Le général Michel Roquejeoffre, alors à la tête des forces françaises dans la guerre du Golfe le 28 février 1991. Capture écran Ina
Il était une figure de l’armée française. Le général Michel Roquejeoffre, décoré à de nombreuses reprises, est décédé vendredi, à l’âge de 90 ans.
Né en novembre 1933, Michel Roquejeoffre est entré à l’école militaire de Saint-Cyr en 1952. Après des postes en Algérie, au Mali ou encore au Dahomey (Bénin), il devient chef du 17e régiment du génie parachutiste à Montauban, de 1978 à 1980. Fort de plusieurs missions réussies, le régiment est cité à l’ordre de l’Armée.
Il coordonne l’opération Daguet durant la guerre du Golfe
Promu général de brigade en 1984, il est chef d’état-major, puis adjoint du général commandant la Force d’action rapide (FAR), puis, en 1987, il devient le commandement de la 7e division blindée. Promu général de division en 1987 et après un passage à Paris, Michel Roquejeoffre est, en juin 1990, élevé au rang de général de corps d’armée. Il reçoit le commandement de la FAR, dont le but était d’être déployée rapidement en Centre-Europe et sur les théâtres d’opérations extérieures en cas de crise. Il la dirige de 1990 à 1993, excepté entre septembre 1990 et avril 1991.
Le grand public le découvre lors de la guerre du Golfe, après l’invasion du Koweït par l’Irak : il coordonne l’opération Daguet des forces françaises, de septembre 1990 à fin avril 1991. La mission engage de 4 000, au début, à près de 15 000 militaires. « Je crois que l’outil le plus sophistiqué de l’armée, est essentiellement l’humain », assure-t-il dans La Dépêche du Midi, en 2002.
Il obtient sa cinquième étoile juste avant la retraite
De tous les chefs militaires engagés dans la guerre du Golfe, il était le seul à avoir dû attendre pour obtenir une promotion au grade supérieur. Il obtient enfin sa cinquième étoile en 1993, passant de général de corps d’armée à général d’armée. Il a également été médaillé par les États-Unis (Legion of Merit).
Après avoir pris sa retraite militaire fin 1993, Michel Roquejeoffre s’installe à Pamiers, dans l’Ariège. En 2000, il est interrogé lors des débats sur le « syndrome de la guerre du Golfe », affirmant que les soldats de la division Daguet avaient reçu des comprimés de pyridostigmine, un médicament présumé dangereux pour la santé, utilisé comme antidote à certains toxiques chimiques. Ce qu’a confirmé le ministère de la Défense.
Engagé dans la vie ariégeoise
Michel Roquejeoffre s’engage dans la vie publique locale et devient premier adjoint au maire de Pamiers de 1995 à 2001. Jusqu’en 2014, il est délégué départemental de l’Ariège au sein de la Fondation du patrimoine.
Après l’annonce de son décès, le sénateur de l’Ariège, Jean-Jacques Michau, a salué « son engagement exemplaire au service de la France », qui « a marqué notre histoire militaire. En tant que premier adjoint au maire de Pamiers, il a également contribué au développement de notre belle région de l’Ariège, où il a su allier son sens du devoir à une grande humanité. Sa passion pour la géopolitique et son dévouement envers notre territoire resteront gravés dans nos mémoires ».
Onze ans après le début de l’intervention française, quatre ans après le premier coup d’État militaire au Mali, l’addition de problèmes sécuritaires que connaît le Sahel demeure. Sortie du cœur immédiat des préoccupations françaises, l’Afrique de l’Ouest reste l’espace d’une compétition renouvelée.
Dans le cadre d’une opposition Nord-Sud rendue lumineuse par la guerre russo-ukrainienne[1], les influences militaires russe et turque y trouvent un espace d’expression aussi fertile que celles religieuses des États du Golfe.
Pour un léger inventaire des évènements les plus récents, les Groupes Armés Terroristes (GAT) ont récemment mené une double attaque à Bamako, visant l’aéroport et l’école de Gendarmerie. Les groupes indépendantistes ont également fait la preuve de leur adaptation aux putschs, au déploiement de Wagner, ainsi qu’à la perte de Kidal à la fin 2022. L’embuscade de Tin Zaouatine de fin juillet en témoigne amplement. Si elle enlève 84 hommes à Wagner et 47 aux Forces Armées Maliennes (FAMA), elle rend aussi possible la réunion de rebelles nigériens et maliens dans le même lieu le mois suivant afin de définir des axes communs de lutte contre les juntes. Bamako, Ouagadougou et Niamey sont en effet rassemblés depuis un an sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES) : nouvelle entente sécuritaire – peut-être un jour monétaire – concomitante à la sortie de ces pays du G5. Cela étant, la vague de rupture engagée par ces trois pays via une série de coups d’État entre 2020 et 2023 s’étend à toute la région. La rhétorique souverainiste à teinte anti-française atteint ainsi Dakar avec l’élection de Diomaye en avril dernier. À l’autre extrémité du Sahel francophone, le Tchad se prépare à accueillir des troupes hongroises sur son sol.
Battue en brèche, l’heure est à la réinvention des partenariats[2]. Les conclusions qui sont tirées de ce revers concernent cependant tous les pays qui ont pour volonté d’intervenir en Afrique : tout soupçon de domination est désormais condamné[3]. Dans ce nouveau concert, Paris hésite jusqu’à la passivité. Entre un alignement forcené dans un pôle occidental, au risque d’y perdre son identité et son indépendance stratégique, et le refus du manichéisme qui se traduirait par un regain de crédibilité comme par une reprise de sa tradition d’équilibre et de réinvention des Relations internationales[4]. Une des voies d’expression de cette deuxième option est précisément le Sud. Après avoir été conçus comme un pré-carré, puis comme un espace à démocratiser, les pays africains envoient leur message de souveraineté. Dans ce cadre, l’article qui suit s’applique à penser ces derniers en partenaires.
Errements français et césure malienne
Il est toutefois évident que la refondation de ces coopérations ne peut se concevoir qu’à l’aune des dernières tribulations. Il ne s’agit pas de sombrer dans l’uchronie, mais simplement d’appréhender les incompréhensions successives qui ont mené à un tel revers dans les relations franco-africaines. Quelques enseignements peuvent être tirés des décisions politiques, en particulier dans le cas malien.
À l’origine du déchirement entre Paris et Bamako, on trouve des divergences dans les « buts de guerre ». Alors que la France souhaite éviter qu’un sanctuaire djihadiste ne s’établisse au Sahel, le Mali compte s’appuyer sur l’intervention pour liquider définitivement le problème de l’Azawad. Cette discordance trouve un premier écho dans la définition des groupes armés. Dès le début de la guerre en 2011, Mohamed Ag Najim et Bilal Ag Acharif[5] s’imposent en leaders de l’indépendantisme. Ag Ghali, tenu à l’écart, verse désormais dans le djihadisme en fondant Ansar Dine. Premier désaccord entre Paris et Bamako : l’État-hôte n’y voit que deux types du même séparatisme. La France accepte pourtant les services des groupes indépendantistes en 2013 et l’alliance tacite entre les Daoussak et Paris dure même tout le long de l’opération. L’Accord d’Alger de 2015 consacre définitivement les groupes indépendantistes comme des interlocuteurs légitimes. Certains Groupes Armés Signataires (GAS) entretiennent pourtant des relations avec les GAT[6]. À partir de là, Bamako ne fait que subir cette catégorisation, n’ayant pas les moyens d’évoquer l’unité, ni le courage de trouver une solution fédérale. Par la suite, la question des négociations avec des groupes djihadistes devient un des principaux points de discorde. Dès 2020, la junte nouvellement arrivée au pouvoir libère en effet 200 djihadistes. Pour elle, le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) obéit à des logiques très communautaires qui rendent, avec le passé diplomatique d’Iyad Ag Ghali[7], audible l’idée d’entrer en tractations. Universaliste et engagée contre le djihadisme, la France continuera d’appliquer au conflit ses propres clés de lecture qui ne seront jamais celles de l’État malien. Un certain « manque de courtoisie » est à relever. Cette expression, décrivant la volonté de Paris d’imposer des solutions purement françaises, est employée auprès du Chef d’État-major des Armées mi-2022 par ses homologues du golfe de Guinée.
La présence française est encore caractérisée par une absence d’opération de communication. Cela témoigne d’une posture trop morale de Paris, mais aussi d’une trop grande confiance dans sa popularité. Aidé par l’accueil malien de 2013, l’Élysée est convaincu d’avoir une assise suffisamment ancrée. La France subit pourtant une véritable guerre d’influence tout au long de son intervention. À Gossi, Paris passe enfin à la contre-offensive en avril 2022. Quelques jours avant de remettre les clés de la base aux FAMA, des personnels russes sont enregistrés par un drone en train d’ensevelir des corps. Le but était de faire croire à la communauté internationale que Barkhane avait eu recours aux massacres dans sa guerre au Mali. Malheureusement, Paris ne porte le conflit sur ce terrain qu’en quittant le pays. Depuis 2013 pourtant, la France est suspectée par Bamako de porter un projet de partition du pays favorable à l’Azawad, d’avancer ses pions par le biais d’un agenda caché. Elle empêche alors les FAMA de pénétrer dans certaines villes par crainte de massacres[8]. La rumeur ne cesse d’enfler tout le long de l’intervention. S’y ajoute la campagne d’influence russe qui naît en Centrafrique en 2013, au Sénégal en 2015, et au Mali en 2017. L’institutionnalisation du discours anti-français n’a lieu qu’en octobre 2020. La ville de Farabougou est alors assiégée pendant un mois à 80 kilomètres de la capitale. La junte, qui a justifié son coup d’État par son activisme sécuritaire, n’a d’autre choix que de trouver un responsable exogène. D’urbain, le discours anti-français devient gouvernemental. L’exemple malien sert de base rhétorique à toute une série de pays voisins.
De ces principaux points, quelques non-dits de la rupture méritent d’être soulignés. De l’absence de courtoisie que constitue le fait de vouloir imposer ses clés de lecture, les pays clament que le fait de rester se fait désormais à leurs conditions. De ce qu’a coûté l’absence d’opération d’influence de la France, on sait déjà qu’elle ne sera plus jamais seule dans ce qu’elle a longtemps considéré comme un espace exclusif. Mettant en avant une communauté de destin, en valorisant l’histoire et en séduisant des diasporas, l’Élysée croit longtemps que son avantage comparatif en Afrique lui y confère une place de droit. Désormais elle doit prouver, en concurrençant les autres acteurs, que le rôle qu’elle peut y jouer est constructif.
Les options d’une présence rénovée
Largement échaudée, la France garde comme luxe de ses revers de ne plus choisir que des partenaires proactifs sur les sujets de sécurité et de gouvernance. À cet égard, pour le Sahel l’exemple mauritanien est particulièrement parlant. Investie sur les questions théologiques, Nouakchott utilise sa profondeur stratégique pour mettre en place une zone militaire, des groupements spéciaux d’intervention ainsi que des unités méharistes. Elle muselle par ailleurs toute communication sur un apport extérieur en termes de sécurité, en même temps qu’elle diversifie ses partenariats[9]. Appuyée sur des pays volontaires, Paris réarticule sa présence à partir de ses bases régionales pour y mener une sorte de « leadership from behind » à la française. Le modèle des bases en Afrique de l’Ouest est également rénové. Avec des effectifs réduits et concentrés sur des opérations de formation, Abidjan et Dakar sont destinées à rayonner dans toute la sous-région.
Au Sénégal, on l’a vu, la rhétorique souverainiste africaine est portée au pouvoir avec l’élection de Diomaye Faye. Le premier geste du président à l’égard de la communauté internationale est de déclarer que « le Sénégal restera l’allié sûr et fiable de tous les partenaires étrangers respectueux ». Cette citation est caractéristique du message envoyé en creux par ces pays d’Afrique. Le défi de l’émergence est en effet difficile à relever sans aide. Autrement dit, certaines portes restent ouvertes, mais encore une fois aux conditions locales. Concernant cette question du développement, la France doit regagner sa crédibilité dans le domaine. Des années d’opération ont participé à un dévoiement de l’aide au profit de gouvernements jouissant d’une rente sécuritaire. Confortant l’État dans son absence de gestion, l’aide internationale est alors devenue une compétition d’ego des bailleurs sur les sommes débloquées. Mahamat Idriss Déby ne s’y trompe pas en lançant à Macron en 2023 : « aidez-nous sur le plan social par des coopérations économiques, industrielles, culturelles, éducatives, sanitaires […] alors nous resterons votre meilleur allié en Afrique ». Conscient du poids du verrou sécuritaire tchadien, il l’est aussi de la dérive de l’aide au développement dans la région. Un accroissement aveugle des aides ne suffit donc plus.
On le comprend, les axiomes des partenariats dans la région restent des gages dans les domaines de la sécurité et du développement. À cet égard, isolée dans une Union européenne (UE) considérée initialement comme un levier de puissance, délaissée par Berlin comme par l’axe Washington – Londres – Varsovie, Paris pourrait trouver au Sud un espace de regain de crédibilité sur la scène internationale. Si l’idée d’un partenariat respectueux peut paraître crédule, c’est sans compter sur la naissance d’une politique italienne volontariste et pour l’instant couronnée de succès. Dès son discours d’investiture, Meloni met en avant la nécessité de mettre en place une véritable politique africaine : le plan Mattei. Celui-ci se présente comme une méthode d’approche dont découle une structure de coordination dès fin 2023. Il se matérialise surtout par la conférence Italie-Afrique en janvier 2024, à laquelle vingt-six chefs d’États africains sont présents. L’idée est de mettre en avant une « diplomatie du sourire », un dialogue sur un pied d’égalité absolu et des gains partagés. Des partenariats de haut niveau jouxtent une aide au développement orientée localement. L’un des premiers effets pour Rome est une meilleure régulation de l’immigration[10]. L’Italie est également engagée dans une mission de formation militaire au Niger depuis 2017, toujours en cours malgré le coup d’État de 2023, ce qui atteste d’une lecture propre de l’État-major italien. Au niveau du minutage, cette position est adoptée en période de réorientation énergétique : Rome se veut un catalyseur des ressources africaines vers l’Europe. Elle s’engouffre encore dans un besoin évident de liaison entre les deux continents au moment où la France semble sortie du jeu.
Pour tous les pays du sud de l’UE, le continent africain reste une priorité, qu’il s’agisse des questions migratoires, économiques, énergétiques ou tout simplement de la proximité géographique. Afin d’y mener une politique ambitieuse, la France doit d’abord regagner sa crédibilité auprès des opinions locales. L’exemple italien est inspirant pour l’égalité complète instituée entre les acteurs. Celle-ci a pour corollaire la reprise en main de la notion de rapport de force, trop longtemps délaissée par la diplomatie au profit de la mise en avant d’impératifs sociaux ou de valeurs libérales. La France focaliserait a priori son action sur les pays du golfe de Guinée. Le partenariat global Nord-Sud serait porteur de gains conséquents pour les pays méditerranéens de l’UE : souveraineté réaffirmée et maîtrise sécuritaire de ses abords.
Conclusion
Manque de courtoisie et absence d’opération d’influence ont donc conditionné l’échec de la France au Sahel. Un autre point a également précipité la sortie de la France de la région : le discours à géométrie variable. Pressant les colonels de Bamako d’impératifs de transition, l’Élysée est mis devant ses incohérences à l’occasion de la mort d’Idriss Déby en avril 2021. Elle soutient en effet son fils Mahamat, Général d’Armée, à la tête du Conseil de transition, puis dans son élection à la présidence du Tchad. Cette différence de traitement a fourni une série d’arguments aux juntes et encouragé des reproches surréalistes. Elle parachève surtout l’image arrogante de la France, accusée de choisir les régimes en fonction de ses intérêts. Déjà lassées par des armées inopérantes, les militaires français plaident, dès la généralisation du discours anti-français, pour un retrait des forces. Quoi qu’il en soit, la France se heurte sur le continent à l’influence d’autres puissances, Russie, Chine, Turquie, mais aussi États-Unis. Pour éviter l’isolement, il paraît clair qu’établir une stratégie ambitieuse et de long terme s’impose. Un partenariat Nord-Sud suivant l’exemple italien permettrait non seulement à la France de regagner sa crédibilité, mais aussi de faire valoir son expertise auprès de l’Europe méditerranéenne. Cette option a pour avantage de ne pas contrevenir à nos engagements actuels, mais aussi de se placer dans la continuité et le respect de notre tradition stratégique. Le moment est plus indiqué qu’il n’y paraît. La volonté de souveraineté de certains États africains peut prendre des formes incompréhensibles. On pense ainsi à la Centrafrique qui se tourne vers la cryptomonnaie en 2022, ou aux efforts actuels de l’AES sur des passeports communs. Cela étant, le message envoyé appelle aussi à des partenariats plus réalistes qui seront désormais soumis aux conditions locales. Même à ce prix, les concurrents se multiplient, décuplant la certitude du continent de compter dans ce début de siècle où les camps s’organisent.
[1] Emmanuel Todd, La défaite de l’Occident, Paris, Gallimard, 2023.
[2] Revue de la Défense Nationale, Afrique, France, une nouvelle relation…, numéro 860, mai 2023.
[3] Général Bruno Clément-Bollée, « Fini, l’Afrique dominée, place à l’Afrique souveraine et son message : l’Afrique aux Africains ! », Le Monde, 26 janvier 2023.
[4] Pascal Boniface, Le gaullo-mitterrandisme, un concept toujours pertinent, Revue internationale et stratégique, N° 109, 2018, pp.22-35.
[5] Respectivement chef militaire et secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) créé en 2011.
[6] Des membres du HCUA sont par exemple accusés d’avoir participé à l’attaque de Tongo Tongo et de profiter des prises sur l’Armée nigérienne, voir RFI, Mali : le Niger accuse des membres du HCUA de complicité avec les terroristes, http://www.rfi.fr/fr/afrique/20190919-mali-le-niger-accuse-membres-hcua-complicite-terroristes, mis en ligne le 19 septembre 2019.
[7] Ancien cadre de la légion verte libyenne, leader de la révolte des années 1990, principal artisan des Accords de Tamanrasset en 1991, il devient par la suite représentant consulaire du Mali et négociateur pour Bamako dans les années 2000. Il fonde Ansar Dine en 2012 et le JNIM en 2017.
[8] Marc-André Boisvert, « Autopsie d’une défaillance : cohésion, discipline et leadership au sein des Forces armées maliennes en 2012-2013 », présentation lors du colloque « Les nouveaux visages des armées africaines », Paris, IRSEM, 5-6 octobre 2016.
[9] Membres du dialogue méditerranéen de l’OTAN, elle signe un accord de défense secret avec la Russie en 2021 et accepte les opérations de formation de la France. Le pays n’a pas connu d’attaque depuis 2011.
[10] D’après les statistiques du ministère de l’Intérieur italien, à la date du 16 septembre 2024, le nombre d’entrées de migrants en Italie a baissé de 65,4 % par rapport à 2023 et de 33,8 % par rapport à 2022.
Epargné par les coupes, même si des inconnues demeurent, le ministère des Armées va voir son budget augmenter de 3,3 milliards d’euros en 2025, conformément à la loi de programmation militaire. Futur porte-avions, drone de combat UCAV, Rafale… Gros plan sur les équipements livrés et commandés.
Vue d’artiste du porte-avions de nouvelle génération (PANG). Le lancement officiel de ce programme de plus de 10 milliards d’euros est prévu en 2025 – Naval Group / Chantiers de l’Atlantique / TechnicAtome
L’essentiel est sauf. C’est le sentiment largement partagé dans les armées à l’annonce des arbitrages du projet de loi de finances (PLF) 2025. Comme prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM), le budget de défense, si le PLF est adopté, va augmenter de 3,3 milliards d’euros l’année prochaine, à 50,5 milliards d’euros. Un effort conséquent, d’autant plus marquant qu’il tranche avec le régime sec imposé à d’autres ministères. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu assume sans ciller. « Pourquoi la défense ne fait-elle pas l’objet de coups de rabot ? Les efforts ont déjà eu lieu, assurait le ministre le 14 octobre devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale.Je rappelle les chiffres : 54.000 postes supprimés [de 2008 à 2013, NDLR], un régiment sur deux de l’armée de terre et 11 bases aériennes fermées. »
Comment vont se répartir ces milliards de la défense ? Les deux tiers de l’effort (31,3 milliards) portent sur les équipements. La masse salariale représente 27 % du budget (13,6 milliards). Le reste se répartit entre les coûts de fonctionnement (4,8 milliards) et la provision destinée à financer les opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (Missint). Cette dernière passe de 800 millions d’euros en 2024 à 750 millions en 2025.
Près de 6 milliards pour la dissuasion
Comme chaque année, la dissuasion reste un des postes majeurs de dépenses. L’investissement dans le nucléaire atteindra 5,8 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 500 millions d’euros. L’année 2025 verra notamment le lancement du programme de la nouvelle version du missile nucléaire stratégique M51 embarqué sur les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), dite M51.4, prévue pour le milieu des années 2030.
L’investissement dans la future génération de sous-marins lanceurs d’engin, dite SNLE 3G, monte également en puissance. La première tôle du premier exemplaire a été découpée en mars dernier sur le site Naval Group de Cherbourg. Le ministère des Armées a prévu d’investir 752 millions d’euros en 2025 sur ce programme, vers lequel sont fléchés 12.9 milliards d’euros en tout. Le premier SNLE 3G, qui pourrait atteindre 150m de long et un poids de 15.000 tonnes (trois fois le poids des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Suffren), doit entrer en service en 2035. La livraison du dernier des quatre engins est prévue en 2050.
821 millions d’euros fléchés vers le drone de combat
2025 sera également l’année du lancement officiel du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG), un géant de 75.000 tonnes qui doit succéder au Charles de Gaulle (42.000 tonnes) à l’horizon 2038. Selon les annexes du PLF 2025, 10,9 milliards d’euros doivent être investis dans ce projet, dont 224 millions sur l’année 2025.
L’année 2025 va aussi la montée en puissance de l’investissement dans le Rafale F5, la future version connectée du chasseur français, et du drone de combat qui l’accompagnera à l’horizon 2030. Ce drone va faire l’objet, selon les annexes du projet de loi de finances, d’un investissement de 821 millions d’euros, qui s’étalera sur les prochaines années avec une montée en puissance progressive (55 millions en 2025, 190 en 2026).
500 millions pour le système sol-air SAMP/T NG
Les autres grands agrégats du budget de défense reflètent les priorités du ministère : 1,9 milliard d’euros dédié aux munitions, un chiffre en hausse de 400 millions ; 700 millions d’euros pour le spatial, avec notamment la mise en orbite, prévue en décembre, du satellite espion CSO-3 ; 450 millions d’euros pour les drones et robots ; 400 millions d’euros pour les forces spéciales ; 500 millions d’euros pour la défense sol-air (système SAMP/T NG), 500 millions pour le renseignement, 300 millions pour l’IA, 300 millions pour le cyber, et 265 millions pour la fidélisation des militaires et civils du ministère, un des chantiers majeurs de l’hôtel de Brienne.
Ces investissements importants se retrouvent dans les livraisons d’équipements attendues en 2025. Parmi les principales, le ministère attend la livraison de la frégate FDI Amiral Ronarc’h, 2 Atlantique 2 rénovés, de 14 Rafale et 12 Mirage 2000D rénovés, d’un ravitailleur A330 MRTT et un avion de transport A400M, de 6 hélicoptères Tigre HAD, mais aussi de 308 véhicules Scorpion (Serval, Griffon, Jaguar), 28 véhicules légers et 30 poids lourds dédiés aux forces spéciales, de 8.000 fusils d’assaut HK416, ainsi que de lots de torpilles lourdes F21, des missiles Exocet, Scalp et Akeron MP.
Côté commandes, outre le contrat pour le porte-avions de nouvelle génération, le PLF prévoit la commande d’une frégate FDI, de missiles Mistral, Scalp, Mica, Meteor, Akeron MP mais aussi de camions-citernes et de bâtiments hydrographiques de nouvelle génération.
700 créations de postes
L’entraînement et la maintenance bénéficient également largement de la hausse des crédits. 7,8 milliards d’euros seront consacrés à la préparation et l’emploi des forces (+ 364 millions), et 5,9 milliards d’euros au maintien en condition opérationnels des matériels.
Les RH montent également en puissance : le ministère prévoit de créer 700 postes sur l’année 2025, dont 194 dans l’IA et le numérique, 119 dans les fonctions de soutien, 170 pour la DGSE, et une soixantaine pour la dissuasion (Direction des applications militaires du CEA). Les effectifs devraient atteindre 271.100 agents, dont trois quarts de militaires et un quart de civils.
OPEX et gels de Bercy, les deux inconnues
Dans ce panorama plutôt réjouissant pour les armées subsistent quand même quelques incertitudes majeures. La première, c’est le sort des quelque 2,6 milliards d’euros de crédits gelés par Bercy sur l’exercice 2024. Sébastien Lecornu a souligné, devant le Sénat et l’Assemblée nationale, que les crédits mis en réserve avaient toujours été dégelés les années précédentes. Si ce n’était pas le cas cette année, l’hôtel de Brienne entamerait 2025 avec une sorte de déficit de 2,6 milliards d’euros, qui obérerait d’autant la hausse prévue du budget.
L’autre incertitude réside dans le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et intérieures de l’année 2024. La provision de 800 millions d’euros destinée à financer ces opérations sera, à l’évidence, insuffisante pour couvrir tous les coûts assumés par l’armée. Les déploiements en Roumanie (mission Aigle) et en Estonie (Lynx) coûtent cher : le coût de la mission Aigle avait été estimé à 700 millions d’euros en 2022 par le sénateur Dominique de Legge, rapporteur spécial des crédits de défense.
L’effort financier des armées pour la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris était quant à lui estimé entre 300 et 400 millions d’euros par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense le 15 octobre.
300 millions d’avoirs russes récupérés
Selon la LPM, le surcoût OPEX, s’il dépasse la provision annuelle inscrite en loi de finances, est pris en charge par un effort interministériel, à due proportion des budgets respectifs des ministères. Si cet engagement n’était pas tenu, ce sont plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses imprévues que devrait honorer le ministère.
Ce dernier bénéficie certes de la baisse de l’inflation, qui lui permettra d’économiser 400 à 600 millions d’euros sur l’année 2024, selon Sébastien Lecornu. Mais cette somme a été fléchée, de même que les 300 millions d’euros issus des intérêts des avoirs russes gelés, vers l’aide à l’Ukraine. En cas de mauvaise surprise, l’hôtel de Brienne devra trouver les fonds ailleurs.
Une décennie après sa création, la coalition internationale formée pour combattre Daech en Irak et en Syrie touche à sa fin. Rien n’est pour l’instant arrêté mais la décision pourrait rebattre quelques cartes pour l’opération Chammal, volet français d’une opération multinationale lancée il y a 10 ans.
L’État islamique « est vaincu, mais n’est pas éliminéet demeure une menace pour la région et au-delà » déclarait le Pentagone le 27 septembre dans un communiqué annonçant la fin de l’opération Inherent Resolve (OIR). Il appartient désormais à chacun des quelque 30 pays de la coalition de poursuivre son soutien aux forces irakiennes et de maintenir la pression sur Daech en s’appuyant sur les partenariats de sécurité bilatéraux, à l’instar du traité stratégique signé en janvier 2023 par Paris et Bagdad.
Approuvé par l’ensemble des partenaires, ce plan de transition sera conduit en deux phases. Déjà engagé, le retrait des forces coalisées de certaines bases irakiennes s’achèvera le 1er septembre 2025. Les opérations militaires menées en Syrie seront quant à elles clôturées le 1er septembre 2026, délai nécessaire pour prévenir toute résurgence du groupe terroriste.
Chammal mobilise actuellement 600 militaires français. Environ 300 d’entre eux relèvent de l’armée de Terre et sont actifs sur le territoire irakien. La moitié contribue à l’appréciation sécuritaire régionale par des actions d’appui et de conseil. Une centaine d’autres constituent la Task Force Lamassu, cette unité chargée de former cinq bataillons du désert au sein de l’armée irakienne. Enfin, une trentaine de militaires de l’armée de Terre sont insérés en état-major dans le cadre de la NATO Mission Iraq (NMI), autre mission de conseil et de formation établie en 2018 à la demande du pouvoir irakien.
Et pour la suite ? « Les discussions sont en cours, rien n’est totalement arrêté », expliquait-on vendredi dernier du côté de l’armée de Terre. Exit néanmoins le confort fourni par le « parapluie OIR » et ses infrastructures, son soutien quotidien et sa protection, notamment anti-aérienne et anti-drones. Une fois OIR clôturée, il faudra revoir la posture et « répartir toutes ces tâches entre les différents détachements qui resteraient », indiquait le commandant des opérations et de la force terrestre, le général de corps d’armée Bernard Toujouse.
Si OIR disparaît progressivement, la présence française se maintiendra au moins jusqu’à l’horizon 2026. En matière de planification, ce qui a été fixé en bilatéral dans le domaine terrestre se poursuivra comme prévu. L’année 2025 verra d’ailleurs les militaires français prendre le commandement de la mission NMI, « investissement complémentaire de la France et de l’armée de Terre en particulier » à la clef. Quant à la TF Lamassu, deux bataillons du désert sont déjà à pied d’œuvre. La formation d’un troisième est en cours depuis mi-juillet. Les deux derniers suivront d’ici au printemps 2025.
Plusieurs hauts gradés de l’armée française et un de ses principaux sous-traitants pour la logistique des opérations extérieures (Opex) doivent être jugés à partir de lundi 9 septembre 2024 devant le tribunal correctionnel de Paris pour des soupçons de corruption et de favoritisme.
Parmi les prévenus figurent huit militaires, au premier rang desquels l’ancien chef d’état-major du Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), le colonel Philippe Rives, qui doit comparaître pour favoritisme, corruption passive, violation du secret professionnel et prise illégale d’intérêts.
Un ancien commandant du CSOA, le général Philippe Boussard, un lieutenant-colonel du Commandement des opérations spéciales (COS), Christophe Marie, et le président de la société International Chartering Systems (ICS), Philippe de Jonquières, seront également sur le banc des prévenus.
Ils sont soupçonnés, à des degrés divers, d’avoir participé dans les années 2010 à une opération ayant permis à ICS – qui comparaît comme personne morale – d’être favorisée dans l’attribution de plusieurs marchés de logistique, notamment concernant le transport aérien, pour des Opex de l’armée française.
Des contrats se chiffrant en centaines de millions d’euros
L’histoire a démarré en 2016 par un rapport de la Cour des comptes étudiant les Opex françaises, dont leur logistique. Faute de solution tricolore, entre des Transall vieillissants ou des A400M à la livraison retardée, l’armée française a eu régulièrement recours aux « très gros porteurs russes ou ukrainiens », notamment des Antonov 124, « une ressource rare au niveau mondial », comme le rappelaient les magistrats de la rue Cambon.
Comment ? Principalement via deux prestataires extérieurs, l’agence de soutien de l’Otan Salis et le logisticien privé ICS, vieux compagnon de route de l’armée française, pour des contrats se chiffrant en centaines de millions d’euros.
Outre des doutes sur leur avantage stratégique, la Cour des comptes s’interrogeait sur le surcoût des prestations offertes par ICS par rapport à celles de Salis.
Il n’est pas possible de « comparer directement » les deux, avait répondu en mars 2018 le ministère des Armées. La Cour des comptes a finalement signalé à la justice ces faits, comme l’armée un peu plus tard, donnant lieu à une enquête, révélée par le journal Le Monde et ouverte début 2017 par le Parquet national financier (PNF).
Les gendarmes de la section de recherches de Paris ont perquisitionné en octobre de la même année le CSOA à Vélizy-Villacoublay (Yvelines) et les locaux d’ICS à Paris.
L’enquête, riche de 8.000 pages selon une source proche du dossier, a abouti, selon des révélations en 2018 de la cellule investigation de Radio France, à la découverte d’échanges soutenus entre plusieurs haut gradés et les responsables d’ICS à des moments-clés de passation de marchés.
Les investigations ont également mis au jour plusieurs manipulations potentielles qui auraient permis à la société d’être mieux notée dans les processus d’attribution.
Procès jusqu’au 25 septembre
Selon une note de synthèse du PNF de juillet 2022 dont l’AFP a eu connaissance, le colonel Philippe Rives, par exemple, est soupçonné d’avoir rédigé, entre février et décembre 2015, « une fiche interne favorable à ICS » ou transmis des informations stratégiques au président de la société, Philippe de Jonquières, en échange de son embauche future comme directeur général adjoint d’ICS.
Philippe Broussard est suspecté de favoritisme, en ce qu’il aurait contribué à ce qu’ICS soit « privilégiée » dans l’attribution des missions, « pour un surcoût minimum estimé de 16,3 millions d’euros ».
En novembre 2017, après l’ouverture de l’enquête pénale, l’armée française n’a pas reconduit le marché qui la liait à ICS sur le marché du fret des opérations extérieures.
En marge de ce dossier, trois journalistes de Radio France et de Disclose qui avaient enquêté sur l’affaire ont été entendus en décembre 2022, en audition libre, par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour des soupçons d’atteinte au secret de la défense nationale.
En Afrique, décrue historique en vue pour l’armée française
Les bases militaires françaises au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Tchad et au Gabon devraient être réduites à quelques centaines de soldats. Exception notoire : celle de Djibouti.
Dans la base militaire française de Port-Bouët, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en décembre 2019. LUDOVIC MARIN / AFP
Paris prévoit de réduire à quelques centaines d’hommes sa présence militaire en Afrique de l’Ouest et centrale, dans le cadre de partenariats « rénovés » et plus discrets annoncés par le président Emmanuel Macron après de cuisantes déconvenues au Sahel, a appris l’AFP de trois sources concordantes.
Selon le plan envisagé par l’exécutif, actuellement discuté avec les partenaires africains, la France prévoit d’abaisser drastiquement ses forces dites « prépositionnées » sur des emprises militaires.
Elle ne gardera en principe qu’une centaine de militaires au Gabon (contre 350 aujourd’hui), une centaine au Sénégal (contre 350), une centaine en Côte d’Ivoire (600 aujourd’hui) et environ 300 au Tchad (1 000 actuellement), d’après deux sources proches de l’exécutif et une source militaire.
Sous réserve d’un changement de cap, alors que la France connaîtra sous peu des élections législatives anticipées à l’issue incertaine pour le camp présidentiel, le dispositif devrait ainsi compter à l’avenir aux alentours de 600 militaires, mais sera appelé à croître ponctuellement au gré des besoins exprimés par les partenaires, expliquent ces trois sources proches du dossier. Contacté par l’AFP, l’état-major a décliné tout commentaire.
Un commandement dédié à l’Afrique
Il s’agit d’une décrue historique. Il y a encore deux ans, outre quelque 1 600 forces prépositionnées en Afrique de l’Ouest et au Gabon, l’ancienne puissance coloniale comptait plus de 5 000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération antidjihadiste « Barkhane ». Mais elle a été progressivement poussée dehors par les juntes arrivées au pouvoir à Bamako (2022), Ouagadougou et Niamey (2023), au profit notamment du nouveau partenaire russe.
Le Tchad est le dernier pays du Sahel à héberger des soldats français. Mais entre Centrafrique, Soudan, Libye et Niger, il est désormais encerclé par des pays accueillant, à divers titres, des forces paramilitaires russes issues de la réorganisation du Groupe Wagner d’Evgueni Prigojine, mort dans un mystérieux accident d’avion en août 2023.
Emmanuel Macron a missionné en février l’ancien ministre Jean-Marie Bockel pour échanger avec les partenaires africains sur les nouvelles modalités de la présence militaire française sur leur sol. Ses conclusions sont attendues en juillet. Mais les grandes lignes du projet sont déjà prêtes.
La France souhaite aujourd’hui « une présence visible moindre, mais maintenir un accès logistique, humain, matériel à ces pays, tout en renforçant notre action qui réponde aux aspirations de ces pays », a fait valoir à la mi-mai au Sénat M. Bockel. L’armée prévoit de se doter cet été à Paris d’un commandement dédié à l’Afrique, a appris l’AFP de deux sources proches du dossier. Le général censé prendre sa tête a déjà été désigné.
Mutualisation des bases militaires
En Côte d’Ivoire, l’un des plus solides alliés de la France en Afrique l’Ouest, la baisse des effectifs militaires a déjà commencé, passant de 900 à 600 ces derniers mois. Au Sénégal, la décrue a également débuté, tandis que le nouveau président panafricaniste de gauche, Bassirou Diomaye Faye, élu fin mars, insiste sur la souveraineté du pays.
Son premier ministre, Ousmane Sonko, a réaffirmé mi-mai « la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères au Sénégal ». Très critique envers Paris, qu’il accuse d’avoir soutenu la répression contre son camp sous l’ancien président Macky Sall, il a toutefois précisé ne pas remettre « en question les accords de défense » bilatéraux.
Les emprises françaises en Afrique « et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer » alors que la France cristallise aisément les critiques des opinions locales, relevait fin janvier en audition parlementaire le chef d’état-major français, le général Thierry Burkhard, estimant qu’il faudrait « sans doute modifier notre schéma d’implantation ».
Ainsi, l’armée française n’exclut pas de « mutualiser » ses bases « avec les Américains ou d’autres » partenaires européens, a-t-il précisé. Mais l’état-major pourrait aussi finir par les rétrocéder.
Les missions de combat sont finies
Ce futur dispositif resserré devra permettre d’« entretenir des relations avec les autorités militaires locales », « garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne », mais aussi « recueillir du renseignement » et « poursuivre les actions de partenariats opérationnels », selon le général Burkhard.
Les missions de combat sont finies : les soldats français apporteront essentiellement de la formation et des capacités aux pays partenaires, à leur demande. Paris compte par ailleurs adopter une posture plus désinhibée en matière de ventes d’armes, après avoir longtemps rechigné à leur livrer du matériel offensif.
La base française de Djibouti, qui accueille 1 500 militaires français, n’est pour sa part pas concernée par cette réduction de voilure. La France veut conserver un point d’appui stratégique dans ce petit pays situé face au Yémen, à la sortie de la mer Rouge, dans le détroit de Bab-el-Mandeb où transite une grande part du commerce mondial entre Asie et Occident.
Le contexte sécuritaire se transforme, l’Alliance atlantique s’adapte en conséquence et avec elle des structures de commandement comme le Corps de réaction rapide – France (CRR-Fr). Depuis le 1er janvier et sa nouvelle prise d’alerte OTAN, cet état-major français basé à Lille est apte à conduire jusqu’à cinq divisions françaises et alliées lors d’une opération terrestre d’envergure. Une certification inédite pour la France et qui s’accompagne de plusieurs défis communs à tout poste de commandement. Explications avec son commandant depuis 2022, le général de corps d’armée Emmanuel Gaulin.
FOB : Vous avez conduit l’exercice Loyal Leda en début d’année. Quels en étaient le scénario et les enjeux, et que représentait-t-il de particulier pour le CRR-Fr ?
GCA Gaulin : Loyal Leda est un exercice au terme duquel le CRR-Fr a été certifié en temps que corps de combat ou « Warfighting Corps » [WFC]. Ceci est l’aboutissement d’un processus d’environ une année durant lequel nous sommes certifiés sur l’ensemble de nos procédures et sur des compétences de planification et d’exécution. Nous avons par exemple été en Pologne en décembre dernier, au Joint Force Training Center. Loyal Leda s’est tenu entre l’est de la France et la Pologne et a rassemblé des unités alliées espagnoles, italiennes, américaines, britanniques, allemandes, etc. Bref, une bonne partie des nations de l’OTAN.
Ensemble, nous avons exécuté un scénario défensif crédible consécutif à l’attaque d’une puissance étrangère dans un compartiment déterminé de l’Alliance. Je commandais une centaine de millier de combattants en très grande majorité générés par la simulation. Loyal Leda étant un CPX, un « command post exercise », seuls les postes de commandement étaient effectivement présents sur le terrain. Trois PC de division ont été placés sous le commandement du WFC, chacun relevant d’une division italienne, espagnole ou française. Je disposais également d’éléments organiques de corps d’armée. Ce n’est qu’un exemple du dispositif que je serais susceptible de mener au combat.
En tant que WFC, nous avons affronté trois corps d’armée – un ennemi bien plus fort que moi – en coordination avec d’autres corps et en s’appuyant sur une chaîne de commandement remontant jusqu’au Land Command de l’OTAN, l’état-major « Terre » installé en Turquie. Cela me permet de démontrer aux décideurs de l’OTAN que la France, via le CRR-Fr, est capable à la fois d’endosser la charge de nation-cadre pour une opération de grande envergure et de haute intensité et de conduire des opérations dites « multi domain », donc multi-milieux et multi-champs [M2MC]. Surtout, elle est en mesure d’intégrer les forces alliées qui viendraient à agir avec nous.
Le corps de combat est l’un des rôles pour lesquels le CRR-Fr est certifié. Nous l’avons été en 2014 pour ce que l’on appelle un rôle de « NATO Response Force » [NRF] correspondant à un volume de forces plus restreint et à des actions de plus faible intensité. En 2017-2018, nous avons été certifiés « Joint Task Force », c’est à dire un volume de forces d’un cran encore inférieur mais pour conduire des opérations très interarmées, des « Small Joint Operations » [SJO]. Le CRR-Fr était à nouveau certifié NRF en 2022 afin de conduire la composante terrestre d’une opération de taille moyenne.
Suite à ce qu’il s’est passé en février 2022 et aux nouvelles menaces qui apparaissent, nous avons basculé sur des volumes de forces beaucoup plus conséquents et avec une capacité d’action étendue et reposant sur toutes les composantes, y compris le cyber, la guerre électromagnétique et informationnelle. Tous les espaces de confrontation sont désormais pris en compte pour des opérations où je serais appelé à commander jusqu’à cinq divisions, soit à peu près 120 000 hommes.
FOB : Décrocher cette certification WFC, c’est une première pour un état-major français ?
GCA Gaulin :Pour la France, oui en quelque sorte. C’est en tout cas la première fois dans l’histoire récente que le CRR-Fr est validé à cet échelon. La logique de WFC a été reprise par l’OTAN il y a seulement trois ou quatre ans. Dorénavant, une partie de la dizaine de corps otaniens sera certifiée WFC afin de démontrer nos capacités à être efficaces dans des opérations « lourdes » de haute intensité.
Ce jalon du WFC devait à l’origine être franchi en 2025. Pour des raisons de programmation, il nous a été demandé d’y parvenir dès 2024. Une proposition émise en 2021, donc avant l’agression russe sur l’Ukraine, et à laquelle nous avons répondu positivement, notre mission centrale restant d’être toujours prêts à nous adapter au mieux à la situation. Cette accélération n’aura pas posé de souci particulier. Il nous aura juste fallu travailler plus dur.
Crédits image : CRR-Fr/SCH Amaury
FOB : Pour revenir à Loyal Leda, cet exercice aura-t-il permis de mobiliser des doctrines, des organisation, des moyens nouveaux pour répondre aux objectifs fixés de rapidité, de résilience, de maintien de l’avantage opérationnel ?
GCA Gaulin : Effectivement, non seulement mon état-major de corps d’armée dirigeait des divisions mais il faut aussi tenir compte de la transformation en cours de l’armée de Terre. Des commandements d’appui ont été créés pour les action dans la profondeur et le renseignement, pour la logistique, pour les communications et pour les actions spéciales Terre. Ces nouveaux commandements ont été intégrés dans notre action de façon à réaliser et à coordonner tous les effets dont j’ai besoin pour aller façonner l’ennemi le plus loin possible. Cette logique d’intégration est d’ailleurs interarmées, car j’ai eu sous mes ordres plusieurs dizaines de personnels de l’armée de l’Air et de l’Espace.
L’OTAN est en train d’évoluer, et avec elle ses chaînes de commandement. Ma force appartient à une chaîne de commandement allant du SHAPE jusqu’aux unités de contact, des échelons que Loyal Leda aura aussi permis de tester et d’optimiser. À ce titre, la chaîne C2 [commandement et contrôle] constitue la force de nos dispositifs puisque la qualité d’une opération est principalement basée sur la capacité des chefs à disposer d’évaluations de situation similaires et d’une gestion des risques partagée. Un exercice comme Loyal Leda me permet de démontrer que je m’intègre bien dans une structure à laquelle je n’appartiens pas mais que je suis appelé à rejoindre en cas de besoin.
FOB : Vous mentionnez l’évolution du modèle de force et de la chaîne de commandement de l’OTAN. Cela implique-t-il des processus nouveaux, des configurations de PC adaptés pour le CRR-Fr et qui auraient pu être expérimentés à l’occasion de Loyal Leda ?
GCA Gaulin : Sans être un laboratoire à proprement parler, Loyal Leda a permis d’utiliser, d’optimiser, de tester. Vous avez par exemple l’intégration de tous les effets, manifestée par la création de cellules dédiées, les « Joint Air-Ground Integration Cells ». Ces structures nouvelles me permettent, dès le renseignement reçu, d’aller frapper directement la cible en misant sur la spontanéité et la fulgurance rendue possible par la contraction du délai entre le capteur et l’effecteur. Cela marche très bien, les résultats sont très positifs.
Nous tirons également les leçons des conflits actuels pour monter nos PC. On pense directement à l’Ukraine, mais on regarde aussi avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe en Palestine. Nous avons réorganisé nos états-majors de façon à ce qu’ils soient beaucoup plus résilients et mieux protégés. Il y a différents aspects, dont celui de la protection. Evidemment, nous ne plaçons pas nos PC n’importe où. Il y a quelques années, nos PC étaient sous tentes, dans la nature. Aujourd’hui, ils sont organisés différemment et dotés de protections bien plus lourdes et plus efficaces face aux armements. Ensuite, vous avez besoin de redondance. Certaines capacités sont doublées à l’intérieur du PC pour tenir dans la durée, mais il faut surtout privilégier la distribution, une logique dans laquelle vous multipliez les « bulles » PC. Tout cela demande de travailler régulièrement en commun à partir de localisations variées.
FOB : L’évolution rapide du contexte sécuritaire a-t-elle conduit à faire évoluer le scénario de l’exercice depuis l’édition précédente, en décembre 2022 ? Tenez-vous compte davantage de nouvelles menaces, à l’instar du cyber ?
GCA Gaulin : Effectivement, nous accélérons dans les champs où il faut accélérer. Tout le monde a basculé sur le triptyque « compétition-contestation-affrontement », qui a pris la suite du schéma « paix-crise-guerre ». Tout le monde a compris que les temps de paix n’existaient pas vraiment et qu’il fallait intégrer l’ensemble des capacités dès le temps de la compétition. C’est là où l’on rentre dans le M2MC, autrement dit l’intégration des actions maritimes, terrestres, aériennes, spatiales – je travaille beaucoup avec le Commandement de l’Espace – mais aussi les autres domaines comme le cyber, pour lequel je dispose d’un centre particulier me permettant de réaliser des actions en liaison avec le COM CYBER. Cette cellule préexistait mais prend beaucoup plus d’ampleur. À mon niveau, les activités sont en majorité défensives mais nous pouvons conduire des actions offensives, toujours en liaison avec le COM CYBER. Et la logique s’étend aux champs informationnel et électromagnétique, des domaines dans lesquels nous disposons de capacités assez performantes et qui nous permettent de mener des actions tant défensives qu’offensives. C’est la convergence et la cohérence des effets générés dans tous ces domaines et à tous les échelons qui me permettent d’atteindre ce que nous, militaires français, appelons l’effet majeur.
Crédits image : CRR-Fr/CCH Anthony
FOB : Quelques semaines après la fin de l’exercice, quelles sont vos conclusions, RETEX et enseignements pour l’avenir ?
GCA Gaulin : Le premier RETEX selon moi, c’est la pérennité des principes généraux de la guerre. Nous avons toujours besoin de liberté d’action, de concentration des efforts et d’économie des moyens. Mon deuxième RETEX, c’est l’importance de la chaîne C2. Sa force et sa robustesse doivent permettre cette complémentarité entre les effets à différents niveaux et de parvenir à des évaluations de situation similaires pour garantir la compréhension commune de la prise de risques et du tempo des opérations. La survivabilité de cette chaîne et des PC est à ce titre primordiale. Nous n’irons pas très loin si nous ne sommes pas capables de nous protéger des coups de l’adversaire, quel qu’il soit.
Derrière le cyber, les drones sont un autre facteur de changement. Les drones ne sont pas complètement nouveaux, mais leur impact est fort sur les opérations et dans la volonté du chef de cacher ses intentions à l’adversaire. L’atteinte de cet objectif demande de réfléchir autrement face à la permanence des capteurs. Et l’enjeu s’étend bien entendu au champ électromagnétique pour réduire au maximum le rayonnement des PC. Le tout ramène à la logique de redondance, absolument nécessaire. Tout cela, nous l’avons testé durant Loyal Leda en mobilisant quelques nouveautés existantes dans le commerce qui, bien que parfois issues du monde civil, permettent d’atteindre un degré de protection tout à fait satisfaisant.
L’une des lignes centrale de mon RETEX, c’est également l’adaptabilité. Il faudra non seulement s’adapter aux technologies nouvelles, mais aussi à la menace. Nous le voyons dans les conflits en cours. Certaines capacités essentielles vont rapidement disparaître car elles seront contrées. L’exemple est démonstratif pour des types de liaisons extrêmement performantes qui ont été contrées et ont nécessité de revoir le modèle. Une fois que l’ennemi a compris, il faut trouver autre chose. L’interopérabilité, enfin, n’est pas neuve mais devient clef face à un adversaire à parité.
FOB : Le contexte est encore plus volatile qu’en 2022 lors de votre dernière prise d’alerte. Ce nouveau mandat en tient-il compte, notamment de par le volume de forces qu’il peut générer ?
GCA Gaulin : Une précision importante : la force n’est pas encore générée et ne le sera qu’au moment où les ordres seront donnés pour remplir une mission déterminée. Je me suis entraîné avec trois divisions. Selon la mission donnée, je peux repartir avec ces trois divisions ou avec d’autres. À mon niveau, cette prise d’alerte demande de maintenir au niveau requis un état-major entraîné et certifié. Il s’agit également de poursuivre toutes les études et actions nécessaires pour maintenir l’interopérabilité.
Je dois par ailleurs entretenir la connaissance des plans de l’OTAN, régulièrement révisés conjointement avec mon état-major, ainsi que la connaissance de la situation dans les zones où nous serions appelés à intervenir. Ce sont surtout les zones frontalières de l’Alliance, mais nous suivons aussi les conflits en cours ailleurs pour prendre en compte tous les RETEX et comprendre les modes d’action des adversaires potentiels et des forces armées agissant d’une manière comparable à la nôtre. L’objectif reste d’en tirer des enseignements. Hier matin, par exemple, nous avons étudié certaines phases d’opération très à l’Est pour mieux comprendre leur réalisation et leur usage des moyens mobilisés.
Crédits image : EMA
FOB : L’invasion de l’Ukraine par la Russie voit se succéder les opérations offensives infructueuses dans chaque camp. Que vous inspirent les échecs d’armées dont le volume est relativement similaire de la force que vous seriez appelés à commander ?
GCA Gaulin : Si nous regardons la genèse du conflit, l’un des points d’étonnement relève de la très grande fragmentation de la chaîne C2 russe. Du moins, elle l’était car les Russes apprennent, ont optimisé leur outil, changé leur mission et progressé en matière de commandement.
Le principal problème au final est celui du rapport de forces. Étirées sur les centaines de kilomètres de front, les forces disponibles ne sont plus suffisantes pour percer une ligne. C’est exactement ce qui nous est arrivé en 14-18. Pour percer, il vous faut une concentration de forces que ce pays n’est pas capable de générer aujourd’hui. Les deux camps sont arrivés dans une sorte d’équilibre. Et même si du grignotage continue en certains endroits, les Russes sont dans l’incapacité de mener une opération décisive. L’enjeu, des deux côtés, est donc celui de la mobilisation des moyens.
FOB : Êtes-vous directement concernés par la réorganisation de l’OTAN ? L’adhésion de la Finlande et de la Suède a-t-elle des conséquences pour le CRR-Fr ?
GCA Gaulin : Je suis effectivement directement concerné. Une évolution de la chaîne de commandement a été réalisée et celle-ci continue d’être optimisée. Les plans sont revus de façon régulière. Ce qu’on appelle le « NATO Force Model », le modèle de forces de l’OTAN, est lui aussi adapté. Tout cela, j’y participe en tant qu’acteur car commandant d’une structure mise à disposition de l’OTAN par la France.
Cette évolution n’est pas quelque chose de neuf. Malgré les critiques régulières, l’OTAN est un outil qui s’adapte. La situation lui donne une pertinence extrêmement forte. Je suis d’ailleurs convaincu que nous lui devons une grande partie de notre sécurité. L’une des conséquences pour le WFC, c’est un recentrage sur des opérations de grande ampleur et la mise au second plan des formats SJO et NRF.
Si nous conservons la certification sur ces rôles de moindre ampleur, je pense que nous allons privilégier pour plusieurs années cette casquette de corps d’armée de combat. Nous serons dès lors davantage préparés pour tenir ce degré d’engagement. Il y aura également des restructurations internes parmi les PC et dans notre façon de travailler, le tout pour un rôle orienté très majoritairement vers la haute intensité. Le CRR-Fr ne changera pas fondamentalement, mais je continuerai de disposer de renforcements particuliers. À compter de cet été, j’intègrerai aussi de façon permanente du personnel de l’armée de l’Air et de l’Espace. C’est une autre manifestation de cette volonté de mieux agréger les effets des autres armées pour « casser » l’adversaire au plus loin et au plus fort.
La question de l’adhésion de la Suède et de la Finlande se joue pour l’instant au niveau de l’OTAN et non du corps d’armée. Tous deux sont plutôt orientés vers leurs zones. Il n’y a pas encore de contacts directs avec le CRR-Fr mais nous participons à des réunions communes. Il y a peu, le CRR-Fr organisait les sessions Vauban, un séminaire annuel lors duquel nous avons discuté du commandement des opérations futures et pour lequel j’ai fait intervenir des officiers suédois et finlandais. Leurs connaissances et leurs savoir-faire m’intéressent.
FOB : Le CRR-Fr se projette désormais jusqu’en 2030. Quel est le principal défi identifié ?
GCA Gaulin : Selon moi, le principal défi est celui de la structuration des PC en termes de protection, de résilience et d’adaptation aux technologies nouvelles. Le cyber, le champ électromagnétique doivent être davantage intégrés. Nous travaillons aussi à amener l’intelligence artificielle dans certains domaines, dont celui du renseignement. Nous cherchons à être plus efficaces pour avoir la bonne information au bon moment, la bonne réaction au bon moment. Derrière l’adaptabilité, l’un des autres enjeux restera celui de l’intégration des forces alliées et des nouveaux domaines technologiques. Le tout, sans s’éparpiller.
Cette chaîne C2, nous allons entre autres l’entraîner lors de l’exercice Warfighter 2025 organisé aux États-Unis. Notre rôle consistera à appuyer la 1ère division de Besançon, engagée pour l’occasion au sein d’un corps d’armée américain. Nous avons travaillé ensemble durant un an, permettant à cette division d’atteindre un niveau de préparation très satisfaisant. Ils iront peut-être encore plus loin avec le corps américain. Le CRR-Fr reste quant à lui d’alerte tout en continuant à participer à l’entraînement des divisions françaises, notamment lors des exercices majeurs « De Lattre » d’une 1ère division centrée sur l’Europe et « Monsabert » d’une 3ème division orientée vers le reste du Monde. À ces occasions, le CRR-Fr reviendra dans un rôle de SJO et non de WFC, ce qui démontrera à nouveau sa capacité à évoluer d’un échelon à l’autre et à intervenir dans tous les cadres et scénarios de mission potentiels.
Nîmes en fête à l’occasion des 40 ans de la 6e Brigade légère blindée
Rendez-vous le samedi 20 avril prochain pour les 40 ans de la 6e Brigade légère blindée. 6e BLB
Ce samedi 20 avril, tous les regards sont tournés vers la ville de Nîmes qui va célébrer en grande pompe le 40e anniversaire de la 6e Division Légère Blindée. Un événement marquant dans l’histoire militaire, promettant un programme riche et varié : colloque, démonstrations militaires, exposition de matériel, concert de la Légion Étrangère… Un rendez-vous incontournable !
Le 20 avril prochain marquera un moment particulier dans l’histoire de la 6e Brigade Légère Blindée (6e BLB) avec une journée commémorative riche en événements. Cet anniversaire exceptionnel sera l’occasion de célébrer les 40 ans d’engagement opérationnel de la brigade, et d’apprécier ses évolutions.
Au programme :
De 9 h à 13 heures– Colloque dans l’auditorium de Carré d’Art : Un colloque captivant débutera la journée, accueillant des personnalités éminentes telles que M. François Sureau, membre de l’Académie Française, ainsi que les généraux Bernard Janvier, Robert Rideau et Pierre Gillet. Au programme, des discussions sur l’histoire militaire de Nîmes, les 40 ans d’engagements opérationnels et les évolutions de la 6e BLB.
De 10 h à 18 h – Stands militaires et partenaires sur le parvis des Arènes et l’Esplanade : Les visiteurs auront l’opportunité de découvrir de près le matériel utilisé par les différents régiments de la 6e BLB, y compris des véhicules emblématiques tels que le véhicule blindé Griffon et l’engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar.
De 15 h à 18 h – Déambulations musicales en centre-ville de Nîmes : Les rues de Nîmes résonneront aux sons des troupes de Marine, de la Légion Étrangère et de la fanfare des Spahis, offrant une ambiance festive à tous les participants
De 19 h 30 à 22 h 20 – Soirée aux Arènes : La journée se clôturera en beauté avec une soirée mémorable aux Arènes, comprenant des aubades musicales, des prises d’armes et la diffusion d’un court-métrage. Enfin, des démonstrations militaires dynamiques et des projections de vidéos plongeront les spectateurs au cœur d’une véritable opération militaire, en toute sécurité.
L’occasion également, pour les visiteurs,de se renseigner sur le Cirfa, la Légion Étrangère, la Réserve Opérationnelle.
7 500 militaires répartis en 7 régiments
Depuis sa création à Nîmes en 1984 en tant que 6e Division Légère Blindée, cette dernière a été sur tous les fronts : de l’ex-Yougoslavie à l’Afrique, de l’Afghanistan au Levant, de la bande sahélo-saharienne au flanc-Est de l’Europe, elle a laissé son empreinte dans les théâtres d’opérations les plus divers.
Fortement enracinée dans le sud de la France, avec son état-major basé à Nîmes, la 6e Brigade Légère Blindée est la pièce maîtresse des forces opérationnelles terrestres du front méditerranéen. Avec près de 7500 militaires répartis en 7 régiments, elle incarne la puissance et la polyvalence des forces françaises.
La 6e Brigade Légère Blindée incarne, en somme, l’excellence opérationnelle et l’engagement inébranlable de l’armée française. Avec 40 ans d’histoire et d’expérience, elle continue de relever les défis contemporains tout en préparant l’avenir, assurant ainsi la sécurité et la défense des intérêts nationaux et internationaux.
Mise au point du Général Jean Claude Lafourcade suite à la déclaration du Président Macron du 4 avril 2024
« La France aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains mais n’en a pas eu la volonté » (Pdt Macron)
En tant qu’ancien commandant de l’opération Turquoise je peux témoigner que la France a eu la volonté de rétablir la paix et d’arrêter le génocide au Rwanda.
Dès le début de l’agression du Rwanda par le FPR tutsi, le Président Mitterrand a eu la volonté constante de rétablir la paix et de mettre fin au conflit en imposant des négociations au Président Hutu Habyarimana. Les accords d’Arusha en 1993 ont permis d’arrêter les combats et d’instituer un partage du pouvoir avec l’installation d’un bataillon du FPR à Kigali. Une force de l’Onu de 2.500 hommes, la Minuar, a été mise en place pour contrôler ces accords. Tous les soldats français ont alors quitté le Rwanda.
L’attentat sur l’avion du Président rwandais le 6 avril 1994 a été l’événement déclencheur des massacres et du génocide. L’ONU, sous la pression des occidentaux et du FPR, a alors inexplicablement retiré l’essentiel des troupes de la Minuar alors qu’elle aurait pu arrêter les massacres. Comment ne pas penser que les américains et les britanniques voulaient laisser le champ libre à Kagame dans sa conquête du pouvoir. En effet ces occidentaux, lorsque les massacres ont pris de l’ampleur, ont refusé d’intervenir. C’est la France la première qui, dès le mois de mai, reconnait un génocide et décide d’une intervention avec la Force Turquoise sous mandat de l’ONU malgré l’opposition du FPR et de la Minuar. Aucun de ses « alliés occidentaux » ne s’est joint à elle.
L’opération Turquoise a été la manifestation de la volonté de la France d’arrêter le génocide et le nier n’est pas acceptable pour les soldats qui ont rempli cette mission difficile avec courage et honneur. Mais les blocages des américains à l’Onu n’ont permis l’intervention Turquoise qu’au mois de juin, laquelle, bien que tardive, a arrêté le génocide et sauvé plus de 15.000 vies rwandaises.
Pourquoi refuse-t-on de s’interroger sur l’absence de volonté des occidentaux d’arrêter le génocide alors que la France était la plus mal placée pour le faire compte tenue de ses accords de coopération précédents avec le Rwanda ?
Général (2S) Jean-Claude LAFOURCADE Lille le 5 avril, 2024
Depuis les accords de Dayton, conclus en 1995, la Bosnie-Herzégovine comprend deux entités autonomes – la Fédération croato-bosniaque et la République des Serbes de Bosnie [Republika Srpska, RS] – chapeautées par une présidence collégiale assurée, à tour de rôle, par trois responsables représentant chacun leur communauté et élus au suffrage universel direct.
Nommé par le Conseil de mise en œuvre des accords de paix et devant rendre compte de la situation devant le Conseil de sécurité des Nations unies, un haut représentant international est chargé de s’assurer du bon fonctionnement des institutions bosniennes.
Enfin, le volet militaire relève de la force de l’Union européenne [EUFOR] Althea, laquelle a pris la suite de la SFOR, la force de stabilisation de l’Otan, en 2004. Son mandat autorisant sa présence en Bosnie-Herzégovine a été renouvelé par le Conseil de sécurité en novembre dernier.
Cependant, ce dispositif n’a pas mis un terme aux tensions entre les trois communautés. Tensions pouvant par ailleurs être attisées par des ingérences extérieures. Ces dernières années, dirigée par Milorad Dodik, dont les sentiments pro-russes ne sont pas un mystère, la Republika Srpska tend à prendre de plus en plus de distance à l’égard de Sarajevo. Ira-t-elle jusqu’à proclamer son indépendance et à souffler sur les braises d’un conflit mal éteint ?
Un tel scénario ne pourrait que déstabiliser les Balkans occidentaux, qui, selon la Revue stratégique française, représente un « enjeu majeur pour l’Europe et pour la sécurité de l’ensemble du continent », notamment à cause de leurs faiblesses, susceptibles d’être exploitées par des « État tiers » ainsi que par les groupes criminels et terroristes.
Aussi, peu après le début de la guerre en Ukraine, l’effectif d’EUFOR Althea fut significativement renforcé, passant de 600 à 1100 militaires. Et le groupe aérien [Gaé] du porte-avions Charles de Gaulle effectua plusieurs patrouilles dans l’espace aérien bosnien.
Actuellement, la situation en Bosnie-Herzégovine est toujours tendue. Fin mars, le chef des Serbes de Bosnie a menacé de bloquer les institutions centrales du pays si le haut représentant international – l’allemand Christian Schmidt – ne retirait pas sa réforme de la loi électorale, censée empêcher les irrégularités.
Quoi qu’il en soit, les forces françaises n’ont que très peu été présentes dans les Balkans, notamment depuis la fin de leur mission au Kosovo, en 2014. Mais cette année, l’armée de Terre arme une « force de réserve stratégique » européenne, susceptible de renforcer à tout moment le Bataillon multinational sur lequel repose EUFOR Althea. Or, celle-ci vient d’être déployée en Bosnie-Herzégovine pour une période d’un mois, dans le cadre de l’exercice « Méléagre » [le fils d’Althée, selon la mythologie].
Cette « force de réserve stratégique » se compose d’un état-major tactique, d’un escadron de reconnaissance et d’intervention, d’un groupe d’infanterie et d’un groupe du génie fournis par le 5e Régiment de Dragons, implanté à Mailly le Camp. Elle est complétée par des pelotons roumains et italiens.
«Environ 250 soldats et leur équipement seront déployés par voie aérienne, ferroviaire et routière. Le processus de déploiement [ROMSI – Receiving, Staging, Onward Movement and Integration] fera également partie de l’exercice », explique le commandement d’EUFOR Althea, pour qui l’arrivée de cette force de réserve stratégique témoigne de l’engagement de l’UE envers la Bosnie-Herzégovine à maintenir un « environnement sûr et sécurisé ».
Et d’ajouter que l’unité française effectuera des patrouilles et s’entraînera avec les forces de l’EUFOR et les éléments des forces armées de Bosnie-Herzégovine « afin d’accroître la coopération et l’interopérabilité. »