Dans le cadre du plan Altaïr, dévoilé en 2022, la Brigade des Forces spéciales Air [BAFSA], la Brigade aérienne d’appui et de projection [BAAP] et la Brigade aérienne de l’aviation de chasse [BAAC] ont quitté le giron du Commandement des force aériennes [CFA] pour être ratachées directement au chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace [CEMAAE].
« Cette évolution supprime un échelon hiérarchique, simplifie le dialogue et accélère la prise de décision et les arbitrages par le niveau central », a ainsi récemment justifié le général Vincent Coste, l’actuel « patron » de la BAAC, laquelle devrait bientôt assumer la responsabilité des systèmes de défense sol-air, lesquels relèvent actuellement de la Brigade aérienne du contrôle de l’espace [BACE] et de la Brigade aérienne des systèmes d’armes et de la logistique [BASAL].
Cela étant, son périmètre s’étant réduit avec ces mouvements, le CFA va donc disparaître pour être remplacé par un « Commandement territorial de l’armée de l’Air et de l’Espace » [CTAAE]. Cette réforme se concrétisera en septembre 2023, sur la base aérienne [BA] 106 de Bordeaux-Mérignac.
Pour rappel, le CFA a fait l’objet de plusieurs réformes au cours de ces dernières années. En 2016, il avait ainsi fusionné avec le le Commandement du soutien des forces aériennes [CSFA] à l’occasion de son arrivée sur la BA 106, en provenance de la BA 102 de Dijon Longvic, dont la fermeture était alors programmée.
Quoi qu’il en soit, ce CTAAE sera « une des clés de voûte » qui permettra à l’armée de l’Air et de l’espace de « rester au rendez-vous des opérations », assure le ministère des Armées, via un communiqué diffusé ce 22 mars. Et d’ajouter : « Défense-sécurité, protection défense, appui au fonctionnement des bases aériennes, coordination technico-logistique ou encore rayonnement territorial » relèveront désormais de sa responsabilité.
Ce nouveau commandement s’inscrira dans le « sillon de son prédécesseur en étant étant responsable de la coordination technico-logistique et de l’appui au déploiement », poursuit le ministère des Armées. Et la nouveauté sera que ce CTAAE prendra la « responsabilité opérationnelle sur le champs ‘protection-défense’ et dans « son rôle fondamental d’appui de proximité au profit des bases aériennes, de leurs unités et de leur personnel ».
En outre, le CTAAE se verra confier le « pilotage et la gestion » des missions auxquelles prennent part les aviateurs sur le territoire national, comme Sentinelle et Hephaistos [lutte contre les feux de forêt].
Concilier le métier de militaire avec une vie familiale épanouie n’est pas toujours évident, notamment en raison des absence du foyer, parfois longues mais souvent fréquentes, dues au rythme des missions et aux impératifs de formation ou de préparation opérationnelle. En outre, les mutations perturbent la scolarité des enfants ainsi que la carrière professionnelle du conjoint… Et, par ailleurs, il n’est pas toujours évident de trouver un logement dans la nouvelle ville de garnison, à cause des tensions sur le marché de l’immobilier. Le « célibat géographique » peut être une solution… Mais il n’en reste pas moins qu’il induit d’autres contraintes.
D’où la hausse des divorces chez les militaires, qui avait été constatée en 2017. Et cela joue évidemment sur le moral… ainsi que sur la fidélisation… Et donc sur les « ressources humaines » des Armées. Pour y remédier, l’ex-ministre des Armées, Florence Parly, avait fait du « Plan Famille » l’un de ses chevaux de bataille. Doté d’environ 300 millions d’euros pour la période 2018-22, il prévoyait l’application de douze mesures visant à faciliter les déménagements, à changer les pratiques en matière de mutations, à simplifier les démarches adminstratives, etc..
« Le bilan […] des trois premières années de mise en application du plan étant très positif, il gagnerait [cependant] à mieux être connu aussi bien des familles que des militaires eux-mêmes. Si l’ensemble des mesures du dispositif est plébiscité par la communauté de défense, ce bilan positif ne doit pas occulter le fait que des difficultés quotidiennes majeures demeurent pour les militaires et les familles – difficultés concernant en particulier le logement, la scolarisation des enfants, l’emploi des conjoints et l’accessibilité aux soins », avaient estimé les députées Séverine Gipson et Isabelle Santiago, dans un rapport remis en novembre 2021.
Alors que la prochaine Loi de programmation militaire [LPM] sera dotée de 413 milliards d’euros, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, entend accentuer l’effort fait pour améliorer la condition militaire… avec une enveloppe de 750 millions d’euros pour financer les mesures du Plan Famille n°2 [.pdf]. Celui a été présenté au Conseil supérieur de la fonction militaire [CSFM], réuni en session plénière le mercredi 1er février.
Ainsi, ce nouvelle mouture du Plan Famille se décline selon trois axes : « simplifier et renforcer l’accompagnement des mobilités des militaires », « mieux prendre en compte les contraintes opérationnelles et les absences au travers de l’action sociale » et « améliorer la vie quotidienne des familles dans les territoires ». Et il comprend près de vingt mesures, qui vont de l’accompagnement vers l’emploi pour les conjoints à la garde d’enfants, en passant par la pérennisation de réductions tarifaires pour le transport ferroviaire [un dispositif menacé par l’ouverture à la concurrence, ndlr].
« Ce nouveau plan Famille se concentre entièrement sur les militaires et leur famille. Il vise à limiter les impacts des engagements opérationnels et des mutations fréquentes sur la vie personnelle, familiale et professionnelle. [Il] illustre un changement de culture pour engager les collectivités dans l’accueil et l’accompagnement des familles ainsi que pour mieux connecter les armées aux territoires », résume le ministère des Armées.
Mais l’approche pour mettre en œuvre ce plan va changer. En effet, désormais, le commandement local aura plus de latitude pour « mener des actions en faveur des familles ».
Ce qui est logique : durant la crise du covid [et le confinement], c’est à cet échelon que des des dispositifs d’entraide avaient été mis en place au profit des familles… Pour cela, explique le ministère, le « commandement local disposera de davantage de moyens » et « ira au contact des élus locaux pour favoriser la pleine intégration des familles des militaires mutés au sein de leur nouvelle garnison d’affectation ».
« En donnant des moyens d’action aux unités et en mobilisant les collectivités locales et les services de l’État dans les territoires au bénéfice des familles, le plan Famille 2 permettra à chaque base, à chaque régiment, à chaque formation d’apporter les réponses les plus adaptées, au plus près des besoins du terrain », résume-t-il.
HEMEX Orion (voir mon post), le grand exercice militaire de 2023, vise à « entraîner les armées françaises dans un cadre interarmées et multinational, sur un scénario pouvant aller jusqu’à la haute intensité, qui implique une coordination multi-milieux et multi-champs avec l’ensemble des domaines émergents (influence, supériorité informationnelle, cyber…) ».
Orion va intégrer des entreprises privées qui ont contribué à son élaboration ou qui prendront part à son déroulement. Ces externalisations restent limitées mais elles méritent d’être signalées.
Ainsi, la phase 3 d’HEMEX Orion porte sur les « travaux civilo-militaires« . Cette phase, qui aura lieu de la mi-mars à la fin mars, s’articule autour de 5 thèmes: 1) soutien civil à l’engagement des armées via des acteurs publics et privés, 2) droit et normes: les contraintes, 3) RH et réserves, 4) rétroaction sécuritaire sur le territoire national, 4) communication et lutte informationnelle.
Le thème 1 est indiscutablement lié au concept d’externalisation. Il reconnaît la nécessité d’un soutien civil aux armées engagées dans l’exercice mais aussi, dans une perspective plus large, dans toute opération qu’elle soit de haute intensité ou pas. Ce soutien, comme l’a bien rappelé un général de la division Emploi des forces lors d’un briefing de 2022, concerne l’apport des acteurs publics et privés. Ces derniers disposent d’équipements et offrent des prestations que ce soit dans le transport, le stockage, l’énergie, la restauration, le logement, le génie civil et même l’assistance médicale. Et, comme en témoignent de nombreux posts sur ce blog, de nombreuses armées ne rechignent pas à utiliser ces capacités…
ORION, d’autres externalisations
Pour l’élaboration du scénario, le ministère français des Armées a fait appel à une société canadienne, Calian, qui fournit « des solutions de simulation et d’entraînement pour les forces armées » et qui est « spécialisée dans la simulation de situations de haute intensité ». Calian est donc à ce titre une ESSD: une entreprise de services de sécurité et de défense.
Une société française, Crisotech (filiale de Deveryware), a été retenue, quant à elle, pour l’animation de l’environnement opérationnel dans les phases 3 et 4 d’Orion. Sa GREY CELL, composée d’une douzaine d’experts, sera chargée de « simuler les organisations gouvernementales d’Arnland », pays qui va donc être attaqué et en partie envahi, ce qui provoquera des mouvements de réfugiés, des déplacés et des prisonniers de guerre. Crisotech animera aussi l’exercice AsterX 2023 (le premier date de 2021) qui se tiendra en parallèle d’Orion et qui contribuera de nouveau à l’entraînement du commandement de l’Espace.
Enfin, lors de la phase 2, l’exercice verra la participation d’une force adverse (FORAD), armée par des unités françaises et alliées, dimensionnée en conséquence. L’ESSD ARES (ex-SDTS) sera engagée avec ses avions lors de cette phase d’actions aéronavales en Méditerranée. ARES fournira des plastrons.
La log à la peine.
De récents déboires en Roumanie (voir mon post) ont démontré le manque de moyens des forces armées en matière de restauration, hébergement etc. Comment va-t-on accueillir, nourrir, loger, les milliers de soldats déployés dans l’est de la France en particulier? Pour les logisticiens et le Commissariat, c’est un casse-tête dont certains cadres n’hésitent pas à faire part. Le COM LOG pourrait ainsi envisager de sous-traiter certaines fonctions de transport (carburant entre autres).
Solde et salaire sont deux choses différentes. Si les militaires perçoivent une solde, c’est pour payer le prix du sang, différenciant leurs activités des autres activités rémunérées.
Les militaires (incluant les gendarmes) ne perçoivent pas un salaire mais une solde. Si le salaire est le prix du travail, depuis Napoléon la solde est le prix du sang.
Un léger malentendu…
Un militaire perçoit une solde non pour produire un bien ou rendre un service marchand, mais pour se préparer à défendre la Nation, y compris par la violence et au péril de sa vie, en obéissant aux ordres donnés par ses représentants légitimes.
Légalement, un militaire n’a pas d’horaires de travail (dans la pratique quotidienne, des horaires ont été calqués sur ceux du monde civil). Un chef militaire peut ordonner jour et nuit, 365 jours par an, des actions dangereuses pour la vie de ses subordonnés (et pour la sienne) dans le cadre de la mission qui lui est confiée.
En revanche, un chef d’entreprise peut aller en prison s’il met sciemment en danger la vie de ses salariés.
Des élèves-officiers britanniques avaient été interrogés pour savoir, selon eux, quel métier civil se rapprocherait le plus de leur future situation de chef militaire. Beaucoup ont répondu : « chef d’entreprise »…
Un chef militaire n’est pas un chef d’entreprise !
D’abord, un chef d’entreprise doit gagner l’argent, ou l’emprunter, pour investir, payer les salaires et, éventuellement, engranger des bénéfices. Le militaire, lui, ne fera jamais fortune mais il est régulièrement payé par l’Etat, et il n’achète pas le matériel qu’il utilise.
Ensuite, les militaires ont le pouvoir, et même parfois le devoir, de tuer au nom de la Nation qui l’ordonne en lui confiant une mission. Ils ne sont pas seulement des gestionnaires de moyens alloués par la Nation ou des « managers » de leurs subordonnés.
La communication des armées a elle-même contribué à rendre ambigüe cette perception de « l’état militaire ». Des campagnes de recrutement ont été centrées sur le monde civil (apprendre un métier, se consacrer à des actions humanitaires, faire du sport,…). Elles étaient certes utiles pour recruter massivement, mais ces « publicités » étaient en décalage avec les rudes réalités des opérations extérieures.
La préparation au combat n’est pas seulement un apprentissage technique, ni un simple entraînement sportif pour se former physiquement et mentalement, c’est surtout un engagement personnel jusqu’au « sacrifice suprême » au service de son pays et de la défense de ses valeurs (démocratie, liberté,…).
Les militaires sont destinés au combat
Et le combat sort du monde ordinaire, il est « extraordinaire » au sens littéral. Il porte ses propres règles, différentes de celles qui régissent l’état de paix. Il bouleverse les circonstances habituelles, les perceptions, les réactions et, in fine, l’être même.
Au combat, il faut faire face à l’horreur et surmonter la peur. La proximité avec le danger et la mort agit comme un révélateur. Des hommes et des femmes ordinaires ont soudain des comportements extraordinaires pour défendre des intérêts aux contours parfois flous. Ils acceptent des efforts « hors normes » pour affronter collectivement une réalité violente loin du monde individualiste et hédoniste habituel.
Les militaires répondent aussi à des impératifs personnels : la soif de découverte, l’envie d’aventure, d’action, de se dépasser, le rejet d’une société aseptisée, et le besoin d’être intégré dans un groupe humain rendu solidaire par des épreuves partagées.
C’est souvent principalement pour ces raisons qu’ils acceptent de s’engager dans des combats difficiles, avec des moyens parfois rustiques, et de souffrir en silence.
Les médias communiquent volontiers sur un mode compassionnel et sont promptes à dénigrer l’Armée si un soldat se conduit mal, mais ils « oublient » parfois (souvent ?) d’honorer ces nombreux jeunes Français qui incarnent aussi des vertus de calme, d’effort, de volonté, et de courage.
Le soldat de la Paix
L’ère sympathique, mais quelque peu utopique, du « soldat de la paix » est maintenant dépassée.
Certes, il œuvre pour la paix mais sous la pression des évolutions géopolitiques, le mot guerre n’est plus tabou. La population française redécouvre que des crises et des guerres existent toujours partout dans le monde, provoquant des ruines, des blessés et des morts.
Paradoxalement, malgré cette prise de conscience, les moyens militaires de la France en hommes et en matériels ont diminué ces dernières années. Nos responsables politiques, parfois aveuglés par notre « supériorité technologique », parfois virtuelle, imaginent que les conflits vont s’apaiser d’eux-mêmes, comme par miracle.
Un pays qui oublie la finalité de ses armées et les réalités du combat est condamné à se perdre. Certains espèrent que « d’autres », parfois méprisés, iront spontanément s’exposer à leur place pour faire face au danger lorsqu’il surgira. Mais combien « d’enfants de la Patrie » accepteront avec entrain de se lever et de mettre leur vie en péril, sans y être préparés, quand nos intérêts et nos libertés seront menacés ?
Négliger les valeurs du combattant face à des adversaires de la démocratie qui exaltent à l’extrême des valeurs guerrières sur fond d’idéologie (religieuse ou non) crée un décalage dangereux. « Contre nous (les démocrates), l’étendard sanglant de la tyrannie est levé ».
Dans un monde qui n’a jamais cessé d’être turbulent, voire violent, les critères de discipline, d’abnégation et de dévouement font la force du militaire. Ces valeurs constituent un modèle de plus en plus prisé par une société, notamment des jeunes, en quête de repères.
L’État verse une solde aux militaires pour accepter sur ordre de verser leur sang, et aussi pour assumer le sacrifice ultime des autres, pour la défense des intérêts de la Nation.
Sur les canons du roi Louis XIV était gravée la locution latine « Ultima ratio regum » : le dernier argument du roi.
La guerre en Ukraine et les recrutements liés à la cyberdéfense ont fait grimper les effectifs de l’armée française ces dernières années.
Mais l’institution militaire a des difficultés à loger ses nouveaux arrivants.
A Rennes, les projets de ventes de foncier à la ville ont tous été abandonnés.
Le panneau imaginaire « à vendre » a été décroché. A Rennes, l’imposante caserne Foch semblait promise à un rachat par la métropole, qui rêvait de récupérer les sept hectares et 50.000 m² de bâtiments construits pour en faire un nouveau quartier résidentiel. Il n’en sera rien. « Nous ne sommes plus vendeurs », assure l’état-major de l’armée rennaise. Si le site militaire suscitait tant de convoitises, c’est qu’il présente de sérieux atouts.
Implanté à quelques minutes de marche du centre-ville, il fait partie des dernières grandes réserves de foncier de la capitale bretonne. Depuis la transformation des quartiers champignons de la Courrouze, de Baud-Chardonnet et de Beauregard, Rennes ne possède plus de grandes friches pour se développer. Elle doit se reconstruire sur elle-même et a l’habitude de solliciter les « grands propriétaires » pour négocier. Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, l’armée n’est plus intéressée pour vendre.
A l’image de la SNCF ou de l’Eglise, l’armée est pourtant bien dotée en foncier avec ses multiples implantations. De la Direction générale de l’armement (DGA) à Bruz, au site de la Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande en passant par les casernes Foch et Margueritte, l’institution militaire dispose d’un important vivier pour faire travailler environ 6.000 personnes, dont deux tiers de civils. Mais contrairement à ce qu’elle envisageait il y a dix ans, elle n’est plus disposée à s’en séparer. « Le contexte a changé depuis 2010. Nous avons dû reconsidérer toute notre implantation à Rennes et autour. Aujourd’hui, nous avons besoin de foncier et nous devons le conserver », assure le général Laurent Michon, qui commande la zone de défense et de sécurité ouest.
« Nouveau contexte »
Dans ce « nouveau contexte », il y a bien sûr la guerre en Ukraine, qui met l’ensemble des armées européennes en alerte et nécessite une pleine mobilisation de ses effectifs. Spécialisée dans l’information et la cyberdéfense, Rennes est au premier plan de cette mission de surveillance. Mais, si l’armée ne souhaite plus céder son foncier, c’est avant tout pour un problème que bon nombre d’habitants de la métropole subissent aussi : la difficulté à se loger. « Nous avons besoin de logements pour nos soldats et leurs familles. C’est un réel problème pour nous, notamment pour recruter. Dans l’armée de terre, 70 % des gens sont en CDD. Ils ne trouvent pas où se loger ou doivent s’éloigner à 30, 40 ou 50 kilomètres de leur lieu de travail », poursuit le général Michon.
D’après lui, cet éloignement a des conséquences financières sur le pouvoir d’achat des militaires. Mais il peut aussi avoir un impact sur leur implication au travail. « Si un soldat sur le terrain sait que sa famille va bien, qu’elle est bien logée, que son ou sa partenaire a du travail, il sera mieux en opération », ajoute-t-il.
Le problème du logement des soldats n’attise pas non plus l’attractivité de l’armée, qui se doit de vite recruter, notamment dans le domaine de la cybersécurité. Depuis 2018 et jusqu’en 2025, 1.800 emplois auront été créés dans la cybersécurité au sein de la métropole rennaise, d’après une enquête de l’Insee dévoilée l’an dernier. « On construit déjà de nouveaux bâtiments pour les accueillir, mais il faut aussi les loger. Il y a une déconcentration de nos effectifs au niveau national, et Rennes doit y faire face », prévient le général.
« On ne manque pas de projets »
Face à cette nouvelle donne, la ville assure être en capacité de s’adapter. « On ne manque pas de projets. On discute avec la SNCF pour Solférino ou l’ancien technicentre. On doit aussi échanger avec les universités qui ont pas mal de foncier à Beaulieu », assure Marc Hervé, adjoint à l’urbanisme. Ce dernier n’a pas encore abandonné l’idée de récupérer un morceau de la caserne Foch. « Il faut voir comment le site peut muter », précise l’élu socialiste.
Dans notre précédente publication, le n°202 du 2 décembre, nous vous avons présenté la première partie de la vaste étude de Martine Cuttier sur la féminisation dans les armées. Elle y montrait comment, au cours des 40 dernières années, le pouvoir politique avait imposé à une hiérarchie militaire réticente l’idée de cette féminisation. Elle fait état, ici, des mesures prises en faveur d’une mixité voulue et de ses conséquences, en soulignant le ressenti des femmes militaires elles-mêmes.
En 2019, la ministre des Armées Florence Parly, qui est très déterminée, publie le Plan Mixité. Les femmes représentent alors 15,5 % du total des militaires. Elles sont 30 % au secrétariat général pour l’Administration (SGA), 23 % dans l’armée de l’Air, 14 % dans la Marine et 10 % dans l’armée de Terre.
Elles sont 58 % (dont un très gros tiers médecin) dans le service de santé (SSA), commandé par une femme, le médecin général Maryline Gygax-Généro, 40 % dans les postes de gestion, de soutien et de relations humaines, et 4 % à l’opérationnel. Par catégories, elles représentent 15 % des officiers, 18 % des sous-officiers et 13 % des militaires du rang. En 2022, 51 femmes sont officiers généraux (hors contrôle général), elles étaient 30 en 2016.
Le Plan a été conçu en concertation avec les Armées, la DICOD, l’association Avec les femmes de la défense et les corps d’inspection et de contrôle. Il s’est accompagné de consultations sous forme d’entretiens individuels, d’échanges collectifs, de tables rondes ayant concerné toutes les catégories, les directions, les services mais aussi les Conseils de la fonction militaire. Il a été présenté au Conseil supérieur de la fonction militaire le 23 janvier 2019.
Y aller, y rester, y évoluer.
Ce plan mixité s’appuie sur trois axes, « recruter, fidéliser, valoriser », déclinés en 22 mesures, fruit du travail du contre-amiral Anne de Mézieux, directrice auprès du DRH du ministère. Alors que seulement 8 % des femmes sont déployées en OPEX, son sous-titre, « la Mixité au service de la performance opérationnelle », n’est-il pas présomptueux ? Même question pour le très volontariste titre de la 1ère partie : « l’égalité femmes-hommes au ministère des Armées, un principe cardinal et une réalité quotidienne ».
Le dossier pour l’obtention du label « Égalité », déposé fin 2018, témoigne de l’engagement du ministère en faveur de l’égalité professionnelle. Constatant que depuis 2008 la proportion des femmes stagne entre les civiles (38 %) et les militaires (15,5 %), la ministre entendait prendre sa part de la volonté du président de la République, qui annonçait en novembre 2017 que l’égalité constituait « la grande cause nationale du quinquennat ».
Mais l’égalité des sexes doit-elle servir de finalité à une politique sociale ? Afin d’accroître les effectifs féminins, on recrute directement des femmes officiers en élargissant le recrutement sous contrat et sur les titres des grandes écoles. Pour éviter « l’évaporation des talents » comme le repli sur les métiers administratifs et de soutien, il est envisagé de modifier le Code de la défense pour intégrer les droits à l’avancement (dans la limite de cinq ans) en cas de congé parental ou de disponibilité pour élever un enfant. Y compris en prolongeant les créneaux d’accès aux temps de commandement et de responsabilité après absence pour raisons familiales. Il est prévu d’instituer un mentorat dans le but de fidéliser les militaires en les accompagnant mieux tout au long de leur carrière. Une gestion non pas dans les unités mais par des accompagnateurs situés hors hiérarchie. N’est-ce pas en contradiction avec le choix de privilégier les recrutements sous contrat ?
; La LMP 2019-2025 veille « à faciliter l’accès des femmes aux diplômes d’état-major et à l’École de guerre avec l’objectif de doubler la part des femmes parmi les officiers généraux d’ici 2025». En 2019, 7 % des officiers généraux sont des femmes. Ce taux s’explique par le recrutement et « l’évaporation des talents » au gré de la montée en grade car, rappelons-le, il faut une vingtaine d’années pour former un chef de corps. En 2018, parmi les 78 promus « colonel » au sein de l’armée de Terre, la seule femme était Valérie Morcel. « Forcément, cela a été un soulagement de me retrouver sur cette liste. C’est beaucoup de fierté et de pression. C’est un enjeu important dans le déroulement d’une carrière ». À l’été 2019, elle prend le commandement d’un régiment de transmissions et le colonel Catherine Busch, le 31e régiment du génie de Castelsarrasin. Et il faut 30 ans pour accéder aux étoiles après le passage par le CHEM.
Genre et compétence.
. Le sujet des examens et des concours est abordé dans la troisième partie du Plan sous l’angle de la fidélisation, alors que les mesures visent à renforcer la féminisation du haut encadrement. Objectifs : 10 % de femmes parmi les lauréats de l’École de Guerre d’ici 2025, 10 % de femmes parmi les officiers généraux en 2022, et, on l’a déjà dit, doublement de la part des femmes parmi les officiers généraux d’ici 2025. L’établissement de tels quotas n’est-il pas injuste, voire discriminant ? N’est-ce pas une façon d’humilier les femmes triées pour leur genre et non leur compétence, tout en accroissant un ressentiment masculin ? Pour le colonel Valérie Morcel : « Le combat se gagne avant tout sur la compétence », le colonel Catherine Busch ne dit pas autre chose lorsque, prenant le commandement du 31e RG, elle déclare à la presse locale «Le commandement, ce n’est pas une affaire de genre. » Elles revendiquent leur promotion pour leurs compétences et se montrent le plus souvent hostiles aux quotas. Faut-il traiter l’émancipation des femmes de façon idéologique et en faire une affaire de chiffres ? Autant de questions posées.
Encore faut-il que la hiérarchie accepte que la femme fasse ses preuves et acquière des compétences. Le cas de cet adjudant-chef parachutiste illustre l’évolution des mentalités et des comportements en une génération. Au début des années 1990, sortant bien classée de Saint-Maixent, elle choisit l’infanterie parachutiste. Elle se retrouve comptable à la BOMAP alors qu’elle voulait être chef de groupe et partir en mission. Elle y parvient et, lorsqu’elle dépose son dossier pour être moniteur, le capitaine éclate de rire. Commence « un combat de longue haleine ». Elle sort 1ère à l’issue des tests, mais son « dossier passe toujours en dessous car il y a des priorités. » À l’ETAP, elle est « la 1ère de l’armée de Terre » et doit « faire plus pour faire ses preuves ». En 1997, enfin moniteur, elle se retrouve au 1er RTP avec la spécialité largage. Elle largue donc mais, un jour, un légionnaire du 2e REP refuse son contrôle avant le saut. Mal lui en a pris, il écope de 10 jours d’arrêts. Puis, en 2005, l’ETAP la mute au cercle-mess où elle retrouve sa spécialité première alors qu’elle veut aller dans les régiments où les moniteurs manquent. Quand elle demande à intégrer la brigade parachutiste, même refus. Alors elle passe les qualifications de chef largueur et, après avoir participé au Grand Raid de la Réunion puis au Marathon des Sables, son chef accepte « à condition qu’elle joue le rôle de vitrine » de l’unité. Elle gagne et gravit les échelons jusqu’à saisir l’opportunité d’intégrer le 1erRPIMa, où elle poursuit les qualifications pour la logistique et le saut à très grande hauteur sous oxygène.
La communication institutionnelle
. Recruter, donner envie de s’engager, fidéliser en conciliant évolution professionnelle et vie privée, en mettant en valeur l’image féminine, c’est le job des communicants. Le PACharles-de- Gaulle partant en opération après deux ans de réparation, le JT de TF1 du 25 février 2019 présente des filles mangeant dans la bonne humeur, l’une montre sa couchette, l’autre est en passerelle au poste de commandement. Un esprit mal tourné pourrait conclure que l’équipage du PA est essentiellement féminin, alors qu’elles ne sont qu’une poignée. Sur FR3, le 20 mars, une publicité sur le recrutement dans l’armée de Terre n’affiche que des filles dans toute la diversité. Le magazine Enquête d’action diffusé sur W9 traite du stage d’instructeur commando du CNEC, à Montlouis. Sur les 25 stagiaires, l’accent est mis sur un lieutenant du 92e RI de Clermont-Ferrand et sur le sergent Christelle, venue de l’École de l’Air de Salon-de- Provence. Un homme et une femme pour l’équilibre, mais le reportage s’attarde sur le sergent qui réussit de justesse, classée avant-dernière mais quatrième femme à être allée au bout du stage. Présentée dans le Plan Mixité, elle est signalée comme la première femme de l’armée de l’Air à avoir obtenu cette qualification sans préciser son rang.
L’on aura compris que, dans chacune des armées, la communication sur le recrutement s’aligne sur une gestion des Relations Humaines très politique. Les éléments de langage traduisant la volonté politique semblent oublier que l’engagement militaire doit répondre à une vocation, et accepter que le métier militaire puisse être plus attirant pour les hommes que pour les femmes, tout comme la dimension « combat » attirer moins les femmes.
L’obsession ministérielle se traduit parfois de façon étonnante. Ainsi, la secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq, en visite à l’ETAP à Pau, demande à son commandant l’effectif des militaires féminines. Surpris, il répond selon l’usage, comme il avait entendu le chef d’état-major de l’armée de Terre le faire, en indiquant le nombre d’officiers, sous-officiers et militaires du rang. Une réponse qui la mécontenta.
La ministre veut un treillis pour femme enceinte, ce à quoi s’opposent les femmes. Beaucoup considèrent qu’il faut cesser de mettre des femmes partout comme dans le civil et, si elles sont d’accord pour lisser les tests physiques, ce qui revient à baisser les niveaux exigés pour les hommes et à augmenter ceux pour les femmes, elles considèrent que l’évaluation de la capacité opérationnelle doit être identique. Pour certaines, la ministre crée un fossé, alors que la mixité doit harmoniser les relations hommes/femmes. D’ailleurs la feuille Mixité demandée par l’Inspection de l’armée de Terre a montré que les idées des groupes de travail allaient dans le sens CEMAT, et pas du tout dans celui de la ministre.
Dans l’esprit de la ministre, le Plan Mixité visait à débloquer les verrous empêchant les femmes et particulièrement les officiers de poursuivre leur carrière. Il s’appuyait sur le Plan Famille de 2017 avec des mesures en faveur des femmes et des jeunes parents, afin de mieux concilier carrière et vie personnelle, dont la maternité.
(*) Martine CUTTIER. Docteur en histoire contemporaine, spécialiste des relations internationales et des politiques de puissance avec projection de forces. Elle a beaucoup travaillé sur les questions de sociologie militaire et les relations entre forces occidentales projetées et populations des pays considérés, notamment dans les pays africains en faisant le distinguo entre Français, Britanniques, d’une part, et Américains d’autre part.
Les femmes sont institutionnellement présentes dans les armées françaises depuis 1909, mais il a fallu attendre 1981 et l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République pour qu’elles y trouvent une vraie place. La récapitulation des textes réalisée en 2006 par l’Observatoire de la Féminisation permet de suivre les grandes étapes de leur accès à une institution traditionnellement masculine. Spécialiste d’histoire politique et militaire, l’auteur dresse un « état des lieux ». Dans cette 1ère partie, elle revient sur la façon dont le pouvoir politique a imposé la féminisation au haut commandement, et comment elle a été progressivement réalisée.
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Dans les sociétés humaines, le recours à la guerre revient à l’homme. La division sociale entre les sexes semble si naturelle que les normes sont intériorisées depuis l’enfance au sein des lieux de socialisation primaire : la famille et l’école. L’homme s’inscrit dans une domination symbolique par rapport à la femme, son opposée du point de vue morphologique, biologique et psychologique. La guerre est une activité « sexuée » des hommes, qui ne l’aiment pas car ils y meurent. Mais elle leur octroie la virilité, les fait accéder aux vertus : héroïsme, sens du sacrifice et de la discipline, patriotisme, courage, endurance, fraternité des armes. Le passage des jeunes hommes par la conscription servait de rite d’initiation pour entrer dans le monde des adultes.
La haute hiérarchie militaire est restée hostile à la présence féminine, par culture pour les générations n’ayant pas connu la mixité scolaire, par corporatisme car ce sont des métiers « entre hommes », et parce que le recrutement féminin accroît une concurrence déjà vive. Depuis quatre décennies, cette réalité a lentement évolué et la division sexuelle du travail social s’est lentement estompée laissant peu à peu place aux femmes.
Le volontarisme politique face au haut commandement
. La question de l’intégration des femmes est restée cantonnée entre les états-majors et le pouvoir politique. Jusqu’en 1981, elle était considérée comme un pis-aller pour pallier les difficultés de recrutement. Or la gauche la regarde comme une volonté de promotion de la femme au titre de l’égalité républicaine. Elle a une approche sociétale jusqu’à imposer une révolution culturelle à l’armée, qui se place du point de vue de la préparation au combat, la mission principale des armées, la conscription ne concernant que les jeunes hommes. Le haut commandement résiste en refusant les postes de « combat de l’avant » dans les armes de mêlée, mais en les admettant, avec des quotas, dans les armes de soutien et d’appui.
Le cas de la Marine diffère. Lorsque le ministre Hernu décide d’expérimenter l’embarquement des femmes, cela « fit l’effet d’une bombe », ce fut « un véritable traumatisme psychologique. » Car naviguer constitue le cœur du métier de marin, la clé de compréhension des comportements, des attitudes, des traditions. Même si le confort s’améliore, les conditions de vie à bord sont usantes et expliquent la tenue à l’écart des femmes.
Chantal Desbordes (qui sera la première femme nommée amiral, sans « e ») propose au directeur du personnel d’ouvrir le dossier « féminisation » et de prendre l’initiative afin « de combattre l’image conservatrice, voire rétrograde de la Marine ». Et, en cas d’acceptation du plan, de le mener selon le rythme et les modalités de la Marine. Brevetée de l’École de guerre navale, apte à intégrer le « club » très fermé des futurs dirigeants de la Marine, elle a acquis une réelle crédibilité, et son chef l’écoute. En un an, un groupe mixte a bâti un dossier à partir d’une expérimentation qui a concerné 40 femmes embarquées sur des bateaux sans équipement spécifique.
En 1993, la mixité est appliquée pour la première fois selon des quotas sur des navires aménagés au gré des réparations. Ainsi la presque totalité des spécialités d’équipage et les concours de recrutement d’officiers à l’École navale sont ouverts sur la base d’un quota de 10%. Dans la continuité, une femme prend le commandement d’un bâtiment de surface, suivie de quelques autres « pachas » et six bâtiments ont des équipages mixtes. L’armée de l’Air, moins prisonnière des traditions, accorda rapidement une place aux femmes.
Avec la fin du service militaire
. Lorsque le président Jacques Chirac annonce la suspension de la conscription et la professionnalisation des armées, votées par un gouvernement de cohabitation, en 1997, 7,5 % des personnels d’active sont féminins. Véritable rupture pour l’armée suivant l’évolution de la société dont elle est le reflet, elle puise dans le vivier commun du marché de l’emploi où les femmes sont présentes dans tous les secteurs d’activité. Le décret du 16 février 1998 fait sauter tous les verrous en supprimant les quotas féminins de l’ensemble des statuts particuliers des différents corps d’officiers et de sous-officiers de carrière. Toute une série d’arrêtés lève les restrictions aux spécialités. Dans l’armée de l’Air, celui d’avril 1998 permet aux femmes de les atteindre toutes. Caroline Aigle est pilote de chasse dans un escadron de combat en 1999 et neuf femmes deviennent commandos de l’Air.
; Dans la Marine, en 1999, la restriction d’emploi dans les équipages d’avions embarqués est levée tout comme le volontariat à l’embarquement. En 2001, la filière fusilier-commando est ouverte. Dans l’armée de Terre, seule la Légion étrangère reste un bastion masculin. Dans la Gendarmerie, l’arrêté de novembre 1999 permet d’admettre des femmes dans la Garde Républicaine et au GIGN. Mesure symbolique, en 2000, des femmes embarquent sur le PA Charles-de-Gaulle et une femme pilote est qualifiée pour l’appontage. L’arrêté de décembre 2002 maintient la restriction d’emploi dans la Gendarmerie mobile et les sous-marins jusqu’à ce que les Barracuda de dernière génération, livrés à partir de 2018, soient équipés de sanitaires séparés.
Quant aux épreuves sportives communes aux concours d’entrée aux grandes écoles de recrutement d’officiers, l’arrêté de décembre 1998 rappelle que « les épreuves sportives sont identiques pour les hommes et pour les femmes, mais font l’objet d’une cotation à l’aide de barèmes spécifiques à chacun des deux sexes ».
En 2002, alors que la professionnalisation s’organise, le président Chirac désigne Michèle Alliot-Marie à la fonction de ministre de la Défense. Elle symbolise la féminisation de l’institution à une époque où la force physique cède la place à la maîtrise de la technologie. Les armées françaises occupent alors la seconde place, en Europe, avant la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, avec 8,5 % de femmes servant en qualité d’officiers, de sous-officiers et d’engagées.
Jusqu’à une date récente, lorsque l’on évoquait la parité, les réticences à la féminisation restaient liées à la culture d’une institution où le modèle du leader était fondé sur une conception charismatique du chef, quand la définition du commandement évoluait vers le « management ». Ensuite, la présence féminine accroît la concurrence vers les fonctions de commandement dont le nombre diminue, à cause de la professionnalisation et des réductions budgétaires imposées par les LPM. Un lieutenant-colonel ne cachait pas son amertume de ne pas avoir obtenu un commandement régimentaire dans son arme des Transmissions octroyé à une femme. Elle eut certes un commandement mais particulier, car sa mission fut de dissoudre le 18e RT de Caen. Son temps de commandement dura un an et non deux, à l’issue duquel elle plia le drapeau et ferma la boutique.
La femme militaire, objet d’études
. À l’orée des années 2000, la féminisation constitue un sujet de réflexion. Que d’écrits, de colloques, de conférences, de rapports du C2SD, de blogs, de numéros des Champs de Mars jusqu’à une thèse ! En 2011, le numéro 17 d’Inflexions porte sur Hommes et femmes, frères d’armes ? L’épreuve de la mixité. Sous-titre révélateur. En août 2013, l’hôtel de Brienne inaugure l’exposition Femmes de la défense, présentée ensuite en province. Et lorsqu’en 2012, le général Antoine Windeck prend le commandement des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, il se montre « soucieux d’améliorer le sort des élèves-filles », que « la grande école du commandement de l’armée de Terre, maison-mère des officiers, se positionne sur la question des femmes », car l’École spéciale militaire (ESM de Saint-Cyr) est considérée comme un foyer misogyne. Claude Weber, professeur de sociologie répond à la demande du général en organisant un colloque interdisciplinaire, en novembre 2013.;
; Admise en 1995 dans une promotion de 173 élèves-officiers dont 4 filles, Valérie Morcel se souvient des relations difficiles avec certains garçons, des « remarques désobligeantes », du « mépris », du « sexisme dont elle a pu être victime. » Quand on nous traitait de « grosses », c’était « encore gentil ». En revanche, lorsqu’en 2019, le lieutenant-colonel Catherine Busch commande le 1er bataillon de France (3e année de l’ESM), les quinze filles de la promotion de 140 élèves-officiers sont bien intégrées. Le temps a assoupli les comportements. Mais revenons au colloque où une contributrice s’interroge : « Le soldat a-t-il un sexe ? » citant d’entrée la formule du général de Lattre de Tassigny : « Je ne veux pas savoir s’il y a des femmes dans la division, pour moi, il n’y a que des soldats. » En écho, lorsqu’en juin 2018 le colonel Morcel prend le commandement du 54e RT d’Haguenau, elle est agacée que l’on écrive chef de corps avec « ffe » car elle considère qu’ «un chef, c’est un chef. Un colonel, un colonel. C’est une fonction ». La féminisation des titres est « très dévalorisante » et une manière de ridiculiser les femmes militaires.
En 2011 et 2012, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire traite le sujet dans deux rapports et décide en 2013 de consacrer un numéro thématique aux Femmes dans les forces armées françaises. De l’égalité juridique à l’égalité professionnelle. Il s’appuie sur le Livre blanc et affirme que « la place des femmes dans les forces armées n’est plus un problème ni même une question ; leur rôle est désormais reconnu. La situation n’est pas pour autant stabilisée et des évolutions sont encore nécessaires. » Réaliste, le Haut comité avance que les dispositions applicables à la société civile ne peuvent être calquées telles quelles du fait de la mission des armées. Et si l’égalité juridique avance dans la société, l’égalité professionnelle est en devenir. Pour la réussir, il rappelle les limites des comparaisons avec la société. L’évolution vers l’égalité professionnelle ne pouvant se conduire qu’avec l’adhésion du personnel et correspondre aux aspirations personnelles des militaires et surtout des femmes.
En 2014, la parution médiatisée du livre de Marine Baron La guerre invisible, qui dénonce les violences physiques et morales faites aux femmes militaires, fit l’effet d’une bombe à tel point que le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian lança une enquête nationale interne, annonça des mesures en leur faveur avant de créer, en avril, la cellule Thémis, organisme central, interarmées, interservices. En 2016, afin de contrer les critiques sur les réticences à les promouvoir et les rendre plus visibles dans les campagnes de recrutement, le ministre préface un ouvrage de Jean-Marc Tanguy, L’armée au féminin, où il rappelle que la « mixité est une conquête, accomplie dans le temps long de l’histoire des armées », qu’elle est une réalité car « les femmes de la Défense servent désormais dans presque tous les domaines jusque sur les théâtres », ce que le livre montre par des portraits et des témoignages.
(*) Martine Cuttier.Docteur en histoire contemporaine, spécialiste des relations internationales et des politiques de puissance avec projection de forces. Elle a beaucoup travaillé sur les questions de sociologie militaire et les relations entre forces occidentales projetées et populations des pays considérés, notamment dans les pays africains en faisant le distinguo entre Français, Britanniques, d’une part, et Américains d’autre part.
Gagner de la masse et stimuler les forces morales au sein de la population française à la lumière de la guerre en Ukraine. Tels sont les ambitions affichées pour l’avenir de la réserve militaire, dont l’effectif est appelé à doubler dans les années à venir, comme l’a annoncé le président Macron lors de son discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, quelques heures avant le défilé du 14-Juillet.
Cette ambition sera portée par la prochaine Loi de programmation militaire, actuellement élaborée par six groupes de travail [alliances et partenariats stratégiques, économie de guerre et équipement du combattant, environnement de travail et conditions de vie du militaire, espace et cyber, mémoire combattante et… avenir de la réserve militaire].
Ces groupes de travail sont censés réunir des militaires, des civils de la défense, des experts, des parlementaires, des représentants d’entreprises et d’associations, des organisations patronales et syndicales, des parlementaires et des chercheurs. Celui dédié à l’avenir de la réserve a tenu sa première réunion le 21 novembre dernier, en présence de Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.
À cette occasion, l’objectif « un réserviste pour deux militaires d’active » à l’horizon 2035 a été affirmé.
Étant donné que, en 2021, la France comptait 205’000 militaires d’active et que cet effectif pourrait augmenter à l’avenir, il faudra donc recruter et retenir plus de 100’000 réservistes, contre 38’500 actuellement.
Selon le communiqué publié par le ministère des Armées à l’issue de cette première réunion du groupe de travail « réserve militaire », une quinzaine de mesures devant permettre d’atteindre cet objectif ont d’ores et déjà été avancées, dont le recul des limites d’âge, l’adaptation des critères d’aptitude médicale pour certaines spécialités, une meilleure reconnaissance des réservistes et de leurs employeurs [civils], etc.
Cela étant, les bonnes idées étant souvent celles auxquelles on n’a pas pensé, le ministère des Armées vient de lancer un appel à contribution afin de « nourrir la réflexion engagée » par le groupe de travail sur la réserve militaire.
« Dans la mesure où la réserve concerne chaque citoyen, toutes les contributions pour bâtir la réserve de demain peuvent être envoyées à l’adresse : reserves@minarm.fr », a-t-il indiqué, via un communiqué.
Ces contributions « seront examinées avec attention et participeront à l’élaboration de propositions remises au ministre par le groupe de travail fin janvier, afin de nourrir la prochaine Loi de programmation militaire », a assuré le ministère des Armées.
En attendant, le groupe de travail poursuit ses travaux. Après avoir abordé les questions relatives à la doctrine d’emploi de la réserve, le 28 novembre, il abordera les thèmes du recrutement, de la rélation employeur-réserviste et de la communication dans les seamaines à venir.
Cela étant, l’armée de Terre a, par exemple, déjà une idée sur ce qu’elle compte faire de ses réservistes.
« L’objectif du doublement des réserves a été confirmé par le ministre des Armées, et nous devons réfléchir aux ressources nécessaires pour y procéder. La professionnalisation de nos réserves pourra dès lors être engagée », a ainsi déclaré le général Pierre Schill, son chef d’état-major, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en octobre.
Et d’ajouter : « Il existe plusieurs façons d’employer les réservistes dans l’armée de Terre. D’une part, les compléments individuels de réserve, qui occupent des postes à part entière au sein du fonctionnement des armées, doivent bénéficier de davantage de visibilité sur le volume d’activité et sur le temps d’engagement qui leur sera demandé. D’autre part, les réservistes en unités constituées qui doivent être correctement équipés et entraînés ».
Le ministre des Armées entend bien accorder une part de choix à la question des réserves dans la prochaine loi de programmation militaire. A plusieurs reprises, il a cité comme objectif le chiffre de 100 000 réservistes. Dans le JDD de dimanche dernier, il a ainsi précisé que son objectif est d’avoir « 1 militaire de réserve pour 2 militaires d’active ». Effectivement, si le nombre de militaires (hors gendarmerie) est d’environ 205800 (chiffres de 2020), ce sont donc bien 100 000 réservistes qui sont espérés.
Question: s’agit-il de réservistes opérationnels? Oui, les réservistes citoyens ne sont pas concernés.
Question 2: passer de 40 000 à 100000, est-ce que ça signifie multiplier le budget des réserves par 2,5? « La règle de trois s’applique pour la masse salariale, pas pour les équipements. On en saura plus au moment de la LPM ».
Bouger les curseurs. Lundi a eu lieu la première réunion du groupe de travail sur les réserves (photo ci-dessus MinArm).
Ce groupe de travail préfigure par ailleurs d’autres groupes de travail thématiques qui permettront d’alimenter et d’enrichir la LPM. Il fait partie des 6 groupes de travail mis en place par Sébastien Lecornu et préfigure une nouvelle méthode de co-construction de la Loi de programmation militaire. Les autres thématiques retenues pour ces groupes de travail sont : alliances et partenariats stratégiques, économie de guerre et équipement du combattant (capacitaire), environnement de travail et conditions de vie du militaire et de sa famille, espace et cyber, mémoire combattante.
Pour atteindre l’objectif de « 1 militaire de réserve pour 2 militaires d’active », il a identifié une quinzaine de mesures concrètes que le groupe de travail expertisera dans les prochaines semaines : en particulier le recul des limites d’âge et l’adaptation des critères d’aptitude médicale, la pleine utilisation des réservistes au quotidien dans nos unités militaires, le développement de la réserve sur des compétences rares, la reconnaissance des réservistes et des employeurs qui encouragent leur engagement.
A noter l’ITW du général Gaspari : « La Garde nationale doit relever l’objectif du doublement de la réserve ». Il y parle de la Garde nationale et de l’objectif de 180 000 réservistes opérationnels (Armées et Intérieur).