L’incursion ukrainienne en cours au nord de Sumy, dans la région russe de Koursk (sud-ouest de la Russie), suscite bien des questions dont les réponses tardent tant la discrétion (voire la confusion) règne dans les deux camps.
Les autorités de Kiev observent, pour leur part, un mutisme inhabituel : personne ne reconnait officiellement l’existence de cette opération et les hauts responsables se refusent à tout commentaire, même sous couvert de l’anonymat.
Du côté russe, d’où sont venus les premiers rapports faisant état d’une incursion ennemie, les informations précises sont rares. Selon Moscou, des forces armées venant d’Ukraine ont lancé mardi matin, une attaque dans la région de Koursk dans le sud-ouest de la Russie; l’Ukraine aurait engagé un millier d’hommes et quelques dizaines de chars et autres véhicules blindés, soutenus par des avions de combat et de l’artillerie.
Cette attaque est jugée sérieuse puisque les autorités russes ont déclaré l’état d’urgence et que la Garde nationale russe a déclaré avoir renforcé la sécurité autour de la centrale nucléaire de Koursk, située à environ 60 km au nord-est de Soudja, une ville de 5 500 habitants à huit kilomètres de la frontière ukrainienne. Soudja abrite le dernier point de transbordement opérationnel du gaz naturel russe vers l’Europe via l’Ukraine.
Un air de remake
Le scénario rappelle de précédentes incursions en territoire russe. Effectivement, des combattants en provenance d’Ukraine ont déjà effectué plusieurs brèves incursions en Russie, revendiquées par des unités prétendant être composées de Russes combattant du côté ukrainien, à savoir le « Corps des volontaires russes » et la « Légion pour la liberté de la Russie ». Ainsi, à la mi-mars, pendant les élections russes, des groupes d’assaut ukrainiens ont tenté à plusieurs reprises de s’emparer de territoires dans la région voisine de Belgorod,
Une ampleur inédite
Toutefois, l’attaque en cours paraît inhabituelle en raison de son ampleur supposée et parce qu’elle semble impliquer des troupes régulières ukrainiennes.
Analyste militaire basé à Kiev, Serguiï Zgourets a déclaré à l’AFP que « les photos montrant la destruction d’équipements russes et ukrainiens, des hélicoptères, le recours à l’aviation, l’utilisation d’artillerie des deux côtés » étaient les signes d’une opération militaire d’ampleur.
Selon l’Institute for the Study of War (ISW), les troupes ukrainiennes ont avancé jusqu’à dix kilomètres à l’intérieur du territoire russe. Cette poussée s’est concentrée sur le hub logistique de Soudja.
Quels motifs, quelles motivations?
Les objectifs de cette opération ne sont pas encore clairs. L’intérêt d’une telle manœuvre est même parfois mis en doute par des commentateurs
Une telle incursion pourrait avoir un effet psychologique et remonter le moral des Ukrainiens qui voient leur armée à la peine dans le Donbass.
Certains observateurs affirment que si l’Ukraine parvenait à conserver ces pas du territoire ruse, elle pourrait en faire une carte à jouer face à Moscou dans le cadre d’hypothétiques négociations de paix.
Pour d’autres experts (et ce sont les plus nombreux), l’incursion pourrait servir à attirer des réserves russes et éloigner celles-ci de la région ukrainienne de Kharkiv (nord-est), où la Russie a lancé une offensive en mai. « A en juger par l’échelle et l’intensité de l’opération ukrainienne, tôt ou tard, l’ennemi sera forcé de retirer des troupes d’autres théâtres d’opérations », note ainsi Kostiantyn Machovets cité par l’AFP.
La Russie avance depuis l’échec de la grande contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 et parvient à engranger des gains territoriaux.
La Russie continue à grignoter du terrain sur la ligne de front face à une armée ukrainienne dont les effectifs sont moins nombreux et moins bien équipés. Le ministère russe de la Défense a ainsi revendiqué dimanche la prise du village de Novosselivka Persha, dans la région orientale de Donetsk, où se déroule l’essentiel des combats. « Les unités du groupement des troupes Centre ont libéré la localité de Novosselivka Persha […] au cours d’opérations actives », a indiqué le ministère. Ce village est proche de la ville d’Avdiïvka prise par les forces russes en février 2024.
La Russie avance depuis l’échec de la grande contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 et la conquête d’Avdiïvka, qui avait fait office de position fortifiée pour l’armée ukrainienne. Selon l’Institut américain pour les études de la guerre (ISW), les Russes ont notamment avancé « dans la direction de Toretsk ». « Des images géolocalisées publiées le 5 août montrent que les forces russes ont progressé jusqu’à la rue Kosmonavtiv dans le centre de Druzhba (à l’est de Toretsk).
D’autres images géolocalisées publiées le 4 août montrent que les forces russes ont progressé vers l’ouest en traversant la rue Shkilna vers et à travers la rue Tsentralna dans l’ouest de Pivnichne (également à l’est de Toretsk). Dans l’oblast de Kharkiv, l’objectif russe est de « repousser les forces ukrainiennes de la frontière internationale avec l’oblast de Belgorod et s’approcher à portée d’artillerie tubulaire de la ville de Kharkiv », la 2e du pays.
La Russie poursuit sa campagne aérienne de missiles et de drones qui ciblent « les infrastructures militaires et civiles ukrainiennes à l’arrière et sur la ligne de front. » Le chef d’état-major Valeri Guerassimov a inspecté les forces russes en Ukraine, a annoncé hier l’armée russe.
Tensions au Proche-Orient : la France invite ses ressortissants à quitter le Liban « dès que possible »
Les menaces du Hezbollah et de l’Iran vis-à-vis d’Israël incitent de nombreux pays, dont la France, à demander à leurs ressortissants de quitter au plus vite le Liban.
La France invite ses ressortissants, particulièrement ceux de passage, se trouvant au Liban, à quitter « dès que possible » ce pays dans un « contexte sécuritaire très volatile », a exhorté, ce dimanche 4 août, le ministère des Affaires étrangères.
« Des vols commerciaux directs et avec escales vers la France sont encore disponibles », a précisé le Quai d’Orsay. « Face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient », Paris demandait déjà « instamment » à ses ressortissants de ne pas se rendre au Liban.
Des risques d’escalade militaire au Proche-Orient
Cette nouvelle recommandation s’inscrit dans le cadre de la décision prise samedi par les compagnies aériennes Air France et Transavia France de prolonger la suspension de leurs vols vers Beyrouth jusqu’au 6 août inclus au moins « en raison de la situation sécuritaire ».
Dans un contexte sécuritaire très volatile, nous invitons les ressortissants français à prendre leurs dispositions maintenant pour quitter le Liban dès que possible. Pour rappel, face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient, il est instamment demandé aux ressortissants français de ne pas se rendre au Liban.
La France recommande également à ses ressortissants résidant en Iran « de quitter temporairement le pays » s’ils le peuvent, estimant qu’il y a un risque de fermeture de l’espace aérien et des aéroports iraniens.
Emmanuel Macron appelle à éviter « à tout prix » une escalade
Cette consigne intervient dans un contexte de tensions extrêmement fortes avec Israël, après l’assassinat, attribué par l’Iran à Israël, du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, tué mercredi 31 juillet à Téhéran. L’Iran a promis de se venger.
Le président français Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II ont appelé ce dimanche 4 août à éviter « à tout prix » une escalade, selon le compte-rendu d’une conversation téléphonique publié par l’Élysée.
Le ministère libanais de la Santé a indiqué lui dans la nuit de dimanche à ce lundi 5 août qu’une « frappe ennemie israélienne » avait tué deux personnes à Houla, dans le sud du pays. Un peu plus tôt, l’armée israélienne avait annoncé avoir « identifié un terroriste du Hezbollah pénétrant dans une structure militaire » dans ce secteur, et avoir « frappé » celle-ci.
Les violences transfrontalières ont fait 547 morts, dont 115 civils, au Liban depuis l’attaque du Hamas en Israël en octobre, selon un décompte de l’AFP.
Le chef du Hezbollah menace d’une «bataille ouverte sur tous les fronts»
Israël n’a pas commenté l’attaque contre Ismaïl Haniyeh, mais a juré de détruire le Hamas après l’attaque sans précédent menée par ce mouvement le 7 octobre sur son sol, qui a déclenché la guerre dévastatrice à Gaza.
Le guide suprême d’Iran, Ali Khamenei, a de son côté menacé Israël d’un « châtiment sévère », et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, d’une « bataille ouverte sur tous les fronts », le Hamas et les rebelles yéménites Houthis jurant aussi de riposter.
En face, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant a affirmé dimanche que l’armée était « prête à réagir rapidement ou à attaquer ».
Les États-Unis, eux, ont musclé leur dispositif militaire sur place avec davantage de navires de guerre et avions de combat. « Simultanément, nous nous efforçons de désamorcer la situation diplomatiquement », a assuré Jon Finer, conseiller adjoint à la sécurité nationale.
Alors que le Liban risque d’être en première ligne d’une escalade, la Suède, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Jordanie, l’Arabie saoudite et donc la France ont ainsi appelé leurs ressortissants à quitter le pays.
L’offensive israélienne à Gaza a fait jusqu’à présent près de 40 000 morts
La guerre à Gaza a entraîné l’ouverture de fronts contre Israël par le Hezbollah et les Houthis qui forment avec le Hamas et des groupes armés irakiens ce que l’Iran appelle « l’axe de la résistance » face à Israël.
Samedi, le Hezbollah a affirmé avoir pour la première fois ciblé la ville de Beit Hillel dans le nord d’Israël avec des dizaines de roquettes et l’armée israélienne a riposté par des frappes dans le sud du Liban, des échanges quasi-quotidiens à la frontière israélo-libanaise depuis le 8 octobre.
Dans le même temps, l’armée israélienne poursuit son offensive contre le territoire palestinien de Gaza, ravagé et menacé de famine selon l’ONU.
Le Hamas, qui a pris en 2007 le pouvoir à Gaza, est considéré comme terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne.
Son attaque le 7 octobre dans le sud d’Israël a entraîné la mort de 1197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes. Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée.
L’offensive israélienne à Gaza a, elle, fait jusqu’à présent 39 583 morts, d’après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.
L’avertissement du général Sir Roly Walker est le plus grave de ces dernières années. Selon lui, le Royaume-Uni avait trois ans pour se préparer à la guerre contre un « axe de contestation » alors que la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran travaillaient de plus en plus ensemble.
Les forces britanniques avaient « juste assez de temps » pour « rétablir » une force terrestre crédible qui pourrait dissuader les nations ennemies de se lancer dans la bataille avec l’Occident.
Il ajoutait que la façon dont la guerre en Ukraine se terminait n’avait pas d’importance, car de toute façon, la Russie qui émergerait serait « très, très dangereuse » et « rechercherait une forme de représailles pour ce que nous avons fait pour aider l’Ukraine ».
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l’Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l’Union des associations des auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d’août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
Intervenant : Éric Danon, Ambassadeur de France en Israël d’août 2019 à juillet 2023 et actuellement consultant international. Il s’exprime à titre personnel. Synthèse de la conférence par Marie-Caroline Reynier, diplômée d’un M2 de Sciences Po. Co-organisation de la conférence Pierre Verluise, fondateur du Diploweb, avec l’ADEA MRIAE de l’Université Paris I et le Centre géopolitique. Son : Hugo Leclerc, co-gérant de l’agence Klimax. Montage : Hugo Leclerc et Pierre Verluise.
Quelle est la situation fin avril 2024 dans la guerre opposant Israël et le Hamas ? Pourquoi les pays arabes, et tout particulièrement ceux de la Méditerranée, n’ont-ils rien fait pour favoriser l’émergence d’un Etat palestinien ? Pourquoi l’Arabie Saoudite peut-elle jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien ? Que faut-il faire concrètement ? Eric Danon s’exprime à titre personnel. Ambassadeur de France en Israël d’août 2019 à juillet 2023, il apporte des éléments de réponse lors d’une conférence publique en Sorbonne.
Voici le podcast de la conférence organisée par Diploweb.com, le 25 avril 2024, en partenariat avec l’ADEA MRIAE de l’Université Paris I.
Synthèse de la conférence par Marie-Caroline Reynier, validée par E. Danon
Quelle est la situation au 25 avril 2024 dans la guerre opposant Israël et le Hamas ?
SE M. Éric Danon explique que cette guerre va durer. De fait, les deux protagonistes souhaitent qu’elle continue car ils n’ont pas atteint leurs objectifs respectifs.
En effet, Israël poursuit trois objectifs officiels : détruire le Hamas le plus possible, récupérer les otages et faire de Gaza une zone ne représentant pas de menace. Ceux-ci ont été atteints à moitié. À cela, s’ajoutent trois objectifs officieux. Premièrement, Israël souhaite rebâtir une dissuasion afin qu’aucun groupe n’ambitionne de faire pareil que le Hamas. Deuxièmement, Israël veut pouvoir surmonter le très fort traumatisme du 7 octobre 2023. Enfin, au vu de ses relations tendues avec le président J. Biden, B. Netanyahou cherche à faire durer la guerre au moins jusqu’au 5 novembre 2024, date de l’élection présidentielle américaine, car il ne souhaite pas faire le cadeau de la paix au président actuel.
De son côté, le Hamas a trois objectifs officiels : rentrer en Israël et tuer le maximum de personnes, capturer le plus d’otages possibles pour les échanger avec des prisonniers et préempter l’objet « résistance palestinienne » en montrant qu’il est le plus crédible pour porter ce combat. Enfin, il a également comme objectif officieux d’être présent à la table des négociations du jour d’après.
Dans l’atmosphère actuelle, SE M. Éric Danon sent deux peuples en souffrance. Du côté israélien, cette souffrance est liée aux actes des terroristes du Hamas. À cet égard, il souligne un paradoxe : les Israéliens considèrent que le gouvernement actuel porte une responsabilité dans l’attaque menée par le Hamas mais, dans le même temps, ils ne veulent pas lâcher ce gouvernement.
Quant à eux, les Palestiniens vivent le désastre de ce qui produit à Gaza mais prennent aussi conscience que les pays arabes, notamment méditerranéens, ne sont pas intéressés par la fin du conflit. La jeunesse palestinienne réalise ainsi qu’ils ont toujours été empêchés, depuis 1949, d’avoir un État par leurs dirigeants ou par ces pays arabes.
Pourquoi les pays arabes, et tout particulièrement ceux de la Méditerranée, n’ont-ils rien fait pour favoriser l’émergence d’un Etat palestinien ?
Premièrement, SE. M. Danon note que la cause palestinienne constitue un puissant levier de politique intérieure pour les pays arabes. En effet, elle permet d’entraîner la population en faveur des gouvernements au pouvoir.
Deuxièmement, si les populations des pays arabes s’entendent très bien, leurs gouvernements ne s’apprécient pas, comme le souligne la rivalité entre le Maroc et l’Algérie ou celle entre la Tunisie et l’Égypte. De fait, le rejet d’Israël contribue à rassembler ces pays lorsqu’ils se réunissent, par exemple lors des sommets de la Ligue arabe. Pour que cette entente dure, ils ont donc tout intérêt à ce que le conflit perdure.
Troisièmement, si le conflit israélo-palestinien prend fin, Israël pourrait devenir encore plus puissant. Israël est déjà une puissance déterminante du Proche-Orient dont le PIB (525 milliards de dollars) est supérieur à l’addition du PIB de tous les pays qui l’entourent. Ce conflit, et notamment la dégradation d’image engendrée ainsi que les pertes économiques représentées par les appels au boycott, demeure un frein qui empêche Israël de devenir une superpuissance.
Quatrièmement, SE. M. Danon évoque une raison psychologique, liée au concept de dhimmitude (le « dhimmi » étant celui qui a un statut dégradé dans le monde musulman). Il apparaît pénible pour les pays arabes que des non-musulmans puissent faire mieux qu’eux en termes de gouvernance, d’économie et de sécurité.
Enfin, le statut de Jérusalem demeure une des réticences essentielles à la création d’un État palestinien.Le fait que la Palestine récupère ce lieu saint (la mosquée Al-Aqsa) pourrait ne pas convenir à l’Arabie Saoudite ou à l’Iran.
Quel est l’état du rapport de force concernant la paix au Proche-Orient ? Quels diagnostics peut-on formuler ?
Parmi les forces opposées à la paix, SE. M. Danon insiste sur le manque d’enthousiasme des pays arabes de la Méditerranée. Il souligne également que des individus sont profondément contre l’idée de la paix aussi bien du côté palestinien qu’israélien.
Ainsi, du côté palestinien, l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a d’abord été revendiquée comme une non-acceptation d’Israël, au sens d’un refus du partage de l’ancienne Palestine mandataire (1923-1948). En ce sens, la difficulté originelle, renforcée par l’échec des nombreuses négociations, tient à la non-acceptation de ce partage.
Du côté israélien, le sionisme messianique, qui a pris une importance grandissante pour des raisons démographiques et politiques, refuse l’existence d’un État palestinien. Ainsi, le massacre du caveau des Patriarches commis par un colon juif fanatique en 1994 puis l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un juif religieux d’extrême-droite en 1995 ont eu pour but de tuer le processus d’Oslo (1993). La part de ces Israéliens qui n’acceptent pas d’abandonner leurs idéaux pour la paix a augmenté, passant de 25% en 1993 à plus de 40% en 2024. Enfin, dans les territoires occupés de Cisjordanie, les gens s’installant ne le font plus exclusivement pour des raisons religieuses (comme les Juifs messianiques) mais également pour des motifs économiques. Ce faisant, quasiment 700 000 personnes vivent dans ces territoires occupés, ce qui rend compliquée toute évolution de la situation.
Pour autant, la majorité des Palestiniens et des Israéliens de la société civile veulent la paix. Mais, les extrémistes des deux camps parviennent à bloquer les processus de paix.
Dès lors, étant donné les fortes incertitudes, SE. M. Danon propose trois diagnostics pour avancer.
Premièrement, ilrécuse l’utilisation du terme « solution »(l’expression « solution à deux États » étant très présente dans le débat public) pour parler du conflit israélo-palestinien, et lui préfère l’expression de « tectonique des puissances ». Selon lui, il ne faut pas penser les dynamiques politiques en termes de « solution » mais plutôt d’évolution.
Deuxièmement, il soutient que la paix est aussi une question de personnes capables de la faire advenir. Or, sortir de ce conflit requiert des gens à la hauteur, ce qui n’est pas le cas au premier trimestre 2024.
Troisièmement, au vu du rapport de forces déséquilibré entre Israël et la Palestine, il n’est pas possible de les laisser négocier face-à-face. Il faut donc une médiation. Or, celle-ci ne peut pas s’articuler exclusivement autour des Etats-Unis, médiateur traditionnel, car sa proximité vis-à-vis des Israéliens tend à les disqualifier. SE. M. Danon défend donc une double médiation menée par l’Arabie Saoudite avec les Etats-Unis.
Pourquoi l’Arabie Saoudite peut-elle jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien ?
SE. M. Danon considère que le seul État arabe véritablement intéressé par l’arrêt du conflit est l’Arabie Saoudite. En effet, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) souhaite normaliser les relations de son pays avec Israël car il a besoin de stabilité au Proche-Orient.
Sur le plan de la normalisation politique, l’Arabie Saoudite a observé la mise en œuvre des Accords d’Abraham (2020), entre Israël et les Émirats Arabes Unis (EAU) ainsi qu’entre Israël et Bahreïn, avant de chercher possiblement à les rejoindre. Or, ces accords sont un vrai succès. Ainsi, en 5 ans, le commerce bilatéral entre les EAU et Israël a dépassé celui entre la France et Israël. Le volet politique fonctionne donc, et ces accords n’ont pas été remis en cause par les EAU ou par le Bahreïn depuis le 7 octobre 2023.
En outre, MBS souhaite prolonger cette normalisation politique classique par une « normalisation religieuse » entre La Mecque et Jérusalem. En effet, MBS, qui contrôle déjà les lieux saints de Médine et La Mecque, cherche à devenir le chef spirituel total du monde sunnite. En ce sens, il pourrait souhaiter à terme récupérer la gestion de la Mosquée al-Aqsa, actuellement sous l’administration du Waqf, c’est-à-dire un bien public durablement confié aux Jordaniens.
MBS souhaite également être celui qui va régler la question israélo-palestinienne pour rentrer dans l’histoire. Pour ce faire, il s’appuie, en termes de méthode, sur ce qu’il s’est passé dans les pays du Golfe. En effet, ceux-ci ont envoyé les étudiants des EAU, de Bahreïn etc. dans les meilleures universités mondiales pour apprendre à construire et à gérer leur pays. MBS veut reproduire ce schéma pour assurer à terme le développement d’un Etat palestinien. Et ils semblent prêt à mettre les moyens pour que cela se concrétise.
Enfin, lesnégociations entre l’Arabie Saoudite et Israël n’ont jamais cessé, d’autant plus que les Etats-Unis sont à la manœuvre. En effet, les Etats-Unis ont tendance à apprécier les alliances de bloc à bloc. Dans la situation présente, l’Ouest fait face à la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. Cependant, de nombreux pays, et notamment les pays arabes du Golfe, ne veulent pas rentrer dans cette logique.
De son côté, MBS a initialement posé deux conditions pour normaliser politiquement avec Israël : une liste de matériel militaire pour se protéger de l’Iran et une stabilisation du conflit israélo-palestinien. Ne les ayant pas obtenus, l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle allait baisser le niveau de conflictualité avec son ennemi potentiel, l’Iran. Ainsi, le 10 mars 2023, cassant la logique bloc à bloc des États-Unis, l’Arabie Saoudite et l’Iran ont annoncé avoir signé un accord pour reprendre leurs relations diplomatiques. Finalement, les États-Unis ont cédé sur les deux conditions posées par MBS, auxquelles a été ajoutée ensuite la livraison d’une centrale nucléaire civile.
Quelle est l’incidence de l’Iran sur le conflit israélo-palestinien ?
En raison de ses proxys (le Hezbollah au Liban, le Hamas dans la bande de Gaza et les Houthis au Yémen), l’Iran est un facteur clé dans le conflit israélo-palestinien. L’Iran a désigné Israël comme un ennemi absolu qu’il souhaite détruire. En ce sens, l’Iran représente une « menace existentielle » pour Israël, même si le risque de mise à exécution de cette menace est très faible . Pour autant, l’Iran cherche à développer un axe chiite dans la zone et se focalise sur la destruction d’Israël.
De plus, l’Iran a inscrit le nucléaire dans son récit national. Il met en place des installations capables d’enrichir l’uranium à des degrés militaires, et se rapproche donc d’un pays du seuil. L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPoA), signé en 2015 après 16 ans de négociation, prévoyait de limiter l’enrichissement iranien. Mais, en 2018, D. Trump, poussé par B. Netanyahou, a cassé cet accord, ce que SE. M. Danon considère comme la plus grosseerreur stratégique des Etats-Unis depuis l’invasion de l’Irak en 2003. Dès lors, les pays occidentaux n’ayant pas de plan B, il est probable que ce soit la Russie qui s’occupe de cette question, avec l’appui de la Chine. Dans cette perspective, l’Iran va devenir un pays du seuil, ce qui va renforcer l’Iran dans sa posture. Surtout, ce ratage occidental va avoir des conséquences pour Israël, qui va se trouver sous la menace d’un pays du seuil.
Cependant, SE. M. Danon estime que cette situation ne va pas entraîner une guerre entre l’Iran et Israël. En effet, l’Iran est affaibli sur le plan intérieur car la population n’apprécie pas le gouvernement des mollahs et le pays est durement touché par les sanctions économiques. Pour autant, ce n’est pas le moment opportun pour attaquer l’Iran car cela pourrait susciter un fort sursaut nationaliste iranien. En outre, Israël ne peut pas tenir longtemps seule une guerre contre l’Iran. Si l’on s’en réfère à Clausewitz, il apparaît compliqué de faire rivaliser 9 millions d’habitants (Israël) contre 88 millions (Iran). Dès lors, afin d’anticiper au mieux une potentielle frappe en retour de l’Iran, Israël cherche à monter à l’avance une coalition suffisamment dissuasive. Récemment, une pré-coalition s’est formée entre les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Jordanie et l’Arabie Saoudite. Au vu des liens entre le Hamas qui a préempté la résistance palestinienne et l’Iran, se profile donc une bataille géopolitique des chiites, emmené par l’Iran, face au monde sunnite, mené par l’Arabie Saoudite avec l’appui des Occidentaux.
Que faut-il faire concrètement ?
Outre le fait de changer les responsables à la manœuvre dans les deux camps, SE. M. Danon préconise une médiation équilibrée qui tient compte de la réalité des Palestiniens. Celle-ci doit prendre son temps car envisager un Etat palestinien à court terme serait prématuré. En effet, il est nécessaire de construire une gouvernance solide pour que les Israéliens puissent accepter un État palestinien.
Si le conflit israélo-palestinien est de nature géopolitique, il comporte une autre composante déterminante, la dimension religieuse. En effet, les Messianiques juifs refusent de lâcher les territoires pour des raisons religieuses. Une difficulté structurelle à gérer le Mont du Temple persiste. Enfin, les politiques et diplomates souhaitant le compromis se heurtent à la radicalité religieuse. L’attentat du 7 octobre 2023 en est le symbole. Par conséquent, cette montée du religieux déplace les frontières du conflit israélo-palestinien. En effet, le Palestinien est devenu un symbole du refus de l’histoire et des valeurs de l’Occident.
Enfin, au-delà de l’action politique, SE. M. Danon incite ceux qui choisissent leur camp à garder au fond d’eux de la compassion et de l’empathie pour ce qu’il se passe de l’autre côté.
Copyright pour la synthèse 7 mai 2024-Danon-Reynier/Diploweb.com
Copyright pour l’audio et la vidéo Avril 2024-Danon/Diploweb.com
Bonus, la vidéo de la conférence Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? E. Danon
Au 890e jour de guerre, les avancées russes dans l’est de l’Ukraine sont d’un kilomètre par jour. Elles ne préfigurent pas un effondrement ukrainien mais témoignent malgré tout de progrès constants. Des détails et des chiffres.
Sur un front long de 980 km, mais en particulier dans l’est de l’Ukraine, les combats se poursuivent depuis une année, sans que l’un ou l’autre des deux camps n’ait encore réussi à réaliser et exploiter une manœuvre décisive. Les Russes y disposent toutefois d’un double avantage : d’abord une indiscutable supériorité aérienne (sauf dans le domaine des drones), ensuite un réservoir humain bien supérieur à celui des Ukrainiens qui peinent toujours à recruter. Ces deux facteurs expliquent la situation périlleuse de certaines unités de l’armée ukrainienne forcées de reculer, pied à pied, dans certains secteurs.
Les récentes brèches russes dans le dispositif défensif ukrainien constituent-elles des « percées », comme l’estimait, il y a trois jours, le compte spécialisé sur X (ex-Twitter) Macette Escortet ? Les chiffres ont effectivement de quoi inquiéter.
Selon des données de l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), entre le 1er et le 30 juillet, 198 km2 ont été conquis par Moscou, parmi lesquels 155 km2 l’ont été dans la seule région de Donetsk (contre 129 km2 en juin).
Dans ce secteur, les forces russes poussent en direction des localités de Pokrovsk, Toretsk et Tchassiv Yar pour ensuite pouvoir attaquer les cités de Kramatorsk et Sloviansk, où les Ukrainiens ont leurs bases arrière et par lesquelles ils font transiter leurs renforts. Et les Russes visent également Kostiantynivka et la route qui relie cette agglomération à celle de Pokrovsk.
Poussée violente
Si les Russes sont encore à 18 km de cette dernière localité, ils sont à moins de 3 km des premières rues de Toresk, dont les rares habitants survivent au milieu des ruines, et ils sont entrés dans les quartiers de l’est de Tchassiv Yar (ouest de Bakhmout) où les combats sont intenses.
Au total, depuis le début de l’année 2024, la Russie a conquis 1 246 km², largement plus que sur l’ensemble de 2023 (584 km2). Cette progression reste cependant réduite, puisqu’elle n’a donné lieu à aucune percée décisive malgré de lourdes pertes et ne correspond qu’à 0,2 % du territoire ukrainien d’avant 2014 (c’est-à-dire avant la perte d’une partie du Donbass et de la Crimée).
Les observateurs et experts militaires les plus optimistes parlent de « poussée » russe et non de « percée ». Certains décrivent même un front globalement figé. Il n’en est rien: le champ de bataille du Donbass est extrêmement dynamique avec de violents combats terrestres qui mettent à mal les troupes engagées, vident les stocks de munitions et se soldent par des pertes élevées de part et d’autre.
Le 25 juin 2006, un commando palestinien attaque le poste militaire de Kerem Shalom, près du territoire du Gaza. Le commando tue deux soldats israéliens et en capture un autre, nommé Gilad Shalit. Le 28 juin, Tsahal lance l’opération Pluies d’été pour essayer de le retrouver et punir les auteurs de l’attaque. L’opération commence par une série de frappes aériennes sur des infrastructures du Hamas mais aussi de l’Autorité palestinienne et du Fatah, pourtant étrangers à l’attaque du 25 juin. La centrale électrique du sud du territoire est ainsi détruite. La campagne de frappes est prolongée en juillet par des incursions de forces terrestres au centre de Gaza. Le 12 juillet, sans doute pour montrer sa solidarité avec les organisations palestiniennes et faire libérer des prisonniers en échange d’otages, le Hezbollah organise à son tour un raid de commandos qui parvient à franchir la barrière le long de la frontière nord d’Israël. Le commando intercepte une patrouille israélienne, tue huit soldats et en capture deux autres avant de revenir au Liban.
Dissuasion instable
Le Premier ministre Ehoud Olmert qui vient de succéder à Ariel Sharon saisit l’occasion pour reprendre l’initiative après le retrait de Gaza, assurer une image d’homme fort soucieux de la sécurité des Israéliens et restaurer la capacité de dissuasion israélienne. L’effort de guerre est déplacé immédiatement de Gaza vers le Liban et Olmert annonce haut et fort la destruction prochaine du Hezbollah, l’organisation chiite qui a contraint l’armée israélienne à quitter le Sud-Liban et menace désormais tout le nord du pays.
On connaît la suite : les forces aériennes israéliennes ravagent le Liban sans empêcher le Hezbollah de tirer une centaine de roquettes chaque jour pendant plus d’un mois sur le nord d’Israël et les forces terrestres, très maladroitement engagées, sont tenues en échec. La résolution 1701 du conseil de sécurité des Nations unies qui appelle au désarmement du Hezbollah et au contrôle du Sud-Liban par l’armée libanaise et la FINUL permet à tout le monde de sauver la face et d’arrêter les combats, même si personne ne croit à sa mise en œuvre réelle. Depuis cette époque, Israël et le Hezbollah s’observent avec méfiance, conscients du mal que chacun peut faire à l’autre, ce qu’on appelle aussi de la dissuasion mutuelle.
Les choses ont fondamentalement peu changé depuis cette époque, à part que le Hezbollah est bien plus puissant qu’à l’époque. C’est l’organisation armée qui dispose du plus grand arsenal de projectiles au monde, un arsenal bien supérieur en quantité, avec un total de 130 à 150 000 projectiles en tout genre et en qualité avec des engins à courte portée – drones, missiles – très difficiles à arrêter et des centaines de missiles balistiques capables de frapper toutes les villes d’Israël. Le Hezbollah peut lancer chaque jour autant de projectiles que pendant toute la guerre de 2006 et finir par submerger le très sophistiqué système de défense aérienne israélien.
Une question fondamentale qui se pose du côté israélien est de savoir si cet arsenal peut être suffisamment réduit par une attaque massive préventive pour permettre ensuite au bouclier de contrer le reste et neutraliser ainsi l’ennemi. La tentation est donc très forte de recourir à cette attaque désarmante, mais pour autant son résultat n’est pas certain. Il est fort possible que l’arsenal du Hezbollah soit une force de seconde frappe, c’est-à-dire capable de faire quand même très mal malgré une attaque préalable. Du côté du Hezbollah on se dit sans doute aussi qu’il vaudrait également mieux frapper les premiers.
Ce n’est pas tout. Le Hezbollah dispose aussi d’une infanterie très supérieure en qualité, en armement et en quantité à celle du Hamas, avec entre 40 et 50 000 combattants permanents, dont la force spéciale Radwan, et bien plus de miliciens réservistes. Outre les combats de 2006 et ceux des années 1990 pour les plus anciens, beaucoup de ces combattants ont l’expérience de la guerre en Syrie où ils ont servi de fer de lance du régime d’Assad. Autrement dit le Hezbollah, a non seulement aussi au sol de quoi résister durement à une offensive israélienne mais également sans doute de quoi attaquer le territoire israélien. Même si le Hezbollah n’a plus osé attaquer directement Israël depuis 2006, contrairement au Hamas, il constitue la menace principale pour l’Etat hébreu
Juste en dessous de la guerre totale
Survient le 7 octobre 2023. Alors que les Israéliens ont surtout le regard tourné vers le Liban et la Cisjordanie, l’attaque la plus terrible contre le sol israélien depuis 1949 vient du territoire de Gaza. Tout en combattant l’attaque du Hamas au sud, le gouvernement israélien observe donc avec angoisse la frontière nord avec la crainte d’une offensive similaire de la part du Hezbollah selon un plan coordonné, comme lors de l’offensive commune de l’Égypte et de la Syrie le 6 octobre 1973 ou en décalé comme en 2006. Le risque est majeur et dès la mobilisation trois divisions de réserve israéliennes sont immédiatement envoyées ou renforcées au nord du pays et l’aviation effectue des démonstrations de force.
Rien ne vient pourtant de ce côté le 7 octobre. Il est clair désormais que le Hezbollah n’avait pas été mis au courant de l’attaque du Hamas, ne serait-ce que pour préserver le secret et la surprise. Il est clair aussi que le Parti de Dieu, par peur de la furie israélienne contre lui et un Liban en crise profonde, n’avait pas du tout envie de se lancer dans une guerre totale. Pour autant, il semblait obligatoire de montrer sa solidarité avec le Hamas, même si les relations avec l’organisation palestinienne ont toujours été ambiguës. Il ne faut pas oublier non plus que la plupart des organisations armées palestiniennes, dont le Hamas et le Jihad islamique, sont également présentes au Liban, avec des capacités de frappe et de combat terrestre modestes mais suffisantes pour harceler la frontière avec Israël. Les premiers tirs venant du Liban contre l’État hébreu et les premières ripostes israéliennes surviennent le 8 octobre. Les populations frontalières israéliennes et libanaises commencent à évacuer la région.
La tentation est alors forte au sein du gouvernement israélien, le ministre de la Défense Yoav Gallant en tête, de considérer, comme en 2006, qu’il faut certes châtier le Hamas mais aussi, et peut-être même prioritairement, attaquer préventivement le Hezbollah. L’intervention rapide américaine, avec le déploiement d’une armada très dissuasive vis-à-vis de l’Iran et du Hezbollah (on rappellera au passage que les Américains n’ont jamais oublié les 240 morts du 23 octobre 1983 à Beyrouth ni l’aide de l’Iran à beaucoup de leurs ennemis en Irak) et le déplacement de Joe Biden appelant dès le 10 octobre les Israéliens à la retenue calme en partie les ardeurs. La constitution d’un cabinet de guerre avec Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux anciens chefs d’état-major hostiles à l’aventurisme, finit par convaincre au moins de la dangerosité de se lancer dans deux guerres simultanément.
Les forces aériennes et les divisions d’active 98 et 162, aidées des divisions de réserve les plus solides, sont finalement totalement engagées à Gaza. Les Israéliens saisissent néanmoins toutes les occasions pour frapper au Liban et en Syrie pour interdire l’approvisionnement du front libanais et pour tuer les cadres du Hamas bien sûr, comme Saleh el-Arouri frappé le 2 janvier 2024 au cœur de Beyrouth, du Hezbollah et même de l’organisation Qods dans le consulat iranien à Damas le 1er avril 2024. Ces frappes sont toujours expliquées comme étant en riposte de celles du Hezbollah, qui annonce lui-même que ce sont des réponses aux frappes israéliennes. Le Hezbollah prend soin de ne pas aller trop loin en évitant de toucher les civils. En neuf mois, les 6 400 projectiles du Hezbollah, des roquettes à faible portée et missiles antichars à longue portée comme les Kornet russes pouvant frapper avec précision et sans pouvoir être arrêtés jusqu’à 10 km, provoquent la mort de plus de trente Israéliens, des soldats pour la plupart. Dans la grande majorité des cas, le Hezbollah tire sur des villages vides. Les attaques israéliennes tuent près de 400 personnes au Liban, là encore des combattants du Hezbollah pour la plupart et une centaine de civils.
Même lorsque les Iraniens décident de frapper Israël dans la nuit du 13 au 14 avril en riposte à l’attaque du consulat à Damas et actionnent l’ensemble du « cercle de feu » des organisations armées alliées, la participation du Hezbollah est des plus modestes. La réponse israélienne le 19 avril évite également le Parti de Dieu pour frapper en Iran et en Syrie. La guerre de part et d’autre de la frontière entre Israël reste donc volontairement contenue.
Les choses commencent à bouger à l’été. Le 9 juin, Benny Gantz quitte le cabinet de guerre et la capacité de persuasion de Joe Biden s’effrite au grès de ses difficultés dans la campagne électorale américaine. Les 63 000 réfugiés intérieurs israéliens originaires de la frontière expriment de plus en plus fort leur lassitude. La guerre à Gaza est également en train de changer de phase. Le Hamas a été sévèrement touché et ne constitue plus une menace. Si la guerre continue de ce côté, elle prend de plus en plus l’aspect d’un quadrillage. Cela signifie concrètement qu’une fois le nettoyage de Rafah terminé, les divisions 98 et 162 ainsi que la majorité des forces aériennes seront disponibles pour agir ailleurs. Il faudra certes reconstituer un peu ses forces et recompléter son stock de munitions aériennes avec l’aide américaine, mais on pouvait alors considérer que Tsahal pourrait mener bientôt une campagne aéroterrestre complète au Liban à la fin de l’été ou au début de l’automne, peut-être en profitant de grands évènements internationaux comme les Jeux olympiques ou l’élection présidentielle américaine.
Danse sur un volcan
Le 27 juillet, une roquette de forte puissance Falaq-1 frappe la ville druze de Majdal Shams sur le plateau du Golan, tuant 12 adolescents.C’est le plus grand massacre d’Israéliens depuis l’attaque du 7 octobre et l’émotion est évidemment immense. Le Hezbollah nie, contre toute évidence, son implication dans la tuerie. Il est vrai que ce massacre tranche avec la politique de l’organisation depuis dix mois et que le groupe d’adolescents druzes n’était pas spécialement visé, puisqu’il est impossible de le faire avec une munition aussi imprécise après un vol de plusieurs kilomètres. Toujours est-il que le Hezbollah a lancé 50 kg d’explosif sur une ville. Il avait utilisé pour la première fois une Falaq-1 fin janvier, mais contre des installations militaires et l’avait revendiqué. Peut-être s’agissait-il le 27 juillet de frapper également un objectif militaire ou peut-être un commandant a-t-il voulu réellement frapper une petite ville, on ne sait pas très bien. Toujours est-il que volontairement ou non, un seuil a été franchi qui appelle forcément à une réaction forte israélienne.
Que faire ? Les partisans de la destruction du Hezbollah ou du moins de son expulsion au sud du fleuve Litani peuvent arguer qu’on aurait dû agir plus fortement et plus tôt. Désormais en position de forces, ils prônent donc une offensive « surprenante, rapide et brutale » selon les mots du Yoav Gallant le 17 juillet devant des réservistes gardant la frontière. Les forces terrestres ne sont pas encore prêtes mais il est possible de lancer d’ores et déjà une grande campagne aérienne, même si la consommation considérable de munitions sur Gaza a un peu épuisé les stocks. Les prudents font remarquer que les opérations ne sont pas terminées à Gaza, qu’il y reste encore 116 otages, et qu’il serait hasardeux de se lancer dès à présent dans une nouvelle guerre très incertaine. La communauté internationale craint surtout un embrasement régional si l’Iran et tous ses groupes alliés se mettent de la partie, obligeant sans doute les autres acteurs de la région, occidentaux ou arabes, à s’impliquer également.
L’option la plus probable à ce stade est donc une série de frappes aériennes d’une intensité inédite sur ce front mais encore limitées dans leur volume et leur objectif, le Hezbollah et le Hezbollah seul. Une escalade limitée donc pour se venger mais aussi « pour voir ». Le Hezbollah peut alors céder et accepter un repli (sans aucun doute temporaire) au nord du Litani en signe de volonté de paix, surtout à destination libanaise. Il peut riposter modérément afin de continuer à rester sous le seuil de la guerre totale. Il peut aussi escalader en étendant nettement le volume et la portée de ses tirs sur Israël. On rentrerait alors sans aucun doute dans un engrenage terrible où l’aviation israélienne aurait alors toute justification pour frapper le Hezbollah le plus massivement possible afin de stopper ses tirs et de détruire le plus vite possible son arsenal à longue portée.
Il est fort possible aussi, comme en 2006, que les Israéliens choisissent aussi de frapper le reste du Liban en espérant que le gouvernement libanais (si tant est qu’il y en ait réellement un), l’armée libanaise (idem) et même la population finiront par pousser le Hezbollah à céder. Le général Gadi Eisenkot, membre du cabinet de guerre avait baptisé cela la « doctrine Dahiya », du nom d’un quartier de Beyrouth bombardé dès le début de la guerre de 2006. Le Liban n’a jamais eu besoin d’une campagne de bombardement mais surtout pas en ce moment, et cela a effectivement joué sans aucun doute dans la retenue du Hezbollah, mais on ne sait pas très bien par quel miracle ce concept fonctionnerait maintenant alors qu’il n’a jamais fonctionné dans le passé.
Si le Hezbollah ne cède pas malgré les coups reçus du ciel, il n’y aura pas d’autre solution que de lui donner des coups au sol et donc d’engager les forces terrestres, et notamment les deux divisions d’active venant du sud. L’armée de Terre israélienne n’est plus celle, très maladroite, de 2006 d’autant plus qu’elle s’est largement aguerrie depuis neuf mois. La nouvelle offensive serait infiniment mieux coordonnée et ressemblerait sans doute au rouleau compresseur des colonnes blindées de l’opération Paix en Galilée en 1982. L’armée israélienne avait alors engagé cinq divisions avec 78 000 hommes face à 30 000 Syriens et au maximum 15 000 combattants de l’OLP. L’armée israélienne peut désormais engager moins de troupes qu’à l’époque alors que le Hezbollah, qui a parfaitement organisé le terrain, dispose d’une infanterie très supérieure aux forces syriennes et palestiniennes.
Le combat sera sans aucun doute très brutal, pour reprendre les termes de Yoav Gallant, certainement pas rapide et effectivement sans doute surprenant mais pas forcément en faveur d’Israël. S’il y avait toujours le moyen de présenter une victoire militaire contre le Hamas, même relative puisque l’organisation est toujours là et tient le terrain, les choses sont beaucoup plus incertaines contre le Hezbollah. Ce qui est sûr c’est que le Liban sera ravagé, une partie d’Israël aussi sans doute, et les pertes et les souffrances très élevées. Cela vaut-il le coup ? Même s’il était vaincu au Sud-Liban le Hezbollah a suffisamment de profondeur stratégique pour survivre, se reconstituer, revenir et redevenir la même menace dans quelques années. A moins de changer radicalement de vision du monde et de politique dans les deux camps, et ce n’est visiblement pas la tendance, l’affrontement est condamné à être éternel.
Après des mois d’échanges de tirs transfrontaliers entre les deux forces armées, le général israélien Ori Gordin a déclaré avoir déjà éliminé «plus de 500 terroristes au Liban» et «préparer la transition vers l’offensive».
Un commandant de l’armée israélienne a indiqué ce vendredi 26 juillet que les troupes dans le nord du pays, où Israël partage une frontière avec le Liban, se préparaient à une «offensive décisive» contre le Hezbollah, après des mois d’échanges de tirs transfrontaliers. Le mouvement islamiste libanais Hezbollah et l’armée israélienne échangent des tirs quasi quotidiennement depuis l’attaque le 7 octobre du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.
Dans un discours prononcé lors d’un déplacement dans le Nord, le général israélien Ori Gordin, a déclaré aux soldats: «nous avons déjà éliminé plus de 500 terroristes au Liban, la grande majorité d’entre eux appartenant au Hezbollah», selon un communiqué de l’armée. Les troupes israéliennes dans le Nord sont actuellement en opération pour protéger les habitants de cette partie du pays et «préparer la transition vers l’offensive», a ajouté le général Gordin, commandant les forces israéliennes. «Quand le moment viendra et que nous passerons à l’offensive, ce sera une offensive décisive», a-t-il encore dit.
Les violences depuis le 8 octobre entre l’armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l’AFP à partir de différentes sources. La plupart d’entre eux, 342 personnes, ont été confirmés comme étant des combattants du Hezbollah, mais le bilan comprend également 104 civils. Orin Gordin n’a pas mentionné de victimes civiles. Dans le nord d’Israël, au moins 18 soldats israéliens et 13 civils ont été tués, selon l’armée.
Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, affirme que ses attaques contre Israël depuis le 8 octobre ont pour objectif de soutenir son allié du Hamas. Des dizaines de milliers d’habitants ont depuis été déplacés au Liban et en Israël en raison de cette flambée de violence transfrontalière.
Lasers, essaims de drones, missiles hypersoniques… Ces nouvelles armes sont sur le point de bouleverser les conflits. L’art de la guerre n’échappe pas à l’accélération de l’Histoire. S’il fallait des décennies, voire des siècles, pour inventer un nouvel alliage métallique ou changer la forme d’un bouclier durant l’Antiquité, il suffit aujourd’hui de six mois pour qu’un drone soit obsolète sur le champ de bataille.
« Une invention qui change la donne à elle toute seule, cela n’existe plus, à part peut-être l’arme atomique », prévient Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Observatoire des conflits futurs de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Adieu donc les fameux game changers, ces armements censés offrir un avantage décisif et définitif. « La guerre reste un duel dans lequel il n’y a pas de solution miracle, mais une combinaison de systèmes d’armes tous nécessaires », ajoute l’auteur de Géopolitique de l’armement (Le Cavalier bleu). Néanmoins, dans tous les domaines, des inventions vont radicalement transformer la conduite de la guerre. Emblème de cette révolution, l’intelligence artificielle (IA) « va irriguer toutes les dimensions de notre travail », assure le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre française, qui salue la création en mars dernier de l’agence ministérielle de l’IA de défense (Amiad).
« Dans dix à quinze ans, un tiers de l’armée américaine sera robotisé et largement contrôlé par des systèmes dotés d’IA», a même prédit le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées américaines sous les présidents Trump puis Biden, lors d’une conférence le 15 juillet 2024. Aux États-Unis comme en Chine, des milliers d’ingénieurs travaillent sur des algorithmes voués à l’analyse du renseignement, à la surveillance automatisée des mouvements ennemis, à la conduite de mission des essaims de drones ou encore à la maintenance prédictive des outils les plus précieux comme les avions, les navires et les chars. Presque tout peut être géré par une IA en une fraction de seconde, charge ensuite aux humains de suivre le rythme impulsé par la machine.
L’étape suivante sera celle des systèmes d’armes létaux autonomes (Sala, parfois surnommés « drones tueurs »), une piste que plusieurs pays, dont la France, refusent de suivre. L’idée est de créer des drones terrestres, aériens et navals dotés d’une autonomie de décision plus poussée que celle des armements actuels, qui leur permettrait de tuer sans intervention humaine.
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« Camouflage électronique »
« Dans l’immense majorité des cas aujourd’hui, les opérateurs de drones ne pilotent qu’une seule machine en utilisant une liaison radio », explique Éric Lenseigne, vice-président de Thales chargé de la guerre des drones, qui précise que son groupe fait « d’ores et déjà voler des essaims d’une dizaine de drones hétérogènes, qui accomplissent des missions précises sous le contrôle d’un opérateur unique ». Les usages sont infinis et parfois inattendus : « Des essaims de drones peuvent servir de camouflage électronique en émettant des ondes au-dessus d’un poste de commancdement », rapporte par exemple le général Pierre Schill. De quoi préfigurer la véritable révolution à venir pour les drones : celle de l’intelligence artificielle embarquée.
« Les essaims de drones que les hommes réussissent à créer avec l’IA sont aussi complexes que des vols d’étourneaux, l’une des choses les plus élaborées que l’on connaisse dans la nature », estime Giorgio Parisi, Prix Nobel de physique 2021 pour ses travaux sur les systèmes complexes. « À la différence près que les étourneaux n’ont la capacité de communiquer qu’avec les oiseaux les plus proches, alors que les drones communiquent à longue portée », précise le physicien. L’IA est la seule technologie capable de fournir à l’essaim l’agilité nécessaire pour remplacer à la volée les drones perdus et réorganiser les forces restantes. Les petits processeurs de chaque drone, connectés entre eux, fournissent une puissance de calcul importante tant que la liaison radio reste performante. Mais dans un contexte de spectre disputé, avec des brouillages de part et d’autre et des changements réguliers de fréquence et de mode de chiffrement, ce n’est pas un atout facile à préserver.
Autre nouveauté qui appartenait jusqu’à peu à la science-fiction : le laser. Les quelques armes expérimentales, installées notamment sur des navires et sur de petits blindés, ouvrent la voie à une systématisation de leur présence sur le champ de bataille en complément des fusils, canons et missiles traditionnels. Avec le laser, il n’y a pas de munitions : les tirs sont illimités tant que l’énergie est disponible.
« L’instantanéité du tir est aussi un atout majeur », précise Léo Péria-Peigné, qui souligne cependant « les problèmes d’échauffement et d’usure des lasers lorsqu’ils sont très sollicités ».
Les blindages doivent être réimaginés, tout comme la logistique et surtout la production d’énergie des véhicules, navires et avions. Seuls les porte-avions équipés de petits réacteurs nucléaires semblent aujourd’hui suffisamment dotés en électricité pour mettre en oeuvre plusieurs canons lasers dans un contexte de combat de haute intensité.
Manipuler les perceptions du cerveau
Le supersonique était une évolution, l’hypersonique est une révolution. Capables de dépasser cinq fois la vitesse du son (6 174 km/h), les missiles de croisière et les planeurs hypersoniques rejoignent les missiles nucléaires intercontinentaux dans la panoplie des armes quasiment imparables. Pis : contrairement à ces derniers, leur trajectoire n’est pas balistique. Jusqu’au dernier moment, ils peuvent manoeuvrer pour échapper à des défenses ou pour camoufler la véritable origine de l’attaque. Leur vitesse ne laisse que quelques instants à la cible pour décider d’une riposte, qui peut prendre la forme d’une contre-attaque éclair visant les systèmes de guidage et de ciblage des armes hypersoniques adverses : c’est ce que prévoit la Russie par exemple, avec une combinaison de missiles et de lasers. Toutefois, les armes hypersoniques coûtent très cher et n’apportent pas toujours un avantage décisif.
« La Russie dispose de missiles hypersoniques et cela ne lui a pas donné la victoire en Ukraine depuis deux ans », relève Léo Péria-Peigné, selon qui « Moscou préfère fabriquer une myriade de petits drones rustiques ou de missiles classiques, pour le prix d’un seul missile hypersonique ».
On sait brouiller les communications ; mais les cerveaux ? La guerre cognitive rêve de manipuler les perceptions du cerveau et donc d’altérer sa capacité à décider. En 2016, des diplomates américains et canadiens en poste à La Havane ont été pris de mystérieux vertiges et de maux de tête violents, au point qu’ils ont dû être rapatriés pour être traités dans leur pays.