Un mauvais procès intenté à l’École Supérieure de Guerre – Sa responsabilité dans la défaite de 1940

Un mauvais procès intenté à l’École Supérieure de Guerre – Sa responsabilité dans la défaite de 1940


 

Depuis la Libération, le procès intenté à l’École Supérieure de Guerre de sa responsabilité dans la défaite de 1940, est récurrent. Il ressort périodiquement, avec, souvent, des arrières pensées pas toujours très saines et peu avouées, comme celle de démontrer que cette institution pécherait par son passéisme, c’est-à-dire qu’elle préparerait ses stagiaires à la guerre d’hier. Cette accusation est lourde, grave, et même infâmante, car non seulement, elle porte atteinte au renom de l’École de Guerre, mais en plus, elle fournit des arguments irréfutables à ceux qui souhaitent sa disparition. Cette accusation doit donc être soit étayée, soit contestée.

La question qui se pose revient donc d’une part, à déterminer comment la doctrine d’emploi des forces terrestres était conçue avant-guerre et quels organismes en avaient la charge, et d’autre part, à mettre en perspective la formation militaire supérieure reçue par les chefs vaincus de 1940 avec celle dont les vainqueurs de la Libération ont pu disposer. Une telle démarche évite ainsi de tomber dans l’ornière du « deux poids deux mesures ».

En fait, cette accusation ne saurait être reçue comme telle, dans la mesure où elle s’apparente beaucoup plus à un procès d’intention qu’à un jugement de réalité : dans un souci d’équité, estimer que la responsabilité de l’École de Guerre serait engagée dans la défaite de 1940 est indissociable de celle visant à vouloir considérer que la même responsabilité existe dans les victoires de la Libération. La démarche consistant à argumenter de tout et de son contraire est absurde.

Il convient donc, initialement d’identifier la source de cette accusation particulièrement sévère, puis, une fois le problème posé du côté de l’accusation, analyser la manière dont la doctrine d’emploi des forces terrestres (incarnée par les Instructions sur l’emploi des Grandes Unités, ou IGU) était conçue dans l’entre-deux–guerres, avant de se pencher sur la formation militaire supérieure que les vainqueurs de 1944-45 ont reçue, et même la mesure dans laquelle ils ont directement été impliqués dans cette formation, c’est-à-dire, leur passage à la direction des études de l’ESG avant-guerre.

Indiscutablement, l’accusation d’incompétence de l’École de Guerre, responsable de la défaite de 1940 a été forgée et instruite par Marc Bloch, dans son ouvrage L’étrange défaite, rédigé à chaud après le drame, ouvrage qui connait un regain d’intérêt depuis quelques années. Il y a donc lieu d’examiner la personnalité même de Bloch, ainsi que la teneur de ses arguments.

D’emblée, il est important d’affirmer que la personnalité de Marc Bloch n’est aucunement en cause, et ce, d’autant plus qu’il a connu une fin absolument dramatique, ayant été assassiné en 1944, par les Allemands pour cause d’appartenance à la communauté juive de France. Par ailleurs, il s’agit d’un grand intellectuel de l’entre-deux-guerres ; historien de renom, il a été l’initiateur du mouvement de l’École des Annales, qui privilégie une méthode de recherche historique privilégiant une approche sur le long terme, plutôt que factuelle sur le court terme.

Ceci écrit, l’objectivité oblige à écrire que, sur le plan militaire, s’il a été officier de réserve qui peut s’enorgueillir d’une belle guerre qu’il a achevée en 1918 avec le grade de capitaine, il a été touché par la vague pacifiste qui a sévi dans l’entre-deux-guerres, comme un grand nombre d’intellectuels, que ce soit Alain, Dorgelès ou Giono. Pour cette mouvance, qui a fourni les gros bataillons du briandisme, la frontière entre pacifisme et antimilitarisme était assez ténue.

Pour ce qui est de la nature des reproches portés par Pierre Bloch à l’encontre de l’École de Guerre, ils peuvent en fait se réduire à un constat : l’armée française de 1940, engoncée dans le formalisme de sa bureaucratie du temps de paix, n’a pas été en mesure de s’en extraire pour planifier et conduire la campagne de 1940. Cette bureaucratie a conduit à une dilution des responsabilités perdues au sein d’un « mille feuilles » hiérarchique, ce qui produit des délais pour la transmission des ordres, lesquels sont diffusés trop tard, sur la base d’une évaluation de situation déjà dépassée. Selon Marc Bloch, la cause première de cette situation de blocage résiderait dans le formalisme de la formation dispensée par l’École de Guerre, d’où son idée de condamner définitivement cette école.

Cette analyse de Marc Bloch, un peu sommaire, appelle plusieurs réflexions. La première est que, se situant à son niveau d’officier traitant dans un bureau d’état-major, Marc Bloch élève peu le débat. Il demeure au niveau des modalités d’exécution, et non pas à celui des principes qui sous-tendent toute conception en matière opérationnelle. Or, un jugement complet porté sur la campagne et les causes profondes de son échec aurait mérité qu’il élevât sa réflexion à ce niveau. Par ailleurs, et ici, on quitte le domaine du rationnel, comme indiqué plus haut, le pacifisme absolu de Marc Bloch s’accompagnait durant toute l’entre-deux-guerres d’un non moins puissant sentiment antimilitarisme. Cela l’a conduit à refuser systématiquement toute période de réserve et, a fortiori, toute formation supérieure d’état-major (il a refusé de suivre un cursus de formation d’ORSEM[1]). Il n’est pas interdit de penser que le jugement négatif porté par Marc Bloch sur l’essence même de l’École de Guerre, plus que sur son fonctionnement, plongeait ses racines dans ce profond sentiment d’antimilitarisme, partagé à l’époque par une grande partie de l’élite intellectuelle du pays.

Ceci étant posé quant au contexte de l’accusation, il convient de poursuivre la réflexion plus avant que la simple forme de l’enseignement militaire supérieur de l’entre-deux-guerres, pour se poser la question de savoir comment se forgeait la doctrine d’emploi des forces, à l’époque considérée, et quelle place l’Ecole de guerre y tenait… ou non.

Indiscutablement, avant 1914, par le biais du comité d’état-major, l’École Supérieure de Guerre se trouvait impliquée au premier chef dans les affaires doctrinales militaires. Ce comité d’état-major, auquel le général Joffre prêtait une grande considération (il l’a souvent réuni entre 1911 et 1914), réunissait les grandes élites militaires : les membres du Conseil supérieur de la Guerre, les généraux commandant les corps d’armée de couverture, les chefs d’état-major des généraux disposant d’une lettre de commandement pour une armée, les chefs de bureau de l’état-major de l’armée et les chefs de cours de l’École de Guerre. Sa très grande force, et toute sa légitimité d’ailleurs, venaient de ce mélange de cultures militaires différentes entre le commandement proprement dit, l’administration centrale, les forces et l’enseignement militaire supérieur. Si ce comité n’avait une existence qu’informelle, il représentait néanmoins l’incarnation réelle du haut-commandement, quel que puisse être le grade de ses membres (de général de division exerçant un commandant supérieur[2] à colonel). Tout le monde se connaissait et était connu de tout le monde (cas de Pétain, alors colonel avant-guerre, ce qui devait expliquer son ascension fulgurante jusqu’au commandement d’une armée en juin 1915, soit le passage de de colonel à commandant d’armée en moins d’une année). Au sein de ce comité, l’influence de l’École de Guerre était fort réelle. En termes de doctrine, c’est ce comité qui était en charge de la rédaction des instructions sur l’emploi des grandes unités.

Or, en 1920, parvenu au commandement de l’Armée, le maréchal Pétain a dissous ce comité, dont il ne connaissait que trop l’influence réelle, pour centraliser la conception de la doctrine d’emploi des grandes unités au niveau du seul Conseil Supérieur de la Guerre., soit l’instance de commandement la plus élevée dont il assurait la vice-présidence (le président formel étant le ministre). Pétain verrouillait. Et si, en 1921, c’est le général Debeney qui a présidé la commission de rédaction de l’IGU 1921, ce n’est pas en tant que commandant de l’ESG qu’il a été désigné, mais comme membre du CSG dont la pensée était la plus proche de celle de Pétain[3]. Et ce ne fut pas Buat, alors chef d’état-major de l’armée, donc parfaitement légitime pour présider cette commission, que choisit Pétain pour cette tâche, mais bien Debeney. Buat, en effet, était toujours demeuré assez proche de « l’écurie » Foch. C’est le même Debeney, devenu chef d’état-major de l’armée, qui tenait la plume lors de l’élaboration de la loi de 1927 portant sur la fortification des frontières, en clair, la Ligne Maginot[4]. Et, enfin, en 1936, lorsque le général Gamelin lance les travaux d’une nouvelle Instruction générale d’emploi des grandes unités, l’IGU 36, il en confie la rédaction au général Georges. Dans ces trois occasions, qui ont réellement dimensionné la doctrine française de l’entre-deux-guerres, l’Ecole de Guerre n’a strictement tenu aucun rôle.

En revanche, son enseignement ne pouvait, bien évidemment, ne pas être en contradiction avec la doctrine en vigueur. C’est ainsi que quarante ans après, le général Beaufre, certainement l’officier le plus brillant de sa génération, juge ainsi son passage à l’École militaire[5] entre 1927 et 1929 : « La guerre de 1914 –1918, codifiée par Pétain et Debeney avait conduit à tout placer sous le signe de barèmes, d’effectifs, de munitions, de tonnes, de délais, de pertes, le tout ramené au kilomètre courant. C’était technique et commode, voire rassurant, mais foncièrement faux ; on le vit bien en 1940…Les moindres réflexions sur les fronts de Russie, de Salonique et de Palestine en eût montré l’inanité. Mais c’étaient là des fronts secondaires, sans intérêt pour l’armée française ».

Quelques années auparavant, en 1924, alors qu’il y était lui-même stagiaire, un certain capitaine de Gaulle n’y a guère supporté non plus le dogmatisme ambiant[6]. Ce dogmatisme n’a pas empêché le général Héring, commandant de l’ESG en 1930, de faire appel au colonel Doumenc, pour prononcer une conférence qui a fait date sur les perspectives ouvertes par le char, employé en masse. C’est le CSG qui a mis en garde Doumenc contre le risque qu’il prenait pour sa carrière en s’engageant sur des chemins de traverse en termes de doctrine.

Il existe un dernier élément d’appréciation quant à la responsabilité éventuelle de l’École de Guerre dans la défaite. En effet, depuis le commandant en chef, Gamelin, jusqu’au moins ancien des commandants d’armées, ainsi que la majorité des commandants de corps d’armée, c’est-à-dire le niveau de commandement de conception de la manœuvre, tous ces généraux ont été formés à l’École de Guerre avant 1914. Mettre en cause la formation de ces chefs de rang élevé revient donc à remettre en cause l’Ecole de Guerre d’avant 1914. Cette démarche n’a jamais effleuré personne, bien au contraire, et c’est heureux !

En revanche, quand on examine attentivement l’encadrement des grandes unités qui ont libéré la France en 1944 – 1945, force est de reconnaître que l’on y croise moult anciens stagiaires de l’École de Guerre. Le tableau ci-dessous en fournit la preuve, s’il en était besoin.

GRANDES UNITÉS TITULAIRES BREVETÉS ESG TITULAIRES NON BREVETÉS
CEFI Juin
1re Armée De Lattre
1er C.A. Béthouart
2e C.A. Goislard de Monsabert
1re D.F.L. Brosset Garbay
2e D.I.M. Dody, Carpentier, de Linarès
3e D.I.A. Guillaume
4e D.M.M. Sevez, de Hesdin
9e D.I.C. Magnan, Molière, Valluy
1re D.I. Caillies
10e D.I. Billotte
14e D.I. Salan
1re D.B. Touzet du Vigier Sudre
2e D.B. Leclerc
5e D.B. Schlesser de Vernejoul
D.A. des Alpes Doyen
F.F.O. (Atlantique) de Larminat, Bognis-Desbordes, d’Anselme, Chomel
TOTAL 23 4

 

La comparaison entre les commandants de grandes unités brevetés et non brevetés se passe de commentaires, 23 contre 4. Ce qui veut dire qu’en dépit de ses défauts — conjoncturels — relevés sans concession par Beaufre, l’École de Guerre a bien maintenu son renom et a rempli sa mission dans l’entre-deux-guerres, à savoir former des chefs vainqueurs.

Ce constat est encore renforcé lorsqu’on établit la liste des anciens professeurs de l’ESG, c’est-à-dire ceux en charge de responsabilités directes de formation, qui ont tenu de hautes fonctions de commandement durant la campagne de 1944 – 1945.

En premier lieu, Giraud, qui, s’il a fait preuve d’une parfaite inaptitude politique reconnue par tout le monde, n’en a pas moins reconstitué l’outil militaire français en 1943 : il a été chef du cours Infanterie entre 1927 et 1930.

Juin, brillant commandant du CEFI, s’il en fut, a été par deux fois, adjoint à la chaire de tactique générale et au cours d’état-major : avant de commander son régiment, en 1934-1935 et à l’issue de son temps de commandement, dans l’attente de rejoindre la session du CHEM dont il sera auditeur en 1937-1938.

Revers, qui prit le commandement de l’ORA après l’arrestation et la déportation de Verneau et qui succéda à de Lattre dans les fonctions de chef d’état-major de l’armée en 1947, succéda à Juin en 1935 dans les fonctions d’adjoint au titulaire de la chaire de tactique générale.

Monsabert, bouillant commandant de la 3e DIA en Italie et en Provence, avant de commander avec brio le 2e C.A. jusqu’à la fin de la campagne d’Allemagne, fut adjoint au cours d’infanterie de 1929 à 1932.

Au niveau des divisionnaires, Caillies et Dody étaient également des anciens professeurs de l’ESG, Caillies à la chaire de tactique générale et Dody au cours Infanterie[7].

Même chez les cavaliers, qui ont commandé les groupements blindés (les combat command) au sein des divisions blindées, on trouve un ancien professeur de l’ESG, Caldairou qui y a servi à deux occasions : de 1929 à 1933 comme adjoint au directeur des Etudes et de 1935 à 1937, à la chaire de tactique générale.

Il est donc peu cohérent, même si Marc Bloch ne pouvait pas connaître la suite de 1940, d’instruire à charge le procès d’une institution qui aurait été responsable du désastre de 1940, alors que la victoire qui lui a succédé cinq ans plus tard a été acquise par des chefs qui avaient été, pratiquement tous, formés au moule de la même école. En fait, le désastre de 1940, qui a entraîné la chute de tout un système, militaire, politique et social, a été le révélateur d’un mal beaucoup plus profond qu’un supposé défaut de formation de l’élite militaire française. Ce que Marc Bloch a d’ailleurs perçu, puisque la troisième partie de son ouvrage décortique cet aspect- global de la déroute de 1940.

Le mot de la fin. Il est quand même assez mal venu d’instruire le procès d’une École qui a formé comme stagiaire au sein de la dernière promotion avant le déclenchement de la guerre, le capitaine de Hautecloque, futur maréchal Leclerc.


NOTES

  1. Officier de réserve du service d’état-major.
  2. À l’époque, les rangs et appellations de corps d’armée et d’armée n’existait pas. Les titulaires de ces fonctions étaient identifiables au fait qu’en grande tenue, ils arboraient des plumes blanches sur leur bicorne.
  3. Debeney a toujours été un « fidèle » de Pétain dont il est resté très proche. Il fut son adjoint au cours d’Infanterie à l’École de guerre avant-guerre, et son major général au GQG en 1917, lorsque Pétain a succédé à Nivelle. C’est Debeney qui a succédé à Buat à la mort de celui-ci en 1923, dans les fonctions de chef d’état-major de l’armée, Pétain étant vice-président du CSG et Inspecteur-général. Debeney était l’incarnation même de « l’écurie » Pétain. Cette proximité ne s’est jamais démentie et a perduré jusqu’après 1940. Fidèle d’entre les fidèles sous le régime de Vichy, Debeney est tombé sous les balles du maquis en novembre 1943.
  4. La Ligne Maginot s’est appelée ainsi car les crédits nécessaires à son édification ont été votés lorsque André Maginot était ministre de la Guerre. Il n’avait en rien trempé dans sa conception. Si on veut être puriste, cette ligne aurait dû s’appeler « Painlevé » (du nom du ministre qui l’a approuvée) – Debeney (du nom du chef d’état-major qui l’a conçue et organisée). Maginot, qui connaissait les aléas des débats budgétaires a fait voter une loi qui gelait les crédits nécessaires à l’édification de cette Ligne, sur cinq ans. Toutes choses étant égales par ailleurs, il est possible de faire l’analogie avec les lois de programmation actuelles.
  5. Général Beaufre, Mémoires 1920 – 1940 – 1945, Paris, Plon, 1965, p. 56.
  6. Ses notes s’en sont ressenties, puisqu’elles portaient la mention « À l’attitude d’un roi en exil ». In Lacouture, De Gaulle, Paris, Seuil, 1984, Tome 1, p. 121.
  7. Dody appliquait un principe de commandement bien connu, « voir loin mais commander court ». En Italie, chargé de la percée sur le Majo, lors de l’offensive du Garigliano, comme commandant de la 2e division marocaine, ses trois colonels commandant les régiments de tirailleurs étaient de ses anciens stagiaires. Il s’est fait communiquer, préalablement au débouché du 13 mai 1944, leurs ordres initiaux respectifs, qu’il a corrigés de sa main !

Colonel (ER) Claude FRANC

Colonel (ER) Claude FRANC

Saint-cyrien de la promotion maréchal de Turenne (1973-1975) et breveté de la 102e promotion de l’École Supérieure de Guerre, le colonel Franc a publié une dizaine d’ouvrages depuis 2012 portant sur les analyses stratégiques des conflits modernes, ainsi que nombre d’articles dans différents médias. Il est référent “Histoire” du Cercle Maréchal Foch (l’ancien “G2S”, association des officiers généraux en 2e section de l’armée de Terre) et membre du comité de rédaction de la Revue Défense Nationale (RDN). Il a rejoint la rédaction de THEATRUM BELLI en février 2023. Il est âgé de 70 ans.

Des formations plus courtes, plus innovantes: l’ENSOA va aussi connaître sa transformation

Des formations plus courtes, plus innovantes: l’ENSOA va aussi connaître sa transformation

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 26 octobre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Plus de 40 000 sous-officiers dans l’armée de Terre (voir les chiffres ci-dessus)! Une école créée en 1881, installée depuis 1883 à Saint-Maixent, désormais maison-mère du corps des sous-officiers… et qui va désormais accompagner la transformation de l’armée de Terre.

L’Ecole nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) va effectivement se transformer pour accompagner l’augmentation des flux de sous-officiers à former.

Quelques chiffres pour illustrer ces évolutions:
– former davantage, en passant de 6 300 stagiaires en 2022 à 6 800 en 2023 et 7 500 en 2028,
– doper l’encadrement avec 560 cadres-formateurs en 2023 et plus de 600 en 2024 (avec un recours aux innovations pédagogiques, par exemples : musette numérique sur tablette, tests via IA, etc),
– une réduction de la durée des formations à partir de 2024: de 8 à 6 mois pour les recrutements directs  (1640 en 2023), de 4 à 3 mois pour les semi-directs (1061 en 2023) et de 17 à 12 jours (451 sous-officiers formés en 2023).

Le général Didier, le commandant de l’ENSOA, revient sur ces chiffres: “Augmentation et réduction ne sont pas antinomiques. Il faut une augmentation de l’encadrement surtout dans les domaines émergents (cyber, drone) à consolider“, explique -t-il, ajoutant que l’EMPT (l’École militaire préparatoire technique) de Bourges où sont formés des semi-directs contribue à cette augmentation du nombre de personnels qualifiés. 

Au terme de réduction, le général préfère celui de dynamisation” du parcours “pour répondre aux attentes des stagiaires qui veulent rejoindre leurs unités et poursuivre leur formation, le côté expertise se faisant ailleurs”. A Saint-Maixent, la formation réduite dans le temps continuera de porter sur “les forces morales, le combat et le tir, l’entraînement physique militaire et sportif… Et s’il y a moins d’anglais, ce n’est pas trop grave” (sachant que les militaires peuvent se perfectionner en langues tout au long de leur carrière). 

L’objectif reste de former, toujours au sein des cinq bataillons et du groupement de perfectionnement des sous-officiers (GPSO), de futurs sous-officiers “confiants, crédibles et légitimes vis-à-vis de leurs subordonnées”. 

L’armée de Terre va réduire la durée de la formation initiale de ses futurs sous-officiers

L’armée de Terre va réduire la durée de la formation initiale de ses futurs sous-officiers

https://www.opex360.com/2023/10/22/larmee-de-terre-va-reduire-la-duree-de-la-formation-initiale-de-ses-futurs-sous-officiers/


Quoi qu’il en soit, l’activité de l’École nationale des sous-officiers d’active [ENSOA] de Saint-Maixent, qui fête ses 60 ans cette année, ne devrait pas souffrir des tensions concernant le recrutement de l’armée de Terre.

En effet, au-delà de l’instruction initiale de ses élèves recrutés par la voie directe ou semi-directe et de l’accueil de stagiaires étrangers, l’ENSOA assure aussi la formation continue des sous-officiers tout au long de leur carrière.

Or, ce besoin en formation continue va continuer à croître dans les années à venir, notamment en raison de la réforme du parcours professionnel des sous-officiers, lancée en 2020 pour répondre aux nouveaux besoins induits par le programme SCORPION et par le durcissement de la préparation opérationnelle.

Cette année, l’ENSOA aura accueilli environ 6800 élèves et stagiaires. Et elle en attend plus de 7000 en 2024. Cette hausse de l’activité suppose un renforcement de l’encadrement [45 postes supplémentaires seront créés l’an prochain] ainsi que la construction de nouvelles infrastructures dans le périmètre de l’école.

« Nous sommes dans une phase de renforcement de l’École nationale des sous-officiers d’active. Je vais même plus loin. Le chantier général de renforcement de l’ENSOA, notamment en infrastructures mais aussi en cadres, c’est la priorité numéro un de l’armée de Terre aujourd’hui », a expliqué le général Schill, à l’occasion d’un déplacement à Saint-Maixent, cette semaine.

Par ailleurs, l’ENSOA aura à proposer de nouvelles formations pour répondre à des besoins « émergents » dans certains domaines, comme l’influence et le cyber.

Cependant, même avec de nouveaux bâtiments, la capacité d’accueil de l’école risque d’être insuffisante… Et l’un des leviers pour retrouver une certaine marge de manoeuvre passe par la réduction de la durée de la formation initiale des élèves sous-officiers, a avancé le CEMAT.

Ainsi, la formation initiale d’un élève sous-officier « direct » passera de huit à six mois. Et celle d’un élève issu du recrutement semi-direct, qui a déjà une expérience militaire, sera réduite à trois mois.

« Nous conservons cette notion de creuset à l’ENSOA, où passent tous nos sous-officiers. Comme le volume [d’élèves et de stagiaires] est plus important, on peut augmenter les capacités de l’école, c’est ce que nous faisons en renforçant l’encadrement et en construisant de nouveaux bâtiments, mais ce n’est pas immédiat. Pour faire face en conservant ce socle, on prend cette mesure de réduction de la formation initiale, compensée par un allongement de la formation assurée ensuite dans les écoles d’armes et les régiments », a détaillé le général Schill, dans les pages du quotidien « La Nouvelle République ».

Pour l’armée de Terre, ce raccourcissement de la durée de la formation initiale ne vise pas seulement à permettre à l’ENSOA d’accroître sa capacité d’accueil de stagiaires : elle répond aussi au besoin d’avoir de jeunes sous-officiers qui rejoignent plus vite les unités opérationnelles.

L’armée de Terre a créé un nouveau commandement pour ses opérations en Europe

L’armée de Terre a créé un nouveau commandement pour ses opérations en Europe

https://www.opex360.com/2023/10/17/larmee-de-terre-a-cree-un-nouveau-commandement-pour-ses-operations-en-europe/


Armée par 58 militaires et commandée par le général François Goguenheim, cette structure se vit confier la mission d’assurer le soutien logistique des unités « déployées dans des opérations relevant de son périmètre ». Mais ses responsabilités étaient encore trop restreintes… Aussi a-t-elle laissé la place, le 16 octobre, au « Commandement Terre Europe » [CTE], dont les attributions seront a priori plus larges.

La création de cette nouvelle structure s’inscrit dans le cadre du plan de transformation récemment dévoilé par le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT].

« Cet état-major va exercer le contrôle opérationnel des unités Terre déployées en Europe et la cohérence de leur emploi quand elles sont placées sous l’autorité d’une organisation multinationale ou d’une coalition. Il commandera également les échelons de soutien nationaux », explique le CFT.

« Il s’agit de dire que, dans la période de grande incertitude qui est la nôtre aujourd’hui, chaque état-major doit être concentré sur l’ensemble des enjeux opérationnels qu’il peut avoir à traiter », a résumé le général Bertrand Toujouse, le commandant des forces terrestres, avant de préciser que le principe du CTE avait été validé par le chef d’état-major des armées [CEMA] au cours de l’été dernier.

 

« Tout en contribuant à son effort de subsidiarité, cet état-major [le CTE, ndlr] accroît de manière substantielle la faculté d’adaptation de l’armée de Terre confrontée à des réalités géopolitiques évolutives en Europe », a, de son côté, souligné le général Schill, via Linkedin.

« En exerçant la responsabilité opérationnelle sur nos déploiements dans l’est du continent, il contribuera désormais à l’exigence de réactivité de notre pays et ancrera sa crédibilité dans l’espace de solidarité stratégique partagé avec nos alliés », a ajouté le CEMAT, en rappelant que l’objectif du plan de transformation qu’il a élaboré vise à « optimiser les effets opérationnels produits par l’armée de Terre ».

Photo : CFT/ Armée de Terre

Des militaires japonais s’entraînent pour la première fois sur le sol français

Des militaires japonais s’entraînent pour la première fois sur le sol français

– Forces opérations Blog – publié le

Depuis dix jours, l’armée de Terre et son homologue japonaise s’entraînent conjointement en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l’exercice Brunet-Takamori 23. Une première sur le sol français pour la Force terrestre d’autodéfense japonaise (JGSDF).

Du 10 au 30 septembre, Brunet-Takamori 23 mobilise environ 400 militaires français et japonais autour de Nouméa, Plum et Prony. Pour les deux pays, cet exercice de niveau compagnie constitue une opportunité rare « d’accroître leur interopérabilité afin d’être en mesure d’intervenir ensemble » et « illustre le souhait commun de consolider, développer et d’enrichir ce partenariat », indiquait ce matin l’état-major des armées.

Une soixantaine de soldats du 5e régiment d’infanterie japonais ont été insérés au sein du régiment d’infanterie de marine du Pacifique Nouvelle-Calédonie (RIMaP-NC), soit une section accompagnée d’éléments de commandement et de soutien. L’ensemble est appuyé par la base aérienne 186 de La Tontouta et la direction interarmées du service de santé des forces armées (DIASS).  

« Nous avons développé nos compétences de combat individuel et amélioré la compréhension mutuelle entre le Japon et la France grâce à des exercices préparatoires », déclarait hier la JGSDF. Après un stage commando et une phase d’intégration dans la compagnie motorisée du RIMaP-NC, Brunet-Takamori 23 s’apprête maintenant à basculer dans l’exercice de synthèse interarmes et interarmées. 

Ce rendez-vous organisé pour la première fois au coeur du Pacifique sud vient s’ajouter à une coopération bilatérale jusqu’alors essentiellement orientée vers le domaine aéronaval, comme le démontrait encore l’exercice Oguri-Verny réalisé en août dernier. 

Crédits image : RIMaP-NC

L’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan fait le plein

L’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan fait le plein

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 13 septembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


C’est aussi la rentrée à Coëtquidan pour les élèves des trois écoles de l’Académie (photo AMSCC). Une rentrée pour plus de 700 élèves. Voici le détail par école. 

L’école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM):

201 élèves dont 169 sont issus du concours d’entrée à l’ESM, 29 officiers sur titre et 3 élèves qui suivent leur scolarité en Allemagne. S’ajoutent à ce groupe de 201: 20 élèves étrangers et 14 commissaires.

A noter que:
– 20 élèves sont externalisés dans d’autres établissements comme l’ESSEC
– 30 cadets étrangers sont à Coëtquidan pour des séjours de 2 à 6 mois
– 12 étudiants en double diplôme sont présents sans être considérés comme des Cyrards.

L’école militaire interarmes (EMIA):

115 élèves: 85 sur concours, 15 sur titre, 15 issus de la filière CTA (corps technique et administratif).
S’ajoutent 10 élèves étrangers.

L’école militaire des aspirants de Coëtquidan (EMAC):

207 élèves au total: 154 OSC-E (officiers sous contrat Encadrement), 37 élèves pilotes (ALAT), 6 du SEO (service de l’énergie opérationnelle) et (nouveauté) 10 élèves officiers internationaux.
Les OSC spécialistes (3 mois de formation initiale avant leur départ en unité) ne sont pas oubliés: en cette fin d’année, environ 150 seront formés (60 en octobre et 90 en décembre). Deux promos arriveront au début de 2024: une janvier et l’autre en mars.

La transformation de l’armée de Terre enclenchée mais à préciser, décliner et mettre en œuvre

La transformation de l’armée de Terre enclenchée mais à préciser, décliner et mettre en œuvre

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 11 septembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2023/09/09/la-transformation-de-l-armee-de-terre-enclanchee-24095.html


L’ordre à l’armée de Terre du 20 juillet, signé par le général d’armée Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre, constitue le point de départ de la fameuse transformation de l’armée de Terre.

Cette transformation, pilotée par commandement du combat futur (CCF, ex-CDEC); se fonde sur la modernisation des équipements, la refonte de l’organisation (simplification) et l’adaptation du fonctionnement (avec un nouveau style de commandement axé sur une plus grande autonomie des échelons tactiques et la subsidiarité).

Cette transformation a une finalité opérationnelle. En termes de tempo, voici les étapes de  l’ambition affichée:

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C’est sur la période 2024-2027 que la réussite de l’effort entrepris va être impératif. Cette réussite passe, entre autres mais inévitablement, sur “la préservation de l’attractivité et l’amélioration de la fidélisation”. En clair, il faut recruter et garder les militaires dont la formation va s’avérer plus exigeante et plus coûteuse. Dans ce domaine, on attend la directive de préservation des effectifs à paraître sous timbre EMAT ;

Plus précisément, comme l’a annoncé le CEMA (c’est moi qui souligne), “les principaux mouvements du C2 devront débuter :
• dès le plan annuel de mutation 2024 imposant de facto une description précise dans les travaux REO A+1 qui seront finalisés début octobre 2023 ;
sur la deuxième partie de LPM pour la manœuvre de stationnement associée dont le tempo impose de disposer d’expressions de besoins consolidées, en lien avec les organismes interarmées et ministériels, pour le comité exécutif ministériel infrastructure de décembre 2023.

C’est donc sur le C2 (commandement et contrôle) que va porter l’effort initial, avec des mouvements liés à la transformation.  L’armée de Terre assure que “la transformation modifiera marginalement le plan de stationnement de l’armée de Terre, sans abandon de garnisons, et en s’appuyant majoritairement sur les infrastructures existantes”. 

Par exemple, dans l’ouest, les mouvements (créations et changements de subordination) suivants sont attendus:
1) le ComCyber de Cesson-Sévigné (35) changera de nom avant le 1er août 2024 pour devenir le CTNC (commandement Terre du numérique et du cyber)
– sera créé, à Cesson-Sévigné et aussi le 1er août 2024, le BANC ( brigade d’appui numérique et cyber
– un bataillon cyber sera stationné à Cesson-Sévigné (date de création à préciser) 
– la 808e compagnie de transmissions sera créée en 2025 à Saint-Jacques de la Lande (35) pour être opérationnelle en 2028. Cette unité occupera les locaux de la 807e CT et ceux de la 785e CGE qui quittera la région rennaise pour Strasbourg au plus tôt à compter de 2027.
Dans ce domaine, on attend la feuille de route “ambition Cyber” à paraître sous timbre EMAT ;

2) A Angers va s’installer l’état-major de la future brigade du génie dont la création est prévue le 1er août 2024 autour d’un noyau clef. Voir mon post du 25 juillet. 
Cette unité va intégrer le 132e RIC et le 19e RG de la 1re division, le 31e RG et le 2e RD de la 3e division, le 25e RGA et le 28e GG du COMRENS.

3) Le 5e RIAOM de Djibouti rejoindra la 9e BIMa en janvier 2024.

Pour l’armée de Terre, s’entraîner avec des drones « ne doit pas être plus compliqué qu’une séance de tir »

Pour l’armée de Terre, s’entraîner avec des drones « ne doit pas être plus compliqué qu’une séance de tir »

https://www.opex360.com/2023/09/03/pour-larmee-de-terre-sentrainer-avec-des-drones-ne-doit-pas-etre-plus-complique-quune-seance-de-tir/


Et ils participent à la « transparence du champ de bataille » qui, associée à « l’hyper-destructivité assurée par la quantité disponible, la précision et la létalité des armements de tout type » que possèdent les forces ukrainiennes et russes, expliquerait en partie le « blocage tactique » que l’on observe en Ukraine depuis plusieurs mois. En tout cas, telle est l’appréciation de la situation que le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], a livrée via Linkedin.

« L’association de ces deux effets, schématiquement d’une détection simplifiée et d’une destruction facilitée, génère des pertes élevées au moindre mouvement, incitant les belligérants à privilégier la défensive », a expliqué le CEMAT. Aussi, a-t-il continué, « pour les limiter, les combattants recherchent une protection accrue via la dispersion tactique et le recours aux fortifications de campagne ». Ce qui fait que les « gains territoriaux sont rares » et que la « progression tactique est très lente ».

Quelques semaines plus tôt, le général Schill avait estimé que « si l’hélicoptère et le drone ne sont pas l’alpha et l’oméga du combat aéroterrestre », faire l’impasse sur de telles capacités serait « rédhibitoire ». Et que, par conséquent, une « armée de Terre de premier rang » se devait d’être « à la pointe de leur développement et de leur intégration dans la manœuvre ».

Seulement, l’armée de Terre a encore du chemin à faire pour s’approprier pleinement les capacités offertes par les drones, même si elle en comptera environ 4000 à l’horizon 2025 [SDT Patroller, SMDR, Anafi, NX-70, Black Hornet 3, etc.]. En effet, le retour d’expérience du récent exercice interarmées Orion, a révélé « d’importantes disparités d’utilisation » de ces appareils « entre les régiments ».

C’est en effet le constat que le général Schill a fait dans une lettre adressée en juillet aux commandeurs de l’armée de Terre pour y détailler ses priorités pour le second semestre 2023. Aussi leur demande-t-il d’accentuer la préparation opérationnelle en matière d’utilisation des drones. « Le virage de leur emploi régulier par nos unités, en exercice comme en mission, doit être pris sans délai au risque d’un retard qu’il deviendra difficile de combler », écrit-il.

Seulement, la réglementation en matière de sécurité aérienne ne facilite pas forcément les choses.

« Les aspects de la procédure ou de formation sont parfois contraignants mais ne peuvent constituer des obstacles rédhibitoires », estime le CEMAT, qui dit avoir « rappelé l’impératif de lever les freins inutiles dès lors qu’il ne sont pas directement liés à la sécurité », lors d’assises dédiées à cette question, le 5 juin dernier.

« Faire voler des drones ne doit pas être plus compliqué qu’une sortie terrain ou une séance de tir » et les « drones doivent voler dans les unités en 2023 », a conclu le général Schill.

Photo : Novadem

Pourquoi y a-t-il encore des militaires français en Irak ?

Pourquoi y a-t-il encore des militaires français en Irak ?


Un militaire français de l'opération Chammal, en 2019.

Un militaire français de l’opération Chammal, en 2019. DAPHNE BENOIT / AFP

 

Lancée en septembre 2014, l’opération Chammal rassemble près de 600 militaires français en Irak et en Syrie voisine. Ces soldats y mènent toujours des actions d’appui et de formation aux forces locales.

Deux jours après la mort du sergent Baptiste Gauchot, un deuxième militaire français a perdu la vie en Irak, dimanche 20 août. L’adjudant Nicolas Latourte est décédé lors d’un «exercice opérationnel», a indiqué l’Élysée, le ministre des Armées Sébastien Lecornu précisant qu’il «participait à une mission de formation de l’armée irakienne». Le sergent Gauchot est, lui, mort le vendredi 18 août, après un «accident de la circulation». Il était également engagé dans cette mission de formation de l’armée irakienne.

La présence de soldats français en Irak et en Syrie est moins médiatisée ces dernières années, éclipsée par d’autres opérations d’envergure, comme Barkhane au Sahel. L’opération Chammal a pourtant été lancée quasiment en même temps que cette dernière, le 19 septembre 2014. Elle représente le volet français de l’opération internationale Inherent Resolve (OIR), rassemblant 80 pays et cinq organisations internationales. Son but premier : apporter un soutien militaire aux forces irakiennes engagées dans la lutte contre Daech.

Des actions d’appui

Aujourd’hui, la perte d’influence de l’État islamique sur ces territoires a limité l’action de la coalition. Plus aucune opération au sol n’est par exemple menée depuis janvier 2022. Mais quelque 600 militaires français y sont encore déployés. Car si Daech n’a plus d’emprise territoriale en Irak et en Syrie, la menace terroriste y demeure élevée. Le soutien de la coalition se concentre donc surtout sur la montée en compétences des forces irakiennes, afin d’établir les conditions d’une paix durable.

Dans cet objectif, la France et ses militaires œuvrent selon deux piliers complémentaires : l’appui et le conseil. Pour le premier, outre les 600 militaires déployés, la coalition peut compter sur 10 Rafale*, positionnés sur des bases aériennes au Levant et aux Émirats arabes unis. Ces chasseurs appuient directement les troupes au sol, mènent des missions de renseignement, de reconnaissance, et ponctuellement des frappes en cas d’urgence. Ils manœuvrent souvent en interopérabilité avec des F-16 jordaniens ou irakiens et des F-15 américains.

                                               Les effectifs de l’opération Chammal. Ministère des Armées

 

Un volet maritime de l’opération Chammal est également assuré par la présence quasi continue d’une frégate en Méditerranée orientale ou dans le golfe Arabo-Persique. L’action de ces chasseurs français est complétée par celle d’aéronefs qui réalisent des missions de ravitaillement et de commandement aéroporté. Depuis 2014, l’opération Chammal a ainsi donné lieu à quelque 12.700 sorties aériennes et plus de 1570 frappes qui ont détruit 2400 objectifs, selon les chiffres du ministère des Armées.

Formation et déminage

la coalition s’illustre également par une mission de conseil et d’accompagnement du commandement irakien des opérations dans sa mission de stabilisation de la région. Cette collaboration a permis aux unités irakiennes d’étoffer leurs compétences tactiques et de développer leur autonomie opérationnelle, se targue le ministère.

La France joue ici un rôle important : depuis 2020, c’est le Military Advisory Group (MAG), une entité interarmées, qui se charge de la politique de conseil au profit des états-majors irakiens. La MAG dirige le Joint Operations Advisory Team (Jocat), à la tête duquel se trouve un colonel français, et qui comprend également quatre autres officiers français, spécialisés dans les domaines des feux dans la profondeur, des opérations terrestres et des opérations aériennes.

Très concrètement, le rôle des militaires français en Irak se cantonne aujourd’hui à assurer la formation des troupes irakiennes. Le sergent Baptiste Gauchot officiait d’ailleurs auprès d’elles «dans les domaines du combat d’infanterie et du secourisme au combat», indique le ministère des Armées. Les soldats tricolores mènent aussi régulièrement des actions de déminage. L’adjudant Nicolas Latourte a ainsi été «mortellement blessé en marge d’un exercice d’entraînement au combat en zone urbaine», alors qu’il formait des soldats irakiens à la lutte contre les engins explosifs improvisés.

*le Rafale est une production du groupe Dassault, propriétaire du Figaro.

Un sous-officier du 6e Régiment du Génie mortellement blessé en marge d’un entraînement au combat en Irak

Un sous-officier du 6e Régiment du Génie mortellement blessé en marge d’un entraînement au combat en Irak

https://www.opex360.com/2023/08/21/un-sous-officier-du-6e-regiment-du-genie-mortellement-blesse-en-marge-dun-entrainement-au-combat-en-irak/


 

Issu du 6e Régiment du Génie et déployé au sein de l’opération Chammal depuis mai 2023, ce sous-officier a été mortellement blessé alors qu’il « participait à une mission de formation de l’armée irakienne pour, inlassablement, lutter contre le terrorisme », a indiqué Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, via X/Twitter.

De son côté, l’État-major des Armées [EMA] a précisé que l’adjudant Latourte a été « mortellement blessé en marge d’un exercice d’entraînement au combat en zone urbaine », au cours de la soirée du 20 août. « Il a été pris en charge immédiatement et transféré par hélicoptère vers un hôpital d’Erbil où l’équipe médicale a constaté son décès », a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.

L’adjudant Latourte « contribuait à la formation de nos partenaires irakiens dans le domaine de la lutte contre les engins explosifs improvisés », a souligné l’EMA.

« En Irak, ils défendaient nos idéaux. Quelques jours après le sergent Baptiste Gauchot, l’adjudant Nicolas Latourte a perdu la vie dans l’accomplissement de sa mission. La Nation s’associe à la peine immense de leurs familles et frères d’armes des 19e et 6e régiments du génie », a réagi le président Macron.

Pour rappel, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve [OIR], dirigée contre les groupes jihadistes par les États-Unis, et si elle continue à fournir un appui aérien aux forces locales, la force Chammal a également la mission de former et d’entraîner les troupes irakiennes.

Ce volet « conseil » va d’ailleur prendre de l’ampleur dans les mois à venir, avec la mise en place d’un « cycle de formation unique » qui, grâce à un détachement de 80 instructeurs français, devra permettre de former l’équivalent de cinq bataillons [soit 2100 soldats irakiens].