De nouvelles capacités de franchissement dans le viseur de la Défense belge

De nouvelles capacités de franchissement dans le viseur de la Défense belge

– Forces opérations Blog – publié le

Renouveler les capacités de franchissement de brèches humides ou sèches de la Composante Terre belge, voila l’objet d’un programme lancé fin juillet et pour lequel l’industrie française aura une carte à jouer. 

Approuvé mi-juillet par le gouvernement belge, le programme est depuis peu entré en phase d’appel à candidature (RFP). L’enjeu ? D’une part, l’acquisition de huit systèmes de pose de ponts tactiques (Mobile Assault Bridge – MAB) et de 17 ponts. Et d’autre part, le soutien des systèmes acquis pour une durée de 10 ans. De quoi renouveler une capacité relevant des bataillons de génie et dont l’importance pour la mobilité militaire revient sur le devant de la scène.

Ce MAB sera « un véhicule à roues équipé d’une cabine blindée permettant la pose et la reprise de ponts tactiques de manière autonome ». Exit donc la chenille privilégiée jusqu’alors avec les chars lanceurs de pont Iguane (Leguan) sur châssis Leopard 1, place à un outil visiblement monté sur un châssis 10×10 afin de conserver « une grande mobilité tactique et une capacité tout-terrain ». 

Ce poseur de ponts présentera une protection de niveau 3a/b contre les mines, de niveau 3 contre les menaces balistiques et une protection minimale contre les engins explosifs improvisés. Un bouclier complété par l’ajout d’un tourelleau téléopéré sorti des stocks belges, de lance-pots fumigènes ainsi que d’un système de protection NRBC. 

Quant aux travures, celles-ci auront une longueur minimale de 22 m. De classe MLC 80, ces ponts permettront le franchissement de l’ensemble des véhicules à roues et chenillés aujourd’hui en service. Ils disposeront par ailleurs d’un système « Health & Usage Monitoring System » (HUMS), ces capteurs permettant de déterminer la charge réelle et de prédire l’ « état de santé » donc la durée de vie du système. 

Cet avant-goût de cahier des charges s’accompagnent de plusieurs exigences opérationnelles, à commencer par les dimensions. « La longueur du pont est un facteur tactique déterminant. Un pont plus long offre une plus grande flexibilité au commandant tactique dans le choix du site de franchissement », estime une Défense belge selon qui « un pont de 26 m permet également de dépasser la capacité de franchissement d’assaut russe ». 

Second critère majeur, l’interopérabilité est souhaitée avec un maximum de pays membres de l’OTAN. Et si le projet semble s’inscrire en dehors du partenariat stratégique franco-belge « Capacité Motorisée » (CaMo), l’argument d’un nouveau rapprochement capacitaire avec l’armée de Terre pèsera dans la balance. La modularité du système, enfin, est recherchée dans une moindre mesure. Il est en effet « souhaitable que que le pont long puisse être transformé en deux ponts courts » pour mieux s’adapter à la brèche rencontrée et ainsi « économiser des moyens de franchissement lors de la manoeuvre tactique ».

L’investissement est évalué à plus de 85 M€, un effort représentant plus du tiers des 235 M€ inscrits dans le plan STAR pour renouveler les capacités du génie. Un document adopté en 2022 pour définir la transformation de la Défense à l’horizon 2030 et dont la mise à jour pourrait être conduite par le prochain gouvernement belge. 

Ce type d’engin n’est maîtrisé que par une poignée d’industriels. Hormis KNDS Deutschland et son Iguane agnostique du porteur, le besoin belge n’est pas sans rappeler le système de pose rapide de travures (SPRAT) adopté côté français. Utilisé depuis 2011 par l’armée de Terre et modernisé il y a peu, le SPRAT de CNIM Systèmes Industriels permet de déployer deux ponts courts de 14 m ou un pont long de 26 m composé de deux travures en une dizaine de minutes. Des atouts à combiner avec l’éventualité d’une interopérabilité franco-belge renforcée. 

Crédits image : 13e régiment du génie

Le 2e régiment de hussards renoue avec le franchissement par VB2L

Le 2e régiment de hussards renoue avec le franchissement par VB2L

– Forces opérations Blog – publié le

C’est un exercice qui n’avait plus été mené depuis un moment par l’armée de Terre. Le véhicule blindé léger franchit à nouveau des coupures humides grâce à la réactivation d’un savoir-faire longtemps mis de côté et que le 2e régiment de hussards est en train de se réapproprier. 

Une première depuis 15 ans

Exploité en plongée, à la palme ou avec ses kayaks par les spécialistes de la recherche humaine profonde du 2e RH, le milieu aquatique est aussi un obstacle à traverser pour leurs VB2L « patrouille de recherche blindée ». Escadron après escadron, l’objectif est d’amener l’ensemble du régiment à se réapproprier une capacité de franchissement de coupure humide sous blindage d’ici à 2025.

Le 4e escadron a ouvert le bal il y a peu. Sa formation a démarré en piscine pour, entre autres, s’habituer au matériel spécifique et s’assurer d’avoir les bons réflexes en cas d’incident. Elle s’est poursuivie sur l’étang d’Haspelschiedt (Moselle), où chaque équipage a réalisé plusieurs traversées de jour comme de nuit. Ce module d’instruction, réparti sur une semaine, a permis de former 30 équipiers, l’équivalent de cinq patrouilles. 

« Nous avons de la chance, nous disposions encore d’une partie du matériel et du personnel qui maîtrisaient ce savoir-faire, ce qui nous a permis de reprendre pied assez rapidement », souligne un officier du 2e RH. Des techniques de sécurité à la préparation des véhicules, voici plusieurs mois que les plus anciens transmettent leur expérience aux jeunes générations. Les premiers essais à petite échelle datent du mois de novembre dernier. Le parc régimentaire de VB2L nécessitait quant à lui une brève révision technique. 

Ce type d’exercice, l’armée de Terre n’en avait plus réalisé depuis 15 ans. Au cours des deux dernières décennies, la préparation opérationnelle s’était en effet concentrée sur le combat face à un ennemi asymétrique et dans des environnements bien différents de ceux rencontrés en Europe. 

Le 4e escadron était le premier à se jeter à l’eau pour être prêt pour la phase 4 de l’exercice ORION

Premier test durant l’exercice ORION

Aujourd’hui, le contexte sécuritaire a bien évolué. « Il ne vous pas échappé qu’au niveau stratégique, les concepts d’engagement de l’armée de Terre sont en train de changer », nous rappelle-t-on. La perspective d’un engagement majeur face à un ennemi à parité redevient la priorité, avec le durcissement de l’entraînement à la clef. Les environnements opérationnels changent, nécessitant de réapprendre certains savoir-faire. 

« Nous constatons qu’en Europe, nous rencontrons une coupure humide majeure qui nécessite un franchissement tous les 10 ou 20 km. Il faut que l’on se réapproprie ce savoir-faire parce que les patrouilles du 2e hussards doivent pouvoir agir de façon autonome et derrière les lignes ennemies », nous explique-t-on.

Un franchissement, c’est « un moment de vulnérabilité dans toute opération» qui nécessite de conduire « une opération dans l’opération ». Pendant les quelques minutes que dure la traversée, le véhicule est bruyant, exposé et lent, aux antipodes de la recherche de discrétion caractéristique des patrouilles du 2e RH. La manoeuvre demande donc d’engager une réflexion tactique sur l’ennemi, le terrain, le milieu aquatique, la force du courant, la nature des berges. Un cadre contraignant face auquel le régiment bénéficie d’un atout : son peloton de recherche nautique (PRN). Spécialiste de l’infiltration en milieu aquatique et subaquatique, ce peloton détient aussi les compétences techniques nécessaires à la mise en place d’un point de franchissement en soutien des patrouilles en VB2L.

Le savoir-faire technique maintenant acquis par un premier escadron, il s’agira de le mettre en oeuvre dans un cadre tactique en avril lors de la dernière phase de l’exercice ORION, phase durant laquelle les armées françaises et leurs alliés « joueront » un engagement de haute intensité face à un ennemi à parité.