Les Forces aériennes stratégiques : 60 ans de dissuasion nucléaire

par AASSDN – publié le 20 octobre 2024

http://AASSDN.org/


Découvrez les 6 choses à retenir sur la dissuasion nucléaire grâce au dossier mis à votre disposition par l’armée de l’Air et de l’Espace.

« Le temps est venu pour l’Europe de se réarmer » Entretien avec Pierre Lellouche

« Le temps est venu pour l’Europe de se réarmer »

Entretien avec Pierre Lellouche

par Pierre Lellouche – Revue Conflits – publié le 30 octobre 2024

https://www.revueconflits.com/le-temps-est-venu-pour-leurope-de-se-rearmer-entretien-avec-pierre-lellouche/


Observateur attentif des relations internationales, Pierre Lellouche publie une analyse fouillée de la guerre en Ukraine et de ses conséquences mondiales : Engrenages – La guerre d’Ukraine et le basculement du monde. Dénonçant, une guerre de l’émotion engagée par les occidentaux, sans réflexion stratégique, en réaction à l’agression Russe de février 2022, il appelle les Européens en particulier à un réarmement intellectuel, politique et militaire pour relever les défis de l’après-guerre en Europe, comme dans le reste du monde déjà impacté par ce conflit.

Co-fondateur de l’IFRI (Institut Français des Relations internationales), puis Député, Ministre, Président de l’Assemblée Parlementaire de l’Otan, et Représentant Spécial de la France en Afghanistan-Pakistan, Pierre Lellouche a consacré l’essentiel de sa carrière aux questions internationales. Il vient de publier Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde (Odile Jacob).

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé

J.-B. N. : Dans votre dernier livre, Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde, vous analysez les dynamiques géopolitiques de ce conflit. Vous parlez notamment de la guerre en Ukraine comme d’une « sécession ». Pourquoi utiliser ce terme ?

P. L. : Ce terme s’impose, si l’on considère la longue histoire des relations entre ces deux peuples slaves, notamment les 300 ans d’intégration de l’Ukraine dans la Russie impériale, puis l’URSS, après 600 ans de domination, polonaise et lituanienne. En vérité, la Russie n’a jamais véritablement accepté que ce pays échappe à son orbite, même après l’indépendance de l’Ukraine en 1991. L’Ukraine, pour sa part, cherche à se libérer définitivement de cette tutelle historique, en particulier depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Cette guerre n’est donc rien d’autre qu’une guerre de sécession, prise dans l’affrontement entre Américains et Russes, où l’Ukraine tente de consolider son indépendance en s’appuyant cette fois sur l’Amérique et l’Europe face à une Russie qui souhaite la maintenir dans sa sphère d’influence. Le conflit actuel est l’aboutissement d’une série de tensions non résolues depuis la fin de la Guerre froide.

J.-B. N. : Vous comparez souvent cette situation avec la période qui a suivi le traité de Versailles. Pouvez-vous expliquer ce parallèle historique ?

 P. L. : Le parallèle est pertinent, car le traité de Versailles, de 1919 avait laissé sans réponse, nombre de questions géopolitiques capitales, comme le comprit très rapidement Jacques Bainville dans son ouvrage Les conséquences politiques de la paix (1919). À Versailles, d’ailleurs, la question ukrainienne avait été purement et simplement ignorée : par les vainqueurs comme par les vaincus, tandis qu’en Russie, les Bolcheviques comme les Russes Blancs considéreraient eux aussi l’Ukraine comme faisant partie intégrante de la Russie. En 1945, Staline traça les frontières de l’Ukraine moderne, mais à l’intérieur de l’Union soviétique, et Khrouchtchev y ajouta la Crimée en 1956, comme « cadeau » à la République Soviétique de Kiev.

La question se posa à nouveau en 1991 lors de l’effondrement de l’URSS : qu’allait-on faire de ce pays, à l’époque de 52 millions d’habitants et trois fois plus vaste que la France ? Confirmer son ancrage vers la Russie, ou l’accueillir à l’ouest, ou simplement lui donner un rôle de pont entre les deux camps et donc un statut de neutralité garantie par la communauté internationale ?  En vérité, les Occidentaux n’ont jamais voulu, ou su traiter cette question de manière explicite, pour des raisons tenant à l’indifférence, à l’ignorance, au business (le gaz russe bon marché), bref à une négligence stratégique, similaire aux années 1930. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine rappelle ces tensions géopolitiques mal gérées, amplifiées par l’élargissement de l’OTAN et l’incapacité des grandes puissances à s’entendre sur le statut de l’Ukraine.

J.-B. N. : Vous avez parlé d’une « guerre par procuration » entre l’OTAN et la Russie. Pouvez-vous expliciter cette notion ?

P. L. : La guerre d’Ukraine est devenue une guerre par procuration non déclarée entre l’OTAN et la Russie à partir d’avril 2022. Après l’échec de l’armée russe devant Kiev, et son retrait vers Karkiv en mars, les États-Unis, suivis par les pays européens, ont commencé à fournir des quantités massives d’armes, ainsi que des soutiens financiers considérables (au moins 300 milliards de dollars à ce jour). Le Secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, a été l’un des premiers à dire ouvertement que l’objectif était d’affaiblir l’armée russe et de « lui ôter toute envie de recommencer». On est alors entrés dans une dynamique de confrontation entre les deux camps autour de l’avenir de cette zone tampon, l’Ukraine, comprise entre l’Allemagne et la Russie. Comme à leur habitude, les Russes ont rapidement renversé leur discours : d’agresseur, ils prétendaient désormais être la victime d’une agression, de la part de « l’Occident collectif». Cependant, ce qui manque toujours du côté occidental, c’est une vision claire des buts de guerre. Clausewitz disait : « Le dessein politique est le but. La guerre est le moyen. Un moyen sans but ne se conçoit pas. » Une sentence que nos dirigeants devraient méditer…

Car on ne sait toujours pas ce que l’Occident veut réellement obtenir à l’issue de cette guerre. Est-ce la libération totale du territoire ukrainien, ce qui semble aujourd’hui hors de portée ? Ou bien la chute du régime de Poutine ? Cette ambiguïté affaiblit la stratégie occidentale, tandis que la lassitude gagne en Europe comme aux États-Unis, et que les caisses sont vides…

J.-B. N. : Donc l’Occident n’a pas d’objectif de guerre clair ?

P. L. : Exactement. Contrairement à la Russie, qui a défini des objectifs – même s’ils ont évolué au fil du conflit – l’Occident semble manquer de but précis. Au début, la Russie voulait sans doute occuper toute l’Ukraine et installer un régime pro-russe, mais cette ambition a échoué. Les Russes ont alors concentré leurs efforts sur le Donbass et la Crimée. L’objectif russe est donc plus ou moins clair aujourd’hui : maintenir le contrôle de ces régions. En revanche, du côté occidental, le discours se résume à un slogan assez flou : « aussi longtemps que nécessaire», sans que l’on sache vraiment ce que cela signifie. Nous sommes dans une guerre où les émotions dominent, mais sans véritable plan stratégique à long terme.

J.-B. N. : Vous mentionnez dans votre livre que la guerre en Ukraine entraîne des répercussions plus larges et s’inscrit dans un basculement du monde. Pouvez-vous nous en dire plus ?

P. L. : La guerre d’Ukraine marque un tournant majeur dans l’histoire du monde, 30 ans après la fin de la guerre froide, et ce pour deux raisons.

Cette guerre est d’abord fondamentale pour le devenir du système de sécurité en Europe même : le statut de cette zone stratégique, essentielle, comprise entre l’Allemagne et la Russie en est l’enjeu.  Cette question constituera le cœur de la future négociation de paix, sans doute à partir de l’an prochain.

Mais cette guerre est également fondamentale en ce qu’elle a provoqué l’accélération de nombre de mouvements telluriques déjà à l’œuvre dans la communauté internationale et dans les rapports de force entre les nations. Sans nous en rendre compte, nous avons fabriqué une alliance stratégique entre la Chine et la Russie – le cauchemar d’Henry Kissinger – une alliance à laquelle se sont joints deux États particulièrement toxiques, l’Iran et la Corée-du-Nord. Quatre puissances nucléaires : ce que j’appelle dans le livre, « les Quatre cavaliers de l’apocalypse ».

Nous assistons à une recomposition des alliances internationales, avec d’un côté l’Occident, et de l’autre, une grande alliance révisionniste, certes hétérogènes, formée par la Russie, la Chine, l’Iran, et la Corée du Nord. Cette alliance s’oppose de plus en plus ouvertement à l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale, dominé par les États-Unis et leurs alliés. Ce bloc révisionniste est soutenu par ce que la Russie appelle « la majorité du Sud global », des pays émergents et des puissances régionales qui ne veulent plus être soumis à la domination occidentale. Ils cherchent à construire un ordre alternatif, avec des institutions comme les BRICS ou des structures financières alternatives au système du dollar. Cette transformation marque un tournant majeur dans l’histoire du monde.

J.-B. N. : Vous soulignez également l’imbrication de la guerre en Ukraine avec d’autres conflits, notamment au Moyen-Orient. Pouvez-vous expliquer ce lien ?

P. L. : Oui, la guerre d’Ukraine a déjà métastasé. Il y a une connexion très nette entre la guerre d’Ukraine et d’autres zones de conflit, notamment au Moyen-Orient, où l’on retrouve les mêmes acteurs. L’Iran, par exemple, joue un rôle crucial dans ces deux théâtres. Il fournit des drones et des armes à la Russie, qui les utilise contre l’Ukraine. En même temps, l’Iran mène une guerre contre Israël, soutenu par des puissances comme la Chine qui contourne les sanctions en achetant du pétrole iranien.

Ces guerres sont interconnectées à travers des alliances stratégiques, économiques et militaires. Par exemple, la Corée du Nord, qui soutient la Russie en fournissant des armes et désormais des soldats, se voit en retour protégée par Moscou et Pékin sur la scène internationale. Ces dynamiques montrent que la guerre en Ukraine a déclenché une série de répercussions dans d’autres régions du monde, notamment au Moyen-Orient, en Asie, et même en Afrique, où l’influence américaine et française est remise en question.

J.-B. N. : À quoi pourrait ressembler une issue négociée à ce conflit selon vous ?

P. L. : Un accord de paix est possible, mais sera-t-il solide et surtout durable ? Où allons-nous refermer la plaie en laissant l’infection à l’intérieur ? Dans les grandes lignes, l’essentiel de l’accord a déjà été négocié entre les belligérants dès avril 2022, sous médiation turque (je publie en annexe, dans mon livre, l’essentiel du projet d’accord alors négocié).

Les deux parties devront d’abord se mettre d’accord sur un partage territorial que naturellement ni l’Ukraine, ni les Occidentaux ne reconnaîtront comme définitif, de même que dans les années 40, nous n’avions pas, nous Occidentaux, reconnu la partition de l’Allemagne comme définitive. La réalité sur le terrain, est que la Russie contrôle déjà 20 % du territoire de l’Ukraine, notamment la Crimée et une grande partie du Donbass, lui-même annexé d’ores et déjà par Moscou. La réalité militaire est que l’Ukraine ne pourra pas reprendre ces territoires par la force armée. Dès lors, le futur accord ne pourra que constater cet état de fait.

Reste le plus difficile : le statut de l’Ukraine et les garanties de sécurité. La réalité, là encore, au-delà des beaux discours, est que l’Ukraine ne pourra pas entrer dans l’OTAN : ni les Américains, ni les Allemands ne souhaitent franchir cette ligne par crainte d’une confrontation directe avec la Russie. Funeste ironie pour qui se souvient que l’origine de cette affaire remonte au sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, où George W Bush tenait absolument à faire entrer l’Ukraine immédiatement ! Reste alors le statut de neutralité, compatible avec l’entrée de l’Ukraine dans l’UE, qui serait garanti par la communauté internationale. Cette fois cependant il devra s’agir de garanties extrêmement solides, à un moment où les États-Unis sont tentés de basculer vers l’Asie. Cela signifie que l’Europe devra jouer un rôle crucial dans la sécurisation et la reconstruction de l’Ukraine de l’après-guerre : un pays amputé, économiquement dévasté, politiquement instable et de surcroît sur militarisé. En clair : une tâche immense s’annonce donc pour les européens.

J.-B. N. : Vous semblez pessimiste quant à la capacité des Européens à relever ce défi. Pourquoi ?

P. L. : Je suis en effet, très préoccupé par l’absence de vision stratégique en Europe, comme de tout débat sur l’après-guerre. Les gouvernements européens sont faibles et peu préparés à faire face aux enjeux post-conflit. Nous avons des gouvernements fragiles en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, et l’Europe semble obsédée par des crises internes, notamment économiques. Il y a très peu de réflexions sur la manière dont nous pourrions stabiliser durablement l’Europe centrale, qui est pourtant un enjeu essentiel pour la sécurité du continent.

Ce manque de leadership et de vision stratégique en Europe est extrêmement inquiétant, d’autant plus que les Américains, à long terme, vont sans doute se concentrer de plus en plus sur leur rivalité avec la Chine. L’Europe devra donc prendre ses responsabilités, mais pour l’instant, je vois peu de signes qu’elle se prépare à relever ce défi.

J.-B. N. : Quel serait le principal message de votre livre ?

P. L. : Mon livre cherche à alerter sur les engrenages géopolitiques dans lesquels nous nous sommes embarqués, sans la moindre réflexion stratégique. La guerre en Ukraine est bien plus qu’un conflit local. Elle marque un tournant historique qui réorganise l’ordre mondial. Transformation qu’a reconnu, certes à sa manière, le Secrétaire général de l’ONU en se rendant au sommet des Brics de Kazan, accueilli par Vladimir Poutine pourtant inculpé par la Cour pénale internationale.

Si nous ne prenons pas conscience de la profondeur de ces changements, nous risquons de subir un monde plus chaotique et violent sans être préparés. Le temps est venu pour l’Europe et l’Occident de se réarmer intellectuellement, politiquement, et militairement pour faire face à ces nouveaux défis.

Face à l’envoi de troupes nord-coréennes, la Corée du Sud pourrait aussi se mêler à la guerre en Ukraine

Face à l’envoi de troupes nord-coréennes, la Corée du Sud pourrait aussi se mêler à la guerre en Ukraine

Le rapprochement entre Vladimir Poutine et Kim Jong-un ne fait pas les affaires de Séoul qui n’aura peut-être pas d’autres choix que de réagir.

Un défilé militaire organisé lors de la 76e Journée des Forces armées sud-coréennes, le 1er octobre 2024, sur la base aérienne de Seongnam, près de Séoul. | Jung Yeon-je / AFP

Repéré sur Business Insider

Vous ne trouverez pas plus belle illustration de l’adage «les ennemis de mes ennemis sont mes amis». Le soutien croissant apporté par la Corée du Nord à la Russie dans sa guerre d’invasion de l’Ukraine, tant sur le plan matériel que sur le plan humain avec l’envoi récent de troupes, ne plaît pas du tout à son voisin du sud qui a menacé d’envoyer à son tour du matériel et des armes à Kiev pour aider le pays à se défendre. Pour l’instant, rien n’est fait. Mais si cette aide se matérialise, il pourrait s’agir d’un coup de pouce précieux pour Volodymyr Zelensky, analyse le média en ligne américain Business Insider.

La Corée du Sud a fermement condamné l’envoi de plusieurs milliers de soldats nord-coréens en Ukraine, plusieurs hauts responsables s’exprimant sur le sujet après une réunion d’urgence du Conseil de sécurité nationale, le 22 octobre. Ils ont également évoqué la possibilité de livraisons d’armes à l’Ukraine qui s’inscrirait dans le cadre de contre-mesures graduelles, n’excluant pas au passage l’envoi de troupes sur le terrain pour surveiller de près la présence nord-coréenne et son rôle dans le conflit. La déclaration n’a pas plu à la Russie, qui l’a fait savoir par la voix de Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Le 23 octobre, elle a ainsi menacé la Corée du Sud de «conséquences en matière de sécurité» si elle se décidait à intervenir, a rapporté l’agence de presse sud-coréenne Yonhap.

«Les armes sud-coréennes pourraient potentiellement faire une différence significative, à la fois sur les capacités défensives et offensives de l’Ukraine», estime Jeremy Chan, analyste au sein du cabinet de conseil Eurasia Group et interrogé par Business Insider. La Russie aurait donc raison de s’inquiéter d’une possible entrée de la Corée du Sud –alliée des États-Unis– dans la guerre en Ukraine. Le pays asiatique s’est constitué un arsenal robuste au fil des années, notamment en raison du conflit larvé avec son voisin du nord.

Systèmes de défenses antiaérienne et antimissile, mais aussi canons automoteurs K9 Thunder, chars de combat K2, lance-roquettes multiples: de quoi soulager grandement Kiev en permettant de mieux protéger les villes et les infrastructures du pays, tout en renforçant la puissance de feu sur le front. Cette aide matérielle ne serait pas exactement une première. La Corée du Sud a déjà participé de manière indirecte à l’approvisionnement de l’Ukraine en obus de calibre 155 mm, en envoyant des munitions à des alliés occidentaux qui ont servi d’intermédiaires.

Ira, ira pas?

Mais l’arrivée de troupes nord-coréennes change la donne, d’après Ellen Kim, experte des Corées pour le groupe de réflexion américain Center for Strategic and International Studies. «La Corée du Sud pourrait également contribuer à une campagne de guerre psychologique contre les soldats nord-coréens qui pourraient ne pas vouloir se battre dans la guerre», avance l’analyste. Mais le chemin vers un soutien matériel et humain de la Corée du Sud à l’Ukraine est encore long. La Constitution du pays et plusieurs lois nationales limitent grandement les exportations d’armes vers des pays en guerre. L’impopularité du président sud-coréen Yoon Suk-yeol serait un frein pour faire évoluer ces lois et les abroger, du moins tant qu’il n’y a pas de menace claire pour le pays.

La Corée du Sud ne tient pas non plus à s’aliéner totalement la Russie, malgré les services passés et futurs que le pays peut rendre à Pyongyang. «En échange des obus nord-coréens et du soutien militaire en Ukraine, le Kremlin a cherché à freiner les inspections de l’ONU concernant le programme nucléaire de la Corée du Nord et pourrait être prêt à lui fournir une technologie militaire sophistiquée», explique Business Insider. Selon Jeremy Chan, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol cherche le meilleur moyen de dissuader la Russie. «Séoul pense que la menace de fournir des armes lui donne plus d’influence sur Moscou qu’elle n’en aurait si la Corée du Sud commençait à fournir des armes directement», affirme l’analyste. Autrement dit, Yoon Suk-yeol bluffe.

Les véhicules nord-coréens livrés à la Russie vont-ils changer le cours de la guerre en Ukraine?

Les véhicules nord-coréens livrés à la Russie vont-ils changer le cours de la guerre en Ukraine?

Les relations diplomatiques et commerciales de la Corée du Sud avec la Russie et dans la région sont également un frein pour Yoon Suk-yeol. «Il y a une possibilité que la Corée du Sud puisse tirer sur des Russes et/ou des Nord-Coréens, ce qui internationaliserait et élargirait encore la guerre. Le pire des scénarios est que cela déclenche une guerre nucléaire dans la péninsule coréenne, qui entraînerait les États-Unis et la Chine dans un conflit armé», anticipe Sean McFate, professeur de stratégie géopolitique à l’université Georgetown (située à Washington, D.C.).

Beaucoup à perdre, donc, mais peu à gagner… pour le moment. L’alliance de plus en plus forte entre la Russie et la Corée du Nord pourrait pousser la Corée du Sud à agir, qu’elle le veuille ou non. Si le leader nord-coréen Kim Jong-un reçoit, en échange de ses services en Ukraine, des armes sophistiquées et de la technologie de pointe, la menace serait de plus en plus pressante pour la Corée du Sud. «L’implication de la Corée du Nord augmente considérablement le risque que la Corée du Sud soit obligée de s’engager dans la guerre», conclut Ellen Kim.

La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

La faiblesse de l'armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre
La faiblesse de l’armée britannique est reconnue par le ministre de la Défense du Royaume-Uni : Le pays serait incapable de soutenir une guerre

 

Alerte du ministre de la défense britannique : « Nous ne sommes pas prêts pour la guerre » !

Doit-on en rire ou en pleurer ? Le ministre britannique de la Défense, John Healey, a fait un aveu qui sonne comme un avertissement : le Royaume-Uni n’est pas prêt à mener une guerre. Cette déclaration, faite lors d’un discours relayé par The Telegraph le 24 octobre 2024, révèle des lacunes significatives dans la préparation militaire du pays.

Une armée britannique sous-équipée et mal préparée

Malgré un budget de défense supérieur à 2% du PIB, conformément aux engagements de l’OTAN, le Royaume-Uni se trouve avec des forces armées qui laissent à désirer en termes de modernité et de préparation. Selon un récent rapport parlementaire, l’armée de terre britannique, la British Army, n’a pas évolué significativement depuis l’époque de la bataille de Waterloo. De son côté, la Royal Air Force manque cruellement d’avions de combat adaptés aux conflits de haute intensité, et la Royal Navy, bien que dotée de deux porte-avions, souffre d’un manque de navires de premier rang et rencontre des difficultés de recrutement et de disponibilité pour ses sous-marins nucléaires et ses frégates.

Une déclaration sans précédent

Pour la première fois, un ministre de la Défense britannique admet publiquement que le pays n’est pas prêt à soutenir une guerre. Cette révélation est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient dans un contexte où les menaces globales, notamment de la part de la Chine et de la Russie, sont en augmentation. John Healey insiste sur le fait que sans une capacité réelle de combattre, le Royaume-Uni ne peut pas dissuader efficacement les agressions potentielles. Le constat du ministre Healey sur l’état des finances et des forces armées britanniques est alarmant. Pris au pouvoir après les élections législatives, il a été confronté à une situation bien plus précaire que prévu, avec des implications graves pour la sécurité nationale et la capacité de défense du pays.

Incertitudes budgétaires

Alors qu’une nouvelle revue stratégique de défense est en cours, il semble peu probable que le ministère de la Défense obtienne les fonds nécessaires pour rectifier le tir. Des hauts responsables militaires ont exprimé des doutes quant à l’augmentation du budget de la défense pour l’exercice 2025, ce qui pourrait entraver les efforts de modernisation et de préparation requise.

Réactions officielles et garanties de sécurité

Malgré ces défis, un porte-parole du 10 Downing Street a réaffirmé que le gouvernement prendrait toutes les mesures nécessaires pour défendre le pays. Il a souligné que les forces armées britanniques, parmi les meilleures au monde, assurent la défense du pays en permanence et travaillent en étroite collaboration avec les alliés pour anticiper et se préparer à tout événement.

Un avenir militaire incertain

Cette situation intervient alors que le général Roland Walker, chef d’état-major de la British Army, a averti que le Royaume-Uni avait peu de temps pour se préparer à un conflit majeur potentiel, en particulier une confrontation avec la Chine. De plus, quelle que soit l’issue du conflit en Ukraine, la menace russe restera prégnante et probablement vengeresse.

Cet article explore la récente déclaration choc du ministre britannique de la Défense, révélant que le Royaume-Uni n’est pas préparé à affronter les défis militaires actuels et futurs. Cette révélation met en lumière les lacunes dans la préparation militaire du pays et soulève des questions sur sa capacité à maintenir sa sécurité et à dissuader les menaces externes dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu.

Source : Telegraph

ANALYSE – La Turquie face au terrorisme du PKK

Attentat terroriste contre l’industrie aérospatiale turque
Image par Hüseyin Özgün de Pixabay

ANALYSE – La Turquie face au terrorisme du PKK

Par Alain Rodier  – Le Diplomate Média – publié le 27 octobre 2024

Le 23 octobre vers 15 h 30 (heure locale), une attaque terroriste s’est déroulée contre le site industriel de la TAI (Turkish Aerospace Industries – TUSAŞ -) à Kahramankazan, ville située à une quarantaine de kilomètres de la capitale Ankara. 15.000 personnes travaillent sur ce complexe industriel. TAI est un acteur clé de l’industrie aérospatiale turque, qui conçoit, développe et fabrique divers avions civils et militaires.

L’attentat a eu lieu alors qu’un grand salon professionnel des industries de la défense et de l’aérospatiale se tenait la même semaine à Istanbul. Pour mémoire, la Turquie a une puissante industrie de défense qui exporte de nombreux armements dont les plus célèbres sont les drones fabriqués par la société Baykar qui appartient au gendre du président turc.

Un couple d’assaillants lourdement armés est arrivé dans un taxi qu’il avait dérobé en assassinant le chauffeur et en cachant sa dépouille dans le coffre, devant l’entrée des personnels à l’heure d’une relève du poste de sécurité. Ils ont tiré dans toutes les directions essayant d’atteindre tous ceux qui passaient à leur portée. Au moins un terroriste a pénétré à l’intérieur du site, armé d’un fusil d’assaut AK-74 équipé d’un système d’aide à la visée et d’une arme de poing, les deux étant dotés de modérateurs de son.

La femme qui l’accompagnait a utilisé un AKS-74U (version courte de l’AK-74) équipé d’un Aimpoint et de deux chargeurs « tête bêche ».

Cinq personnes avaient été tuées lors de l’action et 22 blessées.

Les deux terroristes seraient morts, l’un se faisant exploser avec la charge qu’il avait dans son sac à dos.

On ne savait pas immédiatement qui pouvait être derrière l’attaque mais l’hypothèse Daech était exclue car les salafistes-jihadistes n’emploient pas de femmes dans des rôles opérationnels (l’exception qui confirme la règle sont les « veuves noires » tchétchènes et les kamikazes nigérianes de Boko Haram).

Il restait des groupuscules d’extrême-gauche et le PKK qui ont mené des opérations terroristes meurtrières par le passé.

Le semi-professionnalisme de l’action a permis d’en déduire que les deux activistes avaient suivi un entrainement militaire au tir.

En 24 heures, les deux activistes ont été identifiés. Le ministre de l’intérieur Ali Yerlikaya, a d’abord nommé Ali Örek alias « Rojger ».

Ce dernier avait publié des messages sur les réseaux sociaux faisant l’éloge du terrorisme et des violences qu’il aurait commis au cours des dernières années. Dans un message datant de 2015, il pose brandissant une arme de poing sur sa tempe accompagné du message disant « il est mort ».

La femme terroriste a été identifiée comme étant Mine Sevjin Alçiçek présentée par les autorités turques comme également membre du PKK.

Ce qui est certain, c’est qu’en 2014 elle était co-présidente du parti pro-Kurdes HDP pour la province du Hakkari dans le sud-est de la Turquie. Cette région est la zone d’implantation principale du PKK sur le territoire turc en raison de la proximité de l’Irak et de l’Iran.

C’est à la même époque que Recep Tayyip Erdoğan, alors Premier-ministre, a fait arrêter près de 26.000 militants (dont les principaux dirigeants) et sympathisants du HDP pour « liens avec les terroristes du PKK ».

Le 15 octobre 2023, le HDP a changé de nom pour devenir le Parti pour l’égalité des peuples et la démocratie (Hedep) puis Parti Dem mais ses militants se sont dilués dans d’autres formations (extrême-gauche, écologistes…) craignant à tout moment la dissolution.

Cette dernière action terroriste risque de provoquer sa fin… mais pas la disparition de la cause kurde.

Enfin est venue une revendication du PKK : « l’action sacrificielle commise contre l’enceinte des TAI à Ankara vers 15H30 le mercredi 23 octobre a été menée par une équipe duBataillon des Immortels’ ». Pour le PKK, il s’est agi d’envoyer « des avertissements et des messages contre les pratiques génocidaires, les massacres et les pratiques d’isolement du gouvernement turc […] Nous savons que les armes produites par TAI ont massacré des milliers de nos civils au Kurdistan, y compris des enfants et des femmes ». Il conclue que c’est son « droit légitime » à frapper « les centres où ces armes de massacre sont produites ».

Contexte

Cet attentat a eu lieu alors que le président Recep Tayyip Erdoğan assistait au sommet des BRICS+ à Kazan en Russie. Cette organisation économique regroupe pour le moment le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Ces neuf pays représentent à eux seuls près de la moitié de la population mondiale mais que 26 % du produit intérieur brut mondial en valeur nominale contre 44 % pour les pays du G7. L’attaque na pas semblée suffisamment grave pour qu’il rentre immédiatement. Il faut dire qu’il défend la candidature de la Turquie à cette organisation – une première pour un pays de l’OTAN.

Le 21 octobre, il s’était aussi passé un évènement important pour Erdoğan : le décès du prédicateur musulman Fethullah Gülen âgé de 83 ans qui vivait en exil aux États-Unis depuis 1999.

Depuis près de quinze ans, il était recherché par la justice d’Erdoğan qu’il avait pourtant soutenu secrètement dans sa montée vers le pouvoir depuis les années 1980.

Gülen souffrait depuis longtemps de problèmes de santé – raison officielle de son exil aux USA en 1999 – . En réalité, à l’époque il craignait de se faire arrêter par l’armée qui avait lancé des enquêtes à son sujet. Curieusement, il n’était pas rentré en Turquie après l’arrivée au pouvoir en 2022 de l’AKP, le parti islamique d’Erdoğan.

C’est dans les années 1980 que son mouvement « Hizmet » (en turc, « services ») avait commencé à infiltrer des importants ministères : la Justice, l’Intérieur et même l’armée plaçant ses adeptes à des postes clefs.

Hizmet avait aussi d’étendre aussi son influence dans plus de 180 pays dont beaucoup en Afrique et en Asie via des écoles et des dispensaires privés très appréciés des populations locales pour leur excellence.

À l’intérieur, Hizmet a participé à la mise au pas de l’armée après les procès du « complot Ergenekon », une parodie de justice mais cette dernière et la police étaient à sa botte. La haute hiérarchie militaire – majoritairement politiquement laïque – avait été décapitée et la carrière d’officiers acquis à la cause de Gülen avait été propulsée.

Mais le danger militaire étant écarté, Gülen a commencé à être jugé comme une menace pour Erdoğan qui voulait concentrer tous les pouvoirs dans sa main (c’est lui qui a fait adopter la nouvelle Constitution qui a transformé la Turquie en régime présidentiel grâce à un amendement de 2017).

La rupture intervint en 2013 lorsqu’un scandale de corruption a éclaboussé des proches d’Erdoğan. Les juges et les policiers impliqués dans l’enquête – aux ordres de Gülen – se sont retrouvés à leur tour derrière les barreaux sur instructions du pouvoir politique en place à Ankara (Erdoğan était alors Premier ministre). Beaucoup qui avaient participé à la mise au pas de l’armée ont rejoint à leur tour les geôles turques. En retour, la plupart des officiers généraux emprisonnés ont été blanchis des accusations qui avaient été portées contre eux. Ils sont sortis de prison mais ont été mis à la retraite car ils avaient atteint les limites d’âge de leur grade. Ils ne constituaient plus un danger pour Erdoğan…

Il restait à régler le cas des officiers proches de Gülen. Le 16 juillet 2016, il y eut un coup d’État militaire aussitôt attribué par Erdoğan au Hizmet rebaptisé « organisation terroriste FETÖ ».

Cela permis de purger l’armée de ces éléments jugés « séditieux » – mais cette fois « islamistes » mais aussi d’autres administrations, la presse, et les mouvements politique pro-kurdes – qui n’avaient strictement rien à voir avec ce putsch -…

En réalité, tous les opposants au premier ministre mais aussi futur président turc (2018 puis 2023) ont été écartés.

Aujourd’hui, le président turc se retrouve sans adversaires sérieux en dehors des Kurdes.

À l’extérieur, il est au sommet de son pouvoir faisant plier les Occidentaux à sa volonté et se désignant comme le leader des croyants face à Israël.

Sa position est confortable mais risquée pour la suite d’autant qu’il n’a pas encore de dauphin désigné.

Peut-être le « fidèle parmi les fidèles » Hakan Fidan, actuel ministre des Affaires étrangères mais surtout ancien directeur des services spéciaux turcs de 2010 à 2023, le redouté MIT compétents à l’intérieur comme à l’extérieur. À son poste, il a certainement joué un rôle central dans la lutte contre le mouvement Hizmet et son chef Gülen.  Il représente vraiment l’« État profond » turc et il sait tout sur tout le monde…

Le « rêve » d’être le « Sultan » du monde musulman.

Le président Erdoğan a fait des déclarations virulentes contre Israël et l’Occident dans un discours rapporté par le Turkish Daily News le 20 octobre : en tant qu’« ennemie des oppresseurs et protectrice des opprimés », la Turquie soutient la Palestine dans sa  lutte pour la liberté et la dignité contre le réseau du génocide […] Les États-Unis, l’Europe et le Conseil de sécurité de l’ONU sont devenus de simples jouets entre les mains d’un meurtrier impitoyable connu sous le nom de Netanyahou […] 20. 000 enfants sont morts [dans la bande de Gaza]. Pas une seule personne ne s’est manifestée pour dire : c’est une honte […] Des dizaines de milliers de femmes sont mortes et les organisations de défense des droits des femmes n’ont pas prononcé un mot […] Quelques 175 journalistes sont morts et les médias internationaux ne s’en soucient pas du tout […] La responsabilité du massacre de 50.000 innocents incombe sans aucun doute aux forces d’occupation israéliennes sans foi ni loi ».

Il a ajouté que ceux « qui apportent un soutien inconditionnel au gouvernement israélien et envoient des armes et des munitions sont également ouvertement complices de ce massacre ».

Cette charge est à inscrire dans le contexte de la volonté toujours assumée d’Erdoğan de devenir « le » leader du monde musulman d’où le surnom qui lui donné par ses opposant de « Sultan ».

Il utilise la cause palestinienne depuis des années profitant du fait que les pays arabo-sunnites s’en désintéressent depuis des décennies.

Il se retrouve par contre en concurrence avec l’Iran – le vieil adversaire de la Turquie – qui, comme lui, exploite les Palestiniens à des fins politiques. Sur le fond, le régime de Téhéran n’a rien à faire des Palestiniens – qui sont sunnites – mais ils sont « intéressants » dans la guerre maintenant à « grands bruits » menée contre l’État hébreu via des proxies. Les mouvements palestiniens lui permettent de menacer Israël depuis le sud et l’est, comme le Hezbollah le fait depuis le Liban, au nord. Cela pourrait changer dans les temps à venir…

C’est un peu la même chose pour Erdoğan, à la différence près que ce n’est pas l’État hébreu qui est directement visé par ses invectives ; il s’en sert pour affirmer sa volonté d’être le « nouveau Sultan » du monde musulman.

Jusqu’à maintenant, sa manœuvre n’a pas fonctionné malgré l’appui des Frères musulmans dont il est – au minimum – très proche. En effet, les révolutions arabes de 2011 sur lesquelles il comptait pour établir son leadership ont échoué en Égypte, en Syrie et en Libye.

La guerre de Gaza lui permet de revenir en première ligne.

Toutefois, si le discours récents d’Erdoğan peut être considéré comme un « classique » que tout le monde laissait plus ou moins passer auparavant, la suite est plus qu’inquiétante. En effet, il a exprimé son « respect » pour les dirigeants et les membres de la résistance palestinienne, « qui est devenue légendaire non seulement par leurs luttes mais aussi par leurs martyrs, et pour tous les héros qui ont arrosé les terres de Gaza de leur sang béni (…). Je souhaite la miséricorde de Dieu à Yahya Sinwar, le chef du Hamas qui est tombé en martyr récemment ».

Comme tous les dirigeants de la planète, il joue sur la corde sensible des Occidentaux et leurs  valeurs « universelles », au premier rang desquelles se trouvent les Droits humains. Il est pourtant très mal placé pour donner la moindre leçon de morale. Certes, il n’a pas connu la période du génocide arménien – mais il l’a toujours nié en tant que responsable politique -, par contre sa violence à l’égard des Kurdes (après avoir pourtant tenté de négocier en 2013 via Abdullah Öcalan incarcéré sur l’île d’Imrali) est patente, que ce soit à l’égard des Kurdes turcs qui croupissent dans les geôles ou des Kurdes syriens et irakiens jugés comme des « cousins » du PKK.

La raison de l’attaque du PKK

Mais la raison de l’attaque est peut-être autre. En effet, le président du MHP (parti du mouvement nationaliste) Devlet Bahçeli, principal allié de l’AKP au pouvoir, avait invité Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999, à s’exprimer devant le Parlement pour annoncer la dissolution de son parti et son renoncement au terrorisme.

Dans la foulée, le 23 octobre, le neveu du leader kurde, Ömer Öcalan, député du principal parti pro-Kurdes (ex-HDP) a pu le rencontrer dans sa prison d’Imrali. « Notre dernière rencontre en face-à-face avec Abdullah Öcalan avait eu lieu le 3 mars 2020 » a rappelé son neveu sur X.  Entre-temps Abdullah Öcalan, 75 ans, à l’isolement, n’avait eu droit qu’à un bref échange téléphonique avec lui en mars 2021.

Cette démarche a certainement déplu en haut lieu au sein du PKK. Le 24 octobre, le président du Parlement Numan Kurtulmus a estimé à propos de cet attentat qu’il « ne peut s’agir d’une coïncidence ».

Selon la DGA, les actes malveillants contre les entreprises françaises de l’armement se multiplient

Selon la DGA, les actes malveillants contre les entreprises françaises de l’armement se multiplient

https://www.opex360.com/2024/10/25/selon-la-dga-les-actes-malveillants-contre-les-entreprises-francaises-de-larmement-se-multiplient/


La sécurité informatique des entreprises de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française est un vaste chantier, qui plus est sans fin étant donné que les « cyber-assaillants » ont souvent un temps d’avance sur les dispositifs de protection éventuellement mis en place par leurs cibles.

Pour rappel, la BITD compte environ 4000 entreprises, dont 1600 sont considérées comme critiques. Elles peuvent bénéficier d’un soutien de la part de la Direction générale de l’armement, via le Plan en faveur des ETI, PME et start-ups [PEPS, ex-plan Action PME], qui, relevant de la nouvelle Direction de l’industrie de défense [DID], comporte un axe de résilience « cyber ». Au besoin, elle peuvent la solliciter pour mener des audits sur leur sécurité informatique. Seulement, est-ce suffisant, quand seulement 56 « diagnostics cyber » ont été effectués en 2023 ?

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les attaques informatiques contre la BITD ont augmenté « assez significativement », a ainsi confié Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 23 octobre.

Il arrive que certaines de ces attaques aient une motivation criminelle, notamment quand elles sont menées à des fins d’extorsion avec des rançongiciels.

Mais elles peuvent aussi [et surtout] être liées aux « intérêts de nos compétiteurs dans des domaines particuliers, comme par exemple le spatial et le naval », a expliqué M. Chiva. « On voit de plus en plus d’attaques structurées de services étrangers, dirigées plutôt vers des PME et des TPE, qui sont moins bien familiarisées aux moyens de lutte », a-t-il ajouté.

« Il y a des attaques pour neutraliser, il y a des attaques pour voler. Le plus inquiétant, c’est quand on ne sait pas », par exemple « quand vous découvrez qu’on vous dérobe vos données et que vous ne savez pas depuis combien de temps ça dure », a poursuivi M. Chiva. Et puis il y a aussi « toutes les attaques qu’on n’a pas encore découvertes », a-t-il complété.

Pour parer ces attaques informatiques, la DGA mise sur le dialogue et l’incitation à adopter de bonnes pratiques et non sur la coercition.

« Je ne sais pas s’il faut être plus coercitif ou pas. D’abord, il faut avoir les moyens de l’être. Je pense que c’est un dialogue que nous avons aujourd’hui avec l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information] qui nous permettra de répondre à un certain nombre de ces nécessités », a estimé M. Chiva. D’où l’importance de l’accompagnement des PME/TPE mis en place par la DGA.

« Plutôt que de les contraindre [les entreprises, ndlr], on a choisi de créer un référentiel d’exigence minimale cyber. Dans ce domaine là, les entreprises ont peur d’être confrontées à trop de normes, à trop d’obligations. Donc, on leur dit : ‘si vous voulez travailler pour la défense, voilà le niveau minimum de cyberprotection que l’on attend de vous’ », a expliqué le DGA. Ce référentiel est en outre utilisé par les maîtres d’œuvre industriels dans leurs relations avec leurs sous-traitants.

La même approche a été adoptée pour les risques d’atteintes « physiques ». En juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait fait état de 150 incidents constatés entre 2021 et 2023. « C’est quelque chose qui est très ‘Guerre froide’, mais qui n’a jamais disparu et qui reprend une force particulière depuis deux ans », avait-il dit, au Sénat.

Ce qu’a confirmé M. Chiva devant les députés. « On voit se multiplier un certain nombre d’évènements, d’incendies, de dégradations et autres qui pourraient être le fruit du hasard, sauf à regarder de près ce qui se passe. Il y a une usine qui construis[ai]t un des missiles utilisés en Ukraine qui a brûlé en Allemagne et je ne pense pas que ce soit à cause d’un mégot tombé dans une corbeille à papier », a-t-il dit.

Faut-il établir un parallèle avec l’explosion survenue à la poudrerie de Bergerac, en août 2022 ? Deux ans après, l’instruction est toujours en cours et, selon France Bleu Périgord, un « nettoyage insuffisant des installations avant maintenance » et « des mesures de prévention insuffisantes » en auraient été la cause…

Quoi qu’il en soit, comme pour la sécurité informatique, la DGA a élaboré un « référentiel d’exigences minimales de protection physique », encore appelé, par M. Chiva, « référentiel de sûreté fondamentale ». Il est « pris en compte par un certain nombre de maîtres d’œuvre industriels pour évaluer leurs sous-traitants les plus critiques », a-t-il conclu.

Beyrouth, 23 octobre 1983 : Souvenons-nous des paras du Drakkar

Beyrouth, 23 octobre 1983 : Souvenons-nous des paras du Drakkar



Voici 41 ans, le 23 octobre 1983, 6 h 30 du matin : un double attentat frappe la Force multinationale de sécurité à Beyrouth. En quelques secondes, 241 marines américains et 58 parachutistes français sont tués (55 du 1er RCP et 3 du 9e RCP). Le poste Drakkar, occupé par les paras français, vient de subir la frappe la plus terrible contre l’armée française depuis les affrontements de la décolonisation. 

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Bruno Racouchot était alors officier au 6e RPIMa. Il nous a aimablement autorisé à reproduire le texte d’hommage en annexe, initialement paru dans le cadre du très confidentiel « Club des chefs de section paras au feu ». 

23 octobre 1983, Beyrouth, 6 h 30 du matin, Drakkar est rayé de la carte 

Le 23 octobre 1983, les parachutistes français présents à Beyrouth dans le cadre de la Force Multinationale de Sécurité, étaient victimes d’un attentat. 58 d’entre eux devaient trouver la mort dans l’explosion du poste « Drakkar ». Le texte d’hommage qui suit a été publié dans le cadre du Club des chefs de section paras au feu, qui compte quelques anciens de cette mission sanglante, depuis le Général François Cann, alors à la tête de la force française, et le Général Paul Urwald, qui commandait alors le 6e RIP, jusqu’au benjamin du Club, Bruno Racouchot, officier-adjoint d’une des quatre compagnies déployées à Beyrouth-Ouest. Plus particulièrement en charge de la section de protection du PC du 6e RIP, Bruno Racouchot décrit la configuration extrêmement délicate et sanglante dans laquelle furent alors plongés les parachutistes français.

Rappel du contexte historique 

En juin 1982, Israël lance l’opération « Paix en Galilée », envahit le Sud-Liban et entreprend fin juin-début juillet l’assaut de Beyrouth-Ouest où les Palestiniens sont encerclés dans une nasse, les Syriens refusant de les accueillir sur leur territoire. Un cessez-le-feu est appliqué début août. La communauté internationale, soucieuse d’éviter des affrontements sanglants, décide d’intervenir. Sous la protection des parachutistes français, soutenus par les soldats américains et italiens, les forces palestiniennes sont exfiltrées en douceur. De 500.000 à 600.000 Palestiniens restent dans les camps.

Le 23 août, Béchir Gemayel est élu Président du Liban. Le 15 septembre, il est assassiné. Israël investit Beyrouth-Ouest. Du 16 au 18 septembre ont lieu les massacres de populations civiles dans les camps de Sabra et Chatila, où des centaines de civils palestiniens sont tués. Le 21 septembre, Amine Gemayel, frère aîné de Béchir, est élu président. Le 24 septembre, pour répondre à une opinion internationale scandalisée par les tueries dont les Palestiniens ont été victimes, une Force Multinationale de Sécurité à Beyrouth est créée, intégrant des contingents français, américains, italiens et une poignée d’Anglais.

Dès lors, au Liban, la situation ne cesse de se dégrader. Massacres de populations civiles et attentats se multiplient. Les soldats de la Force Multinationale sont victimes d’innombrables attaques et de bombardements. Si les Américains sont cantonnés à l’aéroport et les Italiens en périphérie de la ville, si les Anglais se contentent de mener des missions de renseignement avec un escadron spécialisé, les Français, eux, reçoivent la mission la plus délicate, au cœur même de Beyrouth.

Tous les quatre mois, les contingents sont relevés, souvent avec des pertes sévères. En septembre 1983 a lieu la relève pour les légionnaires français installés à Beyrouth, remplacés par les parachutistes de la 11e Division parachutiste. C’est l’opération Diodon IV, qui deviendra l’engagement le plus sanglant pour l’armée française depuis les guerres coloniales. Le 3e RPIMa s’installe en secteur chrétien, dans la perspective d’une offensive face au « Chouf », pour pacifier la montagne où les Druzes s’en prennent violemment aux chrétiens. Des éléments du GAP, 1er RHP, 17e RGP, 12e RA, 35e RAP, 7e RPCS et le commando marine Montfort sont également à pied d’œuvre.

Le secteur le plus dangereux, celui de Beyrouth-Ouest, est dévolu à un régiment de marche, le 6e RIP, Régiment d’Infanterie Parachutiste, qui a pour mission principale la protection des populations civiles palestiniennes traumatisées des camps de Sabra et Chatila. Ce régiment, placé sous le commandement du colonel Urwald, a été formé spécialement pour cette opération, et est constitué de quatre compagnies de parachutistes : deux compagnies du 6e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine basé à Mont-de-Marsan, une compagnie du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes basé à Pau, une compagnie du 9e Régiment de Chasseurs Parachutistes basé à Pamiers.

Le quotidien d’un chef de section para au feu

C’est une vraie leçon de vie dont vont bénéficier les jeunes chefs de section plongés dans la fournaise de Beyrouth. Les Américains sont à l’époque encore sous le coup de la chute de Saïgon survenue à peine huit ans plus tôt. Ils sont repliés sur l’aéroport, ne sortant quasiment pas de leurs abris, usant de blindés M113 pour traverser le tarmac de l’aéroport. Sous des tirs d’artillerie incessants, en septembre 1983, nos jeunes paras ont remplacé les légionnaires. A la différence des professionnels du 3e RPIMa, d’où viennent-ils ces jeunes du 6e RIP ? Ce sont pour la plupart des appelés, d’un genre un peu particulier cependant. Volontaires TAP, volontaires outre-mer, volontaires service long, pour beaucoup d’entre eux, ils ont déjà bénéficié d’une solide formation et ont effectué des « tournantes » hors métropole.

Mentalement et physiquement préparés, ils pressentent cependant dès leur arrivée que cela va être dur, très dur même. Mais ils vont faire front et s’adapter. Avec modestie, calme, détermination. Certes, en débarquant, chacun d’entre eux éprouve l’étrange picotement qui monte le long de la colonne vertébrale. Heureusement, ils ont à leurs côtés les « anciens », à peine plus âgés qu’eux, qui ont « fait » le Tchad, la Mauritanie, le Zaïre, Djibouti, et pour certains déjà, le Liban… Tous ces noms de TOE lointains les ont fait rêver à l’instruction, quand ils n’avaient déjà qu’un souhait, se montrer à la hauteur de ceux qui les avaient précédés sous le béret rouge. Aujourd’hui, le rêve se trouve enfin confronté brutalement à la réalité.

Beyrouth est un piège monumental. On a beau avoir bourlingué, on a beau avoir entendu tirer à ses oreilles, quand on est un jeune chef de section, débarquer dans un tel univers constitue une épreuve d’ordre quasiment initiatique. On n’ose pas le dire, mais on le ressent d’emblée jusqu’au tréfonds de soi. Avec la secrète question qui taraude et que l’on n’ose pas exprimer : saurai-je me montrer digne de mon grade et de mon arme ? Ce sont d’abord les missions ordinaires, protection des postes, ravitaillement, reconnaissance, tâches d’entretien peu glorieuses mais tellement nécessaires, que l’on accomplit sereinement parce que même si le contexte est moche, on leur a appris à être beaux. Les jeunes paras mûrissent vite. Les visages se creusent, le manque de sommeil se fait vite sentir. Paradoxalement, les relations soudent les esprits et les corps. De secrètes complicités se nouent. Plus besoin de longs discours, les ordres s’exécutent machinalement, avec un professionnalisme qui prouve que, par la force des choses, le métier des armes entre dans la peau de chacun.

L’ennemi est partout et nulle part

Le jeune chef de section apprend très vite à connaître son secteur. Il a la chance d’avoir à ses côtés des hommes décidés encadrés par des sous-officiers d’élite, totalement dévoués à leur tâche. Il rôde, de jour comme de nuit, pour imprimer dans ses neurones les itinéraires, les habitudes, les changements de comportements. Rien n’est anodin. Il sait qu’il lui faut lier connaissance, observer, échanger, parler, surveiller, lire, écouter… Pas de place pour la routine. Plus que jamais, il faut faire preuve d’initiative, agir à l’improviste, sortir des postes, aérer les périmètres de sécurité, ne pas céder à la tentation mortelle de se recroqueviller dans les postes, derrière les sacs de sable et les merlons de terre. Des milliers d’yeux observent les paras français depuis les tours qui encerclent les positions. Ici, l’aspect psychologique est capital. On est en Orient. Il n’est pas permis de perdre la face. Les Français ont des moyens dérisoires en regard de leurs adversaires potentiels ou des grands frères américains, qui peuvent d’un simple appel radio, déclencher la venue de norias d’hélicoptères. En revanche, les Français savent s’immerger dans la population. Ils mangent comme le Libanais de la rue, se mélangent aux civils qui déambulent dans des marchés grouillants. Savoir se faire apprécier, c’est se faire respecter. Un sourire généreux sur une face de guerrier, c’est rassurant. Ça prouve la force plus que les armes. C’est cette stature des paras français qui fait très vite leur réputation dans la population.

Ce profil si particulier des soldats français, ce sont les chefs de section et les sous-officiers qui l’impriment à leurs hommes. Quels que puissent être les risques, ils ne changeraient leur place pour rien au monde. Ils savent qu’ils vivent une aventure inouïe, où chacun va pouvoir aller à l’extrême limite de ses possibilités. Le chef de section para a beau n’avoir que vingt-cinq ou trente ans, il sait qu’il passe là une épreuve pour laquelle il s’est préparé depuis des années ou depuis toujours, celle du feu. Il devine intuitivement qu’il va peut-être lui être donné d’accéder à une autre forme de connaissance de la vie, qu’il va opérer une mue intérieure subtile que seuls « ceux qui savent » et les anciens comprendront. Il sait qu’il reviendra de Beyrouth, « pareil sauf tout »… Ceux qui ont lu Ernst Jünger savent ce qu’il entend quand il parle de « La Guerre, Notre Mère »…. Drakkar va littéralement « sublimer » cet état d’esprit.

L’épreuve

Deux jours avant Drakkar, le 21 octobre 1983, je suis désigné pour conduire, avec le capitaine Lhuilier, officier opération du 6e RIP, un entraînement commun de la Compagnie Thomas du 1er RCP avec les marines américains à l’aéroport. Il faut bien que la connaissance de la langue de Shakespeare serve à quelque chose… Lhuilier est une figure des paras-colos. Il a eu son heure de gloire avec le 3e RIMa au Tchad quelques années avant, où coincé dans une embuscade, il a fait monter sa compagnie à l’assaut des rebelles, baïonnette au canon, en chantant « La Marie »… Dans l’épreuve qui se profile à l’horizon, il va se révéler un roc inébranlable.

Marines et paras français au coude à coude à l’entraînement… Comment imaginer en voyant tous ces grands gaillards crapahuter dans la poussière et se livrer à des exercices de tir rapide, que la plupart d’entre eux reposeront bientôt dans un linceul de béton ?… Mis en alerte le samedi soir, nous dormons tout équipés sur nos lits de camp, l’arme à portée de main. On entend bien des explosions, des tirs d’artillerie sporadiques. Des rafales d’armes automatiques titillent les postes. Mais va-t-on s’inquiéter pour si peu ?

Dimanche 23 octobre 1983, 6 h 30 du matin. L’aube se lève. D’un coup, une explosion terrible, une lourde colonne de fumée qui s’élève plein sud dans le silence du dimanche matin. L’aéroport et les Américains sont mortellement touchés. Puis une minute après, encore une autre, plus proche cette fois, d’une puissance tout aussi ahurissante. On entend en direct sur la radio régimentaire que Drakkar a été rayé de la carte. Ce poste était occupé par la compagnie du 1er RCP commandée par le capitaine Thomas, dont heureusement un détachement était de garde à la Résidence des Pins, le QG français. Bilan des deux attentats : 241 marines et 58 paras français sont tués, sans compter d’innombrables soldats grièvement blessés, évacués en urgence en Europe.

Dès la première explosion, chacun a bondi à son poste. On comprend d’emblée que c’est terrible. Les ordres fusent à toute vitesse. Des équipes partent pour le lieu de l’attentat, les autres sécurisent les postes. Chacun sait ce qu’il a à faire. On est sous le choc, mais le professionnalisme l’emporte. La mécanique parachutiste, répétée inlassablement à l’entraînement, montre ses vertus en grandeur réelle. On va faire l’impossible pour sauver les camarades. Malheureusement, beaucoup sont déjà morts, déchiquetés, en lambeaux, que l’on ramasse jour après jour, nuit après nuit. On a entendu certains d’entre eux râler sous les ruines, alors que nous étions impuissants à les dégager des amas de gravats. Ils sont là, pris dans l’étreinte mortelle de l’acier et du béton, ceux pour lesquels nous sommes arrivés trop tard, ceux avec lesquels hier on riait, on plaisantait, on rivalisait. Aucun des paras qui va relever ses camarades en cette semaine d’octobre n’oubliera ces pauvres corps, « tués par personne », nobles et dignes jusque dans la mort, magnifiques soldats équipés et prêts pour le combat, parfois la main crispée sur leur Famas. Sans doute est-ce parce qu’ils ont rejoint les légions de Saint-Michel que leur souvenir semble éternel. Le mythe para en tous cas l’est. Maintenant plus que jamais. Et tous, nous communions alors dans une espèce de rêve étrange et éveillé, où la mort étonnamment proche se mêle inextricablement à la vie, en un jeu dont les règles nous échappent. Un nouveau jalon funèbre est posé après les combats des paras de la Seconde Guerre mondiale et bien sûr ceux des grands anciens d’Indochine et d’Algérie.

Le piège fatal

En signe de solidarité avec nos hommes, le Président de la République, François Mitterrand, vient rendre un hommage aux morts le 24 octobre. Les paras savent déjà qu’ils sont pris dans un traquenard monstrueux. Jour après jour, ils sont victimes de nouveaux attentats, dans un secteur totalement incontrôlable, où pullulent les milices, les mafias et les « services ». Personne ne sait réellement qui fait quoi, les informations sont sous influence, rien n’est sûr, tout est mouvant. Sans ordres ni moyens légaux, les paras sont contraints de se battre au quotidien pour assurer la survie de leurs postes et continuer à protéger les populations. Aucun renfort notable n’est envoyé de métropole, hormis une compagnie de courageux volontaires du 1er RCP venus prendre la place de leurs prédécesseurs. En dépit des nombreux morts et blessés qu’ils vont relever dans leurs rangs, les paras ne doivent compter que sur leur savoir-faire, leur calme et leur professionnalisme pour se défendre tout en évitant de répondre aux provocations, refusant parfois de tirer pour préserver les civils. À ce titre, la mission aura certes été remplie, mais nombreux sont les soldats français qui reviendront avec l’amer sentiment d’avoir perdu leurs camarades sans les avoir vengés.

Chacun sait alors que nous vivons un moment unique de notre vie, dont l’intensité et la profondeur nous bouleversent. L’aumônier, le père Lallemand, a le don de savoir parler aux soldats. Que l’on soit croyant pratiquant ou athée, agnostique ou païen, il sait trouver les mots qui apaisent et réconfortent. Paradoxalement, Drakkar ne va pas briser les paras, mais les souder. Les semaines à venir vont être infernales. Et cependant, tous font face avec une abnégation sublime. Le plus humble des parachutistes joue consciencieusement son rôle dans un chaudron où se multiplient les attentats. Bien des nôtres vont encore tomber, assassinés lâchement la plupart du temps. Mais tous accomplissent leur devoir avec fierté et discrétion. Nous recevons des mots et des cadeaux de métropole, comme ces Landais qui nous envoient du foie gras à foison pour Noël, ou encore ces enfants qui nous dédient des dessins touchants. Les paras sont soudés, et même la mort ne peut les séparer.

Dans la nuit du 25 décembre, les postes de Beyrouth-Ouest devenus indéfendables dans la configuration géopolitique de l’époque sont évacués. Fin janvier-début février, les paras  exténués sont rapatriés sur la France. Le contingent de « Marsouins » qui les remplace ne restera pas longtemps. Américains et Italiens quittent le Liban fin février. En mars, le contingent français rembarque, ne laissant sur place que des observateurs.

Les enseignements à tirer

Jeune ORSA à l’époque, ayant la volonté de préparer l’EMIA, je décide cependant de quitter l’armée. Cinq années de boxe intensive et à bon niveau m’ont appris qu’un coup encaissé doit toujours être rendu, au centuple si possible. Déphasage. Je ne me sens pas l’âme d’un « soldat de la paix ». Mais les paras vont rester ma vraie famille. Depuis, j’ai fait le tour du monde, connu d’autres aventures. J’ai passé des diplômes, « fait la Sorbonne », créé une entreprise. Mais rien n’a été oublié. Mes chefs d’alors sont devenus des amis. Nous avons eu des patrons magnifiques, Cann, Urwald, Roudeillac, des commandants de compagnie qui étaient des meneurs d’hommes, de vrais pirates pour lesquels on aurait volontiers donné sa vie, des sous-officiers et des soldats avec des gueules sublimes. Tout cela, mon ami le journaliste Frédéric Pons l’a mis en relief avec brio dans son livre « Les Paras sacrifiés » publié en 1993 et réimprimé en 2007 sous le titre « Mourir pour le Liban ». Il faut dire qu’à la différence de bien d’autres, Pons sait de quoi il parle. Ancien ORSA du 8e RPIMa, il a vécu l’une des premières missions de la FINUL au sud-Liban au tout début des années 80.

En novembre 2007,  j’ai été invité à prononcer une courte allocution à Coëtquidan, devant les élèves de l’EMIA qui avaient choisi pour parrain de leur promotion le Lieutenant de La Batie. J’avais connu Antoine quand il était à Henri IV, je l’avais ensuite revu lors de l’entraînement commun à l’aéroport le 21 octobre 1983… puis mort quelques jours après. Ayant quitté l’armée française comme lieutenant, j’ai donc souhaité parler à ces élèves officiers comme un vieux lieutenant à de jeunes lieutenants. Il faut savoir tirer le meilleur de toute expérience, surtout quand elle s’est révélée tragique. Bref, savoir transformer le plomb en or. Il fallait leur dire ce qu’une OPEX comme celle-là nous avait appris concrètement, nous fournissant des enseignements qui nous servent au quotidien dans la guerre économique.

Avec le recul, ce qui demeure certain, c’est que, sans en avoir eu alors une pleine conscience, Beyrouth anticipait le destin de l’Occident. Le terrorisme est devenu une menace permanente, y compris au cœur de notre vieille Europe. Mais en ce temps-là, nous autres, modestes chefs de section, n’étions pas à même d’analyser les basculements géopolitiques en gestation. Plus modestement, Beyrouth nous a révélé la valeur des hommes. Beyrouth nous a enseigné bien des sagesses. Pour ceux qui surent le vivre avec intelligence, Beyrouth fut une épreuve initiatique au sens premier du terme, qui nous a décillé les yeux sur nous-mêmes et sur le monde. Ce que les uns et les autres avons appris dans ce volcan, aucune école de management, aucun diplôme d’université, ne nous l’aurait apporté, ni même l’argent ou les honneurs. Nous avons appris le dépassement de soi pour les autres, la valeur de la camaraderie, la puissance des relations d’homme à homme fondées sur la fidélité, la capacité à transcender sa peur, la reconnaissance mutuelle, l’estime des paras pour leur chef et l’amour fraternel du chef pour ses paras… Des mots qui semblent désuets dans  l’univers qui est le nôtre, mais qui reflètent cependant un ordre supérieur de connaissance des choses de la vie. Cette richesse intérieure acquise, nous en ferons l’hommage discret à tous nos camarades tombés en OPEX le 23 octobre, lorsque, à 6 h 30 du matin, nous penserons à ceux du Drakkar. Comme nos grands anciens, montera alors de nos lèvres vers le ciel la vieille chanson : « j’avais un camarade… »

Bruno Racouchot, ancien lieutenant au 6e RPIMa

L’auteur : DEA de Relations internationales et Défense de Paris-Sorbonne, maîtrise de droit et de sciences politiques, Bruno RACOUCHOT, est aujourd’hui le directeur de la société Comes Communication, créée en 1999, spécialisée dans la mise en œuvre de stratégies et communication d’influence.


Le 27 septembre 2024, Tsahal élimine le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait été impliqué dans les attentats terroristes de Beyrouth de 1983, ainsi que son cousin et potentiel successeur en la personne de Hachem Safieddine.


IN MEMORIAM Drakkar

Capitaine THOMAS Jacky
Capitaine OSPITAL Guy
Lieutenant DEJEAN DE LA BÂTIE Antoine
Sous-lieutenant RIGAUD Alain
Adjudant BAGNIS Antoine
Adjudant MORETTO Michel
Sergent DALLEAU Christian
Sergent DAUBE Vincent
Sergent LEBRIS Jean-Pierre
Sergent LONGLE Yves
Sergent OLLIVIER Gilles
Caporal-chef BENSAIDANE Djamel
Caporal-chef BERIOT Laurent
Caporal-chef CARRARA Vincent
Caporal-chef DUTHILLEUL Louis
Caporal-chef GRELIER Xavier
Caporal-chef LOITRON Olivier
Caporal-chef MARGOT Franck
Caporal-chef SERIAT Patrice
Caporal-chef VIEILLE Hervé
Caporal GIRARDEAU Patrice
Caporal HAU Jacques
Caporal JACQUET Laurent
Caporal LAMOTHE Patrick
Caporal LEPRETRE Dominique
Caporal LEROUX Olivier
Caporal MUZEAU Franck
Caporal THOTEL Laurent
Parachutiste de 1ère classe GASSEAU Guy
Parachutiste de 1ère classe GAUTRET Rémy
Parachutiste de 1ère classe JULIO François
Parachutiste de 1ère classe PRADIER Gilles
Parachutiste de 1ère classe TARI Patrick
Parachutiste de 1ère classe THÉOPHILE Sylvestre
Parachutiste BACHELERIE Yannick
Parachutiste BARDINE Richard
Parachutiste CALAND Franck
Parachutiste CHAISE Jean-François
Parachutiste CORVELLEC Jean
Parachutiste DELAITRE Jean Yves
Parachutiste DEPARIS Thierry
Parachutiste DI-MASSO Thierry
Parachutiste DURAND Hervé
Parachutiste GUILLEMET Romuald
Parachutiste KORDEC Jacques
Parachutiste LASTELLA Victor
Parachutiste LEDRU Christian
Parachutiste LEVAAST Patrick
Parachutiste LEVERGER Hervé
Parachutiste MEYER Jean-Pierre
Parachutiste PORTE Pascal
Parachutiste POTENCIER Philippe
Parachutiste RAOUX François
Parachutiste RENAUD Raymond
Parachutiste RENOU Thierry
Parachutiste RIGHI Bernard
Parachutiste SCHMITT Denis
Parachutiste SENDRA Jean

Lire aussi : Déroute à Beyrouth, de Michel GOYA

Crédit : DR.
Crédit ; DR.

Insensible au brouillage, le système de navigation français révolutionnaire VISION tient ses promesses

Insensible au brouillage, le système de navigation français révolutionnaire VISION tient ses promesses


Pour se passer d’un système de géolocalisation par satellite [GPS], dont les signaux sont susceptibles d’être brouillés par des dispositifs de guerre électronique, un aéronef [ou un navire] utilise une centrale de navigation inertielle, dont la précision tend à diminuer au fil du temps [d’où la nécessité de la « recaler »]. En 2016, pour y remédier, la Direction générale de l’armement [DGA] a lancé le projet Vision.

Confié à Safran Electronics & Defense ainsi qu’à Sodern, il consiste à associer une centrale de navigation inertielle à un viseur stellaire [ou viseur d’étoiles], comme en utilise le missile balistique mer-sol stratégique M-51.

Utilisé par les engins spatiaux, un viseur stellaire mesure les coordonnées d’une ou de plusieurs étoiles avant de les communiquer à un calculateur afin de déterminer avec une extrême précision [de l’ordre de la seconde d’arc, soit 0,000277778 degré] une trajectoire ou une position par comparaison avec les éphémérides des corps célestes enregistrées dans une base de données. Le problème est que, sur terre, un tel système ne fonctionne que pendant la nuit et par temps clair… Aussi, le défi du projet Vision est de faire en sorte de pouvoir l’utiliser durant le jour.

Pour cela, Safran a mis au point une centrale inertielle à « Gyroscope Résonnant Hémisphérique » qui constitue déjà, selon l’Agence de l’innovation de défense [AID], une « rupture technologique ».

De son côté, Sodern a développé un nouveau viseur stellaire intégrant « des traitements d’images et des technologies innovantes » afin de détecter et d’identifier des étoiles pendant le jour. « Cela permet de fournir une mesure corrigeant la position de la centrale inertielle, et cela même en pleine journée », explique l’AID.

En 2021, le ministère des Armées avait évoqué des « résultats prometteurs » à l’issue d’une première phase d’essais, réalisés sur le banc CIRE de DGA Maîtrise de l’information [DGA MI] ainsi qu’au Pic du Midi, avec le concours du Centre national de la recherche scientifique [CNRS]. « La capacité du démonstrateur à poursuivre de 4 à 5 étoiles à différents endroits de la voute céleste, de jour comme de nuit, a été démontrée », avait alors souligné l’AID.

Quant aux essais en vol, ils devaient être réalisés à bord d’un avion ATR42 du Service des Avions Français Instrumentés pour la Recherche en Environnement [SAFIRE].

La seconde phase des essais de ce démonstrateur vient de se terminer. Là encore, ces tests réalisés tant au sol qu’en vol, ont été « couronnés de succès » et ont permis de « valider la performance de navigation du système », a fait savoir l’AID, ce 23 octobre. « De nombreuses étoiles ont été accrochées et poursuivies de manière fine par le démonstrateur, permettant d’obtenir une estimation de position de l’avion de l’ordre de quelques centaines de mètres, tout au long de la trajectoire de vol », a-t-elle ajouté, avant d’annoncer le lancement d’un avant-projet « d’équipement embarquable à bord d’aéronefs ».

Plus largement, ce nouveau système de navigation aura vocation à équiper les chasseurs-bombardiers, les avions de transport, les drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] ainsi que les navires et, à plus long terme, les missiles.

La guerre nucléaire est-elle possible ? À propos du livre d’Annie Jacobsen « Guerre nucléaire. Un scénario

La guerre nucléaire est-elle possible ? À propos du livre d’Annie Jacobsen « Guerre nucléaire. Un scénario« 

Fondation de recherche stratégique – Octobre 2024

https://www.frstrategie.org/publications/notes/guerre-nucleaire-est-elle-possible-propos-livre-annie-jacobsen-guerre-nucleaire-un-scenario-2024


Peut-on imaginer la manière dont se déroulerait précisément une guerre nucléaire ? Voilà un sujet dont les plus âgés des lecteurs sont déjà familiers, grâce notamment aux films Le Jour d’après (1983), WarGames (1983) et Threads (1984). Toutefois, depuis la fin de la Guerre froide, la probabilité d’un conflit nucléaire à l’échelle mondiale était jugée tellement faible qu’elle ne faisait plus l’objet de débats et encore moins de scénarisations de ce type.

Depuis le début de la décennie actuelle, et surtout depuis le 24 février 2022, les armes nucléaires sont revenues à l’ordre du jour, parce que la guerre en Ukraine est un conflit « en ambiance nucléaire ». Autrement dit, si la Russie a pu se permettre d’engager une telle opération sans crainte de subir les foudres occidentales, c’est bien parce qu’elle possède l’arme nucléaire. Et, à l’inverse, c’est parce que les pays de l’OTAN – États-Unis, France, Royaume-Uni en tête – sont protégés par elle qu’ils s’autorisent à aider massivement l’Ukraine. Ensuite, bien sûr, parce que l’on craint un éventuel recours à cette arme par Vladimir Poutine.

Ce n’est donc pas un hasard si le livre de la journaliste américaine Annie Jacobsen Guerre nucléaire. Un scénario sort aujourd’hui

. Au centre de cet ouvrage, la notion de guerre nucléaire, conséquence directe de l’échec de la dissuasion, ce mécanisme psychologique censé justement l’empêcher.

L’arme nucléaire a-t-elle prévenu la guerre ?

La dissuasion nucléaire a-t-elle prévenu jusqu’ici une guerre mondiale ? Valider cette hypothèse est difficile. La dissuasion – nucléaire ou non-nucléaire – ne se « décrète » pas : seule la partie dissuadée peut dire… qu’elle l’est. Elle ne se « démontre » pas non plus : il est impossible d’attribuer avec certitude la causalité de l’absence d’un fait. Mais l’on peut trouver des indices de validité du raisonnement dissuasif. Les arguments les plus convaincants relèvent de la « preuve par l’absence »

Premièrement, il s’agit de l’absence de toute guerre ouverte entre les grandes puissances du moment depuis 1945 et, plus largement, celle de tout conflit majeur entre pays disposant de l’arme nucléaire. Car, dans l’ensemble, l’on peut dire que « les États nucléaires ne se font pas la guerre ». Le seul cas où les forces américaines et soviétiques se sont affrontées directement est la guerre de Corée de 1950-1953, mais les pilotes soviétiques volaient alors sous les couleurs de la Corée du Nord ou de la Chine. La crise sino-soviétique de l’Oussouri (1969) ne fut pas, quant à elle, une vraie guerre. On peut également montrer qu’entre deux adversaires qui se dotent de l’arme nucléaire, le risque d’une guerre à grande échelle diminue. Alors que l’Inde et le Pakistan se sont battus en 1948, en 1965 et en 1971, aucune guerre n’a plus eu lieu entre eux depuis 1999. La Chine et l’Inde ont connu un affrontement important en 1962, mais se sont limitées à des escarmouches depuis lors.

Un autre argument en faveur de l’efficacité de la dissuasion est une certaine retenue adoptée par les États non nucléaires face à un pays disposant de cette arme. Le fait est qu’aucun pays nucléaire n’a jamais été envahi, ni son territoire l’objet d’une attaque militaire majeure. La guerre du Kippour de 1973 et celle des Malouines de 1982 sont souvent proposées comme contre-exemples, mais la démonstration reste peu convaincante. En effet, en 1973, l’Égypte limita délibérément ses opérations au Sinaï occupé. Les îles Malouines, envahies par l’Argentine en 1982, étaient un territoire autonome dont rien n’indique qu’il était concerné par la dissuasion.

L’acquisition d’armes nucléaires réduit le risque d’attaque : elle inhibe la prise de risque des pays non nucléaires. Les quelques exceptions qui ont pu se produire ne sont pas de nature à invalider la règle. En 1991, Israël avait été visé par une quarantaine de tirs de missiles irakiens et, plus près de nous (2024), par quelque 300 missiles et drones iraniens. Mais le « seuil nucléaire » – le moment où un État ouvrirait le feu nucléaire – israélien est particulièrement élevé, et les États attaquants le savaient probablement (et dans le cas iranien, tout avait été fait pour qu’Israël puisse intercepter la majorité d’entre eux). Par ailleurs, aucun État non nucléaire couvert par une garantie (« parapluie ») nucléaire n’a jamais été la cible d’une attaque militaire majeure.

Certains experts et anciens responsables haut placés sont persuadés que seule la « chance » peut expliquer l’absence d’explosion nucléaire depuis 1945. L’un des arguments dans le débat nucléaire consiste ainsi à avancer que le monde est passé à plusieurs reprises à deux doigts de la catastrophe. Cette lecture pessimiste est contestable. Elle ne tient pas compte des résistances qui semblent s’être manifestées dans les circonstances précitées, en temps de crise ou en cas de fausse alerte, dans l’esprit des responsables politiques ou militaires concernés. Elle omet l’hypothèse la plus simple : les chefs d’État et de gouvernement ont toujours reculé, même si ce fut parfois presque au dernier moment, devant la terrible décision d’avoir recours à cette arme. Dire « à deux doigts » de la catastrophe néglige une dimension cruciale : dans l’escalade, la marche nucléaire serait la plus haute. On peut débattre de ce que l’on appelle la « chance », mais le fait reste que l’absence de détonation a été causée par des décisions humaines : celle de ne pas employer l’arme ; celle de ne pas considérer une fausse alerte comme une attaque ; celle d’installer des dispositifs de contrôle et de sécurité redondants.

Le fait est que la « tradition de non-emploi » s’est imposée très tôt. Dans la plupart des cas, si les armes nucléaires n’ont pas été utilisées, c’est tout simplement parce que les protagonistes se sont gardés de mettre en cause les intérêts les plus essentiels de leurs adversaires. Soit parce qu’ils ne l’ont jamais envisagé, soit parce qu’ils n’en avaient pas la capacité, soit parce que la dissuasion a fonctionné. Dans certains cas, en particulier, il s’agissait très probablement d’un bluff.

La dissuasion nucléaire a donc sans doute été une clé, et peut-être « la » clé, de la paix entre les grandes puissances depuis 1945. Ce mécanisme semble également expliquer l’absence d’attaques militaires de grande ampleur contre les pays protégés. Sans armes nucléaires, Washington aurait hésité à garantir la sécurité en Europe, et serait peut-être revenu à l’isolationnisme, et sans la protection des États-Unis, la tentation pour Moscou de s’emparer de territoires en Europe occidentale aurait été plus forte.

Un « nouvel âge nucléaire », vraiment ?

Mais si tel est bien le cas, peut-on affirmer que la dissuasion continuera bien à jouer ce rôle à l’avenir ?

L’ordre nucléaire repose sur un cadre de limitation du nombre d’États détenteurs et de limitation des armements. Or celui-ci s’érode. Bien des pays parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), faisant valoir leur frustration quant au non-respect, selon eux, des engagements de désarmement pris par les puissances nucléaires, ont souscrit au « Traité sur l’interdiction des armes nucléaires » entré en vigueur en 2021. Quant à l’instrument destiné à prévenir une nucléarisation de l’Iran, le Joint Comprehensive Plan of Action (2015), il est désormais caduc. Les instruments de limitation des armements disparaissent les uns après les autres : Moscou a suspendu son application du traité New START et révoqué sa ratification du Traité sur l’interdiction complète des essais ; quant aux États-Unis, ils se sont retirés du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), tirant argument des violations de ce Traité par la Russie. Pourtant, la retenue semble encore l’emporter. Aucun État ne s’est retiré du TNP, à l’exception de la Corée du Nord en 2003, dans des conditions juridiques discutables. La même Corée du Nord est la seule à procéder à des essais depuis 1996. Enfin, il n’est guère approprié de parler de « nouvelle course aux armements ». Tous les États continuent de moderniser leurs arsenaux, et, en Asie, les acteurs nucléaires ne sont pas encore parvenus à ce qu’ils estiment être un niveau de « suffisance ». Mais on est très loin de retrouver les dynamiques de la Guerre froide en termes de rythme de production d’armes. Rappelons qu’au pic de celle-ci, Washington et Moscou disposaient ensemble de plus de 70 000 armes nucléaires.

La dissuasion nucléaire pourrait-elle devenir obsolète car concurrencée par des moyens militaires alternatifs, offensifs (moyens hypersoniques précis…) ou défensifs (défenses antimissiles) ? En dépit de la rapidité des développements technologiques contemporains, rien ne prouve qu’un autre instrument militaire puisse se substituer à l’arme nucléaire, qui reste singulière non seulement par ses effets, mais aussi par « l’aura de terreur » qui l’entoure, du fait notamment des ravages de la radioactivité. Parce qu’elle met en jeu les composants les plus élémentaires de la matière, aucune autre technologie, à l’horizon prévisible, n’offre la même combinaison de destruction instantanée à grande échelle, aussi redoutable et prévisible. L’efficacité de la dissuasion repose justement sur ce pronostic très précis des horreurs qu’apporterait un échange nucléaire.

D’autres évolutions modifient le cadre de la dissuasion, mais pas au point de rendre ses conditions d’exercice fondamentalement différentes. Les puissances nucléaires développent des moyens hypersoniques, qui réduiront le temps de vol et la prévisibilité des missiles nucléaires. Encore convient-il de rappeler que les têtes de missiles balistiques vont déjà à une vitesse hypersonique… Certains analystes avertissent que la précision et la rapidité des missiles futurs pourraient rendre les frappes désarmantes plus facilement réalisables que par le passé. Toutefois, ce scénario reste hypothétique. La Chine et la Russie pourraient être tentées, en dépit de l’interdiction qui existe à ce sujet, de placer des armes nucléaires dans l’espace pour garantir la survie de leur arsenal et pour pouvoir « surprendre l’adversaire », mais cet effort serait sans doute surdimensionné car coûteux pour un résultat incertain. Les nouvelles technologies – capteurs, intelligence artificielle – pourraient-elles permettre de détecter les sous-marins, dont la discrétion garantit actuellement l’existence de « capacités de frappe en second », un fondement de la stabilité stratégique ? C’est peu probable. Quant à la crainte de voir les moyens de commandement nucléaire neutralisés par des attaques cybernétiques, elle est sujette à caution : leurs réseaux, outre qu’ils sont particulièrement bien protégés, sont généralement inaccessibles de l’extérieur.

Un autre risque est celui de la « banalisation » de l’arme nucléaire. En 2005, dans son discours d’acceptation du prix Nobel d’économie, Thomas Schelling s’étonnait de ce que les armes nucléaires n’aient pas été utilisées depuis 1945. Son pessimisme, hérité de la Guerre froide, nous paraît inapproprié. La tradition de « non-utilisation » semble solide. Elle s’est même universalisée. Aujourd’hui, la dissuasion est la fonction militaire unique des armes nucléaires : plus aucun État ne considère ces armes comme des moyens de « bataille » ou d’« emploi ». Tous les pays réputés disposer de l’arme nucléaire affirment avoir une stratégie de dissuasion. En dépit de leurs rodomontades, ni Vladimir Poutine, ni Kim Jong-un, ni Donald Trump n’ont jamais semblé être sur le point d’appuyer sur le bouton.

La guerre en Ukraine n’a pas invalidé les postulats de la dissuasion. Il est probable que la possession d’une capacité nucléaire ait rendu la Russie plus confiante dans l’engagement délibéré d’une opération militaire majeure aux frontières des pays de l’OTAN. De même peut-on dire qu’elle a contribué à la retenue des pays alliés dans leur assistance à l’armée ukrainienne. L’image des affrontements indirects de la Guerre froide, de la Corée à l’Afghanistan, n’est pas hors de propos. On voit, certes, avec l’invasion russe une illustration spectaculaire de ce que l’on avait appelé, au début des années 1990, la « sanctuarisation agressive » : un État s’abrite derrière son parapluie nucléaire pour agresser un pays non protégé par cette arme. On avait vu ce concept à l’œuvre en Asie avec les actions de la Chine (1969), du Pakistan (1999) et de la Corée du Nord (2010), mais aussi en Europe avec celles de… la Russie depuis 2008. Toutefois, contrairement à ce qu’une lecture hâtive des déclarations russes a parfois pu faire croire, Moscou ne s’est pas montrée particulièrement menaçante au cours de la guerre en Ukraine, les déclarations des rares responsables russes autorisés à s’exprimer étant presque toujours parfaitement en phase avec la doctrine russe déclarée, qui fait état d’un seuil nucléaire assez élevé. La configuration et la posture des forces sont restées cohérentes avec cette doctrine, de même que les exercices conduits depuis plus de deux ans. La décision spectaculaire, le 27 février 2022, de placer toutes les forces stratégiques russes dans un « régime spécial de combat » n’avait pas débouché sur une élévation du niveau d’alerte des forces nucléaires : il s’agissait essentiellement, semble-t-il, d’une mesure de précaution.

Bien entendu, un excès d’optimisme dans le domaine nucléaire serait tout aussi inconsidéré que le catastrophisme dont font preuve de nombreux commentateurs. Les conditions d’exercice de la dissuasion nucléaire évoluent. Le nombre d’acteurs dotés de l’arme nucléaire est plus élevé (neuf) qu’à la fin de la Guerre froide (six). Cette multipolarité nucléaire grandissante pourrait rendre la dissuasion plus problématique. Si la dissuasion à deux est souvent considérée comme une partie d’échecs, la dissuasion à plusieurs pourrait être une partie de poker dans le meilleur des cas, une partie de roulette russe dans le pire. Cela est d’autant plus vrai que les arsenaux nucléaires en Asie se renforcent rapidement, sans pour autant être mûrs au point de pouvoir garantir une certaine stabilité stratégique. Et, surtout, que plusieurs des acteurs nucléaires – la Russie, la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord – semblent particulièrement enclins à la prise de risque stratégique : or quand bien même ils resteraient prudents dans le domaine nucléaire, leurs initiatives pourraient déboucher sur des crises difficilement contrôlables. Aussi serait-il irresponsable, par exemple, de négliger l’éventualité d’un emploi délibéré par le Kremlin, notamment si le régime vacillait. Même s’il n’est pas totalement certain qu’il suffirait au président russe de donner l’ordre d’ouverture du feu nucléaire – il est le seul habilité à le faire, comme ses homologues français ou américain – pour que cet ordre soit effectivement mis en œuvre jusqu’au bout de la chaîne de commandement : des officiers subalternes chargés de son exécution pourraient peut-être refuser d’agir. L’émergence de la Chine comme puissance nucléaire majeure pose des questions nouvelles et, pour les Occidentaux, l’équilibre stratégique pourrait bientôt ressembler à un « problème à trois corps ». Enfin, la montée en puissance des défenses antimissiles pourrait rendre plus complexe le calcul offense/défense.

Mais tout cela ne crée pas nécessairement les conditions d’un « nouvel âge nucléaire ». Au fond, les éléments et les codes de la dissuasion nucléaire restent inchangés. Seul un effondrement du TNP à la suite d’un retrait de l’Iran est susceptible d’altérer fondamentalement le cadre de la dissuasion à court et moyen termes. Quant à un « troisième emploi » de cette arme, après Hiroshima et Nagasaki, il ferait connaître au monde un véritable saut dans l’inconnu.

Un roman plutôt qu’un essai

C’est, justement, l’objet de Guerre nucléaire. Un scénario. Salué par la critique aux États-Unis, l’ouvrage d’Annie Jacobsen est unique en son genre. Il relève à la fois de la fiction et du documentaire, avec de nombreuses références techniques et historiques présentées sous la forme d’encadrés ou d’inserts. La prose est sèche et nerveuse, les personnages peu détaillés : l’aspect fictionnel du livre n’est là qu’en support de la description, en 400 pages, des 72 minutes qui séparent, dans son scénario, la paix de la destruction totale.

Tout commence par un tir de deux missiles nord-coréens sur les États-Unis. L’attaque est ce que l’on appelle dans le domaine militaire un « coup de tonnerre dans un ciel bleu », sans qu’aucune crise ou événement l’ait laissé prévoir. Kim Jong-un, ou son successeur, serait-il susceptible de commettre un tel acte ? Cela supposerait qu’il soit suicidaire. Rien dans le comportement des dirigeants nord-coréens, depuis la fondation de la République démocratique et populaire de Corée, ne laisse entendre que ce soit le cas. On dit souvent que la dissuasion ne peut pas fonctionner face à un « fou ». C’est sans doute vrai, mais les dirigeants concernés ne sont jamais « fous » : ils ont leur propre rationalité. Tout l’enjeu consiste à la comprendre.

Il n’empêche : on peut se demander quelle logique voudrait que la Corée du nord ne tire que deux missiles alors qu’elle sait très bien qu’il y aurait une probabilité non négligeable qu’au moins l’un des deux soit intercepté et que la riposte américaine serait terrible.

Ces questionnements n’invalident pas les hypothèses de l’auteure, à condition de ne pas voir Guerre nucléaire comme une projection réaliste. Dans le scénario que propose Annie Jacobsen, le monde est confronté à une série de décisions fatales prises par les dirigeants de puissances nucléaires – le but de la journaliste américaine étant de montrer un véritable « scénario catastrophe », menant à la pire des issues possibles.

L’enchaînement des faits est le suivant. Les défenses antimissiles balistiques américaines, pourtant conçues justement pour intercepter une poignée de missiles nord-coréens, ne font preuve d’aucune efficacité. Et voyant arriver les missiles en direction du territoire continental américain, le président des Etats-Unis prend deux décisions surprenantes.

La première est de riposter immédiatement, sans attendre la certitude que ce sont bien des missiles nucléaires, que c’est bien l’Amérique qui va être frappée, et que les armes exploseront comme prévu. C’est ce que l’on appelle le « lancement sur alerte » (launch on warning). Or si cette option est techniquement ouverte au président américain – au nom de la maximisation de sa liberté d’action –, la culture stratégique américaine contemporaine suggère au contraire très fortement qu’un président américain attendrait d’être certain que les explosions ont eu lieu pour réagir.

La deuxième décision surprenante est que parmi les trois types de moyens de riposte dont le président dispose – missiles sol-sol, aviation, missiles mer-sol –, il privilégie les premiers dans le but de réduire au maximum la capacité de la Corée du Nord à lancer de nouveaux missiles. Or la trajectoire balistique de ces missiles lancés depuis le nord et l’ouest du territoire américain ne peut pas être contrôlée : pour atteindre la Corée du nord, ils doivent, géographie oblige, survoler le territoire… russe. Et le président américain qu’imagine Annie Jacobsen n’y va pas de main morte : il lance pas moins de cinquante de ces missiles, auxquels s’ajoutent huit missiles multi-têtes depuis les sous-marins américains dans le Pacifique.

C’est la clé du scénario infernal proposé par Annie Jacobsen. Bien évidemment, l’administration américaine, président en tête, veut immédiatement prévenir Moscou, afin de couper court à tout malentendu. Or Moscou… ne répond pas. Et, pire, va réagir exactement comme Washington l’a fait, mettant le feu à la planète. Car ses moyens d’alerte avancée détectent, à tort, plusieurs centaines de missiles dirigés vers la Russie. Enfin, dans ce scénario, la Chine n’intervient pas (les autres puissances nucléaires non plus). Or il n’est pas absurde de supposer que, dans la réalité, elle ne resterait pas inerte face à la perspective d’une guerre nucléaire à sa porte.

Enfin, le récit suppose que la « chaîne de commandement » fonctionne parfaitement. Si la décision d’emploi incombe généralement au décideur suprême, démocrate ou dictateur, elle doit être mise en œuvre par des hommes et des femmes. Or on a pu voir un débat à ce sujet sous l’administration Trump, les plus hauts responsables militaires américains affirmant qu’ils s’opposeraient à tout ordre présidentiel « illégal ». Alors que dans le livre d’Annie Jacobsen, ces mêmes responsables sont volontiers présentés comme des va-t-en-guerre…

Au vu de la radicalité des événements décrits et de leur enchaînement discutable, Guerre nucléaire. Un scénario est bien davantage un roman, une projection extrême, qu’un essai visant à coller à la réalité de l’instant présent. Mais en privilégiant la consultation d’experts favorables au désarmement, et parfois décrédibilisés, l’auteur s’expose au reproche de militantisme

. Le livre d’Annie Jacobsen pose ainsi problème tant sur le plan technique que politique, et le récit sur lequel il est basé confine à l’absurde. 

Toutefois, sa valeur réside davantage dans ses descriptions techniques que dans le scénario lui-même. Le lecteur est ainsi invité à se plonger dans un exposé ultra-détaillé aussi terrifiant que techniquement plausible de ces 72 minutes. Personne d’autre n’avait, jusqu’à présent, couché sur le papier dans un ouvrage destiné au grand public le déroulement précis de la catastrophe absolue que représenterait une guerre nucléaire totale. À quelques mois du quatre-vingtième anniversaire d’Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945), Annie Jacobsen nous rappelle l’horreur que serait un emploi massif des armes nucléaires par les grandes puissances. Paradoxalement, c’est ce tableau qui peut conforter la logique de dissuasion nucléaire : c’est parce que ces armes font peur aux dirigeants qu’elles les contraignent à une certaine retenue dans la guerre.

Les terres rares, nouvel enjeu de puissance et terrain d’affrontement stratégique ?

Les terres rares, nouvel enjeu de puissance et terrain d’affrontement stratégique ?

Par AB PICTORIS, Clément Alberni – Diploweb – publié le 23 octobre 2024

https://www.diploweb.com/Carte-commentee-Les-terres-rares-nouvel-enjeu-de-puissance-et-terrain-d-affrontement-strategique.html


AB Pictoris est une entreprise française fondée par Blanche Lambert, cartographe indépendante. Passionnée de cartographie et de géopolitique, elle a obtenu un Master en Géopolitique (parcours cyber, IFG, Paris VIII) et en Géostratégie (Sciences Po Aix) après une licence de Géographie et Aménagement du Territoire (Paris I).
Clément Alberni est diplômé d’un Master en Histoire et Relations internationales, de l’Université Catholique de Lille. Après un stage au Ministère des Armées, il occupe chez AB Pictoris un poste d’analyste-cartographe dans le cadre d’un stage se déroulant d’août à octobre 2024.

La République populaire de Chine est le leader historique de la production de terres rares. Les Etats-Unis mettent en oeuvre une volonté de reprendre le contrôle stratégique par l’autonomisation. L’Union européenne tente une stratégie de réduction de la dépendance mais se trouve face à ses propres limites. Autrement dit, les terres rares en disent long sur les dynamiques de puissance aujourd’hui.

Carte disponible sous deux formats : JPG et PDF haute qualité d’impression.

« Le Moyen-Orient a son pétrole, la Chine a ses terres rares », cette phrase prononcée en 1992 par Deng Xiaoping, alors dirigeant de la République populaire de Chine, illustre l’importance stratégique de ces métaux, même s’ils sont encore trop méconnus aujourd’hui.

Les terres rares, utilisées dans de nombreux objets électroniques et numériques (téléphones portables, disques durs, écrans, vélos ou voitures électriques, turbines d’éoliennes, robots), sont devenues incontournables. Sur le marché des terres rares, la Chine occupe aujourd’hui une position dominante et place, notamment l’Europe et la France, dans un rapport de dépendance marqué. Revenons sur les enjeux géopolitiques et les perspectives à moyen-long terme autour de ces matériaux dont l’importance ne cesse de croître depuis plusieurs décennies.

 
Carte. Les terres rares, nouvel enjeu de puissance et terrain d’affrontement stratégique
La République populaire de Chine, leader historique de la production de terres rares. Les Etats-Unis, une volonté de reprendre le contrôle stratégique par l’autonomisation. L’Union européenne, une stratégie de réduction de la dépendance face à ses propres limites. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris. Voir la carte au format PDF haute qualité d’impression
Alberni/AB Pictoris

Une définition des terres rares

Rémy Sabathié, géo-politologue et auteur de l’ouvrage La France et les Terres rares [1] le décrit comme “Un groupe restreint de 17 éléments de la classification périodique de Mendeleïev (94 éléments), soit environ 18% des éléments connus.“

Il s’agit plus précisément de 15 lanthanides – lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium,erbium, thulium, ytterbium, lutécium – auxquels il faut ajouter le scandium et l’yttrium qui ne sont pas à proprement parler des terres rares mais qui leur sont assimilés.

Ces terres rares (qui seront appelés REE ou ETR) sont des métaux, issus de minéraux, et donc extraits des sous-sols. Pour autant, une de leurs principales caractéristiques est leur faible concentration dans la terre. Ainsi, pour ne récupérer qu’une toute petite quantité de terres rares, il est nécessaire d’en traiter de très gros volumes. De plus, l’obtention d’un produit pur est un processus long, coûteux en énergie et très polluant. Les applications industrielles des terres rares nécessitent des niveaux de pureté très élevés, jusqu’à 99,9% [2]. Les effets de l’activité minière des terres rares sur l’environnement (spécialement les argiles latéritiques d’ion-adsorption) portent principalement sur une destruction sévère de la végétation ainsi qu’une dégradation importante des sols et de la qualité des eaux [3].

Toujours selon Rémy Sabathié, les terres rares se regroupent en deux sous-catégories, les terres rares légères, et les terres rares lourdes, qui sont considérées comme beaucoup plus rares car « présentes dans les couches géologiques dans des concentrations encore plus faibles que les terres rares légères ».

Aujourd’hui, près de 90% des réserves connues de terres rares sont réparties entre quatre pays. En effet, selon les données de Statista en 2022, la Chine dispose d’environ 44 000 tonnes d’oxydes de terres rares, soit environ 37% des réserves totales, le Vietnam dispose d’environ 22 000 tonnes (environ 20%), tandis que le Brésil et la Russie disposent de 21 000 tonnes (environ 15%) chacun.

Analysons les enjeux autour des terres rares sous le prisme de la domination chinoise, et des stratégies adoptées en retour par les États-Unis et l’Union européenne.

La position dominante de la Chine sur le marché des terres rares

Dans sa note, “La Chine et les terres rares : son rôle critique dans la nouvelle économie”, le chercheur John Seaman affirme que “la domination de la Chine dans la production de terres rares illustre la compétition qui se joue autour des ressources minérales dans un monde toujours plus axé sur le numérique et le bas-carbone”. En effet, ce dernier ajoute qu’au cours des deux dernières décennies, la Chine a été à l’origine de 80 à 95 % de la production mondiale de terres rares [4].

Bien que les États-Unis aient été les premiers producteurs mondiaux de terres rares au début des années 1980, la majorité de la production mondiale a basculé en Chine à partir du milieu des années 1990.

Cette évolution favorable s’explique d’abord par différentes décisions du gouvernement chinois comme la modernisation économique marquée par une exploitation intense des ressources naturelles, la réglementation de l’industrie sur les acteurs du marché intérieur et la limitation des conditions d’accès à l’exploitation par des étrangers. En parallèle, la relative libéralisation du commerce et de l’investissement a encouragé les entreprises chinoises dans l’acquisition d’un savoir-faire technologique étranger dans le secteur des terres rares. Cette avance technologique a conduit la Chine à une domination progressive des chaînes de valeurs [5] permettant l’utilisation de certains types de terres rares. C’est le cas des éléments Nfdeb, utilisés dans des domaines tels que l’automobile et l’aéronautique.

Cette domination s’accentue encore à mesure que d’autres producteurs, notamment aux États-Unis, ferment leurs mines en raison de la concurrence chinoise et des préoccupations environnementales montantes. Dans les années 2000, la Chine continue d’améliorer sa position dominante sur le marché, atteignant près de 95 % de la production mondiale [6] de terres rares. Elle développe également des capacités de traitement sophistiquées, ce qui lui permet de contrôler non seulement l’extraction, mais aussi le raffinement des terres rares, une étape cruciale dans la chaîne de valeur.

Dès l’année 2005, la mise en place de quotas d’exportation et la restriction de ventes de terres rares par la Chine, officiellement pour des raisons environnementales, mais également pour favoriser les industries locales utilisant ces matériaux et ainsi conserver sa domination sur le marché, alertent quant à la capacité de nuisance chinoise.

Au cours de l’année 2010, un incident diplomatique sino-japonais provoque un embargo chinois [7] sur les terres rares et marque un tournant dans la prise de conscience mondiale concernant la dépendance envers l’État chinois. La capacité de la Chine à influencer ce marché pousse de nombreux pays à repenser leurs stratégies d’approvisionnement pour se prémunir contre l’éventuelle utilisation des terres rares comme un outil de pression politique ou économique. Ainsi, de nouveaux projets miniers sont relancés ou initiés (Australie, aux États-Unis et au Canada) pour réduire la dépendance à l’égard de Pékin. En parallèle, les recherches sur le recyclage des terres rares et le développement de matériaux de substitution s’intensifient.

Dans un contexte de tensions économiques exacerbées, les États-Unis réagissent et mettent en place une stratégie qui vise à développer leur capacité à maîtriser les différents éléments de la chaîne de valeurs sur certaines terres rares, tout en cherchant des solutions alternatives d’approvisionnement, dans le but de réduire leur niveau de dépendance vis à vis de la Chine.

Les États-Unis, une stratégie d’autonomisation et de diversification des approvisionnements

A la veille de la transition énergétique, du tournant vers des technologies plus respectueuses de l’environnement et du développement du numérique, les minerais et les métaux occupent une place de plus en plus centrale dans le développement économique. Dans ce contexte, la sécurisation des approvisionnements et l’organisation de chaînes de valeurs durables est indispensable.

Les États-Unis, principaux concurrents de la Chine, ont emboîté le pas du Japon (précurseur de la mise en place de politiques publiques pour gérer cette dépendance) en adoptant une stratégie à deux dimensions [8]. La première, visant à relancer l’industrie américaine, la seconde visant à établir une coopération internationale spécifique et pouvant parfois s’imbriquer avec d’autres alliances préexistantes comme le Quad [9], regroupant les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie.

Les terres rares en disent long sur les dynamiques de puissance aujourd’hui

Le volet portant sur la relance de l’industrie a été initié durant le mandat de Donald Trump. En décembre 2017, ce dernier signe l’Executive Order 13817 [10] visant à établir un inventaire complet des minerais critiques pour apporter une réponse rapide et adaptée sur l’approvisionnement, le traitement et le recyclage de ces métaux. L’étude a permis de dégager les (24) buts à atteindre, des recommandations (61) et 6 domaines d’action [11]. Le nouvel Executive Order publié le 30 septembre 2020 en est une traduction législative concrète. Ce dernier demande « l’utilisation de tous les pouvoirs (des ministères concernés) afin d’accélérer la délivrance de permis et l’achèvement des projets permettant l’expansion et la protection de la chaîne d’approvisionnement minière domestique ».

Sur le plan de la coopération extérieure, les États-Unis développent leurs relations bilatérales avec l’Australie, le Canada et le Brésil pour diversifier leurs sources d’approvisionnement. En parallèle, ils continuent de structurer leur relations avec le Groenland, l’une des rares régions du monde abritant des ressources encore inexploitées et regorgeant de métaux rares [12]. Les enjeux sont considérables dans cette région autonome qui cherche à obtenir son indépendance, et qui voit déjà de nombreux pays comme la Russie, la Chine et les États-Unis se positionner.

L’administration Biden poursuit les politiques engagées en mettant l’accent sur des leviers comme le développement des technologies alternatives aux terres rares et l’amélioration de l’efficacité des procédés de production, ainsi que la promotion du recyclage des terres rares à partir de produits électroniques usagés et autres matériaux. Il est certain que la relance de l’industrie américaine prendra des années avant de produire des effets significatifs. D’ici là il s’agit de réduire la dépendance vis-à-vis des sources primaires tout en diminuant l’impact environnemental de l’extraction minière.

L’Union européenne, une stratégie de réduction de la dépendance face à ses propres limites

Dès le début du XXIe siècle, les instances décisionnelles de l’Union européenne (UE) ont manifesté un intérêt croissant pour les terres rares, en réaction à une transformation significative de la chaîne d’approvisionnement mondiale qui s’est produite au cours des années 1990, et leur nouvelle dépendance à la République populaire de Chine. Ainsi en 2023, le site français Vie Publique affirme que “Sur toute la chaîne de valeur des terres rares, la France et l’Europe sont dans un rapport de dépendance marqué par rapport à la Chine. La situation peut même être qualifiée d’instable et de dangereuse face aux possibilités de restriction de la Chine sur ses exportations à base de terres rares, en raison de la hausse prévue de la consommation chinoise. [13]

Depuis la prise de conscience de ce retard important, l’Union européenne élabore une stratégie visant à réduire sa dépendance et à sécuriser ses approvisionnements en ces matériaux indispensables pour les technologies vertes et numériques. Elle lance en 2020, à l’initiative de la commission européenne, une première phase à travers le “Plan d’action sur les matières premières critiques” qui répond à quatre objectifs :

. développer des chaînes de valeur résilientes pour les écosystèmes industriels de l’UE ;

. réduire la dépendance vis-à-vis les matières premières critiques primaires grâce à l’utilisation circulaire des ressources, des produits durables et de l’innovation ;

. renforcer l’approvisionnement domestique de matières premières dans l’UE ;

. diversifier l’approvisionnement auprès des pays tiers et éliminer les distorsions du commerce international, en respectant pleinement les obligations internationales de l’UE.

Pour se donner les moyens d’y parvenir, elle se fixe 10 engagements concrets à moyen-long terme (cf article source [14]). Parmi ces objectifs, le plan prévoit la création d’une alliance européenne des matières premières. Créée en 2020, l’alliance européenne pour les matières premières fédère les industriels du secteur et identifie des projets d’extraction et de recyclage de terres rares en Europe.

Dans la continuité de ce plan d’action, le Conseil européen, institution qui réunit les chefs d’État ou chefs de gouvernement des vingt-sept États membres de l’Union européenne (précision importante pour souligner le poids politique de cette décision), adopte le Critical Raw Material Act [15], une réglementation qui matérialise la stratégie de l’Union sur ces matières essentielles au fonctionnement et à l’intégrité d’un large éventail d’écosystèmes industriels. Une stratégie qui, pour rappel, repose sur trois piliers : accroître et diversifier l’approvisionnement de l’UE en matières premières critiques, renforcer la circularité y compris le recyclage, soutenir la recherche et l’innovation en matière d’utilisation efficace des ressources et de mise au point de substituts.

Le texte rappelle cependant que si l’UE ne sera jamais autosuffisante, elle vise à diversifier son approvisionnement [16].

Malgré les efforts de l’Union européenne, plusieurs défis internes freinent la mise en œuvre d’une stratégie cohérente et efficace. Le principal défi est celui de l’hétérogénéité entre ses États membres qui ont des priorités industrielles et économiques divergentes, ce qui complique la coordination des efforts au niveau européen. Certains pays, comme l’Allemagne, sont fortement engagés dans le développement de technologies vertes et sont particulièrement intéressés par l’accès sécurisé aux terres rares pour alimenter leur industrie des énergies renouvelables. D’autres, en revanche, comme les pays d’Europe de l’Est, sont plus préoccupés par les implications économiques et sociales de l’exploitation minière, et sont moins disposés à accepter des projets d’envergure. Ces divergences se manifestent également dans la manière dont les États membres abordent les partenariats internationaux.

Enfin, l’impact environnemental et les déchets générés à différentes étapes (extraction, raffinage) de la chaîne de valeur des terres rares sont un problème majeur. L’Union accélère sa transition vers une industrie verte et durable, et doit parvenir à trouver un équilibre entre le respect des normes environnementales, les revendications sanitaires de ses citoyens, et la nécessité de s’autonomiser avec la mise en place de nouveaux projets d’exploitation minière sur son sol.

Pour surmonter ces obstacles, l’UE devra non seulement renforcer la coordination entre ses États membres, mais aussi développer des solutions innovantes pour minimiser l’impact environnemental de l’exploitation minière. La mise en place de standards environnementaux européens doit permettre d’harmoniser les pratiques minières à travers l’Union, tout en respectant les attentes des citoyens en matière de durabilité. La capacité de réponse à ces problématiques apparaît d’autant plus importante que l’UE prévoit une explosion de la demande en matières premières critiques d’ici 2030 et 2050, pour certains comme l’aluminium, le cuivre, le nickel elle devrait être multiplié par 10 [17]. Du côté des métaux rares, un rapport de l’association européenne des métaux [18] prévoit des augmentations de la demande vertigineuse : + 3 500 % pour le lithium, + 2 600 % pour le dysprosium , + 330 % pour le cobalt.

Ainsi, la Chine est aujourd’hui en position de forte domination sur le marché, une position dont l’utilisation comme arme diplomatique est à relativiser. Cependant, les efforts investis par les États-Unis et l’Union européenne, qui tendent à réduire leur dépendance et à combler ce retard, témoignent de l’importance à venir des terres rares. Ces nouvelles stratégies, dont les effets mettront plusieurs années à se produire, sont indispensables, dans un contexte d’augmentation exponentiel de la demande globale des précieux métaux. Cet enjeu aujourd’hui majeur sera demain un enjeu hautement stratégique pour les États.

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Carte. Les terres rares, nouvel enjeu de puissance et terrain d’affrontement stratégique
La République populaire de Chine, leader historique de la production de terres rares. Les Etats-Unis, une volonté de reprendre le contrôle stratégique par l’autonomisation. L’Union européenne, une stratégie de réduction de la dépendance face à ses propres limites. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris.Document ajouté le 21 octobre 2024
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La Chine est leader historique de la production de terres rares. Les Etats-Unis mettent en oeuvre une volonté de reprendre le contrôle stratégique par l’autonomisation. L’UE affiche une stratégie de réduction de la dépendance mais se trouve face à ses propres limites.


[1] Sabathié, R. (2016). La France et les Terres rares. Les Éditions du Net.

[2] CNRS. (2010, 6 août). Les terres rares : Quels impacts ? ÉcoInfo. https://ecoinfo.cnrs.fr/2010/08/06/les-terres-rares-quels-impacts/

[3] Wong, M. H., Wong, J. W. C., & Baker, A. J. M. (2014). Impacts of rare earth mining on the environment and the effects of ecological measures on soil. In Remediation and management of degraded lands (chap. 10).

[4] Vasselier, A. (2021). Chine et terres rares : Un rôle critique dans la nouvelle économie. Ifri. https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/chine-terres-rares-role-critique-nouvelle-economie

[5] La chaîne de valeur est l’ensemble des étapes déterminant la capacité d’un domaine d’activité stratégique (DAS), d’une entreprise ou d’une organisation à obtenir un avantage concurrentiel.

[6] Humphries, M. (2010). Rare earth elements : The global supply chain. Congressional Research Service.

[7] Le Monde. (2010, 23 septembre). Tension Pékin-Tokyo : La Chine suspend ses exportations de terres rares vers le Japon. https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2010/09/23/tension-pekin-tokyo-la-chine-suspend-ses-exportations-de-terres-rares-vers-le-japon_1414929_3216.html

[8] Laplane, M. (2021). Stratégie et souveraineté minérale américaine (p.3). Ifri. https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/laplane_strategie_souverainete_minerale_americaine_2021.pdf

[9] Géoconfluences. (2021). Quadrilateral pour la sécurité (Quad) : Dialogue quadrilatéral. Géoconfluences. https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/quad-dialogue-quadrilateral-pour-la-securite

[10] Executive Office of the President. (2017, 26 décembre). A federal strategy to ensure secure and reliable supplies of critical minerals. Federal Register. https://www.federalregister.gov/documents/2017/12/26/2017-27700/a-federal-strategy-to-ensure-secure-and-reliable-supplies-of-critical-minerals

[11] 1. Faire progresser la R&D et le déploiement de solutions tout au long des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques 2. Renforcer les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques des États-Unis et le tissu industriel de la défense 3. Améliorer les règles du commerce international ainsi que la coopération toutes deux liées aux minerais critiques 4. Améliorer la connaissance autour des ressources minérales critiques nationales 5. Améliorer l’accès aux ressources minérales sur les terres fédérales et réduire les délais de délivrance des permis fédéraux 6. Augmenter la main-d’œuvre américaine dans l’industrie des minerais critiques.

[12] Le Monde. (2022, 28 juillet). Le Groenland, nouvel eldorado des terres rares. Le Monde. https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html

[13] Vie publique. (2022, 9 février). Terres rares : Quels enjeux pour la France et l’Europe ? Vie Publique. https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/289457-terres-rares-quels-enjeux-pour-la-france-et-leurope#terres-rares-les-enjeux-du-futur

[14] Comité économique et social européen. (2023). Résilience des matières premières critiques : La voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité. https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/resilience-des-matieres-premieres-critiques-la-voie-suivre-pour-un-renforcement-de-la-securite-et-de-la-durabilite

[15] Conseil de l’Union européenne. (2024). Critical raw materials. https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/

[16] Actuellement, pour certaines matières premières critiques, l’UE dépend uniquement d’un seul pays : la Chine fournit 100 % de l’approvisionnement de l’UE en terres rares lourdes, la Turquie fournit 98 % de l’approvisionnement de l’UE en bore, l’Afrique du Sud fournit 71 % des besoins de l’UE en platine

[17] Conseil de l’Union européenne. (2024). Critical raw materials. (Paragraphe 5. L’avenir de la demande) (https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/

[18] Eurometaux. (2022). Policymaker summary report. https://eurometaux.eu/media/20ad5yza/2022-policymaker-summary-report-final.pdf