Pourquoi déployer un hôpital de campagne en Alsace prend-il du temps?
En Espagne, où, selon les derniers chiffres, l’épidémie de Covid-19 a fait plus de 800 morts [pour 18.000 malades], le gouvernement conduit par Pedro Sanchez a été la cible des critiques pour avoir dissous, en juin 2019, l’unité chargée de mettre en oeuvre l’Agrupación Hospital de Campaña [AGRUHOC], un hôpital de campagne de rôle 2 qui, acquis en 2007 pour 27 millions d’euros, comptait près d’une centaine de lits, plusieurs salles d’opérations, une unité de soins intensifs et des laboratoires d’analyse.
Pourtant, si elle semble aujourd’hui mal avisée, cette décision avait été motivée par un constat : les coupes budgétaires appliquées aux forces armées espagnoles avaient « sapé » les capacités de cette structure, l’argent ayant manqué pour en assurer son entretien. Seulement, comme cet AGRUHOC avait été conçu pour faire face aux menaces NRBC [nucléaire, radiologique, biologique, chimique], la polémique n’en a été que plus forte en Espagne, étant donné qu’une telle structure ferait besoin actuellement.
Quoi qu’il en soit, le 16 mars, le président Macron a annoncé qu’un hôpital de campagne allait être mis en œuvre par le Service de Santé des Armées [SSA] en Alsace, afin de soulager les hôpitaux de la région Grand-Est, qui l’un des deux plus touchées en France, avec l’Île-de-France. On pouvait penser que ce déploiement était imminent… Ce qui n’a pas été le cas : en effet, il ne suffit pas de claquer des doigts pour mettre en place une telle structure pour une mission bien éloignée de la médecine de guerre.
Directrice du Groupement hospitalier de Mulhouse Sud Alsace, Corinne Krencker a confié à France Bleu que cet hôpital de campagne ne serait pas disponible avant le 27 mars… Ce que n’a pas confirmé le ministère des Armées, qui a parlé d’une attente de « quelques jours » pour que cet « Élément Militaire de Réanimation du SSA [|EMR-SSA], d’une capacité de 30 lits de réanimation, le soit effectivement.
Dans son compte-rendu hebdomadaire des opérations, l’État-major des armées [EMA] a donné les raisons de ce délai. Ainsi, cet EMR-SSA est une « capacité specifique » du Régiment Médical [RMED] de l’armée de Terre qui sera « armée par du personnel » de cette unité et du SSA.
Dans un premier temps, selon l’EMA, ce dernier a dû être envoyé à Chanteau, près d’Orléans, auprès de la Direction des approvisionnements en produits de santé des armées [DAPSA] afin de « procéder à la préparation de l’infrastructure. »
En effet, l’EMR qui sera installé près de l’hôpital de Mulhouse n’existe pas « en tant que tel » au sein des armées. En clair, il s’agit de le créer « à partir des éléments qui sont normalement maintenus en réserve pour constituer les antennes médico-chirurgicales en opérations extérieures, pour des actes de soins lourds qui nécessitent une configuration différente de ces matériels », explique l’EMA.
Aussi, cela suppose de récupérer le matériel là où il est stocké pour les besoins des opérations extérieures et de le reconfigurer. Ensuite, il faudra élaborer, mettre en place et tester la structure d’accueil pour, souligne l’EMA, un « cas très particulier qui consiste à gérer des patients atteints d’une pathologie grave et extrêmement contagieuse. »
En tout cas, les personnels du RMED et du SSA font aussi vite que possible… Ce 20 mars, la ministre des Armées, Florence Parly, a en effet annoncé que cet EMR était en route vers Mulhouse. « Merci à tous les personnels engagés pour assurer cette opération logistique complexe », a-t-elle dit.
Quoi qu’il en soit, des leçons seront à tirer de cette crise sanitaire… Mais sans attendre, l’Agence de l’Innovation de la Défense a lancé un appel à projets pour des solutions innovantes afin de lutter contre l’épidémie en cours. Et parmi les domaines qu’elle a retenus, la « facilitation du déploiement d’hôpitaux de campagne en soutien aux populations » y figure en bonne place.