Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

Selon le Sénat, les non-renouvellements de contrats à l’initiative des militaires ont augmenté de 70 % depuis 2018

https://www.opex360.com/2024/11/22/selon-le-senat-les-non-renouvellements-de-contrats-a-linitiative-des-militaires-ont-augmente-de-70-depuis-2018/


La loi de finances initiales pour 2023 avait fixé, pour le ministère des Armées, le niveau du plafond d’emplois militaire à 210 428 « équivalents temps plein travaillé » [ETPT], ce qui supposait la création nette de 1547 postes. Seulement, cet objectif n’a pas pu être tenu étant donné que les effectifs militaires s’élevaient, en fin d’exercice, à seulement 202 122 ETPT, soit un écart de 4 % par rapport aux prévisions.

Or, ce n’est pas la première fois que le ministère des Armées ne parvient pas à respecter son schéma d’emploi, malgré une dynamique des recrutements assez soutenue.

« En rupture avec la dynamique déflationniste qui prévalait depuis la fin de la guerre froide, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-2025 prévoyait une augmentation nette de 6 000 ETP sur la période couverte, ce qui a conduit à la mise en œuvre d’une ambitieuse politique de recrutement. Ses résultats n’ont hélas pas été atteints », ont en effet déploré les sénatrices Marie-Arlette Carlotti et Vivette Lopez, dans un rapport intitulé « Pour rendre l’armée plus attractive : retenir, attirer, réunir », récemment publié par la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Et d’ajouter : « La non-réalisation des schémas d’emplois annuels successifs a touché tant le personnel militaire que le personnel civil, notamment en 2022, où l’écart d’avec la cible ministérielle a été de 2 228 ETP, alors qu’il s’agissait de l’année du plus important volume de recrutement réalisé depuis 2017 avec 27 707 ETP ».

Aussi, les objectifs fixés par la LPM 2024-30, qui prévoit la création nette de 6 300 postes d’ici 2030, semblent d’ores et déjà compromis. À moins que, d’ici là, les plans de fidélisation mis en place par le ministère des Armées ne produisent des résultats.

En effet, la tendance observée par Mmes Carlotti et Lopez s’explique par un flux de départs beaucoup trop important. Ce qui n’est d’ailleurs pas propre à la France, d’autres pays, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, étant confrontés au même problème.

Ainsi, selon le rapport, en 2023, les « volumes de départs » ont atteint le « niveau le plus haut depuis 2017, avec 25 496 ETP de sorties définitives, contre 24 952 ETP en 2022 ». Cette augmentation est due en grande partie aux départs volontaires [ou « spontanés »].

« Les départs spontanés représentant la plus grande part des départs définitifs, leur évolution épouse la même trajectoire. Depuis 2009, ceux des officiers sont globalement stables entre 2 % et 3 % des effectifs d’officiers des trois armées. Pour les sous-officiers, la tendance de hausse régulière observable depuis 2013, interrompue en 2020, a repris depuis 2022 avec 7 600 départs, soit 4,6 % des effectifs. Pour les militaires du rang, la hausse, ralentie entre 2014 et 2018, a repris depuis 2020 pour atteindre, en 2022, 6 546 militaires du rang, soit 8,5 % des effectifs », détaillent les deux sénatrices.

Aussi, « l’ancienneté moyenne des militaires au moment de leur départ de l’institution n’a cessé de baisser depuis dix ans pour atteindre, en 2023, 25,3 ans pour les officiers, 18,4 ans pour les sous-officiers, et 4,3 ans pour les militaires du rang », soulignent-elles.

L’attrition, c’est-à-dire la dénonciation du contrat par une recrue lors de sa période probatoire, constitue une part relativement importante des départs. Ainsi, en 2023, le taux d’attrition des militaires du rang, « orienté à la hausse depuis 2020 », s’est élevé à 35,5 % pour l’armée de Terre, à 20,3 % pour la Marine nationale et à 16 % pour l’armée de l’Air & de l’Espace.

Mais c’est surtout la « forte augmentation des non-renouvellements de contrat » qui interroge. Leur nombre est passé de 1 680 en 2019 à 2 920 en 2023. « Soit une hausse de 70 % depuis 2018 », notent les deux parlementaires. « Cela illustre une inversion du rapport contractuel entre l’autorité militaire et le militaire et donc une bascule du ‘rapport de force’ entre employeur et employé », ont-elles conclu.

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

En Ukraine, la mobilisation générale se dessine. Et en France, si l’armée professionnelle ne suffit plus, pourriez-vous aller sur le front ?

En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front.
En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front. (©DIEGO FEDELE / AFP)

1 000 et deux nuit dans la guerre. Le 24 février 2022, la Russie envahissait son voisin ukrainien avec des avions de chasse rutilants, des chars d’assauts pétaradants et une armée professionnelle préparée. En face, dans l’urgence, la nation de Volodymyr Zelensky organisait la riposte avec des moyens américains et européens flambants neufs.

Près de trois ans plus tard, c’est l’usure et l’horreur du conflit qui dominent les esprits. Des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés. Le conflit a fait fondre la population du pays d’un quart. Et le bilan des pertes militaires demeure inconnu.

Qu’importe, les volontaires ne suffisent plus à abreuver le front en hommes. Depuis quelques mois, la nation jaune et bleue oblige les citoyens à embrasser l’uniforme de l’armée, au point d’enrôler de force des civils, comme l’ont montré plusieurs vidéos, comme ici sur BFM. En France, dans une situation de guerre, l’État pourrait-il, lui aussi, nous enrôler ?

Aux armes, (tous les) citoyens ? 

En cas de conflit armé dans lequel la France serait impliquée, l’État pourrait donner l’ordre à une partie de sa population de s’engager dans l’armée. « En pratique, le pouvoir en place pourrait abroger la loi de suspension du service national », détaille Annie Crépin, historienne, spécialiste d’histoire militaire et maîtresse de conférences honoraire de l’université d’Artois, à actu.fr. Cette loi du 28 octobre 1997, souhaitée par Jacques Chirac, annonçait la fin du service miliaire obligatoire.

La mobilisation générale, ça n’existe plus. Mais avec cette abrogation, la France (qui, comme l’Ukraine, ne pourrait se suffire de son armée professionnelle pour mener la guerre) envisagerait de compter sur les citoyens. « Après avoir épuisé tous les volontaires et les réservistes, l’État serait enjoint de puiser dans la population. »

Qui serait concerné ? L’âge, le genre et d’autres conditions seraient encore à définir. Les plus fragiles pourraient-ils se retrouver sur le front ? Les femmes ? Si l’on se fie aux conditions d’accès au service militaire volontaire (SMV), tous les jeunes Français, dès 18 ans, est-il écrit sur le site du gouvernement, pourraient être enrôlés dans l’armée. Et ce, jusqu’à 35 ans.

« Les personnes considérées comme pas assez en formes, les plus âgés et d’autres cas seraient sans doute réformés », tempère tout de même Annie Crépin. Autrement dit, si vous êtes majeur, que vous avez la trentaine ou moins, que vous ne présentez aucune comorbidité, vous pourriez vous retrouver avec une arme à la main.

Brève histoire du service militaire

La conscription, appelée aujourd’hui service milliaire obligatoire, a vu le jour sous le directoire en 1789 avec la loi Jourdan-Delbre. Tous les citoyens âgés de 20 à 25 ans pouvaient servir dans l’armée. Au fil des régimes, la conscription s’est allégée. D’abord en termes de durée, puis de devoir, avant d’être définitivement suspendue en 1997.

Ouf, une (petite) armée existe

Autre paramètre à prendre en compte, avant de vous envoyer au front, comme Candide face aux Bulgares : la France possède une armée régulière. Ce sont les forces opérationnelles qui seront mobilisées les premières, en cas de guerre sur le territoire.

C’est-à-dire, comme le rappelle un rapport parlementaire portant sur le budget 2022 de la Défense, 77 000 hommes de l’armée de terre, 34 000 de la marine et 40 000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, avec environ 5 000 réservistes en renfort.

Outre ces prêts, au total, l’armée française, toutes armes, tous métiers confondus, comprenait 269 055 équivalents temps pleins. Trois quarts de ces temps pleins (76,5 %) sont occupés par des militaires, les autres, des civils au service de l’armée.

Côté matériel, la France possède, selon les derniers chiffres disponibles, 222 chars Leclerc, 6 200 blindés à roues et approximativement 3 800 autres véhicules de combat. Avec ceci, 211 avions de combat, 45 avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, la France a, en théorie, de quoi se défendre en cas de conflit.

Cependant, pour combien de temps ? Sur le long terme, cette armée professionnelle suffirait-elle pour tenir les fronts, attaquer l’ennemi, ou encore défendre la population ? « L’armée française est une armée américaine en version bonsaï », rappelait sur France Info, Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

Qui sait recharger un FAMAS ?

Depuis la suspension du service militaire, en 1997, plus personne n’est formé aux maniements des armes, ni à ce que c’est vraiment, une guerre. Avec tout ce qu’elle comporte d’horreur, de froideur et de cynisme. Envoyer un citoyen en première ligne, la fleur fusil, serait considéré comme une hérésie.

« C’est un vrai problème, si on en arrive là », reprend l’historienne, avant d’ajouter : « La Première Guerre mondiale s’est gagnée avec les réservistes. »

Avant de puiser parmi les civils, il existe en effet une réserve militaire constituée de deux composantes. Une réserve citoyenne défense et sécurité (des volontaires agréés par l’armée en raison de leurs compétences et de leur expérience) et une réserve opérationnelle.

En somme, des réservistes avec ou sans expérience militaire, âgés de 17 à 35 ans, qui se sont engagés sur la base du volontariat pour soulager les armées environ 25 jours par an en moyenne, indique le ministère des Armées.

Au total, près de 140 000 personnes sont théoriquement mobilisables, dont 40 000 volontaires de la réserve opérationnelle, peut-on lire sous la plume de Jean de Monicault dans la Revue de Défense Nationale, parue en 2021. Ça en fait du monde, avant de demander aux boulangers, plombiers et banquiers de France de prendre les armes. Mais les chiffres paraissent ridicules face aux 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939 lors de la Seconde Guerre mondiale.

Évidemment, ces scénarios paraissent improbables. La France, avec 31 autres pays, est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’article 5 de cette organisation dispose que si un pays est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres, peut-on lire sur son site.

Le scénario pourrait devenir envisageable, le jour où la France, pour des raisons politiques, se retrouverait sans l’OTAN, isolée du reste du monde.

Légion étrangère : pourquoi ce célèbre chef étoilé s’est rendu dans la cuisine du régiment de Castelnaudary

Légion étrangère : pourquoi ce célèbre chef étoilé s’est rendu dans la cuisine du régiment de Castelnaudary

Le chef étoilé Thierry Marx s’est rendu à Castelnaudary pour coacher des légionnaires lors de l’épreuve façon « Top Chef » organisée à l’issue de leur formation en restauration.

Le chef Thierry Marx prodiguant ses conseils à des stagiaires attentifs.
Le chef Thierry Marx a prodigué ses conseils à des stagiaires attentifs, dans les cuisines du château des Cheminières. ©4e Régiment étranger

Lundi 11 novembre, le 4e Régiment étranger de Castelnaudary organisait dans l’enceinte de son château des Cheminières, sur le domaine du Quartier Danjou, un repas de gala concocté par de jeunes légionnaires à l’issue de leur formation dans la branche « Restauration, hébergement et loisir ». Une centaine de légionnaires sont ainsi formés chaque année dans ce secteur d’activité pendant huit semaines. Une période qui se clôture par l’organisation d’un repas dont le menu est cuisiné par les stagiaires.

Cette année, pour le grand jour de Mémoire du 11 novembre, c’est le célèbre chef étoilé Thierry Marx qui est venu leur apporter son savoir-faire et ses conseils dans les cuisines exiguës du château des Cheminières. Un moment d’autant plus inoubliable pour les jeunes légionnaires qu’une équipe de M6 est venu le filmer.

Un concours façon « Top chef »

Deux équipes étaient en concurrence, à l’image du concept de l’émission télévisée Top chef dont Thierry Marx a été l’un des membres du jury au moment de son lancement. Ils avaient pour défi de concevoir et réaliser un menu composé de deux entrées, deux plats de résistance et deux desserts, le tout accompagné du vin de Puyloubier produit par les anciens de la Légion.

Le jury était constitué par les 28 convives, civils et militaires. Même s’il n’est pas facile de comprendre l’art de la gastronomie française, pour ces étrangers qui viennent parfois du bout du monde pour servir la France, d’abord comme combattants et ensuite comme spécialistes, les deux équipes de cuisiniers stagiaires ont eu droit aux félicitations du jury.

Les liens forts de Thierry Marx avec l’Armée de terre

Chef cuisinier étoilé et président confédéral de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), Thierry Marx est très attaché à l’armée de Terre puisqu’il a servi comme parachutiste dans l’infanterie de marine. Ce n’est pas la première fois qu’il intervient ou s’investit de la sorte auprès des militaires français. Il a notamment pris l’habitude d’élaborer le menu du dîner caritatif Vulnerati qui permet de récolter des fonds pour les blessés de l’armée de Terre.

Certains iront se perfectionner chez Thierry Marx

Le colonel Montull, chef de corps du 4e Régiment étranger, estimait les « résultats très encourageants, avec une certaine marge de progression », tandis que le chef Thierry Marx faisait part de son expertise et de quelques recommandations.

Chacun saluait le travail d’équipe et la volonté de donner le meilleur de soi-même. Notons que certains de ces jeunes légionnaires auront la chance d’effectuer un stage de perfectionnement dans les cuisines du célèbre chef.

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

Il manque un millier de sous-officiers à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la « bonne conduite de ses missions »

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Plan « Fidélisation 360 », plans « Famille » et « Famille 2 », Nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM]… Ces dernières années, le ministère des Armées a pris plusieurs séries de mesures afin de renforcer son attractivité et de convaincre les militaires les plus expérimentés [ou, du moins, ceux qui ont des compétences critiques] à ne pas céder aux sirènes du secteur privé.

Seulement, ces mesures tardent à produire leurs effets, même si la situation diffère d’une armée à l’autre. En outre, quand elles ne sont pas insuffisantes, certaines d’entre-elles sont encore méconnues, comme celles du plan Famille 2. En tout cas, c’est qui est ressorti de l’audition des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire [CSFM] par les députés de la commission de la Défense, en octobre.

Le plan Famille « souffre d’un manque de communication, tant sur la nature des mesures elles-mêmes que sur les avancées réalisées. Ce dispositif reste méconnu au sein de la communauté militaire, particulièrement aux échelons inférieurs. Au niveau du commandement, les préoccupations portent davantage sur le financement dans le contexte budgétaire actuel », a en effet témoigné le caporal-chef Myriam. Et d’ajouter : « Sur le terrain, aucune réalisation concrète du plan famille n’est perceptible. »

En attendant, ces mesures n’ont pas encore eu d’incidence sur le flux des départs des sous-officiers de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], celui-ci étant encore élevé. Trop élevé même, à en croire le député Frank Giletti, rapporteur pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces – Air ».

Ainsi, écrit-il, le « flux de départs élevé constaté ces dernières années fragilise l’AAE » étant donné que, actuellement, « un tiers de ses effectifs a moins de trois ans d’expérience au sein de l’institution ». En outre, poursuit-il, « le taux de ‘turn-over’ au sein de l’AAE avoisine les 10 % « .

S’agissant des sous-officiers [59 % des effectifs de l’AAE], 1 813 avaient quitté l’uniforme en 2022 alors que, selon M. Giletti, « seulement 1 385 avaient été recrutés, soit un différentiel de 428 ».

Résultat : d’après les informations qui lui ont été communiquées, il manquerait actuellement environ 1 000 sous-officiers à l’armée de l’Air & de l’Espace « pour la bonne conduite de ses missions ».

Si le député n’a pas précisé les spécialités les plus concernées, on peut avancer, sans risquer de se tromper, qu’il s’agit de celles qui intéressent le plus le secteur privé, lequel offre des rémunérations plus élevées [mécaniciens aéronautique, contrôleurs aériens, moniteurs « simulateur de vol », informaticiens, etc.].

Aussi, pour M. Giletti, la « population des sous-officiers » de l’AAE « doit notamment faire l’objet d’une politique de fidélisation ciblée », d’autant plus qu’elle « attend […] beaucoup de la revalorisation indiciaire de la grille des sous-officiers supérieurs dont la mise en œuvre était initialement prévue au 1er octobre 2024 ». Or, celle-ci a été reportée au 1er février 2025, avec toutefois une « application rétroactive au 1er décembre 2024 ».

Quant aux officiers, la revalorisation de leur grille indiciaire ne sera pas effective avant décembre 2025. Or, pour le député, celle-ci est « plus que jamais nécessaire afin de fidéliser ces personnels dont les sujétions opérationnelles sont particulièrement fortes et dont les niveaux de rémunération apparaissent de plus en plus décorrélés avec ceux de la haute fonction publique ».

Photo : armée de l’Air & de l’Espace

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire


À la fin des années 2000, il fut décidé de réduire à 109 le nombre d’escadrons de gendarmerie mobile [EGM], au titre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP], dont l’objectif était de moderniser le fonctionnement de l’État tout en réalisant des économies.

Et cela sans changer le périmètre des missions de la Gendarmerie mobile, celles-ci allant du maintien de l’ordre public à la participation aux opérations extérieures [OPEX] en passant par la protection d’édifices sensibles et la participation à différents dispositifs de sécurité [Vigipirate, lutte contre l’immigration clandestine, etc.].

Seulement, l’activité opérationnelle des EGM s’est singulièrement accentuée au cours de ces dernières années. Au point que, en 2019, année marquée par le mouvement dit des « Gilets jaunes », l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale [IGGN] avait tiré le signal d’alarme en faisant comprendre que les gendarmes mobiles étaient au bord de l’épuisement.

Il « ne faudrait pas dépasser 65 escadrons employés chaque jour. Or, depuis le 1er janvier [2019], le taux moyen d’emploi des escadrons est de 74 chaque jour », avait ainsi souligné le général Michel Labbé, le « patron » de l’IGGN, lors d’une audition parlementaire.

Par la suite, l’activité opérationnelle de la Gendarmerie mobile a retrouvé un niveau peu ou prou soutenable. Mais cette accalmie n’aura pas duré longtemps.

En effet, cette année, les violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, les vives tensions en Martinique, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris [JOP] ainsi que les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, les opérations « places nettes » contre les trafiquants de drogue, les manifestations du monde paysan et la mobilisation d’activistes contre le chantier de l’autoroute A69 ont de nouveau mis la Gendarmerie mobile dans le rouge.

« La crise en Nouvelle-Calédonie a exigé un envoi massif de renforts de la gendarmerie. Alors que l’effectif socle [y] est de 735 gendarmes, plus de 2 870 gendarmes étaient présents sur ce territoire en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles », rappelle la député Valérie Bazin-Malgras [Droite républicaine], dans un rapport sur le budget 2025 de la Gendarmerie nationale.

« Au plus fort de la crise, 35 escadrons de gendarmerie mobile étaient présents en Nouvelle-Calédonie, contre quatre à cinq escadrons habituellement. Chaque escadron est déployé sur place pour trois voire quatre mois », a-t-elle ajouté, avant de souligner que les gendarmes ont dû « faire face à une violence inédite, avec des engagements qui ‘relèvent plus du combat que du maintien de l’ordre’ ». Deux d’entre eux ont perdu la vie et 550 autres ont été blessés.

Dans le même temps, 55 EGM ont été mobilisés pour les JOP, parfois de manière simultanée.

Aussi, le constat établi par Mme Bazin-Malgras n’est pas surprenant. L’une des conséquences de cette forte mobilisation est que « la gendarmerie mobile est en surchauffe ». Un autre est que cette dernière n’a pas toujours les moyens de renforcer d’autres unités de la gendarmerie « pour des missions qui ne relèvent pas du maintien de l’ordre, telles que les missions de sécurisation des transports et de lutte contre l’immigration irrégulière ».

« Un taux d’emploi de 68 escadrons engagés par jour représente pour la gendarmerie le seuil de viabilité maximal pour gérer les jours de repos et de permissions des gendarmes mobiles. Or, de janvier à septembre 2024, le taux d’emploi effectif a été de 80 escadrons engagés chaque jour », a relevé la députée.

Et d’ajouter : « Cette situation génère une augmentation de la dette de repos et de permission : au 30 juin 2024, le reliquat du nombre de jours de repos et permission à attribuer en moyenne par gendarme mobile atteint près de 40 jours [contre 13 jours en 2022 et 2023] ».

Pour atténuer les effets de cette « surchauffe », la Gendarmerie a eu recours à quelques expédients, notamment en réorientant les flux sortants de ses écoles.

« Alors que traditionnellement, environ 25 % des effectifs en sortie d’école sont orientés vers la gendarmerie mobile, cette proportion est passée depuis fin 2024 à plus de 35 %, au détriment des recrutements au sein de la gendarmerie départementale », a constaté Mme Bazin-Malgras.

Enfin, les relèves des EGM en outre-mer sont désormais effectuées tous les quatre mois et non plus tous les trois mois comme c’était jusqu’alors le cas.

Le recours à des réservistes pour renforcer les EGM pourrait être une solution… Seulement, comme le rappelle la députée, « à l’exception de situations exceptionnelles [insurrection ou guerre], les réservistes n’ont pas vocation à mener des opérations programmées de maintien ou de rétablissement de l’ordre public ». Et c’est d’ailleurs la « raison pour laquelle les réservistes, y compris au niveau local, ne participent pas aux opérations actuelles en Nouvelle-Calédonie », a-t-elle souligné.

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

834 millions de dollars pour appuyer le recrutement du Corps des marines

Photo U.S. Marine Corps by Lance Cpl. Janell B. Alvarez.

Le Corps des Marines (USMC) est bien décidé à attirer de plus nombreuses recrues dans ses rangs en 2025. Les efforts de communication et de marketing lancés depuis cinq ans commencent à payer, même si globalement le recrutement reste malaisé. D’où le recours à une entreprise spécialisée qui a fait ses preuves depuis 2019.

Pour l’année fiscale 2023 (FY 2023), l’USMC avait besoin de 33 000 nouvelles recrues; il a réussi à recruter 33 323 Marines. Parmi eux, 28 921 soldats d’active et 4402 réservistes.

Pour la FY 2024, l’objectif était de recruter 30 500 nouveaux Marines dont 27 500 soldats d’active et 3000 réservistes. Objectif atteint de très peu (voir mon post précédent sur le bilan 2024 du recrutement US).

Pour l’année fiscale 2025 (FY 2025), le Corps des Marine Corps s’est fixé comme objectif le recrutement de 29 300 nouveaux soldats d’active soit une hausse de 1 800 hommes et femmes, comme confirmé par le général Bowers, patron du recrutement de l’USMC.

Externaliser la com’

Pour atteindre ses objectifs, l’USMC a de nouveau passé un marché avec une société privée. Il s’agit de Wunderman Thompson LLC, une agence de marketing de New York qui a déjà travaillé avec l’USMC dans le cadre d’un marché d’une valeur de 639 millions de dollars octroyé en 2019. Le nouveau marché a une valeur estimée à 834 millions de dollars.

Voir ici une des vidéos élaborée alors pour le recrutement en 2020.

Et celle de 2021 vraiment orientée « recrutement ».

Enfin, voir ici une autre vidéo (plus dynamique encore, intitulée: « U.S. Marine Corps: Shifting Threats ») conçue en 2022.

Voici l’avis d’attribution du nouveau marché de 5 ans, reconductible pour la même durée:
Wunderman Thompson LLC, Atlanta, Georgia, has been awarded an $834,090,640 contract. This hybrid (firm-fixed-price and cost, indefinite-delivery/indefinite-quantity, single-award) contract is to provide full-service advertising agency support to furnish supplies and services to enhance the Marine Corps’ recruiting efforts. Work will be performed at Atlanta, Georgia, with an expected completion date of December 2029. This contract includes one five-year option period which, if exercised, could bring the cumulative value of this contract to $1,914,649,380. Fiscal 2025 operation and maintenance (Marine Corps) will be obligated at the time of contract award, $10,000 in. This serves as the contract minimum guarantee. All other funding will be made available at the task order level as task orders are awarded. This contract was competitively procured via SAM.gov and seven proposals were received. The Marine Corps Installations Command Contracting Office, Arlington, Virginia, is the contracting activity (M9549425D0001). (Awarded Oct. 31, 2024).

Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain

Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain

L’armée de Terre se lance dans un vaste défi de recrutement, avec un objectif ambitieux de 16 000 nouvelles recrues par an. Dans un contexte géopolitique tendu, ce renouvellement des effectifs est crucial pour maintenir la performance opérationnelle de l’armée, qui doit aussi répondre aux nouvelles exigences technologiques et humaines.


Par Jean-Baptiste Giraud – armees.com –  Publié le 24 octobre 2024

recrutement
Recrutement : comment l’armée de Terre se prépare aux défis de demain – © Armees.com

Le défi du recrutement militaire : un enjeu stratégique

Pour l’armée de Terre, recruter 16 000 personnes chaque année représente un défi majeur. Comme l’a souligné le général Arnaud Goujon, il ne s’agit pas seulement d’atteindre ce nombre, mais aussi de s’assurer que ces nouvelles recrues possèdent les compétences et les qualités requises pour faire face aux défis modernes. Les campagnes de recrutement se multiplient et visent des profils variés, en mettant en avant les opportunités de formation, de spécialisation, et les valeurs fortes que porte l’institution.

L’armée cherche à attirer des candidats motivés, prêts à s’engager dans des carrières qui demandent non seulement des compétences techniques et physiques, mais aussi une capacité d’adaptation face aux nouvelles technologies militaires et aux exigences croissantes du terrain. Cette recherche de talents est indispensable pour garantir la modernisation des forces et leur efficacité face à des situations de plus en plus complexes.

Les difficultés croissantes du recrutement militaire

Le recrutement de l’armée de Terre n’échappe pas aux problématiques rencontrées dans d’autres secteurs. En effet, attirer de nouvelles recrues devient de plus en plus difficile dans un marché de l’emploi concurrentiel et en pleine mutation. « Le recrutement est un défi permanent », reconnaît un officier supérieur, soulignant que le contexte actuel – tensions internationales et complexité des missions – nécessite non seulement des candidats en nombre, mais surtout des profils particulièrement qualifiés.

Le ministère des Armées fait face à des enjeux multiples : d’une part, un certain manque d’attractivité du métier militaire auprès de la jeunesse. « Nous devons faire comprendre aux jeunes générations que l’armée offre des perspectives de carrière uniques, mais il y a une forte concurrence avec d’autres secteurs », explique un porte-parole du ministère. D’autre part, il y a aussi les exigences physiques et psychologiques que le métier impose. En effet, l’entraînement militaire, la préparation aux missions sur le terrain et les conditions parfois difficiles peuvent dissuader certains candidats.

Enfin, le ministère des Armées souligne que la digitalisation croissante des métiers militaires, avec l’introduction des nouvelles technologies et de la robotique, crée un besoin de compétences spécifiques : « Le soldat de demain doit maîtriser la technologie tout en conservant une capacité à s’adapter rapidement aux évolutions des théâtres d’opération », précise un responsable des ressources humaines militaires. Malgré ces défis, l’armée de Terre reste confiante dans sa capacité à attirer des talents, grâce notamment à des campagnes de recrutement modernisées et à des partenariats avec des institutions éducatives et des entreprises technologiques​.

Comment rejoindre les rangs de l’armée de Terre

L’accès à l’armée de Terre s’effectue via plusieurs canaux. Les jeunes intéressés peuvent postuler directement en ligne ou se rendre dans les centres d’information pour participer à des sessions de présentation des métiers militaires. Le processus de recrutement est structuré en plusieurs étapes, comprenant des tests physiques, psychologiques et techniques, afin de s’assurer que chaque recrue possède les capacités nécessaires pour répondre aux missions de défense du territoire.

L’armée met également en avant les valeurs qui caractérisent ses forces : l’engagement, l’esprit de camaraderie, et la résilience. Ces qualités sont essentielles pour progresser au sein des rangs et pour mener à bien les différentes missions de défense et d’opérations extérieures. En proposant un large panel de métiers et de spécialisations, l’armée de Terre offre des opportunités variées pour ceux qui souhaitent s’engager dans une carrière au service de la nation.

Alors que de nombreux métiers évoluent et, parfois, disparaissent avec l’avènement de certaines innovations comme l’Intelligence artificielle, l’armée reste un employeur d’avenir. La diversité de ses missions permet des évolutions de carrière multiples et adaptées à chaque situation. Enfin, de nombreux jeunes se retrouvent chaque année dans les idéaux militaires de service de la nation, de camaraderie et d’exigence.


Jean-Baptiste Giraud

Journaliste éco, écrivain, entrepreneur. Dir de la Rédac et fondateur d’EconomieMatin.fr. Fondateur de Cvox.fr. Officier (R) de gendarmerie.

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Faut-il remplacer le SNU par une conscription choisie en France ?

Le SNU, ou Service National Universel, lancé en 2019, a, parmi ses objectifs, d’améliorer la mixité sociale et le sentiment d’engagement auprès d’une jeunesse présentée, à tort ou à raison, comme de plus en plus éloignée de la vie de la Nation.

Celui-ci vient de faire l’objet d’un rapport de la Cour des Comptes du plus préoccupant, jugeant le dispositif onéreux, mal planifié et, surtout, dont les objectifs s’avèrent flous et à géométrie variable selon l’actualité.

Ce constat contraste, presque en tous points, avec les retours élogieux concernant le dispositif de conscription choisie mis en œuvre par la Norvège et d’autres pays scandinaves, qui suscite à la fois l’adhésion de la jeunesse et des armées, au plus grand profit de la résilience nationale.

Se pose alors la question, de l’opportunité de remplacer un SNU peu efficace et onéreux, par un dispositif de conscription choisie, qui permettrait, pour un investissement identique, de renforcer le format des Armées, d’améliorer le recrutement des postes d’active et de la Garde Nationale, et d’accroitre, significativement, la résilience de la Nation, au sens large du terme ?

 

Sommaire

La cour des comptes publie un rapport très critique sur le Service National Universel

Né d’une des promesses de campagne du candidat Macron lors des élections présidentielles de 2017, pour remettre en place un service national, le SNU a été lancé dès 2019, avec l’objectif d’atteindre, pour 2027, son plein potentiel.

SNU armées
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Toutefois, les objectifs de ce service national universel, tels que présentés initialement, se sont rapidement effacés face à la réalité d’intégrer une classe d’âge, soit 850 000 jeunes, à un dispositif général nécessitant des infrastructures, des moyens humains et des crédits qui n’existent pas.

Très tôt, le ministère des Armées a pris ses distances avec cette initiative, mettant en avant ses effectifs trop réduits et ses infrastructures bien trop limitées pour relancer une forme de service national obligatoire, comme durant la guerre froide.

C’est donc le ministère de l’Éducation Nationale qui récupéra la majeure partie du programme, alors que les objectifs évoluaient au gré de l’actualité et des attentes perçues de l’opinion publique. Ceux-ci se composent, aujourd’hui, d’un assemblage hétérogène d’objectifs souvent qualitatifs, comme « promouvoir la mixité sociale« , ou « améliorer la résilience de la Nation« , très difficiles, si pas impossibles, à quantifier.

Dès lors, aujourd’hui, même les personnes impliquées dans ce projet, peinent à en tracer les contours exacts. « Cette diversité d’objectifs a entretenu une incertitude sur l’ambition
et le sens du SNU, se traduisant par des attentes diverses et contradictoires
 » indique ainsi le rapport de la cour des Comptes. En outre, deux des principaux objectifs, la mixité sociale d’une part, et l’engagement de l’autre, ne sont pas atteints, de l’avis de l’institution, alors même que le SNU n’en est qu’à sa forme simplifiée et réduite, uniquement fondée sur le volontariat.

Enfin, la Cour de Comptes interroge sur l’avenir de ce programme, qui couterait aujourd’hui autour de 3 000 € par jeunes pour les seules Phase 1 et 2 (en dehors de la Phase 3 d’engagement, donc), alors que les budgets pour son extension, estimés de 3 à 5 Md€, ne sont pas sécurisés, et que la construction des infrastructures et les recrutements nécessaires, ne sont pas même planifiés.

… pendant que les armées peinent à recruter et fidéliser leurs effectifs

Le rapport de la Cour des Comptes sur le SNU, fait naturellement écho aux difficultés rencontrées par les Armées, non seulement pour accroitre, mais aussi pour simplement maintenir leurs effectifs, y compris pour ce qui concerne la Garde Nationale, ce d’autant qu’il s’agissait d’un de ses objectifs premiers, tel qu’imaginé initialement.

armee de terre odre serre
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En effet, en 2023, alors que les Armées devaient voir leurs effectifs croitre de près de 1.500 militaires d’active, celles-ci les ont vus, en fait, décroître de 2.500 militaires. Comme partout en Occident, les armées françaises souffrent de plusieurs maux concomitants, créant des tensions importantes dans le domaine des ressources humaines.

En premier lieu, elles peinent à recruter ou, plus précisément, à recruter les profils recherchés. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation de la technicité demandée aux militaires, quels qu’ils soient, les armées doivent désormais recruter des profils plus poussés et mieux formés, qui sont aussi activement recherchés par le marché du travail.

En outre, les contraintes de la vie militaire, même si elles se sont sensiblement améliorées ces dernières années, découragent beaucoup de jeunes, qui préfèrent se tourner vers des carrières dans le privé ou vers la fonction publique.

Enfin, la sédentarité croissante des populations, entrainent une nette augmentation des profils inaptes médicaux, même si, là aussi, les armées ont ajusté leurs exigences pour ne pas se retrouver face à un mur, dans certaines spécialités en particulier.

Non seulement ont-elles du mal à recruter, mais les armées voient aussi le taux de renouvellement des contrats baisser ces dernières années, spécialement à l’issue du premier engagement. L’appétence du privé, en particulier de l’industrie, pour les personnes formées par les armées, entraine une certaine hémorragie de certains profils, qu’il est difficile d’endiguer, ce qui fait peser une importante pression sur le format des armées, ainsi que sur les pyramides des grades et des âges, particulièrement difficiles à équilibrer.

Le modèle de la conscription choisie, appliqué par les armées scandinaves, séduit en Europe

Les armées françaises sont loin d’être les seules à rencontrer ces problèmes de ressources humaines. Au contraire, elles sont même parmi les armées européennes et occidentales, qui résistent le mieux à cette menace.

Conscription norvège
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Plusieurs solutions ont été mises en œuvre par celles-ci, comme l’attribution de très fortes primes à la signature d’un nouveau contrat au sein des armées US, en particulier pour les spécialités les plus en tension, comme les codeurs informatiques ou les pilotes.

La Norvège a été la première à mettre en œuvre une nouvelle forme de conscription, répondant précisément aux besoins de ses armées. Pas question, en effet, en Norvège comme ailleurs, de revenir à une conscription obligatoire généralisée, les armées n’ayant ni les moyens humains, ni matériels, et pas davantage les infrastructures et les moyens budgétaires pour cela, qui plus est dans une période de fortes tensions internationales, comme aujourd’hui.

Pour répondre aux besoins de ses Armées, Oslo s’est donc tourné vers une nouvelle forme de conscription, appelée conscription choisie : si la conscription demeure obligatoire pour toute la classe d’âge, comme pendant la guerre froide, elle ne concernera, dans les faits, qu’une partie de celle-ci, en fonction des besoins et des moyens des armées.

La sélection des conscrits ne se fait pas par tirage au sort, comme le Draft américain en temps de guerre, mais directement par les armées elles-mêmes, sur les dossiers scolaires et péri-scolaires des jeunes, ainsi que sur l’acte, ou non, de volontariat.

Boris pistorius en suède mai 2024
Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, s’est rendu en Suède en 2024 pour observer la Conscription choisie mise en oeuvre dans le pays.

Introduite en 2015, cette forme de conscription concerne, en 2024, autour de 9000 jeunes norvégiens, soit 10 % de la classe d’âge, tous ou presque des volontaires. En effet, dans le pays, la conscription est devenue un sésame précieux à la fin des études, pour justifier de son appartenance à une certaine élite, et les volontaires sont plus nombreux que les places disponibles.

La Suède et le Danemark ont mis en place, eux aussi, une forme conscription choisie dans les années ayant suivi l’exemple norvégien, avec des retours tout aussi prometteurs. D’autres pays européens, y compris l’Allemagne, envisagent désormais d’y avoir recours, pour renforcer les effectifs de leurs armées.

Doit-on investir les 3 à 5 Md€ du SNU dans une conscription choisie pour renforcer les effectifs des armées ?

La comparaison des deux modèles, le SNU français, d’un côté, la conscription choisie scandinave, de l’autre, ne plaide évidemment pas en faveur du premier. Non seulement la conscription choisie vise-t-elle des objectifs parfaitement identifiés, au bénéfice des armées et de la résilience nationale, mais elle s’inscrit dans un modèle parfaitement adaptable et maitrisé, qui en garantit la pérennité et l’efficacité, y compris budgétaire.

Se pose, alors, la question du bienfondé du SNU, une fois sa dimension purement symbolique et politique écartée, et surtout, de l’opportunité de le remplacer par une conscription choisie qui, elle, serait performante sur de nombreux aspects, y compris ceux qui, aujourd’hui, sont vaguement identifiés comme étant les objectifs du SNU.

24eme regiment d'infanterie garde nationale
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En effet, le SNU, dans sa forme actuelle, constitue un crible potentiellement efficace pour permettre aux armées de « choisir » les profils à retenir pour cette conscription d’une durée suffisante pour s’avérer efficace du point de vue militaire, c’est-à-dire au moins 10 à 12 mois.

Il constitue, en outre, le cadre adapté pour permettre aux armées de dialoguer avec la jeunesse, et présenter les fonctions du conscrit, une fois choisi, le cas échéant, de façon valorisante, avec l’objectif de créer, rapidement, la même dynamique volontaire que celle observée en Scandinavie.

Enfin, le budget prévu pour le SNU par la Cour des Comptes, de 3 à 5 Md€, s’avère largement suffisant pour le convertir en conscription choisie portant sur plusieurs dizaines de milliers de conscrits chaque année, y compris en tenant compte des infrastructures à construire pour cela, avec une progressivité des dépenses correspondant aux contraintes budgétaires françaises actuelles.

Les 3 atouts de la conscription choisie

Évidemment, un tel basculement ne se ferait pas sans résistance. De la part du ministère de l’Éducation nationale, d’abord, assez peu connu pour sa coopération apaisée avec les armées. Mais aussi de la part des militaires, eux-mêmes, qui, en dépit de leurs difficultés à recruter, expriment souvent leurs fortes réticences à devoir restructurer leurs forces pour former et encadrer des conscrits ne restant qu’une année sous les drapeaux. Ce fut aussi le cas concernant les réservistes pendant longtemps et jusqu’il y a peu, cela dit.

Pourtant, la conscription choisie offre des atouts significatifs, susceptibles de séduire jusqu’aux plus rétifs, une fois correctement définie et bordée.

Progressivité et adaptabilité de la montée en puissance des effectifs

L’atout premier de la conscription choisie, est qu’elle permet une montée en puissance progressive et maitrisée des effectifs, sans remettre en question son propre modèle. Chaque année, en effet, les armées expriment leurs objectifs de conscription en termes de profils quantifiés, en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs moyens, qu’il s’agisse de personnels d’encadrement et de service (administratif, santé…), d’infrastructures, ainsi que de moyens militaires.

recrutement armees
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La conscription choisie vise, en effet, à former des militaires efficaces, susceptibles d’être employés de manière opérationnelle le cas échéant. Les armées doivent donc, comme c’était le cas avec le service militaire historique, être en mesure de former et d’entrainer leurs recrues, ce qui suppose de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à cette mission, y compris les armements et équipements militaires.

Dans un contexte budgétaire contraint, l’acquisition et le déploiement de ces moyens, ne pourra être que progressif, ce qui exige que le nombre de conscrits le soit également, pour en optimiser l’efficacité.

Des volontaires au profil requis pour répondre aux besoins des armées

Le second atout de la conscription choisie, repose précisément sur sa spécificité, la sélection des profils. Cette fonctionnalité permet, aux armées, de retenir les profils qui répondent le mieux à leurs besoins, et qui seront les plus efficaces dans leurs fonctions, notamment en termes d’adaptation aux exigences militaires.

Dans ce domaine, le volontariat jouera un rôle déterminant, sans être absolu. Il convient, ainsi, de garder à l’esprit que le taux d’abandon, lors des premiers jours, ou des premières semaines, des contrats d’engagement dans les armées, sont souvent, si pas élevés, tout au moins significatifs.

infanterie
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Cette approche permet surtout d’écarter les profils qui poseront des problèmes d’adaptation, de disciplines ou de comportement, et viendront détériorer l’efficacité du dispositif lui-même, comme c’était fréquemment le cas dans les unités constituées de conscrits, dans les années 80 à 90, avant que le Service Militaire soit suspendu.

Renforcer la porosité entre la jeunesse et les armées pour améliorer le recrutement de l’active et de la Garde Nationale

Enfin, cette sélection contribuera, comme en Scandinavie, à créer un sentiment positif vis-à-vis des armées, qui contribuera lui-même à accroitre leur attractivité auprès des jeunes, en amont de la conscription, tout comme en aval, pour rejoindre l’active ou la Garde nationale.

Cette dimension tendra également à améliorer l’image des armées dans la société civile, tout en étendant sensiblement, une fois que le dispositif aura atteint son régime de croisière, la porosité entre ces deux entités qui forment la Nation.

Ce d’autant que, efficacement articulée, la sélection des conscrits pourra participer efficacement à l’objectif de mixité sociale, cher au SNU, tout en conservant une certaine dimension « d’élite », articulée non sur l’origine sociale ni même, exclusivement, sur les résultats scolaires, mais sur l’acte de volontariat, l’implication dans la vie de la société, et dans le respect des institutions.

Conclusion

On le voit, si le SNU, sans grande surprise, s’avère un dispositif décevant, peu efficace et consommateur de deniers publics, il peut, en revanche, être transformé avantageusement pour former le socle d’une conscription choisie qui, elle, répondrait à des besoins bien identifiés, au profit de la résilience des armées, et avec elles, de la Nation, dans un contexte sécuritaire international qui ne cesse de se détériorer.

presentation equipements armees aux jeunes
Le lieutenant Bertrand présente le métier d’opérateur de prise de vue en opération. Stand défense sur le salon européen de l’éducation, les 3 armées sont représentées pour informer ou recruter des étudiants. 21 novembre 2013 à Paris porte de Versailles.

Outre le renforcement immédiat des effectifs des armées, la conscription choisie permettrait, très probablement, d’améliorer le recrutement pour les postes d’active, comme c’était le cas du Service militaire précédent, ainsi que de la Garde Nationale, et ainsi accroitre la sécurité du pays.

Enfin, la conscription choisie peut participer à recréer un lien plus étroit entre les armées et la jeunesse, et après elle, avec une partie significative de la société civile, qui l’aura pratiqué de l’intérieur, pour mieux en comprendre le fonctionnement et les besoins, de sorte à redonner aux questions de Défense, la place qui devrait être la leur, dans le débat public et politique.

Pour autant, la conscription choisie, en ayant perdu son caractère universel faussement égalitaire, aura certainement du mal à convaincre, en France, une classe politique et une opinion publique arcboutée, parfois, sur certains grands principes déconnectés de la réalité, mais dont l’audience publique fait encore recette.

Article du 13 septembre en version intégrale jusqu’au 16 octobre 2024

Rafale, drone de combat, porte-avions… Budget 2025 : où vont aller les milliards des armées ?

Rafale, drone de combat, porte-avions… Budget 2025 : où vont aller les milliards des armées ?

https://www.challenges.fr/entreprise/defense/rafale-drone-de-combat-porte-avions-budget-2025-ou-vont-aller-les-milliards-des-armees_908405


Epargné par les coupes, même si des inconnues demeurent, le ministère des Armées va voir son budget augmenter de 3,3 milliards d’euros en 2025, conformément à la loi de programmation militaire. Futur porte-avions, drone de combat UCAV, Rafale… Gros plan sur les équipements livrés et commandés.

Vue d'artiste du porte-avions de nouvelle génération (PANG).

Vue d’artiste du porte-avions de nouvelle génération (PANG). Le lancement officiel de ce programme de plus de 10 milliards d’euros est prévu en 2025 – Naval Group / Chantiers de l’Atlantique / TechnicAtome

L’essentiel est sauf. C’est le sentiment largement partagé dans les armées à l’annonce des arbitrages du projet de loi de finances (PLF) 2025. Comme prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM), le budget de défense, si le PLF est adopté, va augmenter de 3,3 milliards d’euros l’année prochaine, à 50,5 milliards d’euros. Un effort conséquent, d’autant plus marquant qu’il tranche avec le régime sec imposé à d’autres ministères. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu assume sans ciller. « Pourquoi la défense ne fait-elle pas l’objet de coups de rabot ? Les efforts ont déjà eu lieu, assurait le ministre le 14 octobre devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale. Je rappelle les chiffres : 54.000 postes supprimés [de 2008 à 2013, NDLR], un régiment sur deux de l’armée de terre et 11 bases aériennes fermées. »

Comment vont se répartir ces milliards de la défense ? Les deux tiers de l’effort (31,3 milliards) portent sur les équipements. La masse salariale représente 27 % du budget (13,6 milliards). Le reste se répartit entre les coûts de fonctionnement (4,8 milliards) et la provision destinée à financer les opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (Missint). Cette dernière passe de 800 millions d’euros en 2024 à 750 millions en 2025.

Près de 6 milliards pour la dissuasion

Comme chaque année, la dissuasion reste un des postes majeurs de dépenses. L’investissement dans le nucléaire atteindra 5,8 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 500 millions d’euros. L’année 2025 verra notamment le lancement du programme de la nouvelle version du missile nucléaire stratégique M51 embarqué sur les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), dite M51.4, prévue pour le milieu des années 2030.

L’investissement dans la future génération de sous-marins lanceurs d’engin, dite SNLE 3G, monte également en puissance. La première tôle du premier exemplaire a été découpée en mars dernier sur le site Naval Group de Cherbourg. Le ministère des Armées a prévu d’investir 752 millions d’euros en 2025 sur ce programme, vers lequel sont fléchés 12.9 milliards d’euros en tout. Le premier SNLE 3G, qui pourrait atteindre 150m de long et un poids de 15.000 tonnes (trois fois le poids des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Suffren), doit entrer en service en 2035. La livraison du dernier des quatre engins est prévue en 2050.

821 millions d’euros fléchés vers le drone de combat

2025 sera également l’année du lancement officiel du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG), un géant de 75.000 tonnes qui doit succéder au Charles de Gaulle (42.000 tonnes) à l’horizon 2038. Selon les annexes du PLF 2025, 10,9 milliards d’euros doivent être investis dans ce projet, dont 224 millions sur l’année 2025.

L’année 2025 va aussi la montée en puissance de l’investissement dans le Rafale F5, la future version connectée du chasseur français, et du drone de combat qui l’accompagnera à l’horizon 2030. Ce drone va faire l’objet, selon les annexes du projet de loi de finances, d’un investissement de 821 millions d’euros, qui s’étalera sur les prochaines années avec une montée en puissance progressive (55 millions en 2025, 190 en 2026).

500 millions pour le système sol-air SAMP/T NG

Les autres grands agrégats du budget de défense reflètent les priorités du ministère : 1,9 milliard d’euros dédié aux munitions, un chiffre en hausse de 400 millions ; 700 millions d’euros pour le spatial, avec notamment la mise en orbite, prévue en décembre, du satellite espion CSO-3 ; 450 millions d’euros pour les drones et robots ; 400 millions d’euros pour les forces spéciales ; 500 millions d’euros pour la défense sol-air (système SAMP/T NG), 500 millions pour le renseignement, 300 millions pour l’IA, 300 millions pour le cyber, et 265 millions pour la fidélisation des militaires et civils du ministère, un des chantiers majeurs de l’hôtel de Brienne.

Ces investissements importants se retrouvent dans les livraisons d’équipements attendues en 2025. Parmi les principales, le ministère attend la livraison de la frégate FDI Amiral Ronarc’h, 2 Atlantique 2 rénovés, de 14 Rafale et 12 Mirage 2000D rénovés, d’un ravitailleur A330 MRTT et un avion de transport A400M, de 6 hélicoptères Tigre HAD, mais aussi de 308 véhicules Scorpion (Serval, Griffon, Jaguar), 28 véhicules légers et 30 poids lourds dédiés aux forces spéciales, de 8.000 fusils d’assaut HK416, ainsi que de lots de torpilles lourdes F21, des missiles Exocet, Scalp et Akeron MP.

Côté commandes, outre le contrat pour le porte-avions de nouvelle génération, le PLF prévoit la commande d’une frégate FDI, de missiles Mistral, Scalp, Mica, Meteor, Akeron MP mais aussi de camions-citernes et de bâtiments hydrographiques de nouvelle génération.

700 créations de postes

L’entraînement et la maintenance bénéficient également largement de la hausse des crédits. 7,8 milliards d’euros seront consacrés à la préparation et l’emploi des forces (+ 364 millions), et 5,9 milliards d’euros au maintien en condition opérationnels des matériels.

Les RH montent également en puissance : le ministère prévoit de créer 700 postes sur l’année 2025, dont 194 dans l’IA et le numérique, 119 dans les fonctions de soutien, 170 pour la DGSE, et une soixantaine pour la dissuasion (Direction des applications militaires du CEA). Les effectifs devraient atteindre 271.100 agents, dont trois quarts de militaires et un quart de civils.

OPEX et gels de Bercy, les deux inconnues

Dans ce panorama plutôt réjouissant pour les armées subsistent quand même quelques incertitudes majeures. La première, c’est le sort des quelque 2,6 milliards d’euros de crédits gelés par Bercy sur l’exercice 2024. Sébastien Lecornu a souligné, devant le Sénat et l’Assemblée nationale, que les crédits mis en réserve avaient toujours été dégelés les années précédentes. Si ce n’était pas le cas cette année, l’hôtel de Brienne entamerait 2025 avec une sorte de déficit de 2,6 milliards d’euros, qui obérerait d’autant la hausse prévue du budget.

L’autre incertitude réside dans le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et intérieures de l’année 2024. La provision de 800 millions d’euros destinée à financer ces opérations sera, à l’évidence, insuffisante pour couvrir tous les coûts assumés par l’armée. Les déploiements en Roumanie (mission Aigle) et en Estonie (Lynx) coûtent cher : le coût de la mission Aigle avait été estimé à 700 millions d’euros en 2022 par le sénateur Dominique de Legge, rapporteur spécial des crédits de défense.

L’effort financier des armées pour la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris était quant à lui estimé entre 300 et 400 millions d’euros par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense le 15 octobre.

300 millions d’avoirs russes récupérés

Selon la LPM, le surcoût OPEX, s’il dépasse la provision annuelle inscrite en loi de finances, est pris en charge par un effort interministériel, à due proportion des budgets respectifs des ministères. Si cet engagement n’était pas tenu, ce sont plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses imprévues que devrait honorer le ministère.

Ce dernier bénéficie certes de la baisse de l’inflation, qui lui permettra d’économiser 400 à 600 millions d’euros sur l’année 2024, selon Sébastien Lecornu. Mais cette somme a été fléchée, de même que les 300 millions d’euros issus des intérêts des avoirs russes gelés, vers l’aide à l’Ukraine. En cas de mauvaise surprise, l’hôtel de Brienne devra trouver les fonds ailleurs.

Réserves : les 14 recommandations du Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire

Réserves : les 14 recommandations du Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire


Le HCECM, Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire, présidé par la conseillère d’état Catherine de Salins et dont l’un des membres est le général de corps d’armée (2S) de Gendarmerie Jean-Marc Descoux, consacre son 18ème rapport aux réserves. L’instance a remis dernièrement son rapport au président de la République. Le Haut comité qui passe en revue dans le détail le dispositif des réserves militaires formule quatorze recommandations.

En préambule de ce rapport très complet, le HCECM rappelle que la France a un objectif ambitieux : porter le nombre de réservistes du ministère des Armées à 80 000 d’ici à 2030 puis 105 000 en 2035, et atteindre un effectif total de 50 000 réservistes dans la gendarmerie nationale en 2027.

Ce renforcement ne se limite pas à une simple augmentation quantitative, il répond à la volonté de mieux préparer et d’intégrer ces forces de réserve dans la défense active de la nation. Les réservistes jouent un rôle croissant dans la défense nationale” écrit le Haut comité dont le rapport “vise à guider les actions futures pour assurer que la réserve française puisse répondre pleinement aux exigences des conflits modernes, tout en restant un exemple des valeurs de notre République.”

Parmi celles-ci, l’amélioration de la connaissance des activités civiles des réservistes, la garantie des moyens alloués aux réserves par la Loi de programmation militaire, une meilleure représentativité des réservistes dans le cadre du dispositif de la concertation, la formalisation et la mise en œuvre de parcours de carrière des réservistes dans une politique de ressources humaines sur le long terme, une réflexion relative au régime de défraiement des réservistes, la confirmation de l’exonération fiscale qui est appliquée à la solde des réservistes, pour toutes les catégories hiérarchiques et pour tout type d’activités, la mise en œuvre de mesures visant à mieux valoriser l’engagement des cadres de la réserve, soit par une mesure nouvelle, soit par le biais de la prime de compétence et de responsabilité des militaires (PCRM) ; recommande d’encourager l’emploi de tous les leviers existants en termes de reconnaissance, notamment en invitant plus largement les réservistes à participer aux activités de tradition et de cohésion des unités, et en améliorant l’information relative à l’accès à l’honorariat du grade.

Revoir à la hausse le contingent d’ordres nationaux pour les réservistes

Par ailleurs, Le Haut comité préconise l’évolution des règles relatives au contingentement des ordres nationaux pour prendre en compte la montée en puissance des réserves et l’évolution du ratio réserve/active.

Recommandation 1

Le Haut Comité recommande d’améliorer la connaissance des caractéristiques des réservistes, en particulier leur activité professionnelle civile (secteur d’activité, employeur, etc.), notamment afin de garantir leur employabilité en cas de mobilisation.
Par ailleurs, il préconise de systématiser les entretiens lors des départs pour identifier les principales causes d’insatisfaction qui les motivent, et de mettre en œuvre de manière plus régulière des sondages du moral des réservistes pour mesurer l’évolution de leur condition militaire et adapter en conséquence les politiques RH, avec une procédure adaptée à leurs spécificités, et notamment à leur présence intermittente dans les unités (sondage internet via ROC et Minot@ur). Les modalités de ces enquêtes doivent permettre de mieux identifier les disparités relatives aux différentes « familles » de réservistes (ab initio, anciens d’active).

Recommandation 2

Le Haut Comité recommande de garantir dans la durée, dans une logique pluri-annuelle, les moyens alloués à la réserve opérationnelle tels que prévus par la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, aussi bien en ce qui concerne la masse salariale que pour les autres natures de crédits qui participent directement à la condition militaire des réservistes : formation, équipement individuel et collectif, hébergement, infrastructures, systèmes d’information, etc.

Recommandation 3

Le Haut Comité recommande de rechercher les pistes de fluidification du parcours de recrutement. En particulier, le passage des visites médicales d’aptitude en dehors du SSA pourrait être une piste à exploiter afin de permettre aux réservistes de réaliser ces visites à proximité de leur lieu de domicile, et de soulager les tensions qui pèsent sur le SSA. L’utilisation de médecins réservistes en dehors de leurs périodes d’activité ou d’anciens praticiens d’active appartenant à la RO2 pourrait être envisagée.

Recommandation 4

Le Haut Comité recommande l’édition d’un « memento du réserviste » pour améliorer l’information relative aux modalités du soutien, de la gestion « ressources humaines », des droits individuels (retraite, etc.), ou encore des prestations sociales auxquelles peuvent prétendre les réservistes opérationnels. De même, les obligations de disponibilité qui s’imposent à eux devraient être rappelées. Ce memento devra porter une attention particulière à l’accessibilité des informations et être diffusé à tous les réservistes à échéances régulières pour rester à jour des évolutions de ces modalités.

Recommandation 5

Le Haut Comité recommande, dans le cadre des travaux portant sur le système de concertation des réservistes, de garantir que celui-ci permette la bonne représentativité de tous les réservistes, et en particulier des réservistes directement issus de la société civile, et de prévoir une bonne articulation avec les CFM d’armée et le CSFM.

Recommandation 6

Le Haut Comité recommande de revoir les modalités de pilotage budgétaire de la masse salariale « réserves » en veillant à une plus grande responsabilisation des employeurs de réservistes, pour leur garantir les ressources annuelles à leur disposition, et ainsi donner plus de visibilité aux réservistes sur leur niveau d’emploi.

Recommandation 7

Le Haut Comité recommande de poursuivre la formalisation et la mise en œuvre de parcours de carrière des réservistes dans une politique RH sur le long terme, qui devrait prendre en compte les spécificités des réservistes (temps partiel, disponibilité fluctuante, conciliation avec l’activité professionnelle civile).

Ces parcours pourraient proposer plus de passerelles vers et depuis l’active, veiller à mieux valoriser les cadres de la réserve, et envisager des moyens de garder un lien entre l’institution et les anciens réservistes pour permettre une réintégration dans la réserve à des moments plus propices.

Par ailleurs, afin de responsabiliser les réservistes eux-mêmes dans l’élaboration de leur parcours de carrière, le Haut Comité recommande de redynamiser la « bourse aux emplois de la réserve » en s’appuyant sur les SI ROC et Minot@aur afin qu’ils puissent être mieux informés des opportunités de changer de poste au sein de la réserve. Ces propositions pourraient également être accessibles dès l’étape de la candidature à l’engagement dans la réserve, pour permettre aux candidats de mieux s’orienter.

Enfin, cette modularité accrue des parcours de réservistes devrait s’accompagner d’une plus grande exigence pour garantir un engagement minimal annuel, nécessaire pour que l’investissement des armées, notamment dans leur formation, soit rentabilisé.

Recommandation 8

Le Haut Comité recommande :

de garantir que les réservistes bénéficient effectivement des droits qui leur sont ouverts enmatière de droits financiers, notamment en matière d’avancement d’échelon ;

  • de lancer une réflexion relative au régime de défraiement des réservistes (frais de transport, repas, etc.) tenant compte des particularités de leur engagement afin de mettre en place unrégime spécifique plus adapté aux sujétions qu’ils subissent ;
  • de se saisir du problème des délais excessifs de versement de la solde des réservistes du ministère des armées en mettant en œuvre des mesures techniques et organisationnelles permettant de garantir à tout réserviste que sa solde lui sera versée dans un délai raisonnable.

Recommandation 9

Le Haut Comité recommande de confirmer l’exonération fiscale qui est appliquée à la solde des réservistes, pour toutes les catégories hiérarchiques et pour tout type d’activités, qui représente une juste compensation des sujétions auxquelles sont soumis les réservistes.

Recommandation 10

Le Haut Comité recommande de faire évoluer les droits à indemnités spécifiques pour les réservistes afin de mieux prendre en compte les particularités de leur engagement, en prévoyant :

la création d’une avance de solde avant déploiement en opération, sur le modèle de l’avance de solde avant affectation à l’étranger (versement d’un mois de solde 45 jours avant le départ, puis régularisation) ;

la mise en œuvre de mesures visant à mieux valoriser l’engagement des cadres de la réserve,soit par une mesure nouvelle, soit par le biais de la prime de compétence et de responsabilitédes militaires (PCRM) ;

la mise à jour des conditions d’attribution de la participation au financement du permis deconduire (PERMRES) ou sa suppression au profit d’une autre mesure d’attractivité plus pertinente.

Recommandation 11

Le Haut Comité recommande d’encourager l’emploi de tous les leviers existants en termes de reconnaissance, notamment en invitant plus largement les réservistes à participer aux activités de tradition et de cohésion des unités, et en améliorant l’information relative à l’accès à l’honorariat du grade.Par ailleurs, les règles relatives au contingentement des ordres nationaux pourraient évoluer pour prendre en compte la montée en puissance des réserves et l’évolution du ratio réserve/active.

Recommandation 12

Le Haut Comité recommande :

–  de mieux identifier les compétences que les réservistes ont acquises dans leur carrière civile et la valeur ajoutée qu’elles peuvent apporter aux armées ;

–  de mieux recenser et formaliser l’acquisition de compétences dans la réserve, afin de les mettre plus à profit au sein des armées et de les valoriser auprès des employeurs civils.
La mise en œuvre de cette recommandation pourra utilement profiter des évolutions des systèmes d’information dédiés à la réserve.

Recommandation 13

Afin d’améliorer le soutien à l’engagement dans la réserve par les employeurs civils des réservistes, le Haut Comité recommande :

d’améliorer l’information générale qui leur est délivrée sur les obligations qui s’imposent à eux, mais aussi sur les droits, incitations et accompagnements dont ils peuvent bénéficier, et, enfin, sur les bénéfices apportés par les activités de réserve au sein d’une carrière civile (acquisition de compétences, savoir-être, etc.); pour les employeurs publics, cette information pourrait faire l’objet d’une mise à jour de la circulaire du Premier ministre de 2005 relative à l’emploi d’agents publics au sein de la réserve militaire ;-  de systématiser, sauf demande expresse du réserviste à l’autorité militaire, l’envoi d’une lettre personnalisée vers les employeurs de nouveaux réservistes, à la signature de l’ESR ;-  de développer la stratégie partenariale du secrétariat général de la garde nationale dans deux directions complémentaires : au niveau central via les conventions de branches professionnelles, et au niveau local via les officiers généraux de zones de défense et de sécurité.

Recommandation 14

Afin d’améliorer le niveau de protection sociale dont bénéficient les réservistes, le Haut Comité recommande :

–  de prendre en compte la situation particulière des réservistes dans les travaux sur le volet « prévoyance » de la protection sociale complémentaire ;

–  de garantir par tous les services instructeurs la bonne application du régime de réparation intégrale du préjudice subi à la suite d’une blessure ou maladie imputable au service ;

–  de renforcer l’information diffusée auprès des réservistes, par exemple via le site internet de la Maison numérique des blessés et de leurs familles (MNBF) et les SI ROC et Minot@ur, afin de garantir qu’ils sont conscients des conséquences que peuvent entraîner une blessure ou une maladie survenue à l’occasion de leurs activités dans la réserve dans tous les aspects patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Chiffres clés

73 624 réservistes opérationnels de 1er niveau (RO1) dans les armées et la Gendarmerie nationale
au 31 décembre 2023 dont 53,7 % issus directement de la société civile (ab initio), 34,1 % d’anciens militaires d’active et 12,1 % d’anciens appelés du contingent.

93 199
réservistes opérationnels de 2niveau (RO2)

6 523
réservistes citoyens 
de défense et de sécurité

23,1 % taux de féminisation de la RO1 contre 18,5 % pour les militaires d’active

5 670 réservistes employés en moyenne chaque jour dont 3 648 au ministère des armées et 2 022 dans la Gendarmerie nationale

13 % : taux de réservistes opérationnels de 1er niveau non employés en 2023

Composition du HCECM

Présidente : Catherine de Salins, conseillère d’État, présidente adjointe de la section de l’administration du Conseil d’État

Vice-président : Terry Olson, conseiller d’État, président de la Cour administrative d’appel de Versailles

Membres :

Isabelle Delarbre, ancien cadre dirigeant chez Renault et TotalEnergies

Élisabeth Grosdhomme :dirigeante de Paradigmes et cætera, société d’étude et de conseil spécialisée en prospective et innovation

Yves d’Hérouville : Président de l’Institut des dirigeants d’associations et fondations

Cécile Wendling : dirigeante de Pan-or-amiques, société de conseil en prospective, et chercheuse associée au Centre de sociologie des organisations (CNRS-Sciences Po Paris).

Jean-Luc Tavernier: directeur général de l’Insee (membre de droit), représenté par Alain Bayet : directeur de la diffusion et de l’action régionale et coordinateur des directeurs régionaux, chef de l’inspection générale de l’Insee

Général d’armée aérienne Éric Autellet, ancien major général des armées

Général d’armée (2e section) Éric Bellot des Minières, ancien inspecteur général des armées – Terre

Général de corps d’armée (2e section) Jean-Marc Descoux, ancien commandant de la gendarmerie outremer

Secrétaire général : contrôleur des armées Vincent Berthelé

Rapport du HCEM