Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

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« Il ne faut pas tout sacrifier face à l’urgence des crises actuelles. L’objectif, c’est de se poser les bonnes questions. Le but n’est pas de décider tout de suite d’augmenter ou de diminuer le nombre de chars Leclerc, ce n’est pas ça l’enjeu. Le but, c’est de définir une programmation d’ensemble », a confié un interlocuteur du quotidien Le Monde, au fait des discussions en cours.

A priori, selon le journal du soir, une enveloppe d’environ 400 milliards d’euros pour la période 2024-30 serait sur la table. Soit 100 milliards de plus rapport à la LPM 2019-25. Mais cette hausse, même si elle est substantielle, sera – si elle se confirme – à relativiser à l’aune de l’inflation… En outre, une partie sera destinée à la modernisation de la dissuasion nucléaire… Et une autre aux priorités identifiées par la Revue nationale stratégique [RNS], dont l’influence, le cyber et l’espace.

Quoi qu’il en soit, la nature des combats en Ukraine évoluant à mesure que la guerre se prolonge, il serait hasardeux d’en tirer des conclusions définitives. Ainsi, quand le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, s’est exprimé devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le 5 octobre, la Russie n’avait pas encore systématiquement ciblé les infrastructures critiques [énergie, distribution d’eau] ukrainiennes.

Cela étant, les retours d’expérience des premiers mois de cette guerre ont permis de tirer quelques leçons que le CEMA a partagées avec les députés lors de son audition, dont le compte-rendu a été publié le 16 décembre.

Sans surprise, le général Burkhard a une nouvelle fois insisté sur « l’importance de la force morale », qui est, à ses yeux, le premier enseignement de la guerre en Ukraine. « Parce que tout le pays est derrière eux, les soldats ukrainiens défendent chaque ville, village, forêt, rivière, et cela produit des effets. Sans l’appui de la nation entière, ils ne se battraient pas comme ils le font », a-t-il souligné. D’où l’accent mis sur les réserves militaires dans la prochaine LPM et l’implication des armées dans le Service national universel [SNU].

La seconde leçon évoquée par le CEMA est que la « guerre informationnelle est partout ». Dans ce domaine, a-t-il observé, l’Ukraine a pris « habilement la main au niveau tactique et opératif » dès le début, alors que ce « n’était pas gagné d’avance ». En revanche, la Russie « réussit probablement peser davantage, avec un narratif assez bien développé » au niveau stratégique.

Sur ce point, le général Burkhard a évoqué les actions du groupe paramilitaire russe Wagner, dont l’arrivée en Centrafrique et au Mali a été précédée par une campagne de désinformation visant la France. « L’influence de la Russie augmente parce que nous lui avons laissé le champ », a-t-il dit. Aussi, un « effort important s’impose dans la lutte informationnelle, car s’en tenir au seul champ cinétique est désormais contre-productif ».

La nécessité de changer d’échelle pour la préparation opérationnelle et la troisième leçon du conflit. « L’armée russe, assez agile en Syrie, s’est trouvée confrontée à ses propres limites : une armée manquant d’entraînement, avec des cadres incapables de prendre une initiative, une logistique difficile à articuler, une difficulté manifeste à conduire un combat interarmes et interarmées et à manœuvrer », a détaillé le CEMA. Ces lacunes ont été exploitées par les forces ukrainiennes, qui ont « infligé d’emblée des pertes très sévères » aux Russes, a-t-il souligné.

Mais l’un des principaux enseignements, car il pourrait avoir des implications dans les capacités futures des armes, est sans doute la « transparence du champ de bataille, rendue possible par l’emploi massif de moyens peu sophistiqués, peu onéreux et assez répandus » car « avec des micro-drones vendus dans le commerce, on parvient à voir ce qui se passe derrière la colline, voire un peu plus loin », a constaté le général Burkhard. Et à cela s’ajoute « l’extrême létalité des frappes d’artillerie des Russes, qui peuvent aller très loin dans la profondeur du territoire, comme celle des armes antichars », ce qui plaide en faveur du besoin exprimé par l’armée de Terre au sujet des « feux dans la profondeur ».

Pour le CEMA, cette description est celle du « champ de bataille aujourd’hui » et « préfigure ce qu’il sera demain ». Et d’ajouter : « C’est contre ce type de modes d’actions que nous devons nous protéger, en tentant d’opacifier le champ de bataille pour contrer l’adversaire, car la létalité des armes employées permet la mise hors de combat de toute cible vue, même dans la profondeur des lignes adverses ».

Au niveau capacitaire, cela devrait se traduire par le développement d’un « système de combat très concentré », avec un « réseau multi-senseurs et multi-effecteurs : multi-senseurs pour voir et partager, permettant ainsi au réseau d’effecteurs de traiter ce qui a été détecté – réseau effecteurs qui, étant donné la guerre permanente de l’information, doit être à la fois cinétique et informationnel », a expliqué le général Burkhard. « Cette combinaison est cruciale », a-t-il insisté.

Une autre observation faite par le CEMA est « l’importance des localités » dans cette guerre. « Tous les combats ont lieu lieu autour des villes, où il est plus facile de se cacher pour échapper à la transparence du champ de bataille et aux armes à forte létalité précédemment évoquées ; elles deviennent des points clés que l’on prend ou que l’on perd », a-t-il développé.

Enfin, pour le général Burkhard, il faudra « renforcer la capacité d’agir de manière très fluite », ce qui passe par un « réseau très bien organisé, avec un niveau de seuil toujours capable de fournir les informations ». Et, a-t-il continué, il faudra aussi probablement « viser une organisation très plastique du commandement, s’adaptant à la phase de la bataille que l’on est en train de construire ». En tout cas, « nous y réflechissons », a-t-il conclu.

Tumulte à Bakhmut

Tumulte à Bakhmut

 

par Michel Goya – La Voie de lépée – publié le 12/15/2022

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Depuis la reconquête de Kherson le 11 novembre, clôturant deux mois d’offensives et deux victoires spectaculaires ukrainiennes, les opérations semblent marquer le pas, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont moins violentes. On meurt tout autant dans ces petits combats fragmentés que dans les grandes attaques, mais pour chaque soldat tombé de part et d’autre, il y a infiniment moins de terrain conquis.

Il ne s’agit sans doute là que d’une pause opérationnelle avec la reprise d’opérations d’ampleur lorsque les conditions – météo, logistique, reconstitution des forces, mise en place d’appuis, etc.- le permettront comme après l’arrêt de juillet-août. En attendant et par contraste avec l’absence de grands mouvements, les combats autour de la ville de Bakhmut, ont acquis le statut de bataille et c’est peut-être la principale surprise du moment.

La ligne Surovikine

La défaite cinglante des forces russes au début du mois de septembre dans la province de Kharkiv a agi comme un révélateur. Face à la supériorité désormais manifeste de l’armée ukrainienne, il n’était plus possible pour la Russie de continuer à faire la guerre de cette manière sous peine d’un effondrement militaire. S’il faut faire un parallèle historique, le changement opéré par les Russes à la fin du mois de septembre a ressemblé par de nombreux aspects à celui des Allemands à la fin de 1916 après les deux batailles géantes de Verdun et de la Somme : changement de direction militaire, création d’une grande ligne fortifiée, repli derrière cette ligne, mobilisation industrielle et reconstitution des forces en attendant de pouvoir reprendre l’offensive. Dans le même temps, les Allemands accentuent la pression sur les sociétés ennemies par les bombardements des capitales, le blocus économique du Royaume-Uni par la guerre sous-marine et le soutien aux révolutionnaires russes. En 2022, le Kremlin a ajouté une touche russe avec une mobilisation de réservistes anarchique et l’envoi immédiat au front de dizaines de milliers de poitrines sans formation ni équipements adaptés, mais encadrés par une législation d’inspiration stalinienne punissant par exemple par avance ceux qui se constitueraient prisonniers.

À partir du mois d’octobre, on creuse donc partout côté russe y compris devant la Crimée ou Marioupol, on colmate le front de Louhansk en formant une ligne frontière-Svatove-Kreminna, on se replie derrière le Dniepr dans la province de Kherson et on contre-attaque seulement le long de la province de Donetsk. Des salves hebdomadaires de missiles et de drones frappeurs s’abattent par ailleurs sur les infrastructures énergétiques, en particulier électriques, du pays afin d’entraver l’effort de guerre ukrainien et de saper le moral de la population.

La nouvelle stratégie russe a suscité, comme c’était attendu, quelques troubles intérieurs et en particulier une fuite massive des réfractaires, mais pas de révolte. Elle peut donc, du moins le croit-on au Kremlin, s’inscrire dans la durée en comptant sur un épuisement plus rapide des sociétés ukrainienne et même occidentales que du côté russe, afin d’obtenir au moins un statu quo, qui pourrait être présenté malgré les immenses pertes et dégâts comme une victoire par Vladimir Poutine, et au mieux la possibilité de reprendre l’offensive au début de 2023 avec une armée renouvelée.

Dans l’immédiat et au prix de pertes humaines considérables, cette stratégie semble porter ses fruits malgré la perte de Kherson. Contrariée également par la pluie et la boue de l’automne, l’offensive ukrainienne devant Svatove et Kreminna marque le pas, tandis que les attaques russes dans la province de Donetsk attirent l’attention. Tactiquement, ces attaques semblent étranges puisqu’elles s’effectuent dans des zones solidement tenues par l’ennemi, du fort au fort donc. C’est peut-être parce que la conquête complète de la province de Donetsk reste le dernier, au sens de seul, objectif terrain possible à atteindre pour les Russes. C’est sans doute aussi paradoxalement dans cette longue bande fortifiée que les forces russes sont le plus à même d’utiliser leur seul principal atout : l’artillerie. Ce terrain fortifié édifié depuis 2015 est le plus important au monde après celui qui sépare les deux Corées. Il avantage évidemment le défenseur et nous rappelle l’utilité de la fortification de campagne mais il oblige aussi à rester sur place. Or, coller au terrain, le tenir absolument, c’est offrir des cibles immobiles à la puissance de feu russe. L’artillerie russe est amoindrie par le harcèlement de sa logistique par les frappes ukrainiennes et simplement par la raréfaction des obus, mais même en tirant trois fois moins qu’au moins de juin, elle envoie encore en moyenne 20 000 obus par jour, contre peut-être 7 000 ukrainiens.

Les attaques russes de Donetsk ressemblent ainsi beaucoup à celles du trimestre avril-mai-juin mais en plus petits. Là où ils employaient encore des bataillons, ils n’utilisent plus que des détachements d’assaut de la taille maximale de compagnies – c’est le retour des « compagnies d’avant-garde » bien connues des soldats de la guerre froide – précédées de lourdes frappes d’artillerie pour s’emparer au mieux de quelques centaines de mètres en une journée, voire quelques dizaines dans les zones urbaines. Les détachements d’assaut sont parfois précédés de reconnaissances de « consommables », ceux dont les pertes comptent peu pour les Russes comme certains miliciens du Donbass ou des prisonniers recrutés par Wagner. Contrairement aux « expendables » de cinéma, ce ne sont pas des soldats d’élite et ils sont mal équipés, mais dans le cas des prisonniers de Wagner ils sont moralement soutenus par le plomb des pelotons de barrage. Employés parfois en masse ils ont pu surprendre et subjuguer les Ukrainiens sur quelques positions, mais ils servent surtout à indiquer à l’artillerie où sont les défenseurs. Si l’artillerie fait bien son travail sur ces positions décelées, le détachement d’assaut pourra alors peut-être occuper le terrain. Si ce n’est pas le cas, l’artillerie aura usé les forces ukrainiennes. Dans ces combats, les Ukrainiens tombent bien plus souvent par les éclats ou le souffle des obus et roquettes que par les balles d’AK-12. Un médecin franco-ukrainien déclarait récemment avoir vu passer des centaines de blessés en trois semaines dans son centre de triage dans la région mais pas un seul blessé par balle.

Petit Verdun

Parmi une petite dizaine de combats le long du Donbass, la bataille de Bakhmut est devenue emblématique de cette nouvelle campagne offensive russe. Après la prise de Severodonetsk le 25 juin et de Lysychansk le 3 juillet par les Russes, celle de Bakhmut apparaissait comme l’étape indispensable pour aborder Kramatorsk et Sloviansk par le sud-est. La ville de 70 000 habitants a été frappée sporadiquement depuis la fin du mois de mai et on pensait qu’elle serait subjuguée au mois de juillet, mais les choses avaient changé. Alors que leur avance paraît alors inexorable, les forces russes sont en fait épuisées par l’effort fourni depuis trois mois et frappées d’une sorte d’apathie offensive.

C’est le moment où le groupe Wagner, l’armée de l’entrepreneur Evgueni Prigogjine, saisit l’occasion de se montrer. Le groupe a alors des bataillons sur différents fronts, dont Kherson, mais la zone de Bakhmut est sa zone d’action principale. Il n’en faut pas plus pour décider de s’emparer de la ville, en déconnexion alors avec la tendance générale de l’armée russe et peut-être justement parce qu’en déconnexion avec cette armée alors très critiquée. Bakhmut est alors la plus grande ville prenable par les forces de la coalition russe. Et il ne faut sans doute pas chercher d’autre raison à ces attaques obstinées qui prennent de l’ampleur depuis le 1er août. De ce fait, la bataille devient connue et devient donc aussi un objet stratégique. C’est une sorte de bataille Potemkine qu’on ne peut se permettre de perdre sous peine de perdre aussi la face.

Tactiquement, les grandes villes sont difficiles à prendre. Toutes celles qui ont été prises en Ukraine par un camp l’ont été par surprise, comme Melitopol au début de la guerre, ou après un encerclement ou une menace d’encerclement, comme à Marioupol, Lysychansk voire Kherson. Même ainsi cela n’a pas été certain. Tchernihiv ou Soumy ont résisté en étant encerclées pendant des semaines avant le repli des forces russes. Aucune grande ville n’a pu être saisie alors qu’elle était reliée à son camp et que le défenseur pouvait toujours ravitailler et relever ses forces. Non que ce soit impossible, c’est simplement beaucoup plus difficile.

C’est la raison pour laquelle les Russes, avec Wagner en pointe avec des miliciens du Donbass et l’artillerie régulière, attaquent la ville de trois côtés simultanément, espérant comme au go couper toutes les « vies » de Bakhmut : par le nord via Soledar, le sud via Zaitseve puis Optyne et directement par l’est depuis Poproskve et la route T0504. On est loin des « offensives à grande vitesse ». La progression est millimétrique, de l’ordre parfois de 100 mètres par semaine, mais semble inexorable au moins dans le sud et à l’est. À ce jour, les Russes aborderaient enfin la ville de Bakhmut proprement dite, en particulier à l’est où ils se sont emparés de la zone industrielle le long de la rue Patrice Lumumba et semblent avoir pénétré dans le grand quartier résidentiel à l’est de la rivière Bakumukovka. Ils se seraient également emparés d’Optyne au sud, mais piétinent encore au nord.

Le plus étonnant est que les Ukrainiens ont accepté la bataille dans ce qui apparait pour eux surtout comme un piège à feux. Ils ont déployé une armée de six brigades renforcées de bataillons autonomes sur une douzaine de kilomètres de front, soit plus d’un homme par mètre de front. Les Ukrainiens ont organisé des rotations de brigades, ce qui témoigne de leur volonté de mener le combat sur la durée, un élément de comparaison de plus au-delà des images, des méthodes de combat et la valeur symbolique des combats, avec la bataille de Verdun en 1916. Il est possible que Bakhmut ait fait fonction d’aimant pour les Ukrainiens au détriment de l’attaque qu’ils semblaient organiser en direction de Kreminna ou peut-être dans la province de Zaporijia. Ce serait là un premier succès russe, le deuxième étant de « saigner à blanc » l’armée ukrainienne pour rester dans l’analogie avec Verdun et le troisième serait simplement de planter le drapeau russe (ou de Wagner) au centre de Bakhmut.

Pour autant, comme pour les Allemands en 1916 cette bataille peut aussi être un piège pour les Russes. En premier lieu, il n’est pas du tout certain que la bataille de Bakhmut soit le principal ralentisseur des opérations ukrainiennes. Si, comme le laissent entrevoir certains indices, les Ukrainiens attendent la solidification des sols pour tenter de percer dans la province de Zaporijjia, l’attaque de Bakhmut n’aura pas freiné les ambitions ukrainiennes et passera au second plan. Mais même en devenant la bataille principale, Les Russes subissent aussi des pertes terribles dans les combats autour de Bakhmut et en subiront sans doute encore plus à l’intérieur de la ville, là où le combat rapproché prend le pas sur le pilonnage d’artillerie. S’il est possible pour les Russes de couper la route M03 qui alimente la ville par le nord, un pont clé serait déjà détruit, il leur sera presque impossible de couper celui qui l’alimente par l’ouest. Autrement dit, il y aura toujours des soldats ukrainiens, renouvelés, bien équipés, motivés, souvent compétents dans la ville à moins de prendre chaque bâtiment. La prise de Bakhmut, maison par maison, est un défi majeur pour l’armée russe qui, rappelons-le, ne dispose pas du meilleur capital humain en nombre et qualités. Pire, si même ils parvenaient à prendre la ville, il sera difficile de la tenir puisqu’elle se trouve sous les feux des hauteurs de Tchassiv Iar 4 km à l’ouest.

Au bout du compte, en exagérant un peu Bakhmut peut aussi être le tombeau de l’armée russe et c’est peut-être pour cela que les Ukrainiens acceptent cette bataille, nouvelle surprise dans cette guerre qui n’en manque pas.

Paris et Rome s’accordent sur l’envoi de SAMP/T en Ukraine

Paris et Rome s’accordent sur l’envoi de SAMP/T en Ukraine

– Forces opérations Blog – publié le

Plus rien ne semble s’opposer à la fourniture du système de défense anti-aérienne SAMP/T aux forces armées ukrainiennes. Selon l’ambassadeur de France en Ukraine, les deux pays concernés, la France et l’Italie, seraient parvenus à un accord. 

« La France et l’Italie fourniront à l’Ukraine les instruments de défense antiaérienne qu’elle demande. C’est une très forte demande que le président Zelensky a formulée et les Italiens nous ont confirmé qu’ils étaient prêts à l’octroyer. Nous pourrons donc répondre à leurs besoins », déclarait l’ambassadeur de France en Ukraine Étienne de Poncins au cours d’une audition parlementaire datée du 9 novembre, mais dont le compte rendu n’a été publié que hier. Les instruments en question ne sont pas détaillés, mais tout converge vers le SAMP/T, fruit d’un développement franco-italien.

Ce besoin de muscler son parapluie anti-aérien, l’Ukraine l’exprime depuis des mois auprès de ses alliés. Des demandes répétées qui se font plus insistantes à chaque attaque russe. La France et l’Espagne, entre autres, y avaient répondu par l’envoi de systèmes Crotale et Aspide. Un coup de pouce bienvenu, mais reposant sur des technologies anciennes. 

Face à l’arsenal russe, l’Ukraine a explicitement demandé d’autres moyens, notamment début novembre dans les lignes du Monde. Un appel renouvelé la semaine dernière par le commandant en chef des forces armées ukrainiennes lors d’une discussion téléphonique avec son homologue français, le général Thierry Burkhard. Le général Valeri Zaloujny avait alors pointé « les attaques massives de missiles et de drones ennemis contre des cibles civiles, ce qui sans aucun doute maintient à jour les questions de renforcement de la défense anti-aérienne ukrainienne ». 

Reste à savoir si l’Italie franchira effectivement le pas et si la France suivra son exemple. Ni Rome, ni Paris ne sont très prolixes quand il s’agit de livraisons d’équipements militaires, d’autant plus lorsque celles-ci concernent des matériels très sophistiqués et limités en nombre. Les forces terrestres italiennes disposent aujourd’hui de cinq sections SAMP/T. La France, elle, opère huit sections dont l’une est déployée en Roumanie pour renforcer le flanc oriental de l’OTAN. Sur le long terme, l’Italie paraît néanmoins disposer d’une meilleure marge de manœuvre. Elle envisage en effet l’acquisition de cinq sections supplémentaires pour sa force aérienne et a lancé le processus de remplacement de ses Aspide par le système de dernière génération CAMM-ER.

De chaque côté des Alpes, l’opération comprendra son lot de difficultés. En plus de dégarnir une capacité limitée, le SAMP/T est un outil dont la mise en œuvre demande un entraînement considérable. À cela s’ajoute la question de l’érosion des stocks nationaux, entre ponctions nécessaires pour soutenir l’Ukraine dans la durée et le temps nécessaire pour produire des munitions complexes. Enfin, la France et l’Italie sont conjointement engagées dans un processus de rénovation (SAMP/T NG) qui devrait immobiliser une partie de leur parc respectif durant une petite décennie. Bref, si engagement il y a, ce sera un nouveau message fort en direction de Kiev.

L’Ukraine a bien demandé des chars Leclerc à la France

L’Ukraine a bien demandé des chars Leclerc à la France

L’ambassadeur de France à Kiev a confirmé cette requête, qui n’a pas abouti

 

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Un char Leclerc.

 

L’Ukraine a bien demandé que la France lui fournisse des chars Leclerc. Evoquée dans l’Opinion, l’information a été confirmée par l’ambassadeur de France à Kiev, Etienne de Poncins, lors de son audition devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale en novembre, dont le compte rendu a été rendu public ce mardi.
« Une demande a été faite concernant des chars Leclerc. Son examen est en cours. Pour de telles questions, le dialogue a lieu directement entre les deux présidents », a assuré le diplomate. Il vient de publier Au cœur de la guerre (XO Editions), le récit très vivant de son expérience dans les premiers jours du conflit.

La demande ukrainienne ne semble pas avoir reçu une réponse positive de la part d’Emmanuel Macron. Pas plus que d’autres nations occidentales, la France ne souhaite, pour l’instant, livrer de tels engins de combat très puissants à l’armée ukrainienne. Pour des raisons politiques, par crainte de l’escalade, mais aussi — plus prosaïquement — à cause de la réticence de l’état-major à se séparer de ses Leclerc, dont un peu moins de 200 seraient opérationnels.

Des chars Leclerc, la France en a pourtant envoyé un escadron dans la région… mais en Roumanie

Mission Aigle. Comme le dit un parlementaire,« nous ne sommes pas hyper-épais »… La France a livré à Kiev 18 canons Caesar, deux lance-roquettes LRU et deux batteries antiaériennes Crotale. Des chars Leclerc, la France en a pourtant envoyé un escadron dans la région… mais en Roumanie. Treize de ces blindés lourds, du 1er régiment de chasseurs de Verdun, participent à la mission Aigle de « renforcement de la posture dissuasive et défensive de l’Otan », dont la Roumanie est membre.

L’Ukraine souhaite également disposer de systèmes de défense sol-air SAMP/T-Mamba. Or, l’armée de l’air française n’en possède que huit — dont un déployé, lui aussi, en Roumanie. Chaque Mamba peut mettre en œuvre quatre lanceurs, armés de huit missiles Aster30. C’est finalement l’Italie qui devrait livrer l’un de ses systèmes, de conception franco-transalpine.

 

Le secrétaire général de l’Otan dit craindre une « guerre majeure » avec la Russie

Le secrétaire général de l’Otan dit craindre une « guerre majeure » avec la Russie

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Online press briefing by NATO Secretary General Jens Stoltenberg on the situation in Afghanistan

 

Pour rappel, l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord prévoit une clause de défense collective, c’est à dire que tous les pays membres doivent porter assistance si l’un des leurs est attaqué. Il n’a été invoqué qu’une seule fois, par les États-Unis, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Quoi qu’il en soit, l’épisode de Przewodów a démontré que le risque d’un conflit généralisé en Europe n’était pas à écarter… Et c’est d’ailleurs ce qu’a rappelé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, lors d’un entretien accordé à la NRK, la radio-télévision publique norvégienne, le 9 décembre.

D’abord, l’ex-Premier ministre norvégien est revenu sur les semaines qui ont précédé le début de la guerre, en particulier sur le Conseil Otan-Russie [COR] qui s’était tenu le 12 janvier. A priori, ce fut à ce moment qu’il comprit que Moscou ne reculerait pas. « À un moment donné, les discussions sont inutiles. [Vladimir] Poutine avait décidé d’utiliser la force », a-t-il confié.

Aussi, a aussi dit M. Stoltenberg, « une invasion étant une violation de toutes les règles internationales, il était important de faire comprendre [à la Russie] que l’Otan soutiendrait l’Ukraine ». Ce qui est effectivement le cas depuis le début de la guerre…

Quant à M. Poutine, « il a cru qu’il pourrait obtenir ce qu’il voulait par la force militaire et une brutalité que nous n’avions pas vue depuis la Seconde Guerre Mondiale », a poursuivi le secrétaire général de l’Otan. Les forces russes « ont délibérément visé les civils en coupant l’approvisionnement en eau et en attaquant des cibles non militaires. C’est une guerre extrêmement brutale », a-t-il continué…

Cependant, M. Stoltenberg a dit penser que le chef du Kremlin « ne pourra pas briser l’Ukraine » et que « au contraire, il mobilise encore plus de soutien pour Kiev ». Mais plus généralement, a-t-il continué, « il serait extrêmement dangereux de sous-estimer ce à quoi nous sommes confrontés ». Et d’inister : « Nous sommes face à un test pour savoir si la liberté peut résister aux régimes autoritaires ».

S’agissant des conséquences économiques de cette guerre, dues, pour la plupart, aux sanctions imposées à la Russie, M. Stoltenberg n’a pas cherché à les minimiser. « Je comprends ceux qui pensent que les prix alimentaires et les factures d’électricité sont trop élevés. C’est un prix douloureux que nous payons en Europe. Mais il y aura un prix beaucoup plus élevé à payer si notre liberté est menacée par la victoire de Poutine en Ukraine », a-t-il estimé.

Reste que pour le responsable norvégien, il y a un risque de voir guerre en Ukraine « devenir incontrôlable » et se transformer en « une guerre majeure entre l’Otan et la Russie ». Cela étant, il s’est dit aussi « convaincu que nous éviterons cela ». Et de conclure : « La tâche la plus importante de l’Otan est d’empêcher une guerre à grande échelle en Europe, et c’est quelque chose sur laquelle nous travaillons chaque jour », d’autant plus que [Vladimir Poutine] « a sous-estimé notre capacité à nous protéger et à nous défendre mutuellement ».

Les Européens tardent à prendre conscience de la guerre économique – Entretien avec Ali Laïdi

Les Européens tardent à prendre conscience de la guerre économique – Entretien avec Ali Laïdi

 

par Ali Laïdi – Revue Conflits – publié le 13 décembre 2022

https://www.revueconflits.com/les-europeens-tardent-a-prendre-conscience-de-la-guerre-economique-entretien-avec-ali-laidi/


Ali Laïdi fait partie des quelques rares chercheurs à alerter depuis plusieurs décennies sur la réalité de la guerre économique. Usage du droit à des fins politiques, taxation des entreprises, développement d’une protection des secteurs essentiels, les Européens ont pris conscience de la réalité de cette guerre, mais ils tardent à en prendre la pleine mesure. Alors que la protection est redevenue une nécessité, l’Europe doit cesser d’être naïve.

Ali Laïdi est chercheur au laboratoire de l’École de guerre économique (CR 451) et journaliste. Il est notamment l’auteur d’une Histoire mondiale du protectionnisme (Passés Composés, 2022). Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Le terme de souveraineté est revenu à la mode et on en parle beaucoup, parfois en lui donnant des définitions contradictoires. Quelle est pour vous la définition de la souveraineté et d’un État souverain ?

Pour moi, la souveraineté c’est tout simplement la capacité, le pouvoir qu’on a sur nous-mêmes pour avancer et changer, en fonction de notre propre rythme et ne pas se faire imposer par les autres des changements à leur rythme à eux. C’est être capable, non pas de ne jamais changer, mais d’être une société qui évolue en fonction de ses propres choix et en fonction de ses propres réflexions.

« Protectionnisme » est lui aussi un terme à préciser. Il renvoie souvent à l’idée de barrière douanière, mais dans votre ouvrage vous montrez qu’il y a d’autres éléments qui contribuent au protectionnisme, et que ce n’est pas forcément le fait de se couper du monde. Le protectionnisme peut aussi être une façon d’être plus influent dans le monde.

Tout à fait, ça rejoint la définition de la souveraineté. Je suis souverain à partir du moment où je décide d’évoluer à mon propre rythme, lorsqu’on me pousse à évoluer sous la contrainte alors je ne suis plus souverain. D’ailleurs, cette influence extérieure passe notamment par l’économie, et donc la nécessité aussi de maîtriser les flux et les échanges économiques pour un État, un empire, un groupe, etc. « Protectionnisme », est un mot à utiliser avec beaucoup de pincettes. Je préfère le terme de « protection », parce que dans l’histoire de l’homme c’est d’abord la protection qui s’est appliquée dans les relations commerciales. Il s’agissait de faire en sorte que les relations commerciales n’influent pas sur l’identité des sociétés, ce que je montre à travers des exemples de sociétés précolombiennes (Mayas, Aztèques…), mais aussi primitives comme l’indiquent les travaux de Lévi-Strauss. Dans ces sociétés, le commerce existait, mais il se pratiquait uniquement dans des lieux neutres, de manière à ne pas modifier l’identité des sociétés. Une idée reprise par Platon qui souhaite limiter le commerce avec les sociétés qui n’ont pas atteint le développement d’Athènes et qui pourraient y apporter de mauvaises mœurs. Le terme « protectionnisme » a surtout été utilisé par ses ennemis. Le terme « protection » renvoie lui à l’idée de protéger son identité, sa façon de vivre, ses habitudes quand une société se sent menacée par des flux économiques qui pourraient l’obliger à évoluer vers d’autres valeurs, pas seulement économiques, mais aussi des valeurs politiques. C’est pour ça que je préfère le terme de « protection » à celui de protectionnisme. De plus, la protection que l’on se doit les uns aux autres est également inscrite dans notre contrat social : nous renonçons individuellement à notre droit à la violence en échange de la protection du collectif.

L’épisode de Covid 19 a été un peu la remise à l’honneur du protectionnisme. Mais cela donne l’impression que la « protection » est toujours une réponse à une attaque extérieure. Est-ce possible de faire usage de la protection non pas comme un bouclier défensif, mais comme une arme offensive pour prendre des positions dans le marché mondial ?

Oui, c’est d’ailleurs ce que je définis au début du livre. Je considère qu’il y a deux types de protectionnismes. Le protectionnisme défensif et le protectionnisme offensif. Le protectionnisme offensif, c’est celui qui prévoit d’abord de protéger son propre marché et ensuite de s’appuyer sur la protection de son propre marché pour aller conquérir d’autres marchés. Par exemple, il y a du protectionnisme non seulement de la part des États, mais également des entreprises, lorsqu’elles considèrent qu’il vaut mieux acheter tout de suite les start-ups, non pas pour les faire grandir, mais pour éviter que demain elles soient des concurrents importants. Il s’agit d’étouffer la concurrence dans l’œuf. Ce sont des pratiques que les autorités de la concurrence, à la fois américaines et européennes considèrent comme illégales. Il faut évidemment faire la différence entre un protectionnisme défensif qui a longtemps été reconnu par la communauté internationale comme une nécessité lorsqu’un pays ou l’un de ses secteurs économiques est gravement menacé par la concurrence. Dans ce cas, le GATT puis l’OMC, reconnaissent le droit de fermer ses frontières.

Vous parlez de guerre économique, la guerre de l’Ukraine c’est un peu le retour de la « guerre de toujours » si je puis dire avec l’artillerie, l’aviation, la marine…  Mais on voit bien qu’il y a un volet économique très fort : dès le début de l’invasion de l’Ukraine, les Européens ont mis en place des sanctions économiques, il y a eu l’usage de la monnaie, notamment la dévaluation du rouble et les limitations du secteur financier. Est-ce que cette guerre en Ukraine modifie la perception ou la pratique que l’on a de la guerre économique ? 

Il faut resituer l’ensemble du mouvement en ce qui concerne le retour du mot « protectionnisme ».

Je le situe à partir de 2008, de la crise financière des subprimes, où on voit émerger de nouveaux réflexes protectionnistes dans le monde. Ce phénomène s’accentue avec les crises suivantes : le Brexit, mais aussi l’élection de Donald Trump qui assume parfaitement une politique protectionniste, voire également une stratégie de guerres commerciales contre la Chine bien sûr, mais aussi contre l’Europe. Le Covid vient confirmer la nécessité pour un certain nombre de pays de protéger certains secteurs stratégiques, notamment les médicaments. On a pu voir que 80% des principes actifs de nos médicaments sont fabriqués en Asie, ce qui a posé un vrai problème. La guerre en Ukraine vient parfaire la prise de conscience des élites d’un affrontement économique qui nécessite une meilleure protection de l’économie.

Les élites européennes considéraient que la violence était le monopole du champ politique et qu’il n’y avait pas de violence dans le champ économique. Or mon travail c’est de montrer qu’il y a bien de la violence dans le champ économique et qu’il faut s’emparer de cette question, qu’il faut réfléchir sur la violence dans le champ économique, d’où la réémergence également du mot « guerre économique », qui a été très mal utilisé par nos dirigeants au début de l’invasion le 24 février 2022. On ne mène officiellement une guerre économique d’État à État que quand on est en guerre tout court. C’est ce qui s’est passé en 1915 lorsque les militaires français ont conceptualisé la guerre économique au moment où ils sentaient que la guerre allait s’embourber dans les tranchées et qu’il fallait donc mener une guerre totale à l’Allemagne et notamment économique pour l’obliger à rendre les armes.

Là, dans l’affaire de l’Ukraine avec la Russie, on n’est absolument pas dans une guerre économique, on est dans une guerre qui concerne militairement l’Ukraine et la Russie et on est dans une réaction de l’Europe et de l’Occident qui est de mettre en place des sanctions non pas pour mener la guerre économique à la Russie, mais pour obliger la Russie à revenir à la table des négociations et trouver une issue politique et pacifique à ce conflit. Donc on ne peut pas déclarer que la France, l’Europe ou les États-Unis sont en guerre économique contre la Russie parce qu’on serait vraiment dans un cadre de guerre tout court. Cela dit, la guerre en Ukraine, là encore, nous a permis de révéler des questions qui étaient sous-jacentes, qu’on avait vues émerger avant l’invasion de l’Ukraine, notamment notre incapacité à mener une guerre symétrique, voire notre incapacité à tenir sur la longueur dans des guerres asymétriques telles qu’on peut les mener sur différents fronts, essentiellement en Afrique.

Ces doutes existaient bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Simplement, le fait de livrer un certain nombre de matériels de guerre, notamment les canons CAESAR, et de livrer les munitions qui vont avec, on s’est aperçu qu’on ne pouvait pas livrer trop d’armes au risque de mettre notre défense en danger. Et donc là encore on s’est posé des questions sur notre souveraineté, sur notre capacité à prendre nous-mêmes des décisions face à des crises, qu’elles soient militaires ou sanitaires. Et donc aujourd’hui, tous les secteurs économiques doivent être considérés comme des secteurs stratégiques, à tel point qu’au début du premier confinement, on s’est aperçu que même le papier toilette pouvait déclencher un désordre public. C’est une anecdote, mais elle illustre parfaitement le fait que nous avons construit des sociétés où tout devient stratégique pour maintenir la paix et l’état de tranquillité d’un pays.

Vous dites que la violence est présente dans le champ économique. Traditionnellement, le droit est un moyen de réguler ou de supprimer la violence, et il n’y a pas de violence quand il y a du droit. Or on voit dans le domaine économique que le droit est utilisé comme une arme et comme un instrument de violence, notamment à travers le droit américain et son extraterritorialité. Est-ce que ce n’est pas là une perversion du droit qui au lieu de supprimer la violence contribue à lui donner une nouvelle nature ou à la poursuivre ?

Oui très clairement, avec l’extraterritorialité du droit américain (et demain chinois), ce n’est pas la force du droit, mais le droit de la force. On pervertit le droit pour en faire une arme de guerre économique. Et cela est allé très loin, à tel point que même les Américains reconnaissent qu’ils ont dépassé les bornes, notamment vis-à-vis de leurs alliés européens. D’autant que l’on n’est pas sûr aux États-Unis que cette approche administrative du droit serait soutenue par la Cour Suprême qui a toujours été très prudente dans ce domaine.

Donc oui, c’est pour moi une arme, dans le sens où le droit est l’instrument de l’administration et non de la justice. D’ailleurs, les juges n’arrivent qu’à la toute fin de la procédure et se contentent de tamponner l’accord entre l’autorité de poursuite et l’entreprise. C’est pourquoi on les appelle les « juges tampons ».  Les Chinois ont parfaitement étudié le système administratif américain et le dupliquent à travers un certain nombre de lois-miroirs qui préparent l’extraterritorialité du droit chinois. Et nous, Européens, risquons d’être pris en tenaille par ces deux législations.

C’est intéressant de voir que la Chine mime, ou copie les États-Unis pour développer sa puissance. Ils ne développent pas une puissance autonome, mais essayent de faire une copie de la puissance américaine.  

Oui c’est vrai en partie. À tous les reproches que l’on fait à la Chine en matière commerciale (subventions, aides publiques, transferts de technologies forcés, espionnage économique, embargos, boycott…), Pékin a toujours la même réponse : « vous avez fait la même chose avant nous », et c’est vrai ! C’est complètement vrai, d’un point de vue historique.

Et justement, est-ce que vous sentez pour l’Europe une évolution, une prise de conscience, est-ce qu’on a progressé depuis l’affaire Alstom et les sanctions contre la BNP ?

Il y a clairement, d’un point de vue lexical, une prise de conscience. Cela fait 25 ans que les spécialistes de la guerre économique alertent les dirigeants européens pour leur dire qu’ils sont trop naïfs. À la suite du Covid, ils ont fini par l’admettre et promettre qu’ils ne seront plus naïfs. Dont acte. Les Européens évoluent même s’ils ne reconnaissent toujours pas l’existence de la guerre économique. Ce qui signifie qu’ils ne sont pas prêts à changer leur logiciel et à se préparer à ce nouveau monde. Pourtant, les épreuves sont devant nous. Nous verrons comment ils répondent au plan américain « Inflation Reduction Act » qu’ils considèrent comme contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à cause des milliards de subventions pour les entreprises et les consommateurs américains. Soit ils y répondent en édifiant un « European Buy Act », c’est-à-dire un Règlement européen pour soutenir le made in Europe, soit ils se plient et s’affaiblissent encore plus.

Guerre en Ukraine : la Russie envoie 200 de ses chars les plus modernes, des T-90M, dans le Donbass

Guerre en Ukraine : la Russie envoie 200 de ses chars les plus modernes, des T-90M, dans le Donbass


Un T-90 en exercice, en 2017.
                                        Un T-90 en exercice, en 2017. Alexander NEMENOV / AFP

 

Ces chars de combat ont été acheminés vers la «République de Lougansk». D’après la Russie, son blindage lui permettrait de résister aux missiles antichars, dont le Javelin américain.

Un renfort de poids sur le front du Donbass. Mercredi 7 décembre, la chaîne de télévision russe NTV a annoncé la livraison de 200 chars T-90M aux combattants séparatistes de la région de Lougansk, comme l’a repéré le très sérieux blog de défense Army Recognition. Les images de la chaîne montrent une longue colonne de ces véhicules blindés partant de leur usine de Ouralvagonzavod, dans la ville de Nijni Taguil, en plein centre de la Russie.

«L’armée russe a reçu de nouveaux chars T-90M. Des véhicules de combat – environ 200 unités – ont déjà été livrés dans la zone de l’opération militaire spéciale. Ils renforceront les unités existantes des forces armées russes», a confirmé sur Telegram le journaliste spécialiste des questions de défense Evgeniy Poddubny. Depuis plusieurs semaines, l’armée ukrainienne avance lentement mais sûrement dans la république autoproclamée de Lougansk.

Plus puissant, plus mobile, plus résistant

L’arrivée de ces chars d’assaut sur le front n’est pas négligeable pour l’armée russe. Par leur nombre déjà : 200 unités, c’est plus que le nombre de chars Leclerc opérationnels dont dispose actuellement la France. Par leur qualité, surtout. Le T-90M est aujourd’hui le char russe le plus moderne en activité – le T-14 Armata, joyau de la cavalerie russe, n’étant pas encore en service. C’est en fait une modernisation du T-90A réalisée dans les années 2010. Il avait été dévoilé au monde lors de l’édition 2017 de l’exercice militaire Zapad.

                                     Un T-90 à la parade en 2020. Dimitar DILKOFF / AFP

Dans le détail, le T-90M possède une meilleure mobilité, une plus grande puissance de feu et une protection plus efficace que son prédécesseur. D’après le général d’armée Oleg Leonidovich Salyukov, commandant en chef des forces terrestres russes, son blindage, dit réactif, est capable de résister aux missiles antichars guidés, et notamment le Javelin, fourni en nombre par les États-Unis à l’armée ukrainienne.

Les chars russes, cibles privilégiées des Ukrainiens

Depuis le début de la guerre, les usines russes tournent à plein régime pour fournir massivement des T-90 à leur armée sur le front ukrainien. Si, au début de la guerre, les unités de blindés russes engagées en Ukraine étaient surtout composées de vénérables chars T-62, T-64, T-72 ou T-80 datant de l’ère soviétique, les T-90, dont les premières versions ont été mises en service en 1992, sont de plus en plus nombreux sur le champ de bataille.

Mais ils paient, eux aussi, un lourd tribut : sur les plus de 1500 chars russes détruits, endommagés, abandonnés ou capturés, comptabilisés par le site Oryx depuis le début de la guerre, au moins 34 d’entre eux sont des T-90, dont sept T-90M. En septembre dernier, le ministère ukrainien de la Défense avait même annoncé la capture d’un char T-90M «en parfait état», dans la région de Kharkiv.

Guerre en Ukraine : Les stratégies de stockage des armées françaises

Guerre en Ukraine : Les stratégies de stockage des armées françaises

GUERRE EN UKRAINE : Les stratégies de stockage des armées françaises
par ASAF et IFRI – publié le mardi 06 décembre 2022

Stocks militaires : une assurance-vie en haute intensité ?

La guerre en Ukraine rappelle la place de l’attrition d’un conflit en haute intensité à des armées européennes taillées au plus juste après trois décennies de réduction budgétaire. L’ensemble des forces européennes ont dû réduire leurs stocks au strict minimum. En conséquence, le soutien à l’Ukraine s’est traduit par d’importants prélèvements sur leurs capacités opérationnelles. Une quantité non négligeable de systèmes retirés du service a également été donnée, par manque d’épaisseur des parcs opérationnels.

La Russie a, quant à elle, mobilisé les vastes stocks hérités de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) pour soutenir son effort de guerre après l’échec initial de son « opération militaire spéciale ». Le processus de rénovation des systèmes les plus anciens est également accru, alors que la production russe de matériel moderne reste insuffisante.

Le conflit en cours voit donc s’affronter des parcs mixtes composés de systèmes très modernes et d’autres beaucoup plus anciens – voire obsolètes – issus de stocks de long terme. Cette situation incite à s’interroger sur les stratégies de stockage des armées françaises et à les comparer à celles qui existent ailleurs.

 

Focus stratégique n° 113 ci-joint ou disponible à l’adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/peria-peigne_stocks_militaires_2022.pdf

Lire et télécharger : Stocks militaires une assurance-vie en haute intensité IFRI 12 2022

Le Royal United Services Institute for Defence and Security Studies se penche sur la guerre en Ukraine

Le Royal United Services Institute for Defence and Security Studies se penche sur la guerre en Ukraine

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 1er décembre 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Le Royal United Services Institute for Defence and Security Studies vient de publier un intéressant rapport sur le conflit russo-ukrainien. Il est intitulé « Preliminary Lessons in Conventional Warfighting from Russia’s Invasion of Ukraine: February–July 2022« .  

On lira en particulier le chapitre V sur les « Lessons Identified for the British Military« . Certains de ces enseignements valent pour l’armée français, entre autres.

Voici un échantillon des leçons tirées des opérations en Ukraine:

« Il n’y a pas de sanctuaire« :

– l’ennemi peut mener des raids dans la profondeur. Pour survivre, il faut donc être capable de dispersion, ce qui apparaît essentiel pour les forces aériennes qui doivent  disposer de moyens techniques en nombre suffisant et les disperser sur des terrains de dégagement. Pour les forces terrestres, cette dispersion est essentielle de façon à éviter des frappes sur les stocks (qui doivent être déplacés aisément), les centres de formation et les sites de maintenance. Ces derniers sites doivent être éloignés du front et disséminés de façon à accroître les efforts de l’ennemi pour les localiser.
– Eviter les postes de commandement avec une trop grande emprise au sol (ceux sous tentes en particulier). imposer une discipline stricte sur les communications téléphoniques personnelles pour éviter d’être repéré par des moyens du renseignement d’origine électromagnétique ou ROEM. 

 

« La haute intensité demande de l’épaisseur« :

– Ce n’est pas une découverte mais la consommation de munitions est extrêmement élevée, ce qui inquiètent les experts britanniques au regard du rythme de tir des Russes et Ukrainiens. Les forces britanniques sont, dans ce domaine, totalement sous-équipées et incapables d’égaler les cadences  de l’artillerie ukrainienne qui, au plus fort des combats dans le Donbass, a tiré en deux jours l’équivalent du stock d’obus des Britanniques (photo ci-dessous AFP). 

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Les moyens de défense antiaérienne sont tout aussi insuffisants et le manque de munitions pour les systèmes déployés est criant. Quelle que soit la valeur des systèmes, le manque de stocks fait que ces défenses ne sont pas crédibles dans un conflit de haute intensité. 
– Il faut rester en mesure de former les troupes qui vont être déployées en renfort ou en deuxième échelon. Pour cela, de vastes camps d’entraînement doivent rester disponibles, tout comme les formateurs qu’il faut éviter d’envoyer au front. 
– Autres domaines qui exigent de l’épaisseur: la logistique et la maintenance. Bien que l’Ukraine ait eu du mal à garder ses logisticiens en temps de paix (le turn-over était élevé), elle a pu les rappeler très vite et bénéficier de leur expérience. D’où l’intérêt de disposer d’unités d’active spécialisées dans le soutien mais aussi de travailler avec le secteur privé de la logistique qui constitue un vivier de réservistes.

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« Des drones pour tous« :

Les drones doivent équiper toutes les unités et tous les échelons des forces. Leur présence massive (aux drones amis s’ajoutent ceux de l’adversaire) oblige à une formation poussée des opérateurs (photo ci-dessus Reuters).
– Les unités équipées de drones doivent disposer d’une liberté d’action qui garantit la vitesse et la réactivité. 
– Les procédures actuelles sont souvent trop lourdes, elles pénalisent les opérateurs sur le terrain et obligent à disposer de personnels spécialisés, ce qui s’avère coûteux, alors qu’un maximum de soldats doivent être en mesure de manier des drones. 
– Les drones ne devraient pas être classés comme des aéronefs mais comme des munitions; le cadre réglementaire doit donc changer.

 

« Dispersion, enfouissement et vitesse de déplacement« :

Les troupes au sol doivent être dispersées pour assurer leur survie, une pratique éprouvée par les Ukrainiens. Mais cette dispersion pose des problèmes de commandement et de contrôle; elle met la pression sur les cadres au niveau des compagnies et des bataillons.
– Autre problème: le risque d’isolement et d’encerclement. Pour l’éviter, il faut se déplacer et bannir tout posture statique. D’où une mobilité extrême.
– Toutefois, en cas d’arrêt prolongé, il faut s’enterrer et se protéger d’une agression venant du dessus. Dans les zones non-urbaines, il faut s’enterrer et donc disposer des équipements individuels et collectifs de creusement.
Enfin, l’identification des amis. Les Ukrainiens ont préféré réduire le camouflage au profit de signes d’identification (bandes bleues ou jaunes) pour éviter les tirs fratricides (nombreux au déclenchement du conflit).

RETEX

Les industriels se penchent aussi avec avidité sur les retex. 

Ainsi, BAE Systems qui est l’un des cinq candidats du programme de remplacement du blindé chenillé Bradley a revu sa copie (voi un article sur ce sujet dans Defense One). Mercredi, la société a précisé qu’elle envisageait de mieux protéger son véhicule contre les attaques venant du dessus (il s’agit de contrer les menaces des missiles de type Javelin ou celle des munitions kamikazes).

Dans le cadre de ce futur marché d’une valeur de 45 milliards de $, l’US Army doit choisir trois candidats et soumettre leurs véhicules à des tests pour annoncer son choix vers 2027. Les cinq candidats sont: General Dynamics Land Systems, BAE Systems, Oshkosh Defense, American Rheinmetall, et Point Blank Enterprises.

Artillerie : L’Ukraine dit avoir reçu au moins un des deux Lance-roquettes unitaires promis par la France

Artillerie : L’Ukraine dit avoir reçu au moins un des deux Lance-roquettes unitaires promis par la France

 

http://www.opex360.com/2022/11/29/artillerie-lukraine-dit-avoir-recu-au-moins-un-des-deux-lance-roquettes-unitaires-promis-par-la-france/


 

Cela étant, pour conserver une capacité de « feux dans la profondeur », il fut décider de transformer 13 de ces LRM en « Lance-roquettes unitaires », capables d’expédier des roquettes à charge explosive unitaire M31 sur des cibles situées à 70 km de distance, avec une très grande précision. Mis en oeuvre par le 1er Régiment d’Artillerie [RA], ce système n’a depuis été engagé qu’une seule fois en opération, au Sahel en l’occurence, dans le cadre de Barkhane. Et, selon le sénateur Cédric Perrin, seulement huit exemplaires seraient encore opérationnels.

 

Pour rappel, le LRU est issu d’un programme ayant associé les États-Unis, qui ont fourni le châssis chenillé BRADLEY M, la France, l’Allemagne [avec Krauss-Maffei Wegmann pour maître d’oeuvre industriel] et le Royaume-Uni.

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le 20 novembre, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, avait confirmé la livraison de deux LRU, « pour la frappe terrestre en profondeur », aux forces armées ukrainiennes, au titre de l’aide militaire française à l’Ukraine. Et cette promesse a été tenue.

En effet, via Twitter, ce 29 novembre, Oleksii Reznikov, le ministre ukrainien de la Défense, s’est félicité de la livraison de LRU à Kiev [sans toutefois en préciser le nombre].

 

« Le LRU français est arrivé en Ukraine. L’armée ukrainienne est maintenant encore plus puissante pour dissuader et détruire l’ennemi. C’est un résultat visible de l’amitié entre les président Zelensky et Macron. Merci à Sébastien Lecornu, au gouvernement et aux habitants de la France », a ainsi déclaré M. Reznikov.

Outre les M142 HIMARS américains, l’Ukraine a également reçu un certain nombre de MLRS de la part du Royaume-Uni [au moins quatre], de l’Allemagne [sous la désignation « MARS II », quatre unités] et de l’Italie [nombre non précisé].

L’aide française, qui devrait s’enrichir d’un fonds spécial doté de 200 millions d’euros, prévoit la livraison de deux systèmes de défense aérienne CROTALE NG et de radars, a priori, de contre-batterie. Pour le moment, ces équipements n’ont apparemment pas été encore envoyés en Ukraine.

Quant à l’armée de Terre, elle a l’intention de remplacer les LRU qui lui reste d’ici à 2027, soit avant leur fin de vie. « La guerre en Ukraine nous enseigne que les feux très longue portée sont décisifs : il nous faut réfléchir sur la solution à retenir », a en effet récemment déclaré le général Pierre Schill, son chef d’état-major, devant les sénateurs.