Tchad : pourquoi le soutien de Mahamat Déby aux milices soudanaises constitue un risque grave pour son régime, pour le Tchad, et pour la stabilité régionale

Tchad : pourquoi le soutien de Mahamat Déby aux milices soudanaises constitue un risque grave pour son régime, pour le Tchad, et pour la stabilité régionale

par Bernard Lugan – publié le 20 février 2025

https://bernardlugan.blogspot.com/


A mon communiqué du 19 février 2025 ayant pour titre « Tchad : Mahamat Deby a-t-il misé sur le « mauvais cheval » ? il manquait, une fois n’est pas coutume, la dimension ethno-politique sans laquelle les évènements ne peuvent être compris[1].

Dans la guerre civile du Soudan, qui, depuis avril 2023, oppose les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Hamdan Dagalo alias Hemeti,  le président tchadien Mahamat a pris le parti des FSR. Or, les FSR sont issues des Janjawid, milice tristement célèbre pour ses atrocités commises lors de la deuxième guerre du Darfour débutée en 2003 contre les Fur, les Massalit et les Zaghawa (voir à ce sujet mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours).

Or, ces trois ethnies transfrontalières sont ulcérées de voir que le président tchadien a décidé de soutenir ceux qui ont quasi-ethnocidé les leurs.  Résultat, les FAS arment actuellement des rebelles tchadiens dont l’objectif est la prise du pouvoir à Ndjamena, afin de priver les FSR de leur base arrière. Or, comme je l’ai écrit dans mon précédent communiqué, à la différence de son père, Mahamat Déby qui n’a ni ses capacités militaires, ni son envergure politique, se retrouve avec une armée profondément divisée et un pouvoir fragilisé face à des rebelles aguerris, équipés et soutenus par l’armée soudanaise. Un Mahamat Déby qui, de plus, ne pourra pas être sauvé par une intervention de la France puisqu’il a fait fermer ses bases militaires…Voilà pourquoi une grande fébrilité agite actuellement la classe politique tchadienne.

Le plus grave est que le choix de Mahamat Déby menace de faire voler en éclats l’alchimie ethnique et politique tchadienne avec le risque d’un retour à la terrible guerre civile qui a ravagé le pays avant la prise de pouvoir par Idriss Déby Itno. En plus de cela, Mahamat Déby s’est coupé d’une partie du socle militaire zaghawa qui faisait la force de son père.

Or, toute la vie politico-ethnique tchadienne dépend des rapports internes de longue durée, des alliances, des ruptures et des réconciliations plus ou moins éphémères des ethnies nordistes autour desquelles s’est écrite l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’elles que se sont faites toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime de leurs déchirements et de leurs ambitions. Or, l’alignement du Tchad sur les FSR fait éclater au grand jour leurs divisions.

Il faut en effet bien avoir à l’esprit que les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du Ouadaï sont divisés en une multitude de clans et de sous-groupes régulièrement prêts à s’affronter. Ainsi, les Zaghawa du clan Bideyat, celui d’Idriss Déby Itno, n’ont cessé de se diviser. Pour mémoire, les frères Timan et Tom Erdibi, les propres neveux d’Idriss Déby Itno, furent en guerre contre lui.
Mahamat Idriss Déby, l’un des fils d’Idriss Déby Itno est de mère gorane. Gorane est le nom arabe désignant les Toubou de l’Ennedi et d’Oum Chalouba dont la langue est le daza. Lui-même a épousé une Gorane. D’où la méfiance de certains Zaghawa qui considèrent qu’il n’est qu’en partie des leurs. Même si, par le passé, des alliances plus qu’étroites ont pu régulièrement associer Zaghawa et certains clans Gorane, les actuels évènements du Soudan font renaître les ferments de division, certains Zaghawa considérant ainsi que le soutien aux FSR pourrait être compris comme une rupture avec eux.

Autre point, n’oublions pas qu’Hinda, l’épouse d’Idriss Déby Itno, est une Arabe du Ouadaï et que, dans la guerre civile soudanaise, les Arabes penchent du côté des FSR.
Il est donc évident que le choix de Mahamat Déby de soutenir les FSR fait en réalité éclater la triple alliance ethno-clanique constituée par Idriss Déby , une alliance qui était le socle même de son pouvoir.

Dans ce contexte, les rebelles tchadiens qui combattent aujourd’hui aux côtés des FAS sont utilisés par ces dernières pour tenter de renverser le pouvoir à Ndjamena afin de priver les FSR de leur base arrière tchadienne. La manœuvre initiée par les FAS qui est claire est mise en pratique depuis plusieurs mois : porter la guerre au Darfour, fief des FSR, après avoir brisé le siège d’El-Facher, afin de couper les routes d’approvisionnement de ces dernières depuis le Tchad. Une manœuvre en forme de mouvement tournant qui se précise encore davantage à la lumière des récents succès militaires des FAS.

Voilà pourquoi, en plus d’avoir peut-être misé sur le « mauvais cheval », Mahamat Déby pourrait avoir soulevé le couvercle de la cocotte-minute ethno-politique tchadienne…
 

[1] Pour l’évolution de la situation militaire au Soudan on se reportera à l’article de Leslie Varenne intitulé « Guerre au Soudan, le Tchad pris à son propre piège » publié dans Iveris et dans Mondafrique.

Ukraine, les doctrines militaires bouleversées par la guerre des drones

Ukraine, les doctrines militaires bouleversées par la guerre des drones


Après trois ans de guerre, les combats d’artillerie et les tentatives de percées ont laissé place à un affrontement par drones. L’usage massif des drones aériens bouleverse désormais les doctrines militaires classiques et rend difficile une guerre de mouvement.

Un soldat ukrainien portant un drone près de la ville d'Avdiïvka, dans la région de Donetsk, à proximité de la zone de combat, le 17 février 2023.
Un soldat ukrainien portant un drone près de la ville d’Avdiïvka, dans la région de Donetsk, à proximité de la zone de combat, le 17 février 2023. AP – LIBKOS

L’Ukraine produit 10.000 drones aériens par jour, et elle en consomme presque autant… Le volume est vertigineux. Sur la ligne de front, les drones pullulent, avec pour conséquence de rendre transparent le champ de bataille et illusoire la concentration d’hommes et de matériels. Les Russes qui, ces derniers mois, ont repris l’initiative, ont dû s’adapter, analyse Jean-Christophe Noël, chercheur associé à l’Ifri, Institut français des relations internationales : « Ce qu’ils vont privilégier, ce sont des assauts avec un nombre très réduit de soldats. Avec peut-être trois à quatre soldats, de préférence motorisés pour aller un petit peu plus vite et essayer d’échapper justement à tous ces drones. Ils vont ainsi s’infiltrer, prendre position et essayer de tenir en attendant des renforts. Et donc ils vont ainsi réussir à modifier, par des petits sauts, les lignes de front et progressivement à grignoter, grignoter, grignoter. » 

Les drones «First Personal Viewer»

Au début du conflit, l’armée russe a été surprise par l’afflux massif des drones, elle a depuis comblé son retard, mais deux approches différentes ont initialement vu le jour. « Les Russes ont développé des drones qui valaient beaucoup plus cher, poursuit Jean-Christophe Noël, les drones russes étaient des drones sophistiqués qui valent 30.000 dollars, alors que les Ukrainiens maintenant utilisent des FPV — les First personal viewer – ce sont des drones qui coûtent moins de 1000 dollars, mais qui sont très consommables. S’ils en perdent un, c’est pas très grave, il y en a toujours un qui fera le travail.

On s’aperçoit que progressivement les Russes arrivent un petit peu aussi à décentraliser ces productions pour essayer de copier ce qui se fait de mieux chez les Ukrainiens. Et les Ukrainiens à l’inverse ont remarqué toutes les attaques de drones russes avec les Shahed iraniens. Eux aussi commencent à développer des drones qui leur permettent d’attaquer à l’intérieur de la Russie. Chacun essaie donc de réagir, mais encore une fois avec deux modèles différents, un modèle chez les Russes qui au départ est très centralisé, voir trop centralisé, et chez les Ukrainiens, quelque chose qui est très décentralisé, voire trop décentralisé. »

Un effet miroir

Dans un système où l’innovation est reine, l’écueil principal c’est la production des drones. Comment passer à l’échelle dans la fabrication de drones aériens toujours plus complexes ?

« Les jeunes Ukrainiens arrivent à trouver des solutions pour compenser certaines faiblesses. Et c’est pour ça qu’on a vu une multitude de drones apparaître, qui remplissent des fonctions très diverses. Évidemment, c’est pour voir, évidemment c’est pour détruire ; mais parfois c’est pour aussi servir de relais. C’est aussi pour essayer de détecter différents capteurs ou même des tentatives pour essayer d’abattre d’autres drones, etc. Donc, on est vraiment dans un processus très décentralisé, où on a du mal à passer à l’échelle. C’est-à-dire que finalement des initiatives locales ont du mal à être généralisées. Chez les Russes, c’est l’inverse, la porosité avec l’armée est plus compliquée, et donc souvent ils réagissent au bout d’un ou deux mois à certaines innovations. Ça oblige les Ukrainiens à penser en permanence cette innovation. Et on voit des deux côtés, un effet miroir, quand il y a une solution qui marche bien, le camp adverse va tout de suite l’adopter. » 

Produire en masse, le sujet est devenu brûlant dans les états-majors européens, les militaires plaident pour l’émergence de champions, des entreprises de défense capables de produire des drones ultra-novateurs, en quantité industrielle.

Quelles forces militaires pour assurer la sécurité de l’Ukraine ?

par Jean-Claude Allard* – IRIS – publié le 21 février 2025

https://www.iris-france.org/quelles-forces-militaires-pour-assurer-la-securite-de-lukraine/

*Chercheur associé à l’IRIS


Depuis sa prise de fonction, Donald Trump a dissipé tout espoir pour l’Ukraine de continuer à recevoir une aide significative des États-Unis. Compte tenu du potentiel de combat restant de son armée et de la pression américaine pour obtenir la fin des hostilités, le président Zelenski comprend bien qu’il devra aller à la table des négociations. Il demande d’être entouré par les pays européens qui le soutiennent et d’avoir de solides garanties de sécurité fournies par ses alliés occidentaux. Il précise en demandant une force de 200 000 soldats.

Définition de la mission et du format de cette force

Il peut y avoir deux missions :

  1. Une force de surveillance de la ligne de front et du cessez-le-feu. Une mission qui s’apparente à celle de la FINUL déployée depuis 1978 sur la frontière entre le Liban et Israël avec pour mission, entre autres, de « contrôler la cessation des hostilités» et un effectif de 13 000 militaires. La mission de contrôle s’est réduite à compter les roquettes, les avions et les chars passer et à rendre compte à New York. Sous un format plus resserré, composée de civils non armés, la Mission spéciale de surveillance en Ukraine, déployée par l’OSCE, n’a pas donné de résultats probants comme on le sait depuis 2022.
  2. Une mission de sécurisation, c’est-à-dire de défense de l’Ukraine, qui doit d’abord dissuader la Russie d’attaquer et, s’il y a attaque, la repousser victorieusement. Elle doit savoir être méchante. Dans ces conditions et en tirant les enseignements, des trois ans de guerre conduite par les Russes, 200 000 soldats inclus dans une organisation pugnace avec blindés, artillerie, drones, avions, munitions, capacités de cyberdéfense et cyberattaque, chaine logistique, en qualité et en quantité – soit le volume et les équipements de la totalité de l’armée française actuelle – paraissent être un minimum.

Les volontaires, un pas en avant

Qui peut fournir cette masse apte à combattre, dans la durée, c’est-à-dire avec des relèves, ou une affectation des soldats avec leurs familles en Ukraine ?  Les contraintes politiques sont connues : pas d’unité américaine, pas de structure de commandement OTAN.  Qui reste-t-il ?

Les pays européens qui ont soutenu l’Ukraine et promis pendant trois ans de tout faire pour la protéger (voir les nombreux accords de sécurité signés) sont désignés d’office. À défaut, pourrait-on imaginer l’implication d’acteurs tiers ?

Pour ce qui est des pays européens, la Pologne et l’Allemagne qui se réarment sont des acteurs militaires crédibles, mais la volonté de franchir le pas manque. La France doit, avant de prendre sa décision, considérer son statut particulier de puissance nucléaire et avoir réfléchi au lien entre intérêts vitaux et arme nucléaire. Il peut y avoir quelques autres bonnes volontés dont certaines n’ont pas été invitées à cette réunion de Paris.

La face cachée du soutien à l’Ukraine

Sur le principe même d’une force européenne en Ukraine, rappelons quelques événements de l’année 2021 pour réfléchir à cette question. La Russie conduit un exercice militaire de grande ampleur ZAPAD 2021. De leur côté, les Occidentaux conduisent divers exercices en Ukraine même, tous clairement centrés sur la défense de l’Ukraine contre l’envahisseur potentiel russe. Le plus important, l’exercice Sea Breeze en juin, coorganisé par l’OTAN, les États-Unis et l’Ukraine a rassemblé 32 pays de six continents, 5 000 soldats, 32 navires, 40 avions et 18 équipes d’opérations spéciales, tous unis par l’ardent engagement de défendre l’Ukraine contre la Russie : « NATO supports Ukraine‘s sovereignty and territorial integrity within its internationally recognized borders, extending to its territorial waters ».

Nous devons faire trois constats : quelques jours avant le 22 février 2022, tous les pays et l’OTAN qui avaient une présence militaire en Ukraine l’ont rapatriée ; aucun des participants à Sea Breeze n’a mis à profit l’expertise acquise pendant l’exercice pour envoyer des troupes aux côtés de l’armée ukrainienne ; sur les 42 pays, six pays (et non des moindres) n’appliquent pas les sanctions prises par les États-Unis ou l’UE contre la Russie.

Quels tiers acteurs ?

S’il y a impasse européenne, quelques acteurs, animés de l’ambition d’acquérir un statut international et acceptés par Moscou et Washington peuvent se présenter pour armer cette force de pur formalisme : la Turquie, qui a déjà joué un rôle par ses tentatives de règlement pacifique du conflit, ou l’Arabie saoudite qui va accueillir les pourparlers. Enfin la Chine, actuellement en attente, mais qui peut ainsi tenter de mettre un pied en Europe et de verrouiller son « amitié sans limites » avec la Russie. Bien entendu cette solution sera refusée par les États-Unis, mais la Chine ne peut pas rester sans proposition. Par ailleurs, on peut se demander si les pays habituellement volontaires pour les opérations ONU seront au rendez-vous. Rien n’est sûr compte tenu du contexte : c’est plutôt la Russie qui attire l’affection dans le Sud global.

Vers un double périmètre de garanties de sécurité

Le premier périmètre inclut l’Union européenne, qui, à reculons, pourrait arriver à rassembler une poignée de soldats, à titre de témoignage de son engagement et parce qu’elle ne peut faire mieux en format (solution 1 aménagée).

Le second, plus solide, repose sur la satisfaction donnée aux deux empires qui se sont affrontés sur ce champ de bataille : à la Russie, le Donbass et la Crimée et l’ouverture d’une conférence de sécurité en Europe pour traiter ses demandes de sécurité. Aux États-Unis un arrangement avec l’Ukraine pour la reconstruction et l’exploitation des ressources du pays en contrepartie de l’assurance d’une garantie de sécurité américaine. Cette garantie de sécurité reposera, dans l’esprit de président Trump, non sur les armes, mais sur la reprise du dialogue stratégique États-Unis – Russie aux fins de concilier leurs intérêts propres sur le long, voire très long terme et de mettre fin à un siècle de conflictualité alors que surgit à l’horizon le spectre d’une hégémonie chinoise.

De Malte à Riyad, une leçon de stratégie

À l’Europe qui grogne l’écart, rappelons la rencontre à Malte entre George H. W. Bush et Mikhaïl Gorbatchev, les 2 et 3 décembre 1989. Elle a acté sans elle la fin de la guerre froide et le début des négociations sur le désarmement et la sécurité en Europe. La rencontre Donald Trump et Vladimir Poutine à Riyad ne peut être moins ambitieuse. Restent à leurs successeurs à prolonger cette dynamique. L’Union européenne, qui n’a pas réellement compris les mécanismes qui ont entrainé cette guerre en Ukraine, a certes l’insatisfaction de ne pas en être, mais en recueillera cependant les bénéfices comme après la rencontre de Malte.

Elle doit dès à présent réfléchir à comment les préserver et les faire fructifier.

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Emmanuel Macron a rappelé jeudi le danger que représenterait, pour le reste de l’Europe, une victoire russe en Ukraine. Que se passerait-il si la guerre venait à s’étendre ? On fait le point.

Le président de la République a longuement échangé avec des internautes sur les réseaux sociaux, ce jeudi 20 février 2025.

Il a notamment évoqué «la menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », indiquant qu’elle allait « nous imposer des choix très forts pour nous-mêmes, pour notre défense et notre sécurité ». Il a également donné des détails sur les arguments qu’il comptait présenter à Donald Trump, le mettant en garde contre toute « faiblesse » face à Vladimir Poutine.

« Si tu laisses l’Ukraine prise » par la Russie, elle sera « inarrêtable pour les Européens », puisqu’elle « récupérerait » l’armée ukrainienne « qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains ». Dans ce scénario du pire, en cas d’invasion de la Russie sur le territoire hexagonal, que se passerait-il alors ? Qui serait mobilisé ? On vous explique.

La mobilisation générale quasi impossible

Avec la fin du service militaire, la France possède ce qu’on appelle une armée de métier. On compte environ 200 000 militaires d’active dans l’armée française. Ce sont eux qui seraient envoyés en priorité sur le front. Environ 40 000 volontaires âgés de 17 à 35 ans constituent également ce que l’on appelle la réserve de sécurité nationale.

Dans ses vœux aux armées, en janvier, Emmanuel Macron avait à ce sujet évoqué un projet, encore flou, pour « mobiliser » davantage de jeunes volontaires « en renfort des armées » en cas de besoin. « Aujourd’hui, nous nous contentons d’un recensement, d’une journée défense et citoyenneté », « c’est trop peu », avait-il dit, demandant au gouvernement et à l’état-major des propositions d’ici au mois de mai pour « mieux détecter », « former » et « être capable de mobiliser » des volontaires « le jour venu ».

La France vise ainsi 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes à l’horizon 2030.

La mobilisation générale serait utilisée en dernier recours mais elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir en raison de capacités logistiques insuffisantes. La dernière date de 1939, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. 4,5 millions de Français avaient alors été appelés sous les drapeaux

Le pacte des flous – Quelles garanties de sécurité pour l’Ukraine ? par Michel Goya

Le pacte des flous – Quelles garanties de sécurité pour l’Ukraine ?


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pacte des flous – Quelles garanties de sécurité pour l’Ukraine ?


En bon homme d’affaires qu’il croit être, y compris quand elles sont étrangères, Donald Trump considère le produit Ukraine comme peu rentable au sein d’un marché, l’Europe, peu porteur. On appelle cela un « poids mort » dans la vieille matrice du Boston Consulting Group, et le conseil est de s’en débarrasser au plus vite pour pouvoir mieux se concentrer sur des marchés plus profitables, comme le Moyen-Orient (qui serait classé comme « dilemme » par le BCG) et surtout l’Asie (« vedette »). Les Américains réduisent donc leurs parts au sein de l’OTAN, tout en conservant une position de contrôle et en obligeant les associés européens à payer plus, notamment pour acheter américain (le BCG parlerait dans ce cas de « vache à lait »), et vendent l’Ukraine à la Russie.

Chacun essaie donc de monnayer le maximum au sein de ce grand marchandage imposé. Du côté ukrainien, où l’on s’efforce de montrer que le poids mort est bien vivant, un des objectifs principaux est d’échanger l’acceptation d’un arrêt des combats, plus ou moins sur les positions actuelles, contre des garanties de sécurité. L’expression « garanties de sécurité » est une manière diplomatique de dire « dissuasion », et « dissuasion » est synonyme de « faire peur ». L’objectif final de l’Ukraine est donc d’avoir un dispositif militaire national et/ou intégré dans une forme d’alliance suffisamment fort pour persuader la Russie qu’une nouvelle offensive de sa part aboutirait à un désastre pour elle.

La première garantie de sécurité d’un État est sa propre armée. L’armée ukrainienne est déjà la plus importante d’Europe, et on l’a vue suffisamment forte pour tenir tête à celle de la Russie, à défaut de pouvoir libérer les territoires occupés. Le problème est qu’au contraire de la Russie, qui n’a que modérément mobilisé la nation, l’Ukraine ne peut maintenir après-guerre son énorme effort et sera obligée de réduire ses capacités militaires. Autrement dit, le rapport de forces militaires relativement équilibré actuellement basculera forcément à nouveau en faveur de la Russie, avec tous les risques que cela comporte pour l’Ukraine ou d’ailleurs les autres nations du voisinage.

Il faut donc trouver quelque chose qui puisse compenser ce futur rapport de forces défavorable. Cela pourrait être l’arme nucléaire, comme Volodymyr Zelensky l’a déjà évoqué. Ce n’est pas impossible techniquement, mais les risques politiques seraient énormes. Il y a peu de chances que la communauté internationale accepte un tel projet, et encore moins, bien sûr, la Russie qui saisirait immédiatement cette occasion pour reprendre la guerre. Il faut trouver autre chose.

L’« autre chose » privilégié par Kiev est l’adhésion à l’OTAN afin de bénéficier de l’article 5 de la charte de l’Alliance atlantique, engageant ses membres à la solidarité en cas d’agression d’un des leurs, et dans l’immédiat d’une structure militaire spécifique de commandement, d’exercices et de plans communs, de procédures d’interopérabilité, etc. Ce n’est pas forcément si protecteur que cela quand on regarde de près, mais c’est déjà beaucoup mieux que les déclarations d’intentions fumeuses du mémorandum de Budapest de 1994. L’Ukraine, suffisamment bonne élève pour s’être engagée massivement en Irak aux côtés des Américains de 2003 à 2008, souhaite intégrer l’OTAN depuis vingt ans. La question a été évoquée au sommet de l’Alliance atlantique à Bucarest en 2008 pour décider de la mettre en veilleuse, ce qui a eu le don à la fois de décevoir Kiev et d’effrayer les paranoïaques de Moscou qui ont décidé d’être plus offensifs, en Géorgie d’abord et en Ukraine ensuite. L’Ukraine a déposé une demande formelle d’adhésion à l’alliance le 30 septembre 2022, et le sujet a été abordé à l’été 2023, avec un nouveau renvoi aux calendes grecques de la part de Joe Biden. Dans l’immédiat, Trump, qui n’a probablement jamais entendu parler des calendes grecques, veut un accord de paix et sait que l’idée d’une adhésion à l’OTAN l’exclurait totalement. À défaut, l’Ukraine pourrait se tourner vers l’Union européenne, qui est également en droit une alliance militaire puisque l’article 42 du traité de l’Union impose à ses membres une assistance plus contraignante que l’article 5 de l’Alliance atlantique. Dans les faits, personne n’est dupe sur la valeur d’un tel engagement, mais la perspective d’une entrée dans l’UE est à peine moins incertaine que celle d’une adhésion à l’OTAN.

À défaut d’alliance, l’administration Trump a proposé un lot de consolation à Volodymyr Zelensky sous la forme du déploiement d’une force en Ukraine, sans troupes américaines et sans bannière de l’OTAN, et surtout sans mission claire, comme s’il s’agissait d’une fin en soi. Dans les faits, soit cette force est destinée simplement à observer les choses en excluant toute idée de combat – comme une force des Nations Unies sous casques bleus – soit elle est destinée à combattre en cas d’attaque russe.

Le premier cas n’apporterait évidemment pas plus de garantie de sécurité pour les Ukrainiens que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) après les accords de Minsk. Son seul intérêt est qu’une force impuissante, oxymore, serait acceptable pour la Russie et qu’elle permettrait à l’Ukraine de sauver un peu la face à défaut de toute autre solution. Cela permettrait également aux nations qui veulent montrer qu’elles font quelque chose « pour la paix » mais sans prendre de risques, de montrer le drapeau et éventuellement, en cas de missions des Nations Unies, de gagner de l’argent. Peu importe au passage le volume de cette force, de 0 à 200 000, puisqu’elle ne servirait à rien, sauf peut-être à mettre dans l’embarras la Chine si par extraordinaire elle décidait d’y participer.

Le second cas est évidemment beaucoup plus utile pour les Ukrainiens mais aussi, forcément, plus problématique pour tous les autres. Concrètement, il s’agirait, a priori pour les seules nations européennes, de déployer des unités de combat le long de la ligne de cessez-le-feu afin de combattre aux côtés des forces ukrainiennes en cas de nouvelle invasion.

S’il y a des moyens disponibles et une volonté, les principaux pays européens pourraient déployer chacun une brigade de 3 à 5 000 hommes renforcés de bataillons de plus petites nations. Au total, si tout le monde était d’accord, on pourrait avoir au grand maximum 40 à 50 000 soldats européens (c’était le volume des forces européennes déployées en Afghanistan) au sein d’unités de combat solides et bien équipées. Dans les faits, tout le monde ne sera pas d’accord à prendre des risques, et si on parvenait à déployer un corps d’armée de 20 000 combattants européens et canadiens, et peut-être même australiens par solidarité historique avec le Royaume-Uni, ce serait déjà extraordinaire. C’est assez peu quand on compare avec le volume des armées russe et ukrainienne qui s’affrontent actuellement, mais suffisant quand même pour résister en attendant des renforts, notamment aériens. Ces brigades serviraient en fait surtout de forces « détonateurs », à l’instar par exemple des bataillons multinationaux déployés dans les pays baltes. S’attaquer à elles entraînerait automatiquement les pays européens fournisseurs dans la guerre, ce qui poserait un énorme dilemme à la Russie. Bien entendu, l’Ukraine serait ravie d’une telle perspective, alors que la Russie ne voudra jamais en entendre parler, continuerait le combat si on en parlait quand même, et activerait tous ses relais d’influence pour la combattre « au nom de la paix ». Ce n’est pas la peine d’envahir l’Ukraine pour l’empêcher de rejoindre une alliance militaire, si des brigades de cette même alliance – même sans bannière – viennent en Ukraine pour la défendre. Si la Russie s’y oppose, les États-Unis s’y opposeront aussi.

Résumons : si une force étrangère doit être déployée un jour en Ukraine, elle ne sera en rien dissuasive face à la Russie et ne servira donc à pas grand-chose, sinon à offrir un « lâche soulagement » à certains et peut-être prodiguer un peu d’aide humanitaire.

Que faire alors ? Outre la continuation de l’aide à l’Ukraine et à son armée sous forme de coopération, les États qui restent encore pour aider vraiment les Ukrainiens n’ont pas d’autres solutions que de proposer une alliance de fait et à distance. Concrètement, il s’agirait d’utiliser les forces aéroterrestres présentes en Pologne et en Roumanie comme force d’action préventive en cas de crise semblable à celle de l’hiver 2021-2022. Dissuader, ce n’est pas simplement déployer des moyens, mais aussi persuader que l’on va les utiliser. Il faudra donc expliquer à tous qu’en cas de nouvelles tensions avec la Russie, comme à l’hiver 2021-2022, et sur la demande du gouvernement ukrainien, cette force serait engagée avec certitude et en quelques jours pour protéger le ciel ukrainien, renforcer les forces terrestres ukrainiennes et placer la Russie devant le fait accompli et le dilemme de l’escalade. Cela demandera quand même quelques moyens supplémentaires, si possible autonomes des Américains peu fiables, une approbation manifeste des opinions publiques, et un peu de courage politique. Pour paraphraser une réplique de La grande vadrouille, c’est surtout là qu’est l’os, hélas.

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?

Le drapeau européen est composé de 12 étoiles jaunes sur fond bleu – Crédits : vojtechvlk / iStock

Par Pierre Verluise – Diploweb – publieé le 15 février 2025

https://www.diploweb.com/UE-Aurons-nous-les-neurones-et-les-tripes-pour-defendre-nos-interets-specifiques.html


Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, Fondateur du Diploweb.com. Chercheur associé à la FRS. Auteur, co-auteur ou directeur d’une trentaine de livres. Producteur de trois Masterclass sur Udemy : « Les fondamentaux de la puissance » ; « Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ? » par Kévin Limonier ; « C’était quoi l’URSS ? » par Jean-Robert Raviot.

Vers une entente entre Donald Trump et Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine ? Après un échange téléphonique mercredi 12 février 2025 entre les deux dirigeants et une rencontre annoncée en Arabie saoudite, l’Union européenne court le risque d’être évincée de la table des négociations sur la fin de la guerre en Ukraine. Pierre Verluise, docteur en géopolitique et directeur de Diploweb.com, analyse les conséquences de cette situation inédite dans laquelle se retrouve aujourd’hui l’Union européenne. Propos recueillis par Ewen Menuge pour Ouest-France, publié le 14 février 2025 sous le titre : Guerre en Ukraine : après l’appel entre Trump et Poutine, l’UE est « face à ses responsabilités. » Et le Secrétaire américain à la Défense, Pete Hegset a sidéré les pays de l’UE en annonçant un changement majeur dans la politique étrangère et de défense des Etats-Unis en endossant la position du Kremlin sur plusieurs points clefs tout en ouvrant la voie à de nouvelles sanctions pour déstabiliser l’économie russe.

Ouest-France : Est-ce la première fois que l’Union européenne est mise de côté dans les relations entre l’Occident et la Russie ?

Pierre Verluise (P. V. : À ma connaissance, c’est la première fois que les États-Unis donnent l’impression aussi explicitement de passer au-dessus de l’Union européenne pour s’adresser à la Russie. Mais Moscou a souvent enjambé ou instrumentalisé l’UE pour s’adresser d’abord aux États-Unis. L’objectif de la Russie est de passer des accords avec des États-Unis car, d’une part, Vladimir Poutine méprise l’Union européenne et, d’autre part, discuter avec Washington est l’occasion pour la Russie de se mettre dans la position d’une grande puissance. Ici, les États-Unis, en s’adressant directement à la Russie, flattent le Kremlin.

Le Kremlin doit actuellement passer un excellent moment, parce qu’on voit bien que les Européens sont comme un lapin dans les phares d’une voiture.

Ouest-France : L’Union européenne a-t-elle les capacités de se passer des États-Unis ?

P. V. : Pour l’instant, militairement, l’Europe ne le peut pas. Il faut déjà prendre acte de cette réalité. D’autant plus que nous parlons de l’Union européenne au singulier, mais que celle-ci est plurielle : il y a surtout 27 États membres, dont 23 sont aussi membres de l’Otan. Ces pays ne sont pas tous sur la même ligne, donc il leur faudra se mettre d’accord. Or, au sein de chacun de ces pays, les opinions divergent sur la question et cette actualité s’entrechoque avec d’autres problématiques politiques internes. Après la relance de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, l’UE s’est mise d’accord sur ce qui se passait et a mis en œuvre des politiques en quelques jours. Donc oui, il y a eu une montée en charge de la capacité de l’Union européenne, mais elle s’est faite avec l’appui des États-Unis et du Royaume-Uni.

Il est certain que le Kremlin doit actuellement passer un excellent moment, parce qu’on voit bien que les Européens sont comme un lapin dans les phares d’une voiture : tétanisés, sidérés.

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?
Pierre Verluise
Docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com
Verluise

Ouest-France : L’UE ne se préparait-elle pas à ce scénario depuis le début de la guerre ?

P. V. : Plusieurs experts s’y attendaient et l’actualité semble donner raison à ceux qui disent depuis longtemps que l’UE doit se prendre en charge. Les Européens sont maintenant face à leurs responsabilités. Les États-Unis vont très probablement vouloir leur tordre le bras pour les obliger à augmenter davantage leurs dépenses de défense… en achetant américain.

La question est de savoir si le choix le plus pertinent pour les Européens est d’acheter massivement américain ? Depuis la relance de la guerre russe en Ukraine, les Européens ont-ils été suffisamment malins pour se doter d’une véritable industrie européenne de l’armement, qui serait pour l’essentiel autonome des États-Unis ? La réponse est non.

Ouest-France : Quels sont les leviers à actionner par l’UE pour sortir de cette situation ?

P. V. : Déjà avoir véritablement une politique de puissance. Il sera intéressant d’observer dans les prochains mois comment les pays de l’Union européenne vont réagir dans leur choix d’achat d’armement. Mais la puissance de l’Union européenne, ce n’est pas seulement ses capacités militaires, c’est aussi sa dynamique démographique – qui est en voie d’affaiblissement depuis quatre décennies. C’est encore sa compétitivité, qui devient insuffisante.

Il faut espérer que ce discours des États-Unis génère une prise de conscience de la part des pays de l’Union européenne. Soit maintenant l’UE se laisse prendre de panique et se fait manipuler par la Russie et les États-Unis, soit l’UE tire le constat que c’est la fin d’une époque et qu’il faut se réinventer. Et formuler une analyse du monde qui ne soit ni naïve à l’égard de la Russie de Poutine, ni naïve à l’égard des États-Unis de Trump. [1]

Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?
Réorienter l’UE, c’est comme faire virer un paquebot, ça prend beaucoup de temps. Il faut définir rapidement des trajectoires pour arriver à des résultats dans les 6 mois, et prétendre véritablement à une autonomie stratégique d’ici deux ans.


Plus. Sur Le Grand Continent, deux importants discours du nouvel exécutif des Etats-Unis, traduits en français

Le Secrétaire américain à la Défense, Pete Hegset a sidéré 12 février 2025 les pays de l’UE en annonçant un changement majeur dans la politique étrangère et de défense des Etats-Unis, en endossant la position du Kremlin sur plusieurs points clefs tout en ouvrant la voie à de nouvelles sanctions pour déstabiliser l’économie russe.

Changement de régime : le discours intégral de J.D. Vance à Munich
À Munich, le 14 février 2025, le vice-président des États-Unis n’a pas vraiment parlé de sécurité — et n’a évoqué l’Ukraine, Poutine ou la Russie qu’en passant
.

Persuadé que « la principale menace [pour l’Europe vienne] de l’intérieur », ciblant les élites politiques et souhaitant faire sauter les cordons sanitaires érigés contre l’extrême droite en Allemagne, J. D. Vance a articulé pour la première fois la vision maximaliste de la Maison-Blanche de Donald Trump pour le continent : un changement de régime.


Publié dans Ouest-France le 14 février 2025 sous le titre : Guerre en Ukraine : après l’appel entre Trump et Poutine, l’UE est « face à ses responsabilités. »

Vaincre sans violence. Influence et guerre de l’information

Vaincre sans violence. Influence et guerre de l’information

par Bruno Modica – Revue Conflits – publié le 15 févier 2025

https://www.revueconflits.com/vaincre-sans-violence-influence-et-guerre-de-linformation/


Guerre de l’information, propagande, influence dans le milieu social, la guerre pour le contrôle des esprits est menée tous azimuts. Raphaël Chauvancy propose un manuel clair et pédagogique pour comprendre ces nouvelles formes de guerre.

Raphaël Chauvancy, Vaincre sans violence. Manuel d’influence et de guerre de l’information. VA Éditions, 2025.

Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, que l’on considère qu’elle ait commencée en 2014, avec l’annexion de la Crimée, ou en 2022, avec l’opération militaire spéciale, ce conflit vient à point nommé pour servir de fil conducteur à cette présentation de manuel. Car il s’agit bien d’un manuel d’influence et de guerre de l’information que propose Raphaël Chauvancy en présentant de façon méthodique les ressorts de ce qu’il appelle la guerre par le milieu social.

Contrairement aux conflits précédents, la guerre en Ukraine donne toute l’apparence de la transparence. Les nouveaux outils numériques, certaines plates-formes, révèlent des informations qui auraient été, il n’y a pas si longtemps, couvertes par le secret militaire le plus rigoureux. C’est loin d’être le cas aujourd’hui, et différents sites d’information publient des données qui font le bonheur des analystes amateurs ou professionnels.

Malheureusement, les chaînes d’information en continu sont dans la plupart des cas bien incapables de fournir autre chose que des commentaires de commentaires, assortis de banalités qui enfoncent parfois les portes ouvertes. Rares sont les niveaux d’expertise qui apportent au grand public des informations sur les enjeux de ce conflit.

Il est vrai que le caractère imprévisible, surprenant, c’est le moins que l’on puisse en dire, de l’administration républicaine aux États-Unis depuis janvier 2025, donne parfois le tournis.

Pourtant, même ce caractère imprévisible, participe incontestablement du propos de l’auteur. L’information que l’on peut donner, parfois contradictoire, à propos de la politique étrangère des États-Unis, participe bel et bien d’une forme de guerre de l’information, d’autant plus insidieuse qu’elle semble portée par des propos bruts de décoffrage.

La guerre par le milieu social

La guerre par le milieu social regroupe l’influence et la guerre de l’information. Dans ce domaine, si l’on se contente du XXe siècle, le mouvement communiste international a pu prendre un coup d’avance. Et même si l’exemple n’est pas forcément cité dans cet ouvrage, la politique de Lénine, lorsqu’il publie les thèses d’avril, relève bel et bien d’une forme de guerre d’influence que l’on appelait de façon primaire l’agit-prop. En allant chercher les ressorts profonds du soldat russe, resté au fond de lui-même un paysan affamé de terre, le slogan de Lénine a pu jouer un rôle décisif dans l’effondrement de l’armée impériale.

D’autres exemples de propagande communiste, pendant la guerre civile chinoise ou la guerre d’Indochine, sont directement issus de cette démarche qui consiste à articuler l’implantation au cœur des populations, comme moyen d’action, privant l’ennemi de ses capacités à agir.

On appréciera donc la présentation didactique de cet ouvrage, avec les différentes phases qui permettent de construire un cycle d’influence. Cela commence par la connaissance précise du milieu dans lequel on intervient, ce que l’on appelle « l’analyse pays », la plus classique. Lorsque l’on aborde un groupe, sur lequel on souhaite agir, la méthode permettant d’analyser les données biologiques de la cible, ses aspirations et ses peurs, et enfin ses croyances (BAC), permet de définir ensuite une posture et différentes formes d’intervention.

La deuxième phase consiste à impulser, c’est-à-dire à mettre en place les outils d’action, que ce soit les agents, et, de façon maligne, l’auteur cite avec juste raison un propagandiste du Kremlin, Xavier Moreau, au même niveau que l’influenceuse Rokhaya Diallo, qui au nom d’un antiracisme sélectif, se fait l’apôtre d’un French bashing systématique, surtout lorsqu’il s’agit des principes de la laïcité.

De la même façon, pour ce qui concerne les difficultés de la France en Afrique, qui ont conduit à la remise en cause de sa présence dans de nombreux pays, la question du don sans contrepartie peut apparaître comme une erreur. Les territoires sur lesquels la France, tout au long de son histoire le plus investie, notamment l’Algérie, sont ceux qui ne manifestent pas une reconnaissance excessive à l’égard de leur généreux donateur. Bien au contraire cette générosité sans contrepartie entretient un sentiment d’injustice dont peuvent jouer les autorités politiques, lorsqu’elles cherchent à obtenir un consensus de leur population contre l’adversaire fantasmé.

La troisième phase consiste à construire un narratif, et à cet égard, la guerre en Ukraine est un exemple remarquable. De part et d’autre une histoire a véritablement été « inventée », avec un fond historique bien réel, ce qui la rend d’autant plus crédible. Le mythe de la Russie kiévienne s’oppose à celui d’une nation ukrainienne qui trouve ses racines dans la saga des cosaques, ce qui donne un récit efficace, et qui renforce un sentiment d’appartenance. L’auteur donne des exemples pratiques d’influence, en s’appuyant évidemment sur les pratiques des groupes d’influence américains après la chute de l’Union soviétique. L’académie ukrainienne du leadership, (ULA) a pu suivre toutes les phases de la mise en place de l’action, du ciblage à l’impulsion, jusqu’à la construction narrative.

Les guerres 2 et 3.0

Le lecteur s’attachera également à la troisième partie sur les guerres d’information, qui ont connu évidemment une évolution majeure avec ce que l’on a longtemps appelé les nouvelles technologies d’information et de la communication, qui devraient connaître quand ce n’est pas déjà le cas une accélération avec les usages de l’intelligence artificielle dans l’action informationnelle.

Dans cette guerre informationnelle, l’auteur prend le soin de proposer des encadrés très précis, avec l’exemple très fouillé sur les manœuvres médiatiques russes en Afrique. Il s’appuie pour cela sur une étude de l’institut de recherche stratégique de l’école militaire. Au passage les plus anciens, qui ont connu la période soviétique, ont pu retrouver le bon vieux procédé qui datait de l’ère Brejnev, celui de la désinformation, une pratique qui avait été très largement documentée en son temps.

On retrouve dans le détail également les techniques de fabrication des fake news avec une analogie culinaire sur la préparation du canard, ce qui rappelle la zone et technique de la généralisation abusive que l’on peut appeler « pâté de canard », mais également celle de l’essentialisation, appelées « le malgré de canard », les amateurs apprécieront.

Les mesures actives s’inscrivent dans la continuité de la guerre révolutionnaire de la subversion, avec l’intoxication par la formation, ce qui peut rejoindre l’infobésité, avec des méthodes très subtiles qui ont été utilisées au moment de la décolonisation, mais également avec la bleuite pendant la guerre d’Algérie. Face à ces actions subversives, les différents moyens de contre-attaque sont également abordés, même si la raison critique est beaucoup plus difficile à opposer à la dictature de l’émotion.

Encore une fois il s’agit bel et bien d’un manuel que l’on pourra lire avec profit, à la fois pour comprendre les mécanismes de la guerre d’influence, mais également pour répondre à des situations très précises en analysant les outils utilisés par l’ennemi.


Bruno Modica

Bruno Modica est professeur agrégé d’Histoire. Il est chargé du cours d’histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l’ENA. Depuis 2019, il est officier d’instruction préparation des concours – 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019

Ukraine: la Russie revendique la prise de la ville minière de Toretsk

Ukraine: la Russie revendique la prise de la ville minière de Toretsk

Après des mois d’assauts, la ville minière de Toretsk est aux mains des Russes. C’est en tout cas ce que revendique Moscou. Les autorités ukrainiennes n’ont pour l’instant pas confirmé la chute totale de la ville qui comptait 30 000 habitants avant l’invasion russe à grande échelle. C’est une prise d’importance pour les troupes russes qui poursuivent leur rythme de progression lent, mais régulier.

Les ruines de Toretsk (est de l’Ukraine), en juin 2024.
Les ruines de Toretsk (est de l’Ukraine), en juin 2024. © ANATOLII STEPANOV / AFP

Depuis plus d’un an, l’armée russe avance malgré de lourdes pertes humaines et matérielles face aux forces ukrainiennes, qui peinent à compenser le manque d’effectifs et d’armements. Le 7 février 2025, Moscou a annoncé la « libération » de Dzerjinsk (ancien nom soviétique de Toretsk), aujourd’hui largement en ruines, après les victoires précédentes d’Avdiïvka, Vougledar et Kourakhové en 2024.

Toretsk, un centre industriel clé du Donbass, était sous attaque russe depuis l’été 2024. Des journalistes de l’AFP avaient observé, dès la fin de juillet 2024, une cité dévastée par les combats, où quelques retraités se terraient dans leurs caves, ne pouvant ou ne voulant pas fuir. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères n’a pas réagi à cette annonce, se contentant de publier une photo montrant une route enneigée menant vers des immeubles détruits.

Cependant, une unité militaire ukrainienne sur place, la 28ᵉ brigade, a affirmé à l’AFP que les troupes russes ne contrôlaient pas totalement la ville. « Nous sommes toujours là dans la zone… Ils ne l’ont pas occupée dans son intégralité », a déclaré l’officier de presse de la brigade, déployée en périphérie de Toretsk.

Stratégie russe

Selon l’analyste géopolitique Ulrich Bounat, cette progression des troupes russes s’inscrit dans une stratégie visant à « épuiser la défense ukrainienne, en espérant qu’elle finisse par craquer, bien que cela semble peu probable ». L’objectif de Moscou serait aussi de créer l’illusion d’une avancée inexorable, démoralisant ainsi les Occidentaux et mettant la Russie en position de force pour d’éventuelles négociations. « L’idée est de forcer les Ukrainiens à demander un cessez-le-feu, tout en présentant la Russie comme capable de continuer la guerre pendant des années », « c’est un peu ce qu’ils font avec leur propagande, en disant ‘pour nous, tout va bien !’ »

Perspectives de négociations

La prise de Toretsk permet à l’armée russe de se rapprocher de Konstantinivka, et met les troupes russes en position d’atteindre Kramatorsk, leur objectif final. Selon l’agence de presse Ria Novosti, cela compliquera le ravitaillement ukrainien vers Tchassiv Iar et ralentira les forces ukrainiennes sur les routes reliant Pokrovsk à Sloviansk et Kramatorsk. Toutefois, cette dynamique pourrait être trompeuse. « Bien que la Russie tente de donner l’illusion d’une guerre facile et durable, elle fait face à de réels problèmes internes, comme le manque de ressources humaines et une économie qui plafonne en termes de production industrielle. », souligne l’analyste.

Les appels à la paix se multiplient. Donald Trump a exprimé son désir de mettre fin rapidement au conflit et a relancé les discussions sur une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. De son côté, Zelensky s’est dit prêt à discuter directement avec Vladimir Poutine, bien que le Kremlin ait rejeté ses propos en les qualifiant de « paroles vides de sens ».

Une étude met en garde contre le possible « déclassement » de l’aviation de combat française

Une étude met en garde contre le possible « déclassement » de l’aviation de combat française


Lors d’une audition parlementaire, en juillet 2017, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace [CEMAAE], le général André Lanata s’était inquiété du déclassement potentiel de l’aviation de chasse française, en raison de fragilités engendrées par les « politiques menées lors des dix dernières années ».

Lors de son intervention, il avait ainsi souligné la « prolifération » des moyens de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD], basés sur des systèmes de défense sol-air toujours plus performants… Ce qui était une façon d’aborder, en creux, le déficit capacitaire de l’AAE en matière de guerre électronique et de suppression des défenses aériennes adverses [SEAD] depuis le retrait du service du missile antiradar AS-37 MARTEL.

En outre, au-delà du format de l’aviation de chasse, le général Lanata avait affirmé que le chasseur-bombardier F-35, dit de cinquième génération en raison de sa « furtivité », constituait « l’une des illustrations » du risque de déclassement qu’il redoutait alors.

Le F-35 « change la donne sur le plan des capacités opérationnelles en raison, principalement, de sa discrétion […] et de ses capacités de connectivité : il connecte massivement des informations avec les autres appareils du système de combat aérien », avait-il expliqué, avant de relever que cet avion allait devenir le « standard de référence » en Europe pour « être capable de participer aux scénarios d’engagement les plus exigeants ».

Depuis, le projet de Système de combat aérien du futur [SCAF] a été lancé dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, le standard F4 du Rafale a été qualifié et les contrats afférents au développement du Rafale F5 et d’un drone de combat [UCAV] associé ont été notifiés. Mais il faudra du temps pour que ces programmes se concrétisent… Et cela alors que le F-35 a poursuivi sa « conquête » de l’Europe, après avoir été choisi par les forces aériennes tchèques, allemandes, roumaines ou encore belges, pour ne citer qu’elles.

À l’heure où l’hypothèse d’un engagement de haute intensité est régulièrement évoquée, une étude de l’Institut français des relations internationales [IFRI], réalisée par deux pilotes de chasse [dont l’un n’est plus en activité], pose un constat sévère sur les capacités de l’AAE en matière de supériorité aérienne.

« Le modèle de force français est construit autour de la dissuasion et de la défense aérienne du territoire métropolitain. Il atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité, en particulier en raison d’impasses sur la furtivité et la SEAD, et du volume insuffisants des flottes, des équipements de mission et des munitions », résume-t-elle.

Mais l’un de ses passages est susceptible de donner matière à débat. Ainsi, d’après des entretiens réalisés auprès « d’officiers supérieurs » de l’AAE « ayant participé sur Rafale aux exercices pluriannuels Atlantic Trident contre des F-22 et des F-35 », les deux auteurs avancent que « l’asymétrie technologique est désormais franche ».

Et de préciser : « Les pilotes français affrontant régulièrement des chasseurs de 5e génération en exercice interalliés constatent que ‘la mission de combat contre des chasseurs furtifs sur Rafale est impossible à gagner en l’état actuel des capteurs ».

Si « la furtivité radar n’est certes pas suffisante pour obtenir la supériorité aérienne », elle est cependant un « atout indéniable, en particulier dans les scénarios les plus durs, à moins d’accepter des missions de pénétration en basse altitude, avec un niveau de risque élevé », soulignent les auteurs de cette étude. En outre, poursuivent-ils, « elle pourrait aussi devenir un ticket d’entrée des missions en première ligne, et donc un marqueur d’influence des options stratégiques d’une coalition ».

Dans ces conditions, préviennent-ils, l’aviation de chasse française « pourrait être cantonnée au rôle de ‘supplétif’ » dans une « coalition aérienne à deux vitesses, dans laquelle les chasseurs de 4e génération auront toute leur place ». Le général Lanata n’avait pas dit autre chose il y a presque huit ans.

Cela étant, cette affaire de « capteurs » interpelle. Si un avion comme le F-35 peut être « invisible » pour certains moyens de détection [ce n’est a priori pas le cas pour les radars passifs et cela dépend des bandes de fréquences utilisées], sa signature infrarouge – avec son moteur F-135 – peut le trahir. La voie IR de l’Optronique Secteur Frontal [OSF] du Rafale serait en mesure de le détecter en face à face, sous réserve, toutefois, des conditions météorologiques.

Au passage, le Rafale sera prochainement doté d’un OSF améliorée, la Direction générale de l’armement ayant récemment mené des essais sur une nouvelle optique sur la voie infrarouge de l’OSF, celle-ci étant censée améliorer la « qualité image de la fonction Identification de nuit ».

Cette évolution sera accompagnée par l’intégration de la Liaison 16 block 2, de la radio numérique logicielle CONTACT ainsi que par celle des systèmes TRAGEDAC [qui donnera au Rafale une capacité de localisation passive de cibles grâce à une mise en réseau des avions d’une même patrouille, ndlr] et CAPOEIRA [pour connectivité améliorée pour les évolutions du Rafale]. Qui plus est, le développement d’un missile antiradar est également en cours, dans le cadre du programme à effet majeur « Armement Air-Surface Futur », lequel « répond au besoin de disposer d’une capacité de neutralisation des menaces surface-air de courte et moyenne portée, prérequis indispensable à la capacité d’entrée en premier du Rafale ».

Au-delà des aspects capacitaires, l’étude publiée par l’IFRI souligne également le format réduit de l’aviation de chasse française, qui est « à son plus bas volume historique depuis 1916, et le manque de munitions dites « complexes ».

« Les consommations de missiles air-air observées lors d’exercices de grande ampleur ou de simulations représentent, rapporté aux stocks effectifs en 2024, en sanctuarisant la Posture permanente de sécurité Air et la Composant nucléaire aéroportée, trois jours de combat de haute intensité, voire une journée pour le cas particulier du Meteor. Cette problématique risque de s’aggraver avec le temps au vu des contraintes de vieillissement sur la durée de vie des missiles », affirme en effet cette étude.


Rapport de l’IFRI : https://www.ifri.org/sites/default/files/2025-01/ifri_gorremans_avenir_superiorite_aerienne_2025_0.pdf

L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité

L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité

Études
par Adrien GORREMANS et Jean-Christophe NOËL – IFRI – Date de publication
Etude Supériorité aérienne

La supériorité aérienne, concept clé dans l’art de la guerre occidental, définit le degré de maîtrise de l’air dans un conflit armé. Condition nécessaire mais non suffisante à la victoire militaire, elle permet de concentrer les efforts aériens au profit des autres objectifs stratégiques et de prémunir les autres armées d’une attrition insupportable. Elle s’obtient par un emploi offensif de la puissance aérienne dans un effort interarmées, afin de neutraliser la puissance aérienne adverse.

Rafale et Mirage 2000 volant en formation
Rafale et Mirage 2000 volant en formation – Armée de l’Air et de l’Espace

Les évolutions récentes de la menace aérienne russe et chinoise remettent en question la capacité occidentale à acquérir la supériorité aérienne, en particulier dans le domaine des défenses sol-air qui présentent un formidable défi aux forces aériennes européennes. La prolifération de technologies balistiques et hypersoniques, la dronisation, l’accès à des moyens avancés de guerre électronique et l’exploitation naissante de la très haute altitude constituent des ruptures capacitaires ayant le potentiel de contourner ou d’épuiser la domination aérienne occidentale.

Le combat aérien de la décennie à venir devrait rester dominé par la furtivité radar et l’impératif de neutralisation des défenses sol-air adverses (SEAD), mais verra aussi un avantage donné aux modèles de force qui auront basculé de la logique de plateformes vers une logique de saturation et de distribution tout en maîtrisant un certain nombre de technologies clés.

Le modèle de force français est construit autour de la dissuasion et de la défense aérienne du territoire métropolitain. Il atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité, en particulier en raison d’impasses sur la furtivité et la SEAD, et du volume insuffisants des flottes, des équipements de mission et des munitions.

Plusieurs recommandations sont formulées dans cette étude :

  • maintenir la pertinence à court et moyen termes de la flotte actuelle d’avions de combat français en modernisant leurs équipements de mission et leur armement ;
  • passer d’une logique de plateformes à une logique de capteurs et d’armement distribués travaillant collaborativement pour massifier l’engagement des forces aériennes ;
  • à moyen terme, sortir l’aviation de chasse de la spirale augustinienne en ne payant le prix des capacités les plus haut de spectre que là où elles sont indispensables, et construire une force différenciée entre stand-in et standoff.

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L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité