Comment les armées complèteront l’enveloppe de la prochaine LPM

Comment les armées complèteront l’enveloppe de la prochaine LPM


Des 413 Md€ de crédits proposés pour la loi de programmation militaire 2024-2030, 13 Md€ proviendront de recettes extra-budgétaires. Un mécanisme connu et qui reposera finalement moins sur la cession d’infrastructures que sur la vente de prestations.

Cette prochaine LPM, ce sont potentiellement 400 Md€ d’ « expressions de besoins de recettes budgétaires » et 13 Md€ de recettes extra-budgétaires. Celles-ci « ont toujours existé », rappelait hier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Et, « contre toute attente », l’essentiel ne proviendra pas de la revente de foncier ou de matériels.

Selon le ministre, près d’un tiers des ressources sera généré via les tarifications en hôpital réalisées par le Service de santé des armées (SSA). Soit un apport « pas du tout négligeable » évalué à 3 Md€ sur l’ensemble de la LPM.

D’autres acteurs alimenteront l’enveloppe de manière importante. C’est le cas de la Direction du renseignement militaire (DRM) et « d’autres services » habilités à tarifier de l’imagerie ou des prestations intellectuelles auprès de forces partenaires. La Direction générale de l’armement, ensuite, fournit des services d’essais pour le compte de tiers.

Une tranche proviendra ensuite de « la remise en question d’un certain nombre de contrats passés ». Sans rentrer dans les détails, le ministère espère ainsi tirer parti de « systèmes de dividendes sur des situations déjà connues ou obtenues, y compris sur la dissuasion nucléaire ». « On peut peut-être voir avec un certain nombre d’opérateurs à reconditionner un certain nombre de contrats avec des rentes annuelles que l’on peut, le cas échéant, faire diminuer », complétait le ministre.

Reste encore le produit de quelques cessions de matériels et les formations associées au profit d’armées alliées. L’immobilier conserve aussi un rôle, avec près de 500 M€ potentiellement empochés. Un chiffre moindre qu’auparavant « parce qu’il n’y a plus grand chose à vendre », soulignait le ministre.

Pour calculer cette manne potentielle, le ministère des Armées s’est contenté de reprendre les taux des recettes des périodes précédentes « de manière prudente ». Pour le ministre, c’est « peut-être à nous aussi d’être bons pour les optimiser et faire encore mieux ». Et si ces ressourcent s’avèrent plus faibles que prévu ? Même réponse qu’en cas d’explosion de l’inflation, pour l’instant estimée à 30 Md€ : le report de charges et/ou un retour devant le Parlement pour demander des ouvertures de crédits.

Crédits image : EMACOM

La modernisation des hélicoptères Tigre de l’armée de Terre aurait du plomb dans l’aile

La modernisation des hélicoptères Tigre de l’armée de Terre aurait du plomb dans l’aile

https://www.opex360.com/2023/01/24/la-modernisation-des-helicopteres-tigre-de-larmee-de-terre-aurait-du-plomb-dans-laile/


 

Pour rappel, ce programme à porter le Tigre au standard Mk3. Il vise notamment à adapter cet hélicoptère au combat collaboratif [avec la possibilité de prendre le contrôle de drones et de partager des données tactiques en temps réel] et à lui permettre d’emporter des missiles haut de trame [MHT ou Akeron HT] ou Spike [pour la version espagnole].

Lancée en 2022, cette modernisation du Tigre doit impliquer, outre Airbus Helicopters, Safran, Thales et MBDA. Le faux-bond de l’Allemagne, qui était initialement partie prenante à ce projet, a contraint la France et l’Espagne à revoir leurs ambitions à la baisse, malgré les sommes engagées par ces deux pays. Ainsi, Paris a prévu d’investir 2,8 milliards d’euros pour porter 42 Tigre au standard Mk3 sur les 67 que possèdent l’aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] tandis que Madrid a débloqué une enveloppe de 1,18 milliard pour 18 exemplaires mis en oeuvre par les Fuerzas aeromobiles del Ejercito de tierra [FAMET].

Seulement, la question est de savoir si ce programme ira jusqu’au bout, notamment à la lumière des retours d’expérience [RETEX] de la guerre en Ukraine, les hélicoptères d’attaque russes ayant été mis en difficulté. Deux conceptions s’opposent.

Ainsi, en décembre, la presse nippone a rapporté que le ministère japonais de la Défense envisageait de se séparer de ses hélicoptères d’attaque et de reconnaissance AH-64D Apache, AH-1S Cobra et Kawazaki OH-1 pour les remplacer par des drones tactiques.

A contrario, la British Army entend conserver les siens, comme le suggère le récent exercice qu’elle a mené avec des AH-64E Guardian, en vue d’adapter ses tactiques en fonction des RETEX de la guerre en Ukraine. « Nous avons dû complètement changer notre façon d’opérer à la fois dans les airs et au sol, pour exploiter au mieux les capteurs, les armes et les systèmes de communication améliorés de l’AH-64E, ainsi que ses meilleures performances de vol », a-t-elle fait valoir.

Et d’ajouter : « Pour […] frapper l’ennemi avant qu’il ne puisse viser les troupes amies, les AH-64E doivent être soutenus sur le terrain. Aussi, le fonctionnement des points de d’armement et de ravitaillement avancés [FARP] a été repensé afin d’éviter que les équipes de soutien ne soient localisées par des drones ou que leurs communications ne soient interceptées ».

Qu’en sera-t-il pour l’ALAT, et donc pour l’avenir de ses Tigre? Selon La Tribune, son stantard Mk3 ne serait plus jugé prioritaire par l’État-major des armées, qui se contenterait d’une modernisation « a minima ». Ce qui inquiète les industriels concernés, qui ont donc adressé une lettre à Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, pour défendre ce programme. Seront-ils entendus?

Cela étant, l’abandon éventuel du Tigre Mk3 n’est pas nouvelle… Des rumeurs couraient à son sujet dès l’automne dernier… Et le sénateur Cédric Perrin s’en était fait l’écho lors d’une séance de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées. « L’an dernier, dans le cadre d’une mission à Madrid, nous avions évoqué avec les Espagnols le projet de modernisation du Tigre 3, afin de pallier les carences allemandes sur ce sujet. Si les assertions de la presse se révèlent exactes et que le Tigre 3 est effectivement abandonné par la France pour des raisons budgétaires, nous aurons bonne mine d’avoir sollicité les Espagnols », avait-il affirmé.

M. Macron acte la fin du modèle d’armée « expéditionnaire » au profit d’un « pivot vers la haute intensité »

M. Macron acte la fin du modèle d’armée « expéditionnaire » au profit d’un « pivot vers la haute intensité »

 

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 20 janvier 2023

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Dès son retour au pouvoir, en 1958, le général de Gaulle mena un politique de défense reposant sur l’indépendance nationale, la dissuasion et la conscription. Ainsi, il s’agissait de privilégier la souveraineté et l’autonomie stratégique dans un monde alors marqué par la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique, ce qui supposait d’accélérer le processus de décolonisation [et donc de mettre au pas l’armée « coloniale »].

Par la suite, le Mur de Berlin tombé et l’Union soviétique disloquée, le modèle d’armée français s’inscrivit dans une logique « expéditionnaire », avec notamment la professionnalisation, sur fond de baisse des dépenses militaires. Les capacités qui étaient autrefois indispensables furent réduites à l’état échantillonaire, avec l’argument que ce ne serait pas avec tel ou tel matériel que l’on gagnerait les guerres de demain, l’époque étant aux « opérations extérieures », menées dans des environnements permissifs.

Sauf que, et malgré des signaux pourtant difficiles à ignorer, la compétition entre puissances ne s’était jamais vraiment estompée. La guerre en Ukraine le montre actuellement… Comme les tensions dans la région Indo-Pacifique. Qui plus est, les menaces se multiplient et s’aditionnent désormais…

D’où le constat du général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’une audition parlementaire, en juillet. « Notre capacité à être une force expéditionnaire ne nous rend pas instantanément aptes à conduire une guerre de haute intensité », avait-il lâché devant les députés.

D’où les « grandes transformations » et les « choix difficiles » annoncés par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, à l’occasion de son ordre du jour, le 4 janvier dernier. Et lors de ces voeux aux Armées, ce 20 janvier, depuis la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, le président Macron en a livré les grandes lignes.

Ainsi, celui-ci a annoncé que le modèle d’armée issu de la prochaine LPM devra privilégier « la cohérence sur la masse » ainsi que la « réactivité sans sacrifier l’endurance ». En clair, a-t-il ajouté, cela signifie qu’il s’agira de « consolider notre cœur de souveraineté, là où le modèle de la précédente Loi de programmation militaire mettait plutôt l’accent sur la capacité expéditionnaire et la lutte contre le terrorisme ».

« La transformation, […] c’est être capable de passer d’un modèle fait pour assurer des opérations dans des milieux où notre liberté d’action était forte à une capacité d’évolution dans des environnements contestés, face à des adversaires aguerris, parfois technologiquement redoutables sur tout le spectre de la conflictualité », a insisté M. Macron.

Aussi, au regard de l’ampleur des menaces [qui concernent aussi les départements et collectivités d’outre-Mer, qu’il a cités à plusieurs reprises dans son discours], le président a annoncé que l’effort budgétaire de la LPM 2024-30 serait de 400 milliards d’euros. Soit 30% de plus que celle en cours [295 milliards, ndlr]. Cette somme « permettra de couvrir 413 milliards de besoins militaires » et d’amorcer « un changement profond qui sera irréversible ».

Sans surprise, la dissuasion sera confortée et « renforcée » car elle « fait de la France un pays différent en Europe ». Les postures permanentes feront également l’objet d’une attention particulière. « Cela suppose des capacités accrues de renseignement qui doivent nous permettre d’anticiper les crises et les menaces », a justifié M. Macron, tout en insistant sur « l’autonomie de décision et d’action ». La fonction « connaissance et anticipation » bénéficiera d’un nouvel effort substantiel de +60% au total, avec des ressources de la Direction du renseignement militaire [DRM] et de la Direction du renseignement et de la sécurité de Défense [DRSD] qui seront doublées.

 

Les capacités de surveillance seront aussi renforcées significativement, avec des « drones et des moyens d’intervention », en particulier dans les outre-Mer, « où des capacités apportant une première réaction locale devra pouvoir être complétée par la projection de renforts conséquents », a détaillé M. Macron, sans donner plus de détails.

En outre, au titre de la « résilience », le locataire de l’Élysée a également dit vouloir « doubler la capacité de traitement des attaques cyber majeures » ainsi que le format de la réserve opérationnelle, ce qui « permettra de renforcer notre armée d’active » ainsi que la création « d’unités territoriales et de flottilles côtières ». Évidemment, cela supposera de revoir la carte militaire… ainsi que l’organisation des soutiens, comme celle du Service de santé des Armées [SSA].

Cela étant, abandonner la logique expéditionnaire suppose de gérer les crises « autrement », en maîtrisant « l’empreinte et la durée de nos opérations lointaines », celles-ci devant revenir en particulier aux forces spéciales, qui seront également renforcées, a expliqué M. Macron.

Mais cette « transformation », ou ce « pivot vers la haute intensité » comme a dit le chef de l’État, passera par un renforcement de l’Échelon national d’urgence [ENU], afin de « disposer des moyens nécessaires pour une intervention sur court préavis, même loin de la Métropole » [dans les outre-Mer?]. Il s’agira également « d’augmenter la capacité à durer et à résister à des efforts et des effets d’usure », grâce à une préparation opérationnelle plus intense, une disponibilité des matériels accrue et des stocks de munitions en conséquence.

Lors de son allocution, Emmanuel Macron a livré peu de détails sur les capacités qui seront inscrites dans la future LPM. « Face à des adversaires plus forts, nous devrons agir plus fort aussi pour obtenir rapidement des effets militaires décisifs. Cela implique de durcir notre outil », a-t-il dit.

Ainsi, parmi les décisions qu’il a annoncées par le président, les Mirage 2000 s’effaceront plus tôt que prévu [alors que la modernisation des Mirage 2000D est en cours, ndlr], le passage au « tout Rafale » étant acté. « Nous maintiendrons cet avion d’exception au meilleur niveau mondial », a-t-il assuré. La modernisation de l’armée de Terre, via le programme Scorpion, sera évidemment poursuivie. Quant à la Marine nationale, ses frégates verront leur puissance et leur protection augmentées. Et le porte-avions de nouvelle génération [PA NG] sera confirmé.

« Nous devons également innover en développant des munitions guidées à distance [des munitions téléopérées?], en élargissant l’usage des drones par un doublement, à cet égard, de nos investissements », a dit M. Macron. Les efforts en matière de technologies quantiques et d’intelligence artificielle seront poursuivis [ce qui profitera au cyber et au renseignement].

Le chef des armées a annoncé un renforcement des capacités dans les domaines à forte valeur ajouté opérationnelle. Et de citer la défense sol-air, dont les moyens seront augmentés de 50%. Et ceci parce que, a-t-il expliqué, « même avec la dissuasion, notre territoire n’est pas à l’abri de frappes isolées, du fait, par exemple, de perturbateurs, en particulier non étatique ». Les feux dans la profondeurs, la suppression des défenses aériennes adverses [SEAD] et la lutte anti-sous-marines figureront parmi les priorités.

Un autre volet de ce « pivot » concerne les « espaces communs » que sont le cyber, l’espace et la mer. C’est dans ceux-ci que se déploient généralement les modes d’actions relevant de la « guerre hybride ». La LPM donnera les moyens nécessaires pour détecter les signaux faibles… Ce qui devra se faire en adoptant une « approche décloisonée, pro-active et d’influence », qui ne relèvera pas uniquement des seules armées.

« Nous renforcerons notre capacité à surveiller et à réagir mais aussi à prendre l’initiative, à passer de clairs messages stratégiques dans l’espace exo-atmosphérique, dans l’espace numérique et dans les espaces maritimes », a aussi promis M. Macron. Les capacités « cyber » seront évidemment mises à contribution et l’effort sur le volet spatial ne sera pas relâché. Au-delà de la maitrise des fonds marins, la Marine devrait bénéficier de moyens renforcés, « à la hauteur des atouts martimes de notre pays », a-t-il dit, en citant, à nouveau, l’importance des outre-Mer.

Enfin, le quatrième volet de cette transformation porte sur les « partenariats internationaux ». Là, il s’agira de capitaliser sur ceux qui ont été récemment noués [Grèce, Inde, Émirats arabes unis, etc], de revoir les modalités de certains et, surtout, de permettre à la France de prendre tout sa place au sein de l’Otan et de l’Union européenne.

D’ailleurs, l’objectif de la future LPM pourrait se résumer par cette phrase de M. Macron : « Si, demain, tel grand partenaire [les États-Unis?] doit regarder ailleurs, nous devrons être en mesure d’agir avec les Européens, à l’intérieur de l’Otan ou en dehors, et, si nécessaire, d’assurer les capacités de commandement qui permettront de mener ensemble une opération d’ampleur. Pour nous, cela impliquera de pouvoir déployer une capacité interarmées représentant jusqu’à 20’000 hommes. Cela vous donne la mesure de défis et de l’ambition qui est la nôtre ».

Selon l’Élysée, la future Loi de programmation militaire sera « placée sous le signe de la transformation » des armées

Selon l’Élysée, la future Loi de programmation militaire sera « placée sous le signe de la transformation » des armées

 

https://www.opex360.com/2023/01/18/selon-lelysee-la-future-loi-de-programmation-militaire-sera-placee-sous-le-signe-de-la-transformation-des-armees/


Pour le moment, à part quelques déductions tirées des propos tenus par les chefs d’état-major lors d’auditions parlementaires ou bien de la Revue nationale stratégique, peu de détails concernant cette future LPM sont pour le moment connus… Si ce n’est que l’accent sera mis sur les « forces morales », que les réserves militaires prendront un nouvel essor [avec un effectif doublé], qu’il sera question d’une « économie de guerre », ou encore que la défense aérienne et les feux dans la profondeur devraient être prioritaires, de même que les capacités spatiales et le cyber.

Cela étant, en décembre, le quotidien Le Monde avait avancé que le président Macron rendrait « quelques arbitrages décisifs » d’ici « janvier 2023 ». Nous y sommes… Et rien n’a encore filtré pour le moment. Le locataire de l’Élysée en dira-t-il plus à l’occasion de ses vœux aux armées, le 20 janvier, sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan?

En tout cas, selon la présidence de la République, M. Macron devrait esquisser les grandes lignes de cette future LPM, laquelle sera placée « sous le signe de la transformation des armées », comme l’avait suggéré M. Lecornu.

« On passe d’une logique de réparation à une logique de transformation des armées. On doit pouvoir être plus efficace et performant », a en effet indiqué l’Élysée, ce 18 janvier. Par le passé, la « transformation » du ministère des Armées s’est traduite par des regroupements d’unité, des fermetures de bases et de casernes et des « innovations » ayant donné des résultats malheureux en matière de soutien alors qu’elles étaient censées l’améliorer.

Quoi qu’il en soit, sans grande surprise, l’enveloppe financière de cette LPM 2024-30 sera plus importante que les 295 milliards d’euros prévus pour la période 2019-25. Dans quelle mesure? Jusqu’à présent, le ministère des Armées a systèmatiquement démenti le montant des sommes avancées par la presse. Cela étant, il serait question d’environ 400 milliards d’euros. Peut-être que M. Macron le précisera à Mont-de-Marsan…

Pour le reste, et ce n’est pas une surprise non plus, l’entourage du président a confirmé que la modernisation de la dissuasion nucléaire [5,6 milliards de crédits de paiement en 2023] se poursuivrait. Étant donné que des choix « difficiles » ont été annoncés, la question est de savoir le format qu’elle aura.

Par ailleurs, un effort sera fait en faveur des forces dites de souveraineté, c’est à dire celles stationnées dans les départements et collectivités d’outre-Mer. Durant ces dernières années, elles ont souvent été négligées en raison des contraintes budgétaires. Au point qu’un possible coup de force contre ces territoires n’est plus à exclure.

Ainsi, selon l’Élysée, ces forces de souveraineté bénéficieront d’investissements « supplémentaires » afin de les renforcer pour « pouvoir donner un coup de griffe à celui qui voudrait s’en prendre à nos intérêts », en particulier dans l’Indo-Pacifique. Sur ce point, devant la presse, en novembre, M. Lecornu avait rappelé que « grâce à nos Outre-mer, notre surface maritime fait partie des plus importantes du monde et nous sommes riverains du Pacifique ». Et il en avait tiré la conclusion que la Marine nationale devait donc « avoir cette dimension ».

Dans un autre registre, il serait aussi question de renforcer l’échelon national d’urgence [ENU], afin de constituer une force projetable de 2300 soldats à plus de 3000 km à court préavis.

Enfin, les enseignements de la guerre en Ukraine ne manqueront pas d’être tirés. « On doit tous mener une introspection à la lumière de l’Ukraine », a souligné l’Élysée. Et de citer « l’ascendant sur le champ de bataille, les équipements, la capacité à commander, la logistique et les munitions, les communications sécurisées, etc ».

2023, année charnière pour le bouclier anti-drones des armées

2023, année charnière pour le bouclier anti-drones des armées

– Forces opérations Blog – publié le

Entre la livraison de moyens supplémentaires, la sécurisation de la Coupe du monde de rugby et les perspectives qu’offre l’écriture d’une nouvelle loi de programmation militaire, le renforcement de la lutte anti-drones sera l’un des enjeux de l’année 2023 pour les armées françaises.

Quand des millions de spectateurs se concentreront sur un ballon ovale en septembre et octobre 2023, d’autres auront les yeux tournés vers le ciel. L’enjeu sera en effet important pour les armées, mobilisées en soutien des forces de sécurité intérieure pour, entre autres, surveiller l’espace aérien. L’événement fera aussi office de laboratoire en vue des Jeux olympiques et paralympiques organisés neuf mois plus tard à Paris, un rendez-vous figurant « dans le haut du spectre » selon le chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE), le général Stéphane Mille. Il s’agira donc de ne pas louper le coche en matière de lutte anti-drones.

« Les moyens de la PPS standard seront évidemment présents et couvriront la totalité de la manifestation. Des moyens spécifiques contribueront à mettre en place une défense multicouche pour protéger le dispositif », déclarait récemment le CEMAAE lors d’une audition à l’Assemblée nationale. De nouveaux moyens LAD sont attendus d’ici là pour muscler les couches les plus basses. Hormis 100 fusils brouilleurs supplémentaires, ce sont les six premiers systèmes acquis auprès de Thales et CS Group au titre du programme PARADE (Protection déployAble modulaiRe Anti-DronEs). Livrés cette année, tous sont « essentiels dans la perspective des Jeux olympiques de Paris en 2024 ».

En attendant ces grands raouts sportifs, les armées ont pu affiner leur expérience lors de la dernière Coupe du monde de football, tenue l’an dernier au Qatar. Trois détachements français y ont été déployés en appui de l’armée qatarienne, dont un dédié à la LAD. Des moyens non détaillés ont ainsi été mobilisés pour sécuriser l’espace aérien aux abords des stades. Les prises en main se poursuivent également sur le territoire national. S’agissant de PARADE, « des expérimentations ont déjà eu lieu sur les Champs-Élysées, à Paris », soulignait le délégué général pour l’armement Emmanuel Chiva au cours d’une récente audition parlementaire.

Si les armées accélèrent, c’est aussi parce qu’elles étaient jusqu’alors un peu à la rue sur le sujet. La lutte anti-drones, le ministère des Armées ne l’a érigée en priorité qu’à l’occasion de l’actualisation stratégique de 2021. Malgré une menace grandissante et l’existence de nombreuses solutions techniques souveraines, l’arsenal français reposait alors sur des moyens embryonnaires et parfois « artisanaux ». Ce sont les trois systèmes BASSALT fournis par Hologarde, les systèmes MILAD de CS Group, les 50 fusils brouilleurs de MC2 Technologie ou encore les quatre VAB ARLAD conçus en urgence opération par la Section technique de l’armée de Terre. Bien trop peu pour protéger simultanément des emprises militaires, des troupes en OPEX et des événements publics.  

Érigée en programme à effet majeur en 2022, la lutte contre les drones de moins de 25 kg bénéficie désormais d’une ligne budgétaire permettant de donner de l’ampleur et de la cohérence à des initiatives jusqu’alors limitées et éparses. Avec 350 M€ potentiellement alloués sur 11 ans et des applications élargies à l’ensemble des armées, PARADE en est le porte-drapeau. Après le pic d’investissement de 2022, moins de 10 M€ seront engagés au profit de l’opération LAD l’an prochain. L’enveloppe servira essentiellement à commander une tranche de trois moyens LAD au profit de la Marine nationale et à la mise à hauteur de quatre systèmes MILAD. En parallèle, un effort sera consenti sur la modernisation des formations à destination du personnel.

Le fléchissement du volet financier peut paraître paradoxal, mais la réflexion ne s’arrête pas là. « S’agissant des systèmes PARADE, nous souhaiterions en avoir davantage et pouvoir en déployer sur chacune des bases pour éviter un survol de drones », indiquait le CEMAAE. Mais il s’agira avant tout de miser sur la modularité et l’évolutivité du système. « Ce ne serait pas de bonne politique que d’acheter 100 systèmes PARADE d’un coup alors que ce domaine évolue très vite. Dans deux ans, nos besoins seront différents. Il nous faut garder agilité et flexibilité », relevait à ce titre le CEMAAE.

Derrière les acquisitions, la recherche continue. « L’innovation reste un axe de très grande importance et l’attention portée aux crédits d’étude sera maintenue. Parmi nos grandes priorités je citerai la lutte anti-drones, l’hypervélocité et les fonds marins, ainsi que le développement d’armes à énergie dirigée », indiquait le chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, à l’automne dernier en audition parlementaire.

« Toutes les pistes sont ouvertes afin de renforcer notre capacité de lutte anti-drones, sur nos emprises et sur nos théâtres de déploiement. Singapour dispose de drones intercepteurs, décollant et volant très vite, capables d’attraper un autre drone avec un filet », complétait le CEMAAE. Le drone « tueur de drones », une brique parmi d’autres présentées par certains industriels français comme MBDA et qui pourrait être l’une des évolutions intégrées dans PARADE. « Nous réalisons actuellement une expérimentation à Mont-de-Marsan sur des moyens à énergie dirigée », ajoutait-il sans détailler la technologie mise à l’épreuve. C’est néanmoins à quelques encablures de là, sur le site de Biscarosse de DGA Essais de missiles, qu’ont été réalisés les premiers essais du laser anti-drones Helma-P développé par CILAS, autre segment du PEM LAD dont un prototype devrait être disponible pour les JOP 2024. Et tout cela, sans compter sur de possibles inflexions supplémentaires inscrites dans la future loi de programmation militaire pour 2024-2030.

La guerre avant la guerre par le Général de corps d’armée (2S) Jean-Tristan Verna

La guerre avant la guerre


 

Proche de nous et bien documentée au jour le jour contrairement à d’autres conflits violents, l’invasion de l’Ukraine par la Russie vient rappeler sans ambiguïté quel est le visage de la « guerre de haute intensité », lorsque les protagonistes déploient tous les moyens de la puissance militaire moderne, au milieu des populations et des zones urbanisées.

Face à toutes ces pertes humaines et ces destructions massives, on ne peut donc que plaider en faveur d’une stratégie militaire qui viserait à « gagner la guerre avant la guerre », pour reprendre le terme employé dans la vision stratégique du chef d’état-major des armées et développée par le général Burkhard dans une interview parue dans Le Point du 4 novembre 2021.

* * *

Penser pouvoir « gagner la guerre avant la guerre » s’inscrit dans une caractérisation des relations internationales en trois volets compétition ― contestation ― confrontation, qui ne sont pas un continuum mais des niveaux de tension pouvant se chevaucher ou cohabiter avec un même « partenaire ». D’où des situations particulièrement complexes à analyser et maîtriser.

La compétition est le niveau normal des relations internationales fondées sur le droit. C’est à ce niveau que se déploierait cette stratégie. Il s’agit de dissuader un compétiteur de franchir le seuil suivant, la contestation, qui se situe alors « juste avant la guerre » et sort du cadre du droit international (le cas-type communément mis en avant jusqu’à présent était le mode d’action de la Russie pour l’annexion de la Crimée, théorisé sous le terme de « mode d’action hybride ou indirect »).

Face aux compétiteurs, la vision stratégique du CEMA est donc d’appuyer l’action politique, diplomatique, économique, culturelle… par la démonstration de capacités militaires dissuasives, tout en étant en mesure de réagir par un emploi de la force « suffisant » en cas de contestation, afin de faire retomber les tensions avant que soit atteint le seuil de la confrontation, qui est « la guerre », seuil au demeurant difficile à tracer à l’avance.

Pour les armées françaises, il s’agit donc de définir les contours d’une stratégie militaire s’intégrant dans la stratégie nationale d’équilibre des relations internationales, avec une panoplie de modes d’action établissant des rapports de forces dissuasifs (compétition) et employables jusqu’à un niveau élevé de violence (contestation). Les forces doivent donc être déterminées, crédibles et prêtes, pour être avant tout dissuasives vers les « compétiteurs joueurs mais raisonnables », pour reprendre les termes de la dialectique de la dissuasion nucléaire. On perçoit immédiatement une difficulté majeure : habituellement, ce sont « les groupes terroristes non inféodés à un État » qui sont considérés comme les acteurs « non raisonnables » des rapports de forces géopolitiques. Le problème change de nature lorsque « la raison » semble abandonner une puissance nucléaire, et de surplus membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

* * *

Gagner la guerre avant la guerre repose donc en même temps sur la capacité de dissuader le compétiteur de s’engager dans une confrontation directe et sur celle de l’empêcher d’avancer des « pions hybrides » sur un mode indirect.

En termes militaires, la dissuasion est avant tout une stratégie des moyens, tandis que l’empêchement suppose une stratégie d’action. Il est en fait une « autre sorte de guerre avant la guerre ».

Depuis plus demi-siècle la dissuasion globale est au cœur de la programmation militaire française. Au terme de l’actuelle Loi de programmation militaire (LPM) et de l’effort budgétaire qui l’a caractérisée, résumons l’état des lieux, sans entrer dans le détail des multiples rapports parlementaires ou d’experts :

  • Les moyens de la dissuasion nucléaire sont à niveau, et leur modernisation est continue (elle mobilise une part importante des budgets post-2022).
  • Les forces « conventionnelles » sont en cours de « réparation » et de modernisation. La plupart de programmes permettant de constituer les forces de l’Ambition 2030 sont lancés. Outre le déroulement nominal des grands programmes structurants, l’effort porte désormais sur la capacité à durer (stocks, soutien…) et à combattre en « haute intensité » (préparation opérationnelle). Les moyens conventionnels des années post-2030 sont définis et les études lancées (porte-avions, système de combat aérien, char futur et son environnement).
  • Éclairé par l’observation de la guerre en Ukraine, le débat sur le volume des forces et leur capacité à durer va s’intensifier, alors que la priorité du développement capacitaire se déplace vers les « nouveaux espaces »: l’espace extra-atmosphérique, le cyber, les grands fonds marins, la stratégie informationnelle… On pressent là les tensions qui marqueront la préparation de la prochaine LPM.

Mais la dissuasion ne repose pas uniquement sur le développement continu de systèmes d’armes. Autour de son volet nucléaire autonome, elle se construit également par la volonté d’être « Nation-cadre intégratrice » au sein des coalitions stratégiques, qu’elles émanent de l’OTAN, de l’Union Européenne ou de tout autre alliance. Les exigences qui en découlent sont nombreuses et réellement intégratrices au sens où elles créent une solidarité de fait dans les domaines du commandement, du soutien, de la communication opérationnelle… et de la volonté politique.

C’est d’ailleurs à cette approche d’intégration « solidarisante » qu’il faut rattacher la coopération en matière d’opérations d’armement, quelles que soient les passions qu’elle peut provoquer.

Ainsi, adossées à un système d’alliances robustes, en premier lieu l’Alliance Atlantique et son bras armé, l’OTAN, mais également la solidarité de l’Union européenne fondée par le Traité de Lisbonne, les capacités militaires françaises permettent aujourd’hui de dissuader en « gesticulant », c’est-à-dire en montrant qu’elles peuvent être employées sans délai, face à tout risque d’action directe contre les intérêts nationaux ou ceux des alliés, pour peu que la volonté politique, ressort ultime, soit présente. La crise russe (plutôt qu’ukrainienne) en a donné la démonstration, même si certaines « gesticulations » n’ont pas fait l’objet d’une publicité autre que celle nécessaire à l’information du « compétiteur ».

L’empêchement repose quant à lui sur un autre fondement : la volonté d’employer « la force » pour contenir les stratégies indirectes et, ainsi, contrer toute stratégie des « dominos » qui contournerait la dissuasion. C’est un cadre dans lequel baigna la guerre froide, mais qui, dans les rapports entre États, est semble-t-il depuis sorti de la vision stratégique occidentale.

Cette volonté s’exprime en premier lieu par la démonstration des capacités militaires conventionnelles construites dans la cadre de la dissuasion globale. Par la mise en scène de leur entraînement poussé, de leurs opérations extérieures, de leurs projections sur tous les points du globe au titre de la présence, de la coopération interalliée ou de partenariats stratégiques, les forces conventionnelles permettent de « montrer le bâton et la volonté de s’en servir ». L’existence en seconde ligne de capacités industrielles et logistiques avérées va de pair…

Mais, l’existence de zones grises, souvent très périphériques aux yeux des opinions, offrent aux compétiteurs des opportunités pour tester cette volonté, avancer des pions plus ou moins masqués et, in fine, améliorer en leur faveur le rapport de forces géostratégique, car il ne fait aucun doute qu’eux également souhaitent gagner la guerre avant la guerre.

Nos armées, et singulièrement les forces terrestres, très flexibles d’emploi, vont devoir s’engager plus qu’aujourd’hui dans des modes d’action hybrides, voire en redécouvrir certains.

Tenter de faire un inventaire a priori de ces modes d’action est inutile ; l’important est de disposer d’une « boîte à outils » diversifiée et d’une créativité opérationnelle fondée sur la juste appréciation des situations, la maîtrise de toutes les technologies disruptives et d’une culture stratégique et historique non exclusive.

* * *

C’est à ce stade que nous pouvons poser la question du rôle que l’armée de Terre des années 2020 peut jouer dans cette stratégie d’empêchement, alors qu’elle devra sans doute toujours poursuivre des opérations du style de celles dans lesquelles elle est engagée depuis une vingtaine d’années, tant dans une logique de corps expéditionnaire, que par sa présence sur le territoire national. Dans le même temps, elle doit monter en gamme, en volume et en capacité d’intensité, dans le cadre de « l’hypothèse d’engagement majeur ».

Trouver sa place dans « l’hybridation des rapports de forces », à la frontière de la compétition et de la confrontation, sera donc un défi d’autant plus difficile que la « zone grise » appelle plus que d’autres l’intégration interarmées, l’intégration des capacités cinétiques terrestres et de celles se déployant dans les nouveaux espaces stratégiques ― cyber, information ―, l’intrication entre les forces visibles et celles dont l’action ne doit être ni connue, ni reconnue.

En s’appuyant sur les trois axes de la vision stratégique du CEMA (les hommes, le développement capacitaire, la préparation opérationnelle), quelques questions peuvent être posées, en laissant le soin de les développer aux états-majors qualifiés, même s’ils sont parfois contraints par le poids de l’existant. 

Axe 1 : les hommes

Le sursaut de 2015, qui a mis fin aux réductions d’effectifs, n’a pas pour autant réglé la question de la faiblesse intrinsèque des effectifs des forces terrestres. L’obligation de dissoudre des unités nouvellement recréées pour répondre à des besoins nouveaux est là pour le montrer. Avant même de réfléchir aux adaptations qualitatives de la haute intensité, un rappel des besoins sera indispensable dans le cadre des travaux de la future LPM. Il faut en particulier s’interroger sur le développement quantitatif des forces spéciales, en tempérant la vision du « surhomme » pour lui substituer celle du soldat et de petites unités à l’emploi très flexible. Cette évolution a déjà été engagée, notamment dans les régiments et brigades d’infanterie.

La formation des cadres a toujours été une politique dynamique, selon les besoins opérationnels et les variables externes. C’est au titre de cette dynamique qu’il faut comprendre la récente rénovation de la formation initiale des officiers. Elle devra être poursuivie avec le souci de ne pas les enfermer dans des schémas opérationnels exclusifs, puis, par la gestion de leurs premières années de service, de leur donner la possibilité de multiplier les contextes et expériences opérationnelles. 

Axe 2 : le développement capacitaire

L’axe capacitaire se conjugue toujours avec un axe organisationnel : l’agencement des équipements, leur répartition sont des choix qui reflètent l’idée que l’on a de l’emploi des forces.

L’armée de Terre connaît dès à présent tous les équipements dont elle disposera pour les vingt prochaines années. Sa fonction « équipement » est désormais dans une période de production dont il faut tenir le rythme pour encore une décennie au moins. C’est la priorité de la prochaine loi de programmation, qui n’est pas incompatible avec une plus forte intégration des drones de toutes sortes au plus profond des forces terrestres.

Si pour être « dissuasive » sous le seuil de la contestation, les axes de progrès de l’armée de Terre sont le « durcissement » et « la capacité à durer », « l’empêchement » la tire vers « la capacité de surprendre ».

La capacité de surprendre consiste à ne pas faire ce que l’adversaire s’attend à affronter, en changeant de terrain, de mode d’action, etc. Elle pourrait s’inspirer des objectifs militaires (il y en avait de plus politiques) qui débouchèrent dans les années 1980 sur l’organisation de la Force d’action rapide (FAR) : se projeter puissamment et loin pour contrer le Groupement mobile opératif (GMO) soviétique) qui aurait percé en Centre-Europe, loin des trois directions planifiées d’engagement de la 1re Armée Française.

C’est ici que l’intérêt de l’aéromobilité se révèle le plus fort, avec un mix d’infanterie légère, mais puissamment armée. N’oublions pas non plus le formidable outil que constitue la brigade parachutiste polyvalente que la France ― seule Nation en Europe ― a su préserver.

Conjuguées aux forces spéciales, ce type de moyens permet de délivrer des capacités « sous le seuil » qui sont mal connues et nécessitent pourtant des savoir-faire spécifiques au sein même des forces terrestres pour « contenir le compétiteur » : faut-il donner à nos forces spéciales une capacité à devenir « des petits hommes gris » (sur le modèle « des petits hommes verts » poutiniens), doit-on déployer au plus près les moyens et des modes d’action de lutte informationnelle offensive (qui aurait pu par exemple servir lors de la « saga du convoi de Barkhane », mais a été payante lors de la tentative de désinformation de Gossi…), quelle place le partenariat militaire opérationnel et de combat doit-il avoir dans cette stratégie militaire, là où le compétiteur se transforme en contestateur-testeur ? Faut-il toujours maintenir les Sociétés militaires privées (SMP) à longueur de gaffe ou formaliser un type de complémentarité bien bordé sur le plan juridique et éthique ?

C’est dans ce contexte que les forces prépositionnées prennent tout leur intérêt stratégique, qu’elles soient de « souveraineté » (avec une totale liberté d’emploi tout autour de leurs points de stationnement), ou de « présence » (plus près des zones de tension, mais avec des risques potentiels de restriction d’emploi si les traités sont interprétables). Encore faut-il qu’elles soient suffisantes, de qualité et en mesure d’intégrer de façon réactive des capacités d’action « sous le seuil », y compris les plus modernes ou émergentes. La flexibilité organisationnelle et logistique des armées françaises devrait rendre cela accessible sans trop d’efforts, notamment en jouant sur les fortes capacités amphibies développées conjointement par l’armée de Terre et la Marine nationale. 

Axe 3 : la préparation opérationnelle

Dans le cadre du débat sur « la haute intensité », le durcissement de la préparation opérationnelle est dès à présent bien expliqué par l’armée de Terre, tant dans ses composantes « temps » que « moyens » (espaces de manœuvre, complexes de tir, munitions, disponibilités des équipements, coopérations interarmées et interalliée…). Reste à faire en sorte que les budgets qui financent cet objectif soient à la hauteur…

Mais pour gagner la guerre avant la guerre, la préparation opérationnelle doit être démonstrative, et pourquoi pas, menaçante ! Elle devient une façon d’appuyer la diplomatie en la complétant d’un volet militaire. La pratique de grands exercices projetés au plus près des zones à risques doit revenir dans le catalogue des modes d’action et leur coût doit être considéré comme un investissement.

De même la multiplication, chaque fois que possible, d’exercices d’ampleur sur le Territoire national (TN) ou dans les Outre-mer témoignent de la part prise par l’armée de Terre dans la capacité nationale de résilience.

* * *

La forme prise par les tensions géopolitiques en ce début de XXIe siècle scelle une fois pour toutes la fin de l’ordre établi par les Traités de Westphalie au terme de la guerre de Trente Ans ; elle met également en cause la régulation des relations internationales organisée ― laborieusement ― après la Seconde Guerre mondiale par la création de l’ONU. Elle est en passe de fragiliser « l’équilibre de la terreur nucléaire ».

De cette situation, ne découle-t-il pas que désormais « si l’on veut la paix, il ne suffit plus de préparer la guerre », pour reprendre la formule attribuée à Végèce, mais de la faire sous une forme qui évite la montée aux extrêmes, avec tous les dangers que comporte l’ouverture de cette boite de Pandore ?

La difficulté principale est qu’il est alors nécessaire de « désigner l’ennemi », chose dont on peut se passer lorsqu’on entretient une dissuasion globale « tous azimuts ». Quels sont donc « nos ennemis » ?

L’un d’eux est bien identifié depuis longtemps : le terrorisme international, et c’est face à lui que nos forces sont engagées de longue date, sous des formes multiples. Mais on voit bien que désormais, il ne suffit pas de combattre les « groupes armées terroristes » sur des terrains plus ou moins lointains, mais également de contrer leurs sponsors, comme nous le faisions en Afrique durant la guerre froide, à l’époque où Cubains ou Allemands de l’Est jouaient le rôle tenu aujourd’hui par Wagner. Et nous avions nos « petits hommes gris » dans la brousse…

Un autre ennemi, plus générique, mais dont il ne faut pas bien longtemps pour en faire la frise des drapeaux, menace notre souveraineté, tant au travers de notre poussière d’Empire, qui ne vaut plus vraiment que par la Zone économique exclusive (ZEE) qu’elle nous offre, que pour la sécurité de nos approvisionnements maritimes qui resteront essentiels et massifs quoique rêvent les fossoyeurs de la mondialisation. Cette menace débute dès la Méditerranée orientale, survole les Caraïbes et se prolonge dans les immensités de la zone Indopacifique. Malgré les réticences d’une partie d’entre eux, elle est partagée par nos alliés européens.

Enfin, et on ne peut que le déplorer, tel le Phénix, « le fléau nourri par les steppes de l’Asie centrale » vient une nouvelle fois de surgir aux marges de l’Europe, tel une pulsation historique récurrente, avec un nouveau visage, mais toujours les mêmes caractéristiques : enfermement culturel, brutalité et déni d’humanité. On ne peut que le déplorer car, si l’on ne sait comment va finir l’agression en Ukraine, nous savons que nous venons d’entrer dans une nouvelle course aux armements et dans une nouvelle guerre froide en Europe, guerre qui restera froide pour nos concitoyens si nous acceptons d’en conduire une plus chaude partout où ce compétiteur désormais déclaré voudra avancer ses pions. Mais l’on quitte alors le domaine de la stratégie militaire pour celui de la volonté politique.

Vers une capacité MAMBA musclée dans la prochaine LPM

Vers une capacité MAMBA musclée dans la prochaine LPM


Pour les chefs d’état-major, chaque audition parlementaire devient propice à relever les grands enjeux capacitaires de la prochaine loi de programmation militaire. Du côté de l’armée de l’Air et de l’Espace, les réflexions portent entre autres sur le renforcement du segment de défense sol-air assuré par les systèmes MAMBA. 

S’agissant de la défense sol-air en général, « la LPM que nous sommes en train de construire doit nous permettre d’aller plus loin », déclarait le chef d’état-major de l’AAE, le général Stéphane Mille mi-octobre en audition à l’Assemblée nationale. Des propos réitérés et détaillés un mois plus tard au Sénat. Certains sujets étaient alors « encore en cours d’arbitrage » mais, selon, le CEMAAE, l’une des idées sur la table sera bien de muscler la capacité MAMBA de deux manières. 

Premièrement, en poursuivant la rénovation des systèmes actuels via le programme SAMP/T NG conduit avec l’Italie. Lancé en réalisation en novembre 2020, ce programme dotera le système français du nouveau radar GF 300, du missile Aster 30 B1 NT et d’un module C2 rénové. Mais s’il doit permettre, d’après le CEMAAE, de « protéger une zone plus vaste et de lutter contre les menaces supplémentaires », le SAMP/T NG ne sera livré qu’à partir de 2027 aux armées françaises. 

Et deuxièmement, il est aussi question « d’augmenter le volume pour pouvoir répondre à une demande de protection croissante ». L’armée de l’Air et de l’Espace opère aujourd’hui huit sections MAMBA, dont l’une est déployée en Roumanie au titre de la mission Aigle. L’Ukraine demande depuis longtemps à la France de lui fournir une capacité MAMBA pour lutter contre les attaques russes, sans réponse claire jusqu’à présent. Seul indice évoqué la semaine dernière par le ministre des Armées Sébastien Lecornu lors d’un déplacement à Kiev, le lancement d’un programme de formation d’officiers ukrainiens sur « des nouveaux systèmes qui pourraient équiper l’Ukraine à l’avenir ».

S’agira-t-il d’en acquérir davantage comme le projette l’Italie, de poursuivre l’effort de remontée des stocks de missiles Aster 30, ou les deux ? Pour cette réponse, et bien d’autres, il faudra encore attendre plusieurs semaines avant l’adoption de la LPM 2024-2030 en conseil des ministres et sa publication. Le président de la République s’exprimera prochainement à ce sujet lors de ses traditionnels vœux aux armées, organisés cette fois sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. La discussion du texte devrait intervenir en juin prochain au Sénat mais, pour certains sénateurs, la question de l’étendue de la capacité de défense sol-air ne pourra être éludée. 

« La guerre en Ukraine a mis en évidence les limites de notre défense sol-air, dont nous disposons en quantité plutôt modeste, que ce soit pour la moyenne portée (SAMP-T Mamba avec le missile Aster) ou dans la basse couche (Crotale) », relevait notamment la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret.

Bien que parcellaire, la perspective partagée par le CEMAAE aura peut-être participé à rassurer des sénateurs pour qui la défense sol-air française reste « un sujet de préoccupation ». Un sentiment partagé par leurs homologues de l’Assemblée nationale, à l’origine d’une mission flash sur le sujet pilotée depuis mi-octobre par les députés Natalia Pouzyreff (RE) et Jean-Louis Thiériot (LR).

Crédits image : AAE

Le porte-avions, assurance-vie des outremers

Le porte-avions, assurance-vie des outremers

Alors que la nouvelle loi de programmation militaire est en discussion et que se pose la question des modalités de remplacement du porte-avions nucléaire « Charles de Gaulle », les débats reviennent sur la pertinence du groupe aéronaval dans son format actuel, face à des menaces censément nouvelles et au regard de technologies « de rupture » qui permettraient, à moindre coût et à moindre risque, de disposer de capacités équivalentes. Si les arguments pour ou contre le porte-avions sont souvent assez convenus, il en est un qui est assez peu mis en avant par ses promoteurs, alors qu’il devrait être au cœur de notre stratégie de défense : le groupe aéronaval constitue aujourd’hui la principale assurance vie des outremers, la traduction concrète de l’effort de défense nationale pour des millions de Françaises et de Français qui partagent notre communauté de destin, loin de la métropole.

Il en va du porte-avions comme du char d’assaut : depuis sa création à la fin de la Première Guerre mondiale, ses opposants n’ont eu de cesse de proclamer sa mort ou son inutilité à chaque conflit, à chaque apparition d’un système nouveau pouvant soit le remplacer soit le condamner. Critiques d’autant plus audibles que son coût va croissant et devient en apparence exorbitant. Pourtant, il demeure. Non pas comme un éléphant blanc inactif dans un port, mais comme l’outil privilégié des opérations de projection des grandes marines océaniques, cœur de groupes aéronavals qui ont pris depuis un siècle des formes très variées pour des missions dont le spectre a concerné tous les milieux, toutes les politiques et toutes les situations possibles, de la lutte antinavire à la frappe des littoraux ou dans la profondeur, en passant par le blocus maritime, la lutte anti sous-marine, l’escorte de convois ou encore la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire. Il n’est pas un État, ancien ou émergent, qui tente d’en faire l’économie une fois que sa marine a atteint un certain développement. Chine, Corée du sud, Espagne, États-Unis, Inde, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie et Turquie sont dans ce constat qu’il leur faut disposer d’au moins un groupe aéronaval mettant en œuvre des avions embarqués, même si les questions de la forme du navire et de la composition de son groupe aérien demeurent ouvertes, entre ambitions, moyens, doctrines, limitations politiques et compétences nationales, innovations et obsolescences.

Bien entendu, le fait que de nombreuses marines restent convaincues de son utilité n’est pas suffisant en soi pour affirmer que la France a besoin d’un groupe aéronaval. D’autres formats de marine existent, qui renvoient à d’autres missions et d’autres ambitions. À un moment où la guerre revient à grande échelle sur le sol européen et où la montée de crises climatiques, énergétiques, économiques et sociales menace le continent, la tentation pourrait être grande de « faire l’économie » du groupe aéronaval, pour redéployer des crédits vers l’aviation basée au sol, la défense territoriale, les stocks de munitions… Les arguments « traditionnels » de défense du porte-avions trouvent ici leurs limites : focalisés autour de la question de la projection de puissance en coalition, le plus souvent avec l’apriori tacite du contexte d’interventions internationales en situation de crise dans les pays émergents, ils limitent souvent le porte-avions à un instrument de prestige basé sur la visibilité et la liberté de navigation, qui permet à la France de « tenir son rang », sans qu’il soit toujours très évident de mesurer, par ce prisme d’analyse, l’apport concret du groupe aéronaval par rapport au déploiement de forces aériennes projetées depuis une base amie ou à la présence de moyens de frappe navals dans la profondeur (frégates et sous-marins porteurs de missiles de croisière). Alors que la France ne se pense plus comme un Etat devant être appelé à agir seul en dehors du cadre de la mise en œuvre de sa dissuasion nucléaire, on pourrait même considérer que, l’alliance américaine étant maintenant une question de survie en Europe, il y aurait une forme de logique d’économie de coûts par rapport aux effets obtenus de la part d’un pays qui s’ambitionne comme un « allié exemplaire », à devenir de simples supplétifs au sein d’un des groupes aéronavals de l’U.S. Navy.

Si on veut saisir le rôle crucial du groupe aéronaval dans la politique de défense nationale, il faut sans doute revenir aux fondements de celle-ci, telle que décrite par l’article 1 du Code de la défense : « assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées ». Cette quête, basique mais cruciale, de la sanctuarisation du territoire et de ses populations, a pris des formes très diverses au fil des siècles. La situation née du tournant de la guerre froide est à ce titre une forme d’aboutissement historique du dilemme entre les menaces et les moyens de parade : jamais jusqu’alors la France n’avait pu être menacée d’un anéantissement total en quelques minutes. Et jamais elle n’avait disposé, en même temps, des moyens de dissuader une telle menace de manière aussi fiable et autonome. La dissuasion nucléaire nous a fait sortir d’un cycle de menaces sur le sanctuaire national qui avait duré « de Bouvines à la ligne Maginot ».

Actuellement, la France métropolitaine n’est en aucune façon menacée dans ses frontières nationales. Sa situation est très différente de celle de l’Ukraine et infiniment plus confortable. Non seulement en raison de la dissuasion nucléaire qui nous permet d’éviter toute menace ou tout chantage de la part d’une puissance nucléaire tout en élevant le coût stratégique d’une attaque sur nos frontières ; mais surtout sans doute en raison de la paix historique dont nous bénéficions. La profondeur des liens économiques, politiques, culturels et — malgré toutes les crises — amicaux entre la France et ses voisins européens constitue une des meilleures garanties de sécurité territoriale de son histoire alors que, il y a moins d’un siècle, deux de ceux-ci, l’Allemagne et l’Italie, nous envahissaient. Ces liens sont sans commune mesure avec l’interdépendance que l’Allemagne a recherché — en vain — avec la Russie, ils sont constitutifs d’une véritable communauté de valeurs et de destin, qui rend d’ailleurs toute idée de « neutralité » aussi dangereuse qu’irréaliste. Cette sécurité à nos frontières est une des raisons pour lesquelles il ne faut pas s’empresser de copier l’exemple ukrainien d’une défense territoriale massive, en métropole. En revanche, il faut admettre la vulnérabilité inédite d’une grande part des territoires et des populations françaises, outre mer, face à l’émergence de nombreuses puissances qui pourraient vouloir les menacer et en ont maintenant les moyens navals, aériens et amphibies.

La France est, il faut le souligner, dans une situation unique dans le monde. Pas tellement d’ailleurs pour des raisons uniquement territoriales. C’est un biais d’analyse récurrent, des rapports parlementaires aux publications de think-tanks : le lieu commun du « deuxième domaine maritime mondial ». Mais, au fond, cela ne fait pas de notre pays un cas unique et cela fonde une analyse « coûts-bénéfices » pour défendre ce que nous avons, comme si l’outre-mer était une « possession » de la France.

Or ce qui fonde l’exception française, ce sont les populations ultramarines. Aucun autre pays dans le monde ne compte des populations se chiffrant en millions d’individus, sur l’ensemble du globe, vivant au sein de territoires de pleine souveraineté. Il n’est pas inutile d’en rappeler le détail :

Les outremers français – une emprise territoriale et humaine unique au monde

Pris ensemble, les DROM-COM représentent une population qui les situerait au neuvième rang des régions françaises, entre Midi-Pyrénées et les Pays de la Loire. Bien entendu, ils ne constituent pas un bloc homogène, ni sur le plan social ni sur le plan géographique. Mais il faut admettre l’importance de ces populations dans la cohésion nationale, tout en soulignant encore leur spécificité mondiale. En effet, si d’autres pays européens ont parfois des territoires insulaires dont la population peut être significative — les îles Canaries espagnoles comptent ainsi plus de 2,27 millions d’habitants — aucun ne dispose de territoires aussi peuplés, variés et surtout éloignés de l’espace européen. L’ensemble des British Overseas Territories ne regroupe ainsi que 273 000 habitants, dix fois moins. Les autres territoires européens situés « loin de la métropole » sont les territoires néerlandais aux Antilles (un peu plus de 292 000 habitants) et les archipels portugais (Açores 237 000 habitants, Madère 270 000 habitants).

Or ces populations françaises, qui partagent notre communauté de vie et de destin, sont exposées à des vulnérabilités spécifiques. La défense des outremers est un sujet complexe, longtemps négligé et trop souvent réduit de facto à l’action de l’État en mer. De manière simplifiée et un peu provocante, on peut dire que la France, puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, s’accommode bien de l’idée que l’arme principale des navires positionnés outre-mer est le drapeau français. Cette approche, au début du XXIe siècle, est caduque. L’offensive russe contre l’Ukraine menée depuis 2014, d’abord de manière limitée et non assumée puis de manière ouverte et massive, a montré la réalité des risques d’une utilisation de l’arme nucléaire par une puissance qui en est dotée et qui est prête à s’approcher du seuil d’emploi pour sanctuariser ses actions de manière agressive. À l’opposé du spectre de la puissance, les menaces hybrides, constituées de groupes armés, de « milices navales » et autres trafiquants, l’arrivée promise des drones dans les espaces maritimes, la fragilité croissante des chaines d’approvisionnement, le déploiement de vastes champs éoliens en mer et la volonté affichée par de nombreux Etats d’exploiter les fonds marins sont autant de défis qui pèsent sur la défense des outremers français et (surtout) de leurs populations.

Ces territoires, lointains et aux voies de communication fragiles, admettons-le, ne bénéficient que bien incomplètement de la dissuasion nucléaire. Face à une puissance nucléaire qui déciderait de s’emparer par la force d’un territoire français en Océan Indien ou Pacifique, l’idée serait-elle envisageable de recourir au feu nucléaire ? Serait-il crédible, sur la scène mondiale ou dans l’opinion, de prétendre « mettre en danger Paris pour sauver Nouméa » ? Un agresseur disposant de l’arme nucléaire pourrait tout à fait baser sa stratégie sur la conviction que ce n’est pas le cas. La conséquence est qu’il faut disposer d’autres options, pour préserver notre liberté d’action. La dissuasion nucléaire est utile à l’outre-mer dans la mesure où elle nous permet de contrer tout chantage ou intimidation du même ordre. C’est patent dans la crise ukrainienne et cela pourrait l’être demain dans une « crise calédonienne » : si nous pouvons ignorer les rodomontades nucléaires périodiques du pouvoir russe, c’est précisément parce que ce « chantage à l’emploi » ne fonctionne pas entre puissances nucléaires, il ne peut intimider que les États qui en sont dépourvus.

De même, l’appartenance de la France à l’OTAN n’est qu’une garantie imparfaite. On se souviendra que, en 1982, les États-Unis avaient signalé à Londres que, en vertu du Traité de l’Atlantique Nord, les îles Falklands n’étaient pas considérées comme « couvertes » par l’Alliance atlantique. Le texte du traité de 1949 fixe une limite géographique claire, dans l’article 6. Sont concernés « les territoires situés en Europe ou Amérique du Nord » et « les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer ».

Publication de l’OTAN de 1952 montrant la zone défendue par l’Alliance. L’extension à l’Est n’a que peu changé l’aspect maritime (en dehors de la mer Baltique et des rivages de la Mer Noire) — les outremers français sont largement exclus de la protection de l’Alliance.

Il en résulte que seule Saint-Pierre et Miquelon est « protégée » par l’Alliance atlantique qui, en l’occurrence, s’avère plus protectrice pour l’Alaska que pour la Martinique. Dans ces conditions, et vu le peu d’empressement historique des autres nations européennes à participer aux missions françaises au Sahel, est-il raisonnable de compter sur nos alliés pour défendre l’outre-mer ? Sans doute pas, en dehors de l’espoir de bénéficier de leur soutien logistique, comme cela avait été fait en 1982, lorsque la France avait permis au Royaume-Uni d’utiliser la base de Dakar, par laquelle environ 40% du flux logistique de l’opération britannique avait transité. Pour le reste, il faudrait sans doute se « débrouiller seuls ». C’est d’autant plus vrai que l’invasion russe de l’Ukraine a aussi montré les limites du Conseil de sécurité des Nations unies, facilement paralysé par la Chine ou la Russie, ainsi que l’apathie d’un nombre important de nations de l’Assemblée générale, qui refusent par principe de se positionner dans un conflit qui en apparence ne les concerne pas, même s’il s’agit d’une agression violant de nombreux principes de la Charte.

Face aux risques d’invasion ou d’isolation des territoires ultramarins et de mise en danger des populations, et compte tenu du déséquilibre entre les capacités conventionnelles de la France et celles de certains agresseurs potentiels, il faut bien admettre que toute défense « en avant » est vouée à l’échec. Il faut certes sans doute renforcer les forces de souveraineté, qui sont actuellement fort diminuées. Déployer des moyens de « déni d’accès » dans les DROM-COM les plus exposés (en Indopacifique) serait utile pour élever le seuil d’engagement d’un éventuel agresseur, pour un coût limité pour la France : batteries de missiles antiaériens ou antinavires, patrouilleurs armés complétés de drones navals et aériens, voire capacité à déployer des champs de mines navales protecteurs, permettraient de nous assurer que nos populations ne peuvent être menacées par des incursions de simples forces auxiliaires ou par des « coups de main » aéroportés opportunistes. Ces collectivités devraient en outre être les terrains privilégiés d’expérimentation de réserves militaires territoriales. Pouvoir armer « 1% de la population » en cas de crise permettrait, pour compléter les forces d’active pré-positionnées, de disposer de 2 700 hommes en Nouvelle Calédonie et de près de 9 000 à la Réunion. Munis d’armes légères, de missiles portables, mortiers et véhicules légers, ces forces seraient à même de contrer toute opération aéroportée ou raid amphibie, feraient planer la menace d’une guérilla permanente en cas d’invasion et donneraient à la métropole le temps nécessaire pour réagir.

Cette réaction ne serait possible qu’avec un groupe aéronaval, complété d’un groupe amphibie en cas de besoin de renforcement au sol ou de libération par reprise de vive force. C’est le grand enseignement de la campagne britannique de 1982 : si la défense des Îles lointaines est impossible « en avant », leur libération demeure possible à condition de disposer d’un outil aéronaval complet et à même de garantir avec une réactivité suffisante, dans la durée et en permanence la maîtrise d’une bulle d’espace aéromaritime autour du territoire contesté, afin de pouvoir soumettre les forces ennemies qui y seraient déployées à un blocus, à des frappes, puis à l’attaque soutenue d’une force terrestre. Or, aujourd’hui, il n’y a aucune alternative au porte-avions pour être le cœur de ce groupe aéronaval. Aucun autre bâtiment ne peut assurer la « synthèse » de l’ensemble des moyens tout en assurant disponibilité, récurrence et puissance des moyens de frappe, à la main du contrôleur opérationnel, au plus près des objectifs. Si les raids lointains de l’Armée de l’air et de l’espace seraient possibles, tout comme la Royal Air Force frappait Port Stanley depuis l’île de l’Ascension au prix de 15 000 kilomètres de vol, ces opérations ne peuvent avoir qu’une utilité limitée, soit en démoralisant l’adversaire soit en le privant, provisoirement, de capacités cruciales (radars, centres de commandement), mais sans en aucun cas pouvoir défendre dans la durée le territoire ni le reprendre en cas d’invasion. Il en va de même pour les sous-marins ou pour tout groupe de surface. Seul le porte-avions peut s’adapter à tout type de menace sur les territoires ultramarins. Il peut forcer un éventuel blocus, porter des moyens de patrouille anti-sous-marine (à condition de disposer de tels aéronefs), frapper une force hostile ayant envahi le territoire, participer à son ravitaillement naval et aérien, soutenir l’évacuation de blessés et de civils exposés, interdire l’approche des forces hostiles dans les trois dimensions et même, par la force aéronavale nucléaire (FaNU) mettre en œuvre une composante de la dissuasion qui donnerait, sur le théâtre, une souplesse d’engagement du feu nucléaire qui serait appréciable car à la fois plus réactive qu’un raid aérien depuis la métropole et moins définitive que l’usage d’un SNLE. La vulnérabilité du porte-avions, à telle ou telle composante, n’est que la fonction de l’adéquation de la mobilité qui lui est conservée et des moyens défensifs qui lui sont donnés, sous la forme de ses escortes aériennes, navales et sous-marine. Plus que jamais, en 2022, le porte-avions en lui-même n’est qu’un grand navire vulnérable, mais le groupe aéronaval est un outil sans rival.

Renforcer en moyens navals lourds positionnés en permanence outre-mer est en revanche une fausse bonne idée pour de nombreuses raisons. Militairement, cela éparpillerait nos forces, violant le principe de concentration nécessaire à l’obtention de résultats décisifs. Sur le plan du soutien, cela supposerait l’expansion d’infrastructures locales à un coût très élevé. Sur le plan humain, cela obligerait la Marine nationale à trouver des équipages disponibles, ce qui est déjà compliqué pour les formats actuels qui suscitent peu de volontaires, notamment pour les postes « un an sans famille ». Enfin, cela perturberait le cycle opérationnel, atomiserait la force d’action navale en trop de sous-groupes pour qu’il soit possible de maintenir un niveau d’entrainement homogène et, au final, ne ferait qu’exposer à l’attaque surprise d’un éventuel adversaire des forces qui seraient plus utiles regroupées pour une contre-attaque. Au bout du compte, la communauté nationale aurait sans doute dépensé plus d’argent et d’efforts que n’en coute le maintien d’un groupe aéronaval, pour un rendement moindre.

Esquisse du futur porte-avions de nouvelle génération (PANG). illustration : ministère des Armées – Naval Group.

Bien entendu, le format du porte-avions, de son groupe embarqué et de son escorte doivent évoluer. Drones navals, aériens et sous-marins doivent compléter les aéronefs classiques. Le Rafale devra être remplacé, et une capacité embarquée de lutte anti-sous-marine à voilure fixe restaurée. La question de la permanence de l’alerte par la construction de deux navires se pose (pour un seul groupe embarqué). Mais, au final, ce ne sont que des aménagements de la seule plateforme qui peut constituer l’assurance vie de près de trois millions de nos compatriotes et qui concrétise l’engagement de la nation qu’ils seront défendus au même titre que Bastia, Dunkerque ou Paris.

On le voit, cette question de la défense des outremers français est à la fois cruciale pour la communauté nationale et impossible sans groupe aéronaval. Elle impose sans doute deux changements de paradigme : l’un à propos du porte-avions, et l’autre à propos des outremers. Le porte-avions doit être (re)découvert comme un outil participant, d’abord et avant tout, à la politique de défense de la France, de ses populations et territoires. Son rôle de projection de puissance en coalition dans des crises n’impliquant pas nos intérêts vitaux n’est qu’accessoire et son maintien, couteux, ne doit pas reposer sur cet usage ancillaire. Concernant l’outremer enfin, il faut sortir de l’idée qu’il faut défendre ce que nous avons, mais admettre que défendre l’outremer, c’est d’abord défendre ce que nous sommes.

*Stéphane AUDRAND est consultant indépendant spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles. Titulaire de masters d’Histoire et de Sécurité Internationale des universités de Lyon II et Grenoble, il est officier de réserve dans la Marine depuis 2002. Il a rejoint l’équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en décembre 2019.

Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

Le général Burkhard tire les leçons de la guerre en Ukraine pour la future Loi de programmation militaire

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« Il ne faut pas tout sacrifier face à l’urgence des crises actuelles. L’objectif, c’est de se poser les bonnes questions. Le but n’est pas de décider tout de suite d’augmenter ou de diminuer le nombre de chars Leclerc, ce n’est pas ça l’enjeu. Le but, c’est de définir une programmation d’ensemble », a confié un interlocuteur du quotidien Le Monde, au fait des discussions en cours.

A priori, selon le journal du soir, une enveloppe d’environ 400 milliards d’euros pour la période 2024-30 serait sur la table. Soit 100 milliards de plus rapport à la LPM 2019-25. Mais cette hausse, même si elle est substantielle, sera – si elle se confirme – à relativiser à l’aune de l’inflation… En outre, une partie sera destinée à la modernisation de la dissuasion nucléaire… Et une autre aux priorités identifiées par la Revue nationale stratégique [RNS], dont l’influence, le cyber et l’espace.

Quoi qu’il en soit, la nature des combats en Ukraine évoluant à mesure que la guerre se prolonge, il serait hasardeux d’en tirer des conclusions définitives. Ainsi, quand le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, s’est exprimé devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le 5 octobre, la Russie n’avait pas encore systématiquement ciblé les infrastructures critiques [énergie, distribution d’eau] ukrainiennes.

Cela étant, les retours d’expérience des premiers mois de cette guerre ont permis de tirer quelques leçons que le CEMA a partagées avec les députés lors de son audition, dont le compte-rendu a été publié le 16 décembre.

Sans surprise, le général Burkhard a une nouvelle fois insisté sur « l’importance de la force morale », qui est, à ses yeux, le premier enseignement de la guerre en Ukraine. « Parce que tout le pays est derrière eux, les soldats ukrainiens défendent chaque ville, village, forêt, rivière, et cela produit des effets. Sans l’appui de la nation entière, ils ne se battraient pas comme ils le font », a-t-il souligné. D’où l’accent mis sur les réserves militaires dans la prochaine LPM et l’implication des armées dans le Service national universel [SNU].

La seconde leçon évoquée par le CEMA est que la « guerre informationnelle est partout ». Dans ce domaine, a-t-il observé, l’Ukraine a pris « habilement la main au niveau tactique et opératif » dès le début, alors que ce « n’était pas gagné d’avance ». En revanche, la Russie « réussit probablement peser davantage, avec un narratif assez bien développé » au niveau stratégique.

Sur ce point, le général Burkhard a évoqué les actions du groupe paramilitaire russe Wagner, dont l’arrivée en Centrafrique et au Mali a été précédée par une campagne de désinformation visant la France. « L’influence de la Russie augmente parce que nous lui avons laissé le champ », a-t-il dit. Aussi, un « effort important s’impose dans la lutte informationnelle, car s’en tenir au seul champ cinétique est désormais contre-productif ».

La nécessité de changer d’échelle pour la préparation opérationnelle et la troisième leçon du conflit. « L’armée russe, assez agile en Syrie, s’est trouvée confrontée à ses propres limites : une armée manquant d’entraînement, avec des cadres incapables de prendre une initiative, une logistique difficile à articuler, une difficulté manifeste à conduire un combat interarmes et interarmées et à manœuvrer », a détaillé le CEMA. Ces lacunes ont été exploitées par les forces ukrainiennes, qui ont « infligé d’emblée des pertes très sévères » aux Russes, a-t-il souligné.

Mais l’un des principaux enseignements, car il pourrait avoir des implications dans les capacités futures des armes, est sans doute la « transparence du champ de bataille, rendue possible par l’emploi massif de moyens peu sophistiqués, peu onéreux et assez répandus » car « avec des micro-drones vendus dans le commerce, on parvient à voir ce qui se passe derrière la colline, voire un peu plus loin », a constaté le général Burkhard. Et à cela s’ajoute « l’extrême létalité des frappes d’artillerie des Russes, qui peuvent aller très loin dans la profondeur du territoire, comme celle des armes antichars », ce qui plaide en faveur du besoin exprimé par l’armée de Terre au sujet des « feux dans la profondeur ».

Pour le CEMA, cette description est celle du « champ de bataille aujourd’hui » et « préfigure ce qu’il sera demain ». Et d’ajouter : « C’est contre ce type de modes d’actions que nous devons nous protéger, en tentant d’opacifier le champ de bataille pour contrer l’adversaire, car la létalité des armes employées permet la mise hors de combat de toute cible vue, même dans la profondeur des lignes adverses ».

Au niveau capacitaire, cela devrait se traduire par le développement d’un « système de combat très concentré », avec un « réseau multi-senseurs et multi-effecteurs : multi-senseurs pour voir et partager, permettant ainsi au réseau d’effecteurs de traiter ce qui a été détecté – réseau effecteurs qui, étant donné la guerre permanente de l’information, doit être à la fois cinétique et informationnel », a expliqué le général Burkhard. « Cette combinaison est cruciale », a-t-il insisté.

Une autre observation faite par le CEMA est « l’importance des localités » dans cette guerre. « Tous les combats ont lieu lieu autour des villes, où il est plus facile de se cacher pour échapper à la transparence du champ de bataille et aux armes à forte létalité précédemment évoquées ; elles deviennent des points clés que l’on prend ou que l’on perd », a-t-il développé.

Enfin, pour le général Burkhard, il faudra « renforcer la capacité d’agir de manière très fluite », ce qui passe par un « réseau très bien organisé, avec un niveau de seuil toujours capable de fournir les informations ». Et, a-t-il continué, il faudra aussi probablement « viser une organisation très plastique du commandement, s’adaptant à la phase de la bataille que l’on est en train de construire ». En tout cas, « nous y réflechissons », a-t-il conclu.

Le ministère des Armées lance un appel à contributions sur l’avenir de la réserve militaire

Le ministère des Armées lance un appel à contributions sur l’avenir de la réserve militaire

 

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Cette ambition sera portée par la prochaine Loi de programmation militaire, actuellement élaborée par six groupes de travail [alliances et partenariats stratégiques, économie de guerre et équipement du combattant, environnement de travail et conditions de vie du militaire, espace et cyber, mémoire combattante et… avenir de la réserve militaire].

Ces groupes de travail sont censés réunir des militaires, des civils de la défense, des experts, des parlementaires, des représentants d’entreprises et d’associations, des organisations patronales et syndicales, des parlementaires et des chercheurs. Celui dédié à l’avenir de la réserve a tenu sa première réunion le 21 novembre dernier, en présence de Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.

À cette occasion, l’objectif « un réserviste pour deux militaires d’active » à l’horizon 2035 a été affirmé.

Étant donné que, en 2021, la France comptait 205’000 militaires d’active et que cet effectif pourrait augmenter à l’avenir, il faudra donc recruter et retenir plus de 100’000 réservistes, contre 38’500 actuellement.

Selon le communiqué publié par le ministère des Armées à l’issue de cette première réunion du groupe de travail « réserve militaire », une quinzaine de mesures devant permettre d’atteindre cet objectif ont d’ores et déjà été avancées, dont le recul des limites d’âge, l’adaptation des critères d’aptitude médicale pour certaines spécialités, une meilleure reconnaissance des réservistes et de leurs employeurs [civils], etc.

Cela étant, les bonnes idées étant souvent celles auxquelles on n’a pas pensé, le ministère des Armées vient de lancer un appel à contribution afin de « nourrir la réflexion engagée » par le groupe de travail sur la réserve militaire.

« Dans la mesure où la réserve concerne chaque citoyen, toutes les contributions pour bâtir la réserve de demain peuvent être envoyées à l’adresse : reserves@minarm.fr », a-t-il indiqué, via un communiqué.

Ces contributions « seront examinées avec attention et participeront à l’élaboration de propositions remises au ministre par le groupe de travail fin janvier, afin de nourrir la prochaine Loi de programmation militaire », a assuré le ministère des Armées.

En attendant, le groupe de travail poursuit ses travaux. Après avoir abordé les questions relatives à la doctrine d’emploi de la réserve, le 28 novembre, il abordera les thèmes du recrutement, de la rélation employeur-réserviste et de la communication dans les seamaines à venir.

Cela étant, l’armée de Terre a, par exemple, déjà une idée sur ce qu’elle compte faire de ses réservistes.

« L’objectif du doublement des réserves a été confirmé par le ministre des Armées, et nous devons réfléchir aux ressources nécessaires pour y procéder. La professionnalisation de nos réserves pourra dès lors être engagée », a ainsi déclaré le général Pierre Schill, son chef d’état-major, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en octobre.

Et d’ajouter : « Il existe plusieurs façons d’employer les réservistes dans l’armée de Terre. D’une part, les compléments individuels de réserve, qui occupent des postes à part entière au sein du fonctionnement des armées, doivent bénéficier de davantage de visibilité sur le volume d’activité et sur le temps d’engagement qui leur sera demandé. D’autre part, les réservistes en unités constituées qui doivent être correctement équipés et entraînés ».