Vers une capacité MAMBA musclée dans la prochaine LPM

Vers une capacité MAMBA musclée dans la prochaine LPM


Pour les chefs d’état-major, chaque audition parlementaire devient propice à relever les grands enjeux capacitaires de la prochaine loi de programmation militaire. Du côté de l’armée de l’Air et de l’Espace, les réflexions portent entre autres sur le renforcement du segment de défense sol-air assuré par les systèmes MAMBA. 

S’agissant de la défense sol-air en général, « la LPM que nous sommes en train de construire doit nous permettre d’aller plus loin », déclarait le chef d’état-major de l’AAE, le général Stéphane Mille mi-octobre en audition à l’Assemblée nationale. Des propos réitérés et détaillés un mois plus tard au Sénat. Certains sujets étaient alors « encore en cours d’arbitrage » mais, selon, le CEMAAE, l’une des idées sur la table sera bien de muscler la capacité MAMBA de deux manières. 

Premièrement, en poursuivant la rénovation des systèmes actuels via le programme SAMP/T NG conduit avec l’Italie. Lancé en réalisation en novembre 2020, ce programme dotera le système français du nouveau radar GF 300, du missile Aster 30 B1 NT et d’un module C2 rénové. Mais s’il doit permettre, d’après le CEMAAE, de « protéger une zone plus vaste et de lutter contre les menaces supplémentaires », le SAMP/T NG ne sera livré qu’à partir de 2027 aux armées françaises. 

Et deuxièmement, il est aussi question « d’augmenter le volume pour pouvoir répondre à une demande de protection croissante ». L’armée de l’Air et de l’Espace opère aujourd’hui huit sections MAMBA, dont l’une est déployée en Roumanie au titre de la mission Aigle. L’Ukraine demande depuis longtemps à la France de lui fournir une capacité MAMBA pour lutter contre les attaques russes, sans réponse claire jusqu’à présent. Seul indice évoqué la semaine dernière par le ministre des Armées Sébastien Lecornu lors d’un déplacement à Kiev, le lancement d’un programme de formation d’officiers ukrainiens sur « des nouveaux systèmes qui pourraient équiper l’Ukraine à l’avenir ».

S’agira-t-il d’en acquérir davantage comme le projette l’Italie, de poursuivre l’effort de remontée des stocks de missiles Aster 30, ou les deux ? Pour cette réponse, et bien d’autres, il faudra encore attendre plusieurs semaines avant l’adoption de la LPM 2024-2030 en conseil des ministres et sa publication. Le président de la République s’exprimera prochainement à ce sujet lors de ses traditionnels vœux aux armées, organisés cette fois sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. La discussion du texte devrait intervenir en juin prochain au Sénat mais, pour certains sénateurs, la question de l’étendue de la capacité de défense sol-air ne pourra être éludée. 

« La guerre en Ukraine a mis en évidence les limites de notre défense sol-air, dont nous disposons en quantité plutôt modeste, que ce soit pour la moyenne portée (SAMP-T Mamba avec le missile Aster) ou dans la basse couche (Crotale) », relevait notamment la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret.

Bien que parcellaire, la perspective partagée par le CEMAAE aura peut-être participé à rassurer des sénateurs pour qui la défense sol-air française reste « un sujet de préoccupation ». Un sentiment partagé par leurs homologues de l’Assemblée nationale, à l’origine d’une mission flash sur le sujet pilotée depuis mi-octobre par les députés Natalia Pouzyreff (RE) et Jean-Louis Thiériot (LR).

Crédits image : AAE

Le porte-avions, assurance-vie des outremers

Le porte-avions, assurance-vie des outremers

Alors que la nouvelle loi de programmation militaire est en discussion et que se pose la question des modalités de remplacement du porte-avions nucléaire « Charles de Gaulle », les débats reviennent sur la pertinence du groupe aéronaval dans son format actuel, face à des menaces censément nouvelles et au regard de technologies « de rupture » qui permettraient, à moindre coût et à moindre risque, de disposer de capacités équivalentes. Si les arguments pour ou contre le porte-avions sont souvent assez convenus, il en est un qui est assez peu mis en avant par ses promoteurs, alors qu’il devrait être au cœur de notre stratégie de défense : le groupe aéronaval constitue aujourd’hui la principale assurance vie des outremers, la traduction concrète de l’effort de défense nationale pour des millions de Françaises et de Français qui partagent notre communauté de destin, loin de la métropole.

Il en va du porte-avions comme du char d’assaut : depuis sa création à la fin de la Première Guerre mondiale, ses opposants n’ont eu de cesse de proclamer sa mort ou son inutilité à chaque conflit, à chaque apparition d’un système nouveau pouvant soit le remplacer soit le condamner. Critiques d’autant plus audibles que son coût va croissant et devient en apparence exorbitant. Pourtant, il demeure. Non pas comme un éléphant blanc inactif dans un port, mais comme l’outil privilégié des opérations de projection des grandes marines océaniques, cœur de groupes aéronavals qui ont pris depuis un siècle des formes très variées pour des missions dont le spectre a concerné tous les milieux, toutes les politiques et toutes les situations possibles, de la lutte antinavire à la frappe des littoraux ou dans la profondeur, en passant par le blocus maritime, la lutte anti sous-marine, l’escorte de convois ou encore la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire. Il n’est pas un État, ancien ou émergent, qui tente d’en faire l’économie une fois que sa marine a atteint un certain développement. Chine, Corée du sud, Espagne, États-Unis, Inde, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie et Turquie sont dans ce constat qu’il leur faut disposer d’au moins un groupe aéronaval mettant en œuvre des avions embarqués, même si les questions de la forme du navire et de la composition de son groupe aérien demeurent ouvertes, entre ambitions, moyens, doctrines, limitations politiques et compétences nationales, innovations et obsolescences.

Bien entendu, le fait que de nombreuses marines restent convaincues de son utilité n’est pas suffisant en soi pour affirmer que la France a besoin d’un groupe aéronaval. D’autres formats de marine existent, qui renvoient à d’autres missions et d’autres ambitions. À un moment où la guerre revient à grande échelle sur le sol européen et où la montée de crises climatiques, énergétiques, économiques et sociales menace le continent, la tentation pourrait être grande de « faire l’économie » du groupe aéronaval, pour redéployer des crédits vers l’aviation basée au sol, la défense territoriale, les stocks de munitions… Les arguments « traditionnels » de défense du porte-avions trouvent ici leurs limites : focalisés autour de la question de la projection de puissance en coalition, le plus souvent avec l’apriori tacite du contexte d’interventions internationales en situation de crise dans les pays émergents, ils limitent souvent le porte-avions à un instrument de prestige basé sur la visibilité et la liberté de navigation, qui permet à la France de « tenir son rang », sans qu’il soit toujours très évident de mesurer, par ce prisme d’analyse, l’apport concret du groupe aéronaval par rapport au déploiement de forces aériennes projetées depuis une base amie ou à la présence de moyens de frappe navals dans la profondeur (frégates et sous-marins porteurs de missiles de croisière). Alors que la France ne se pense plus comme un Etat devant être appelé à agir seul en dehors du cadre de la mise en œuvre de sa dissuasion nucléaire, on pourrait même considérer que, l’alliance américaine étant maintenant une question de survie en Europe, il y aurait une forme de logique d’économie de coûts par rapport aux effets obtenus de la part d’un pays qui s’ambitionne comme un « allié exemplaire », à devenir de simples supplétifs au sein d’un des groupes aéronavals de l’U.S. Navy.

Si on veut saisir le rôle crucial du groupe aéronaval dans la politique de défense nationale, il faut sans doute revenir aux fondements de celle-ci, telle que décrite par l’article 1 du Code de la défense : « assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées ». Cette quête, basique mais cruciale, de la sanctuarisation du territoire et de ses populations, a pris des formes très diverses au fil des siècles. La situation née du tournant de la guerre froide est à ce titre une forme d’aboutissement historique du dilemme entre les menaces et les moyens de parade : jamais jusqu’alors la France n’avait pu être menacée d’un anéantissement total en quelques minutes. Et jamais elle n’avait disposé, en même temps, des moyens de dissuader une telle menace de manière aussi fiable et autonome. La dissuasion nucléaire nous a fait sortir d’un cycle de menaces sur le sanctuaire national qui avait duré « de Bouvines à la ligne Maginot ».

Actuellement, la France métropolitaine n’est en aucune façon menacée dans ses frontières nationales. Sa situation est très différente de celle de l’Ukraine et infiniment plus confortable. Non seulement en raison de la dissuasion nucléaire qui nous permet d’éviter toute menace ou tout chantage de la part d’une puissance nucléaire tout en élevant le coût stratégique d’une attaque sur nos frontières ; mais surtout sans doute en raison de la paix historique dont nous bénéficions. La profondeur des liens économiques, politiques, culturels et — malgré toutes les crises — amicaux entre la France et ses voisins européens constitue une des meilleures garanties de sécurité territoriale de son histoire alors que, il y a moins d’un siècle, deux de ceux-ci, l’Allemagne et l’Italie, nous envahissaient. Ces liens sont sans commune mesure avec l’interdépendance que l’Allemagne a recherché — en vain — avec la Russie, ils sont constitutifs d’une véritable communauté de valeurs et de destin, qui rend d’ailleurs toute idée de « neutralité » aussi dangereuse qu’irréaliste. Cette sécurité à nos frontières est une des raisons pour lesquelles il ne faut pas s’empresser de copier l’exemple ukrainien d’une défense territoriale massive, en métropole. En revanche, il faut admettre la vulnérabilité inédite d’une grande part des territoires et des populations françaises, outre mer, face à l’émergence de nombreuses puissances qui pourraient vouloir les menacer et en ont maintenant les moyens navals, aériens et amphibies.

La France est, il faut le souligner, dans une situation unique dans le monde. Pas tellement d’ailleurs pour des raisons uniquement territoriales. C’est un biais d’analyse récurrent, des rapports parlementaires aux publications de think-tanks : le lieu commun du « deuxième domaine maritime mondial ». Mais, au fond, cela ne fait pas de notre pays un cas unique et cela fonde une analyse « coûts-bénéfices » pour défendre ce que nous avons, comme si l’outre-mer était une « possession » de la France.

Or ce qui fonde l’exception française, ce sont les populations ultramarines. Aucun autre pays dans le monde ne compte des populations se chiffrant en millions d’individus, sur l’ensemble du globe, vivant au sein de territoires de pleine souveraineté. Il n’est pas inutile d’en rappeler le détail :

Les outremers français – une emprise territoriale et humaine unique au monde

Pris ensemble, les DROM-COM représentent une population qui les situerait au neuvième rang des régions françaises, entre Midi-Pyrénées et les Pays de la Loire. Bien entendu, ils ne constituent pas un bloc homogène, ni sur le plan social ni sur le plan géographique. Mais il faut admettre l’importance de ces populations dans la cohésion nationale, tout en soulignant encore leur spécificité mondiale. En effet, si d’autres pays européens ont parfois des territoires insulaires dont la population peut être significative — les îles Canaries espagnoles comptent ainsi plus de 2,27 millions d’habitants — aucun ne dispose de territoires aussi peuplés, variés et surtout éloignés de l’espace européen. L’ensemble des British Overseas Territories ne regroupe ainsi que 273 000 habitants, dix fois moins. Les autres territoires européens situés « loin de la métropole » sont les territoires néerlandais aux Antilles (un peu plus de 292 000 habitants) et les archipels portugais (Açores 237 000 habitants, Madère 270 000 habitants).

Or ces populations françaises, qui partagent notre communauté de vie et de destin, sont exposées à des vulnérabilités spécifiques. La défense des outremers est un sujet complexe, longtemps négligé et trop souvent réduit de facto à l’action de l’État en mer. De manière simplifiée et un peu provocante, on peut dire que la France, puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, s’accommode bien de l’idée que l’arme principale des navires positionnés outre-mer est le drapeau français. Cette approche, au début du XXIe siècle, est caduque. L’offensive russe contre l’Ukraine menée depuis 2014, d’abord de manière limitée et non assumée puis de manière ouverte et massive, a montré la réalité des risques d’une utilisation de l’arme nucléaire par une puissance qui en est dotée et qui est prête à s’approcher du seuil d’emploi pour sanctuariser ses actions de manière agressive. À l’opposé du spectre de la puissance, les menaces hybrides, constituées de groupes armés, de « milices navales » et autres trafiquants, l’arrivée promise des drones dans les espaces maritimes, la fragilité croissante des chaines d’approvisionnement, le déploiement de vastes champs éoliens en mer et la volonté affichée par de nombreux Etats d’exploiter les fonds marins sont autant de défis qui pèsent sur la défense des outremers français et (surtout) de leurs populations.

Ces territoires, lointains et aux voies de communication fragiles, admettons-le, ne bénéficient que bien incomplètement de la dissuasion nucléaire. Face à une puissance nucléaire qui déciderait de s’emparer par la force d’un territoire français en Océan Indien ou Pacifique, l’idée serait-elle envisageable de recourir au feu nucléaire ? Serait-il crédible, sur la scène mondiale ou dans l’opinion, de prétendre « mettre en danger Paris pour sauver Nouméa » ? Un agresseur disposant de l’arme nucléaire pourrait tout à fait baser sa stratégie sur la conviction que ce n’est pas le cas. La conséquence est qu’il faut disposer d’autres options, pour préserver notre liberté d’action. La dissuasion nucléaire est utile à l’outre-mer dans la mesure où elle nous permet de contrer tout chantage ou intimidation du même ordre. C’est patent dans la crise ukrainienne et cela pourrait l’être demain dans une « crise calédonienne » : si nous pouvons ignorer les rodomontades nucléaires périodiques du pouvoir russe, c’est précisément parce que ce « chantage à l’emploi » ne fonctionne pas entre puissances nucléaires, il ne peut intimider que les États qui en sont dépourvus.

De même, l’appartenance de la France à l’OTAN n’est qu’une garantie imparfaite. On se souviendra que, en 1982, les États-Unis avaient signalé à Londres que, en vertu du Traité de l’Atlantique Nord, les îles Falklands n’étaient pas considérées comme « couvertes » par l’Alliance atlantique. Le texte du traité de 1949 fixe une limite géographique claire, dans l’article 6. Sont concernés « les territoires situés en Europe ou Amérique du Nord » et « les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer ».

Publication de l’OTAN de 1952 montrant la zone défendue par l’Alliance. L’extension à l’Est n’a que peu changé l’aspect maritime (en dehors de la mer Baltique et des rivages de la Mer Noire) — les outremers français sont largement exclus de la protection de l’Alliance.

Il en résulte que seule Saint-Pierre et Miquelon est « protégée » par l’Alliance atlantique qui, en l’occurrence, s’avère plus protectrice pour l’Alaska que pour la Martinique. Dans ces conditions, et vu le peu d’empressement historique des autres nations européennes à participer aux missions françaises au Sahel, est-il raisonnable de compter sur nos alliés pour défendre l’outre-mer ? Sans doute pas, en dehors de l’espoir de bénéficier de leur soutien logistique, comme cela avait été fait en 1982, lorsque la France avait permis au Royaume-Uni d’utiliser la base de Dakar, par laquelle environ 40% du flux logistique de l’opération britannique avait transité. Pour le reste, il faudrait sans doute se « débrouiller seuls ». C’est d’autant plus vrai que l’invasion russe de l’Ukraine a aussi montré les limites du Conseil de sécurité des Nations unies, facilement paralysé par la Chine ou la Russie, ainsi que l’apathie d’un nombre important de nations de l’Assemblée générale, qui refusent par principe de se positionner dans un conflit qui en apparence ne les concerne pas, même s’il s’agit d’une agression violant de nombreux principes de la Charte.

Face aux risques d’invasion ou d’isolation des territoires ultramarins et de mise en danger des populations, et compte tenu du déséquilibre entre les capacités conventionnelles de la France et celles de certains agresseurs potentiels, il faut bien admettre que toute défense « en avant » est vouée à l’échec. Il faut certes sans doute renforcer les forces de souveraineté, qui sont actuellement fort diminuées. Déployer des moyens de « déni d’accès » dans les DROM-COM les plus exposés (en Indopacifique) serait utile pour élever le seuil d’engagement d’un éventuel agresseur, pour un coût limité pour la France : batteries de missiles antiaériens ou antinavires, patrouilleurs armés complétés de drones navals et aériens, voire capacité à déployer des champs de mines navales protecteurs, permettraient de nous assurer que nos populations ne peuvent être menacées par des incursions de simples forces auxiliaires ou par des « coups de main » aéroportés opportunistes. Ces collectivités devraient en outre être les terrains privilégiés d’expérimentation de réserves militaires territoriales. Pouvoir armer « 1% de la population » en cas de crise permettrait, pour compléter les forces d’active pré-positionnées, de disposer de 2 700 hommes en Nouvelle Calédonie et de près de 9 000 à la Réunion. Munis d’armes légères, de missiles portables, mortiers et véhicules légers, ces forces seraient à même de contrer toute opération aéroportée ou raid amphibie, feraient planer la menace d’une guérilla permanente en cas d’invasion et donneraient à la métropole le temps nécessaire pour réagir.

Cette réaction ne serait possible qu’avec un groupe aéronaval, complété d’un groupe amphibie en cas de besoin de renforcement au sol ou de libération par reprise de vive force. C’est le grand enseignement de la campagne britannique de 1982 : si la défense des Îles lointaines est impossible « en avant », leur libération demeure possible à condition de disposer d’un outil aéronaval complet et à même de garantir avec une réactivité suffisante, dans la durée et en permanence la maîtrise d’une bulle d’espace aéromaritime autour du territoire contesté, afin de pouvoir soumettre les forces ennemies qui y seraient déployées à un blocus, à des frappes, puis à l’attaque soutenue d’une force terrestre. Or, aujourd’hui, il n’y a aucune alternative au porte-avions pour être le cœur de ce groupe aéronaval. Aucun autre bâtiment ne peut assurer la « synthèse » de l’ensemble des moyens tout en assurant disponibilité, récurrence et puissance des moyens de frappe, à la main du contrôleur opérationnel, au plus près des objectifs. Si les raids lointains de l’Armée de l’air et de l’espace seraient possibles, tout comme la Royal Air Force frappait Port Stanley depuis l’île de l’Ascension au prix de 15 000 kilomètres de vol, ces opérations ne peuvent avoir qu’une utilité limitée, soit en démoralisant l’adversaire soit en le privant, provisoirement, de capacités cruciales (radars, centres de commandement), mais sans en aucun cas pouvoir défendre dans la durée le territoire ni le reprendre en cas d’invasion. Il en va de même pour les sous-marins ou pour tout groupe de surface. Seul le porte-avions peut s’adapter à tout type de menace sur les territoires ultramarins. Il peut forcer un éventuel blocus, porter des moyens de patrouille anti-sous-marine (à condition de disposer de tels aéronefs), frapper une force hostile ayant envahi le territoire, participer à son ravitaillement naval et aérien, soutenir l’évacuation de blessés et de civils exposés, interdire l’approche des forces hostiles dans les trois dimensions et même, par la force aéronavale nucléaire (FaNU) mettre en œuvre une composante de la dissuasion qui donnerait, sur le théâtre, une souplesse d’engagement du feu nucléaire qui serait appréciable car à la fois plus réactive qu’un raid aérien depuis la métropole et moins définitive que l’usage d’un SNLE. La vulnérabilité du porte-avions, à telle ou telle composante, n’est que la fonction de l’adéquation de la mobilité qui lui est conservée et des moyens défensifs qui lui sont donnés, sous la forme de ses escortes aériennes, navales et sous-marine. Plus que jamais, en 2022, le porte-avions en lui-même n’est qu’un grand navire vulnérable, mais le groupe aéronaval est un outil sans rival.

Renforcer en moyens navals lourds positionnés en permanence outre-mer est en revanche une fausse bonne idée pour de nombreuses raisons. Militairement, cela éparpillerait nos forces, violant le principe de concentration nécessaire à l’obtention de résultats décisifs. Sur le plan du soutien, cela supposerait l’expansion d’infrastructures locales à un coût très élevé. Sur le plan humain, cela obligerait la Marine nationale à trouver des équipages disponibles, ce qui est déjà compliqué pour les formats actuels qui suscitent peu de volontaires, notamment pour les postes « un an sans famille ». Enfin, cela perturberait le cycle opérationnel, atomiserait la force d’action navale en trop de sous-groupes pour qu’il soit possible de maintenir un niveau d’entrainement homogène et, au final, ne ferait qu’exposer à l’attaque surprise d’un éventuel adversaire des forces qui seraient plus utiles regroupées pour une contre-attaque. Au bout du compte, la communauté nationale aurait sans doute dépensé plus d’argent et d’efforts que n’en coute le maintien d’un groupe aéronaval, pour un rendement moindre.

Esquisse du futur porte-avions de nouvelle génération (PANG). illustration : ministère des Armées – Naval Group.

Bien entendu, le format du porte-avions, de son groupe embarqué et de son escorte doivent évoluer. Drones navals, aériens et sous-marins doivent compléter les aéronefs classiques. Le Rafale devra être remplacé, et une capacité embarquée de lutte anti-sous-marine à voilure fixe restaurée. La question de la permanence de l’alerte par la construction de deux navires se pose (pour un seul groupe embarqué). Mais, au final, ce ne sont que des aménagements de la seule plateforme qui peut constituer l’assurance vie de près de trois millions de nos compatriotes et qui concrétise l’engagement de la nation qu’ils seront défendus au même titre que Bastia, Dunkerque ou Paris.

On le voit, cette question de la défense des outremers français est à la fois cruciale pour la communauté nationale et impossible sans groupe aéronaval. Elle impose sans doute deux changements de paradigme : l’un à propos du porte-avions, et l’autre à propos des outremers. Le porte-avions doit être (re)découvert comme un outil participant, d’abord et avant tout, à la politique de défense de la France, de ses populations et territoires. Son rôle de projection de puissance en coalition dans des crises n’impliquant pas nos intérêts vitaux n’est qu’accessoire et son maintien, couteux, ne doit pas reposer sur cet usage ancillaire. Concernant l’outremer enfin, il faut sortir de l’idée qu’il faut défendre ce que nous avons, mais admettre que défendre l’outremer, c’est d’abord défendre ce que nous sommes.

*Stéphane AUDRAND est consultant indépendant spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles. Titulaire de masters d’Histoire et de Sécurité Internationale des universités de Lyon II et Grenoble, il est officier de réserve dans la Marine depuis 2002. Il a rejoint l’équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en décembre 2019.

Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

http://www.opex360.com/2022/12/18/le-general-burkhard-tire-les-lecons-de-la-guerre-en-ukraine-pour-la-future-loi-de-programmation-militaire/


 

« Il ne faut pas tout sacrifier face à l’urgence des crises actuelles. L’objectif, c’est de se poser les bonnes questions. Le but n’est pas de décider tout de suite d’augmenter ou de diminuer le nombre de chars Leclerc, ce n’est pas ça l’enjeu. Le but, c’est de définir une programmation d’ensemble », a confié un interlocuteur du quotidien Le Monde, au fait des discussions en cours.

A priori, selon le journal du soir, une enveloppe d’environ 400 milliards d’euros pour la période 2024-30 serait sur la table. Soit 100 milliards de plus rapport à la LPM 2019-25. Mais cette hausse, même si elle est substantielle, sera – si elle se confirme – à relativiser à l’aune de l’inflation… En outre, une partie sera destinée à la modernisation de la dissuasion nucléaire… Et une autre aux priorités identifiées par la Revue nationale stratégique [RNS], dont l’influence, le cyber et l’espace.

Quoi qu’il en soit, la nature des combats en Ukraine évoluant à mesure que la guerre se prolonge, il serait hasardeux d’en tirer des conclusions définitives. Ainsi, quand le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, s’est exprimé devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le 5 octobre, la Russie n’avait pas encore systématiquement ciblé les infrastructures critiques [énergie, distribution d’eau] ukrainiennes.

Cela étant, les retours d’expérience des premiers mois de cette guerre ont permis de tirer quelques leçons que le CEMA a partagées avec les députés lors de son audition, dont le compte-rendu a été publié le 16 décembre.

Sans surprise, le général Burkhard a une nouvelle fois insisté sur « l’importance de la force morale », qui est, à ses yeux, le premier enseignement de la guerre en Ukraine. « Parce que tout le pays est derrière eux, les soldats ukrainiens défendent chaque ville, village, forêt, rivière, et cela produit des effets. Sans l’appui de la nation entière, ils ne se battraient pas comme ils le font », a-t-il souligné. D’où l’accent mis sur les réserves militaires dans la prochaine LPM et l’implication des armées dans le Service national universel [SNU].

La seconde leçon évoquée par le CEMA est que la « guerre informationnelle est partout ». Dans ce domaine, a-t-il observé, l’Ukraine a pris « habilement la main au niveau tactique et opératif » dès le début, alors que ce « n’était pas gagné d’avance ». En revanche, la Russie « réussit probablement peser davantage, avec un narratif assez bien développé » au niveau stratégique.

Sur ce point, le général Burkhard a évoqué les actions du groupe paramilitaire russe Wagner, dont l’arrivée en Centrafrique et au Mali a été précédée par une campagne de désinformation visant la France. « L’influence de la Russie augmente parce que nous lui avons laissé le champ », a-t-il dit. Aussi, un « effort important s’impose dans la lutte informationnelle, car s’en tenir au seul champ cinétique est désormais contre-productif ».

La nécessité de changer d’échelle pour la préparation opérationnelle et la troisième leçon du conflit. « L’armée russe, assez agile en Syrie, s’est trouvée confrontée à ses propres limites : une armée manquant d’entraînement, avec des cadres incapables de prendre une initiative, une logistique difficile à articuler, une difficulté manifeste à conduire un combat interarmes et interarmées et à manœuvrer », a détaillé le CEMA. Ces lacunes ont été exploitées par les forces ukrainiennes, qui ont « infligé d’emblée des pertes très sévères » aux Russes, a-t-il souligné.

Mais l’un des principaux enseignements, car il pourrait avoir des implications dans les capacités futures des armes, est sans doute la « transparence du champ de bataille, rendue possible par l’emploi massif de moyens peu sophistiqués, peu onéreux et assez répandus » car « avec des micro-drones vendus dans le commerce, on parvient à voir ce qui se passe derrière la colline, voire un peu plus loin », a constaté le général Burkhard. Et à cela s’ajoute « l’extrême létalité des frappes d’artillerie des Russes, qui peuvent aller très loin dans la profondeur du territoire, comme celle des armes antichars », ce qui plaide en faveur du besoin exprimé par l’armée de Terre au sujet des « feux dans la profondeur ».

Pour le CEMA, cette description est celle du « champ de bataille aujourd’hui » et « préfigure ce qu’il sera demain ». Et d’ajouter : « C’est contre ce type de modes d’actions que nous devons nous protéger, en tentant d’opacifier le champ de bataille pour contrer l’adversaire, car la létalité des armes employées permet la mise hors de combat de toute cible vue, même dans la profondeur des lignes adverses ».

Au niveau capacitaire, cela devrait se traduire par le développement d’un « système de combat très concentré », avec un « réseau multi-senseurs et multi-effecteurs : multi-senseurs pour voir et partager, permettant ainsi au réseau d’effecteurs de traiter ce qui a été détecté – réseau effecteurs qui, étant donné la guerre permanente de l’information, doit être à la fois cinétique et informationnel », a expliqué le général Burkhard. « Cette combinaison est cruciale », a-t-il insisté.

Une autre observation faite par le CEMA est « l’importance des localités » dans cette guerre. « Tous les combats ont lieu lieu autour des villes, où il est plus facile de se cacher pour échapper à la transparence du champ de bataille et aux armes à forte létalité précédemment évoquées ; elles deviennent des points clés que l’on prend ou que l’on perd », a-t-il développé.

Enfin, pour le général Burkhard, il faudra « renforcer la capacité d’agir de manière très fluite », ce qui passe par un « réseau très bien organisé, avec un niveau de seuil toujours capable de fournir les informations ». Et, a-t-il continué, il faudra aussi probablement « viser une organisation très plastique du commandement, s’adaptant à la phase de la bataille que l’on est en train de construire ». En tout cas, « nous y réflechissons », a-t-il conclu.

Le ministère des Armées lance un appel à contributions sur l’avenir de la réserve militaire

Le ministère des Armées lance un appel à contributions sur l’avenir de la réserve militaire

 

http://www.opex360.com/2022/11/29/le-ministere-des-armees-lance-un-appel-a-contributions-sur-lavenir-de-la-reserve-militaire/


 

Cette ambition sera portée par la prochaine Loi de programmation militaire, actuellement élaborée par six groupes de travail [alliances et partenariats stratégiques, économie de guerre et équipement du combattant, environnement de travail et conditions de vie du militaire, espace et cyber, mémoire combattante et… avenir de la réserve militaire].

Ces groupes de travail sont censés réunir des militaires, des civils de la défense, des experts, des parlementaires, des représentants d’entreprises et d’associations, des organisations patronales et syndicales, des parlementaires et des chercheurs. Celui dédié à l’avenir de la réserve a tenu sa première réunion le 21 novembre dernier, en présence de Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.

À cette occasion, l’objectif « un réserviste pour deux militaires d’active » à l’horizon 2035 a été affirmé.

Étant donné que, en 2021, la France comptait 205’000 militaires d’active et que cet effectif pourrait augmenter à l’avenir, il faudra donc recruter et retenir plus de 100’000 réservistes, contre 38’500 actuellement.

Selon le communiqué publié par le ministère des Armées à l’issue de cette première réunion du groupe de travail « réserve militaire », une quinzaine de mesures devant permettre d’atteindre cet objectif ont d’ores et déjà été avancées, dont le recul des limites d’âge, l’adaptation des critères d’aptitude médicale pour certaines spécialités, une meilleure reconnaissance des réservistes et de leurs employeurs [civils], etc.

Cela étant, les bonnes idées étant souvent celles auxquelles on n’a pas pensé, le ministère des Armées vient de lancer un appel à contribution afin de « nourrir la réflexion engagée » par le groupe de travail sur la réserve militaire.

« Dans la mesure où la réserve concerne chaque citoyen, toutes les contributions pour bâtir la réserve de demain peuvent être envoyées à l’adresse : reserves@minarm.fr », a-t-il indiqué, via un communiqué.

Ces contributions « seront examinées avec attention et participeront à l’élaboration de propositions remises au ministre par le groupe de travail fin janvier, afin de nourrir la prochaine Loi de programmation militaire », a assuré le ministère des Armées.

En attendant, le groupe de travail poursuit ses travaux. Après avoir abordé les questions relatives à la doctrine d’emploi de la réserve, le 28 novembre, il abordera les thèmes du recrutement, de la rélation employeur-réserviste et de la communication dans les seamaines à venir.

Cela étant, l’armée de Terre a, par exemple, déjà une idée sur ce qu’elle compte faire de ses réservistes.

« L’objectif du doublement des réserves a été confirmé par le ministre des Armées, et nous devons réfléchir aux ressources nécessaires pour y procéder. La professionnalisation de nos réserves pourra dès lors être engagée », a ainsi déclaré le général Pierre Schill, son chef d’état-major, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en octobre.

Et d’ajouter : « Il existe plusieurs façons d’employer les réservistes dans l’armée de Terre. D’une part, les compléments individuels de réserve, qui occupent des postes à part entière au sein du fonctionnement des armées, doivent bénéficier de davantage de visibilité sur le volume d’activité et sur le temps d’engagement qui leur sera demandé. D’autre part, les réservistes en unités constituées qui doivent être correctement équipés et entraînés ».

Les gagnants et perdants de l’ajustement budgétaire 2022 des armées

Les gagnants et perdants de l’ajustement budgétaire 2022 des armées

par – Forces opérations Blog – publié le

Entre deux données sur le prochain budget des armées, les rapports parlementaires détaillent pour la première fois certaines décisions prises lors de l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) 2022. Au rang des « gagnants » du volet terrestre, le drone Patroller et les feux longue portée.

L’exercice se répète chaque année et tient compte du contexte en plus de l’évolution classique de la « vie des programmes ». L’A2PM 2021 avait ainsi intégré les conséquences de la crise sanitaire et les conclusions de l’actualisation stratégique. L’A2PM 2022 rebat à son tour quelques cartes et ajoute des besoins nouveaux parfois corrélés aux premières leçons tirées du conflit en Ukraine.  

Derrière le financement des éléments de connectivité aéronautique pour le MRTT et le Rafale, derrière l’accélération de la préparation de la rénovation à mi-vie des frégates de défense aérienne pour s’aligner avec l’Italie, l’A2PM 2022 formalisait l’ajout de nouveaux sujets dans la programmation. Parmi ceux-ci, la « frappe longue portée terrestre ». Les affrontements en Ukraine ont révélé le caractère échantillonaire des moyens en service dans l’armée de Terre dans ce segment, limités à huit lance-roquettes unitaires (LRU) opérationnels sur les 12 disponibles.

De ce programme relatif aux feux longue portée, les rapports parlementaires n’en disent pas plus. Ces courtes mentions viennent néanmoins s’ajouter aux autres signaux allant dans le sens d’une inflexion majeure dans la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030. « Les feux à longue portée reposent aujourd’hui sur les LRU qui arriveront en fin de vie en 2027 et devront être remplacés par des capacités similaires. La guerre en Ukraine nous enseigne que les feux très longue portée sont décisifs : il nous faut réfléchir sur la solution à retenir », indiquait à ce titre le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, le mois dernier lors d’une audition sénatoriale.

Autre point de fragilité mis en lumière par le conflit russo-ukrainien, une défense sol-air réduite dans l’armée de Terre aux postes Mistral et à une poignée de canons de 20 mm, de fusils anti-drones et de VAB ARLAD. « Le contexte a changé, et il n’est pas exclu pour l’armée de Terre ou pour la Marine de devoir intervenir dans un environnement où la supériorité aérienne n’est plus durablement acquise », soulignait le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, mi-octobre devant les sénateurs. Selon le député Renaissance Jean-René Cazeneuve, « une remontée en puissance des investissements dès 2023 a été décidée » dans le cadre de la dernière A2PM.

Ici aussi, pas de détails mais des échos à prendre avec des pincettes. Fin septembre, le cas des stocks de Mistral était ainsi évoqué par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. « Le retour d’expérience du conflit en Ukraine nous enseigne que nous devrons compléter nos stocks en 2023 », avait-il déclaré aux députés, ajoutant que « nous procéderons à un réassort important en munitions ». Sans toutefois relier explicitement cette annonce à l’ajustement réalisé cette année.

Dernier gagnant cité, le système de drones tactiques (SDT) Patroller. L’A2PM 2021 avait acté le décalage du lancement de l’étape 2 du programme de 2024 à 2025. L’A2PM 2022 semble être celui du rétropédalage partiel avec l’anticipation des premières commandes de la seconde phase. Une volonté retranscrite dans le PLF 2023, qui prévoit l’engagement de 175 M€ pour couvrir notamment « les compléments pour atteindre cinq systèmes opérationnels, le soutien initial, l’acquisition d’équipements de mission complémentaires ».

Comme d’accoutumée, le lancement ou l’accélération d’un programme implique d’en décaler d’autres pour maintenir l’équilibre budgétaire. Et, comme en 2021, cette logique déteint sur la conduite du programme phare de l’armée de Terre, le renouvellement du segment médian via les véhicules et matériels SCORPION.

Première conséquence : le décalage des commandes de véhicules Serval, heureusement « sans impact sur le calendrier de livraison ». D’après le projet de loi de finances, 420 véhicules seront commandés et 119 livrés l’an prochain. Ne resteront que 194 exemplaires à acquérir après 2023 pour atteindre la cible de 978 véhicules dans les forces d’ici à 2025.

Seconde conséquence : l’ajustement de la répartition du jalon intermédiaire de la cible SCORPION entre les Griffon, Jaguar, Serval et le char Leclerc rénové. Fixé à 50% des véhicules livrés à l’horizon 2025, ce jalon a été ramené à 45% l’an dernier, entre autres en raison d’impératifs industriels et pour financer la pérennisation du char Leclerc. L’objectif des 122 chars Leclerc XLR livrés à fin 2025 serait donc, du moins à première vue, lui aussi revu à la baisse. Le chiffre de 90 exemplaires fournis aux forces au lieu de 110 avait été évoqué dès la fin 2021.

Enfin, la soutenabilité de l’A2PM 2022 et la reconstitution des stocks cédés à l’Ukraine a été assurée par le report du programme VLTP non protégé version sanitaire (SAN). Son lancement en réalisation, à l’origine prévu pour cette année, attendra un peu. Cette décision n’aura pas empêché la publication d’un appel d’offres pour le développement et la fourniture d’une centaine de véhicules, dont les 50 premiers devaient initialement être commandés en 2022.

LPM 2024-2030 : objectif 100 000 réservistes

LPM 2024-2030 : objectif 100 000 réservistes

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 22/11/2022

En vue de la LPM 2024-2030, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a présidé ce lundi un groupe de travail sur les réserves. L’objectif : trouver des solutions pour améliorer l’employabilité et l’accompagnement des réservistes.

 

Sébastien Lecornu préside la première réunion du groupe de travail sur les réserves
Sébastien Lecornu préside la première réunion du groupe de travail sur les réserves – © Ministère des Armées

 

« Notre objectif est d’avoir un militaire de réserve pour deux militaires d’active. Autrement dit, 100 000 réservistes pour une armée d’active de 200 000 hommes », telle est l’ambition affichée du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Pour y parvenir, un groupe de travail s’est réuni au sein du ministère des Armées pour ouvrir davantage les réserves. 70 participants étaient présents, dont le chef d’état-major des armées Thierry Burkhard, des parlementaires, des associations de réservistes, la Garde nationale ainsi que les organisations syndicales et patronales.

Les échanges ont d’abord porté sur les freins relatifs à l’employabilité des réservistes. Les retours de terrain indiquent en effet une attrition des effectifs, notamment dans le monde de l’entreprise. En principe, n’importe quel salarié du privé, s’il répond aux critères d’engagement, peut intégrer la réserve opérationnelle. Son entreprise est tenue de lui laisser ce temps disponible et ne peut s’y opposer. La réalité est toutefois plus nuancée. Si bien que de nombreux réservistes ne le déclarent pas et effectuent leurs missions durant leurs jours de congés. « Les lignes doivent bouger pour que la fierté d’être réserviste soit admise dans les entreprises » a expliqué Sébastien Lecornu. A cet effet, le MEDEF s’est engagé à agir en faveur de ce changement culturel.

Des mesures ajoutées à la prochaine LPM

Le faible intérêt de certaines missions, le manque de reconnaissance et la lourdeur administrative des recrutements ont également été soulignés. Aussi, pour répondre à ces différents freins, plusieurs pistes sont d’ores et déjà envisagées :

  • Augmentation de cinq ans de la limite d’âge pour intégrer la réserve
  • Clarification des missions pour adapter les compétences du réserviste au besoin
  • « Récompense » pour les entreprises facilitant l’accès à la réserve pour ses salariés
  • Simplification de la passerelle entre l’active et la réserve
  • Réévaluation de la gratification des réservistes pour les postes en tension
  • Autorisation du port de l’uniforme pour les réservistes lors des cérémonies officielles
  • Mise en avant des nouvelles technologies pour contacter les réservistes
  • Communiquer davantage pour changer le regard de la société sur les réservistes

Cette feuille de route a vocation à servir de base travail pour les cinq futures réunions du groupe de travail. Elles se tiendront jusqu’au mois de février. Les propositions qui seront remises à Sébastien Lecornu seront  intégrées dans la prochaine Loi de programmation militaire

Économie de guerre : un second séminaire entre constats et premières pistes

Économie de guerre : un second séminaire entre constats et premières pistes

– Forces opérations Blog – publié le

Les industriels de la filière défense française et les autorités du ministère des Armées se sont réunis mardi dernier pour un nouveau séminaire sur l’économie de guerre. Un premier point d’étape pour prendre acte de l’ « énorme boulot fait en très peu de temps » et revenir sur les premiers constats et pistes d’amélioration.

Un « très gros travail »

Lancé en juin par le président de la République, le chantier interministériel de l’économie de guerre conserve son objectif principal : forger une industrie de défense capable de répondre aux besoins des armées en termes de fourniture d’armement, de munitions et de soutien dans un contexte d’engagement majeur. Dit autrement, la BITD française doit pouvoir produire plus et plus vite.

Huit semaines se sont écoulées depuis la première table ronde organisée le 7 septembre. La seconde, à nouveau présidée par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, réunissait les mêmes acteurs tout en y associant pour la première fois le Comité Richelieu, un représentant clef de nombreuses PME innovantes. Elle aura permis d’acter « le très gros travail mené à froid entre la DGA, l’EMA et les industriels » au cours des deux derniers mois, expliquait hier l’entourage du ministère au cours d’un briefing.

« Un certain nombre de choses ont déjà été décidées », rappelle le cabinet ministériel. Parmi celles-ci, le choix de concentrer l’effort sur des matériels prioritaires. Douze systèmes d’armes, équipements et munitions, et non plus dix, ont été sélectionnés pour leur forte attrition ou le degré élevé de consommation anticipé en cas de conflit. Ce sont, à l’instar des canons CAESAR et de leurs munitions de 155 mm, essentiellement des capacités du domaine terrestre. Les obus de 40 mm du véhicule Jaguar et certaines protections NRBC individuelles seraient aussi dans le collimateur du ministère des Armées. 

En septembre, les deux parties avaient convenu d’une série d’engagements. Côté ministériel, l’effort vise à adopter « une nouvelle façon de conduire les programmes d’armement » en misant sur leur simplification. Pour une partie d’entre eux actuellement en phase amont, il s’agira par exemple de réduire de 20% les exigences documentaires. De quoi permettre d’orienter l’expression de besoin vers des armes moins complexes et plus standardisées sans dégrader les performances. Et, par là, éviter un mouton à cinq pattes accumulant les points de fonctionnement coûteux en temps et en argent.

Côté industriels, la principale demande porte sur la nécessité de « remettre la fonction production au cœur de leurs entreprises ». Les 30 dernières années sont marquées par la priorité accordée à la course technologique et au maintien des compétences, souligne le cabinet. Pour produire plus et plus vite, l’économie de guerre suppose de réinterroger les cycles de production et les chaînes de sous-traitance pour en déterminer les vulnérabilités et proposer des axes d’amélioration.

Goulets d’étranglements et dépendances

Pour progresser, encore faut-il avoir une idée précise de l’état de santé d’une BITD fragilisée par la crise sanitaire, la pénurie de matériaux et l’inflation. Ces travaux d’analyse « ont déjà bien avancé », souligne le ministère des Armées. « Les capacités d’accélération dans la supply chain ne sont pas infinies », constate-t-il. Des 4000 entreprises composants la BITD française, plus d’une centaine sont en butée de production et constitueraient dès lors un goulet d’étranglement en cas d’augmentation des cadences. Chacune fera l’objet d’un plan d’action conduit par la DGA.

D’autres dépendances relèvent de l’approvisionnement réalisé à l’étranger. Bien qu’il y en ait peu dans le secteur de la défense, certaines touchent à des domaines clefs. C’est le cas de la poudre utilisée pour les munitions de gros calibre des armées françaises. Si la France peut compter sur le fournisseur national Eurenco pour ses charges modulaires, ce dernier s’approvisionne majoritairement auprès de l’entreprise Nitrochemie, une coentreprise entre l’allemand Rheinmetall et le suisse RUAG MRO, pour ses matières premières. L’approvisionnement n’est aujourd’hui pas menacé, mais la DGA évalue la possibilité de relocaliser une capacité de production en France pour éviter les conséquences d’une saturation de la demande.

Même son de cloche pour les semi-conducteurs, en pénurie depuis plusieurs années. La France, et par là le ministère des Armées, soutient une initiative européenne de remontée d’une filière à l’échelle continentale. Cet « EU Chips Act » pourrait bénéficier à un paysage français présentant quelques atouts, à l’instar de l’écosystème grenoblois.

La guerre en Ukraine aura, enfin, conduit à revoir certaines certitudes. Le serpent de mer de la filière française de munitions de petit calibre, par exemple, est maintenant abordé sous un autre angle. Pour la DGA, il convient en effet de vérifier si le constat d’un marché considéré comme surcapacitaire et à l’accès garanti par les sources multiples sera toujours valide dans le cas d’un engagement majeur. Et de se poser les mêmes questions que pour les poudres sur le maintien de cette surcapacité et l’opportunité de se doter d’une capacité totalement ou partiellement souveraine.

Fin octobre, le président de la République est venu en personne à la rencontre de la BITD française. C’était à La Chapelle Saint-Ursin et, entre autres, chez Nexter Arrowtech
(Crédits : Nexter)

Des solutions pour accélérer

La réduction des cycles et l’augmentation des cadences supposent en priorité de constituer des stocks de matières premières et de pièces à long délai d’approvisionnement. Cette seule étape représente parfois plus de la moitié du cycle de production. Industriels et autorités planchent depuis un moment sur plusieurs mécanismes de soutien. L’enjeu du stockage suppose tout d’abord celui de la maîtrise des chaînes d’approvisionnement. Hormis la relocalisation de certaines productions, le ministère annonce étudier un mécanisme déjà adopté par les États-Unis. Ce dispositif permettrait, si la situation l’exige, de prioriser les commandes militaires par rapport aux commandes civiles. Autrement dit, d’invoquer l’argument de la souveraineté pour « griller la priorité » dans la file d’attente.

« En réalité, 95% des entreprises le font déjà », souligne l’entourage ministériel, qui explique y avoir recours « sur un certain nombre de contrats urgents, en particulier le recomplètement des CAESAR ». Une assise légale s’avère cependant fondamentale pour disposer d’un moyen qui soit réellement contraignant. Ainsi, l’un des vecteurs dans lesquels cette règle pourrait être inscrite ne serait rien d’autre que la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030. Que ce soit avec la BITD ou avec des groupements d’industriels moins centrés sur la défense, les premiers échanges sur le sujet ont engendré « des réactions plutôt favorables ».

Les acteurs avancent en outre la notion de « commande globale ». Le principe ? L’État s’engagerait à commander un certain volume sur une période définie, celle de la LPM par exemple. Si l’industriel sécurise de la charge de travail, il s’engage en contrepartie à constituer les stocks demandés pour anticiper la production au coup de sifflet si la situation le requiert. « Voilà le mode de fonctionnement que l’on a trouvé avec les industriels et que l’on va faire avec la quasi-intégralité du Top 12 », annonce le cabinet. Celui-ci promeut par ailleurs une volonté de convergence des références pour  rationaliser les stocks. En d’autres termes, il faudra s’accorder pour aligner les besoins et mutualiser certains lots. « C’est un travail qui est en cours avec des discussions entre industriels ».

Réduire le temps de production est une chose, compresser les délais de commande en est une autre. Véritable enjeu, l’accélération de la passation de commande passerait non seulement par la simplification de l’expression de besoin, mais aussi par l’octroi de « lettres d’engagement ». À mi-chemin entre l’intention et la contractualisation, celles-ci seraient conçues pour donner suffisamment de visibilité aux industriels pour qu’ils puissent lancer les approvisionnements et les premiers travaux sans que le contrat soit fini d’être négocié et formellement notifié. Il conviendra pour cela d’intégrer au plus vite le maître d’œuvre dans la boucle afin d’atteindre rapidement le niveau de compréhension suffisant pour engager le processus industriel. La LPM 2024-2030 doit encore être présentée, discutée et adoptée mais, « quoi qu’il arrive », l’effort portera sur les équipements du Top 12 et se matérialisera sans doute par ces fameuses lettres d’engagement.

Qui paiera la facture ?

Le ministre des Armées l’a constaté, les différents acteurs ont abattu « un énorme boulot en très peu de temps ». Pour autant, « tout n’est pas complètement finalisé » et l’idée sera de maintenir le format adopté et le rythme d’un séminaire environ tous les deux mois. De quoi établir un constat régulier et ne pas perdre de vue les chantiers à venir.

Parmi les prochains axes majeurs de progression, celui du financement. Constituer des stocks, engager du personnel, compléter l’outil de production a et aura un coût que les toutes les entreprises ne peuvent supporter seules. Au risque, le cas contraire, de devoir grignoter sur les marges et de menacer des investissements essentiels, à commencer par la R&D.

À première vue, tout coup de pouce ministériel supplémentaire paraît pour l’instant exclu. La réponse est sans doute à chercher dans la prochaine LPM, pour laquelle les arbitrages financiers s’annoncent complexes. « Tout cela suppose de se financer auprès d’acteurs bancaires ou à travers des fonds », explique le cabinet. Pas si simple à l’heure où le monde bancaire se révèle toujours plus frileux à l’idée de soutenir la filière défense. D’après le ministère, le SGDSN est monté au créneau au sujet des problématiques de financement de l’exportation, un marché primordial pour la santé financière des entreprises mais menacé par les nouvelles entraves bancaires.

La frilosité des acteurs traditionnels aura au moins eu cela de positif qu’il a motivé l’émergence d’autres mécanismes financiers. « D’une part, il y a un certain nombre d’acteurs parisiens qui sont en train de monter des fonds spécialisés dans la souveraineté ». Ce sont des fonds comme Ace Aéro Partenaires, centré sur les PME et ETI de l’aéronautique, ou des véhicules d’investissement comme ceux mis en place par Défense Angels. D’autres sont en cours de montage.

L’autre tendance positive, c’est la volonté de certains particuliers d’invertir une partie de leur épargne pour développer la souveraineté française. L’hôtel de Brienne a initié un travail avec ses homologues de Bercy pour « trouver des vecteurs qui correspondent à cette aspiration populaire ». Encore au stade préliminaire, l’idée sera davantage détaillée à l’issue du prochain séminaire, fixé pour le mois de janvier.

Budget de la Défense : L’objectif des 2% du PIB pourrait être un « plancher »

Budget de la Défense : L’objectif des 2% du PIB pourrait être un « plancher »

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 9 novembre 2022

http://www.opex360.com/2022/11/09/budget-de-la-defense-lobjectif-des-2-du-pib-pourrait-etre-un-plancher/


 

Quand il fut élu en 2017, le président Macron avait fait la promesse de porter les dépenses militaires françaises à 2% du PIB, conformément à l’engagement pris par son prédécesseur, François Hollande, lors du sommet organisé par l’Otan au Pays de Galles trois ans plus tôt. Et la Loi de programmation militaire votée lors de son précédent mandat devait permettre d’atteindre cet objectif à l’horizon 2025.

Aussi imparfait soit-il [car il peut recouvrir des réalités différentes d’un pays à l’autre], cet objectif de 2% du PIB est censé correspondre au niveau d’ambition de l’Otan, traduit en termes militaires.

Quoi qu’il en soit, et depuis le début de la guerre en Ukraine, plusieurs pays européens ont fait part de leur intention d’augmenter significativement leurs dépenses militaires, quitte à aller au-delà des 2% du PIB. Certains d’entre-eux, comme la Pologne, avait déjà atteint – et même dépassé- cet objectif.

Alors qu’une nouvelle Loi de programmation militaire se profile, la Revue nationale stratégique [RNS], publié ce 9 novembre, suggère que le budget du ministère des Armées pourrait significativement augmenter dans les cinq années à venir.

« Les investissements de défense, conformément à l’engagement pris au sommet du Pays de Galles de 2014 d’y consacrer 2 % de PIB, doivent continuer de s’accroître en Europe. Ce niveau doit être appréhendé comme un plancher pour être à la hauteur de la rupture stratégique provoquée par la guerre en Ukraine et des capacités nécessaires aux alliés européens pour assurer leur sécurité », lit-on en effet dans ce document.

En outre, l’effort de défense des membres de l’Otan « doit se poursuivre dans le cadre d’une remontée en puissance collective face à des adversaires décomplexés. Cette évolution est bénéfique en ce qu’elle rapproche nos partenaires européens de nos vues selon lesquelles nous devons collectivement assumer davantage de responsabilités en matière de défense », avance encore la RNS.

Cela étant, au regard des dix objectifs stratégiques et de l’ambition qu’elle décrit, on voit mal comment il pourrait en aller autrement. D’autant plus qu’il y est affirmé que la France devra, en 2030, être « capable de défendre son territoire métropolitain et ultramarin, et de protéger et impliquer ses citoyens » tout en s’appuyant sur une « dissuasion nucléaire indépendante » et des « forces armées conventionnelles robustes », et avec des « postures permanentes de sûreté adaptées aux menaces », lequelles sont nombreuses.

En outre, la France devra aussi disposer d’une « liberté d’action » et d’une « capacité à conduire des opérations militaires y compris de haute intensité en autonomie ou en coalition, dans tous les champs ».

Aussi, « nous devons répondre à la fois aux problèmes d’aujourd’hui et à ceux de demain. L’armée de 2030 que nous avons à bâtir ne doit pas être l’armée idéale que nous aurions voulue en 2022 », a résumé le président Macron, depuis Toulon, ce 9 novembre.

Justement, et alors que la guerre en Ukraine n’avait pas encore commencé, un rapport parlementaire sur l’engagement de « haute intensité » avait déjà estimé qu’il faudrait porter l’effort de défense à au moins 2,5% du PIB.

« Sous réserves de rester avec les mêmes ambitions, il y a effectivement un besoin complémentaire de 20 à 30 milliards sur la prochaine LPM. Ce qui mène, grosso modo, au doigt mouillé, à un effort de 2,5% du PIB. Ce qui nous permettra, sans ambition excessive, d’avoir notre modèle d’armée complet », avait en effet expliqué le député Jean-Louis Thiériot, co-auteur de ce rapport avec Patricia Mirallès, devenue depuis secrétaire d’État aux Anciens combattants.

Projet de budget 2023 pour nos armées

Projet de budget 2023 pour nos armées

Édito du Ministres des Armées

En 2023, le budget des armées françaises sera pour la 6ème année consécutive en augmentation. Depuis 2017, la nouvelle trajectoire budgétaire a permis de faire passer les crédits des armées de 32,3 milliards d’euros à 43,9 milliards d’euros.

Dès 2017, le Président de la République a décidé de stopper l’érosion de nos capacités militaires. Depuis, chaque annuité de la LPM a été respectée, avec une hausse de 1,7 milliard. Le projet de loi de finance pour 2023 renforce cette promesse du Président de la République à nos soldats avec une nouvelle augmentation de 3 milliards d’euros du budget des armées.

Cette politique a porté ses fruits, elle a renforcé la place de la France aux yeux du monde. Nous avons atteint les 2% de PIB dédiés à notre budget de défense, en conformité avec nos engagements envers nos alliés de l’OTAN. Ces investissements permettent aujourd’hui à la France d’être Nation cadre en Roumanie pour protéger les frontières orientales de l’Alliance, tout en poursuivant notre engagement contre le terrorisme au Sahel, aux côtés de nos partenaires africains et avec nos alliés européens.

Les effets de ces augmentations se ressentent déjà dans nos unités et sur les théâtres d’opération avec l’arrivée de nouveaux matériels intégrant les technologies Scorpion et Griffon, le Jaguar ou le drone Reaper arrivent progressivement dans nos régiments, ainsi que les équipements de protection individuelles qui offrent une meilleure protection et une supériorité tactique à nos soldats sur le terrain.

Ce budget poursuit les investissements massifs dans notre programme capacitaire avec 38 milliards de commandes militaires ainsi que d’importantes livraisons : 13 Rafales, 2 lots de missiles, 1 sous-marin nucléaire d’attaque et 18 chars Leclerc. Ces nouveaux crédits devront engager l’impératif de transformation du modèle de production de notre industrie de défense vers une « économie de guerre », et garantir notre souveraineté en renouvelant nos stocks, avec

2 milliards d’euros de commandes de munitions. Les augmentations de crédits profitent aussi directement à celles et ceux qui s’engagent sous nos couleurs. Depuis 2017, les 520 millions d’euros dédiés au Plan famille ont permis notamment d’améliorer les conditions de logement des militaires. Nous poursuivrons ces investissements en 2023 avec 180 millions d’euros fléchés vers le plan famille. Ce budget permettra également le recrutement de 29 700 personnels dont 1500 créations de postes. Pour répondre à l’enjeu d’attractivité qui en découle, la nouvelle politique de rémunération des militaires est un outil central, que nous avons pu mettre en œuvre grâce à l’augmentation continue du budget des armées depuis 2017.

Cette politique portée pour la sixième année consécutive par le Président de la République porte ses fruits : elle assure à la France une crédibilité auprès de ses alliés ; elle donne à nos forces une supériorité sur le terrain grâce aux investissements importants dans notre programme capacitaire ; et offre à nos militaires de meilleures conditions d’engagement. Il nous appartient désormais de poursuivre ces efforts pour que notre Nation soit à la hauteur des défis que l’Histoire dresse devant elle : ce que nous préparons avec une nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030, que nous présenterons au Parlement dès 2023.

Sébastien Lecornu,

ministre des Armées

 

Lire et télécharger le PLF 2023

Projet-de-Loi-de-Finances-2023

Dix priorités stratégiques qui charpenteront la revue stratégique et loi de programmation militaire

Dix priorités stratégiques qui charpenteront la revue stratégique et loi de programmation militaire

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 28 octobre 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Le chef de l’État, en visite jeudi dans le Cher sur plusieurs sites de production d’armement, a demandé aux industriels de défense (dont Nexter et MBDA) de s’efforcer de produire davantage et plus rapidement, à des coûts maîtrisés, pour faire face à la nouvelle donne géopolitique mondiale (EPA-EFE/LEWIS JOLY / POOL MAXPPP OUT). La demande n’est pas nouvelle et elle s’inscrit dans le concept d’économie de guerre qu’Emmanuel Macron a énoncé au salon de défense Eurosatory, en juin.

C’est un concept que l’on retrouvera dans la prochaine revue nationale stratégique.

Cette RNS soumise cette semaine aux parlementaires, sera présentée le 9 novembre à Toulon par Emmanuel Macron avant la publication de la LPM d’ici début 2023.

Le document propose d’articuler l’action de la France en cinq cercles : « protection du territoire national », « défense de l’Europe y compris dans un conflit de haute intensité », « Afrique subsaharienne et golfe arabo-persique », « Indo-Pacifique » et « espaces communs (cyber, spatial, fonds marins et espaces maritimes) ».

La RNS confirmera les tendances lourdes déjà identifiées dans la précédente revue stratégique, publiée en 2017 et actualisée en 2021: compétition stratégique exacerbée entre puissances, besoin d’un modèle d’armée complet etc.

Elle insistera aussi sur certains concepts comme la résilience, l’économie de guerre ou l’influence, à la lumière des premiers enseignements du conflit en Ukraine. Plus précisément, cette revue stratégique propose dix objectifs majeurs, au premier rang desquels figure la dissuasion nucléaire, qui demeure la « clé de voûte » de la défense française. La modernisation de la dissuasion mobilisera 5,6 milliards d’euros de crédits de paiement en 2023.

La liste des 10 objectifs stratégiques selon mon confrère JD Merchet: 
1- une dissuasion nucléaire robuste et crédible
2- une France unie et résiliente
3- une économie concourant à l’esprit de défense
4- une résilience cyber de premier rang
5- la France, alliée exemplaire dans l’espace euro-atlantique
6- la France, l’un des moteurs de l’autonomie stratégique européenne
7- la France, partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeuse de sécurité crédible
8- une autonomie de décision et une souveraineté décisionnelle garantie
9- une capacité à se défendre et à agir dans les champs hybrides
10- une liberté d’action et une capacité à conduire des opérations militaires y compris de haute intensité dans tous les champs.

Last but not least, cette réflexion stratégique doit guider les arbitrages budgétaires contenus dans la future loi de programmation militaire 2024-2030.