forces spéciales. Pour concevoir sa cabine, Technamm s’est tourné vers AMEFO, entreprise bourguignonne notamment mobilisée pour le VBL et le CAESAR Mk 1.
Axée à première vue vers les forces spéciales Terre, cette première expérience pourrait faire tâche d’huile du côté des commandos marine, relève la société de Lambesc (Bouches-du-Rhône). Le prototype est aujourd’hui en cours de production, ajoute ce spécialiste du sur-mesure. Cette tête de série devrait être prise en compte en fin d’année par la Section technique de l’armée de Terre à des fins d’évaluations. Sauf écueil majeur, les livraisons débuteront dans les premiers mois de 2024.
Cette commande vient s’ajouter à d’autres succès récents, telle que l’acquisition de lots de Masstech Commando pour la brigade des forces spéciales air (BFSA) et par la Jordanie. Inspirée du VPS2, cette version sera bientôt l’objet d’une campagne de tir conduite par un CPA sur le camp militaire de Captieux (Gironde) afin de valider le système d’arme.
En 2021, la Direction générale de l’armement [DGA] a remis à l’armée de Terre les derniers Ensembles de parachutage du combattant [EPC], qui avaient été commandés en 2009, dans le cadre d’un marché notifié à l’entreprise britannique Airborne Systems Europe [devenue, depuis, IrvinGQ], pour un montant de 73,5 millions d’euros.
Pour rappel, l’EPC a remplacé l’Équipement de parachutage individuel [EPI], que les troupes aéroportées [TAP] utilisaient depuis le début des années 1980. Ayant une capacité d’emport de charge de 165 kg [contre 130 kg pour son prédécesseur], ce nouveau parachute permet d’effectuer des sauts à des hauteurs inférieures, avec le même niveau de risque », explique l’armée de Terre. Et ce « gain concourt à la sécurité de l’avion tout en réduisant la vulnérabilité du parachutiste et la dispersion de la mise à terre », poursuit-elle.
Par ailleurs, la DGA a récemment prononcé la qualification partielle du Système de mise à terre des chuteurs opérationnels [SMTCOPS], développé par Zodiac Aerosafety Systems [repris par Safran] et destiné aux forces spéciales et aux groupes commandos parachutistes [GCP]. Ce système permet des sauts depuis une altitude de 9000 mètres et de parcourir, sous voile, environ 50 km, avec une charge de 200 kg [chuteur et équipement compris].
Mais un troisième type de parachute pourrait prochainement entrer en dotation au sein de la 11e Brigade parachutiste [BP], dans le cadre du projet « infiltration sous voile modernisée », lequel a été présenté lors d’un journée d’échanges « dédiée à l’innovation », organisée par l’École des troupes aéroportées [ETAP] de Pau, le 29 mai dernier.
« Ce nouveau système, et notamment sa voile haute finesse, offre un gain de performance de 30 % par rapport aux parachutes d’arme actuels », indique l’armée de Terre, ce 5 juin, en précisant qu’il « viendra compléter le programme d’armement SMTCOPS ». Et d’ajouter : « La formation, l’entraînement et la préparation de mission doivent évoluer afin d’employer au maximum ce gain au profit des opérations ».
Comme le SMTCOPS, ce nouveau parachute, mis au point par Safran, via sa filiale Zodiac Aerosafety Systems, permettra des sauts depuis des altitudes comprises entre 1200 et 9000 mètres. Le tout avec une capacité d’emport plus importante [entre 130 et 270 kg selon les différents types d’IVSM envisagés].
Par ailleurs, un autre projet, intitulé « Réarticulation rénovée et modernisée », est aussi en cours. Selon l’armée de Terre, il s’inscrit dans le cadre d’un « engagement face à un ennemi maîtrisant les modes d’action liés au déni d’accès et à la guerre électronique », ce qui suppose des mises à terre éloignées des zones d’action… et donc des marche d’infiltration plus longues. Aussi, il s’agit d’augmenter l’autonomie tactique d’une unité aéroportée potentiellement coupée de ses soutiens logistiques et sanitaires.
Quelques innovations ont été mises au point à cette fin. Tel est, par exemple, le cas de la Mule de largage démontable [MLD], capable de supporter des charges allant jusqu’à 255 kg.