Les futurs officiers ont reçu le diplôme marquant la fin de leur formation.
À l’issue de deux semaines d’une formation qui s’est déroulée du 8 au 19 avril, les 17 élèves des ENSM (Écoles nationales supérieures maritimes), quinze hommes et deux femmes, de la Préparation militaire supérieure marine marchande, ont reçu leur diplôme. Une cérémonie qui s’est déroulée vendredi matin dans la salle des directeurs, sous la présidence du commissaire en chef de première classe Logette, chef de la division de l’Action de l’État en mer.
Cette période très active, qui s’est déroulée durant les congés de ces volontaires, a conduit ces jeunes futurs officiers de la marine marchande à effectuer différentes visites que ce soit le Cross Corsen, des bâtiments de la Marine nationale ou l’Abeille-Bourbon. Ils ont aussi suivi différents cours purement militaires, en particulier sur le contexte international maritime, et ont participé à des séances de tir avec des armes militaires.
Une belle initiation pour ces futurs cadres de la marine marchande, issus des écoles de Nantes (Loire-Atlantique), Marseille (Bouches-du-Rhône), Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) et Anvers (Belgique) appelés à côtoyer en mer les bâtiments de la Marine nationale et leurs équipages. Une façon aussi de renforcer les liens entre la Royale et la mar-mar.
Ils ont reçu leur diplôme et certains d’entre eux signeront leur acte d’engagement dans la réserve opérationnelle où ils occuperont diverses fonctions.
C’est sous un soleil radieux et en profitant de la marée haute qu’a eu lieu la mise à flot de la Fremm (frégate multimissions) L’Alsace, à Lorient, ce jeudi. Il s’agit du neuvième navire de la série (sur les dix prévus) produit par le site Naval Group de Lorient. Un moment important, pour les Lorientais toujours nombreux à regarder la frégate sortir de la forme, et fondateur, pour les 2 000 salariés de Naval Group.
Et de neuf pour le site Naval Group de Lorient ! Ce jeudi, après 14 mois passés dans la forme, la frégate multimissions (Fremm) Alsace a été mise à flot, tirée par deux remorqueurs de la Chambre de commerce et d’industrie du Morbihan.
La mise à flot d’un navire est toujours un moment important pour les salariés de Naval Group et les Lorientais. (Le Télégramme/Christine Le Moing)
L’Alsace va être le septième bâtiment du genre fourni à la Marine nationale française (deux de ses grandes sœurs ayant été vendues à l’export aux marines marocaine et égyptienne). L’Alsace se distingue des précédentes Fremm par ses capacités aériennes renforcées. Sa livraison à la Marine nationale est prévue dans le courant du deuxième semestre 2021. Son port d’attache sera Toulon.
L’Alsace avait succédé, dans la forme, à la Fremm Normandie dont les essais en mer ont débuté au mois de février 2019 et qui sera livrée cet été à la Marine nationale.
En septembre prochain, ce sera au tour de sa sœur jumelle, la Fremm Lorraine, d’être mise en construction dans la forme de Naval Group Lorient avec une livraison attendue à la Marine nationale, à l’horizon 2022. À cette échéance, le programme Fremm sera bouclé pour le site lorientais de Naval Group.
Comme l’explique Laurent Moser, son directeur, « la mise à flot d’une frégate est un moment important et fondateur pour tous les personnels de Naval Group », ne cachant pas lui-même avoir « un pincement au cœur ».
Laurent Moser, directeur du site lorientais de Naval Group. (Christine Lemoing )
Quelles sont les caractéristiques de l’Alsace ?
Par rapport aux précédentes Fremm, des modifications ont été apportées à son système de combat. Elle bénéficie de capacités de défense aérienne renforcées. Il en sera de même pour sa sœur jumelle, la Lorraine, qui la remplacera dans la forme en septembre prochain. Elle se distingue, de façon visible, des autres Fremm par ses mâtures arrière qui sont différentes, plus fines. D’ailleurs, on les qualifie de « taille de guêpe ».Elle sera en mesure d’embarquer deux types de missiles aériens plus renforcés avec 16 missiles Aster 30 en plus des 16 Aster 15 des autres Fremm et des lanceurs verticaux A50 qui offrent une portée de tir augmentée. Elle aura des capacités plus importantes en matière de détection de son radar et de surveillance grâce à trois consoles multifonctions supplémentaires qui viennent s’ajouter aux 17 présentes sur les précédentes Fremm.
Pour le reste, elle présente les mêmes performances de lutte anti sous-marine que les autres Fremm.
Quelles sont les prochaines étapes ? L’Alsace vient de quitter la forme où elle a passé 14 mois. Elle va rester plusieurs mois au bassin au quai Stosskopf, sur la rive gauche (Lanester), pour recevoir équipements et finitions.
Elle rejoindra ensuite la rive droite pour le montage, entre autre, de son hélice, sonar… Ses premiers essais en mer démarreront au début de l’année 2021 et sa livraison à la Marine nationale française est prévue pour le deuxième semestre 2021.
La forme va rester quelques mois vide, avant de recevoir, en septembre, les premiers anneaux de coque de la Lorraine, qui sera elle livrée en 2022, à la Marine nationale.
En plus d’assurer les mêmes missions de lutte anti-sous-marine que les Fremm précédentes, ces deux navires auront pour rôle d’assurer la défense aérienne des unités majeures comme le porte-avions Charles-De-Gaulle ou encore le porte-hélicoptères amphibie dans le cadre d’un groupe aéronaval ou amphibie.
Le programme des Fremm arrive à son terme, et après ? Actuellement, on est en pleine phase de conception des FTI (frégates de taille intermédiaire) et démarrage de leur conception détaillée. Il s’agit de frégates de 4 500 tonnes, soit un peu plus petites que les Fremm qui sont de 6 000 tonnes.
Il est prévu de tailler la première tôle et de démarrer la construction en fin d’année 2019. Cinq navires sont à construire pour la Marine nationale, par le site lorientais de Naval Group. La livraison de la première FTI est prévue en 2023 et le cadencement permettra d’en livrer tous les 18 mois.
Elles constituent un vrai fond d’activités pour Naval Group et assurent au site lorientais un complément au plan de charges pour les dix prochaines années.
Richard Forest était au Sofins la semaine passée. Le séminaire de l’industrie et des forces spéciales, qui se tenait en Gironde. La technologie mise au point par son entreprise – des foils adaptés sur des semi-rigides – a fait forte impression (*).
« On sent un gros intérêt de la part de l’armée, confirme Richard Forest, qui a cofondé SEAir il y a 3 ans. Florence Parly, la ministre des Armées, est venue sur notre stand. Je suis en contact avec l’Agence de l’innovation de la Défense. Je retourne mardi à Paris… »
Il y a deux ans, alors que l’équipe de SEAir teste un bateau dans la rade, elle tombe sur les commandos marine en entraînement à bord de leurs embarcations ultra-rapides.
« Ils étaient intrigués, raconte le chef d’entreprise. De fil en aiguille, on s’est présenté au concours du Cercle de l’Arbalète, qui accueille les innovations mondiales pour les forces spéciales. Et on a gagné. »
« Moins de traumato »
L’an passé, en équipant un Sillinger d’un système de vol, SEAir a montré qu’un bateau militaire pouvait « aller deux fois plus vite dans une mer formée ».
On comprend l’intérêt de la Marine nationale pour une telle innovation. D’autant qu’outre le gain de vitesse, elle permet de « diminuer la traumatologie des hommes, grâce à la grande stabilité procurée par le vol d’un bateau 20 cm au-dessus de l’eau » .
Autres avantages de cette « fonction vol » : « un sillage et un bruit de moteur réduits, ainsi qu’une économie de carburant de l’ordre de 30 % » . Il n’y a plus qu’à signer, alors ?
C’est un peu plus compliqué que cela. Et il y a encore des choses à revoir, confesse Rocherd Forest. « Le plus important est que l’on fasse découvrir à la Marine que la technologie existe. »
Le chef d’entreprise croit néanmoins fermement à l’application militaire de ce dispositif innovant. Plutôt que de modifier un modèle existant, l’idée serait « de comparer une embarcation adaptée à un sister-ship, d’écrire un cahier des charges et de concevoir un bateau « forces spéciales »» .
Comme ce que vient de réaliser SEAir avec Bénéteau : le premier bateau totalement conçu autour du système de vol.
(*). Le foil est une sorte de lame, placée sous la coque du bateau, qui permet de le soulever au-dessus de l’eau au fur et à mesure que la vitesse augmente.
Depuis mai 2017, ce sont les hélicoptères Panther de la flottille 36F qui tiennent l’alerte du secours en mer pour la Marine Nationale à Hyères.
Depuis bientôt deux ans, deux missions sont venues s’ajouter au panel déjà large des taches confiées à la flottille 36F. Cette unité est équipée du Panther depuis sa création en 1995. Sa vocation première est de fournir des détachements embarqués sur différentes frégates de la Marine Nationale. A bord les équipes de la 36F peuvent réaliser aussi bien des missions de lutte anti navires que des missions d’interception de go fast ou encore des vols de liaison.
En 2017, la flottille a reçu pour mission de tenir deux nouvelles alertes depuis la base aéronavale de Hyères. Deux Panther et deux équipages sont prêts à décoller 24h sur 24 et 7 jours sur 7, soit pour effectuer du secours en mer soit dans le cadre du plan d’action immédiat. Mis en place après les attentats de Paris, ce plan prévoit de déposer en cas de prise d’otages sur un navire en mer un premier échelon d’intervention composé de commandos marine ou de fusiliers marins.
Le Panther et un appareil très polyvalent bien adapté à ces deux missions. Pour le sauvetage en mer, le radar et la boule optronique peuvent servir à la détection des navires en détresse ou des naufragés. De nuit les pilotes peuvent emporter des jumelles de vision nocturne (JVN) et le Panther est doté d’un pilote automatique quatre axes permettant de tenir en vol stationnaire. Le rayon d’action de l’appareil lui permet de parcourir 100 nautique et d’opérer 20 min sur une zone. Jusqu’à trois personnes peuvent alors être embarquées. Les deux appareils d’alerte peuvent intervenir simultanément.
Pour se préparer à ces missions, les équipages de la 36F s’entrainent régulièrement notamment avec les vedettes de la Société Nationale de Sauvetage en Mer et avec des voiliers d’école de croisière. La 36F participe aussi à des exercices multinationaux.
Sur l’année écoulée, la 36F est intervenue à 40 reprises pour des missions de sauvetage en mer dans des conditions climatiques souvent très dures. Lorsque les Dauphin de la flottille 35F auront été modernisés afin de permettre l’emploi de JVN, ils reprendront l’alerte et la 36F se concentrera de nouveau sur son coeur de métier. Par la suite, les H160 que la Marine Nationale va louer participeront également à cette mission de sauvetage en mer.
A l’occasion du salon Sofins, dédié aux Forces Spéciales, Air & Cosmos a interrogé le contre-amiral Lucas commandant de la Force Maritime des Fusiliers Marins et Commandos (Forfusco) de la Marine Nationale.
• Vous êtes vous-même issu de l’aéronautique Navale. Votre passé de pilote apporte-t-il une autre approche des opérations spéciales ?
Venant d’une autre branche de la Marine, commander la FORFUSCO est pour moi un très grand honneur et une très belle et exigeante mission. Avoir un ALFUSCO issu d’une autre spécialité que celle de commando n’est pas une première. Le croisement des cultures est inscrit dans l’ADN de la Marine nationale en général et dans celui de la FORFUSCO en particulier. Il suffit de constater la très grande variété des spécialités des marins qui composent les commandos comme Kieffer ou Ponchardier. En venant de l’extérieur, on apporte naturellement un regard neuf sur les dossiers et un questionnement toujours bénéfique pour une structure faite d’hommes. Ensuite, mon parcours au sein de la Marine m’a permis de servir longtemps au sein de l’aéronautique navale mais également à bord des bâtiments de surface. J’ai été « biberonné » à la culture de la complémentarité des moyens pour accomplir sa mission. Je pense que c’est cette approche multidisciplinaire que je peux apporter, cette complémentarité des points de vue et des expériences indispensable pour « faire autrement ».
• L’emploi des drones aériens par les commandos marine diffère-t-il de celui des autres forces spéciales ? Faut-il des drones adaptés au milieu maritime ?
En milieu terrestre, l’emploi des drones aériens par les commandos marine est similaire à celui des autres unités du COS. Les innovations d’emploi provenant d’une des unités sont rapidement étendues aux autres unités lors des nombreux échanges opérationnels et organiques.
En revanche, le milieu maritime possède des particularités qui imposent un emploi et un équipement spécifiques. Ainsi, l’environnement salin et aquatique requiert un vecteur robuste et étanche ; la mise en œuvre depuis une embarcation nécessite un encombrement, une technique de décollage et de récupération adaptés ; l’absence de masque naturel (il n’y a pas de colline pour se cacher) requiert un vecteur discret et possédant une allonge suffisante, etc.
• Le contre-terrorisme maritime peut impliquer des moyens aériens de la Marine nationale qui ne sont pas habituellement dédiés aux opérations spéciales. Comment préparez-vous les équipages à ces missions spécifiques ?
Les équipages de l’aéronavale qui participent au contre-terrorisme maritime le font depuis de nombreuses années et ont acquis un savoir-faire particulier. Pour maintenir ce savoir-faire, la Marine organise tout au long de l’année, sur les différentes façades maritimes, des exercices de niveau intermédiaire et supérieurs.
• Les équipages d’ATL2, de Hawkeye et de Rafale marine s’entrainent-ils spécifiquement avec les commandos Marine ?
Les équipages d’ATL2 et les commandos marine travaillent régulièrement de concert pour des missions de type ISR (Intelligence Surveillance and Reconnaissance), aussi bien en milieu maritime qu’aéroterrestre ; et pour les missions liées à la lutte contre les narcotrafics, les missions de police des pêches et plus généralement les missions liées à l’action de l’état en mer. Les Rafale Marine et les ATL2 peuvent aussi travailler avec les commandos lors de missions d’appui aérien.
• Le tarpon reste-t-il un mode d’action efficace ? Quel est l’apport de la capacité d’aérolargage de l’ECUME ?
Le TARPON est une procédure propre aux Forces Spéciales Mer qui requiert des procédures, des équipements et un entrainement spécifiques. Il permet le ralliement d’une force à la mer de façon réactive par un élément d’intervention avec ses équipements individuels et collectifs, évitant ainsi le retour à quai du navire. Cette procédure trouve toute sa pertinence pour les opérations inopinées en haute mer (opérations aéronavales ou action de l’Etat en mer). L’aérolargage d’une embarcation rapide commando (ECUME –Embarcation Commando à Usage Multiple Embarquable ou ETRACO – Embarcation de Transport Rapide pour COmmandos) est une procédure également propre aux Forces Spéciales Mer, qui apporte une dimension supplémentaire. Elle permet de larguer en pleine mer et sans recueil, une embarcation rapide commando avec son équipage et une force d’intervention, de manière à lui faire mener dans la foulée une action en mer ou de la mer vers la terre, après une phase de reconditionnement des équipements.
Retrouvez un dossier Forces Spéciales de 8 pages dans le dernier numéro d’Air & Cosmos, actuellement en kiosque.
En novembre 2016, il était estimé que la construction d’un nouveau porte-avions pour la Marine nationale allait coûter au moins 4 milliards d’euros. Mais ce montant avait été évalué au doigt mouillé, dans la mesure où ce montant dépend de plusieurs paramètres, comme, par exemple, les choix technologiques.
Pour y voir plus clair, la ministre des Armées, Florence Parly, a donné le coup d’envoi, en octobre, à une phase d’étude devant répondre à au moins trois questions : quelles menaces aura à affronter ce nouveau porte-avions? Quelles seront ses caractéristiques en fonction des technologies disponibles à l’horizon 2030? Et, enfin, quelles innovations qui en feront « une véritable base avancée de notre marine »?
« Nous devrons être réalistes mais ambitieux. Et grâce à ces études approfondies, imaginatives et rigoureuses, nous pourrons établir l’architecture de ce futur porte-avions et poser les bases de l’organisation industrielle nécessaire pour le bâtir en respectant les délais et les coûts », avait affirmé Mme Parly.
Justement, s’agissant des coûts, il n’est plus question de 4 milliards, comme il y a moins de trois ans… mais d’au minimum 5 milliards [soit +25%]. C’est en effet le chiffre qu’a lâché l’amiral Jean-Philippe Rolland, le commandant de la Force d’action navale [ALFAN], lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
« Quant aux montants que représenterait l’acquisition d’un nouveau porte-avions, il est clair qu’on ne dispose que d’une très large fourchette d’évaluation », a commencé par dire l’amiral Rolland. Toutefois, a-t-il continué, « aujourd’hui, l’ordre de grandeur s’élève à plusieurs milliards d’euros, au bas mots cinq milliards sans doute – et même davantage si la propulsion nucléaire est retenue. »
Et comme l’état-major de la Marine nationale ne perd jamais l’occasion de souligner la nécessité de disposer de deux porte-avions, l’amiral Rolland n’a pas manqué de faire remarquer aux députés que « si on en achète plusieurs, on en amortit les coûts de développement. » Voire même ceux de construction.
S’agissant du mode de propulsion du futur porte-avions, il très fortement probable qu’elle sera nucléaire, au regard des avantages opérationnels qu’elle procure.
L’un de ces avantages est « celui de l’autonomie, car le carburant qui n’est pas utilisé pour pousser le bateau peut l’être pour faire voler les avions : vous avez donc la capacité de mettre en œuvre plus d’avions, plus longtemps », a fait valoir l’amiral Rolland. « De plus, l’absence de soutes à carburant laisse une place libre, qui peut être occupée par des soutes à munitions plus importantes. Cette capacité, conjuguée à la surface du pont d’envol, contribue à donner sa puissance à l’outil qu’est le porte-avions », a-t-il ajouté.
Au-delà des aspects opérationnels, il y a, selon l’amiral Rolland, « à l’échelle de la marine, des avantages à pouvoir disposer de deux chaufferies nucléaires sur un porte-avions – voire sur deux – en plus des réacteurs des sous-marins nucléaires » car cela permet « d’atteindre plus facilement une taille critique en termes d’acquisition de compétences » étant donné que les atomiciens sont rares. « cela implique que nous fassions appel à des bureaux d’études que nous contribuons ainsi à faire vivre, ce qui est plus cohérent pour la filière nucléaire », a-t-il ajouté.
Enfin, un autre argument qui plaide en faveur de la propulsion nucléaire est le développement, lui aussi très probable, de catapultes électromagnétiques, par nature très gourmandes en énergie. Ce type de dispositif ainsi que d’autres innovations permettront par ailleurs de réduire le coût de possession du futur navire. Notamment au niveau des ressources humaines puisqu’il faudra moins de marins.
Actuellement, le coût de possession du porte-avions Charles de Gaulle, hors groupe aérien embarqué, est d’environ 200 millions d’euros par an, a indiqué l’amiral Rolland. Ce montant inclut « aussi bien les rémunérations et les charges sociales (RCS) que l’entretien », a-t-il précisé.
« Le coût de possession du porte-avions se décompose comme suit : 120 millions d’euros pour l’entretien, 60 millions d’euros de RCS, 20 millions d’euros d’entretien des infrastructures associées. Ce n’est évidemment pas négligeable, mais c’est, à mon avis, soutenable », a affirmé ALFAN.
Quand on évoque le porte-avions Charles de Gaulle, on parle surtout de ses capacités militaires et des menaces auxquelles il peut être confronté. Plus rarement, voire jamais, des moyens mis en œuvre à son bord pour préserver l’environnement. Or, ce point a justement été abordé lors de l’audition de l’amiral Jean-Philippe Rolland, le commandant la Force d’action navale [ALFAN] lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.
Au niveau civil, le transport maritime représente actuellement entre 2% et 3% des émissions totales des gaz à effet de serre (GES), auxquelles il faut ajouter celles de particules fines, d’oxydes d’azote [NOx] et d’oxydes de soufre [SOx]. Et, si rien n’est fait, cela risque de s’aggraver à l’avenir étant donné que le trafic maritime devrait croître de 50 à 250% d’ici à 2050.
Alors, on peut toujours revenir à « la splendeur de la marine à voile » et au « charme du temps des équipages », pour reprendre les mots du général de Gaulle… Mais, en attendant, comme l’a souligné l’amiral Rolland [et quitte à faire hurler les « écologistes » les plus endurcis], la chaufferie nucléaire du porte-avions fait que le « coût carbone pour la propulsion, pour la production d’eau, pour la production d’électricité, pour la production de vapeur et pour les catapultes, c’est… zéro. »
En revanche, ce gain est consommé par les avions de son groupe aérien embarqué [GAé], pour lesquels « nous n’avons pas encore trouvé la façon de nous passer de l’énergie fossile », a précisé ALFAN. Cela étant, sur ce point, l’US Navy a réalisé des expériences concluantes avec des biocarburants… lesquels s’avèrent toutefois coûteux.
Au-delà de la question de la propulsion, le porte-avions Charles de Gaulle dispose d’une unité de traitement des déchets. « C’est une installation qui est pratiquement aussi stratégique que les préparateurs mission pour le groupe aérien : le jour où elle ne marche pas, c’est le début des ennuis à bord… », a confié l’amiral Rolland.
Ainsi, a-t-il expliqué, tous les déchets organiques [reliefs des repas par exemple] sont « pulvérisés, mélangés à de l’eau de mer et rejetés à la mer quand on est à plus de douze miles marins des côtes, en application des règles internationales. » Et ce qui ne peut pas être traité à bord [papier, plastique, verre, emballages, etc…] est « compacté, emballé et stocké ».
Ces détritus sont ensuite récupérés par le pétrolier-ravitailleur qui, toutes les semaines, approvisionne le porte-avions en carburant pour les avions, en vivres, munitions et pièces de rechange. Puis ils sont débarqués et insérés dans une « chaîne de traitement des déchets ».
Reste la question des eaux usées, c’est à dire les « résidus des douches et des toilettes. » L’amiral Rolland a précisé qu’elles sont stockées « dans des caisses dès lors qu’on est près des côtes ». Mais, a-t-il poursuivi, « lorsque l’on s’éloigne à plus de 12 miles marins des côtes, distance convenue par la convention dite ‘Marpol’, on est autorisé à rejeter ces déchets, qui sont certes organiques, mais qui présentent évidemment des inconvénients s’ils sont lâchés près » du littoral.
« Ainsi, nous agissons de manière complètement conforme aux normes ‘Marpol’, sur le Charles de Gaulle, comme d’ailleurs sur les autres bâtiments de la force d’action navale », a conclu ALFAN.
NB : Les informations rapportées et les analyses développées dans cet article n’engagent que l’auteur du blog.
Au cours des derniers mois, le sujet des drones aériens embarquées au sein de la Marine Nationale a bénéficié de plusieurs mises en lumière au cours de différents événements (salon Euronaval 2018, annonces d’industriels au cours de l’année passée, etc.). Quelques idées reçues ont été déconstruites, des rappels ont été faits sur les contraintes pesant sur toute programmation de capacités, et quelques orientations ont été dévoilées pour les années à venir. Ce fût notamment le cas lors des présentations et des discussions permises par les comités Marine, et Aéronautique et Espace des Jeunes de l’IHEDN (nouveau nom choisi, plus marquant, que ANAJ-IHEDN) le 14 mars 2019.
De ces différentes sources d’informations, les grandes lignes de la feuille de route de la Marine nationale sur les drones aériens embarquées peuvent être esquissées autour de l’objectif : un drone (notamment aérien) par bâtiment et par sémaphore à l’horizon 2030. Pour le chef d’état-major de la Marine, l’objectif se décline selon le principe : « à grand bateau, grand drone, à petit bateau, petit drone » (notons l’absence de « s » à « drone« ). Cela a été annoncé dans le plan stratégique MERCATOR d’une Marine nationale toujours « en pointe » à cet horizon temporel. Si le niveau d’ambition (prudent, donc atteignable) est là, la route pour y arriver n’en est pas moins complexe.
Drone type DRAACO (par AeroVironment) et opérateur du commando Kieffer sur une embarcation type ETRACO. Solution intérimaire en attendant l’arrivée des drones SMDM – Système de mini-drones pour la Marine (versant navale du SMDR) en 2020 (normalement).
Crédits : Marine Nationale.
De quoi s’agit-il ?
La vision de la Marine du « pourquoi faire ? » rejoint celle traditionnelle des autres milieux avec une utilité basée sur les « fameux » 3D : remplir les missions « Dull, Dirty, and Dangerous« . Différents segments (selon des critères de taille, d’allonge, d’endurance et de survivabilité) sont donc construits : micro/mini-drones, drones VTOL tactiques, drones longue endurance et drones de combat. Les drones permettront d’assurer une persistance pour acquérir et maintenir une supériorité informationnelle. En faisant mieux et plus longtemps que d’autres capacités, notamment actuelles. Tout cela en opérant dans un milieu aéromaritime naturellement complexe et parfois dangereux (corrosion, vents, roulis, etc.). A en croire les différents échos, ce nécessaire besoin en supériorité informationnelle dépasse pour le moment les autres capacités possibles, notamment l’armement cinétique qui n’est pas à l’ordre du jour (à court terme), ou les capacités de ravitaillement en vol.
Au final, 2 idées reçues à déconstruire ont plusieurs fois rapportées :
L’utilisation des drones permet de gagner en ressources humaines. Les systèmes actuels (porteurs et environnement autour : opérateurs, commandement, traitement des données, maintenance, etc.) ne le permettent pas. Depuis l’entrée en service en 2014 des MQ-9 Reaper, les retours d’expérience de l’escadron de drones 1/33 Belfort de l’armée de l’Air montrent par les chiffres que la tenue des astreintes sur la longue durée conduit plutôt à une augmentation des RH. Sans briques d’Intelligence Artificielle (IA) pour soulager l’homme dans certaines phases, une telle baisse ne sera pas obtenue, selon plusieurs interlocuteurs.
Les drones éloignent l’homme de la menace. Les drones ayant à court terme uniquement une capacité de soutien ou d’appui à l’intervention (par la conquête et/ou le maintien de la supériorité informationnelle), l’homme restera bien souvent dans la boucle pour « le geste final« (délivrer l’armement notamment, ou certaines capacités bien précises comme le largage de chaines SAR pour le sauvetage en mer, notamment en conditions dégradées). Geste qui est le plus au contact de la menace, ou le plus risqué.
Une montée en puissance progressive sur tous les segments à la fois
Avec des drones aériens embarqués pensés comme en complémentarité et non en remplacement de capacités actuelles, il s’agit d’assurer une montée en puissance progressive, sans dupliquer (un choix qui serait « hors de prix« ) mais bien en apportant un plus. Or cette montée en puissance a un coût, « non négligeable« , qui oblige logiquement à faire des choix et donner des priorités.
Pour la Marine, il s’agit donc de profiter de l’opportunité de capacités en cours de renouvellement (par exemple dans le domaine de la patrouille et de la surveillance maritime notamment, avec le Maritime Airborne Warfare Systems à horizon 2030 dans le cadre de la lettre d’intention franco-allemande) pour adjoindre l’apport des drones à la réflexion capacitaire et l’approche par système de systèmes.
Cela faisait plus de deux ans que le porte-avions Charles de Gaulle n’avait plus quitté Toulon et ses environs en raison d’un arrêt technique majeur [ATM], qui aura permis de moderniser son système de combat et ses installations aéronautiques ainsi que de recharger ses chaufferies nucléaires et de vérifier plusieurs points critiques [usine électrique, les catapultes, les lignes d’arbre, et les ailerons de stabilisation].
Désormais, le porte-avions est doté de nouveaux capteurs : le radar SMART-S a remplacé les DRBJ-11B et deux tourelles optroniques EOMS NG pour la surveillance, l’acquisition et la poursuite de cible complètent désormais le système ARTEMIS, qui permet d’assurer une surveillance permanente à 360° des menaces conventionnelles et asymétriques.
Si les radars DRBV-26D [veille air lointaine en bande D, avec portée de 500 km] et l’Arabel [utilisé pour désigner les cibles aux missiles Aster 15, en bande X et d’une portée de 100 km] ont été conservés, les deux DRBN-34 ont été démontés pour mettre à la place des Terma Scanter 6000 pour la navigation.
La fibre optique a remplacé les fils de cuivre et le système d’exploitation naval des informations tactique [SENIT-8] repose sur le protocole IP. Le central opérations a été modernisé avec le remplacement des vieilles consoles par des interfaces dignes de l’époque [écrans plats, claviers, etc…]. Des écrans géants fixés sur les cloisons permettent de suivre la situation en temps réel, de même qu’une table traçante numérique tactile.
Le risque cyber a évidemment été pris en compte, comme l’expliqe le commandant des opérations [COMOPS] du navire dans les colonnes de la revue Air Fan.
« Les serveurs du porte-avions ont été rénovés et un système de surveillance a été installé pour contenir les cyber-attaques. Il est scindé en plusieurs centres de surveillance armés par des spécialistes formés à détecter et contrer ce type d’attaque. Nous sommes résolument entrés dans une logique de développement de la cyber-résilience à tous les niveaux. Nous avons un noyau de personnes affectées à différents services du bord. Ils s’attachent à vérifier que tous nos systèmes demeurent étanches aux éventuelles tentatives d’intrusion et de perturbation en utilisant des outils spécifiques, des sauvegardes et des techniques avancées », a confié le COMOPS.
Étant que la prédominance des systèmes informatiques, cet accent sur la défense « cyber » d’un navire tel qu’un porte-avions montre que les menaces auxquelles il s’expose désormais ne se limitent plus à une torpille bien envoyée ou à une attaque aérienne…
Après sa sortie du bassin, ses essais en mer et la qualification du groupe aérien embarqué [GAé], le porte-avions Charles de Gaulle, avec 30 Rafale à bord, a terminé sa remontée en puissance en prenant part, en février, à l’exercice FANAL, au cours duquel près de 250 catapultages et appontages ont été effectués.
Désormais fin prêt pour reprendre les opérations, le « Charles de Gaulle a donc appareillé de Toulon, ce 5 mars, pour une mission de 4 mois, appelée « Clemenceau ». Cette dernière, détaille le ministère des Armées, doit lui «permettre de participer aux opérations aéromaritimes en Méditerranée orientale et au Levant, d’accroître la connaissance des zones traversées, de renforcer la coopération européenne et de nourrir les partenariats stratégiques que la France entretient au Proche et Moyen-Orient, ainsi qu’en océan Indien. »
Malgré la demande de Tokyo de le voir faire une escale au Japon, le groupe aéronaval français ne devrait pas s’aventurer dans les eaux de la mer de Chine méridionale. Du moins n’est-ce pas « prévu »… Il faut dire que cela froisserait Pékin…
En effet, le ministre britannique des Finances, Philip Hammond, a ainsi récemment reconnu que l’annonce faite par Gavin Williamson, son collègue de la Défense, au sujet d’un déploiement à venir du porte-avions Queen Elizabeth en mer de Chine méridionale avait rendu plus compliquées encore les relations entre Londres et Pékin, alors que les échanges commerciaux sino-britanniques ont atteint un niveau record en 2017.
Quoi qu’il en soit, le porte-avions Charles de Gaulle et son escorte auront un programme assez chargé, avec une participation à l’opération Chammal au Levant [alors que le califat auto-proclamé par l’État islamique vit ses dernières heures] ainsi qu’à plusieurs manœuvres aéronavales [Ramsès en Égypte, « Varuna » en Inde et un exercice avec la marine japonaise dans l’océan Indien]. Enfin, il est prévu une escale à Singapour, à l’occasion de la tenue du Shangri-La Dialogue, en juin.
Pour ce déploiement, le « Charles de Gaulle » dispose de 20 Rafale Marine, de 2 E2C Hawkeye [pour le guet aérien], de 2 Dauphin Pedro et d’un hélicoptère NH-90 NFH Caïman. Son escorte [Task Force 743] se compose de la frégate de défense aérienne [FDA] « Forbin », de la frégate multi-missions [FREMM] « Provence », du Bâtiment de commandement et de ravitaillement [BCR] « Marne » et d’un sous-marin nucléaire d’attaque [SNA]. Deux autres frégates – l’une danoise [Niels Juel], l’autre portugaise [Corte Real] – complètent ce dispositif.
Car, en effet, la TF 473 accueillera, au fil de ce déploiement, d’autres navires, notamment européens. Elle « pourra en effet s’appuyer, en son sein et au cours de différents moments de la mission Clemenceau, sur des bâtiments issus de plusieurs marines étrangères. Ce sont le Portugal, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Australie et les Etats-Unis qui nous rejoignent dans le déploiement du groupe aéronaval », souligne le ministère des Armées.
« C’est d’abord un message européen. Car chaque frégate alliée qui se joint au GAN, chaque hélicoptère qui apponte sur le Charles de Gaulle, c’est une des étoiles de notre drapeau européen. Celles qui, ensemble forment ce cercle parfait, symbole d’unité et de coopération », a commenté Florence Parly, la ministre des Armées, en s’adressant à l’équipage du porte-avions.
Sur le « Charles de Gaulle » (1) : à quelques mètres des catapultages
REPORTAGE VIDÉO. Notre journaliste a vécu son premier embarquement à bord du navire amiral français. Il raconte ses impressions et ses surprises.
De notre envoyé spécial, Guerric Poncet – Publié le | Le Point.fr
Hyères (Var), fin janvier 2019 : un hélicoptère Panther de la marine nationale surgit du soleil levant et se pose sur la base aéronavale. Équipé d’une combinaison étanche orange, dans le plus pur style « Nasa, années 70 », je me greffe à un petit groupe de visiteurs qui se pressent pour embarquer, rotor tournant. Prochain arrêt : le porte-avions Charles de Gaulle. Après une trentaine de minutes de vol, en me penchant vers le cockpit, j’aperçois une tache sombre au loin sur la Méditerranée. La silhouette évasée ne laisse aucun doute : c’est le Charles qui, après son arrêt technique majeur en 2017 et 2018, vient de reprendre la mer.
En quelques instants, notre hélicoptère est en phase d’approche, par bâbord. J’ai un peu honte, mais, dans mon casque antibruit, je m’entends fredonner la musique du film Nimitz, retour vers l’enfer, dans lequel Martin Sheen apponte en hélico sur le porte-avions de Kirk Douglas (ce n’est pas leur meilleur film). Nous restons en vol stationnaire quelques instants, avant de descendre lentement, jusqu’à nous poser en douceur. Je jette un œil à droite et je n’aperçois plus que le pont d’envol : la mer est totalement masquée. Ce n’est pas possible, est-ce si gigantesque ? Le « château » du navire, c’est-à-dire la structure qui dépasse du pont d’envol, est haut comme un immeuble de 10 étages, posé sur une piste de 261 mètres par 64. Le navire déplace 42 500 tonnes à pleine charge. J’avais beau m’y attendre, c’est impressionnant.
Partout autour de l’hélicoptère, de petits points de couleur s’affairent, dans un ballet millimétré pour assurer la sécurité des vols. Ce sont les membres du personnel du pont d’envol, qui, tels des Playmobil bigarrés (ils me pardonneront cette comparaison), ont tous des responsabilités cruciales. D’ailleurs, debout devant le cockpit, à quelques mètres de la machine encore rugissante, un « chien jaune » (responsable de pont d’envol), coude vers le bas et main vers le haut, tient l’hélicoptère dans son poing : tant qu’il n’a pas desserré sa main, le pilote doit maintenir son moteur allumé et son frein bloqué. Je n’ai pas le temps d’admirer la vue plus longtemps : il faut s’extraire de l’aéronef, sentir de nouveau le vent du rotor et son bruit caractéristique, se laisser glisser sans grâce le long de la carlingue jusqu’à toucher le sol.
Impossible de parler dans ce vacarme : on me fait signe de suivre. Je pose les pieds sur le pont d’envol, et je marche dans les pas de mon guide. Nous croisons un groupe de pompiers en combinaison argentée intégrale, prêts à bondir au moindre incident, avec leur petit véhicule d’intervention. Nous empruntons une porte taillée dans le métal au pied du « château ». Je m’engouffre avec les autres passagers dans un couloir étroit, nous goûtons immédiatement la promiscuité en frôlant d’autres corps marchant en sens inverse.
Dans l’antre des « chiens jaunes »
Un rideau s’écarte pour nous laisser entrer dans une petite pièce, où nous enlevons – enfin – nos combinaisons étanches. Elles sont immédiatement enfilées par des passagers qui s’apprêtent à embarquer dans le même hélico. « Bienvenue à bord ! » s’exclame le commandant du porte-avions, le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain, venu accueillir un visiteur de marque : un amiral en retraite. Quelques années en arrière, le premier était sous les ordres du second : séquence émotion.
La marine a répondu favorablement à la quasi-totalité de mes demandes de visites : le rythme s’annonce effréné. Sur le pont, des dizaines de marins forment une grande ligne et avancent à petits pas, de la proue vers la poupe : c’est la « cueillette », ils traquent les objets ou les déchets sur le pont d’envol pour éviter qu’un avion ne soit endommagé ou un membre du personnel blessé.
J’accède à l’antre des « chiens jaunes », les responsables du pont d’envol. La pièce située au premier étage du « château » est exiguë. Sur une table, un plan du pont d’envol est recouvert de dizaines de figurines de Rafale, d’hélicoptères et d’un avion-radar Hawkeye. Mis à jour à la main, il reflète la disposition des aéronefs en temps réel sur le pont et dans le hangar.
De petits aimants de couleur sur les ailes ou les rotors permettent de savoir si les aéronefs sont prêts à voler, s’ils ont le plein et s’ils sont armés. « On pourrait avoir un système numérique ultramoderne, mais on préfère ce truc-là : au moins, ça ne tombe jamais en panne ! » explique le capitaine de corvette Jean-Philippe, chef PEH (« pont d’envol et hangar », c’est-à-dire responsable de la mise en œuvre des aéronefs sur le pont et dans les hangars). Il commande environ 150 marins pour s’assurer que les pontées (les groupes d’avions) puissent décoller au rythme moyen d’un appareil toutes les trente secondes. « Tout peut mener jusqu’à l’accident, il faut toujours être prêt au pire », lâche-t-il.
Autour de lui, ce matin, une dizaine de « chiens jaunes » s’affairent et préparent les opérations de la journée : des catapultages et des appontages d’entraînement. Le but : qualifier les pilotes avant le départ en mission du bateau, en mars. Après l’arrêt technique majeur de 2017-2018, et puisque la marine ne dispose que d’un seul porte-avions, de nombreux pilotes n’ont apponté que sur une piste imitant plus ou moins celle du porte-avions à Landivisiau (Finistère, voir notre reportage) ou à Hyères (Var). Ils ont cependant pu s’entraîner sur un porte-avions américain, plus gros que le Charles, grâce à un partenariat avec l’US Navy.
À quelques mètres des catapultages
À ma grande surprise, on m’autorise à aller sur le pont d’envol pour les catapultages. Quelques mètres à peine me séparent de la piste. Je sens l’adrénaline monter au fur et à mesure que le ballet du catapultage se prépare : les avions sont placés en file d’attente derrière les deux catapultes, l’avion-radar Hawkeye se met en position en premier. Pour gagner de la place dans le hangar et mieux manœuvrer sur le pont, ses ailes sont pliées. Il s’aligne et, sur ordre d’un « chien jaune » qui déploie ses deux bras, il déplie ses ailes. Le vent siffle dans mon casque antibruit. Quelques vagues me rappellent qu’un bateau, ça bouge.
Je suis concentré sur le sabot de la catapulte, qui revient en marche arrière, de l’avant du navire vers le train avant du Hawkeye. C’est par le train avant que l’avion va être tracté, propulsé à plus de 200 km/h en quelques instants, sur seulement 75 mètres. Une tige de métal se déploie devant le train avant pour accrocher la catapulte alors qu’une autre tige est placée manuellement derrière le train. Une pièce à usage unique est placée entre cette tige et le train, avec un rôle simple : elle doit casser. Plus précisément, elle doit retenir l’avion jusqu’à ce que la puissance soit suffisante pour assurer un catapultage : lorsque la force exercée sur cette petite pièce atteint l’intensité requise, elle lâche et libère l’avion.
Tout tremble
Dans son cockpit, le pilote fait un signe, pouce levé. Le « chien jaune » tient son drapeau vert au bout de son bras tendu au-dessus de sa tête, signe que le catapultage est imminent. Il jette un dernier regard derrière lui : la piste est libre, la catapulte est prête, tout est en place. Il abaisse lentement son drapeau vers le bas : à chaque instant, il peut stopper le catapultage en relevant son drapeau.
Lorsque le bout du fanion touche le pont, l’avion met les pleins gaz. Tout tremble. Le temps me paraît long : quelques secondes s’écoulent, durant lesquelles le rugissement des turbopropulseurs continue, mais rien ne se passe. Tout à coup, l’avion est libéré et s’élance, tiré à folle allure par la catapulte. Son aile passe presque à portée de ma main (je décide de ne pas vérifier si je peux effectivement la toucher). En un clin d’œil, l’avion est en bout de piste. Il semble quitter péniblement les derniers mètres du pont d’envol, mais prend de l’altitude : tout s’est bien passé.
Sur le pont, la fente de la catapulte laisse échapper des volutes de vapeur d’eau, comme si le bateau respirait après avoir fait un effort. Je n’ai pas le temps de réfléchir, l’avion suivant est déjà prêt à partir. Cette fois, c’est un Rafale, avec ses deux réacteurs. Mes oreilles souffraient déjà lorsque ses moteurs étaient au ralenti, avec leur sifflement aigu caractéristique, et je suis sur le point d’expérimenter les pleins gaz à quelques mètres de moi. Quand le drapeau du « chien jaune » touche le pont, je sens mon corps trembler, mes os vibrent, littéralement.
Le Rafale s’élance avec la postcombustion (du kérosène est enflammé dans les gaz d’échappement pour augmenter temporairement la poussée) : mes sens s’affolent un peu plus. Comme le Hawkeye quelques secondes plus tôt, le Rafale prend rapidement de l’altitude. Quelques secondes plus tard, un deuxième appareil me surprend en s’élançant depuis la deuxième catapulte, sur la piste oblique. Six autres avions suivent. En cinq minutes, le porte-avions a fait décoller neuf appareils.
Je rentre dans le « château », j’enlève mes lunettes de protection et je pose mon casque antibruit sur une table. Mes oreilles sont comme après un concert de métal, je parle fort parce que je ne m’entends plus bien.
Fin de la première partie de ce reportage. Retrouvez bientôt les épisodes suivants sur Le Point.fr.